Le Grand Jeu
Ville de Seikusu, Kyoto, Japon, Terre => Centre-ville de Seikusu => Le quartier de la Toussaint => Discussion démarrée par: Saïl Ursoë le samedi 30 mai 2009, 07:38:13
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Hahaha ! Il y était finalement arrivé à force de recherches, de théorisation et d'expérimentation qui avaient au début semblé ne mener nulle-part et qu'il n'avait cependant pas abandonnées, s'y accrochant de toute la force de sa résolution et de son enthousiasme professionnel, lui, Saïl, le vrai, le dur, l'acharné, celui qui avait du poil au torse -ainsi qu'à peu près partout ailleurs en fait-, était enfin parvenu à décrypter les conditions d'apparition de ces satanés portails, et pour preuve, il venait présentement d'en emprunter un qui l'avait sans grand doute possible amené jusqu'à la Terre... et en fait, c'était ironiquement là-dedans que se situait le noeud du problème, car si il avait été assez chanceux les deux premières fois pour se retrouver transporté dans les sous-bois zone, relativement écartée de toute trace de civilisation, il se trouvait désormais en plein coeur d'un centre commercial : hé oui, c'était bien beau de savoir par quelle porte entrer, mais quant à savoir par laquelle on allait ressortir, voilà qui était une autre paire de manches, et une question sur laquelle il avait fâcheusement omis jusqu'ici de se pencher. Maintenant qu'il pouvait identifier l'apparition et la situation d'un portail grâce à son odorat admirablement affiné en détectant cette odeur piquée et subtile si particulière, il lui était possible de repérer assez aisément l'un de ces couloirs de monde à monde, mais cela ne lui était pas très utile s'il n'y en avait aucun dans les parages comme c'était manifestement le cas. Et voilà comment, en pleine session de recherche à travers les Contrées du Chaos, le sieur Ursoë le bien nommé était passé d'un renflement entre deux rochers à une cabine d'essayage dont il venait de s'extirper avec difficulté, un meuble de cette taille n'étant que peu adapté à quelqu'un de son gabarit. Bon, au moins, point positif au milieu de cette déconvenue, le magasin avait de toute évidence fermé à cette heure tardive qu'indiquait l'obscurité troublée par de rares rayons lunaires qui lui permettaient malgré tout d'y voir vaguement, et il pouvait par conséquent y évoluer tout à son aise, devant toutefois prendre garde à ne rien heurter sur son passage de manière à ne pas provoquer un carambolage avec telle pyramide d'articles ou telle construction fragile vantant un produit ou un autre.
Quelle étrangeté en vérité... qui aurait pu prévoir qu'un scientifique comme lui qui avait passé de sa vie humaine tout son temps dans des laboratoires sans ne jamais accorder que le strict minimum d'attention aux trivialités des marchandises de façon à avoir de quoi se vêtir et manger pourrait en arriver un jour à arpenter les rayons d'un centre commercial sous une forme aussi insolite que celle qu'il revétait en ce moment même ? Cette idée le faisait sourire d'un sourire un peu cynique mais provenant dans le fond d'une sorte de nostalgie bonne enfant à l'idée que tout ce monde de la Terre lui paraissait désormais si lointain, si commun, si restrictif en comparaison de Terra où il avait découvert tant de choses qui avaient sans cesse repoussé les limites de son imagination pourtant fertile. Cela avait quelque chose de triste, mais il lui paraissait bien qu'il était blasé vis à vis des simplicités d'une vie toute humaine dont toutes les possibilités étaient à ce qu'il lui semblait transcendables par son génie que les expériences hors du commun qu'il avait vécues n'avaient fait que cultiver. Hubris sans doute que de se croire ainsi supérieur au « commun des mortels », mais après tout, qui aurait pu se vanter d'avoir été confronté à ce à quoi il avait confronté, de voir ce qu'il avait vu et de vivre ce qu'il avait vécu ? Qui d'autre que lui aurait pu parvenir à synthétiser une solution aussi formidable que le Terranis qui lui avait donné cette forme que beaucoup auraient pu lui envier même si elle avait de nombreux désagréments, par exemple celui, non moindre, d'être fort peu adapté aux contacts sociaux ?
La réponse était évidente en vérité, et cela donnait à Saïl un désagréable sentiment de solitude au sein de cette masse de gens qui pouvaient paraître si ignorants en comparaison d'entités comme Xatiav ou Sekhmet : même s'il parvenait à retrouver sa forme d'antan au moyen de l'Humanis encore en cours d'élaboration, pourrait-il se mêler aux autres hommes aussi naturellement qu'il avait pu le faire par le passé, sans avoir l'impression qu'il se situait sur un autre plan d'existence qu'eux ? De telles idées le rendaient mélancolique, et ce fut machinalement qu'il porta une main griffue à l'intérieur de son pagne pour sortir d'une des multiples poches dont il était garni une seringue remplie d'une substance d'une couleur vaguement jaune clair qui n'était autre que l'Humanis Simplex, une version beta de l'Humanis tel qu'il l'aurait voulu conçu. De fait, avec les moyens du bord qu'il avait pu avoir à sa disposition dans sa caverne située dans les Terres Sauvages, c'était là le meilleur résultat auquel il avait été capable de parvenir, et même si, sur le papier, le principe actif aurait dû inverser sa métamorphose, il était tout sauf certain que cela se vérifierait dans les faits, raison pour laquelle il ne l'avait jusqu'ici pas mis en application, ne désirant pas se retrouver avec une autre transformation incontrôlée sur les bras dont le résultat présentait trop d'inconnues pour qu'il jugeât bon de tenter une telle expérience.
Levant la tête, il se fixa d'un air pensif dans une vitrine fort joliment polie et entretenue dans laquelle il pouvait distinguer son reflet en dépit de la faible luminosité, celui d'un homme-loup à l'air étonnamment placide et aux yeux expressifs qui se fixait sans dire un mot tandis qu'une de ses pattes à côté de lui jouait avec l'ustensile d'injection qu'il tenait entre les doigts, le tournant et le retournant à petits mouvements automatiques.
« Je mène une drôle de vie. » Dit-il à haute voix.
Y avait-il encore des choses qui pouvaient le surprendre, l'étonner, l'exalter après toutes celles qu'il avait vécues ? Que quelque chose ou quelqu'un vienne et le lui démontre !
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Elle qui croyait dans un premier temps rêver, après s'être frotté les yeux, non, elle n'hallucinait pas, il y avait bien une étrange silhouette qui avait parcouru différents rayonnages avant de s'arrêter devant une vitrine, tenant à la main un objet qui scintillait légèrement sous l'éclat de l'astre lunaire. Elle était loin, mais n'avait jamais vu de silhouette aussi grande, et n'était de loin pas rassurée. Quelle fichue journée, décidément, il y a des jours ou se casser une jambe en sortant du lit serait une choses très agréable ! Et c'est peu dire que de la qualifier de mauvaise : réveillée en étant encore fatiguée, avec un mal de tête phénoménal, mais pas de gueule de bois ou autre non, elle n'avait rien bu de particulier, ni en trop haute dose la veille, au contraire. Elle avait peut-être juste trop dormi, c'est vrai que la veille elle était épuisée, journée spéciale avec beaucoup de cours de sports, elle qui n'aimait pas trop ça, elle avait en plus du rester après les cours avec le prof, puisqu'elle avait à priori besoin de "conseils" dans certains sports, comme si ça l'intéressait.
Ca n'intéressait pas vraiment le charmant prof non plus, en fait, lui voulait juste en profiter pour "se taper une jolie gamine", jouant sur la moyenne très passable de la jeune demoiselle. Malheureusement pour Naysha, elle n'était plus trop en forme et rêvait que d'un long bain puis d'une nuit réparatrice. La voilà en train de repousser malicieusement son prof, lui assurant de revenir le voir un autre jour pour le satisfaire, et pour s'assurer sa bonne moyenne...
Elle s'était donc réveillée plutôt mal, et ces jours là, tout s'enchaîne trop bien, comme si moins ça allait, moins ça devait aller ! Arrivée en retard, elle avait échappé à sa colle en passant, heureusement pour elle, à l'infirmerie en premier pour avoir une excellente excuse, et un mot de la jolie infirmière, afin de se faire pardonner de ce malencontreux retard. Journée d'examens, principalement, ça se passait à peu près bien, en dehors de ce mal de tête devenu lancinant, de cette peine à rester concentrée bien longtemps. Puis enfin, oui, enfin, une sonnerie annonça la fin de cette journée pourrie, tout du moins, elle le pensait. Voulant retrouver le sourire, elle s'était dit qu'une virée dans les boutiques branchées avec une copine, faire plein d'essayages, lui remonterait le moral. Ce fût le cas, elle n'avait pas choisi n'importe qui pour l'accompagner, et les essayages en cabine étaient particulièrement longs, presque trop bruyants d'ailleurs, heureusement qu'il n'y avait pas trop de monde autour de leur cabine. Mais il y avait tout de même trop de monde, alors le tout n'aura été au final qu'une frustration, ou presque ! Ce n'était pas le jour ou "s'allumer" sans suite était vraiment bienvenu, puis le portable de son amie sonna, et elle a du filer.
La voilà seule à continuer ses essayages, puis elle a finalement changé de boutique sans rien acheter. Tient, une nouvelle boutique de lingerie, elle s'y précipita et essaya différents ensembles, avant de tomber de fatigue dans sa cabine. Le magasin allait bientôt fermer ses portes et là voilà coincée ici, alors qu'elle ne se l'imaginait pas encore, bien loin perdue dans ses rêves. Elle se réveilla peu avant l'arrivée de la silhouette, dans la pénombre du magasin très peu éclairé et se mit à déambuler à la recherche d'un moyen de sortir, puis elle aperçut cette silhouette et restait pour le moment assez éloignée.
Naysha ne s'était pas encore rendue compte de sa tenue, elle s'était endormie en plein essayage de lingerie sexy, qui la mettait, comme souvent, plutôt en valeur : elle était parée d'une petite nuisette partiellement transparente, d'un rouge sombre qui contrastait bien avec sa peau claire, tout en allant très bien avec sa longue chevelure de la même couleur. L'étoffe épousait parfaitement la moindre courbe de son corps, elle paraissait faite de velours à en croire quelques légers reflets, et surtout la divine caresse que ses seins recevaient. Inutile de dire qu'elle n'était pas insensible à la caresse, ni que la nuisette arrivait juste au-dessous de ses fesses, alors qu'elle n'avait, la veille, pas prit la peine, au vu de son mal de crâne, de mettre de sous-vêtements.
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Comme une réponse muette mais bien éloquente à ce qu’il avait intérieurement souhaité du haut de son intellect et de son expérience de savant qui croyait avoir tout lu, tout su et tout vu, une bouffée d’un parfum incroyablement suave et pénétrant envahit soudain ses narines sensibles, le sortant de sa presque-torpeur réflexive pour lui réveiller les sens avec une efficacité qu’il n’aurait pas cru possible : même si l’acuité supérieure de son odorat amplifiait toute odeur qu’il pouvait percevoir, les invisibles messagers du nez qui semblèrent se frayer un chemin aussi direct que frappant de ses sinus jusqu’à son cerveau le laissèrent pantois de par leur puissance. Comme malgré lui, ses capacités cognitives analysèrent ce que son museau redoutablement affiné venait de percevoir : juvénile, énergique, doux, et pourtant doté d’une touche d’une fragrance qu’il ne pouvait qualifier autrement que de perverse… il n’avait pas particulièrement mauvaise opinion de celles qu’on nommait communément les dames de mauvaise vie, mais cela le chagrinait quelque peu de devoir conclure de ses computations que d’après ce qu’il percevait, la personne qui se trouvait à à peine quelques mètres de lui paraissait toute indiquée pour exercer le plus vieux métier de monde de par l’appel d’une sensualité dévorante qui émanait des pores de sa peau pour venir charmer toute personne aux alentours et faire littéralement bouillir ses hormones. En parlant de cela, Saïl ne put s’empêcher de manifester une grimace intérieure qui mêlait culpabilité et soulagement à la pensée de ce qui aurait pu advenir si les circonstances avaient fait que l’animal aurait eu davantage de prépondérance sur son comportement : rien qu’à la façon dont ce qu’il venait de sentir le fit tressaillir, il n’était pas sûr que le loup en lui aurait pu se retenir de se jeter immédiatement sur la jeunette pour satisfaire les envies qu’elle aurait réveillées en lui ! Mais bon, dans le cas présent, c’était fort heureusement pour sa dignité le savant calme et mesuré qui se faisait avant tout ressentir, et ce fut avec un soupir émis autant pour évacuer la tension qui avait commencé à poindre en lui que pour exprimer la sorte de dépit qui l’avait envahie qu’il rangea la seringue qu’il avait sortie d’un geste rapide et précis avant de se tourner vers la nouvelle venue en un mouvement d’une fluidité purement lupine. Au passage, pourquoi de dépit ? Parce que le fait qu’il dût à chaque fois passer un temps plus ou moins prolongé à rassurer la personne sur ses intentions avant que celle-ci ne se décidât à cesser de trembler de peur et de le considérer comme un monstre sanguinaire donnait comme une impression de « running gag » teintée de cynisme dont la répétition se faisait de plus en plus lassante pour quelqu’un comme lui qui n’éprouvait aucun plaisir de quelque sorte à voir que son interlocuteur était écrasé par sa présence… enfin bon, peut-être se montrait-il injustement assuré de la réaction que la demoiselle aurait envers lui, car le fait était qu’elle n’avait jusqu’ici poussé aucun cri de terreur et ne s’était pas enfuie en hurlant ; et même si cela voulait peut-être simplement dire qu’elle était trop paralysée pour faire quoi que ce fût, ce n’était pas pour déplaire au loup-garou qui n’appréciait rien davantage qu’une entrevue tranquille dénuée de violence et de méfiance.
« Qu’est-ce que v- » Entama-t-il alors qu’il portait les yeux sur la petite silhouette solitaire qui se découpait dans l’immobilité complète et muette des rayonnages, sa voix se coupant instantanément dans sa gorge lorsqu’il s’aperçut en quel équipage l’adolescente qu’il avait devant lui était.
Nom d’une clepsydre anhydre, il savait qu’il n’était pas le plus au courant en ce qui concernait les mœurs d’une femme moderne, et que son absence de plusieurs mois lui faisait écoper d’un retard encore plus considérable en ce qui concernait le domaine de la mode, mais il n’aurait pas pu croire que celle-ci avait changé au point qu’elle admît en ses canons que les personnes du beau sexe fussent aussi peu vêtues et de manière aussi aguicheuse ! Non mais que l’on juge plutôt : une nuisette à la couleur carmine qui semblait revendiquer les capacités de séduction de sa porteuse et les exacerber comme un puissant oriflamme couleur de la passion épousait les formes de la demoiselle de manière à laisser bien peu de place à l’imagination, laissant voir sa plastique voluptueuse d’une façon à la fois doucereusement suggestive et ravageusement impudique… et c’était tout. Hé oui, pas le moindre sous-vêtement pour couvrir les parties intimes de la jouvencelle à croquer, et le tout résultait en un parangon d’érotisme qui aurait sans doute pu faire renier son vœu de chasteté à un moine : si le Saïl craintif et inepte socialement d’avant était tombé sur une apparition pareil, il serait sans doute tombé en syncope, et même celui d’à présent resta quelques secondes bouche bée, les connexions de son cortex ravagé par une telle vision mettant un temps incroyablement long à se refaire avant que l’homme-loup ne s’exclamât de cette voix tonnante qui résonnait de toute la force puissante et marquante de ses convictions ; de cette voix aux intonations irrésistibles qu’il n’employait le plus souvent que lorsqu’il s’échauffait au beau milieu d’une argumentation scientifique :
« Mais vous êtes folle de vous balader comme ça ! Allez mettre quelque chose bon sang ! »
L’index dressé de manière autoritaire, l’œil brillant d’impériosité, il paraissait une figure de commandement à l’ordre impossible à esquiver, et sa taille ne faisait qu’accroître cette impression… qui disparut bien vite lorsque le bon docteur se rendit compte de la posture qu’il avait adoptée sans y penser et parut se dégonfler de toute sa majesté, quittant sa droiture pour adopter une stature légèrement recourbée penaude, triturant nerveusement ses mains griffues alors qu’il enchaînait maladroitement sans oser regarder celle qu’il venait tout juste de haranguer :
« Enfin… si ça ne vous dérange pas bien sûr… c’est que vous risqueriez de prendre froid, et qu’il faut savoir respecter certaines… règles de pudeur qui… »
Et le maladroit continua de bafouiller des paroles du même acabit, enchaînant les arguments sur un ton qui faisait davantage penser à des excuses qu’à des justificatifs. Hé oui, chassez le naturel, il revient au galop, et en l’occurrence, ce n’était pas un homme gentil et timide comme lui qui allait tout à coup se transformer en général d’infanterie capable de se faire obéir au doigt et à l’œil ! Il était parfaitement conscient qu’il avait l’air stupide, et que la situation devait paraître des plus comiquement incongrue, mais il ne pouvait pas s’empêcher pour autant de se montrer aussi intimidé par la présence féminine qu’il avait en face de lui et avec laquelle il se révélait toujours aussi malhabile qu’il l’avait été jusqu’ici toute sa vie.
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( Tu as vraiment du talent en écriture, je me sens petit tout à coup, j'ai bien ri sinon, merci ! )
Elle l'observait encore, se croyant à l'abri tant qu'elle serait silencieuse, juste en partie révélée, alors qu'elle ne s'en était pas rendue compte, par l'astre lunaire. Il eu un geste vif, puis encore un, l'objet scintillant avec disparu, alors que la "chose" lui faisait face, maintenant. Naysha n'était toujours pas vraiment rassurée, elle eût un pas de recul, et se retrouva presque entièrement "dans la lumière". Elle a principalement été surprise de la vivacité du mouvement de la créature, alors qu'elle venait de se ramollir légèrement, en entendant le profond soupire de la silhouette.
