Le Grand Jeu
Ville de Seikusu, Kyoto, Japon, Terre => Centre-ville de Seikusu => Le quartier de la Toussaint => Discussion démarrée par: Hisae Mori le vendredi 05 juin 2009, 13:40:00
-
Vendredi soir, 01h58.
- Je te laisse t'occuper de tout, à demain !!
Je soupirais. Shinji était ainsi. Il avait beau être le patron il aimait toujours laisser certaines de ses responsabilités à ses employés, d'autant plus à moi. Je savais qu'il me faisait confiance, même un peu trop. Il se comportait toujours comme s'il était mon grand frère. Mais parfois, il avait le don de me taper sur le système. Pas juste à cause du fait de me laisser seule à une heure si tardive mais surtout à être trop protecteur ou trop sur mon dos. La soirée n'était pas encore finie, j'étais la dernière et je devais terminer de remettre le bar en état avant sa réouverture le lendemain matin. Après le départ de Shinji, j'avais verrouillé la porte d'entrée à travers laquelle, la nuit noire qui avait envahie la ville foutait la chair de poule, bien que j'en eu l'habitude. Il ne me restais plus que les poubelles à sortir avant d'avoir finit ma soirée.
A l'arrière du magasin, j'appuyai de mon index sur chacun des cinq interrupteurs qui géraient les lumières du café. Cinq claquement d'un son grave qui plongèrent la grande salle dans un noir complet. Seuls les néons fluos de l'antique jukebox auquel mon patron tenait tant éclairaient encore faiblement. Je fermais la porte laissant échapper à nouveau un soupir. J'étais las. Heureusement que je n'avais pas cours le lendemain. J'avais travaillé toute soirée de 18 à 2h00 du matin, assurant mon propre service ainsi que celui Min, une jeune femme qui s'était envolée la veille en lune de miel. Grrr, son mec m'avait toujours dégoûté et je regrettais cette erreur pour elle.
L'arrière boutique était composée de la réserve, d'une chambre froide, d'une petite cuisine mais aussi du vestiaire des employés aussi connu pour être le lieu de détente par excellence lorsque l'ambiance du café est explosive. Tout était blanc, les murs étaient blancs, le plafond était blanc, le sol était blanc. Seul le mobilier mettait de la couleur. A droite de la porte était installé un grand canapé noir en cuir un peu usé de partout à cause du temps mais toujours aussi confortable après toutes ces années. Devant lui, une table basse en verre soigneusement posée au milieu d'un tapis aux cercles multicolores. Dans un coin, une dizaine de casiers de couleur vert anis dont chaque porte (ou presque chaque) avait été personnalisée par son possesseur. Généralement des lycéennes, comme moi, ou étudiantes qui bossaient à mi-temps. A gauche de la rangée de casier, une porte qui donnait sur des WC. Une petite pièce plutôt sombre meublée d'un trône, même si rien de bien majestueux, d'un lavabo et d'un miroir.
On étouffait ici, ça sentait une sale odeur de tabac froid. Avant de sortir ces gros sacs noirs remplis d'ordure et dont une forte odeur de café me titillait le nez, je vidai les cendriers réservés aux employés. Il y avait des jours où j'avais vraiment l'impression de toujours devoir passer derrière eux. J'ouvrais à présent la porte de métal qui donnait sur une ruelle derrière le café, là où je devais déposer les poubelles jusqu'au passage des éboueurs le lendemain matin. Il faisait très sombre et à peine j'eus mis le nez dehors que le vent se leva et qu'il se mit à pleuvoir averse. Je soupirais de plus belle et courrai me mettre à l'abri, sous le porche qui recouvrait l'entrée. Je me dis qu'aérer l'arrière boutique serrait une bonne idée et laissai alors la porte grande ouverte, m'installant lentement sur la petite marche pour attendre que l'oxygène devienne plus respirable à l'intérieur.
Le vent était froid et avec ma tenue, j'avais plutôt hâte de rentrer chez moi pour me changer. Shinji avait été clair, "Si tu veux bosser ici, faudra te plier aux règles sinon reste pas là. Va me mettre ça.". Une tenue propre au café/bar The Snake. On portais toutes la même chose, une paire de baskets blanches, un short en jean et un tee-shirt blanc sur lequel était imprimé les initiales de l'établissement ainsi que son logo, un serpent enroulé autour d'un blason. Bien que ce dernier différent, cette image m'avait toujours fait repenser au sceau qui se trouvait sur le cachet de la lettre. C'était peut-être pour ça que je m'étais pliée à travailler ici. Ça me rappelait mes origines.
Mes jambes repliées et mes bras les entourant je regardais les lampadaires plus loin qui illuminait d'un ton orangé une petite parcelle de béton. Je n'entendais que la pluie qui s'abattait par terre et qui dévalait les gouttières pour couler au fin fond des égouts puis des pas. Des pas rapides qui venaient en cette direction. Quelqu'un courrait jusqu'ici. Bizarrement, j'eus le cœur qui se mit à battre frénétiquement. Avais-je peur ? Mon regard restait fixé sur le bout de la rue, étroite et embrumée. Elle s'étalait sur une vingtaine de mètres, sans habitation. Les bruits de pas qui faisait jaillir l'eau de ses flaques étaient de plus en plus près puis il était là, assaillit par la pluie.
Une ombre se démarqua du fin brouillard, surement un homme. Il était loin et je ne pouvais distinguer d'autres détails. J'étais intriguée, curieuse de savoir qui s'était mais à la fois un peu paniquée. Que faisait-il là ? M'aidant du tour de la porte, je me redressais puis restait dans l'encadrement, l'observant et serrant mon poing droit, me préparant à une éventuelle menace de ce dernier.
-
Merde, merde, merde, dix fois merde, cent fois merde, mille fois merde ! Comment les choses avaient pu en arriver à un point pareil, et surtout, pourquoi fallait-il que ça arrivât à quelqu’un comme lui qui était loin d’avoir un karma digne de se faire asséner de semblables coups du sort ? Comme s’il s’était agi du prix à payer déterminé par une cruelle divinité du destin pour avoir passé un si agréable moment avec Naysha, il n’avait rencontré que des déboires depuis qu’ils avaient chacun repris leur chemin propre : au premier abord, l’ambiance nocturne avait paru de nature à jouer en sa faveur pour qu’il fît preuve d’un maximum de discrétion, mais il avait vite fallu être réaliste ; quand on avait le physique d’une créature de cauchemar et qu’on faisait au bas mot un demi mètre de plus qu’un humain lambda, on ne pouvait pas passer inaperçu même en faisant preuve des précautions les plus grandes, et cela s’était vérifié lorsqu’il était tombé au détour d’une rue sur un type qui s’était avéré être un policier en civil à la façon dont il s’était saisi d’un émetteur pour beugler un appel aux renforts avant de sortir une arme à feu de laquelle il n’avait pas hésité à l’arroser copieusement. Bien évidemment, Saïl n’avait pas attendu que le représentant des forces de l’ordre eût fini de murmurer des mots doux à ses confrères et s’était empressé de déguerpir de toute la force de ses quatre pattes, circulant à une vitesse folle à travers les rues heureusement désertes… pour finir par tomber pile sur l’endroit qu’il aurait fallu éviter à tout prix compte tenu des circonstances : un commissariat de police dont les occupants étaient justement en train de se mettre sur le pied de guerre et qui n’avaient pas pris le temps de se poser des questions pour le mettre en joue et déchaîner un barrage de balles sur lui tout en lâchant des chiens à sa poursuite ; les plus gros molosses qu’il eût jamais vu et qui étaient sans aucun doute capables de déchiqueter sans pitié un être humain si on leur en donnait l’ordre.
Khral n’avait rien d’un être humain ordinaire, et il aurait pu faire de la chair à saucisse de ces sales bêtes avant de déchaîner son ire sur leurs maîtres, mais étant aussi enclin à la violence qu’on le sait, il n’avait fait ni une ni deux avant d’opérer un demi tour rapide et de reprendre sa fuite éperdue en sens inverse, blessé superficiellement ça et là par les projectiles qui sans mettre ses jours en danger piquaient tout de même salement, traqué par ces fichus clébards qui aboyaient à qui mieux mieux en le pourchassant avec une espèce d’enthousiasme féroce et cruel. Très vite, il lui était apparu qu’à moins de vouloir résoudre la situation par un carnage qui l’aurait certainement hanté pour le restant de ses jours, la seule solution était de se trouver un camouflage digne de ce nom, sauf bien sûr s’il avait la chance de tomber sur un portail en cours de chemin… mais évidemment, la chance n’était pas de son côté cette nuit-là, aussi il avait fallu faire avec les moyens du bord pour improviser quelque chose. Saïl était quelqu’un de très intelligent, et auquel peu de problèmes résistaient, mais dans le cas présent, le fonctionnement de son cerveau était fâcheusement entravé par le puissant sentiment d’urgence et de danger qui lui vrillait l’esprit ainsi que par la poussée d’adrénaline qui l’avait rendu fébrile et apeuré : par la force des choses, celui qui était d’ordinaire un chasseur s’était vu forcé d’être relégué au rang de chassé, et même s’il avait réussi à distancer ses poursuivants, il se doutait que les imposants canidés avaient la truffe exercée à le repérer à l’odeur et à remonter sa piste jusqu’à l’autre bout de la ville si nécessaire. Son cas lui apparaissait de plus en plus critique, et à ce rythme, il sentait qu’il allait tôt ou tard commettre une bourde qui le renfoncerait dans le pétrin jusqu’au cou : un dérapage infortuné, une rencontre malchanceuse, un mouvement incontrôlé, etc, et ç’aurait été le début de la fin !
En fin de compte, au détour d’une ruelle, alors qu’il s’accordait quelques secondes pour réfléchir étant donné qu’il n’entendait même plus les aboiements des chiens malgré son ouïe affûtée, une possibilité d’échappatoire lui apparut sous la forme d’une odeur qui paraissait l’appeler implicitement ; celle, délicate mais hardie, d’une personne de sexe féminin manifestement encore juvénile, et qui pourrait peut-être se faire l’ange de son salut : à en juger par l’immobilité tranquille qu’elle observait apparemment –aucune fragrance propre à la peur dans le parfum qu’elle dégageait-, elle se trouvait en territoire connu, et si elle pouvait lui accorder le bénéfice de cet avantage, il était possible qu’il tînt là sa porte de sortie. Toutefois, il était bien entendu hors de question qu’il se montrât sous une forme qui aurait davantage été de nature à faire rejoindre à la jeune fille le camp de ses détracteurs qu’à en faire une alliée… l’idée ne lui plaisait pas, mais pour montrer patte blanche, il allait falloir qu’il eût à nouveau recours à l’Humanis Simplex en espérant que les résultats seraient aussi heureux que la dernière fois qui avait été aussi la première : décidément, pour un scientifique, on pouvait dire qu’il menait ses expérimentations sur le terrain !
Sans perdre une seule seconde, il plongea les deux mains dans son pagne aux poches si familières, la droite en ressortant vite fait bien fait munie d’une seringue remplie d’un liquide jaune clair et la gauche serrant des racines enchevêtrées formant une boule de la taille du poing d’un enfant qu’il se fourra sans tarder dans la bouche pour mâcher précipitamment en faisant abstraction de son goût qui pouvait facilement être qualifié de « dégueulasse ». Il s’agissait là de ce qu’il avait baptisé de la Catalystise faute d’une meilleure inspiration, car il avait remarqué que le suc qu’elle contenait agissait comme un catalyseur capable d’exalter les principes actifs d’un produit et d’en démultiplier les effets ; ce qui, traduit vulgairement, voulait dire que l’effet de l’Humanis Simplex durerait plus longtemps, les quinze minutes qu’avaient représenté sa période de retour à une forme humaine précédente s’avérant pour le cas présent insuffisantes pour avoir le temps d’inspirer confiance à sa nouvelle rencontre avant que ses caractères lupins ne resurgissent. Il ne pouvait exactement dire la durée de sa transformation : peut-être deux heures, peut-être deux jours, mais en tout cas, elle devrait normalement être suffisante pour qu’il se montrât sous un jour favorable.
Puis c’était encore une fois le geste fatidique qui consistait à planter l’aiguille dans son bras, à la vider dans ses veines et à la retirer en vitesse pour la remettre dans sa poche en attendant que solution agît, ce qui ne tarda pas de la manière la plus désagréable qui fût : et oui, il n’allait pas se retrouver changé en prince charmant dans un nuage de fumée, non, sa structure corporelle mutait à vitesse éclair, déchaînant chez lui des élans de douleur si intolérables qu’il faillit s’évanouir, se cramponnant au mur malpropre derrière lui de toute la force de ses griffes qui ne furent bientôt plus que des ongles alors qu’un Saïl Ursoë plus vulnérable que jamais s’affaissait, puisant dans l’énergie du désespoir pour rester debout, les jambes tremblantes, le souffle court.
Était-ce son imagination qui lui jouait des tours ou est-ce que les aboiements qu'il percevait en bordure de son ouïe étaient réels ? Il ne pouvait le savoir, et il n’en avait de toute façon dans un certain sens cure, étant donné que dans l’immédiat, toutes ses forces étaient monopolisées pour se mettre à courir, s’appuyant à la paroi de brique d’une main, cramponnant son kilt, seul artefact capable de préserver un minimum sa pudeur, de l’autre. Les bleus, éraflures et estafilades diverses qu’il avait écopées du feu nourri des policiers et qui n’avaient pas eu complètement le temps de se résorber malgré ses capacités de régénération extraordinaires lui provoquaient de pénibles élancements dans tout le corps que la pluie tombante, loin de soulager, ne faisait qu’accentuer comme les horions mesquins d’un fantôme moqueur. Il courait -ou tout du moins il essayait, car à voir sa démarche qui faisait en réalité peine à voir, on aurait plutôt dit qu’il trottinait-, et avait l’impression d’évoluer dans un cauchemar, de se mouvoir au milieu d’une nappe de brouillard qui semblait lui coller à la peau comme les ombres de l’Hadès, les battements effrénés et irréguliers de son cœur cognant contre ses tempes à vif, ses pieds nus trébuchant sur le goudron sale et humide parsemé de flaques d’eau dans l’une desquelles il finit par perdre l’équilibre, tombant face contre terre à une demi-douzaine de mètres de l’inconnue. Levant péniblement la tête en écartant mollement une mèche de ses cheveux épars dégoulinante d’eau, il leva les yeux vers la figure féminine potentiellement salvatrice : il pouvait dire qu’elle avait le teint clair, qu’elle était de taille raisonnable, qu’elle était vêtue de blanc et de bleu et avait les cheveux blonds, mais hormis cela, sa vision était trop floue pour aller dans les détails.
