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Le crépuscule s’annonçait au loin, perchée à un arbre, Xyanathel observait les environs. Son voyage éternel l’emporta dans un grand bois, quasiment similaire à son lieu de naissance, elle avait l’impression de se retrouver chez elle hormis un petit détail. On disait cette forêt hantée, que de vils esprits et fantômes régnaient mais voilà bien plus de cinq heures qu’elle y trainait. Aucune trace de ces fameuses apparitions, physique comme immatérielle. Il y avait bien de vieilles traces de pas qui remontaient à plusieurs jours, un explorateur sans doute, mais rien d’alarmant.
Lentement, elle se releva et soupira. La drow sauta dans le vide, le sol se trouvait bien à une bonne dizaine de mètres mais elle retomba tel un félin, pire encore, ce genre d’animal passerait pour un amateur à côté de la grâce innée et inégalée de l’Elfe Noire. Un craquement de brindilles se fit entendre derrière elle, à une bonne cinquantaine de mètres. Ah oui, n’oublions pas les sens aiguisés de cette race majestueuse, entre l’ouïe et la vue…
A travers la nuit qui s’annonçait, ses yeux percèrent l’obscurité pour y apercevoir un homme qui s’approchait lentement mais surement de Xyanathel. Il n’avait pas l’air de lui vouloir du mal, dans sa main droite, il portait un parchemin et ses armes étaient respectivement rangées dans leur fourreau. Qui plus est, son aura ne dégageait aucune menace. Il venait donc en paix, enfin, si l’on peut appeler ça ainsi. L’homme encapuchonné semblait orné d’un symbole, celui de la guilde des voleurs et des assassins.
« Vous êtes dans un endroit dangereux, Drow. Quoi qu’il en soit, j’ai du travail pour vous… » dit-il lentement en s’approchant et en tendant la feuille.
D’un geste quasiment imperceptible à l’œil nu, du moins pour un simple humain, l’elfe à la peau sombre saisit le parchemin. Sans dire un mot et sans le lire, elle renvoya le messager et ce dernier ne se fit pas prier, il tourna les talons et reprit sa route méthodiquement. Les yeux ébène se posèrent sur les quelques mots une fois la lettre de mission dépliée, sa lecture ne dura que quelques secondes, lisant en diagonales les détails peu importants. Son contact au sein de la guilde avait pour habitude de laisser certains mots doux qui ne représentaient que peu d’intérêts… voire pas du tout.
La nuit était désormais bien tombée, il faisait noir et le seul éclairage n’était autre que les étoiles. D’un sifflement aigu, elle appela sa fidèle monture, une grande panthère qui se fondait dans l’obscurité sans trop de mal. Comme avec la dernière personne, l’animal et sa maîtresse ne communiquèrent pas à l’aide de mot ou de rugissement, il n’y avait que le regard ébène de l’Elfe Noire reflétant des mots inaudibles et invisibles. Après un hochement de la tête de la cavalière, la bête noire disparue dans les ténèbres de la nuit et la Drow fit demi-tour sur elle-même, s’enfonçant dans la forêt.
Après un jour de marche, enfin une marche d’Elfe Noire, elle rattrape le commanditaire et le surveilla, analysant et observant les moindres détails. Il ressemblait plus à une machine qu’un homme, certaines personnes auraient qualifié cette chose de monstruosité, mais la beauté est relative à chaque individu et l’elfe sombre n’avait que faire de ces détails sans le moindre intérêt.
Par sécurité, Xyanathel conservait une distance de plus de cinq cent mètres, ce qui pour elle n’était pas grand-chose. Impassible, n’exprimant aucune émotion, que ce soit la joie ou le dégoût, l’amour ou la haine, elle continua de l’épier jusqu’à finalement arriver au lieu de rendez-vous. Le contrat stipulait que la Drow disposait de trois jours pour se décider, après cette échéance, la fameuse quête reviendrait à une personne.
Après plus de deux jours, pas de réflexion ou de doute, mais plus d’observation, la princesse oubliée entra dans l’auberge. Tous les charognards tournèrent rapidement la tête vers l’Elfe Noire mais aucun ne fut assez stupide pour venir l’importuner, la réputation de sa race suffisait largement à repousser tous les prétendants. D’un pas gracieux et inaudible, Xyana marchait sur le parquet sans que celui-ci grince. Etait-elle vraiment une femme d’un mètre quatre-vingt deux et soixante-neuf kilogrammes ? Impensable ! Sauf que… ce n’était pas une humaine.