Elle avait également commencé à parler, au moins... Enfin au ton de la voix, cette créature était plutôt masculine, il avait commencé à parler, alors qu'il se retournait, puis déjà il s'était figé. Certes, elle savait qu'elle avait du charme, mais pas qu'elle pourrait s'en servir face à un tel... Monstre... En tout cas, du peu qu'elle pouvait le voir de là où elle se tenait, dans la lueur tamisée de cette nuit peu voilée, il semblait tout aussi surpris qu'elle, apeuré peut-être pas, mais il avait perdu de cette "superbe" qu'elle craignait peut-être faussement. Elle distinguait mal l'être qui se trouvait devant elle, à vrai dire, pas grand chose en dehors de la grande silhouette, peut-être une apparence "poilue", mais guère plus. En tout cas, alors que Naysha restait immobile, la créature semblait elle-aussi comme paralysée. Il reprit la parole, après s'être à peu près ressaisi, et la jeune lycéenne sentit des frissons parcourir son corps, tant la voix était tonnante, puissante. Il joignit sa parole à une mimique qui contrastait vraiment avec sa voix. D'abord interdite de longues seconde, presque choquée par cette si énorme différence, elle finit par rire, et pas discrètement, non, c'était un rire des plus naturels, encore légèrement enfantin, mais franc et sans la moindre retenue. Rapidement, une petite larme brillait au coin de son oeil, et le rire ne fit que de se renforcer lorsque la créature se dégonfla... Folle, oui, elle devait être folle, sans aucun doute : elle était seule dans le centre commercial vide, en pleine nuit, et en compagnie d'une bête qui aurait aisément pu faire que cette nuit soit sa dernière.
Son regard semblait avoir fui, et il parlait d'une voix plus normale, sur un ton qui amusait la rouquine, qui cessait progressivement de rire, elle était presque touchée maintenant. Plus il parlait, plus elle se sentait en sécurité avec lui, ici, qu'en danger, mais elle ne bougeait pas, se contentant de l'observer, longuement. Quelques minutes de silence avaient passées, d'un silence presque pesant, et elle décida finalement de s'avancer vers la créature, quittant son projecteur naturel, se fondant à nouveau dans l'obscurité somme toute relative du lieu. En s'approchant, elle a pu découvrir le contour de la créature qui s'affinait légèrement, profitant d'un autre angle de luminosité, et découvrit les queue, et les oreilles, de... l'homme-loup ? C'est l'impression qu'elle eût, tout du moins. L'odeur venait appuyer cette pensée, alors qu'elle continuait sa lente approche, toujours dans le silence, avant de s'arrêter à quelques petits trois mètres de la bête, dont elle ne distinguait toujours aucun détail. Elle avait complètement oublié la requête de l'individu, plutôt attirée par sa curiosité, auprès de cette chose qui semblait finalement moins dangereuse qu'elle ne l'était en apparence... Et peut-être se sentait-elle un petit peu plus confiante ainsi vêtue, en sachant que ça troublait son interlocuteur ?
- Il fait plutôt doux... Ne vous en faites pas pour la température...
Elle parlait lentement, plutôt concentrée à tenter de déceler d'autres détails de la créature qui lui faisait face, alors que durant son approche, le velours carmin de sa nuisette n'avait en rien arrangé l'état de sa poitrine... Toutefois, elle n'était plus autant dans la lueur que tout à l'heure, peut-être que 4a passerait inaperçu, d'autant plus qu'elle était plus curieuse qu'excitée, en ce moment-même... Mais ne semblait pas savoir quoi dire, ou faire, elle attendant la prochaine action de cet être.
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(Hum… hé bien je ne sais que dire. Je suis confus de telles louanges, surtout de la part d’un rpeur de ton calibre ! Merci beaucoup, et sache qu’en comparaison, tu es loin de démériter de par ta vitesse ainsi que ton style et ta prodigalité !)
Hrumph, ridicule, il était parfaitement ridicule à marmotter de la sorte comme un vieillard gâteux en face de cette jeune fille, à se perdre en propos qui en venaient à perdre leur sens pour ne plus se réduire qu’à un stupide murmure inintelligible qui sourdrait à peine d’entre ses lèvres. Il était tout à fait conscient de cet état de fait, et son interlocutrice elle-même ne se privait pas de jouir pleinement du spectacle du plus haut comique qui l’offrait, ne pouvant s’empêcher de pouffer pour finir par éclater purement et simplement d’un rire merveilleusement tonitruant qui gonfla tout l’espace libre du centre commercial pour se répercuter à l’envi par un effet d’écho qui renforçait encore la beauté de cette manifestation d’hilarité simple. De créature de cauchemar, Saïl semblait s’être mué en un bouffon burlesque, et paraissait pour le moment condamné à être une manifestation du grotesque le plus indéniable : véritablement, sa conduite clownesque était désormais irrattrapable, et le seul moyen par lequel il aurait probablement pu la faire taire aurait été de lui couper les cordes vocales d’un bon coup de griffe bien ajusté. De fait, il aurait été un jeu d’enfant pour lui que de bondir avec une agilité digne d’un loup pour se transporter jusqu’à ses côtés, puis de la faire passer de vie à trépas aussi facilement qu’on casse une noisette, mais pour quelqu’un d’un altruisme pareil, cela était aussi inconcevable que de creuser dans sa propre cage thoracique pour s’en arracher le cœur : pour le charitable homme-loup, l’âme d’une autre personne était aussi un peu sa propre âme n’aurait-ce été que parce qu’ils étaient tous deux des êtres pensants, et en causer la fin aurait été une blessure qu’il se serait causé à lui-même… et puis il y avait aussi que merde, on ne trucide pas une si jolie donzelle, ç’aurait été un crime contre la beauté !
En parlant de la donzelle, justement, celle-ci avait cessé de se moquer de lui (« sans méchanceté » ne pouvait s’empêcher de juger le loup-garou), et s’était maintenant mise à l’observer d’un œil curieux que seul peut avoir une enfant qui sait encore s’émerveiller de ce que la nature peut avoir à présenter comme magnificences, ou tout simplement comme objets qui peuvent être autant de sources d’intérêt. Il se sentait un peu mal à l’aise d’être soumis à un pareil examen, mais autant pour ne pas se montrer –encore plus- désobligeant que parce qu’il comprenait mieux que quiconque la fascination que pouvait susciter l’observation d’un spécimen inconnu, il ne fit aucune remarque et ne se défila pas, conservant une relative immobilité, bras croisés, ses yeux noisettes plongés dans les ravissants onyx de la demoiselle, seule sa queue s’agitant machinalement de mouvements à la fois nonchalants et tendus. Lorsqu’elle commença à s’approcher de lui, il eut instinctivement un mouvement de recul, ses pattes postérieures glissant en crissant contre le sol lisse à la manière d’un loup qui redouterait une entité à l’aura intimidante sans vraiment comprendre pourquoi il la craindrait, mais s’empressa bien vite d’arrêter de faire l’imbécile, se faisant la réflexion emplie de bon sens qu’à moins qu’elle fût une créature de cauchemar ayant pris l’apparence d’une splendide enfant pour mieux l’abuser, il n’avait pas grand-chose à craindre d’elle… bon d’accord, avec ce qu’il avait vécu, il ne pouvait pas vraiment se dire qu’il n’était pas impossible qu’elle le fût, mais ce n’était pas une raison pour que son comportement virât à la paranoïa et qu’il se mît à vociférer des vade retro à son égard ! Pour autant, il ne pouvait s’empêcher de se sentir mal à l’aise, comme s’il avait été un rustaud inexplicablement présent à un magnifique bal qui se serait fait accoster par une magnifique dame de beauté et ne saurait pas comment réagir à une proposition aussi flatteuse pour son humble personne. L’agitation de sa queue (pas celle-là voyons, un peu de tenue !) ainsi que celle de son cœur alla croissant au fur et à mesure que l’adolescente aux cheveux de rubis se rapprochait, et il se serait bien enfui au triple galop si la compagnie de celle qui lui faisait face sans peur n’avait pas été si délicieuse.
Première paroles prononcées par la jeunette, d’une voix qui s’écoulait de sa gorge de la même manière que l’eau d’un ruisseau : de façon chantante, délicate, suave et pourtant naturelle qui rendait la combinaison de tant de grâces en quelques phonèmes difficile à croire. Ah ça, le bon docteur Ursoë se serait bien demandé à bon droit s’il n’avait pas tout simplement reçu un coup sur la tête en arrivant sur Terre et si tout ceci n’était pas qu’un rêve issu de quelque fantasmagorie bizarre de conte de fée, mais le fait était qu’il avait beau se pincer, l’apparition subsistait toujours, signe qu’il était préférable pour lui d’arrêter de faire l’andouille et de finir par se montrer plus galant. D’ailleurs, le faciès à la fois si innocent et aguicheur qu’il avait sous les yeux semblait l’enjoindre à se secouer les neurones pour faire preuve de quelque trait d’esprit, et par un effet de magnétisme naturel autant que pour lui faire face à une hauteur plus raisonnable, il s’avança pour se pencher dans sa direction en une inclinaison qui donnait l’impression d’une révérence obligée, leurs visages désormais à à peine un demi mètre l’un de l’autre. Et ce visage qu’il pouvait désormais contempler de plus près, quel grain admirable il possédait ! Etant tout sauf un spécialiste en produits maquillants, il ne pouvait pas dire si la perfection du teint clair de la jeune fille provenait de l’application de pareils baumes ou si elle n’était due qu’à l’intervention de Mère Nature, mais une chose était sûre, ces traits étaient tout simplement digne d’une gravure de mode à succès interplanétaire. Véritablement, parcourir du regard un tel chef d’œuvre de chair était quelque chose de proprement inspirant, et Villon devait avoir eu une trombine de cet acabit en mémoire lorsqu’il avait écrit les vers que Saïl prononça dès qu’il lui revinrent à l’esprit :
« Corps féminin, qui tant est tendre,
Poli, souef*, si précieux, »
Incongru à dire peut-être, mais il l’assumait, car de toute manière, c’était un compliment sincère, et les compliments sincères faisaient toujours plaisir, même si ils pouvaient un peu provenir de nulle part. Le scientifique ne s’était jamais senti un don pour la poésie, mais il n’aurait pas été sans désavouer avoir une certaine prédilection pour le bon agencement métrique des vers, et qu’il lui arrivait parfois de dire des choses pas trop horribles comme celles par lesquelles il enchaîna pour ne pas laisser ce qu’il venait de prononcer dépourvu de reprise :
« Bavardage bête à se pendre
d’un sot avant l’heure vieux. »
Avec une sorte de petit rire d’autodérision, il ponctua cela par un clin d’œil brillant d’astuce et d’une sorte d’amusement, un peu plus détendu maintenant qu’il commençait à se familiariser avec la présence d’une telle princesse carmine. Toutefois, pour une princesse, elle était assez dévergondée, car en plus d’être vêtue d’une façon qui défendait à l’homme-loup de lui regarder autre chose que le visage, il émanait d’elle une odeur que le savant animal (et non pas « animal savant », nuance) sut assimiler à celle de l’excitation sexuelle et qui le déstabilisa : soit elle était diablement facilement encline aux plaisirs de la chair, soit il exerçait sur elle une attraction qu’il n’aurait pas crue possible… et sincèrement, il préférait envisager la première interprétation plutôt que la seconde de manière à éviter le plus possible de s’égarer dans des illusions stupides, déjà qu’elle le troublait assez comme ça !
« En tout cas, c’est sûr que la température, vous la faites monter ! » Ajouta-t-il sur un ton à moitié grinçant, à moitié coupable et à moitié taquin (n’ayons pas peur des impossibilités mathématiques, nous sommes dans le domaine de la littérature après tout), poursuivant par ce qui n’était qu’à peine plus qu’un grommellement « Peut-être même trop pour moi tiens… »
Sitôt qu’il eut prononcé ces paroles, il s’en voulut d’avoir autant laissé transparaître sa gêne, mais à présent, le sort en était jeté, il n’aurait pas pu se rétracter sans avoir l’air complètement idiot, et il ne lui restait plus qu’à attendre sa réponse en tâchant de faire bonne figure dans l’intervalle.
* Souef = « Suave », « Qui est d’une douceur exquise ».
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( Ne connaissant pas l'un des premiers termes... je cherche sur le net : "prodigalité : 3 synonymes : bonté, générosité, orgie.", je note le dernier mot. Merci à toi aussi, mais malheureusement rapidité n'est pas forcément qualité, et je me sens un peu en dessous... Je ferai toutefois de mon mieux ! )
Et oui, la jeune demoiselle continuait d'observer la bête, non pas apeurée mais presque attendrie par son attitude qui ne ressemblait en rien, mais alors vraiment en rien, à ce que l'on pouvait s'attendre d'elle. Peut-être ce côté encore adolescent, voir enfantin, qui la faisait paraître insouciante, ou inconsciente, peu importait aux yeux de la belle aux cheveux sang. Elle se trouvait, dans une tenue indécente, dans un lieu rendu insolite par les circonstances, à faire face à une créature presque inimaginable, et qui en plus ne semblait pas vraiment lui vouloir de mal. La veille fût une journée bien pénible, mais celle-ci commençait au final plutôt bien, de quoi allait être fait l'avenir proche, elle n'en savait vraiment rien, par contre, elle savait qu'elle ne passerait pas un désagréable moment.
Son mouvement de recul ne l'avait pas ralentie, comment une si frêle jeune donzelle aurait-elle pu faire peur à cet être qui devait faire trois fois son poids, le tout en muscles probablement ? Ca paraissait insensé, en tout cas à ses yeux. Le plus étonnant, était cette impression de le sentir un peu mal à l'aise, alors qu'elle l'observait. Pourquoi ? Elle ne le regardait pas comme un monstre, elle était simplement curieuse. Curieuse de découvrir ce qui se tenait devant elle, surtout que la fatigue l'avait quittée après son long somme dans cette cabine peu confortable, et puis, si tout se passait bien, elle pourrait ressortir d'ici sans avoir l'impression d'avoir attendu des heures à s'ennuyer. Oui, elle aurait pu essayer bon nombre d'articles, mais avec le peu de lumières présente, le plaisir s'en serait retrouvé, lui aussi, terni. alors qu'elle était à moitié dans ses pensées, elle remarqua l'approche de l'homme-loup, et n'eût pas vraiment de mouvement de recul, tout semblait n'être qu'une révérence polie... jusqu'à ce qu'elle trouve qu'elle dure un peu longtemps. Il la détaillait, de ses yeux noisette, il détaillait son regard, comme si, par enchantement, la curiosité était communicative, elle sourit délicieusement, et en profita pour elle-aussi, détailler le minois de cette créature.
Un visage plutôt fin, qui lui plaisait bien, c'est vrai, et puis c'était original d'avoir une espèce de peluche vivante et dotée de parole auprès d'elle. elle ne pouvait vraiment voir sa bouche ou ses dents, ou peut-être crocs, mais trouvait sa truffe plutôt charmante. Le poil lui semblait mêlé de diverses teintes grisées, et des oreilles pointues émergeaient sur la tête du demi-loup. Entre elles, le début d'une espèce de crinière. Plutôt doux, l'ensemble la faisait sourire, d'un sourire plus doux, elle était vraiment attendrie. Elle se sentait détaillée autant qu'elle le faisait, mais ne trouvait pas ça gênant, au contraire, elle semblait être différente de ce à quoi il aurait pu s'attendre, puis le regard était sincère, c'était plutôt rare, sans parler qu'il restait vraiment sur son visage, ce qui ne lui était que peu habituel, surtout si elle était ainsi vêtue ! Il prit la parole, naturellement, et prononça des mots qui ne pouvaient la laisser totalement indifférente : le ton était empli de franchise, les mots semblaient bien venir de quelque part... Mais pour une fois, pas de l'un de ces livres à la con, ou d'un site internet, qui retraçait les répliques de drague habituelles, non, là, c'était différent, vraiment différent. elle sourit légèrement, sans rougir pour autant : ce n'était simplement pas son style ! Même pas le temps de dire quelque chose, que déjà, il avait poursuivi...Elle retint difficilement un petit rire, cachant ses lèvres d'un revers de la main, puis le laissa s'échapper, lorsqu'il se laissait aller lui-même à un peu d'autodérision.
- Pas si bête que cela, tu sais. au contraire, c'est original et franc, que demander de mieux ? Ca me change et c'est vraiment plaisant !
Le ton était bas, doux, comme à son habitude, elle était tout aussi sincère que lui, mais comment pouvait-il deviner ce à quoi elle avait droit tous les jours ou presque ? Peu lui importait. Puis il paru déstabilisé, sans raison apparente, peut-être sa tenue rouge sombre, celle-là même qui la rendait probablement particulièrement désirable, et, comme si cela ne suffisait pas, ses pointes étaient toujours dressées sous l'étoffe si délicieuse lorsqu'elle caressait ses tétons. Ou alors était-ce autre chose ? Dans tous les cas, il restait imperturbable dans ses regards, il semblait la respecter bien plus que la majorité des humains qu'il lui avait été donné de rencontrer jusqu'à présent. Puis il reprit la parole, ne laissant plus vraiment de place au doute, même s'il ne la blesserait pas au ton employé, décidément, elle allait de surprise en surprise, en cette nuit. Un léger temps d'arrêt, et il termina sa phrase, encore un peu d'humour, ce qui fit sourire gentiment la lycéenne.
- Ne bouge pas, je reviens !
Le ton était évidemment plutôt calme, doux, et toujours relativement bas, probablement qu'elle préférait ce ton au milieu de cette pénombre, comme si elle cherchait à ne pas déranger la tranquillité nocturne qu'elle ne savait que trop apprécier, lorsqu'elle en avait l'occasion. Sans attendre une quelconque réaction de l'homme-loup, elle recula de quelques pas lents, puis se retourna, et disparu dans la pénombre ambiante...