De son côté, la jeune fille pouvait voir un homme dans la seconde moitié de sa vingtaine d’années qui approchait du mètre quatre-vingt, plutôt bien bâti –une rémanence de sa force colossale d’homme-loup-, vêtu uniquement d’une espèce de pagne de peau bariolé qui le recouvrait de la taille jusqu’à mi-mollet, arborant une toison capillaire fournie et désordonnée qui s’était retrouvée plaquée sur sa tête sous l’humidité, et qui dardait vers elle de grands yeux suppliants renfermant un mélange de douleur et de désespoir. En vérité, quelque chose de pareil n’aurait pas pu faire peur à qui que ce fût : il aurait pu inspirer du dégoût avec l’état dans lequel il était, mais certainement pas de la méfiance, et encore moins de l’effroi… restait bien sûr à voir ce que l’intéressée penserait d’un larron surgi de nulle part qui donnait l’impression d’avoir la Mort aux trousses, et qui prononça d’une voix implorante, à peine plus qu’un râle qui recouvrait difficilement les battements de la pluie :
« Au secours… »
-
J'avais la bouche à demi-ouverte, en pleine observation de ce qu'il se passait. Une mèche blonde s'était d'ailleurs blottie entre mes lèvres alors que le reste de ma chevelure volait sur mon visage au grès du vent. Mon cœur continuait de battre à un rythme effréné, ne sachant quoi faire devant cette ombre, au fil du temps, plus inoffensive que je ne le pensais. Elle se détachait du décor brumeux et orangé de par les lumières urbaines. Une sonnerie me vînt à l'oreille, c'était mon téléphone portable qui sonnait un appel, là bas, au fond de mon casier. D'un bref coup d'œil, mon regard se posa sur la porte verte. Ce devait certainement être ma mère qui ne pouvait s'empêcher de toujours attendre mon retour et qui s'inquiétait surement de ne pas me voir rentrer à une heure aussi tardive qu'elle soit.
Je l'ignorai pourtant et m'inquiéta à présent sur cet inconnu qui venait en ma direction, appuyé difficilement contre les murs de briques grisés par la pollution. Au fond je m'inquiétais un peu pour cette personne dont l'allure misérable me rappelait le personnage fictif de Quasimodo. Surement le lavage de cerveau de mon enfance qui m'avait amené à une telle comparaison. Je l'entendais haleter dans ses efforts et je sentais qu'il prenait peine à venir à ma rencontre. Au plus la distance se faisait courte entre nous, au plus je me sentais poussée à aller vers lui pour l'aider. Je lâchais le cadre de la porte et posa un pied puis les deux sur la petite marche. Encore à l'abri du porche, je sentais néanmoins quelques gouttes venir se poser sur mes jambes et mes bras à demi-nus. La lumière projetée par la suspension de la pièce éclairait l'entrée et les deux ou trois mètres plus loin.
Il était là, à quelques mètres à peine de mes pieds, plié en deux. Il était faible et semblait blessé. Je pouvais à présent le voir plus en détail. Un homme grand qui devait à vu d'œil faire une tête ou plus que moi, bien bâti, limite tel que ces statues d'athlètes grecs à la musculature développée. Une chevelure sombre et trempée qui masquait la plupart des détails de son visage. Il était nu ou presque, juste un étrange pagne fait de peau, sommaire tenue qui tenait encore compte de sa pudeur. Il tomba soudainement à même le sol, se laissant battre par la pluie.
Rapidement, j'étais encore descendue d'un étage pataugeant à présent dans les flaques et accourant vers cet homme à la limite de l'agonie. La pluie eu vite fait son travail et je me retrouvais, les membres trempés et le visage dégoulinant d'eau. J'avais beau maîtriser cet élément, je n'avais néanmoins pas l'avantage de pouvoir stopper ce genre d'intempérie. Accroupie à ses côtés, je pus voir son regard triste et suppliant mon aide. Tout juste je posais ma main sur son épaule que des aboiements de chiens puis des cris et des pas précipités vinrent m'interpeller.
- Retrouvez-le, il doit forcément être dans les parages !
Il ne me fallut pas plus d'explications avant de comprendre que c'était bien de lui qu'il s'agissait. Prenant son bras de mes fines mains tremblantes par le froid, je mis se dernier autour de mon cou avant de prendre le jeune homme par la taille et de l'aider à se relever avec précipitation.
- Faut pas rester là, tenez bon.
Je jetais un dernier coup d'œil derrière moi, guettant l'arrivée de ses poursuivants avant de l'aider à se diriger vers l'arrière du café. Sa carrure imposante pesant sur moi, j'arrivai tout de même à gérer la situation. Avec tous les loubards bourrés qui pouvaient traîner dans le bar, j'avais en quelques sortes acquis de l'expérience dans l'art de déplacer des poids lourds. Sans réfléchir, je m'étais engagée dans une histoire qui risquerait peut-être de m'apporter des problèmes qui sait mais je ne pouvais rester là à le regarder souffrir plus longtemps.
Tous deux à l'abri du vent et de l'averse qui n'en finissait pas, je me dépêchai d'allonger le nouveau venu sur le canapé de cuir avant de me précipiter vers la porte pour la fermer avant que d'autres personnes non-attendues n'interviennent. Haletant doucement, les mains encore appuyées sur la porte et la poignée, j'avais la tête gorgée de pensées, idiotes ou non.
*Qu'est-ce que je vais faire de lui ? Si Shinji apprend que quelqu'un qu'il ne connaît pas s'est assis dans son canapé, il va me tuer. Et puis ça existe encore des courses poursuite de ce genre aujourd'hui ? C'est pas croyable. Je me suis peut-être foutue dans une merde monstre.*
Je finis par poser à nouveau mon regard sur l'homme allongé. Était-il au moins encore conscient ? Je me sentais trempée de la tête au pied mais certainement moins que lui. Mes chaussures étaient comme des éponges, je me demandais comment j'allais faire pour aller bosser le lendemain. Je les retirai, elles ainsi que mes chaussettes, avant de les déposer à côté de mon casier sans pour autant lâcher du regard l'inconnu à l'allure sauvage. Je m'avançais finalement vers lui, me mettant à genoux au niveau de son visage. Du bout des doigts j'écartais les mèches de cheveux mouillées qui lui couvraient à moitié les yeux et la bouche. Il fallait avouer que vu sous cet angle, il était plutôt séduisant malgré ses très légers airs d'homme des cavernes. Je ne voulus, pour l'instant, pas essayer de le brusquer en lui demandant de se réveiller à tout prix. Je le laissais reprendre son souffle ainsi qu'un peu de forces et en profitais pour l'observer et me poser des questions à son sujet. Il était couvert d'ecchymoses, toutes plus larges les unes que les autres. Je me risquais alors à en tapoter une sur son épaule droite du bout de mon index avant d'appuyer un peu plus fort ...
-
Ce n’était pas possible, comment lui, qui avait toujours jusqu’ici tenu bon face à l’adversité afin d'être en permanence un rempart pour tout ce qu’il estimait juste et bon, avait-il pu se retrouver dans une posture si défavorable, si pathétique qu’il dût avoir recours à l’aide d’une personne complètement extérieure à ses problèmes et qui n’était d’ailleurs en rien obligée de lui prêter main forte ? La réponse était plutôt simple, et elle était que c’était par un concours de circonstances infortuné qui avait requis qu’il hypothéquât toujours plus de ses moyens d’homme-loup pour redevenir un humain et ainsi se montrer suffisamment peu significatif dans sa nature pour esquiver les problèmes qui lui pendaient au nez de la même manière que ces gouttes de pluie qui ruisselaient contre son visage désespérément à moitié amorphe. La jeune fille s’était approchée… mais l’avait-elle vraiment fait ou n’était-ce qu’un effet de son imagination exacerbée par l’approche du danger qui lui faisait espérer des chimères ? Oui, elle était réellement venue à ses côtés, cela se sentait des plus tangiblement par le contact chaleureux et rassurant d’une main tiède sur son épaule gauche, contact qui le sortit de sa torpeur et fit reculer quelque peu ses craintes jusqu’à ce que des sons atrocement familiers l’y replongeassent : paniqué, il essaya de se redresser, mais ses forces épuisées par les récents efforts qu’il avait fournis pour courir jusqu’à son alliée inespérée lui avaient à ce point coûté qu’il ne put que se remettre debout si lentement qu’on aurait dit ses mouvements passés au ralenti en dépit de l’urgence de la situation qui allait définitivement virer à l’horreur s’il ne pouvait pas vite se remuer.
Impuissant, il retrouva pourtant une parcelle d’énergie lorsque le secours de la brave adolescente –car c’en était une d’après le timbre de sa voix- se porta sur son bras et sur sa taille, lui fournissant l’appui nécessaire pour qu’il parvînt à reprendre une posture plus digne d’un être civilisé et à se remettre en marche, péniblement, les paupières closes sous la lassitude, mais se démenant comme un beau diable pour parvenir à mettre un pied devant l’autre sans faire peser tout son poids sur son ange gardien. Sa main gauche, inerte, pendait sur le côté, mais la droite était toujours cramponnée comme une tique à son seul vêtement, ultime garant de sa dignité déjà bien atteinte si l’on considérait l’air de sauvage ahuri que les pénibles épreuves par lesquelles il était passé lui avaient donné : en temps normal, il serait devenu rouge de honte et de colère à la pensée qu’il se montrait sous une apparence aussi rustaude à une personne du beau sexe, mais dans le cas présent, il n’était momentanément que l’ombre de lui-même, réduit à se cantonner aux gestes les plus basiques sous l’effet d’automatismes de survie. Toutefois, contre vents et tempêtes, formule qui convenait plutôt bien à la météo peu clémente, ils parvinrent jusqu’au seuil de ce qui était manifestement une maison ou quelque chose de ce genre d’après la marche qu’ils eurent à grimper, la vaillance de sa secoureuse désormais détrempée lui permettant ensuite de s’acheminer vers un canapé sur lequel il s’effondra plus qu’il ne s’installa, la chaleur de l’intérieur ayant un effet lénifiant sur son corps et son esprit qui se mirent dans une sorte de veille en attendant qu’ils se réhabituassent à cette enveloppe charnelle. Le point positif, c’était qu’au moins, il reprendrait très rapidement du poil de la bête, comme s’il sortait péniblement d’un long sommeil, mais en attendant, il était plongé dans quelque chose qui se rapprochait d'un état méditatif dans lequel il était tout à fait conscient de ce qui l’entourait, aussi vulnérable toutefois qu’un nouveau né dont il avait d’ailleurs la nudité ; et si sa bienfaitrice avait voulu le tuer, il aurait suffi d’un coup de couteau dans la gorge pour qu’il rendît l’âme sans rien pouvoir y faire.
Pourtant, malgré cet élément ressemblant à une épée de Damoclès qui pendait au dessus de sa tête et qui venait s’ajouter à celle que représentaient ses poursuivants, et en dépit de ses blessures qui prélevaient toujours leur tribut sur sa forme, il se sentait étrangement relaxé : peut-être cela venait-il du contrecoup de son extrême agitation récente, peut-être était-ce dû à l’intense soulagement de savoir que le danger était désormais loin, ou peut-être était-ce simplement qu’il se sentait sous bonne garde en compagnie de cette enfant si charitable… toujours fut-il qu’il ne remarqua même pas son approche avant que ses doigts ne touchassent délicatement son front pour en écarter les longues mèches brunes épaisses qui le recouvraient, traitement qu’il subit sans broncher, sa seule réaction à ce contact bienveillant se traduisant par une respiration plus profonde et plus mesurée ainsi que par un teint qui reprenait des couleurs, signe qu’il récupérait de l’état de faiblesse dans lequel sa métamorphose l’avait mis. D’ici quelques minutes à peine, il serait de nouveau parfaitement opérationnel, et ces minutes s’écoulèrent dans la quiétude de l’endroit dans lequel ils avaient pénétré, l’odeur de boisson et de nourriture qui flottait dans les lieux exacerbant en lui la faim qui, comme chacun sait, est une bonne maladie. Toutefois, alors qu’il s’apprêtait à rassembler ses esprits pour rouvrir les yeux et prendre connaissance de l’endroit où il se trouvait, il sentit un petit choc répété sur son épaule droite auquel il ne réagit pourtant pas, tel un dormeur qui se voit dérangé par quelque bruit mais qui garde la même posture somnolente dans l’espoir que cet embêtement disparaisse afin qu’il puisse à nouveau se laisser aller dans les bras de Morphée.
Cependant, lorsque la pression s’accrut sur son épaule, il se décida à réagir pour sortir de son indolence, sa large paluche gauche quittant son immobilité pour venir doucement englober la menotte fraîche comme pour lui procurer la tiédeur dont ce membre aux longs doigts était de nouveau envahi, tournant dans le même temps lentement la tête dans la direction d’où provenait le contact pour dévoiler à la jeune fille ses grands iris couleur noisette qui se retrouvèrent face à deux splendides aigues-marines soucieuses cernées par un ravissant voile de cheveux blonds qui conservaient leur splendeur même dans leur état détrempé. Surprises par la luminosité qui contrastait avec la pâleur froide des ruelles, ses paupières papillonnèrent pour chasser l’éblouissement dont ses pupilles étaient saisies, Saïl ne tardant pas à se rendre compte qu’il avait face à lui un minois réellement angélique dont la vision acheva de le détendre ; cela apportait véritablement un apaisement pareil à celui que procure la contemplation d’un lever de soleil que d’observer ces traits à la douce beauté juvénile que tous ses attributs ne faisaient que ponctuer, depuis un nez mignon jusqu’à des oreilles de petite taille en passant par une bouche aux lèvres d’un rose suave qui laissaient entrapercevoir des dents qui étaient comme autant de petites perles et par des sourcils fins qui rehaussaient l’expressivité des prunelles de saphir. Positivement surpris par autant de joliesse qui s’offrait à son regard dès son réveil, l’amène scientifique laissa un de ses sourires si chaleureux se dessiner sur son visage, non pas en une expression d’extase béate, mais de reconnaissance profonde teintée d’une admiration sincère pour celle qui avait su faire preuve d’un dévouement aussi désintéressé envers quelqu’un qui n’était pourtant qu’un inconnu, et même un inconnu des plus suspect
« Merci. » Prononça-t-il d’une voix beaucoup mieux timbrée et bien mieux articulée qu’auparavant.