Une fois arrivée au comptoir, elle posa ses mains sur le bois horriblement mal entretenu. Si ce dernier pouvait encore parler, il supplierait pour qu’on le brûle. D’un regard quasi-menaçant, elle s’adressa à l’aubergiste lentement, méthodiquement, calmement, articulant ses mots de manière compréhensible pour qu’elle n’ait pas à se répéter.
« Je suis ici pour voir l’homme-machine… »
Xyanathel dévisagea chaque personne présente dans l’auberge, comme si elle analysait et s’imprégnait des visages qu’elle rencontrait tout au long de son voyage. Son regard se tourna vers les escaliers et observa de haut en bas « l’Homme-Machine », un amas de chair ayant fusionné avec une carcasse de métal, horrible. Toutefois, la Drow ne se souciait pas des traits physiques des autres mortels, choses futiles et inintéressantes. L’on est ce que l’on choisit d’être.
L’armure vivante murmura quelques mots qui passèrent au travers de l’esprit de l’elfe noire. Les dialogues et la causette n’étaient vraiment pas son fort, plus habituées à échanger par des gestes, des regards… D’ailleurs, le sien, semblait totalement impassible comme les traits de son visage. En cet instant, Xyanathel n’était autre qu’un mur de marbre, ne laissant échapper aucun tic, aucune émotion. Cet énergumène n’inspirait pas la confiance, d’une part par son apparence mais aussi par ce que son aura pouvait dégager. Aussi, il faut dire que Xyanathel n’a jamais fait confiance à personne, pas même à sa propre famille.
L’Oblitérateur invita la mercenaire à le suivre dans un lieu un peu plus privé sans pour autant être intime. Lentement et toujours avec cette grâce inégalée, elle s’assit sur un fauteuil plutôt bien entretenu comparé au reste de l’auberge. Ses jambes se croisèrent machinalement après avoir posé ses fesses sur le cuir doux et ses yeux couleur ébène se mirent à fixer Ariman.
Lorsque le cuisiner amena la bouteille de vin et l’ouvrit devant les deux invités inhabituels, la Drow fit un geste las de la main droite. Elle ne désirait pas boire. Il servit néanmoins deux verres. Une fois l’intrus partit, Xyanathel s’affaissa un peu plus, profitant d’un léger moment de répit.
« Je me nomme Xyanathel, ma présence ici et maintenant signifie que j’ai répondu positivement à votre appel. Que puis-je pour vous, Ariman ? »
Comme lorsqu’elle s’adressa à l’aubergiste quelques minutes plus tôt, la mercenaire prit le temps d’articuler et de parler calmement pour bien se faire comprendre. La langue utilisée, qui n’est pas celle de sa naissance, paraissait claire comme de l’eau de roche. Un sourd aurait pu comprendre les paroles de l’Elfe Noire.
Les sourcils de la Drow s’arquèrent, surprise par une telle somme pour une simple mission. Quoi que… Etait-elle réellement si simple ? Même si Xyanathel n’était nullement effrayée, elle émettait quelques doutes car présenter autant d’argent semblait ne servir qu’à la convaincre d’accepter. N’importe quel fou se lancerait à l’aventure en apercevant dix pièces de platine.
Ses jambes se croisèrent de nouveau mais dans l’autre sens, dévisageant son client comme pour le cerner et lire au plus profond de son esprit et de son âme. Elle répondit dans sa langue natale.
« Avant d’accepter, je veux en savoir plus sur cette fameuse quête. Localisation, ennemis, équipements, etc. » demanda-t-elle calmement.
Sa main droite s’avança vers la petite table en face des deux improbables futurs partenaires, elle saisit la bouteille de vin et le verre à pied, se servant délicatement, la douce liqueur rouge s’écoulant dans le récipient. Avec sa douceur innée, l’Elfe Noire reposa la bouteille et s’affaissa de nouveau dans le fauteuil, reniflant le nectar en ayant porté le verre à ses lèvres. Xyanathel semblait capable de distinguer les bons et les mauvais vins, ou alors, faisait-elle ceci pour humer et ressentir un quelconque poison ? Difficile à dire.
Quoi qu’il en soit, sa bouche s’ouvrit lentement et elle versa le vin dans cette première, buvant une bonne gorgée avant de reposer une nouvelle fois son regard sur l’homme-machine, attendant réponse à sa question.