Quelques longues minutes plus tard, elle apparu à nouveau. Elle n'avait changé que peu de choses, si ce n'est sa tenue vestimentaire : elle avait délaissé cette nuisette sublime - qu'elle repasserait très probablement acheter tout bientôt - pour une tenue un peu moins indécente, et sans doute, moins gênante pour cet être qui semblait de plus en plus différent de ce à quoi elle aurait pu s'attendre. Pour en revenir à sa nouvelle tenue, elle arborait désormais un jeans qui lui allait très bien. Il moulait ses fesses sans exagération, et était parsemé de quelques marque le laissant paraître usagé, mais sans trous ou fils pendants, juste quelques motifs délavés, ou de pli exagéré. elle avait accompagné le tout d'un joli top bordeaux, qui descendait en cascade juste en dessous du haut du jeans, mais ne cachait que peu ses épaules. Plus aucune pointe ne se dessinait au-dessous, sans nul doute des sous-vêtements trouvés dans un rayon l'habillaient également.
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(Non mais qu’est-ce que ça veut dire ça ? Même les dictionnaires se liguent contre moi pour me faire passer pour un pervers maintenant ? Je vous jure, pas moyen d’être tranquille de nos jours…
Prft, rien du tout ! Personnellement, je trouve qu’il n’y a pas besoin de dire si l’un ou l’autre est meilleur… ce qui n’empêche pas de se jeter des fleurs bien évidemment !)
Comme c’était étrange en réalité… de toute sa vie, Saïl avait toujours été tout sauf un homme à femmes, n'étant pas du genre à se jeter occasionnellement dans des entreprises de séduction qui étaient si laidement nommées « coup d’un soir » par ses semblables masculins ainsi d’ailleurs que par la grande majorité des membres de l’espèce humaine qu’il avait côtoyés. Cela n’avait pas été pour une raison de laideur, car pour dire la vérité, le visage du bonhomme Ursoë n’avait rien eu de repoussant, même si c’était vrai qu’il inspirait plutôt la confiance et la convivialité que le désir ; c’était tout simplement que pour ce qui était de cet art nommé communément de la « drague », il n’était pas doué, ne sachant pas revêtir un masque d’affection et de charme conquérants de manière à entrer dans les bonnes grâces d’une charmante compagnie ainsi que dans son lit. Pourtant, l’art de la rhétorique ne lui était pas étranger, et cela se voyait lorsqu’il prononçait des discours sur des sujets qui le passionnaient, sa voix de même que son regard s’enflammant alors de ce qu’on pouvait à bon droit nommer le Feu Sacré tandis qu’il s’exprimait avec une aisance digne d’un orateur pour exposer et faire valoir son point de vue. Pourquoi alors ne se donnait-il pas la peine de se montrer aussi loquace pour aller aborder des personnes du beau sexe et les convaincre de le laisser insérer son phallus dans leur orifice vaginal ? C’était que ce cher monsieur ne pouvait se départir dans son attitude de quelque chose de résolument romantique qui l’enjoignait toujours à faire taire ses pulsions libidineuses pour considérer une femme comme une créature d’une dignité au moins équivalente à la sienne et non comme un objet de plaisir. Après tout, une femelle animale était tout à fait en droit de repousser un mâle si la parade de ce dernier n’était pas exécutée comme il le fallait, alors pour quelle raison un godelureau n’aurait-il pas dû être conscient qu’il devait faire preuve d’esprit et de bonnes manières pour se voir accordée la compagnie intime de la personne qu’il courtisait ?
Mais revenons donc à nos moutons, cher lecteur, car si je continue ainsi, ils seront de poussière ceux qui se seront accumulés autour de vous le temps que vous preniez la peine de lire toutes les billevesées que je peux vous raconter ! Dans la situation que vivait l’homme-loup en ce moment même, que l’on croie la narrateur sur parole, il n’avait pas dans l’idée de séduire la jeune fille pourtant à croquer qui se trouvait face à lui, même s’il n’était pas faux que l’attraction qu’elle exerçait indubitablement sur l’espèce masculine de manière généralisée ne devait pas être étrangère à la tournure spirituelle de ses propos : en vérité, il voulait simplement se montrer poli et galant afin de montrer à cette ravissante dame qu’il était tout sauf une bête sauvage et qu’il pouvait s’avérer sans doute possible un conversationniste patenté qu’il était tout sauf désagréable de côtoyer. En tout cas, sa rencontre inopinée au nom toujours inconnu quand on y pensait avait l’air d’apprécier les traits d’esprit qu’il lui décochait, démontrant son engouement par un autre de ses rires qu’elle savait rendre si incroyablement délicieux : à n’en pas douter, si les nymphes riaient d’une manière, c’était ainsi, avec une simplicité qui n’excluait nullement une grâce dont le charme ne se voyait que rehaussé par la position maniérée de sa main digne d’une lady des plus aimable. Sa réplique elle-même avait une magie inhérente non seulement aux intonations de celle qui parlait, mais également au nombre de syllabes qui la composaient : deux rimes en « an », et de chaque côté, il y avait respectivement quinze et seize pieds, ce qui aurait presque pu en faire des vers, dommage ! Mais bon, cette dissymétrie ne s’agissait que d’un nuage dans un ciel d’un bleu céruléen magnifique, et même d’ailleurs cette tache floconneuse dans l’étendue immaculée ne faisait qu’en rehausser la beauté, de la même manière qu’une mouche sur une peau d’une blancheur laiteuse.
Il ne savait pas que penser : même si il avait passé la plus grande partie de sa vie à accorder davantage d’attention à des livres qu’à des gens, il avait côtoyé plus d’une femme au cours de son existence, et malgré qu'il se fût efforcé de toujours faire preuve d’indulgence du haut de son orgueil de savant, elles lui avaient toujours plus ou moins paru des pimbêches dont les atouts se situaient davantage au niveau physique qu’intellectuel… bien sûr, il y avait des exceptions dont nous pouvons prendre un exemple que, pour ne pas nommer, nous appellerons Cyanne, mais globalement, c’était ainsi qu’il concevait les choses. Bref, tout ça pour dire que contrairement à ces occasions, la fille à la chevelure flamboyante lui donnait au contraire une impression de vive astuce qui laissait à penser que ses géniteurs avaient eu la bonté de cultiver son cerveau et sa langue (en ce qui concernait la parole de même que d’autres types d’exercices, Saïl en était à peu près sûr) au même titre que son corps de manière à ce que l’un comme l’autre ne se retrouvât pas mou, peu réactif, et aussi dépourvu d’attraits que ceux d’une poupée de chiffon.
Puis, soudainement, comme un esprit fugace qui n’aurait pu apparaître à un mortel comme lui que pour une période de temps limitée, elle s’en fut sur une dernière réplique dont le sens impérieux était toutefois tempéré par les intonations mutines de la demoiselle, laissant là l’homme-loup qui resta comme deux ronds de flan le temps de se reprendre, s’étant cependant bien abstenu de ne pas la regarder s’en aller de peur de voir quelque chose que la décence lui aurait interdit de contempler aussi éhontément. Et le voilà qui était planté là sans trop savoir quoi faire au milieu d’un tel étalage de marchandises, sa forme de loup-garou étant grotesquement peu adaptée à un environnement d’un mercantilisme aussi exacerbé : au fur et à mesure des mois qu’il avait passés dans les terres sauvages, il s’était mué en un être qui appréciait bien évidemment toujours autant les bienfaits de la civilisation, mais qui avait développé un attrait pour une spontanéité presque animale, que ce fût simplement pour interagir avec d’autres personnes ou pour se livrer à des activités comme l’exploration ou la chasse. Ainsi donc, si un être comme lui se retrouvait dans un endroit pareil, que lui restait-il à faire ? Pas grand-chose en vérité, car à part des réflexions sur la société moderne dont la plupart n’avaient pas un caractère très charitable, une place forte de l’achat comme celle-ci dans laquelle il n’avait quasiment pas mis les pieds de son vivant ne l’inspirait pas vraiment contrairement à la princesse si pétillante qui avait paru tout à fait à son aise dans ce milieu.
Au sujet de cette donzelle, beaucoup de questions lui traversaient l’esprit, parmi lesquelles « Est-ce réellement une humaine ? », « Qu’est-ce qu’elle fait là ? », « D’où vient-elle donc ? », mais heureusement pour la dignité de Saïl qui n’avait en réalité rien d’un adolescent boutonneux, « Est-ce que j’ai une chance avec elle ? » n’en faisait pas partie. Être un savant parfois trop obsédé par ses théories et ses théorèmes avait au moins cela d’avantageux que contrairement à trop d’individus de sexe masculin, il était capable de faire abstraction de ses pulsions pour faire gagner à son esprit les hautes sphères imprenables de la pensée… bon d’accord, cette « stratégie » n’était pas imparable, et il était indubitable que face à une approche trop directe pour son grand cœur, cette bulle se crèverait pour à nouveau laisser place au timide jeune homme incapable de faire du mal à une mouche et donc de se montrer trop brutal pour repousser avec conviction de telles avances , mais en attendant, s’il n’était peut-être pas la définition exacte d’un gentilhomme, c’était en tout cas un gentil homme à n’en pas douter.
Finalement, comme le temps se faisait long, il finit par se pencher sur l’étude de la source de ce fragment de poème qu’il avait cité précédemment, et le retraça de manière plus ou moins complète dans sa tête, butant fâcheusement aux tous derniers vers qui faisaient suite à « si précieux, », jusqu’à parvenir à les extirper de sa mémoire, exultant presque un :
« Te faudra-t-il ces maux attendre ?
Oui, ou tout vif aller aux cieux. »
Ce fut alors qu’il prononçait ce mot que le retour de la jeunette se fit, et en réalité, en tournant la tête au son de ses pas, il crut bien avoir quelque angelot moderne descendu du Paradis sous les yeux : certes, ce qu’elle arborait à présent avait beaucoup moins de quoi déchaîner le désir, mais elle n’en était pas moins adorable (au sens littéral du terme) d’une manière beaucoup plus acceptable pour cet homme-loup trop facilement à fleur de peau. Autant parce que l’étoffe à l’odeur de neuf masquait partiellement la dangereuse fragrance qu’elle dégageait que parce qu’elle avait concédé de se montrer bien plus correctement vêtue sans pour autant remettre en cause son élégance, il dévoila un de ses sourires si chaleureux dont l’expression pouvait être qualifiée d’inimitable tant l’enthousiasme et la bienveillance s’y lisaient et s’en dégageaient tout en applaudissant presque par réflexe un pareil changement : sûrement encore ce côté gravure de mode qui lui donnait l’impression de se retrouver face à un canon de beauté incarné qui méritait mille louanges !
« Vous êtes bien gentille de satisfaire la pudibonderie d’un gars trop sensible et nerveux comme moi… merci. » Dit-il en prenant un air un peu contrit à la pensée qu’il l’avait peut-être dérangée à lui imposer pareille vêture.
De manière à meubler un silence qu’il aurait été fort inconvenant de laisser s’installer, il se rapprocha à nouveau d’elle, s’apprêtant à lui tendre la main avant de se faire la réflexion que lorsqu’on se trouvait en présence d’une dame, on se devait de se conduire de manière plus élégante, qu’on fût loup-garou ou non ; aussi se saisit-il avec une délicatesse de médecin d’une de ses mains si menues en comparaison de ses grosses paluches tout en se baissant pour la porter à ses lèvres qu’il apposa respectueusement sur cette chair délicate et presque diaphane de blancheur, ponctuant son geste d’un :
« Je m’appelle Saïl. Et quel est le nom de la Belle en compagnie de la Bête ? »
Un nouveau clin d’œil pour ponctuer ses paroles, et il la lui laissa avec obligeance. La coutume qu’il avait observée était sans doute assez vétuste, mais comme il ne voulait pas se montrer rustre au point de lui serrer la main ni hardi au point de lui faire la bise, il avait opté pour ce compromis qui ne pouvait à son sens pas porter à mal. Contrairement à son habitude, il s’était présenté sous son vrai nom, mais c’était parce que ce coup-ci, il voyait mal comment une jeune fille comme elle aurait pu lui causer quelque préjudice et pourquoi elle se serait mis en tête de divulguer son identité sur tous les toits… et puis il y avait aussi que si pour Terra, il était Khral, pour la Terre, il restait dans le fond Saïl Ursoë.
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Les minutes qu’avait prises la Belle pour aller se changer furent plutôt longues. Non, elle n’avait pas hésité à revenir auprès de la Bête, bien au contraire, si ça avait été une autre personne du genre masculin, il était indéniable qu’elle eût mis bien plus de temps avant de revenir. Elle avait repensé à cette rencontre, certes, inopinée, c’était le moins que l’on puisse dire : se retrouver enfermée dans le centre commercial arrivait relativement souvent, pas forcément à elle, mais c’était un fait reconnu. Et pour tout dire, Naysha, sans être coutumière du fait, n’en était de loin pas à sa première ballade nocturne au sein de ces rayons innombrables. Qu’y trouvait-elle ? Peu de choses, et c’était ce qui contrastait avec le jour, lorsque le magasin était ouvert : peu de monde, elle était libre de prendre le temps de faire les essayages qu’elle voulait. Et puis c’était amusant, à ses yeux, de ne pas avoir besoin de filer dans une cabine pour faire ses essayages. Ou alors, parfois, elle n’était pas seule, et les essayages prenaient facilement une autre dimension, si toutefois, elle avait été volontairement en compagnie pour la nuit. Parfois, le hasard voulait qu’une rencontrée non prévue, et surtout, pas vraiment imaginée, ait lieu.
Mais comme si cela ne suffisait pas, il fallait qu’elle rencontre une sorte de créature, une créature peu rassurante au premier abord, et c’est vrai qu’elle avait imaginé certaines choses moins heureuses que ce qu’il semblait se passer présentement. Elle ne pouvait s’empêcher de ce demander si les choses auraient été différentes si elle avait porté une autre tenue, car après tout, c’est grâce à cette somptueuse nuisette que l’atmosphère c’était si rapidement détendue entre les deux inconnus. Mais non, ce n’était pas tout, de son ressenti, en plus de ne lui vouloir aucun mal, et elle en avait presque quelques regrets, cette homme-loup, à priori, avait un côté homme plutôt plaisant, au regard de la jeune donzelle. L’âge peut-être, cette maturité que n’ont pas la plupart des hommes de sa génération - ni certains plus âgés, d’ailleurs -, ou alors était-ce simplement le caractère de cette créature qui, malgré son apparence qui devait faire fuir la plupart des gens, utilisait ce moyen pour pouvoir garder un léger contact auprès des personnes les plus curieuses, inconscientes, ou alors, forcées par la situation à ne pas le fuir inutilement, comment c’était le cas pour la rouquine ? Non pas qu’elle n’était restée que parce qu’elle n’avait d’autre choix, au contraire, elle réunissait tous ces traits à la fois.
En tout cas, elle n’oublierai pas de si tôt cette rencontre, qui n’en était qu’à ses prémices, après tout : la libération n’arriverait pas tout de suite, et elle devra attendre de longues heures avant de retrouver sa liberté. Quelle pensée stupide, elle était libre, après tout. Libre de s’amuser un peu, et si possible, dans un cadre moins gênant pour cette créature. Voilà pourquoi elle avait disparu. Serait-il encore là ? Elle ne le savait pas vraiment. Il était timide, mais lui non plus n’avait pas de réel intérêt à se cacher, il était contraint de passer la nuit ici, tout comme elle, enfin, vu son gabarit et sa force apparente, il aurait sans doute pu sortir, c’est vrai. Ca n’empêche pas notre jeune lycéenne d’arpenter les rayons à la recherche d’une tenue qui le mettrait bien moins mal à l’aise, s’il avait jugé bon de rester, et de passer encore un peu de temps en sa compagnie. Mais attention, il avait beau faire nuit, et elle avait beau n’être « qu’en » la présence d’une Bête, elle n’allait pas pour autant délaisser ses bonnes habitudes, et ne se gêna pas de craquer pour des sous vêtements des plus affriolants, bien cachées par une tenue plus conventionnelle, mais toute choisie pour la mettre, comme toujours, le mieux possible en valeur, après tout, pourquoi chasser le naturel, surtout ici. Elle s’observa dans un miroir, aidée par un reflet lunaire, et se trouva on ne peut plus délicieuse, encore une dépense qu’elle ferai, en plus de la nuisette qui avait clairement démontré ses « atouts » (de la nuisette, pas de la jolie demoiselle qui était à l’intérieur, quoique…).
Elle allait devoir y retourner, non, pas devoir, elle avait envie de se retrouver à nouveau en la présence de la créature. Certes, son air de grosse peluche vivante était mignon, mais ce n’était de loin pas tout. Il savait, lui, se montrer sincère. Une qualité devenue rarissime, tout le monde joue un rôle, ou presque. Et elle, comment le ressentait-elle ? Plutôt mal pour tout dire. Après tout, jouait-elle un rôle, elle ? Pas vraiment non. Elle aimait le sexe, elle savait qu’elle était belle et s’appréciait telle qu’elle était, mais elle avait ses propres principes, et ne se retrouverait pas à jouir dans les bras de n’importe qui. Dévergondée, sans aucun doute, mais irréfléchie et à la portée de n’importe qui, en aucun cas. Elle était simplement elle, telle qu’elle l’était. S’amuser de la vie, oui, mais jouer à celle qu’elle n’était pas, en aucun cas. Et curieusement, c’était ce qu’elle attendait de ses partenaires, quels qu’ils soient, et étonnamment, il lui avait fallu tomber sur cet être des moins propice à la vie en société pour retrouver certaines attentes qu’elle désespérait de revoir un jour. Ca lui faisait presque bizarre, il ne la voyait pas comme un vagin à remplir, ou une poupée sur laquelle cracher son nectar, non, il la voyait comme une personne. Et pourtant, il n’avait pas été aidé au vue de sa tenue, et il n’était en aucun cas dans un milieu qui paraissait fait pour lui, mais semblait plutôt bien s’en sortir, décidément, s’il avait été un peu moins Bête, elle aurait pu être plus qu’attirée…
Fini le vagabondage d’idées, elle était plus que prête, désirable à souhait sans en faire trop, surtout si l’on la comparait à sa tenue précédente, il fallait y retourner. Chez elle aussi les question défilaient, dans son esprit : « Serait-il encore là ? », « Qu’était-il vraiment, sous cette apparence ? », « Quel âge pouvait-il bien avoir ? », « Que faisait-il là ? », et bien d’autres encore, auxquelles elle ne trouvait pas la moindre réponse alors qu’elle allait le rejoindre d’ici peu, s’il n’était pas parti. Elle entendit des bribes de vers, au loin. Non, il n’était pas parti, ça n’eût pour effet que de la faire sourire un peu plus, toujours de ce sourire doux et délicieux, sa meilleure arme, si ça avait pu lui être utile dans cette situation, mais elle n’en avait guère besoin, c’était simplement l’expression de ses sentiments du moments, pourquoi se compliquer la vie, et chercher une raison à tout, surtout lorsqu’il n’y en avait pas ?