Le charme de ce face-à-face se prolongea quelques secondes, jusqu’à ce que l’ex-homme-loup remarquât le désordre que son arrivé avait causé dans les locaux, l’eau dont il était trempé ayant dégouliné partout autour de lui pour imbiber le canapé de cuir qui se verrait certainement endommagé par un produit pareil. Précipitamment, devant bien à regret lâcher pour ce faire la main soyeuse qu’il avait tenue, il se redressa en position assise en posant sur le désastre aquatique un œil confus qui le fut encore davantage lorsqu’il se rendit compte que l’adolescente n’était pas mieux lotie, ce qui le fit pousser d’une voix désolée un :
« Oh non ! »
Puis il ramena ses coudes sur son pagne qui était devenu une véritable éponge afin de se masser les tempes pour chasser la migraine persistante qu’il subissait, réfléchissant sur sa situation : il était dans un endroit qu’il ne connaissait de toute évidence pas, en compagnie d’une personne certes adorable mais aux yeux de laquelle il devait passer pour une sorte de sauvage, et dans les appartements de même que dans la vie de laquelle il était en train de mettre un bazar pas possible. Pas très encourageant pour que cet invité surprise dût perçu sous un jour favorable, mais bon, dans des situations comme celle-ci, il fallait savoir faire contre mauvaise fortune bon cœur, et donc tâcher de redresser le niveau en espérant que la jeune fille ne le mît pas dehors, ce qu’elle aurait pourtant été bien en droit de faire avec un intrus comme lui ; et pour commencer, il paraissait prioritaire de donner un bon coup de serpillière… dès qu’il aurait autre chose pour se vêtir que son kilt démesuré :
« Pardon, je suis désolé pour ça… » Dit-il avec contrition tout en désignant maladroitement d’un geste la flaque d’eau qui s’était formée à ses pieds avant de poursuivre, relevant la tête pour fixer plus directement son interlocutrice en s’efforçant de paraître le plus franc et honnête possible. « Excusez-moi de vous demander ça, mais vous n’auriez pas des vêtements et de quoi me sécher à me prêter ? Dès que c’est fait, je vous promets que je nettoierai tout ça… d’ailleurs vous auriez bien besoin de vous changer vous aussi. »
Ce disant, il indiqua d’un hochement de tête la mise détrempée de son hôtesse, détournant aussitôt le regard en rougissant légèrement lorsqu’il s’aperçut que le tissu blanc éclairci par l’humidité laissait voir ça et là en transparence des parcelles de chair claire certes très agréables à regarder, mais que Saïl ne se serait pas permis de reluquer, timide et surtout bienséant comme il l’était. Dans l’attente de la réponse de la belle adolescente, il resta tête baissée pour ne pas laisser croire qu’il voulait tirer parti de la situation pour se rincer l’œil, ses mains s’entrecroisant nerveusement, de toute évidence mal à son aise d'avoir fait ainsi irruption dans sa vie.
-
Je continuais de le regarder, observant chaque détail de son visage si viril. Il ne me paraissait pourtant pas très âgé, la vingtaine ou plus. Je l'écoutais respirer doucement, calmement et sentais qu'il se détendait un peu plus. Insouciante et idiote, j'avais dut réveiller une douleur qui l'avait sortit de ses songes et tandis que je laissais mes doigts glisser sur sa peau je sentis m'a main être étreindre par l'une de cet inconnu. Cette large main à la poigne qu'on pourrait qualifier de réconfortante était chaude, plus que la mienne. Il avait vite repris un minimum de force et me fixait à présent du regard. Un regard dont je me souviendrais, un marron noisette qui me laissait de marbre quelques instant jusqu'à ce qu'il me sourit et me remercie doucement. J'inclinai légèrement ma tête, lui rendant son sourire si chaleureux et ne dit rien, gardant sa main dans la mienne un peu plus longtemps.
Je ne faisais même plus attention à toute l'eau que nous avions amené et qui s'étalait, par une fine couche, sur le sol en vinyle et le tapis. Tout cela combiné donnait un pur aspect de bazar à la pièce mais j'aurais très bien put remettre tout ça en état plus tard. Cependant, le jeune homme eut l'air de plus s'en préoccuper que moi. A ma grande surprise, il se redressa rapidement, s'asseyant sur le canapé mouillé de-ci de-là. Bien que mon geste fut inutile, j'avais quand même prit la peine de tenir doucement son bras durant son acte, m'inquiétant de ses blessures. Je restais à genoux à ses côtés, regardant les dégâts causés en souriant. Il paraissait extrêmement confus mais après tout, c'était moi qui l'avais amené ici alors j'étais toute aussi coupable de cette petite catastrophe que lui.
M'appuyant sur le canapé, je me redressais avant de dépoussiérer machinalement mes genoux et regardais autour de moi. J'allais m'en charger mais pour l'instant, il était essentiel de l'installer plus confortablement, sa tenue étrange ne devant pas être vraiment des plus confortables. Je me demandais d'ailleurs comment un homme en ville pouvait se vêtir ainsi ? Il devait avoir ses propres raisons. Il s'excusa des conséquences qu'avais engendré mon accueil. Je le regardais et esquissa un petit rire accompagné d'un sourire sans pour autant répondre, il n'avais pas à se sentir coupable. Je concevais totalement que ce soit normal de s'excuser mais je ne lui en voulais pas. Je lui tournai le dos, me dirigeant à petit pas vers les casiers. Alors que je m'apprêtais à me mettre à la recherche de serviettes et de vêtements, il me demanda alors de lui en procurer avant de se mettre à nettoyer les dégâts. Les bras tendus, j'essayai d'atteindre du mieux que je pouvais le sac de sport de Shinji, toujours rangé à sa place, au dessus des casiers. Je savais qu'il y cachait toujours des vêtements de rechange et en y pensant ils avaient quasiment le même physique. Une chance qu'il l'ai laissé là. Je risquais surement de m'attirer des ennuis à me servir comme ça mais tant pis, dirons-nous que ce fut pour la bonne cause. En plein étirement de mon bras, mes doigts ayant réussit à atteindre l'épais tissu qui composait le sac, je fus coupée dans mon élan par les dernières paroles de mon invité. Baissant le regard avec curiosité sur mon tee-shirt, je pus m'apercevoir que tout n'était que transparence et que le peu de tissu que je portais en dessous en était sévèrement révélé. Gênée, je voulus m'empresser d'essayer de cacher tout ça mais tirai brusquement sur le sac, qui tombât d'ailleurs par terre avec fracas. Son contenu se déversant sur le sol, heureusement sur une zone sèche, je m'accroupis et ramassa les vêtements avant de les replier soigneusement.
- Désolé, je suis maladroite, dis-je d'un ton timide et encore gênée par la tenue trempée que je portais.
Je me redressai finalement et déposai un jean, une chemise noire et une paire de baskets de toile blanches, sans savoir si la pointure correspondrait, sur la table basse. Je me dirigeai vers mon casier duquel j'en sortis un fin gilet bleu ciel, qui couvrirait suffisamment les conséquences de l'eau, puis allai me servir dans la petite armoire qui soutenais le lavabo des WC, prenant deux serviettes de bain pour les déposer à côté des vêtements préparés pour le jeune homme. Je n'avais pas bien plus à lui offrir pour se couvrir mais en même temps, qui pouvait prévoir ce genre d'incident ? Je n'avais rien pour me changer personnellement mais entre nous deux, je n'étais pas la plus à plaindre. Je recroisais son regard qui me figea un instant, perdant alors quielque peu mes moyens, je me ressaisi et, bien que pieds nus, traversa la pièce en direction de la porte qui donnait sur la cuisine.
- Euhm ... Je vais vous laisser vous changer. Ne vous en faîtes pas pour l'eau, je vais m'en charger, après tout, c'est un peu mon travail. J'arrive tout de suite.
Fermant la porte derrière moi afin de lui laisser son intimité quelques instants, je soupirais légèrement tout en me tapotant les joues du plat de ma main. Allez savoir pourquoi mais j'étais gênée, surement de la situation, ou bien de mon accoutrement que j'avais toujours trouvé pour le moins vulgaire ou en tout cas, dévoilant un peu trop mes jambes à mon goût. Passant cet instant, j'allumais la lumière puis me dirigea vers le frigidaire. En quelques instants, je lui préparai un petit plateau constitué de gâteaux fourrés au chocolat, mes préférés que je me résignais à partager >_<, d'un grand verre d'eau et d'un cachet d'aspirine au cas où cette épreuve lui serrait monté à la tête. Je ne savais pas trop s'il apprécierait ce geste et s'il se servirait mais je pouvais toujours essayer. Je m'étonnais moi-même à prendre autant soin d'une personne, d'autant plus que je ne le connaissais qu'à peine, voire pas du tout à vrai dire. En général, je ne faisais que leur offrir quelques mots gentils et puis basta, chacun sa merde après tout mais là c'était différent. Un je-ne-sais-quoi qui faisait que je ne pouvais m'empêcher de l'ignorer.
Je retournai dans la pièce principale, en main le plateau ainsi qu'une serpillière neuve. Il finissait tout juste de terminer de se rhabiller, c'est en tout cas ce que je crus voir puisque je m'attelais à présent à bien d'autres occupations. Déposant le tout sur la table basse, je me mis ensuite accroupie afin de déposer l'épais tissu à même le sol pour absorber toute cette flotte. Gardant mon regard sur ce que j'étais en train de faire, je souris doucement avant de prendre la parole au sujet de ce qu'il s'était produit précédemment. Je voulais un peu comprendre, c'était normal.
- C'était qui ces gens qui vous coursaient ? J'espère ne pas avoir fait une erreur en vous offrant mon aide ... Est-ce que par hasard je risques quelque chose avec vous ? ajoutais-je ironiquement en relevant mes yeux sur le bel et mystérieux inconnu en face de moi. Je m'étais redressée et restais alors à genoux, mes mains sur ces derniers à le dévorer du regard.
-
Ah le maladroit ! Oui, le maladroit et pas la maladroite, puisque c’était lui qui, par son commentaire déplacé au sujet de la tenue de la jeune fille, avait fait qu’elle eût renversé ce sac qui chut avec bruit en déversant son contenu sur le sol. Saïl se serait bien précipité pour aider sa protectrice au nom toujours inconnu, mais il dut bien se contraindre à rester à sa place en attendant qu’elle arrangeât les choses d’elle-même, d’une part parce que leur mises respectives rendaient l’idée d’une proximité physique quelque peu embarrassante, et d’autre part parce qu’il craignait à juste titre que ses jambes encore légèrement malhabiles ne lui fissent commettre quelque bourde qui aurait pu résulter en un nouveau carambolage fort inconvenant.
« Non, non, ce n’est rien du tout ! » S’exclama-t-il par réflexe pour excuser le comportement de l’aimable enfant qui n’avait de toute façon rien à se faire pardonner étant donné qu’elle avait été jusqu’ici aux petits soins pour lui sans demander de rétribution ni paraître en vouloir une, comme par une sorte d’esprit d’altruisme ancré au fond de son cœur qui impressionnait le doux scientifique qu’elle avait hébergé.
Ainsi, il continua de se tortiller les mains en attendant qu’elle eût fini de disposer les affaires qu’elle lui avait prévues sur une table basse en face de lui, la gratifiant d’un « Merci. » sincère et obligé bien qu’un brin machinal à chaque nouvel objet qu’elle posait devant lui et qui était à chaque fois comme un artefact de civilisation pour cet homme qui avait été durant tant de temps homme-loup que la notion même d’habillement lui était devenu quelque chose de relativement lointain. En même temps, bien malgré lui, lorsqu’il cessait de garder la tête baissée pour lever les yeux de temps à autre lorsqu’un bruit soudain l’interpellait, il pouvait voir que le physique de la belle blonde dans son entièreté faisait élégamment ton sur ton avec son visage d’ange : un corps peut-être un peu potelé mais qu’il ne pouvait s’empêcher de trouver appétissant –qu’on le pardonne pour ce qualificatif un peu leste !-, des membres aussi blancs qu’un pain de savon immaculé à la fermeté et à la souplesse visibles à l’œil nu, des mouvements alertes et précis qui ne laissaient aucune chance de la faire passer pour une gourde, des cuisses que l’on pouvait à bon droit nommer des cuisses de Vénus… bref, autant d’éléments dont Saïl put rendre compte en rougissant chaque fois un peu plus, car l’eau dont elle était couverte ne faisait que mettre encore davantage en relief ses courbes avantageuses, ce qui ne l’aidait pas à garder un sang froid aussi exemplaire qu’il l’aurait voulu. Pour autant, il faisait de son mieux pour rester le plus courtois possible, et quand il sentit que son regard venait de son côté, il le lui rendit avec dans le sien une lueur de reconnaissance, le ponctuant d’un autre sourire qui parut toucher l’adolescente tout en la déstabilisant pour une raison que le scientifique trop souvent un peu lent dans le domaine des sentiments ne put s’expliquer.
Quoi qu’il en fût, lorsqu’elle s’esquiva diligemment pour le laisser prendre une apparence plus confortable, il hocha promptement la tête, toujours aussi résolu toutefois en son for intérieur à s’occuper des dégâts qu’il avait causés plutôt que de laisser son hôtesse en prendre le fardeau, même si c’était « son travail ». Son travail… ainsi cet endroit devait être quelque chose comme un bar, un café, un pub ; tout à fait le genre d’établissement dans lequel il aurait pu se rendre lorsqu’il avait besoin de sortir un moment de ses microscopes, de ses papiers et de ses éprouvettes pour s’aérer le cerveau et prendre quelque chose de frais en griffonnant sur un carnet de notes de nouvelles pistes de recherche ou simplement en regardant les gens passer tranquillement, mettant de côté ses soucis pour une petite heure.
Souvenirs teintés d’un vernis de nostalgie qu’il remua doucement alors qu’il extirpait ses jambes de la lourde gangue de peau qui les recouvrait, s’étant assuré dans le même temps qu’il n’y eût réellement personne pour le regarder faire avant de littéralement se ruer sur une des serviettes laissées à sa disposition pour se sécher en vitesse afin de rester dans cet état si impudique aussi peu longtemps que possible, examinant au passage les vêtements avec l’étrange sentiment de retrouver quelque chose d’inimitable : certes, ce qu’elle lui avait laissé était loin d’être une vêture de grand luxe, mais pour lui, qui n’avait de toute façon jamais été pointilleux sur la façon dont il s’habillait, cela représentait comme une part de lui-même. Seul bémol, son corps étant naturellement muni de jambes un chouïa courtaudes, il dut ourler l’extrémité du jean afin d’éviter qu’elle ne frottât le sol, tandis qu’à cause de son buste de grande taille, la chemise n’arrivait que difficilement jusqu’à son bassin, laissant très facilement voir son nombril à pratiquement chaque mouvement qu’il exécutait. Quant aux chaussures, ses pieds n’auraient malheureusement pas pu y tenir sans probablement en défoncer l’armature, aussi se décida-t-il à rester pieds nus, se faisant la réflexion que de toute façon, le principal était maintenant recouvert et que c’était déjà un grand progrès par rapport à un pagne surdimensionné. Evidemment, ses cheveux qui avaient été jusqu’ici plaqués contre son crâne par la force de l’eau s’empressèrent de faire à nouveau sécession dès que le liquide qui les maintenait prisonniers fut un peu absorbé, la rébellion capillaire résultant en cette broussaille désordonnée à laquelle il était coutumier depuis sa plus tendre enfance et qui avait justement fait le cauchemar de sa mère.