Il l’avait déjà décelée au milieu de la nuit, alors qu’elle passait dans un nouveau éclat lunaire. Il eût tout loisir, l’espace de quelques secondes, pour la détailler, alors que la sulfureuse rouquine continuait son approche. Elle était revenue se placer à moins de deux mètres de lui, alors qu’il l’applaudissait. Arriverait-il à réaliser une prouesse remarquable ? Et bien oui, ça ne se voyait pas vraiment dans cette pénombre, mais la jeune demoiselle avait les joues légèrement rosies. Ca n’était pas dû qu’à l’applaudissement, le sourire affiché par la Bête en disait long sur la façon dont il prenait ce nouveau changement, et le geste avait sans doute donné une dimensions autre pour la jeune demoiselle : il n’était pas seulement ravi de la voir accéder à sa demande, il devait la trouver, ainsi convenablement vêtue, toujours aussi élégante. Et sans laisser le temps à un peut-être malaise de s’installer, il ajouta immédiatement quelques mots bien choisis, une nouvelle fois, tout en prenant cet air, décidément, la rousse regrettait de plus en plus qu’il ne fût pas une créature plus « humaine », dans son apparence en tout cas. Non, en soit, qu’il soit à moitié loup à priori de na dérangeait pas particulièrement elle, c’était surtout pour lui qui aurait eu bien du mal à la suivre ou l’accompagner dans bien des lieux.
Il ne lui laissait toujours pas le temps de lui répondre, déjà il enchaînait, comme s’il avait peur de laisser un silence s’installer, peut-être était-il plus sociable qu’elle, encore ? Dans tous les cas, il s’approcha, l’espace qui les séparait devenait de plus en plus restreint, alors qu’ils avaient autour d’eux tout l’espace qu’ils souhaitaient. Naysha n’eut aucun mouvement de recul, ça aurait sans doute été inutile, mais surtout, elle ne le craignait pas. S’il avait voulu lui faire du mal, il était évident qu’il aurait pu le faire depuis longtemps, et s’il jouait, tel un félin, il ne serait pas assez incisif, et puis cette sincérité, et ces manières timides étaient tellement naturelles que non, elle n’imaginait pas qu’il pourrait lui arriver quoi que ce soit d’indésirable. Un… Elle recevait un baisemain, c’était son premier, et jamais elle n’aurait osé croire qu’elle en recevrait un, et encore moins de ce qui paraissait extérieurement si peu sociable. Il était délicat, on ne peut plus correct dans cette manière de faire si surprenante, et ça ne lui déplaisait pas. Elle était traitée, finalement, comme une personne, ce qui lui était si rare. Naysha ferma alors les yeux, alors qu’il s’exprima une nouvelle fois. Un nom plaisant, avec une touche d’humour. Elle n’aperçût pas le clin d’œil, mais sentait qu’il était plutôt à l’aise malgré ses manières si rares, peut-être dépassées, ou alors qui ne correspondaient pas vraiment à la Belle, mais elle n’en était ni gênée ni dérangée, tout était si sincère que ça semblait simplement « couler de source ». Elle avait récupéré sa main, et se caressa délicatement et lentement le revers de son autre main, comme se remémorant la scène, ou se la gravant à jamais dans ce qui seraient bientôt des souvenirs très probablement délicieux. Les yeux toujours clos, ce léger sourire qui la rendait si mignonne toujours présent sur son minois, elle s’exprima enfin, dans un doux murmure qui lui était destiné, à lui, et elle élevait juste assez la voix pour qu’il l’entende à peine s’il était humain, dans son cas, il n’aurait aucune difficulté à la comprendre, au vu sa perception auditive bien plus élevée.
- La Belle se nomme Naysha, et à plus l’impression d’être en compagnie d’un prince que d’une Bête…
Elle rouvrit lentement les yeux, souriant à sa Bête adorable. Mais c’était à elle maintenant de na pas souhaiter que le silence s’installe, car elle avait laissé sa sincérité s’exprimer sans la moindre retenue, et à peine les mots avaient fini de s’échapper d’entre ses lèvres, elle eût l’espace d’une demi-seconde à peine, la crainte que son interlocuteur se voie à nouveau démuni, non pas par son manque de pudeur, mais par les mots employés qui pourraient avoir l’effet d’une cataclysme ravageur ainsi déployés.
- Pardonne-moi si tu te sentirais heurté par mes propos, j’ai juste…
En fait, elle aussi était perturbée par ce qu’elle avait dit, non pas qu’elle n’assumait pas ses propos, mais pour une fois qu’on la prenait simplement pour qui elle était, et non ce qu’elle paraissait, elle avait peur de sans doute donner une nouvelle fois l’impression de n’être qu’une créature aux formes avantageuses, dévergondée à souhait, qui ne pense qu’au délice provoqué par une jouissance délicieusement amenée. Après un léger sourire presque gêné, finalement, car là, elle l’était désormais, elle ajouta :
- Qu’est-ce qui t’a amené ici ? Tu n’as pas vraiment l’air d’être dans ton élément.
Le ton était bas, elle restait douce, mais semblait s’être bien reprise. Certes, ce n’était pas forcément la question la plus intéressante qu’elle aurait pu poser, mais elle avait alimenté la discussion sans laisser un silence lourd de conséquences s’installer. Elle retrouva un léger sourire, mitigé entre quelques possibles excuses, mais qui se voulait également le plus rassurant possible pour Saïl.
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La situation paraissait complètement surréaliste ; concours de circonstances inouï qui avait amené à ce qu’une adolescente jolie comme un cœur côtoyât un être qui aurait davantage eu se place dans un film d’horreur à dévorer des jeunes filles qu’à leur faire le baisemain comme il venait pourtant de le faire comme si cela avait été la chose la plus naturelle et logique du monde. De fait, la logique, ça le connaissait à ce savant plusieurs fois patenté dans bien des domaines, et en réalité, lorsqu’il envisageait ce qu’il vivait sous tous les angles possibles, il ne voyait pas pourquoi ça aurait pu ne pas avoir lieu : si l’on réduisait les données à leur sens le plus simple, un homme (-loup, mais homme quand même jusque dans les tréfonds de son âme, même si son état d’esprit était partagé entre celui d’un humain et celui d’un animal, et que l’auteur peut vraiment se mettre à faire des parenthèses très longues qu’il pourrait rendre encore plus extensives s’il le voulait) poli, doux et bien éduqué faisait la connaissance d’une femme qu’il jugeait proprement maniérée, attentionnée et compréhensive, et il aurait été bien injuste de dire qu’une telle rencontre avait quoi que ce fût de répréhensible ou de scandaleux. Bon, le cadre n’était peut-être pas le plus adapté pour une entrevue courtoise, mais dans le fond, ce palace de mercantilisme en ce moment déserté leur fournissait toute la place dont ils auraient pu avoir besoin pour se promener, même si dans le cas présent, ils n’avaient besoin que de quelques mètres carrés à peine pour discuter et interagir. Naturellement, tout cela n’était pas aussi idyllique qu’il l’aurait pu paraître, et il y avait une petite ombre au charmant tableau qu’ils constituaient qui était comme un vernis de perversité mince mais bien présent provenant de l’érotisme inhérent à la demoiselle : certes, elle était désormais vêtue d’une manière beaucoup moins scandaleuse pour le pudique homme-loup, mais pour autant, elle ne perdait en réalité rien de ce charme dévastateur qui l’obligeait à ne pas inspirer trop brutalement par les narines pour ne pas se retrouver avec les capteurs sensoriels brusquement saturés par ce parfum sensuel qui risquait dangereusement de faire se réveiller la bête en lui. Qu’on admire un peu l’exploit tout de même : alors que la plupart des représentants de la gent masculine se seraient certainement empressés de réfléchir davantage par leur testostérone que par leur matière grise et de se livrer à du gringue éhonté, Saïl, lui, en dépit de ses instincts animaux exacerbés par les puissants phéromones de la princesse aux cheveux de feu qui rendaient les hormones bouillonnants, parvenait à se contenir et à adopter une conduite tout à fait différente de celle d’un mâle dominant qui n’aurait sans aucun doute fait ni une ni deux pour sauter sur la femelle et s’accoupler de tout son saoul avec elle. Pas facile évidemment, mais les convictions de bienséance du savant bien au courant des usages à respecter en présence du beau sexe étaient si profondément ancrées dans son esprit qu’elles pouvaient résister à bien des chocs que sa libido pouvait lui asséner.
Et pourtant, Dieu savait que celle qu’il avait devant les yeux était de nature à exacerber les pulsions les plus basses de son être : tout en elle paraissait être constitué pour exciter le désir chez son interlocuteur, volontairement ou non, depuis ses courbes ciselées avec une perfection qui aurait fait lâcher à Pygmalion son marteau et son burin pour tomber à genoux devant elle jusqu’à son minois si mignonnement charmeur en passant par ses mouvements et ses paroles d’une grâce qui auraient certainement fait se détourner tous les guerriers venus batailler à Troie pour Hélène afin de se consacrer à la glorification de cette incarnation de splendeur juvénile. Mais il ne cèderait pas, jamais au grand jamais, et la voix du barde immortel, le grand Shakespeare en personne, semblait l’encourager par le biais de ces lignes issues de Tempest : L’antre le plus sombre, le lieu le plus opportun, tout ce que notre plus mauvais génie peut proposer de plus fort, ne fera jamais fondre mon honneur en vil désir. Non, il ne se le permettrait pas, quelles que fussent les instances insidieuses de son appareil reproducteur, et se devait pour ne pas paraître un tant fût peu inconvenant de garder un sourire franc et sincère au visage sans laisser transparaître une seule seconde les difficultés qu’il pouvait avoir à se contenir et à rester digne de l’idée qu’il se faisait d’un gentleman.
D’ailleurs, que l’on se rassure, le bon sire Ursoë n’avait pas l’esprit à ce point obnubilé par son débat contre sa soif de sexe qu’il ne pût apprécier dûment l’élégance qui avait quelque chose d’innocent et de purement attendrissant dont elle fit montre lorsqu’elle ferma les yeux. Un profane en la matière des expressions faciales aurait pu se méprendre sur une telle réaction pour croire qu’il s’agissait là d’une marque de dégoût, et le sensible homme-loup tomba d’ailleurs au premier abord dans un tel panneau, s’apprêtant déjà à se confondre en excuses quand sa science se rua à sa rescousse pour lui indiquer que les traits détendus de la jeune fille ainsi que sa bouche légèrement entrouverte étaient autant de signes qui permettaient de se rendre compte qu’elle était touchée par une telle attention de sa part. Pourtant, bien qu’il s’en rendît compte sans nul doute possible, il ne se glorifia pas en son for intérieur d’un tel succès, s’en sentant plutôt flatté à un tel point que si son visage n’avait pas été à ce point recouvert d’une épaisse toison, une rougeur perceptible qui aurait fait écho à celle qui s’était mise à poindre sur le visage de l’inconnue aurait été très facilement visible : encore une fois, c’était qu’il était timide le Saïl, et en toute circonstance, à chaque fois qu’il était le centre de l’attention, il avait davantage envie d’aller se terrer dans son laboratoire pour y retrouver la tranquillité que de se baigner dans la lumière des feux de la rampe. En plus, on ne pouvait même pas dire que c’était un effet de sa modestie, car bien qu’il eût un indéniable côté autodépréciateur, l’Orgueil avait une prise sur lui qui faisait qu’il ne pouvait admettre qu’on dépréciât son travail ou qu’on se permît de se moquer de ce qu’il était : non, il avait du mal à recevoir un compliment ou une marque d’estime sans que l’effet en fût amplifié d’une telle manière que cela se répercutait dans son corps pour le laisser plus ou moins embarrassé et confus.
Aurait-il pu croire un jour que lui, qui de son vivant avait plus souvent fait naître un rougissement sur les joues de quelqu’un à la suite d’une grande hilarité venue d’une maladresse comique de sa part que par une louange bien tournée, aurait pu faire rosir de plaisir une princesse aussi éblouissante ? Certes non, et même avec le fait accompli sous les yeux, il avait toujours du mal à se dire que c’était ce qui se passait en ce moment même, sa gêne toutefois tempéré par l’adorable sourire dont elle le gratifia : damnation, la bougresse arrivait à le battre sur son propre terrain, car toujours, dans le domaine des relations humaines, c’étaient ses beaux sourires de jeune homme entreprenant et volontaire qui faisaient le plus chaud au cœur au premier abord ; et voilà que par le même moyen, elle parvenait à obtenir un résultat au moins équivalent ! C’était très fort de sa part, mais malgré sa défaite, il resta bon perdant et, pour preuve de son esprit de beau joueur, resta aimablement en lice, ne se privant pas d’exposer ses dents en une douce demi-lune chaleureuse.
En la voyant se frotter la main en un geste qui n’aurait rien eu à envier à la jouvencelle la plus ravissante de par l’élégante pudeur qui lui était inhérente, il ne put lui-même s’empêcher d’avoir à peu près le même geste, peut-être par mimétisme, peut-être par sentiments réciproques, ramenant au niveau de son bas-ventre ses deux pattes qu’il serrait, desserrait, croisant, entrecroisait, décroisait nerveusement, n’était décidément pas du genre à avoir une attitude de séducteur ayant la situation parfaitement sous contrôle. Toutefois, une chose qu’il maîtrisait étaient ses sens, par exemple l’ouïe qui lui permettait d’apprécier pleinement les sonorités suaves de son interlocutrice ou, tout simplement, de capter son prénom lorsqu’elle le lui divulgua : Naysha… aaaahh… en vérité, quel nom lourd de sens pour qui connaissait certains classiques ! Elle aurait pu être nâga, cette créature serpentine qui possédait comme attribut d’accroître la fertilité des femmes, car en réalité, avec sa poitrine généreuse, la jeunette avait un air de déesse de la fécondité. Elle aurait pu être Naja, cette femme si mystérieusement fascinante née de la plume tordue mais percutante d’André Breton. Mais en réalité, elle était Nedjma, cette adolescente qui hantait les écrits de Kateb Yacine, à la fois ensorceleuse, vestale impudique et dévergondée et ogresse qui avait malgré elle une prise inimaginable sur les hommes et était capable de leur faire commettre les choses les plus diablement hardies en dépit de son indéniable innocence.
Cela elle l’était oui, cela elle l’était, et lui était… un prince ?! Héla, il ne méritait pas un tel compliment, il en était sûr, il avait davantage l’allure d’un rat de laboratoire que celle d’un noble, et s’il l’avait pu, il aurait pris un teint d’une belle couleur brique devant un qualificatif qui le troublait à un tel point qu’il n’y avait pas besoin de le voir rougir pour se rendre compte qu’il était tellement touché qu'il ne pouvait pour ainsi dire plus piper mot. Ahr, et elle avait l’air de s’en vouloir de s’être montrée aussi obligeamment délicieuse avec lui alors qu’il n’y avait pas de quoi, non, non, elle pouvait au contraire s’estimer digne d’un tapis rouge pour son caractère si aimable et doux. Et lui qui restait là à contempler le sol devant lui alors qu’il aurait dû réagir pour la rassurer, pour lui assurer qu’elle ne l’avait en rien blessé mais au contraire fait se sentir comme grandi d’être le destinataire d’un titre aussi majestueux !
Toutefois, ce qui finit par le réveiller fut sa question certes bien légitime et qui d’ailleurs serait sûrement venue tôt ou tard, mais qui ne manqua pas de le plonger dans l’embarras : comment faire comprendre à quelqu’un que vous étiez passé d’un monde à un autre après vous être transformé en une espèce de loup-garou et que vous aviez ensuite découvert comment emprunter ces couloirs de circulation, tout cela sans passer pour un fou ? Hum, mieux valait essayer de lui faire avaler d’abord que Terra existait, et il verrait ensuite pour sa nature extraordinaire… mais tout d’abord, il devait l’assurer de l’absence totale de désobligeance dont elle avait fait preuve : sans se départir de son sourire, il se mit à réciter.
« Ses cheveux, sa joue, son pas, sa voix, cette main près de laquelle toutes les blancheurs sont une encre, bonne à écrire leur infériorité ; cette main si douce qu'à côté le duvet du cygne est rude. »
Ce disant, véritable comptabilisation médicale empreinte de poésie galante issue de Troilus et Cressida, il dressa son index au moyen duquel il parcourut les différentes parties de son corps au fur et à mesure qu’il les énonçait : glisser de la tête jusqu’au visage avant de redescendre pour envelopper son galbe harmonieux d’un geste ample puis de remonter en chandelle pour apposer son doigt sur son menton, juste sous sa bouche, et enfin, de glisser le long du bras jusqu’à la menotte fine. Sa griffe acérée comme un scalpel aurait pu faire craindre quelque dommage mais, chirurgien émérite, Saïl n’avait aucun risque de molester cette petite reine, se contentant juste de frôler la peau soyeuse de temps à autre pour mieux mettre en relief la véracité de ses propos.