En tout cas, point éminemment positif dont il ne se rendait véritablement compte que maintenant, contrairement au moment de la première utilisation de l’Humanis Simplex, sa queue s’était cette fois-ci résorbée sagement, ce qui lui permettrait ainsi d’avoir l’aspect d’un être humain tout aussi normal qu’il l’avait été jusqu’à il y avait désormais un an et demi à quelques jours près. Alors que sa tête émergeait du col de coton, il put entendre la porte par laquelle la jeune fille avait disparu se rouvrir pour la laisser passer avec dans une main un plateau garni de pâtisseries qui firent aussitôt augmenter les sécrétions salivaires du bon docteur, et dans l’autre une serpillière à l’usage plus qu’évident. Faisant preuve d’une rapidité d’action toute professionnelle, elle mit tout cela sur le meuble central de la pièce avant de se mettre aussitôt à l’œuvre à la grande confusion du savant : s’attendait-elle à ce qu’il se goinfrât sans égards pour elle comme un macho de bas étage alors qu’elle allait trimer à ses pieds pour arranger les dégâts des eaux dont il s’estimait être la seule cause ? Ah non, ç’aurait été bien mal le connaître, et même si son estomac lui commandait de s’empresser de se rassasier de ces sucreries pour lesquelles il avait un faible coupable, il comptait bien montrer qu’il ne l’entendait pas de cette oreille et s’apprêta d’ailleurs à le lui faire remarquer quand elle prit la parole, le coupant dans son élan, assombrissant quelque peu ses idées : c’était vrai que même s’ils étaient techniquement à la poursuite de Khral et non à la sienne, les deux entités s’incarnaient dans la même personne, et c’était ainsi à un fugitif qu’elle avait offert le gîte et le couvert. Non pas qu’il eût de quoi s'avouer en quoi que ce fût criminel, car le seul délit qu’il y avait eu ce soir avait été un délit de faciès, mais le fait était que si les forces de l’ordre en venaient à faire le rapprochement entre cet imposant kilt et le jeune homme qui le possédait, il serait dans de beaux draps… mais bon, cela ne risquait pas d’arriver allons, il était sous l’égide de cet ange gardien à l’abord justement angélique, et elle était d’ailleurs bien en droit de lui demander la vérité qu’il lui divulgua sans y aller par quatre chemins :
« La police. »
Le regard pénétré d’un mélange d’amertume et de contrition, il riva ses yeux dans les siens avec la plus grande sincérité placide du monde, et s’agenouilla en face d’elle pour lui prendre la main avec toute la délicatesse dont était capable quelqu’un qui avait manipulé les substances les plus dangereuses sans avoir à trembler, englobant ses doigts fins d’une de ses larges paluches tandis que l’autre se posait sur le dos de cette douce menotte pour la caresser avec une bienveillance de praticien, comme pour lui prouver par gestes que ce qu’il lui dit était vrai :
« Non, vous ne risquez rien avec moi. Je ne suis pas quelqu’un de mauvais et je n'ai rien fait de mal, je vous le promets, mais… parfois, les circonstances font qu’on peut vous percevoir différemment… sous un mauvais jour, vous comprenez ? »
Ce disant, son deuxième appendice manuel avait quitté celui de la jeune fille pour se porter au niveau de son visage afin d’en écarter une des longues mèches d’or humides qui y étaient tombées, en un mouvement mû par mélange d’esprit d’ordre et de tendresse instinctive, et il lui offrit un sourire qu’on aurait difficilement pu qualifier d’autre chose que d’innocent. A voir cette demoiselle de beauté si proche de lui qu’il aurait suffit qu’il penchât un peu la tête pour l’embrasser –pensée qu’il se gourmanda sur le champ d’avoir eue-, il en ressentit quelque trouble qui lui fit monter un léger rose aux joues alors que son cœur se mettait à battre légèrement plus vite, trouble qu’il tâcha de masquer en mettant la main à la serpillière sans lâcher la main de l’adolescente pour dire d’une voix qu’il espérait contrôlée sans réellement y croire, tout en indiquant d’un signe de tête la serviette laissée inutilisée :
« Allez donc vous sécher, et laissez moi faire. Après ce que vous avez fait pour moi, ce serait la moindre des choses. »
Au dehors, malgré les murs qui les entouraient, on pouvait encore entendre la pluie battante tambouriner, mais Saïl n’y prêtait guère attention, ayant l’impression d’être passé en l’espace d’à peine quelques minutes d’une situation de course-poursuite infernale à celle d’un délicieux refuge en compagnie d’une personne dont émanait un tel charme qu’il ne pouvait faire autrement que se sentir à l’aise avec elle et vouloir tout faire pour lui prouver sa gratitude.
-
Il avait presque complètement changé. Adoptant, après une allure vagabonde celle d'un jeune homme déjà plus civilisé. Des cheveux épais et en bataille encadrant son visage, une tenue plus adaptée à notre ... époque, bien que mal taillée. J'en étais d'ailleurs un peu confuse. Peut-être mon besoin que tout ou presque soit toujours parfait qui me montait à la tête alors qu'à cet instant ça ne l'était pas à mes yeux. Il n'avait pas encore entamé les gâteaux que je lui avait précédemment proposé. S'il n'en voulait pas, je me serais fait un malin plaisir à les avaler. A genoux, je m'attelais au devoir de nettoyer toute cette pagaye. Ça m'insupportait et au plus vite j'aurais finis, plus vite je pourrais me concentrer sur mon "invité" de dernière minute. Les deux mains agrippées à la serpillière fermement, je la faisait glisser sur le sol humide par des mouvement rotatifs. Simultanément, je me mis à lui poser quelques questions à propos de sa fuite. Abandonnant un peu ce que je faisais, je le regardais alors fixement jusqu'à ce qu'il ne me réponde en deux mots : "la police". Surprise alors, j'eus un regard pensif qui en disait long. Devais-je paniquer ?
Je fus pourtant sortie de mes absurdes pensées lorsque je sentis ses mains sur la mienne, cherchant surement à me rassurer. Je le regardais alors, l'écoutant pleinement. Je n'avais malheureusement pas la faculté de savoir si les gens disaient vrai mais mon intuition me forçait à admettre que je n'avais rien à craindre et qu'il devait être sincère, bien que je ne comprenne pas nettement les circonstances de cette poursuite.
- ... En quelques sortes ... Je crois que je n'ai d'autres choix que de vous croire, après tout, j'avoue ... que vous m'inspirez assez confiance même si j'ai en partie appris à ne pas en faire autant.
Je me mis à rougir lorsqu'il effleura mon visage, écartant de mon regard une mèche blonde, du bout de ses doigts. Je le sentait presque aussi gêné que moi à en voir son visage qui prenait peu à peu quelques légères couleurs. Je le trouvait tellement séduisant que j'en ai eu la fâcheuse envie de presser mes lèvres contre les siennes. Sa main quitta finalement mon visage pour se poser sur le tissu, posé à mes genoux. Moi qui souhaitais finir ma tâche avant de me préoccuper de moi-même, je fus devancée par cet homme, au nom qui m'était encore inconnu, qui me suggéra plutôt d'aller me sécher. J'approuvais en lui adressant un sourire, le remerciant au passage.
Je me redressais, lâchant avec regret, la large main de ce dernier, laissant glisser mes doigts au creux de celle-ci pour profiter encore un instant de la chaleur et de la sensation de protection qu'elle m'apportait. Me dirigeant vers la minuscule salle d'eau, je m'emparai d'une serviette avant d'essuyer doucement mes cheveux. Je m'observais dans le miroir et scrutais par la même occasion le reflet de mon hôte, lequel avait le don de me faire ressentir quelques palpitations. De mes doigts je replaçais mes cheveux convenablement avant de passer la serviette sur ma nuque et mes jambes dont la peau pâle était encore humide par mon escapade de tout à l'heure. Passant devant la porte de mon casier, j'en ouvrit la porte et y laissa pendre le tissu qui venait de me servir à l'instant. Mon regard se posa sur mon téléphone posé, bien en évidence, sur mon sac. Je le prenais entre mes doigts et pouvait y constater un message vocal reçu de ma mère que je voulus pas écouter, connaissant par cœur la chanson. Il était déjà 02h30 passé et je ne savais même pas à quelle heure j'allais rentrer. Peut-être allais-je rester avec mon fugitif encore quelques heures. Je lui adressai alors un message pour la convaincre de ne pas s'inquiéter. Mon acte allait-il réellement fonctionner ? Peu importe ...
Je retournais à la rencontre du jeune homme et stoppa d'un geste ce qu'il était en train de faire, posant ma main sur la sienne pour le prier d'arrêter. Il en avait fait assez et la pièce avait largement retrouvée son allure originale.
- Merci.
Je lui prenais alors doucement la serpillère des mains avant de me hâter à la cuisine pour la ranger. Je revenais dans la salle, me laissant tomber dans le canapé en soupirant de tranquillité dans un sourire. J'invitais l'âme perdue que j'avais aidé à s'assoir à côté de moi puis du bout de mon index, tira légèrement le plateau, qui lui tendait encore les bras, vers lui.
- Allez-y mangez, vous devez avoir faim non ?
Je le regardais dans les yeux un instant en souriant avant de placer mes genoux sur le canapé, mes jambes alors positionnées près de mon bassin. J'éternuai timidement détournant le regard avant de me mettre à poser une question bien plus personnelle que les précédentes.
- Au fait ... à qui ai-je l'honneur ? Nous ne nous sommes pas encore présenté il me semble. Hisae ... lui dis-je en lui tendant une main en guise de politesse, un sourire chaleureux scotché au visage.
-
Il se sentait réellement touché par les paroles de sa jeune compagnie, comme si elles avaient été le décret inexorable de quelque puissance supérieure le mettant au dessus de tout soupçon, d’autant plus qu’il pouvait facilement détecter à son comportement qu’elle ne cherchait manifestement pas à le blouser : il avait connaissance des divers signes qui pouvaient trahir une tension indiquant un recours au mensonge ou à la menterie, et même s’il n’aurait pas pu se fier à de telles capacités de détection au point de les revendiquer infaillibles, il n’aurait jamais remis en doute la probité de celle qu’il avait en face de lui et qu’il pensait aussi prompte à la tromperie que les hirondelles à creuser des trous. Peut-être cela tenait-il au respect que Saïl avait pour les personnes du beau sexe, peut-être cela venait-il de la douce beauté harmonieuse et rassurante des traits de la jolie blonde, peut-être était-ce simplement parce qu’il se sentait naturellement enclin à croire en quelqu’un après le tohu-bohu considérable des dernières minutes… et évidemment, peut-être les trois mon général ! Quoi qu’il en fût, il était réellement ravi qu’une personne habituée à ne pas se laisser embobiner comme elle voulût bien lui accorder sa confiance en dépit de l’aura de mystère potentiellement inquiétante qui flottait certainement autour de cet inconnu sorti de nulle-part comme un putois au milieu d’un bouquet de fleurs, et le fut d’autant plus qu’elle consentît à lui laisser les commandes de l’outil absorbant afin de réparer l’inondation miniature qui faisait rage dans la petite salle, le diligent garçon tenant là de quoi commencer à éponger sa dette envers sa ravissante hôtesse qui avait eu tant de bonté pour lui.
Hochant la tête avec enthousiasme sans cesser de rougir devant l’acquiescement amène de son interlocutrice, il se retint d’empêcher cette menotte fine digne d’une lady de la plus haute naissance de lui échapper, et s’empressa de mettre la main à la pâte pour évacuer son trouble par le labeur manuel. Il faut dire que le bon homme Ursoë avait été habitué comme tout bon expérimentateur à toujours avoir un lieu de travail d’une impeccable propreté, consigne qu’il se faisait un devoir de respecter en toute circonstance, et lorsqu’il se mettait à la tâche, les choses ne traînaient pas longtemps : étant donné qu’il n’en avait ni le physique ni la propension à décorer son intérieur avec subtilité et bon goût, on ne pouvait pas dire qu’il était une fée du logis, mais ces différences mises à part, c’était un professionnel du nettoyage qui ne s’interrompait jamais dans son œuvre tant que ce qu’il s’était consacré à rendre immaculé n’atteignait pas un degré minimum convenable hygiéniquement parlant. Dans le cas présent, c’est avec zèle qu’il œuvra, tirant parti de chaque recoin de la serpillière pour absorber autant de liquide qu’il lui était possible, laissant de côté son pagne qui ne pourrait se sécher qu’en étant tout simplement laissé à pendre, fredonnant doucement comme il en avait l’habitude pour rythmer les mouvements rapides et contrôlés qu’il exécutait. Pendant qu’il officiait, il put entendre la voix de la demoiselle téléphonant à quelqu'un comme il put s’en rendre compte d’un coup d’œil, mais puisque que l’objet de sa conversation ne l’incluait de toute évidence pas à moins que ce fût par le biais de quelque langage codé hautement crypté, il ne s’en préoccupa pas plus que ça et poursuivit sans broncher jusqu’à ce qu’alors qu’il exécutait un revers de plus pour parfaire son ouvrage, une main délicate le stoppât net, aussi efficacement que s’il avait été muni d’un bouton « Arrêt ».
Sans broncher, il la laissa disposer de l’amas de tissu désormais détrempé et fit craquer en attendant ses articulations rendues assez tendues par sa transformation toute récente ainsi que par le stress des évènements, poussant un soupir de soulagement en constatant que tout ne faisait que se dérouler pour le mieux et qu’il pouvait se permettre de se reposer désormais, s’installant de bonne grâce sur le canapé aux côtés de sa protectrice. Lorsqu’elle l’incita à se restaurer, il envisagea de refuser par politesse pendant une fraction de seconde avant de se laisser convaincre par le ton affable qu’elle employait ainsi que par l’allure plus que tentante de ces pâtisseries qu’il aurait été un crime de laisser ainsi à l’abandon plus longtemps :
« Terriblement ! » Avoua-t-il pour se jeter ensuite littéralement à l’assaut de ces nourritures terrestres.
Bien entendu, même s’il tenait toujours un peu du loup qu’il avait été, il ne se rua pas à corps perdu pour se bâfrer, préférant procéder comme il le faisait d’habitude pour se délecter de semblables mets : tels des pinces arachnéennes, son pouce et son index s’en saisirent avec une telle vivacité qu’avant que l’adolescente n’eût éternué, trois des gâteaux avaient déjà disparu entre les mâchoires de Saïl qui les laissa craquer entre ses dents avec volupté, savourant pleinement le goût de ces sablés chocolatés croustillants à l’extérieur et fondants à l’intérieur d’une telle manière qu’on aurait pu croire qu’on lui avait glissé la panacée entre les lèvres. Quand elle se présenta alors qu’il s’apprêtait à capturer une nouvelle proie, il tourna vivement la tête vers elle, légèrement confus, et avala rapidement tout en essuyant ses mains couvertes de miettes en les frottant l’une contre l’autre avant de rendre à celle qui se prénommait ainsi Hisae son geste avec un nouveau grand sourire sincère, répondant alors que leurs paumes se glissaient l’une contre l’autre pour se serrer ainsi que le voulait l’usage :
« Saïl. »
A ce moment, que ce fût parce que le sucre l’avait mis d’humeur plus extravertie, par une habitude de bonnes manières ou tout bonnement parce qu’elle était si radieuse que le geste fut instinctif, il ponctua sa poignée en se penchant dans la direction de sa nouvelle connaissance pour gratifier une de ses joues puis l’autre d’une bise franche, concluant cette introduction dans les formes par un :
« Enchanté. » Tout ce qu’il pouvait y avoir de plus avenant.