« Tout ça, c’est vous Naysha, et vos paroles sont aussi délicates que votre enveloppe charnelle, ne vous inquiétez pas. »
Encore un clin d’œil empli de connivence pour souligner son discours… et alors, ce fut le drame : comme Docteur Jekyll et Mister Hyde, un côté sombre de sa personnalité pouvait soudainement surgir et s’emparer de lui irrésistiblement pour contrôler ses faits et gestes sans aucune difficulté. Quel était ce côté ? Celui du Professeur, du didacticien, du savant, pardi, de celui qui pouvait parler d’un sujet apparemment dénué d’intérêt comme la régénération cellulaire durant des heures entières sans tarir, et qui pouvait très vite s’avérer insupportable de verbosité ! Bien entendu, ce dont il allait parler était loin d’être quelque chose de rébarbatif, mais cela n’empêchait qu’il était maintenant lancé et que le plafond aurait dû lui tomber sur la tête pour l’arrêter : se servant d’une paroi de béton proche comme d’un tableau et de ses griffes comme craie, il se mit à faire son exposé, griffonnant au passage pour illustrer son point de vue :
« Voyez-vous, contrairement à ce que l’on pourrait à bon droit penser, notre univers n’est pas l’unique qui existe : si on représente la Terre par un ligne plane… » Et tchhhrac, une belle strie ! « … et l’autre monde –qui se nomme Terra- par une autre ligne plane,… » Une autre strie ! « … on peut dire qu’il existe entre les deux des sortes de couloirs de circulation nommés « portails » qui se manifestent de manière apparemment impromptue bien qu’ils soient potentiellement détectables. » Nonchalamment, il creusa sans effort dans la matériau solide pour représenter un portail sous forme d’une suite de traits menant d’une ligne à une autre avant de conclure. « Je m’étais éloigné de Seikusu un jour, et involontairement, je me suis retrouvé transporté sur Terra. Depuis le temps, je suis parvenu à trouver un moyen pour détecter l’apparition d’un portail et donc pouvoir l’emprunter dès son apparition, sans pour autant malheureusement être capable de dire où il mène… c’est ainsi que je me suis retrouvé dans ce centre commercial. Voilà. »
Et sur ce mot, il croisa les mains devant lui au niveau de son pectoral, content de la démonstration qu’il venait de faire et qu’il estimait suffisamment simple et éloquente pour faire saisir à quelqu’un d’aussi vivement intelligent que Naysha en quoi consistait l’affaire et quelle était son ampleur. Ce ne fut que quelques secondes après qu’il tiqua et que Docteur Saïl se rendit compte de ce que Mister Ursoë venait de faire, ne pouvant s’empêcher de pousser un « Merde ! » retentissant en constatant les gribouillis tout à fait visibles qu’il avait tracés sur un mur qui ne lui avait rien fait. Confus, se sentant l’envie de disparaître en fumée sous le ridicule, il frotta machinalement le pan de béton comme si cela avait pu gommer ses égarements tout en balbutiant d’une manière tout à fait comique :
« Ohlala, je suis désolé, je n’avais pas fait attention… vous devez me prendre pour un fou ! Je… » A ce moment, il poussa une longue plainte de contrition alors qu’il se ramassait sur lui-même, les poings calés contre ses orbites, sa voix étouffée tandis qu’il gémissait. « Oooooh, je suis désolé, je suis lamentable… »
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( Et voilà, enfin, j'ai l'impression d'avoir gravi à l'instant même le Mont Everest et d'y planter le drapeau de LGJ ! J'espère que ça te conviendra et qu'il n'y aura pas trop de fautes dues à la fatigue, et, surtout, je te préviens déjà : si tu surenchéris, je te boudes ! ;D )
Naysha avait beau n’avoir que 17 ans, elle avait connu certaines expériences relativement tôt, et à eu la chance inouïe de grandir dans un climat idéal à l’épanouissement de la jeune demoiselle qu’elle était. De l’amour de ses parents, peu de tabous, malgré son âge peut-être jeune, ses parents avaient toujours fait en sorte de répondre à ses question de la façon la plus objective possible. Pour ne citer qu’un exemple parmi tant d’autres, il arriva un jour, comme la plupart des jeunes adolescentes, où Naysha a demandé à ses parents comment les enfants naissaient. Question simple, mais réponse ô combien difficile pour un nombre incalculable de parents. Âgée d’à peine onze ans, elle a eu droit à une réponse relativement complète, et surtout, véridique. Un homme et une femme, qui devaient s’unir dans un acte charnel, durant la bonne période, et il arrivait qu’ainsi, non pas à chaque fois, mais relativement souvent selon les personnes, qu’un enfant allait sortir du ventre de sa mère après environ neuf mois de gestation. Le tout était bien évidemment dit sur un ton calme, naturel, ce qui expliquait peut-être le facilité déconcertante dont la belle savait faire preuve pour parler de sujets souvent considérés comme « sensibles ». Certes, l’explication était un peu compliquée pour la gamine qu’elle était en ce temps là, mais les années passant, elle en avait compris d’elle-même le sens, aidée par son esprit plutôt vif.
Un exemple parmi tant d’autres, simplement oral, mais d’une manière plus générale, dans le comportement ou la tenue, la nudité aussi était quelque chose de relativement mal perçu, dans la majorité des foyers. La pudeur, un sacré sujet, quand on y pense. Elle pourrait facilement passer pour spéciale ou dévergondée, comme ce fut le cas dans notre cas présent, alors qu’elle ne voyait simplement pas la chose comme le commun des mortels. Une raison semble assez évidente tout de même : la rouquine à grandi en étant fille unique, de parents possédant un Club de nature très orientée vers le charme, la luxure, et les plaisirs de manière assez générale, même si c’était là l’aspect principal. Un bien ou un mal, dur à définir, toutefois ça lui avait, accompagné de quelques discussions prenantes avec sa maman, la jolie Seikyn, permis d’apprendre à se voir nue, de savoir prendre soin d’elle à l’aide de crèmes hydratantes et autres lotions naturelles qui lui étaient pas réellement nécessaires, mais à quoi bon se priver d’une peau encore plus douce, dont le velouté était irrésistible ?
Tout cela l’avait en quelque sorte formatée, d’une certaine manière. Ainsi, elle passerai de la façon la plus aisée imaginable pour une jeune donzelle dévergondée, pour ne pas dire perverse, peut-être certains diraient d’elle dans son dos qu’elle est une sacrée salope, et après ? Qu’ils pensent ce qu’ils veulent, après tout, elle s’appréciait, elle était bien dans sa tête et dans son corps, elle était généralement appréciée elle aussi, alors pourquoi s’en faire pour quelques personnes bien peu ouvertes d’esprit qui ne comprendraient de toute manière pas, même si elle leur ouvrait bien grand les cuisses ? Et puis, la plupart de ces manifestations n’étaient dues qu’à de la pure et simple jalousie. Passer pour une nymphomane ? Pourquoi pas, ça arriverait tôt ou tard, et après, c’était son corps, son esprit, et si elle était surprise même en plein trio dans sa propre chambre par ses parents, elle ne rougirait pas, elle ne se cacherait pas non plus. A quoi bon être gênée de passer un moment agréable, en offrant et recevant, alors que chaque protagoniste ne cherche qu’à décrocher, pour un moment plus ou moins long, de la réalité de tous les jours, et s’enfuir dans une chose si naturelle qu’est la jouissance, et toute la relaxation, qu’en prime, elle apporte ?
Est-ce que l’on insulte les alcooliques ou les drogués, oui, certainement, mais pas souvent. La plupart du temps ils sont montrés du doigt, mais une coureuse, qui ne l’était finalement pas vraiment, devait-elle subir un sort similaire ? La jeune femme avait bien sa réponse à la question, mais bien évidemment, son point de vue ne serait jamais réellement partagé par la majorité. Pourquoi vouloir luter contre une chose qu’elle ne pouvait vaincre, alors qu’il lui suffisait simplement d’ignorer ceux qui ne pouvaient la voir qu’en cible de jeu de fléchettes ? Ça ne lui importait vraiment pas du tout, elle avait largement mieux à faire de sa vivacité d’esprit. Elle aussi, elle lui était précieuse, là ou la plupart des « bimbos » n’avaient d’intelligent que le physique. Naysha ne les jugeait pour autant pas, elle avaient choisi de suivre une voie faite de choses plus superficielles les unes que les autres, dont le seul avenir plus ou moins prometteur semblait être d’une durée relativement courte dans le mannequinat. Mais pourquoi juger ou se sentir supérieure ? Naysha ne l’était pas, surtout pas à son âge encore plus que jeune, après tout, même si elle était une jeune femme plutôt mature, elle restait une adolescente, voir parfois même une enfant, inconsciente, trop curieuse ou spontanée, mais le tout créait chez elle un mélange subtil qui semblait frôler une perfection somme toute relative.
Elle avait beaucoup de choses pour elle, mais si on les séparait, elle n’était de loin pas la meilleure en tout point. Ce qu’elle savait, c’est que malgré ses retards légers en cours, mais fréquents, ils ne la pénalisaient de loin pas au niveau scolaire. Elle avait sauté une classe, et avait conservé cette facilité d’apprentissage, de mémorisation, qui faisait qu’elle s’ennuyait facilement en cours, si le rythme n’était pas assez élevé pour son esprit si vif, si clair. Première de classe dans certaines branches, elle était tout de même majoritairement sur les deuxième et troisième marches du podium. Par ses facultés principalement, sauf une branche ou l’autre par une voie moins honorable, mais ô combien plaisante, sous bien des aspects du terme. Hé oui, le plaisir faisait partie intégrante de sa vie depuis plusieurs années maintenant. Encore une fois, grâce à l’univers de ses parents, principalement via le Club, dans lequel elle découvrit de nombreux vices. Tout d’abord causé par cette curiosité persistante, qui lui avait fait découvrir des sommets du plaisir. Fut-il bon de rappeler que c’était en la compagnie d’un couple, et de ce fait, au cours d’un trio ? Sans doute pas, mais ça donnait de bonnes idées des bases de vie de cette jeune créature. Être curieuse, ouverte d’esprit, encline à tenter de nouvelles expériences avant d’affirmer apprécier ou non. Et la nature avait été vraiment généreuse avec elle. Un regard classique, il est évident que s’il avait été vert, ou peut-être bleu, elle aurait fait tourner plus de têtes encore. Sa longue chevelure, rarement raccourcie, et surtout jamais trop. Un supplice à l’entretien, mais il est vrai que pour rien au monde elle ne les couperait. Elle pouvait remercier ses parents de n’y avoir jamais songé. Un visage plutôt enfantin, mais que l’on qualifie aisément de « mignon », sur lequel un sourire sincère, doux, s’esquisse facilement. D’entre ces mêmes lèvres, la voix est douce, chaleureuse, mélodieuse... et puis, si l’on prend la peine - et bien des gens prennent cette peine – de détailler plus longuement sa silhouette, il est évident qu’elle avait tout pour elle, sans excès. Elle aurait pu être plus belle, plus intelligente, plus maligne, avoir une meilleure voix et l’utiliser pour en faire son métier : pour le dire simplement, la nature avait été extrêmement généreuse avec elle, sans toutefois la rendre parfaite. Et puis, de nombreuses personnes en ce monde n’étaient pas humaines, ou avaient développé des pouvoirs, et de nombreuses autres particularités qui échappaient totalement à l’adolescente.
Mais pour en revenir à cette douce nuit en ce centre commercial, il paraissait évident que la situation devenant de plus en plus amusante, non, pas dans un sens de moquerie, mais plutôt dans un sens cocasse. En effet, les deux se troublaient l’un l’autre, à leur manière, ou parfois se troublaient d’eux-mêmes, comme si de nombreuses maladresses étaient commises par chaque parti. Il était perceptible que les deux, à savoir, Saïl, l’homme-loup, imposant, puissant, mais timide, et Naysha, la jeune humaine adorable, mignonne, mais parfois trop directe, et même plus que juste parfois, se retrouvaient dans une situation des plus insolites, tous les éléments s’étaient réunis pour leur faire passer une sorte d’épreuve sensationnelle, mettant tour à tour une chose ou l’autre inattendue là où il ne le fallait surtout pas, afin de rendre la totalité de la scène la plus burlesque possible. Le lieu, qui aurait pu imaginer un tel lieu pour cette joute, si elle en était une. Comment le hasard a-t-il pu faire pour qu’à la fois Saïl, mais également Naysha, se retrouvèrent simultanément, la même nuit, dans un endroit dans lequel personne n’aurait dû se trouver la nuit, mais surtout, que ce fussent ces deux personnes là qui s’y retrouvèrent, avec leurs apparences -et les à-priori qui vont avec - et leurs caractères respectifs. S’il était le seul responsable, il est évident que ce hasard là devrait être applaudit à la sortie, car il avait vraiment fait particulièrement fort !
Quoi qu’il en fût, chacun semblait gêné à sa façon, ou tout du moins troublé. Elle avait apprécié le baisemain, et se caressait le revers de la main, alors que Saïl, se tenant devant elle, l’imitait plus ou moins, avant de ne plus savoir quoi faire de ces deux paluches qu’il aurait sans doute préféré ne plus avoir dans un moment pareil. Drôle ? Oui et non, mignon, ça oui, ça l’était. Tout comme elle avait remarqué que l’évocation de son prénom n’était pas passée inaperçue, où est-ce que cet esprit, sans doute rêveur, avait-il bien pu s’égarer ? La jeune demoiselle sans aucun doute trop directe n’avait pas eu tord, l’homme-loup avait été plutôt réactif à ce compliment survenu le plus naturellement du monde, alors qu’elle avait les yeux clos, et laissait ses sentiments s’échapper sans le moindre contrôle. C’est vrai que s’il s’était trouvé sur un lac gelé, en plein hiver, il serait actuellement quelques lieues plus bas, en train de joyeusement faire connaissance avec un bain glacé qui lui aurait probablement permis de se remettre les idées en place. Heureusement, elle n’avait pas laissé le silence, qui aurait été des plus malvenu dans un cas pareil, mais même si la jeunette avait voulu bien faire, une fois encore, elle avait agît de manière trop spontanée, et elle sentait l’embarras dans lequel elle l’avait mis. Décidément… le hasard est parfois capricieux !
Heureusement, le sourire lui était revenu, et il eut une nouvelle occasion de faire l’étalage de l’une de ses citations qui venait bien évidemment d’un auteur dont Naysha ignorait totalement le nom, mais le sens, lui, était à peu près à sa portée. Et comme si cela ne suffisait pas, il fallait que la Bête accompagne ses mots de gestes sur ce corps si réactif aux caresses douces, et pas que. Pas besoin d’être un savant, ou plutôt, il fallait être tout, sauf un savant, pour imaginer les conséquences d’un tel mélange appliqué sur la donzelle : un compliment, non pas majestueux, mais simplement divin et sincère, touchant, alors que justement, un index velu, doux, se promenait comme si de rien n’était sur le corps de la rouquine. Il n’en fallait vraiment pas plus pour déclencher en elle une bouffée de chaleur délicieuse, et non pas de la gêne, mais un trouble, ou peut-être même une montée de désir provoquée cette fois-ci, non pas par un agréable frottement de velours, mais simplement par de la sincérité et de la douceur appliquée à outrance, d’une personne timide et dont elle n’aurais jamais osé pensé un tel acte, et ne s’en réjouissait que plus. Était-il nécessaire de parler de frissons qui auraient pu parcourir tout son être ? Je ne crois pas. De nouveaux mots, cette fois-ci, la jeune demoiselle rougissait réellement, profondément touchée par les attentions qui lui étaient offertes, voilà une manière bien involontaire de probablement troubler une nouvelle fois son partenaire ô combien particulier, mais dont elle ne voudrait en aucun cas se séparer malgré les évènements.
Il ponctua, comme si c’était nécessaire, le tout, par un clin d’œil complice. Fort heureusement, il enchaina rapidement, dissipant presque aussitôt leurs troubles respectifs, mais pour combien de temps ? Quelques secondes, ou quelques minutes, peut-être, mais il était certain qu’il viendrait à nouveau semer son espèce de zizanie presque recherchée, finalement. L’explication était des plus claires, surtout en se servant d’un tel support d’écriture. Non, Naysha ne rit pas, elle n’osa se permettre une telle chose alors qu’il faisait de son mieux pour lui répondre, décidément, ce serait quelques minutes à tout casser, en tout cas, elle était prête à parier son top sur le champ. S’en était trop ! L’adolescente éclata de son rire, similaire à celui du moment de leur rencontre, en le voyant se retourner et lui faire face, croisant les bras comme s’il était fier de la prouesse qu’il venait de réaliser. Peut-être aurait-il dû gonfler ses pectoraux, pour rajouter une touche d’humour à cette nouvelle scène burlesque et, il faut le rappeler, presque inimaginable ? Il avait rapidement compris, et le rire de Naysha se tarit légèrement, mais pas pour longtemps, ho non ! Fou rire, ça y était, il voulait effacer d’un revers de la main, s’en était trop, l’absurde du tout l’avait vaincue, elle se libérait d’une tension accumulée depuis son premier éclat de rire, montant au fil des bourdes de la Belle ou de la Bête...