Ce ne fut qu’à ce moment là qu’il tiqua et qu’il se rendit compte qu’il avait très probablement été un peu trop hardi dans son approche, se reculant par réflexe de l’inconvenante proximité que leurs visages avaient prise, ramenant ses deux paluches l’une contre l’autre pour les fixer d’un air embarrassé durant quelques secondes qui parurent se démultiplier dans le silence uniquement troublé par le bruissement continu de la pluie. Il finit par se décider à ne pas jouer trop longtemps à la statue de sel en cédant à nouveau à la tentation des pâtisseries, mais alors qu’il allait en porter une nouvelle à sa bouche, il se fit la réflexion qu’il allait commettre là un nouvelle impair de politesse, et par un mouvement rapide de la main, il fit passer la petite chose sucrée entre son index et son majeur qu’il tendit à sa voisine, ses lèvres une fois de plus étirées en un sourire ce coup-ci plus timide mais non moins honnête, espérant qu’elle ne lui tiendrait pas trop rigueur de son écart de conduite :
« J’aurais honte de manger d’aussi bons gâteaux en une si agréable compagnie si vous n’en profitez pas vous aussi ! » Proposa-t-il courtoisement.
D’accord, il était l’invité, même si ç’avait été d’une manière pour le moins impromptue, mais ça n’était pas une excuse pour se laisser aller aux plaisirs du palais en en excluant une si charmante donzelle qu’il aurait pu ensuite délaisser comme si de rien n’avait été ; non, bien loin de lui cette idée, surtout qu’Hisae ne donnait en rien envie de partir de sitôt !
-
Je l'observais, constatant une pointe d'hésitation lorsque je lui proposai de se restaurer un petit peu. J'avais peu de chose à lui donner mais visiblement, il pût largement se contenter de cela. Je souris, amusée, lorsqu'il se mit à dévorer avec appétit les gâteaux. Au moins, il n'était pas difficile et semblait bien les apprécier. La vitesse à laquelle il les engloutissait m'impressionnait. Moi qui avait la grande réputation de manger extrêmement lentement, préférant savourer chaque bouchée, j'en était presque fascinée tout en en étant touchée. Je ressentis un petit frisson me parcourir le corps lorsque je fus amenée à éternuer maladroitement. J'avais certainement dûs prendre un peu froid tout à l'heure. J'espérais alors ne pas tomber malade. Je détestais devoir à dépendre de ma mère pendant que j'étais clouée au lit et d'autant plus si c'était à cause de cette soirée. Elle m'aurait bien fait comprendre que tout ça aurait été la conséquence de ma désobéissance à ne pas être rentrée à l'heure, ou bien de ma générosité. Tout dépendait de quelle façon on voyait les choses.
Ainsi, il s'appelait Saïl. Un nom que je retiendrais certainement longtemps vu dans quelles circonstances nous nous étions rencontrés. Il me serra la main. Une poignée de main chaleureuse et gratifiante que j'appréciai plutôt bien. Je fus prise de surprise lorsque son visage s'approcha du miens. Avec un grand étonnement, je me demandais d'abord ce qu'il comptait faire. M'embrasser ? Oui, enfin non ou presque. La bise. Nos joues en contact je me sentais de nouveau prendre quelques couleurs. J'étais d'ailleurs gênée d'autant réagir à ce simple geste de politesse bien que je n'en eu pas vraiment l'habitude. Peut-être ne réagissais-je ainsi uniquement parce que c'était lui ? Je crois même en être certaine. Je le voyais alors avec un air embarrassé, le regard rivé sur ses mains. Je le fixais ainsi en souriant légèrement. Au fond, un plus long contact comme celui-ci ne m'aurait guère déplût.
Un des nombreux gâteaux me fût soudainement proposé par Saïl. Doucement, entre mes doigts, je le prenais gracieusement en le remerciant d'un hochement de tête. Un petit grignotage n'aurait pas été de refus. C'est en regardant le biscuit qui se tenait juste sous mon nez que je sentis mon estomac se tordre légèrement, comme s'il voulait me faire souffrir pour faire passer le message. Ça va, j'ai très bien compris. Ma main gauche sous mon menton pour recueillir la moindre miette, je me mis à enfourner une petite zone du biscuit entre mes lèvres pour le casser sèchement avec mes dents. Quelle douceur, maintenant que j'étais partie, qui sait quand j'en finirai. En rassasiant mon ventre qui criait juste alors famine, j'écoutais la pluie s'abattre encore sur le toit. Curieuse, je scrutais le moindre recoin du plafond à l'affût d'une fuite où qu'elle fût. Je me demandais si celle de la dernière fois avait été réparée. Il semblait bien que oui. Pensivement, je sourit, me disant que finalement Shinji pouvait se montrer plus efficace qu'il n'en avait l'air.
Ne sachant tenir en place, je me plaçais dans une nouvelle position, maintenant en tailleur, face au jeune homme alors que lui me montrait son profil, aussi à croquer soit-il que la face. Avalant ma dernière bouchée et me débarrassant des miettes qui encombrées mes mains sur le plateau encore disposé sur la table basse, je l'observais, une faible envie de m'approcher un peu plus de lui. Je gardais tout de même un minimum de distance pour ne pas paraître idiote et toucha discrètement du bout de mes doigts ma joue droite, repensant à la bise des quelques secondes précédentes. C'était peut-être enfantin de ma part mais peu importe, je devais être plus sensible que ce que je laissais paraître aux yeux des autres. Reprenant mes esprit et gardant les pieds sur terre, je me raclais la gorge avant de reprendre parole timidement, sans vraiment par quel bout commencer.
- Euhm ... Je vais peut-être vous paraître curieuse mais ... où habitez-vous ? Enfin, c'est pas que je veuille réellement savoir mais ... vous avez bien un endroit où dormir non ? Ça sonnait un peu comme si je cherchais à le mettre dehors. J'étais un peu confuse et voulut me reprendre aussitôt. Désolé, ne le prenez surtout pas mal, vous pouvez rester là pour cette nuit si vous le voulez. C'était surtout à moi que ça aurait posé problème vis à vis de mon patron mais je m'en fichais pas mal, tout ce qui importait ... Oui en fait, honnêtement ... j'ai pas vraiment envie que vous partiez.
Pourquoi disais-je toutes ces choses ? C'était idiot mais c'était sorti tout seul, tout s'était déversé comme l'eau d'une cascade. Mon cœur battait la chamade. C'était presque pire que de déclarer sa flamme à quelqu'un, surtout quand vous ne connaissez qu'à peine ce quelqu'un. Mon visage s'enflammait petit à petit. J'avais presque honte, moi dire ces choses à Saïl, cet homme, mon aîné de quelques années. Voulant manifestement lui cacher les couleurs de ma gêne, je n'eus d'autre idée que d'approcher un peu plus mon buste de lui, de poser ma main droite sur sa joue tandis que mes lèvres déposaient alors un timide baiser au coin des siennes.
-
Imperceptiblement, lentement mais sûrement, comme un chant qui débute au premier abord tout juste comme un chuchotis à peine audible avant de gagner de plus en plus en force jusqu’à devenir une puissante incantation, quelque chose qui pouvait s’assimiler à un charme opérait entre Saïl et cette jeune fille tout juste rencontrée mais entre les mains de laquelle il aurait remis sa vie sans hésiter : pour le moment, l’enchantement n’en était encore qu’au stade du murmure, mais il opérait déjà indubitablement, instaurant subrepticement dans les lieux une atmosphère de havre de paix qui contrastait des plus agréablement avec le tumulte extérieur des rues de Seikusu au sein desquelles il faisait un temps à ne pas mettre un chat dehors et où circulaient très probablement encore des patrouilles à la recherche d’un loup-garou. Dans un autre cadre, en d’autres circonstances, à un autre moment, et surtout avec une autre personne, il se serait très certainement enjoint de ne pas se laisser aller à une attitude aussi languissante si facilement, mais dans le cas présent, il n’avait pas envie de se casser la tête avec des questions de convenances sociales : l’idée qui primait dans son esprit était qu’il venait d’échapper de justesse à un triste sort grâce à l’aide de cette Hisae en compagnie de laquelle il se sentait si bien et pour laquelle il se sentait instinctivement de tendres penchants qu’il n’aurait sans doute pas dû éprouver selon certaines lois morales, mais qu’il aurait été autant enclin à réfréner qu’à ressortir tout de go sous la pluie alors qu’il commençait tout juste à goûter cette situation si appréciable.
De sa vie, le jeune homme n’aurait jamais cru pouvoir souhaiter être transformé en un corps inerte, mais à voir le gâteau qu’il tendait à sa voisine de canapé être glissé entre les lèvres de cette dernière, il en vint à souhaiter qu’il fût à sa place pour pouvoir savourer directement le contact de ces petites parties de chair délicatement rosées, pensée d’un romantisme passablement guimauve pour laquelle il se fustigea sans trop de conviction tellement il était relaxé en ce moment même, difficilement capable de faire preuve du professionnalisme et de la rigueur intellectuelle qui le caractérisaient d’ordinaire : dans une attitude qui confinait à celle d’une personne hypnotisée, il contempla avec un sentiment d’approbation teinté de ravissement l’élégance maniérée dont la belle adolescente faisait montre en prenant soin d’offrir aux miettes qui tombaient de sa si jolie bouche un terrain d’atterrissage qui ne fût pas le sol. Finissant par se rendre compte qu’il avait l’air de gober les mouches, il se décida à se détourner de l’objet de son attention avec une recrudescence légère de son rougissement aux joues pour retourner à ces biscuits décidément délicieux dont il prit un exemplaire pour le grignoter avec gourmandise sans pour autant pouvoir s’empêcher de lorgner de temps à autre en direction de la femme à la chevelure d’or. Lorsqu’elle en eut fini avec sa propre pâtisserie et qu’elle se remit à l’observer, il fit de son mieux pour conserver un maintien détaché et se donner l'allure de quelqu’un plongé dans ses pensées, sans grand succès, ayant anormalement du mal à formuler une idée réellement complexe et cohérente.
Qu’est-ce qu’elle pouvait bien penser de lui ? Cette pensée aurait peut-être davantage eu sa place chez un jeunot amouraché, mais Saïl la formula presque malgré lui en son for intérieur, réellement curieux de savoir ce qui pouvait bien se tramer dans cette tête à la matière grise si bien disposée qu’entourait un faciès des plus harmonieusement séduisant. Ah, zut, il devait avoir au bas mot une fois et demi son âge, ce n’était pas l’occasion de nourrir des pensées de ce genre, et s’il ne pouvait prendre sur lui plus correctement que ça, alors il aurait sans doute été préférable qu’il allât prendre une bonne douche froide dehors pour se remettre les idées en place. Pourtant, lorsque le sujet fut indirectement abordé par Hisae quand elle mentionna un domicile, il en ressentit un pincement au cœur : oui, il avait un endroit où dormir, un studio dans lequel il s’était toujours senti très bien, mais qui lui paraissait en y pensant affreusement loin, et surtout terriblement inconfortable et désagréablement vide comparé au lieu où il se trouvait. Oui, même si ce n’était pas correct, il voulait rester, et s’il était trop poli pour demander une chose pareille, la lueur qui illumina son regard au moment où son hôtesse mentionna la possibilité pour lui de trouver ici asile dut être assez éloquente pour qu’elle comprît l’approbation qu’il avait de cette éventualité ; et alors qu’elle mentionnait vouloir elle-même qu’ils restassent ensemble plus longtemps, il sentit les battements de son cœur s’accélérer, gonflant ses joues de sang au fur et à mesure qu’elle approchait son visage du sien, pour finir par atteindre un rythme proprement inquiétant lorsque les doigts frais et fins touchèrent sa peau. Ainsi, que l’on imagine son trouble lorsque leurs lèvres entrèrent en contact, ou plutôt manquèrent de peu d’entrer en contact contrairement à ce qu’il avait coupablement souhaité… il aurait très probablement dû se gifler d’être aussi leste, mais il n’y avait rien de mal à éprouver de la tendresse pour quelqu’un, même si ce quelqu’un n’avait pas exactement votre âge, n’est-ce pas ?
Oh et puis zut, l’aphorisme disait bien qu’il ne fallait pas se plaindre que la mariée était trop belle, et même si la demoiselle qu’il avait en face de lui était de toute évidence loin de répondre à cette domination, il était d’accord qu’étant donné qu’ils penchaient tous les deux dans le même sens, il aurait été stupide de la repousser ! Doucement, sans rien dans ses mouvements qui aurait pu laisser croire qu’il la forçait à prendre la posture qu’il désirait, il passa une main derrière la nuque de sa désirée, caressant au passage la peau du cou et effleurant les cheveux d’or, pour ensuite tourner légèrement la tête pour l’embrasser le plus tendrement du monde. Il aurait été faux de dire que c’était un baiser langoureux, car il pressait tout simplement sa bouche contre la sienne sans violence, avec mille égards pour sa personne, mais c’était sans l’ombre d’un doute un baiser tendre et sincère qu’il lui offrait là, et qui lui parut bien plus agréable que s’ils s’étaient, comme on dit communément, roulé une pelle. Pendant ce temps, en un geste protecteur, sa patte libre s’était glissée le long de la hanche de la jeune fille pour se poser contre son dos, son bras pressant légèrement ce corps bien en chair mais injustement froid qui aurait sans doute bien eu besoin de chaleur humaine, une chaleur que Saïl aurait été plus que prêt à lui procurer en une étreinte qui aurais requis une proximité qu’il n’osait pas adopter. Après quelques secondes de contact labial, il recula légèrement la tête pour plonger ses indignes noisettes dans les saphirs auxquels elles se trouvaient confrontées, la vision d’un si charmant minois conférant à sa voix quelque chose de suavement rêveur alors qu’il murmurait :
« Je… je ne suis pas comme ça d’habitude. »
-
Qu'est-ce qui m'avait prit ? Ce n'était pas vraiment moi. J'avais pourtant prévue de garder mes distances pour ne pas paraître louche et voilà qu'à présent je ne me retrouvais plus qu'à quelques centimètres de lui, de son corps. Je venais presque d'oublier qu'il avait peut-être une dizaine d'années d'avance sur moi. Mais après tout, ce détail n'était peut-être pas le plus important. Je lui avais avoué ne pas vouloir son départ et je ne mentais guère. Depuis que je lui étais venue en aide, je n'avais plus vraiment eu envie de rentrer chez moi et puis je ne voulais pas le laisser seul. Peut-être qu'au fond, c'était moi qui avait le plus besoin de compagnie quelle qu'elle soit. Dans un élan de gêne je m'étais mise à mettre en contact mes lèvres non loin des siennes. Encore quelques millimètres et j'y étais, à l'endroit de quelques unes de mes convoitises. Au fond j'avais peur, je craignais qu'il ne me repousse alors que tous les regards, les gestes que nous avions échangés jusqu'à présent ne semblaient alors pas avoir été synonymes de rejet. Durant ce court instant, je profitai pourtant de toucher sa peau un brin sèche et pourtant velouté, d'en prendre connaissance et de constater que je ne voulais plus vraiment m'en séparer.