La jeune femme s’essuya les yeux, de ses paumes délicates, afin de sécher ses larmes, alors que son rire n’était plus qu’un large sourire, qui diminuait peu à peu, afin d’éviter d’enterrer définitivement Saïl sous quelques centaines de tonnes de honte, environ. Il se confondait en excuses, comme s’il venait d’offenser un Dieu, ou en l’occurrence, une Déesse, mais elle ne l’était de loin pas, tout comme il n’était surtout pas lamentable, au contraire, il était drôle, spontané, sincère. Peut-être avait-il simplement un peu la tête dans les étoiles que l’on pouvait voir scintiller au-dessus du centre commercial, notamment, au travers de certaines vitres ou velux. Elle ne laissa pas le temps à la créature de trop se terrer, et s’approcha de lui, afin de saisir l’une de ses grosses paluches adorables, et de l’attirer quelques mètres plus loin. Une petite aire de repos y était installée, et elle invita Saïl à s’installer sur le banc, qui paraissait pouvoir supporter une charge de moins de deux cent kilos. Au vu de son état, il ne chercherai pas particulièrement à luter et prit place presque docilement, alors que Nay s’installa proche, peut-être trop, mais elle n’en avait cure. Sur sa cuisse gauche, contre son torse musclé et velu, dans l’odeur bestiale qu’il dégageait, qui se mêlait petit à petit à son propre parfum fruité, et à la senteur du neuf qu’elle portait. Une petite fille lovée contre une grosse peluche à la recherche de réconfort ? C’était un peu le cliché, mais il ne convenait pas spécialement à la situation présente. Sans le regarder, en murmurant, de sa douce voix se voulant la plus neutre et la moins heurtante possible, elle lui répondit enfin, de la manière la plus franche possible. Tous deux passaient l’un après l’autre, ou en simultané, dans des moments de troubles qu’ils appréciaient tout en les craignant, elle allait essayer de calmer cela… à la manière « forte »…
- Saïl, tu n’es pas lamentable, tu n’es pas une Bête, tu n’es pas idiot devant une femme qui semble à ta convenance, et pour couronner le tout, tu n’es de loin pas fou.
Couronner, pour un Prince, le mot était sans doute bien choisi, mais elle n’était pas vraiment calculatrice dans un tel moment, il était juste là où il devait être, simplement. De sa douceur rassurante, elle entreprit de poursuivre, puisqu’enfin, elle laissait ce son qui semblait tant plaire à son partenaire s’échapper.
- Tu es doux, attentionné, sincère, spontané. Protecteur et mignon dans tes maladresses, tu es vraiment touchant dans tes propos…
La phrase s’arrêta là, elle pressentait qu’il eut été plus que rouge, il aurait sans doute pu se camoufler dans un champ de violettes à ce stade, ou de lilas s’il était aussi un peu pâle, craignant quelque chose. Se voulant rassurante, elle se pressa un peu plus contre son « Prince », alors que d’une main plus ou moins assurée, elle dépose son index contre la truffe humide et fraîche de Saïl, ne voulait ni être interrompue, ni qu’il s’emballe, ni rien d’autre.
- Tu es tel que tu es, et visiblement nous ne nous laissons tous deux de loin pas indifférents, au lieu d’en rougir, de se sentir peut-être mal, pourquoi ne pas simplement sourire de cette situation, et cesser de prendre trop à cœur les compliments, et simplement les savourer, et s’amuser de nos maladresses dans cette autodérision que tu as plusieurs fois très bien utilisée déjà ?
Rien n’était provocateur, rien n’était de trop pour la « Belle », elle voulait juste pouvoir continuer de le découvrir, tout en se découvrant elle-même, dans un climat plus serein, qui leur conviendrait mieux à tout deux. Lovée contre son gros « Loulou », elle retira lentement son index, priant pour qu’il ne bondisse pas dieu sait où…
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(En un mot comme en cent, nya !)
La honte, la honte, la honte, la terrible honte, déchéance au déchirement intérieur insupportable pour quelqu’un d’aussi fier de ses connaissances et de son intelligence que le sieur Ursoë qui se serait dans le cas présent bien cogné la tête contre le mur de rage et de dépit s’il n’avait pas pertinemment su que cela aurait défoncé la paroi de béton à la solidité dérisoire en comparaison de la force purement colossale qu’il avait acquise lors de sa transformation et qui lui aurait sans doute permis de réduire l’immense édifice à l’intérieur duquel il se trouvait en un tas de décombres s’il l’avait voulu, et s’il avait tout simplement été de nature à évacuer la frustration par la violence. Bon d’accord, ça ne voulait pas pour autant dire qu’il était un exemple de self-control et qu’il parvenait toujours à garder son sang froid en toute circonstance, car le fait était que lorsqu’une irrésistible déconvenue se présentait à lui, il n’était pas si peu courant que cela qu’il se laissât aller à lâcher des bordées de jurons colériques et de menaces de destruction à l’égard de son matériel ou des circonstances qu’il tenait comme personnellement responsables de son piétinement, ses affaires risquant alors bien de se retrouver lésées par les dommages collatéraux qu’impliquait son accès de colère. Bien entendu, depuis qu’il était devenu une sorte de loup-garou à la puissance destructrice, il avait pris soin d’endiguer plus précautionneusement que ça ses débordements, mais il suffisait de savoir que parmi les nombreux tas de caillasse qui jonchaient les alentours de sa caverne, beaucoup avaient jadis été des rochers d’une taille et d’une résistance autrefois considérable, pour se rendre compte qu’on ne se départit jamais vraiment de ses vices !
Toutefois, dans le cas présent, ce n’était pas de rage qu’il s’agissait, ou si c’était le cas, alors c’était une rage dirigée uniquement contre lui-même d’avoir fait preuve d’une balourdise pareille : lui qui voulait toujours confiner à la perfection dans le domaine de la démonstration scientifique et de la didactique, voilà qu’il retombait dans des travers qui le rendaient si ridicule ! Il se souvenait d’une fois où il avait dû faire un cours sur l’évolution de la morphologie de l’être humain sur le temps long, depuis les périodes les plus reculées de l’Antiquité jusqu’aux jours présents : mélange de nervosité terrible et d’un entrain mal contrôlé, son discours n’avait pas tardé à s’emballer de la manière la plus confuse qui fût, et dans sa panique, il avait grossi les bruissements de perplexité qui avaient saisi son auditoire en des rires de moquerie et de condescendance face à lui qui n’en était alors qu’à ses débuts. Très vite, il avait complètement perdu ses moyens et avait dû s’excuser avant de littéralement s’enfuir à toutes jambes comme une souris pour courir se calfeutrer dans ses appartements dont il n’était ensuite pas sorti pendant plusieurs jours, se croyant un paria de la communauté scientifique toute entière ; il lui avait alors fallu plusieurs jours pour qu’il osât remettre le nez dehors, et deux bonnes semaines avant qu’il ne concédât à retenter l’expérience d’un exposé qui s’était heureusement cette fois-ci très bien passé et pour lequel il avait reçu des applaudissements qui, comme on le devinera, l’avaient laissé à moitié pantois, marmonnant des remerciements inintelligibles derrière sa carapace de timidité.
Cependant, malgré ce succès ainsi que de nombreux autres qu’il avait rencontrés au fil du temps, l’angoisse le taraudait toujours que les connaissances dont il faisait montre ne résultassent en fin de compte qu’en un bide de première catégorie, et c’était précisément ce qui lui semblait survenir en ce moment alors qu’il était recroquevillé sur lui-même comme un escargot dans sa coquille, pressant fortement de ses poings fermés contre son visage comme pour en faire sortir son indigne cervelle. Dans le silence de sa médiocrité crasse, le rire resplendissant comme les trilles d’un oiseau chanteur de Naysha résonnait splendidement, mais il y restait pratiquement indifférent, ne s’offusquant ou ne s’attristant pas d’une telle hilarité ni n’en ressentant un quelconque soulagement : il était nul, un zéro, l’antimatière de l’intelligence, et plus rien ne lui importait désormais que ce désolant constat dans lequel il se vautrait lamentablement comme un champion olympique de saut en longueur confronté à un critique échec lors d’une démonstration qui aurait normalement dû s’avérer éblouissante de compétence. Comme beaucoup d’étudiants dans son milieu, Saïl avait entendu cette histoire au sujet de ce savant qui aurait rencontré de telles railleries, de telles moqueries et une telle incompréhension lors de la démonstration d’un prototype de la part de ses confrères qu’il en aurait été mort sur le coup : certaines versions faisaient état d’une attaque cardiaque, d’autres d’un suicide, et des interprétations toutes plus fantaisistes les unes que les autres existaient à ce sujet, mais la leçon à tirer de cette anecdote restait la même, qui était que l’on pouvait bel et bien mourir de honte et que le ridicule tuait parfois contrairement à ce que voulait l’aphorisme.
Heureusement pour la princesse aux cheveux de feu qui ne se verrait ainsi pas taxée d’homicide involontaire, l’homme-loup n’en était pas à ce stade, mais il subsistait qu’il aurait bien voulu passer de vie à trépas pour écourter son tourment : qu’une capsule de cyanure lui tombe sous la main, qu’une faille s’ouvre sous ses pieds, que le plafond s’effondre sur lui, qu’une météorite lui tombe dessus, qu’une brigade armée arrive et le fusille… n’importe quoi pour abréger ses souffrances et éradiquer un butor comme lui de la surface de la Terre ! Comme on peut le voir, ça n’allait pas très fort pour notre ami, et en réalité, il s’était tellement abîmé dans les affres de son chagrin qu’il ne s’aperçut même pas que sa compagnie qu’il était pourtant un crime de négliger lui avait fait la grâce de cesser de rire, pas plus qu’il ne remarqua qu’elle s’était approchée de lui alors que ses organes sensoriels auraient normalement dû lui permettre de repérer le trottinement d’un rongeur à des dizaines de mètres à la ronde ! Posture d’extrême faiblesse en réalité dans laquelle Naysha était une des rares à avoir été capable de le plonger à un point pareil, et dont elle eut la bonté de ne pas abuser alors qu’il aurait été si facile de l’écraser sous son talon –aussi bien au sens figuré qu’au sens propre- et de le réduire à l’état de loque pétrie de remords étant donné l’indolence pénible à voir qu’il avait adoptée.
En temps normal, il aurait eu un frisson, un sursaut, un recul instinctif à se faire prendre la main par une créature aussi belle en comparaison de la masse de muscles et de poils qu’il était, mais avec le moral qu’il avait, il ne lui vint pas à l’esprit de réagir plus vivement qu’en se redressant mollement, la démarche mécanique et le regard morne pour se laisser guider sans résistance. Bien sûr, cela tenait au fait qu’il était méchamment déprimé au point d’avoir l’esprit tellement accaparé de reproches envers lui-même qu’il n’accordait qu’une attention réduite à ce qui l’entourait, mais aussi au considérable respect presque instinctif qu’il avait pour les femmes : comme il l’a été dit, Saïl était un galant, mais cela allait également au-delà, à savoir jusqu’à son enfance même, durant laquelle il avait toujours eu (et avait toujours d’ailleurs en dépit de la distance) un amour qui confinait à l’adoration pour sa tendre génitrice, la douce Claire Ursoë la bien nommée. Il n’avait en rien été un enfant turbulent, mais quand il se mettait une idée en tête, il était bien difficile de l’en faire sortir, et dans ce genre de situation où il pouvait se montrait aussi têtu comme une mule qu’il le voulait, quelques simples paroles que sa mère pouvait prononcer sans même hausser le ton ou un geste suffisamment éloquent de sa part suffisait à le remettre dans le droit chemin qu’il empruntait sans même penser à rechigner. Oui, il éprouvait véritablement une admiration pour cette Française à l’attitude, au caractère et au comportement si subtilement maniérés qu’elle ne pouvait manquer de conquérir quiconque la côtoyait bien que son hygiène de vie eût quelque chose d’un peu daté dont le parfum ne convenait pas exactement au vingt-et-unième siècle sans toutefois se départir jamais de quelque chose de délicatement conquérant.
Etait-ce de cela que provenait la docilité dont il faisait preuve envers Naysha alors qu’elle le conduisait où elle le voulait, et qui lui interdisait de se montrer récalcitrant à sa promptitude pourtant dénuée de toute impériosité, lui qui aurait pourtant pu faire ce qu’il voulait de son propre corps sans le moindre effort ? Pas exactement… c’était vrai que sa courtoisie exacerbée lui ordonnait de ne pas contrarier les désirs d’une dame, mais il y avait aussi et bien évidemment la présence si charmeuse de la donzelle gracile qui jouait : de la même manière qu’un papillon de nuit était irrésistiblement attiré par une flamme, qu’un oiseau-mouche ne pouvait se priver du nectar d’une fleur, et qu’un ver de terre sortait dès que la pluie venait, les phéromones qu’elle dégageait et que l’homme-loup captait sans difficulté grâce à (ou « à cause de », ça dépend du point de vue duquel on se place) son odorat hors du commun, les fragrances agissant comme d’instoppables manifestations d’un sortilège d’envoûtement qui faisait qu’il était littéralement sous son emprise.
Par réflexe, il prit place sur le banc sur lequel elle l’invitait implicitement à s’asseoir, le support de métal et de plastique sans doute conçu pour recevoir même les consommateurs les plus confits de graisses diverses s’avérant suffisamment solide pour supporter la charge de plus d’un quintal et demi qu’ils représentaient à eux deux. Toutefois, il commença enfin à se réveiller et à se remettre les idées en place lorsqu’il s’aperçut de l’endroit sur lequel la ravissante adolescente s’était installée : que le grand cric le croque, comment avait-il pu la laisser s’asseoir à une proximité aussi dangereuse pour quelqu’un de sensible comme lui ?! Bon d’accord, ce n’était pas comme s’il aurait eu le cœur de la repousser s’il s’en était aperçu plus tôt, mais il restait qu’il était maintenant dans de beaux draps : parmi les loups, une proximité telle ne se justifiait qu’uniquement pour que la meute se réchauffe, pour qu’un petit s’imprègne de l’odeur de sa mère, ou pour que deux partenaires de reproduction raffermissent les liens qui les unissaient avant de passer à l’acte ; or comme la température était tout ce qu’il y avait de plus acceptable –même si celle de Khral montait en flèche sous l’embarras- et que celle qui se lovait contre lui n’était pas son enfant, la seule possibilité qui semblait rester le plongeait dans un état de confusion des plus extrême. Il lui paraissait que le parallèle entre eux et la relation qu’entretenaient par nature le pluvian et le crocodile pouvait judicieusement être dressé : la présence du plus petit avait quelque chose de positivement lénifient et bienfaisant sur le plus gros, et une relation de confiance qui excluait toute idée de violence s’instaurait entre les deux… mais qui pouvait dire si elle subsisterait jusqu’au bout ? Qu’est-ce qui empêchait au fond le terrible prédateur à écailles aux mâchoires redoutables de les refermer sur l’oiseau ; et qu’est-ce qui empêchait le loup-garou de prendre la princesse dans l’emprise irréductible de ses grands bras pour…
Non, non et non, il ne devait pas se laisser aller à des égarements pareils, quelle que fût la situation, car à continuer de ressasser des réflexions d’un tel acabit, il allait vraiment finir par y céder : après tout, il avait bien vécu quelque chose de semblable avec Cyanne, et même quand il l’avait étroitement serrée contre lui, des pensées aussi libidineuses ne lui avaient pas traversé l’esprit, non ? Malheureusement, si, même si il les avait repoussées et refoulées avec résolution, et le pire était qu’après le départ de cette si merveilleuse enfant, son inconscient lui avait joué de sacrés tours de cochon –c’était le cas de le dire !-, peuplant ses rêves d’apparitions de la sirène dans des postures à tout moins suggestives qui l’avaient fait se réveiller brutalement avec un début d’érection qui lui avait donné envie de se déchirer les gonades de ses griffes pour faire cesser ces visions. Misère de miséricorde, comment quelqu’un qui avait été aussi bien élevé pouvait-il nourrir des fantasmes immoraux pareils envers des personnes qui n’avaient –physiquement du moins- même pas atteint la majorité ? Ce devait être de la faute de Naysha, de cette incarnation du péché de chair dont les courbes étaient si flatteusement aguicheuses et dont le parfum était d’un érotisme tel que même lui ne pouvait s’empêcher d’y succomber et de… non, il aurait été hypocrite de prétendre une chose pareille, car s’il y avait faute, c’était de sa part de ne pas savoir se contrôler bien davantage que de celle de la jeune fille si attentionnée et si bienveillante envers lui. Un misérable, c’était un misérable, et bien qu’il s’efforçât de faire bonne figure en affichant pour le moment un masque de placidité et en concentrant toute sa force mentale sur le fait d’empêcher les battements de son cœur de s’accélérer, il était indubitable qu’à ce rythme, il allait tôt ou tard succomber.
Nom d’un chien, « une femme qui semble à ta convenance » ? Qu’est-ce que cette étourdie n’allait pas lui dire là ? Il savait bien qu’elle ne pensait en aucun cas à mal, et de fait, il était très sincèrement touché de ce qu’elle lui disait, dont le caractère élogieux était véritablement presque sans commune mesure avec tout ce qu’on avait pu dire à son sujet, mais il devait pousser à hue et à dia dans son esprit pour éviter que la marrée d’idées perverses que des propos pareils y faisaient naître ne se déversât dans son cerveau menacé de surchauffe. Comme elle était gentille… trop gentille même, car à la pensée que chacun des mots qu’elle prononçait nourrissait des idées d’une telle lubricité, chaque compliment était comme une flèche enfoncée dans son cœur d’artichaut car en parallèle avec l’obligeance tout ce qu’il y avait de plus innocente qu’il éprouvait à mériter apparemment ces louanges, une petite partie de son être se frottait insidieusement les mains en pensant que cette charmante humaine de chair fraîche se glissait de plus en plus certainement entre ses griffes : oui, elle était tout à fait à sa convenance, tout à fait à son goût, et il se répugnait d’avoir à assumer des choses pareilles qui le faisaient s’assimiler à un infâme corrupteur. Il aurait voulu fermer les yeux en espérant que cela eût une chance de le faire tomber dans le coma pour faire cesser vite fait bien fait tout ça, mais il ne pouvait détacher son regard d’elle, hypnotisé, et même quand il commença à ouvrir la bouche pour protester et dire qu’un imbécile comme lui n’était pas digne de qualificatifs aussi grandissants, elle commit le mouvement à caractère fatidique de se rapprocher encore plus de lui tout en apposant son index contre son museau, le réduisant effectivement au silence… et pour cause : sous ce contact renouvelé de la peau douce comme de la soie contre sa fourrure épaisse mais néanmoins sensible, sa tête fut envahie d’un puissant coup de sang qui noya toute possibilité de réflexion dans une mer d’ébahissement.
Au bord de la syncope, il l’écouta sans être fichu de piper mot, adoptant malgré lui la posture d’un loup en état de soumission, voire de peur, les oreilles ainsi que les lèvres ramenées en arrières et aplaties, la queue instinctivement rabattue entre les jambes, la tête rabaissée. Oui, il s’abandonnait en quelque sorte à la domination de Naysha de peur de céder à celle de ses pulsions et de se mettre tout en coup en tête de la culbuter et de passer de la pensée à l’acte avant même d’avoir pu comprendre ce qui lui serait arrivé. Bien entendu, il prêtait une attention presque empreinte de vénération à ce qu’elle lui disait, mais irrésistiblement, certaines paroles résonnaient de façon plus insistante dans son esprit tourmenté : « nous ne nous ne laissons […] pas indifférents », « prendre », « savourer »… les double sens paraissaient abonder, et il était au supplice, ses barrières commençant à céder, son excitation désormais malheureusement irrépressible commençant à se manifester plus visiblement sous la forme d’une raideur qu’il ne pouvait empêcher de se former sous son pagne. Et elle continuait à sourire, à être si adorable, si entraînante, si désirable, d’une manière si naturelle qu’il ne se sentait absolument pas le droit de lui faire le reproche de l'avoir mis dans la situation compromettante dans laquelle il s’était retrouvé : ah il était beau le gentleman qui se targuait de faire abstraction de la lubricité qui habitait ses semblables ! Il était ignoble, affreux, immonde, et aurait mérité d’entrer en combustion spontanée pour le péché de luxure aggravée qu’il commettait rien que par la pensée ; il aurait voulu bondir comme un ressort et galoper à l’autre bout du monde pour fuir, fuir l’objet de ses désirs et éviter ainsi à tout prix de les lui asséner, mais il savait que cela la brusquerait et risquerait en plus sans doute de la blesser dans le processus, aussi n’eut-il d’autre choix pour tâcher d’endiguer ses pensées coupables et faire en sorte d’évacuer la tension en lui que de détourner le visage, yeux clos, ses mains crispées l’une contre l’autre à s'en faire mal, les griffes de ses pattes postérieures crissant contre le sol en une plainte stridulante alors qu’il articulait d’une voix brisée :
« Non… non… je suis désolé… je ne peux pas m’en empêcher… je vous désire ! » Sur cet aveu pour lui déchirant, sa diction se mit à s’entrecouper de sanglots qui lui soulevaient la poitrine et faisaient couler des larmes amères de profonde contrition qui suintaient à travers ses paupières pour être vite absorbées dans sa toison faciale. « Je suis horrible ! Un-un animal, un monstre, un chien en-en rut ! Pardon… pardon… »
Les serments les plus puissants ne sont que paille pour le feu qui est dans le sang, il semble que tu avais raison William…
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La « Belle » ne s’était en aucun cas trompée, l’emprise qu’elle avait en cet instant sur sa « Bête » était proche de son summum. Plongé dans ce qui devait être une honte mémorable, tout autant que démesurée, il agissait comme un pantin sans vie, une marionnette que l’on manipulait à l’aide de ses doigts et de quelques bouts de bois et cordelettes, ou plutôt, fils de pêche, afin qu’ils ne puissent être décelés. Si la jeune femme avait voulu abuser de lui, le tromper, profiter de la situation, le manipuler, il était indéniable qu’il n’eusse rien pu faire pour aller à son encontre. Depuis quand faire rire une demoiselle désirable, qui nous faisait un effet fou, et surtout, qui ne s’enfuyait pas nécessitait-il de se rabaisser et de s’endiguer entre ces murs noirs et abaisseurs ? Pourquoi devoir s’enfuir aussi lui de la réalité, surtout dans un tel cas : il ne lui avait rien fait à elle, après tout, que le mur soit « tagué » de la sorte, elle s’en foutait presque, et puis, en un sens, un avait marqué son arrivée que l’on pourrait presque qualifier de triomphante au vu de la situation.
Une arrivée en fanfare, en quelque sorte oui. Il était arrivé là sans vraiment le vouloir, il n’était absolument pas du tout dans un élément fait pour l’apparence qu’il se devait de revêtir, et à priori, éternel grand timide. Dans un lieu généralement bondé d’humains, et d’humaines, toutes plus jolies que les autres. Certes, il avait eu la « chance » tout relative d’y arriver en heure nocturne, heure durant laquelle il aurait dû être solitaire, et il se serait sans doute échappé de sa « prison » en moins de temps qu’il n’en fallût pour le dire. Mais non, ce « Hasard » en avait voulu autrement, et il devait faire face à l’une de ses faiblesses : une jeune demoiselle, ravageusement attirante dans la nuisette qu’elle portait, lors de son arrivée. Malgré cela, il avait fait face, il avait réussi, avec plus ou moins de brio, selon les instants, à garder la tête hors de l’eau, à rester là avec elle, alors qu’il n’aurait eu qu’à bondir pour s’échapper de ce que l’on pourrait presque qualifier de piège pour lui. Un homme restait un homme et le désir avait sans doute été le plus fort, mais il avait su être correct, poli, galant, osant même des citations plus qu’équivoques, ne se laissant pas à subir le trouble, mais à le partager. Et puis même lorsqu’elle voulût le tirer de son embarras, sa question fut mal choisie, il semblait ne pas savoir quel bout la prendre, et spontanément, dès que la solution fût trouvée, il se mit à l’acte, comme s’il venait de se libérer d’un poids, qu’il venait de vaincre une épreuve impossible, qu’il… il venait de laisser une trace, comme s’il venait d’être le premier à poser son pied sur la lune, il venait de poser sa marque à lui dans cet univers, dans ce centre commercial, qui était pour lui un autre monde, une conquête qu’il vainquait au fil des minutes qui s’égrenaient.
L’instant de son triomphe passé, dont il ne se rendait à l’évidence pas compte, était vraiment passé. Ne profitant pas vraiment, donc, de cette emprise si forte qu’elle possédait en l’instant, elle avait simplement guidé plus loin son « Prince » égaré. Il sortait enfin de sa torpeur, lentement, pour n’en être à priori que plus troublé, perdu dans des pensées, et il n’avait rien de la fière « Bête » qu’il aurait dût être. Il s’était un peu assagi alors qu’elles parlait, mais de façon plus que brève, en effet, la manière « forte » et les mots employés eurent l’effet prévisible d’allumer Saïl plus qu’autre chose. Certes, elle se doutait que ces mots et son attitude iraient trop loin pour lui, mais après tout, si cela pouvait au moins mettre certaines choses au clair, qui, d’une fois dites, arrêteront de semer le trouble entre eux ?
Il prenait une posture plus résignée, au fil de ses mots, alors qu’elle continuait son petit manège, sans s’interrompre, elle qui avait eu la bonne, ou peut-être moins bonne idée, de se rapprocher à du haut de la cuisse de l’homme-loup à tel point qu’elle ne pouvait ignorer l’effet qu’elle lui prodiguait, alors qu’elle ne cherchait pas spécialement cela. Loin de s’en offusquer, elle ne réagit pas particulièrement, espérant ainsi le rassurer. Saïl bandait, à la fois flatteur, et une marque qui prouvait certaines choses de manière certaine, ou presque. Il n’était de loin pas le premier a qui elle faisait un tel effet. Pour ne citer qu’un exemple récent dans les douches mêmes du lycée, alors qu’elle s’y relaxait, dans une délicieuse masturbation amenée lentement, dans la vapeur, sous le jet de l’eau bouillante… Il la pensait dévergondée, elle l’était peut-être bien un peu, finalement, mais c’est sans doute ce qui faisait un peu son charme. Il l’avait dérangée, il avait été tout ce que son « Prince » n’avait été, et surtout, lui et le contrôle de l’érection, ça faisait apparemment deux, au minimum. Saïl lui, il la subissait depuis un long moment, dans des situation qui auraient pu faire grandir ce pal de chair depuis bien longtemps maintenant, mais il ne l’avait, semble-t-il, pas encore fait. Il marquait des points depuis le début sans même s’en rendre compte, au contraire, pour chaque chose, il en voyait le côté négatif.
Elle avait bien remarqué qu’il était tendu, et pas que sous son pagne. Y avait-il une solution miracle pour la donzelle pour améliorer la chose, sans doute, mais peut-être pas une solution vraiment souhaitée, ou alors une ou l’autre auxquelles son comportement ne lui ferait pas penser, pas dans un premier temps en tout cas. Elle pose une main sur les pattounes de son « Loulou », comme pour le rassurer et l’aider un peu à se détendre, alors que la second venait simplement caresser ce qui aurait dû être une joue, s’il avait été plus humain. Avec douceur, lentement, normalement… naturellement. Un crissement se faisait entendre, mais elle préférait ne pas y prêter attention, comme se doutait que ça ne le mettrait, une nouvelle fois, plus que mal à l’aise, ou peut-être différemment que sa caresse, en tout cas. Il s’exprima enfin, d’une voix tremblante, peu sûre d’elle, bien loin de celle de sa première remarque lors de leur rencontre, alors qu’il avait vraiment appuyé la spontanéité des mots par un geste des plus drôles. Puis elle finit par se casser, alors qu’il… qu’il sanglotait. Cas désespéré, il ne devait pas en être loin en tout cas.
- Cesse de dire des bêtises Saïl, s’il te plaît. Tu me donnes l’impression d’être un homme dans le corps d’un loup… croisement certes viril, et les sanglots de te vont pas vraiment. Tu n’es pas plus en rut que ne le serait n’importe quel homme, si tu préfères, je peux m’éloigner un peu… si tu le désires…
La fin de la phrase était encore plus basse que le début qui n’était déjà que murmure, doux comme toujours, et neutre. Sans le laisser répondre quoi que ce soit, elle s’empressa elle-aussi de parler.
- Je sais que tu me désires, et j’apprécie vraiment que toi, tu me désires. Et puis, tu n’es pas mal non plus dans ton genre…
Un peu de malice sans aucun doute, mais pas vraiment de provocation ou de jeu, il n’était pas de taille à l’affronter sur ce terrain là, et elle ne voulait pas l’enterrer davantage qu’il le faisait très bien lui-même…
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D’abord honteux et ridicule, puis maintenant pitoyable ? Décidément, la pauvre homme-loup n’était pas au mieux de sa forme ce soir, ou plutôt, ses sentiments étaient à ce point exacerbés par la présence de la jeune fille qui ne semblait pas se rendre compte de son magnétisme que ses émotions allaient fluctuant, passant de la pétulance galante la plus flamboyante à une timidité pleurnicharde tout simplement consternante. Ah non, vraiment, ça n’allait pas du tout, et en tant que personne d’une intelligence pareille à la sienne, il aurait dû raisonner son problème afin de le faire disparaître au lieu de s’apitoyer sur son sort, ce qui ne faisait rien pour redresser la barre en plus de le faire apparaître comme un imbécile malheureux aux yeux de Naysha qui devait désormais se faire une bien piètre opinion de lui... et dire que c’était justement en elle que se trouvait la graine de son tourment, même si la façon dont elle avait été cultivée pour donner un débordement aussi affligeant était uniquement de son fait ! C’était une femme qui l’avait mis dans un tel état, et par un apparent paradoxe, ce fut une remembrance qui avait comme point central une femme qui l’en sortit : comme tous les enfants, Saïl s’était bien évidemment retrouvé plus d’une fois à fondre en larmes pour une raison ou une autre, et il se souvenait encore aujourd’hui de la leçon empreinte de sagesse que lui donnait sa mère chaque fois qu’elle le voyait aussi triste. D’après elle, les gens pleuraient pour la même raison que les bébés ; parce qu’ils n’étaient pas capable d’exprimer la cause de ce qui leur déplaisait ou ce qu’ils désiraient : se retrouvant face à une telle barrière, ils se sentaient démunis et leurs glandes lacrymales s’activaient donc comme un appel au secours à autrui alors qu’il suffisait d’élucider et de résoudre son souci pour que le besoin de se laisser aller à des égarement de cette veine disparût.
Et dans le cas présent, pourquoi sanglotait-il ? C’était tout simple : parce qu’il s’en voulait d’exprimer un désir sexuel pour sa compagnie, ce qu’il estimait des plus inconvenant de sa part en plus de ne pas risquer de trouver une réciprocité en raison de son apparence qui n’avait selon lui en rien de quoi s’attirer les faveurs d’une demoiselle. Voilà quel était le nœud du problème, et le moyen de le résoudre était-il alors de céder tout bonnement à ses impulsions et de se jeter sur l’objet de ses envies qui était si proche de lui de façon à satisfaire sa libido et ainsi supprimer toute velléité ? Certes non, rien qui aurait pu remettre en cause son attitude de gentleman qu’il se faisait un devoir de cultiver, et si ses troubles provenaient du fait qu’il était un loup-garou, alors deux solutions existaient : soit il redoublait d’efforts et réfrénait une semblable soif –pas évident mais pas impossible à condition de prendre sur lui-, soit il reprenait forme humaine. Et justement, avec l’Humanis Simplex qu’il avait dans une de ses poches, cela pouvait s’avérer possible, et l’était en théorie, mais aussi certain que son inventeur fût de ses résultats, il y avait évidemment une marge d’erreur qui le faisait hésiter de par les dangers inhérents à une mutation génétique éclair incontrôlée.
Mais pour faire avancer le débat, penchons-nous donc sur les paroles de la ravissante adolescente et sur l’effet qu’elles eurent sur Saïl : aux premiers mots, il ne réagit qu’à peine et se contenta de tressaillir en agitant vaguement la tête en signe d’impossibilité de sa part, mais dès qu’elle amorça sa seconde phrase, la stupeur coupa dans son chagrin comme une note dissonante au beau milieu d’une déchirante mélopée, et le fit se tourner en direction de son interlocutrice, les yeux toujours brillants d’humidité, mais sa crise s’étant interrompue dans un hoquet. Bon sang mais c’était bien sûr ! Il était parti du principe qu’elle le savait au départ humain, alors que rien n’aurait pu être plus faux étant donné qu’elle n’avait aucun moyen de le savoir rien qu’à son enveloppe extérieure : en partant de cette base, il était loin d’être impossible qu’elle se fût fait une idée erronée de lui, et il n’était pas honnête de la laisser dans l’erreur. Pas étonnant à ce moment qu’elle eût été aussi impressionnée par son éloquence si elle s’était attendue à des grognements d’animaux ; il fallait croire qu’il n’avait eu finalement qu’un mérite tout relatif à lui faire plaisir comme il l’avait fait par ses citations. Elle avait peut-être raison en ce qui concernait l’ignobilité ou non de son attitude libidineuse, mais il restait qu’il s’en voulait de s’être laissé aller à la percevoir comme un objet de pur désir, et que non, il ne désirait pas qu’elle s’éloignât le moins du monde… d’ailleurs, ses tourments provenaient manifestement en grande partie des phéromones de la Belle auxquels le museau de la Bête était trop sensible pour pouvoir aller sans les négliger. Oui, c’était décidé, il allait tenter l’expérience d’inverser le processus du Terranis, et tant pis pour les risques, car dans le domaine de la science, il fallait savoir faire preuve d’audace pour faire avancer les choses que diable, sinon on stagnait insupportablement ou on avançait au mieux à pas de tortue !
Il aura été possible de le deviner, Mister Ursoë avait refait surface, et s’il avait un côté sourd à ce qui l’entourait qui s’avérait fort déplaisant, il savait aussi faire preuve d’une détermination inexorable qui faisait que lorsqu’il avait un but, il était capable de l’atteindre sans jamais broncher face aux obstacles et aux difficultés qui pouvaient se dresser sur son chemin de savant borné. De plus, lorsqu’il était dans cet état, le bougre savait aborder tout ce qu’il ressentait avec une objectivité qui confinait à la froideur la plus totale, et c’est ainsi qu’il put recevoir les nouveaux compliments de Naysha sans se remettre à faire l’andouille, les accueillant avec un sourire obligé tout ce qu’il y avait de plus maîtrisé qui contrastait fort étrangement avec son faciès encore larmoyant. Au passage, l’érection qu’il n’avait pu contenir s’était très rapidement résorbée, tant il était vrai qu’en un temps record que seul pouvait accomplir le gaillard aux ressources inépuisables, il était passé de l’excitation sexuelle à l’excitation scientifique, beaucoup plus platonique.
« Vous êtes un ange Naysha. » Répondit-il d’une manière conviviale qui n’excluait toutefois nullement une sincérité dans laquelle perçait encore une émotion audible alors qu’il s’essuyait le visage d’un revers de son long bras pour paraître plus présentable. « Mais vous ne connaissez que ce que je suis devenu, pas ce que j'ai été. »
Reste du caractère mutin de Saïl, un nouveau clin d’œil vit le jour sur son visage désormais radieux de confiance, et sans lui laisser le temps de rétorquer quoi que ce fût, il se saisit d’elle aussi délicatement que si elle avait été faite de cristal pur, et la posa à ses côtés avant de sauter du banc d’un bond souple qui l’amena trois petits mètres plus loin où il exécuta un demi-tour contrôlé, plongeant au passage la main dans son pagne pour en ressortir une nouvelle fois la seringue qu’il brandit d’un geste théâtral, galvanisé, avant d’annoncer d’une voix grondante de certitude :
« Regardez donc qui est Saïl Ursoë ! »
Et paf, dans un arc de cercle d’une précision tout bonnement chirurgicale, l’aiguille fine perça sans difficulté à travers la peau pourtant très épaisse, s’enfonçant directement dans une veine dans laquelle le liquide jaune fut déversé d’un coup d’un seul pour envahir le système sanguin de l’injecté. Durant quelques secondes qui parurent s’étirer à l’infini, rien ne se passa, et en réalité, on aurait pu croire que tout ceci n’avait été qu’une mascarade bien animée, puis un foyer de douleur incandescente partit du cœur de l’homme-loup pour se répercuter jusque dans les moindres parcelles de son corps : nom d’un chien, il avait oublié que la métamorphose faisait aussi mal, et pour les prochaines fois, il faudrait qu’il pense à ajouter un anesthésique à effet rapide à la solution, car par rapport à la transformation de nature démoniaque à laquelle il avait eu droit quelques jours plus tôt, on pouvait sincèrement dire qu’il douillait ! Dans un premier temps, avec un grognement de souffrance étouffée, il ramena ses bras ainsi que sa tête contre son torse pour lutter contre les élancements qui le vrillaient, puis très rapidement, il ne put plus les supporter et s’y abandonna, se redressant brutalement, bras et mains crispés, les pattes comme désespérément ancrées dans le sol, la bouche déformée en un cri muet qui gonflait sa poitrine sans sortir de sa gorge.