Mon buste en avant, les jambes encore en tailleur bien qu'envieuses de se placer autrement, je décollais enfin mon visage du siens avec gêne, ayant la sensation que mon geste ne donna lieu à aucun effet et pourtant. Une main se posa dans mon cou, une main chaude qui me fit fermer les yeux puis ce fut les lèvres de Saïl qui se collèrent alors aux miennes pour entamer un baiser d'une extrême douceur dont je ne me lasserais. Je me sentis soudainement plus étreinte par le jeune homme lorsqu'il fit glisser sa main sur mon corps. Bien qu'encore vêtue, son geste me procurait quelques frissons plutôt agréables je l'avoue. Le désir qu'il puisse s'adonner à d'autres douces caresses comme celle-ci sur ma peau nue me traversa l'esprit quelques instants. Tout s'interrompît lorsque nous mirent fin à cet échange. Je plongeais mon regard brillants dans le siens et l'écoutais murmurer, se justifier du retour qu'il m'avait offert. Je souriais, attendrie. Je chuchotais à mon tour quelques mots timidement.
- A vrai dire, moi non plus mais vous ... Je n'osais même plus terminer ma phrase en le regardant droit dans les yeux, tellement prise de gêne mais de besoin à le lui faire savoir, que j'approchais plutôt mes lèvres de son oreille pour terminer ... Je ne sais comment le dire autrement mais ... vous m'attirez énormément, Saïl.
Je me remettais en quête de ses lèvres, déposant plusieurs légers baisers sur son visage, suivant plus particulièrement les courbes marquées de sa mâchoire jusqu'à en atteindre son menton. Tandis que je m'adonnais à ce petit plaisir peut-être partagé, mon corps s'était lentement soulevé afin de se posé sur les cuisses de mon interlocuteur. Mes deux genoux de part et d'autres de son bassin et adoptant ainsi une position plus confortable, je continuais mon instant de tendresse sans me préoccuper, peut-être égoïstement, du confort de mon partenaire. Ma main gauche avait rejoint la nuque de ce dernier, l'explorant par des caresses, mes doigts entrant parfois en contact avec sa chevelure massive, tandis que ma main droite glissait avec lenteur de sa joue. Je laissais alors doucement courir mes doigts le long de son cou, effleurant au passage sa pomme d'Adam puis atteignant la base de son cou et son épaule.
Posant un deuxième profond regard dans les yeux noisettes de Saïl, nos nez s'effleurant, je capturais de nouveau ses lèvres, enserrant sa supérieure entre les miennes pour entreprendre un baiser plus intense mais tout aussi plein d'attention que le précédent. J'eus une étrange sensation, un sentiment que je n'avais encore jamais perçu jusqu'à ce soir. J'avais l'envie, l'avidité ... de lui appartenir, au moins pour cette nuit.
-
Saïl n’avait jamais été et ne serait probablement jamais ce qu’on aurait pu appeler un homme à femmes : bien évidemment, il appréciait la compagnie de la gent féminine, et ce pas exclusivement pour l’agrément purement physique qu’un corps du sexe opposé pouvait impliquer, mais même face aux personnes au comportement le plus amène et à l’abord le plus bienveillant, il ne pouvait s’empêcher de se sentir gêné, un peu comme s’il avait été un simple visiteur admis dans une enceinte dans les limites de laquelle il conserverait toujours quelque chose d’un étranger. Pourtant, avec Hisae, l’alchimie opérait différemment sans qu’il eût pu s’expliquer le pourquoi du comment d’une telle harmonie : en la présence de cette douce adolescente, tout semblait réellement aller comme sur du velours, ce même velours dont on aurait pu croire que sa peau fraîche, lisse et délicate était constituée. Il aurait été hypocrite de prétendre le contraire, il éprouvait le désir croissant de la posséder, mais pas de n’importe quelle manière ; pas en exploitant à outrance tous les charmes qu’elle pourrait avoir à offrir, mais en lui faisant partager une expérience la plus agréable possible pour elle comme pour lui : il était pour ainsi dire tombé au sein du nid d'une représentante de cette espèce si étrange qu’était la femme, et il ne voulait pas la dompter mais l’apprivoiser, dans toute l’acceptation de ce que ce terme avait comme connotations de consensualité et d’acceptation réciproque. Il exprimerait clairement qu’elle lui donnait envie, envie de la connaître intimement et de partager avec elle le cercle le plus restreint des relations qu’ils pouvaient entretenir, quand bien même cela serait pour l’espace de cette nuit uniquement ; et si elle ne partageait pas de semblables aspirations, alors il cesserait ses avances et la laisserait en paix.
Mais cela n’était de toute évidence pas le cas, l’amour qu’elle ressentait également de son côté étant aisément perceptible même par quelqu’un qui n’était pas une flèche en affects sentimentaux comme Saïl, et même si les manifestations qu’elle en donnait étaient empreintes d’une maladresse candide et touchante, elles n’en étaient pas moins suffisamment probantes pour laisser bien peu de place au doute. A ses paroles, il ne se transforma pas en pivoine humaine, mais l’incarnat de son teint s’accrut tout de même ainsi que son rythme respiratoire et cardiaque, preuves que les mots qu’elle prononçait ne l’émouvaient pas moins que s’il avait été un novice complet dans le domaine du cœur, ce qu’il était au fond de lui-même toujours un peu. Il aurait été un gros vantard de se croire suffisamment aguerri dans la pratique des attouchements charnels pour juger de la compétence de quelqu’un, mais du haut des quelques connaissances qu’il avait pu glaner au fur et à mesure de ce qu’il avait vécu, il estimait pouvoir dire sans grand risque de se tromper que pour une adolescente vraisemblablement et visiblement inexpérimentée, Hisae se débrouillait bien : bien évidemment, ses mouvements n’avaient rien de la fermeté experte dont une personne plus habituée à de tels contacts aurait pu faire montre, mais cela n’empêchait nullement ces délicieuses étincelles de plaisir électrisant de naître à la base de chaque endroit où les lèvres de la demoiselle se posaient pour y appliquer cette infime succion en laquelle consistait un baiser.
Sentant qu’elle voulait se rapprocher de lui, il l’y encouragea tacitement mais affectueusement en refermant tendrement ses deux bras derrière le dos souple de sa partenaire, lui caressant l’échine alors qu’il l’attirait contre lui, la laissant de son côté explorer son corps autant qu’elle le désirerait : véritablement, elle le découvrait d’une manière dont elle n’avait peut-être bien jamais découvert personne, et il ne se serait en aucun cas permis de précipiter le déroulement des choses. L’écoulement des heures semblait comme suspendu sous la protection de ces quatre murs entre lesquels ils se mouvaient, ils avaient tout le temps qu’il faudrait pour que tout se passât tout en douceur, et rien ne viendrait de lui qui pourrait être de nature à la brusquer : la première expérience sexuelle de Saïl, sans avoir été ce que l’on pourrait appeler un fiasco, pouvait indubitablement être appelée un mauvais départ, et il voulait tout faire pour que celle qui se remettait présentement à lui ne passât pas par les mêmes affres d’insatisfaction. Il y avait bien des hommes plus aptes que lui à déployer convenablement l’éventail des possibilités érotiques et à faire vivre quelque chose de plus exaltant que ce qu’il aurait pu procurer, mais il était résolu malgré sa relative inexpertise à faire preuve de tout son savoir et de toute son habileté afin de la guider au mieux pour ses premiers pas dans ce monde inconnu et, par bien des aspects, hostile et effrayant.
Manifestement, elle voulait passer à un stade supérieur, et Saïl répondit à ses avancées, l’accueillant dans ce nouveau stade de contacts charnels en répondant sans hésitation au baiser qu’elle lui donnait avec quelque chose comme de la gourmandise, une avidité qui prenait également forme chez lui. D’ailleurs, il aurait été mentir de dire qu’il avait la situation sous contrôle : certes, il était sur un terrain plus familier qu’elle, mais cela ne voulait pas dire qu’il se maintenait à la lisière des flots de plus en plus tumultueux de la passion sans en être atteint ; ils y baignaient tous les deux, l’un contre l’autre, entamant les premiers mouvements d’une gymnastique amoureuse.
Se décidant à reprendre quelque initiative, il prit les commandes de l’embrassement pour que le ballet labial se fît cette fois-ci plus franchement et plus hardiment, rivant sa bouche contre ces lèvres tièdes si adorables et si tendres avec un début de fièvre alors que sa langue commençait à envahir le territoire proche pour toucher sa voisine. En même temps, sans aucune violence, il la colla un moment contre lui, leurs deux poitrines se pressant l’une contre l’autre avant qu’il ne la renversât précautionneusement en arrière sans interrompre l’activité au niveau du visage, la maintenant fermement d’une main derrière le dos et de l’autre derrière la tête jusqu’à ce que sa cambrure épousât sans heurt la surface de cuir du canapé. Désireux d’approfondir ce qu’il avait pu éprouver de la peau d’Hisae et de réchauffer encore plus ce corps réceptif aux caresses, il laissa glisser ses paumes sous le tee-shirt de la jeune fille afin qu’elles allassent à la rencontre de son abdomen pour ensuite en masser avec attention la surface voluptueuse, ses doigts à l’agilité arachnéenne glissant sur l’épiderme délicat sans maladresse ni précipitation, épousant les courbes exquises de ce bas-ventre pour remonter lentement mais sûrement en direction de ces seins dont ils commencèrent à effleurer le soutien-gorge.
-
Je ne savais pas vraiment comment m'y prendre. Je n'avais jamais été aussi près du "but" avec le sexe opposé et je m'aventurais, comme dirait-on, en une terre inconnue. Mais je savais néanmoins que j'en avais envie, envie de me mêler à lui et de me sentir sienne. De mes mains je commençais peu à peu à explorer un peu plus de son corps, glissant ma main sous le col de sa chemise pour la passer sur ses omoplates, dont je sentais la musculature sous mes doigts, tandis que mes baisers se faisaient plus passionnés qu'au début de notre approche. Son étreinte se fis plus accentuée et je sentis ma poitrine se presser contre son torse.
C'était une première pour moi, me sentir aussi attirée par un homme. J'avais toujours mit ce genre de relations de côté, ne m'en étais pas souciée, préférant chercher à me connaître moi-même. J'en venais à me dire que je n'aurais jamais imaginé avoir ma première relation sexuelle dans de telles circonstances. Comment, je n'en savais rien, à vrai je ne m'étais jamais posé la question. Je ne savais dire si ce qui nous liait se trouvait être de véritables sentiments ou seulement une mutuelle attirance physique. Tout ce que je pouvais en déduire c'était que quelque chose entre nous nous avait poussé à en venir là.
Le cœur battant, mon corps aussi froid qu'il l'avait put l'être jusqu'à présent se réchauffait au moindre contact des mains de Saïl sur moi. Les joues encore rosées, j'essayais, en quelques sortes, de m'appliquer dans mes gestes, mes baisers, mes caresses. J'avais peut-être peur que mon malheureux savoir-faire en la matière le laisserait hésitant à continuer mais il ne semblait pourtant pas réticent à mes avances. Mes lèvres contre les siennes, je profitais du goût de celles-ci et ne souhaitais plus vraiment m'en détacher, tandis que je sentais son souffle sur mon visage enflammé.
Laissant l'homme, certainement plus expérimenté que moi, auquel je m'adonnais prendre ces quelques initiatives envers moi, je laissais nos deux langues se mettre en contact et engager un échange des plus langoureux et envoûtant. Je me laissais guider par ses mouvements, me retrouvant par la suite sous le corps du jeune homme, lequel je souhaitais tant en explorer chaque parcelle. Mes bras enlaçaient un peu plus son cou et ma main droite vînt pleinement se blottir dans ses cheveux tandis que je continuais à l'embrasser avec passion et désir. Personne n'avait put jusqu'à présent établir un tel contact physique avec moi, aussi intime. Aussi je ne put que ressentir quelques frissons de plaisir lorsque ses mains chaudes se glissèrent sous mon tee-shirt pour avec douceur caresser mon ventre puis remonter jusqu'à ma poitrine. J'adorais ça et pour tout dire, mon corps en réclamait plus, bien plus.
Était-ce trop entreprenant ou surtout trop rapide de ma part que de vouloir déjà le dévêtir afin de me sentir plus proche de lui ? Aucune idée mais je ne me privai pas pour autant de m'y mettre sans trop savoir où j'allais. Mes baisers s'étaient glissés dans son cou, respirant son odeur, je m'attelai à suçoter quelques petites parcelles de chair tandis qu'une de mes mains s'était glissée sur son torse afin de déboutonner un puis deux boutons de sa chemise. Ma main s'introduisît ensuite sous le fin tissu noir pour enfin passer ma main sur sa peau. Je pouvais à présent sentir son cœur battre dans sa poitrine. Au fond je me dis alors que de lui avoir prêter ces vêtements et surtout de l'avoir incité à se changer n'aura finalement pas été vraiment utile.
Sous le charme de ses caresses, j'entrepris de faire lentement glisser ma jambe droite le long du corps de ce dernier, remontant légèrement sa chemise de mon genoux avant que ma cheville ne se laisse maintenant attirer par sa jambe qu'elle se mit à parcourir doucement.
-
Le murmure d’envoûtement du départ s’était à présent mué en des trilles légers mais bien présents qui continuaient de captiver les deux partenaires dans une transe d’affection passionnée mutuelle, les entraînant dans ce balai de gestuelle amoureuse qui se poursuivait par tâtonnements de part et d’autres, sans violence, sans brutalité, sans empressement même, alors que l’un et l’autre renforçaient à chaque seconde qui passait l’intimité qu’ils partageaient. Saïl avait envie de celle qu’il embrassait sans cesser, mais contrairement à ce qui aurait pu être le cas en d’autres occasions, avec d’autres personnes, il ne sentait pas ce torrent d’envie sexuelle qui frappait trop souvent sa libido exacerbée par les instincts animaux qui l’agitaient d’habitude. Bien sûr, soyons franc, son corps contenait tout de même de la testostérone, et le désir qu’il ressentait à mesure que les contacts charnels avec Hisae se prolongeaient ne faisait qu’aller croissant, mais il ne sentait nul besoin d’accélérer les choses, laissant en toute simplicité la magie du moment prendre racine et s’intensifier afin que tout se déroulât le plus consensuellement possible. Sans le vouloir, son cerveau décryptait le comportement de la belle blonde contre lui, et il pouvait déduire des différents éléments qu’il percevait que celle-ci ne se sentait pas très à l’aise sans toutefois qu’elle fît montre du moindre signe de rejet, aussi, sans pour autant rester passif, il lui laissait plus ou moins l’initiative de la vitesse auxquelles les choses se poursuivraient afin qu’elle ne se sentît pas dépassée par les évènements qu’elle vivait en compagnie de celui qui restait tout de même un inconnu à ses yeux, quelle que fût la confiance qu’elle pût lui porter.
Et des initiatives, elle se montra prête à en prendre lorsqu’elle rompit leur étreinte buccale afin de glisser ses lèvres le long de son cou pour y déposer une succession de baisers qui laissa le jeune homme surpris d’une approche faisant preuve d’une telle hardiesse, mais positivement exalté par ces succions qu’il savoura pleinement, le plaisir qu’il y prenait se manifestant par une accélération de son souffle qui se fit légèrement soupirant à mesure que les petites parties rosées et humides voletaient sur sa peau. Plus bas, au niveau de son torse, le dextérité dont elle fit preuve en défaisant les boutons du vêtement qu’il venait tout juste d’enfiler l’impressionna, et alors que les mains blanches et fraîches parcouraient son buste, sa chair frissonnant à ce contact qui frappait par la différence de température avant de se laisser dompter par la douceur du toucher, se laissant caresser sans résistance. En même temps, contre son bas-ventre et le long de sa jambe, il pouvait sentir celle d’Hisae frotter contre lui, et l’excitation provoquée par de tels attouchements ne tarda pas à faire naître une turgescence qui laissait peu de place au doute bien qu’elle fût encore masquée par la toile épaisse du jean que Saïl portait.
Toutefois, tout cela renforça l’ardeur du savant qui ne put se retenir plus longtemps de passer au niveau supérieur : avec sa force, il aurait très facilement pu déchirer le tee-shirt qu’elle portait afin d’accéder plus directement à ce corps si précieux, mais il se doutait que si en tant que partenaire, elle aurait pu tolérer un tel geste, la travailleuse n’aurait pas vraiment apprécié, aussi il se contenta de faire glisser plus franchement le haut en direction de la tête de la jeune fille, laquelle se prêta obligeamment au mouvement, si bien que rapidement, elle se retrouva avec la poitrine uniquement couverte de son soutien-gorge alors que son aimant venait à nouveau se coller à elle, cette fois-ci pour littéralement dévorer de baisers ardents ce cou de cygne si attrayant. Pendant ce temps, ses mains avaient repris leur position, malaxant désormais les chairs abdominales de l’adolescente, les pétrissant amoureusement avec une expertise digne de quelqu’un qui avait une solide connaissance des points vitaux d’un corps humain, passant subrepticement derrière le dos de la suave demoiselle tandis qu’elles remontaient sans cesser d’appuyer partout où le médecin pouvait sentir une raideur jusqu’à ses seins, lesquels se retrouvèrent bientôt libérés lorsque, dans un cliquetis évocateur, l’agrafe de la pièce de tissu qui les abritait se retrouva défaite sous les doigts agiles.
Au niveau du visage de la délicate entité angélique, les lèvres de celui qui lui était dédié remontèrent le long de son cou sans cesser leurs baisers enfiévrés, passant au niveau des maxillaires pour atteindre l’oreille dans le creux de laquelle Saïl murmura spontanément :
« Tu es splendide. »
Un comportement aussi entreprenant pouvait à bon droit surprendre de sa part, mais après tout, n’était-il pas quelqu’un qui prenait un grand plaisir et une grande satisfaction à faire en sorte que les personnes qu’il entourait de ses soins se sentissent le mieux possible de par son emploi même ? D’accord, Hisae était une « patiente » pour le moins spéciale, et le tutoiement qu’il avait employé sans même vraiment y réfléchir prouvait qu’il ne s’agissait à ses yeux en aucun cas de n’importe qui, sinon il ne se serait pas permis de partager un moment aussi tendre et intime avec elle : de fait, parmi toutes les relations sexuelles qu’il eût connues, même si le palmarès n’avait rien d’impressionnant, celle qui se déroulait en ce moment même n’était peut-être pas la plus intense, mais c’était en tout cas la plus harmonieuse, le terme de charme pouvant à bon droit être employé pour qualifier ce qui se passait d’elle à lui.
Mais pour en revenir plus directement à la situation, la bouche ne laissa pas de sitôt l’organe auditif tranquille, et après les paroles, les actes parlèrent à nouveau, le jeune homme se mettant à mordiller et à suçoter le lobe qui se présentait sous son nez, jouant avec comme avec un grain de raisin bien mûr, le croquant presque.
-
Mordillant à certains endroits, la chair qui constituait le cou de Saïl, je le laissais continuer les caresses qu'il m'offrait au niveau de mon abdomen, toujours plus agréables les unes que les autres. Je ne cessais de faire parcourir ma main droite sur son torse à découvert tandis que l'autre se contenter de glisser dans sa nuque chaude. Mes mains d'un naturel froid semblaient se réchauffer peu à peu, tout comme mon corps qui me faisait ressentir une sensation toute nouvelle. J'intensifiais mes baisers, remontant doucement vers ses lèvres pour à nouveau les capturer et en savourer le goût et la tendresse. Par moments je me sentais légèrement crispée mais me détendais aussitôt comme si un bref éclair m'avait parcourut le système. Je savais que Saïl avait déjà bien plus d'expérience que moi et pourtant, il faisait preuve de délicatesse pour me mettre à l'aise. Une chose qui fonctionnait plutôt bien sur moi. Malgré ma maladresse, je me sentais moins gênée et plus déterminée à en arriver aux faits.
Arrivant à un stade supérieur, le tissu qui me couvrait jusqu'à présent le haut du corps laissa ma chair à nue sous les gestes adroits du jeune homme. Suivant ses mouvements, ma poitrine, bien que recouverte encore de mon sous-vêtement blanc, était maintenant à découvert. Des baisers couvrirent mon cou prestement pendant ses que ses caresses ne cessaient, exerçant quelques pressions ça et là, effleurant ma poitrine et ce qui restait de tissu pour la couvrir. Les yeux fermés, je me laissais emporter dans une vague d'excitation qui ne faisait qu'accroître à chaque contact de ses lèvres sur ma peau. Ma main glissant sur son buste, je n'attendis pas plus longtemps avant de finir ce que j'avais entrepris plus tôt. Retirant chaque bouton de l'étoffe à laquelle il se trouvait rattaché, la chemise se voyait dès à présent grande ouverte. Mes deux mains parcourant ses épaules si parfaitement modelées, j'empoignais le vêtement avec fermeté avant de le lui retirer. Sans nul besoin de la voir, je devinais son appétissante musculature sous mes doigts fins qui effleuraient d'abord timidement avant de s'y poser plus franchement.
Ma poitrine en ébullition au contact du torse de mon partenaire, fût soudainement libérée de la fine dentelle qui la soutenait jusque là grâce à l'agilité de Saïl. La pression de ses doigts sur mes seins me faisait frissonner davantage et n'arrangeait en rien mon désir charnel. Ces baisers continuant de me parcourir le cou, de mes lèvres s'échappaient alors quelques premiers soupirs de plaisir et je m'en mordais alors la lèvre inférieur. Mon bras enlaçant son cou, ma main gauche parcourait de haut en bas son dos sans pouvoir atteindre pourtant ses reins. La droite se chargeait néanmoins de glisser le long de son bras, le serrant un peu plus à chaque spasme dont dont je devenais victime de par ses caresses et l'excitation qu'il me procurait.
A mon oreille fut chuchotés quelques mots, un compliment que je ne pouvais que prendre en compte. Je ne répondis pas mais n'en pensais pas moins. Plus intimes l'un de l'autre à chaque instant, son tutoiement me parvint comme rassurant, comme s'il ne me voyais finalement pas seulement comme un objet au pur but d'assouvir ses envies. Il aurait mieux fait d'ailleurs après la confiance que je lui accordais, je m'adonnais littéralement à lui malgré mon manque de connaissance à son propos. Je souris pourtant, flattée d'un mot qu'on ne me disais que rarement, et envieuse qu'il ne soit pas marqué que par cela mais aussi pour la nuit qu'il passerait en ma compagnie, bien qu'incertaine que tout cela ne se passe comme nous le souhaitions.
Aussi, c'est dans cet élan de plaisir et de désir que je me mettais à prendre le dessus de la situation et l'invita à prendre maintenant place sur le canapé comme je venais de le faire, pendant que je me plaçais à califourchon sur son bassin. Je me surprenais moi-même à prendre de telles initiatives mais à dire vrai, peu m'importais.
Plongeant quelques secondes mes grands yeux de saphir dans les siens aux reflets havane, j'approchais mes lèvres des siennes et entamai alors un baiser auquel se mêlaient alors nos langues dans de fougueux entortillements. Une de mes mains glissait le long de son torse exerçant un instant quelques mouvements rotatifs avant d'atteindre le jean qui recouvrait encore le reste du corps de Saïl. Je me risquais maintenant à y glisser l'extrémité de mes doigts sur quelques centimètres avant de jouer avec le bouton, ma poitrine pressée contre lui.
-
L’acte sexuel est bien souvent comparé à une danse, et s’il est possible qu’une telle métaphore puisse échapper à plus d’un, elle est en réalité aisément explicable, car il s’agit d’une activité à laquelle on s’adonne typiquement en duo (il existe bien des pratiques qui nécessitent plus de deux participants, mais elles ne sont pas parmi les plus courantes) et pour laquelle pratiquer il est nécessaire de s’harmoniser avec son partenaire, de faire corps avec lui afin que les mouvements exécutés puissent se faire sans molester la personne au contact de laquelle on s’agite : parfois, au début, on hésite, on se cambre, on est nerveux, on se marche sur les pieds, puis généralement, peu à peu, on se laisse entraîner par la musique et les gestes acquièrent de l’assurance, on se laisse aller à des hardiesses, on ne craint plus de virevolter et de faire virevolter, et dans le meilleur des cas, toute la gestuelle se confond en un tout souple et gracieux qui se poursuit sans jamais devoir sembler s’achever jusqu’au pas final où toute la tension retombe alors, laissant le couple apprécier la performance à laquelle il vient de s’adonner.
Pour le moment, le musicien en chef qu’était leur sang battant à leurs tempes n’avait pas encore donné la pleine mesure de sa ferveur, mais il avait dépassé le stade de l’échauffement et commençait à entraîner les deux humains allongés sur le canapé dans une succession d’attouchements qui repoussaient toujours plus les barrières dressées entre eux, les rapprochant à chaque minute qui passait alors que, l’un après l’autre, les vêtements dont ils étaient couverts tombaient pour que l’homme comme la femme pût apprécier la beauté du corps qui se présentait à sa vue, mais aussi à son toucher. Toute trace de gêne était absente, seules subsistaient quelques crispations qui se manifestaient de temps à autre en des rémanences de la vulnérabilité dans laquelle ils s’étaient retrouvés en se donnant à autrui, avant de disparaître sous la simple certitude que l’être même qui les étreignait était celui qu’ils désiraient sans s’en dédire.
Hisae en particulier devait faire preuve d’une confiance impressionnante, puisque si Saïl était quelqu’un de relativement dépourvu d’attaches ayant acquis un tempérament plutôt baroudeur au fil des mois, elle était bien plus liée à Seikusu, en particulier aux locaux dans lesquels se déroulaient leurs ébats, et si jamais cet étranger qu’elle avait accueilli devait s’avérer être un scélérat, elle se retrouverait bien plus vulnérable que si une telle éventualité se présentait inversement. Tel n’était pas le cas, car même en sondant l’esprit du médecin jusque dans ses recoins les plus cachés, on aurait été bien en peine d’y trouver la moindre pensée malveillante à l’égard de cet ange si désirable : véritablement, il aurait décroché la lune pour elle, même si, à en juger par l’éclat transcendant de ses iris, elle était déjà plus que convenablement dotée niveau astres, les saphirs d’un bleu irréellement profond paraissant luire d’un éclat propre qui envoûtait le jeune homme.
Il savait que, si enthousiasmée qu’elle pût être par sa libido visiblement exacerbée par la situation ainsi que par les bons sentiments qu’elle se sentait à son égard, il ne devait pas être facile pour elle de se donner ainsi à quelqu’un qu’elle connaissait à peine, aussi observait-il parfois quelques pauses dans ses gestes sans pour autant rompre le contact avec elle afin de la laisser poursuivre sa découverte de lui : comme pour une démarche scientifique, elle observait, s’interrogeait, tâtonnait –au sens figuré comme au sens propre, pour le plus grand bonheur de son amant-, sauf qu’il n’y avait pas de raisonnement derrière tout cela, simplement des envies charnelles et une passion sincères que celui qu’elle parcourait, caressait, dénudait, lui rendait sans réserve. Rien de proprement transcendant, de vorace ou de torride dans leurs agissements, mais tout n’était que douceur, et les délices dont cela emplissait cette nuit complice valaient bien la partie de jambes en l’air la plus endiablée : lui comme elle étaient manifestement d’un naturel doux qui n’aimait ni brusquer ni être brusqué, et pour cette raison, chacun allait à son rythme, confiant dans le fait que cela n’incommoderait pas son partenaire.
Toutefois, afin de ne pas faire dire à la situation ce qu’elle ne voulait pas dire, que les choses soient claires, l’ambiance était loin d’être platonique, l’air se teintant de l’odeur pénétrante des phéromones enivrants que dégageaient les deux corps en ébullition en un appel instinctif à une étreinte ardente, les envies sexuelles trouvant les signes de leur existence dans la chaleur qui ne cessait de grimper ainsi que dans la respiration presque haletante des deux jeunes personnes, plus spécifiquement dans les soupirs d’Hisae de même que dans la façon dont elle se mordait la lèvre, et dans les mouvements de Saïl qui ne cessaient de gagner en vitesse alors que son érection s’affirmait.
L’adolescente gagnait en assurance, et celle-ci se manifesta dans le sourire ensorceleur qu’elle afficha, sa bouche perlée de fines dents blanche formant comme ce croissant de lune surnaturel en lequel consistait l’énigmatique expression enjouée du chat du Cheshire ; et à l’instar d’un chat, elle se redressa pour le pousser en arrière de ses mains et l’inviter à prendre une posture moins dominante qu’il adopta sans broncher, ayant ainsi tout le loisir d’apprécier en contre-plongée ces courbes voluptueuses qui lui mettaient l’eau à la bouche. A voir le regard qu’elle lui lança, il sentit un frisson lui parcourir le corps, et eut la pensée fugace que si elle lui avait ordonné n’importe quoi en ce moment même, il lui aurait obéi sans discuter ; non pas parce qu’elle le menait par la braguette comme on disait communément et comme on aurait pu le croire dans le cas présent, mais parce qu’elle irradiait d’une présence si attendrissante et enjôleuse à la fois qu’il avait envie de tout faire pour combler n’importe lesquelles de ses envies.
Baiser qui fut comme une onctueuse trophallaxie, comme l’échange à la fois intime et sincère d’une énergie propre à chacun qui circulait sans réserve d’une entité à l’autre afin que leurs essences se mêlassent et que chacun pût acquérir une connexion plus forte encore avec l’objet de son affection en ce lien qui se scellait par le biais de ces mêmes organes qui servaient à se sustenter : ils se nourrissaient de ce qu’était l’autre, se rassasiaient de son être, leurs langues se frottant l’une à l’autre presque fébrilement pour mieux se sentir. Alors que la main de la jeune fille passait sur son ventre en des spirales descendantes, les siennes opérèrent un parcours opposé, partant des hanches d’Hisae dont il pétrit fermement la peau douce et élastique pour remonter jusqu’au haut de son dos au niveau duquel il titilla la poitrine de la belle blonde pour atteindre la chevelure d’or au sein de laquelle les paluches se perdirent, fourrageant amoureusement à l’intérieur de cette masse épaisse encore humide, caressant la nuque ferme.
Soudain, l’un des appendices manuels redescendit sans crier gare, frottant tendrement contre l’échine de la créature à la joliesse princière, pour finir son parcours au niveau de son short dans lequel elle s’insinua de toute la longueur de ses doigts, palpant délicatement la croupe pleine et bien en chair sans pour autant l’empoigner à la manière d’un malappris tout en amorçant un mouvement de contournement qui épousa les formes du bassin pour aboutir aux régions pubiennes de l’adolescente dont ils effleurèrent les poils alors qu’ils remontaient pour s’emparer du mécanisme de fermeture du vêtement sur lequel ils conservèrent une prise experte. Saïl choisit ce moment pour interrompre leurs embrassements et fixer sa chère et tendre avec insistance –enfin, avec encore plus d’insistance qu’auparavant si cela était possible-, son regard teinté d’une lueur interrogative : encore une fois, il ne voulait pas que le déroulement des évènements fût trop précipité pour elle, et lui demandait ainsi muettement la permission de dévoiler d’autres parcelles de chair parmi les plus intimes.
-
Je fondais littéralement sous les baisers de Saïl. Chacun apportant une pointe de frissonnement au contact avec ma peau pâle, sensible à chacun de ses gestes. M'oubliant complètement dans la situation, j'en négligeait les réelles circonstances, accidentellement sur mon lieux de travail, >_> de quoi en frustrer plus d'un, avec un homme dont je ne connaissais qu'à peine l'identité et qui gardait cet air mystérieux. Peut-être était-ce ce détail qui rendait les choses aussi excitantes à mon goût qu'elles ne l'étaient. Je me laissais donc aller, me détendant peu à peu, nos deux corps brûlants l'un contre l'autre. Autant l'avouer, j'avais rudement envie d'aller plus loin, par curiosité sans doute, par gourmandise certainement.
Mes mains exploraient presque chaque centimètre carré du corps du jeune homme, se laissant guider par les formes de celui-ci. Me donnant à lui, il me le rendait avec toute la douceur et la patience dont je sentais avoir besoin jusqu'à présent. Cependant, mon corps attiré et envieux, me dicta bien d'autres choses et décida de prendre en quelques sortes le dessus. Gardant tendresse et passion, nous échangeâmes un fougueux baiser, nos langues s'entremêlant amoureusement l'une à l'autre. Les joues rosées, je fermais les yeux pour profiter de cet instant, mes mains glissant le long de son torse tandis que je sentais alors les siennes se laisser vagabonder dans ma chevelure et sur mon corps fermement.
Le laissant languir, mes doigts jouant avec le bouton de ce jean dont l'utilité serait moindre dans quelques instants, je sentais néanmoins la présence d'une enflure sous mon poignet, signe de l'érection certaine de mon partenaire. Au fond de moi, j'en souriais comme si j'étais finalement satisfaite de lui faire ainsi de l'effet, autant dire que de mon côté le résultat était même. Saïl semblait d'ailleurs tout autant impatient que moi. Ses doigts pénétrant dans le mince espace qui séparait le tissu de mon short de ma peau me firent sentir à quel point mes désirs sexuels étaient en éveil. Comme suivant un protocole en partie défini, nous faisions chaque chose en son temps. Déjà quelques idées me parcouraient d'ailleurs brièvement l'esprit alors que je m'adonnais encore à quelques baisers passionnés, lui mordillant parfois la lèvre inférieure avec appétit et la férocité d'un animal à ses premières heures.
Mon regard se perdit finalement dans le sien lorsqu'il se stoppa à la périphérie de mon fruit défendu. Je comprenais distinctement le message qu'il cherchait à me faire transmettre et sourit malicieusement. Du bout de mes doigts, je plaçais quelques mèches de mes cheveux, les plus semblerait-il gênantes, derrière mon oreille sans lâcher ce regard noisette et brillant qui ornait le visage de mon partenaire. A quoi bon hésiter, je n'avais pas l'impression de montrer la moindre objection à tout ce qu'il pourrait entreprendre de faire à mon égard. Le fixant encore quelques instants, me perdant presque dans ses yeux à la limite de la noyade, j'approchais finalement mes lèvres de son oreille avant de murmurer quelques mots.
- Qu'est-ce que tu attends ?
Le tutoyant comme il l'avait fait plus tôt, j'entrepris de lui mordiller le lobe de l'oreille généreusement avant de le sucer avec plaisir. Je me sentais avide de plaisir et avait envie de lui procurer bien plus que de simples baisers comme lesquels je m'étais appliquée à faire jusqu'à maintenant. Tel que l'on était partit, plus rien ne nous empêcherait d'aller plus loin dans notre découverte l'un de l'autre. Je ne pris d'ailleurs même pas la peine de lui demander par un simple coup d'œil la permission comme il l'avait si bien fait avec moi et commença à déboutonner doucement son pantalon. Me stoppant alors à ce simple mécanisme, mes lèvres se mirent à glisser sur sa nuque et enfin sur son torse. Me courbant un peu plus, mes baisers suivaient à présent cette ligne centrale qui séparaient d'abord son torse en deux muscles bien distincts et parfaits qu'on surnommait pectoraux puis se stoppait à hauteur de son nombril.
Simultanément, ma main droite se faisait plus entreprenante et dézippait alors cette fermeture éclair qui restait encore comme une limite à mes envies. Je me sentais étonnement devenir un peu plus perverse à chaque instant. J'allais peut-être trop vite, certes, mais ne réfléchissais plus tellement comme début. Faisant glisser jusqu'à mi-cuisse le jean de Saïl, j'en extrais finalement ce membre, déjà en pleine forme d'après moi, au grand jour. Je rougis instantanément bien que tentée, jetant un bref coup d'œil au jeune homme, j'aurais payé cher pour connaître ses pensées. Timidement, je posais mes doigts sur la chaire déjà chaude et gonflée avant d'y goutter littéralement. Mes fines lèvres épousant d'abord les formes de l'extrémité de l'organe, j'y fit finalement glisser ma langue doucement avant d'y prendre goût et d'y aller un peu plus franchement. Qui aurait crus que l'appareil reproducteur masculin puisse autant me rappeler les sucreries à tel point que j'y prenais moi-même plaisir ... ::)
-
Avait-il réellement cru qu’elle aurait pu se montrer réticente à ses avances, refuser que leurs attouchements allassent plus loin, le rejeter et couper ainsi là ce à quoi ils s’étaient jusqu’ici adonné avec un empressement propre à une jeunesse qui est encore loin d’avoir tout vu, quoi qu’elle pût en croire ? Pas vraiment : certes, il ne se serait en aucun cas montré présomptueux au point de rejeter une éventualité pareille, mais il était dans un état d’esprit où le déroulement du programme à suivre lui laissait peu de place au doute, et il se doutait que ce devait être également le cas pour Hisae d’après la lueur d’enthousiasme teinté de voracité qu’il pouvait lire dans ces prunelles radieuses digne de ces bleus profonds dont les peintres faisaient usage pour représenter l’habillement de la Vierge Marie, concept qui se retrouvait en partie chez l’exquise adolescente, même s’il était fort possible que l’hymen de celle-ci ne restât plus intact très longtemps au vu de la tournure que prenaient les évènements.
Cela voulait-il dire que Saïl aurait pu la prendre pour une salope qui se donnait au premier venu et ne craignait pas de troquer sa décence, son honneur, sa réputation, contre un maximum de plaisir mangé à tous les râteliers, peu importât leur allure ? Certes non, car même si elle se montrait d’un allant digne d’un animal en pleine parade de séduction dont l’objet était facilement explicite, il pouvait sentir dans ses gestes comme une hésitation, une inexpertise, quelque chose de maladroit qui lui était familier pour l’avoir expérimenté lui-même : de toute évidence, elle n’en était encore qu’à ses premiers rapports, si ce n’était le premier, et bien que la pensée de déflorer une personne du beau sexe le mît mal à l’aise, il faisait de son mieux pour se dire qu’il ne s’apprêtait pas à commettre un sacrilège mais une révélation et œuvrer par conséquent en ce sens, faisant de son mieux pour que cette première fois se passât le plus harmonieusement possible afin qu’elle en gardât le plus excellent souvenir et ne se montrât pas irrésistiblement réticente à renouveler une pareille expérience par la faute d’un faut départ. Le scientifique n’avait rien, ou en tout cas pas grand-chose, d’un hédoniste, mais il était tout aussi sensible que n’importe qui à la jouissance que peut apporter un rapport sexuel, et voulait par conséquent que cette jeune fille à l’égard de laquelle il avait autant de bons sentiments pût goûter aux voluptés de celui qui s’inaugurait avec la plus grande intensité possible.
Ainsi, lorsqu’elle lui transmit son aval quand à la manœuvre de déshabillement qu’il se proposait d’exécuter galvanisant encore plus la passion qu’il ressentait par le doux murmure feutré issu de sa fine bouche, il ne fit ni une ni deux, ou plutôt, n’aurait fait ni une ni deux s’il n’avait pas été littéralement stoppé net dans son élan par une nouvelle initiative de sa partenaire qui s’empara soudainement du lobe de son oreille qu’elle croqua et mastiqua généreusement, sa gourmandise tempérée par une sensualité qui fit inconsciemment pencher la tête vers le côté alors qu’il bougeait le bassin et que la dureté ainsi que la taille de sa troisième jambe ne faisaient que s’accroître. Cela pouvait paraître disproportionné, mais chacun a son faible dans toute matière que ce soit, la libido ne faisant pas exception, et chez Saïl, ce faible était l’oreille, partie du corps érogène dont la sensibilité était en ce qui le concernait décuplée ; et que cela fût inné ou que cela provînt de sa nature précédemment lupine, le résultat restait le même : il resta presque tétanisé, dévoré d’un plaisir qui ne s’estompa que lorsque l’appendice buccal d’Hisae cessa de le maintenir sous son emprise pour opérer une courbe descendante dont la trajectoire était suffisamment éloquente pour que la destination finale pût fort aisément se deviner.
Le temps qu’il se reprît, les baisers continuels ne l’aidant pas à se remettre d’aplomb, elle était déjà parvenue à son but, et le mieux qu’il put faire en réaction fut de poursuivre son activité là où il l’avait laissée, ses doigts retrouvant enfin leur agilité pour défaire d’une simple torsion le bouton qui maintenait les deux moitiés du short de jean reliées avant de tirer d’un coup sec mais soigneusement mesuré sur la fermeture éclair qui coulissa sans résistance, dévoilant une culotte de la même couleur que le soutien-gorge successivement révélé puis retiré, rendue légèrement humide au toucher par des sécrétions liquides féminines, le relief de la vulve en érection se laissant ressentir sous la surface de tissu fin.
Pendant ce temps, des gestes semblables s’accomplissaient au niveau de l’entrejambe de celui qui palpait justement les organes génitaux apparents de la belle blonde, le sien s’extirpant de sa gangue matérielle en un redressement qui aurait pu croire que le membre turgescent était monté sur ressorts, mouvement soudain qui ne manqua pas de surprendre celle qui était pourtant à l’origine d’un tel tumulte, sa peau blanche et soyeuse se colorant d’un incarnat qui ne faisait que rehausser sa beauté, du moins si cela était possible. « One penny for your thoughts. » comme disent les Anglais, et le lecteur n’aura même pas besoin de s’acquitter de cette dîme pour avoir connaissance de celles de Saïl qui était plus mitigé qu’on aurait pu le croire à l’idée de sentir cette belle bouche s’affairer sur son phallus : évidemment, le plaisir unique en son genre que cela procurait n’était pas moindre, mais il se sentait mal à l’aise à l’idée qu’elle dût courber l’échine pour le satisfaire lui alors que c’était elle qui aurait dû être choyée comme une princesse dont elle avait d’ailleurs la joliesse.
Toutefois, il ne fit aucun geste pour l’empêcher de se livrer à la fellation intentée, désireux de la laisser expérimenter les joies du sexe des manières qu’elle voudrait, sans chercher à la mener pour le bout du nez, ne se privant au contraire pas de manifester l’effet que cela lui procurait par des gémissements peu équivoques. Pour autant, il n’avait pas l’intention de rester stupidement passif, et sa main droite se glissa habilement derrière le barrage d’étoffe qui la séparait de la fente de l’adolescente, n’ayant aucun mal à trouver ses repères au sein de cette anatomie qu’il connaissait par cœur : sans pour autant la pénétrer, il se fit un point d’honneur de dûment s’activer, frottant sans discontinuer avec agilité afin de stimuler les lèvres extérieures du vagin en des va-et-vient doux mais fermes. Plus haut, son autre pogne se dirigea vers un des seins bien en chair de la demoiselle, les larges griffes inoffensives mais diaboliquement dextres se saisissant de la large glande mammaire aussi délicatement que s’il avait été en train de cueillir un fruit précieux, englobant facilement l’objet de ses soins malgré sa taille plus qu’honorable, pour ensuite le malaxer avec expertise, en titillant l’embout foncé du majeur et de l’index alors que les trois autres appendices parcouraient la chair grasse pour la pétrir gracieusement sans hésiter avec prodigalité.