Et alors, ce fut le changement proprement dit, son ossature perdant en premier de sa densité alors que le reste de son corps s’y adaptait, sa peau perdant de son épaisseur et de sa dureté pour devenir bien plus fine et douce, sa fourrure s’amoindrissant pour se muer en poils tout ce qu’il y avait de plus humains, ses griffes se rétractant pour devenir des ongles proprement entretenus, sa crinière diminuant de taille pour ne plus former qu’une broussaille désordonnée qui surmontait le visage juvénile et imberbe de celui qui était à présent un humain, avec un nez au lieu d’un museau, des lèvres au lieu de babines, des dents au lieu de crocs, des oreilles beaucoup plus modestes. Seuls ses yeux si expressifs restèrent les mêmes bien qu’on ne pût le voir étant donné qu’ils étaient masqués par les paupières closes, et ce fut la silhouette d’un homme d’un mètre soixante dix-sept qui s’effondra sur le carrelage, bien évidemment nu, recouvert toutefois du buste jusqu’au bas des cuisses par son fidèle pagne.
Il fut trop perclus de douleur pour réagir dans un premier temps, occupé à reprendre sa respiration, à supporter les élancements de son crâne et à se réhabituer à des perceptions humaines ; mais une certitude primait dans son esprit bienheureux : il avait réussi, il était parvenu à faire marche arrière et à reprendre la forme qu’il avait toujours eue jusqu’à ses vingt-quatre ans ! En fait, elle aurait même pu être qualifiée de meilleure, car s’il était à nouveau humain, il gardait une partie de la forme athlétique que lui avait conféré son séjour prolongé dans les Contrées du Chaos, ses pectoraux se dessinant mieux que par le passé sur un torse jadis un peu mou, ses biceps étant légèrement plus apparents, son corps affichant de manière générale une musculature plus développée. Lorsqu’il se fut un peu repris, ce fut pour ouvrir les yeux tout en affichant un sourire momentanément épuisé mais radieux : un monde bien plus coloré que pour Khral s’afficha alors devant lui, mais si flou qu’il ne put qu’à peine discerner les différentes teintes dont il était formé :
« Abracadabra… » Souffla-t-il.
L’expérience était un succès total… ou presque, car même s’il ne s’en était pour le moment pas rendu compte, une queue qui dépassait du vêtement de peau battait pareusseusement le sol derrière lui, signe qu’il y avait eu une petite erreur dans la confection du produit. En tout cas, lui qui avait voulu parvenir à se donner les attributs d’un terranide, voilà que son souhait était en quelque sorte exaucé à retardement !
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La « Bête » pleurait vraiment, Naysha avait pu s’en rendre compte à l’aide d’un reflet de l’astre lunaire qui fit briller cette manifestation saline. Légèrement touchée, elle le trouvait que plus mignon, d’ainsi se laisser aller devant elle : un homme qui laisse ses sentiments s’exprimer, même les pires, alors qu’il se sentait à ce point mal… même s’il elle n’était pas bien certaine de la raison, elle appréciait beaucoup. Puis il cessa, et sembla parcouru d’une étincelle d’espoir, de… elle en savait pas vraiment de quoi, mais une nouvelle fois, quelque chose allait indéniablement se passer. Il a même souri à ses compliments, sans exagération et sans s’emporter vers de nouveaux fonds empli de honte ou de gêne, deviendrait-il un peu moins timide, maintenant qu’il avait enfin exprimé, et de deux manières, l’intérêt qu’il lui portait ? Peut-être allait-il se lancer dans une nouvelle explication plutôt réussie, peut-être, elle devait bien avouer qu’il était plus qu’imprévisible et ne savait si elle allait rire ou rougir dans les minutes qui allaient suivre…
Elle ne ressentait plus non plus son pal de chair contre sa cuisse, et ne savait vraiment pas comment le prendre, elle était un peu confuse, ne sachant pas si la suite serait faite de rires ou de pleurs, elle devait se contenter de rester passive, en se préparant au pire. Puis elle sourit délicieusement lorsqu’il la complimenta d’une chose qui lui parût des plus amusante sur le moment ! Elle, un ange, peut-être, s’il existait quelque part un ange de la luxure, de l’abandon de soi, du plaisir charnel, qui ne connaissait pas ou peu la moralité de ces choses touchant de près ou de loin à la sexualité. Certes, la jeune femme n’était pas que cela, mais c’était généralement les traits de son caractère qui transparaissaient le plus rapidement, sans aucun doute largement aidés par les « on-dit », ou les « à priori » qui berçaient majoritairement la société. Il n’avait pas tord, elle ne le connaissait peut-être pas vraiment, car il était plus qu’évident que son élocution et son comportement n’avaient rien de vraiment bestial.
Il était de retour et en pleine forme, décidément. Un clin d’œil, cette simple sincérité de retour, sans pour autant quitter des émotions mieux contenues. Elle laissa un petit « Ho ! » de surprise lorsqu’il la souleva, décidément, il avait radicalement changé en moins de… 30 secondes, environ. Il bondit, puis virevolta, et alignait les gestes sans la moindre peine, sans encore moins d’hésitation. Qui serait donc Saïl Ursoë, maintenant qu’elle avait en prime découvert son nom. Croisant ses jambes, et prenant appui de ses coudes sur la cuisse la plus élevée, le menton posé dans la paume ouverte, elle observait la scène. L’objet scintillant de leur rencontre était probablement cette seringue. Elle ne réagit pas vraiment, d’ailleurs, il devait bien savoir ce qu’il faisait.
Le visage de Nay était compatissant à la douleur visible que subissait Saïl, mais elle n’aurait pas vraiment pu le calmer, et préféra attendre de voir la suite. Son visage se crispa tout de même, il était indéniable qu’il souffrait le martyr. Puis il changea sous ses yeux étonnés d’abord, puis revenant plus normaux assez rapidement : le voir devenir un simple humain n’était pas non plus une si grande surprise. Il s’effondra, dans ce nouveau, ou ancien corps, plutôt. Alors qu’elle allait se lever pour voir s’il allait bien, mais il sourit, avant de sortir un mot prédestiné à un usage prédestiné, et plutôt bien placé, ce qui décrocha un léger rire à la donzelle.
Elle se leva, enfin, et s’approcha, lentement, dans sa grâce naturelle dans sa tenue si simple, alors que sa longue chevelure déambulait à sa guise. Souriante, elle pouvait, au fil de ses pas, apercevoir de mieux en mieux le nouveaux, ou l’ancien, enfin Saïl, en version bien plus humaine. Elle apprécia de le découvrir ainsi, dans une forme qui le mettrai, elle l’espérait, moins à l’aise, s’il continuait d’être celui qu’il avait été, et qu’ils devraient combler plusieurs heures encore. Elle prononça enfin un mot, et même plusieurs, de son ton doux mais légèrement inquiet tout de même.
- Ca va, Saïl ?
Elle se doutait bien que oui à son air radieux, malgré la douleur qui n’avait pas dû disparaître en si peu de temps. Elle était arrivée toute proche et s’agenouilla à côté de la tête de Saïl, et entreprit de la lui déposer en douceur sur ses cuisses ainsi repliées, en faisant par la même occasion un « coussin » pour doux que ne devait l’être le carrelage du magasin. Elle caressait sans vraiment s’en rendre compte la chevelure de son loup devenu homme, ou , enfin, elle lui caressait les cheveux, voilà.
- J’espère que malgré le changement d’apparence, le reste reste inchangé…
Le ton plus bas, plus suave, elle montrait clairement son intérêt bien plus avancé, au vu de cette nouvelle situation… mais comment réagirait-il, cette fois ?
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Aïe aïe aïe… sa tête lui donnait l’impression d’avoir été comprimée, puis étirée, puis comprimée de nouveau, et ainsi de suite en une répétition infernale jusqu’à ce qu’il se retrouvât en fin de compte présentement avec une migraine digne de la gueule de bois la plus carabinée qu’il aurait pu subir. Bien sûr, étant aussi porté sur les alcools que sur la violence, il ne pouvait avoir qu’une idée vague de ce qu’un tel contrecoup de beuverie pouvait occasionner comme mal aux cheveux, mais ce dont il était au moins sûr, et ce qui lui apportait un certain soulagement, était que la remise en forme prendrait beaucoup moins longtemps que pour un pochtron, la pression sur son crâne s’amenuisant au même rythme que ses battements cardiaques stimulés par un changement corporel aussi brusque se calmaient, signe que ses forces pour l’instant faibles et balbutiantes lui reviendraient au fur et à mesure que les connexions qui régissaient le bon comportement de son enveloppe charnelle pour le moment mal accordée et qui permettaient une coordination de ses gestes se referaient. En tout cas, en dehors de ses débilitations physiques, son cerveau, bien qu’embrumé des vapeurs de la douleur, restait fonctionnel, et par-dessus toutes ses autres pensées, le certitude de sons succès y primait et semblait claironner triomphalement dans tout son être pour l’encourager à prendre une posture plus digne que la position fœtale qu’il avait automatiquement adoptée : de fait, le toucher du carrelage froid contre son front humide de transpiration n’avait rien d’agréable, et ce fut avec un grognement d’effort qui n’avait rien à voir avec ceux de l’homme-loup –il le constata avec un étrange sentiment d’étonnement- qu’il tâcha de se redresser laborieusement, ses efforts rythmés par une espèce de son de cloche qui n’était autre que les battements de son cœur amplifiés par son état de conscience plus aigu que jamais de ce qu’il était, efforts qui durent malheureusement s’avérer infructueux lorsque les quelques parcelles d’énergie qu’il avait réussi à réunir l’abandonnèrent, ne résultant en fin de compte qu’en une sorte de soubresaut mou passé au ralenti.
Bruits qui résonnèrent bizarrement dans son oreille qui n’avait rien de commun avec celle de Khral, il crut entendre vaguement des pas accompagnés d’un froissement de tissu, provenant, le supposa-t-il, de Naysha qui devait approcher, sans doute préoccupée par ses mouvements assez… démonstratifs lorsqu’il avait repris son apparence humaine ainsi que par la façon dont il gisait, hypothèse qui se vérifia quand dans un son digne du bruissement d’un vent de printemps au sein d’un feuillage coloré, le chant de l’adolescente lui parvint aux oreilles. Dommage pour lui s’il avait espéré que l’amoindrissement de son ouïe eût pu lui permettre d’être moins sensible aux intonations harmonieuses de sa voix ; et dommage pour lui aussi de ne pas avoir pris en compte que les hommes percevaient mieux les couleurs que les animaux, et il fut bien puni de ne pas avoir pris ces paramètres en compte en découvrant son visage si proche dont la finesse des traits ainsi que la teinte veloutée le mirent à nouveau en stupeur : comme quoi, qu’il fût sous une forme ou sous une autre, il ne se refaisait vraiment pas !
« Heu… ça va. » Balbutia-t-il d’une façon pâteuse qui ressemblait davantage à un coassement piteux qu’à des phonèmes.
Mais soit qu’elle ne fût pas convaincue, soit qu’elle voulût en toute simplicité prendre soin de lui, elle ne lui laissa pas le temps de se remettre de la vision qu’il avait eue qu’il sentit qu’on lui soulevait la tête pour la déposer sur un support qui, s’il était aussi tièdement doux et confortable que le plus finement ouvragé des coussins, était indubitablement fait de ce tissu qui recouvrait certaines parties du corps de la jolie jeunette dont il se trouvait ainsi dangereusement proche ! S’il avait été plus en forme, il se serait certainement insurgé contre un traitement aussi embarrassant pour lui, et se serait empressé de gesticuler à sa manière malhabilement timide pour se dégager, mais le fait était qu’il avait les batteries à plat en attendant qu’elles se rechargeassent, et était donc forcé avec le plus grande cruauté qui fût de supporter une étreinte aussi épouvantable : ah oui, décidément, le voilà qui se retrouvait bien mal loti, et on voyait que son déplaisir se manifestait par son regard béat, sa bouche entrouverte en une protestation qui ne venait pas, et le rosissement qui lui montait aux joues, celles-ci étrennant avec empressement cette fonction qui leur avait jusqu’ici été interdite depuis un bon bout de temps. Lui qui avait espéré trouver par cette transformation un échappatoire à sa gêne, à quelle déconvenue devait-il faire face : certes, la situation avait en quelque sorte été inversée, car ce n’était plus elle qui était posée sur sa cuisse mais lui qui était posée sur les siennes, mais cela ne le troublait pas moins, et s'il s’abstint heureusement de ressasser les mêmes pensées que précédemment afin d’éviter de tomber dans les mêmes travers et de provoquer à nouveau cet inconvenant raidissement de ses parties inférieures, il se sentait... ensorcelé, comme si sa volonté avait été vaincue. Échec donc pour lui ? Peut-être bien, mais contrairement à ce que l’on disait, la défaite n’avait pas un goût amer ; elle avait plutôt le goût des effluves douces qui se dégageaient de la bouche de la ravissante jeune fille cernée d’un rideau de feu capillaire, et que Saïl ne pouvait s’empêcher de savourer avec un vague remord qui s’estompa bien vite sous le plaisir qu’il éprouvait à être dans une station allongée si relaxante.
Toutefois, une petite question grommelée par son orgueil vint un instant déranger son ravissement : elle n’était donc pas plus impressionnée que cela ? Le fier savant ne put s’empêcher sur le coup de ressentir comme une pointe de déconfiture à l’idée qu’une métamorphose au caractère si spectaculaire, du point de vue visuel mais aussi et surtout physiologique, n’eût pas bénéficié de plus de stupeur de la part de la spectatrice qui avait pu avoir l’exclusivité d’une démonstration unique en son genre. Il fallait croire qu’avec toutes les manifestations hors du commun qui pouvaient survenir lorsque Terra exportait des denrées plus ou moins exotiques en matière de magie, les gens de Seikusu pouvaient en venir à être littéralement blasés même de choses qui auraient auparavant suffi à justifier la mise en place d’une cellule de crise… ou bien alors c’était que Naysha était simplement du genre à accepter les choses comme elles venaient, faisant preuve d’une curiosité beaucoup moins inquisitrice que lui en matière de pourquoi du comment. Dans l’un ou l’autre cas, ce n’était probablement au fond pas plus mal : cela éviterait qu’il eût à se fendre d’une explication en la matière dont la complexité se serait avérée bien rébarbative –même lui s’en rendait compte- et permettrait qu’il se focalisât sur des paroles plus plaisantes à divulguer pour la princesse sur les yeux de laquelle les siens était irrésistiblement rivés.
Justement, voilà qu’elle lui posait implicitement une question, et le ton délicatement feutré fit encore une fois des ravages sur le self-control du jeune homme, lequel, entre le contact de son crâne sur la cuisse de la juvénile dame de beauté à la chaleur perceptible à travers l'étoffe et celui de la main gracile dans l’entremêlas de ses cheveux qui lui arrachait d’agréables frissons à se voir ainsi dorloté, resta un moment captivé par ce visage si beau ; par ces iris si profondément colorés, ces lèvres suavement fines et roses, ce nez mignon, ces joues que l’on devinait si tendres ! Ainsi envoûté, il ne tilta qu’à retardement, et se dépêcha de faire fonctionner ses méninges pour finir par déclarer d’une voix que des cordes vocales avec lesquelles il devait encore se familiariser rendirent éraillée, et que la timidité réduisit dans un premier temps à un murmure avant qu’il ne prît au fur et à mesure de l’assurance pour déclamer plus convenablement en l’honneur de celle qu’il ne parvenait pas à empêcher d’obnubiler ses idées :
« Admirable Naysha, sommet même de l’admiration ; digne de ce qu’il y a de plus précieux au monde… toi, ô toi, si parfaite et sans égale, tu es faite de ce qu’il y a de meilleur chez tous les êtres. »
Alors qu’il récitait rêveusement, les mots s’égrenant d’entre ses lèvres avec un tel naturel qu’on les aurait crus faits sur mesure pour elle, il leva une main qui tremblait, tant à cause de la transformation récente que parce qu’il se sentait aussi nerveux que s’il allait toucher quelque objet sacré, et l’apposa avec une douceur respectueuse contre la joue de la sensuelle enfant, se délectant de la sensation que lui procurait cette surface lisse et tiède, de petits courants électriques lui paraissant courir le long de son bras comme neuf pour imprégner son corps entier de ce merveilleux toucher. Sans se presser, avec une finesse pareille à celle d’un chirurgien qui aurait découvert la peau parfaite, il laissait ses doigts effilés descendre le long de ce profil qu’ils commencèrent à regret à quitter une fois arrivés au niveau du menton.
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Il avait été presque touchant, le pauvre Saïl qui venait indubitablement de subir un profond choc physique, et peut-être mental, ou alors la douleur l’avait légèrement peu aidé à rester maître de toute la situation, à vrai dire, l’avenante rouquine le trouvait presque courageux, même si elle ne pouvait imaginer la douleur qu’il avait du ressentir. Et oui, comme s’il était resté dans son élan de loup, l’homme voulait lui aussi se relever, et qui sait, peut-être aurait-il fait un nouvel étal de toute sa fierté, certes compréhensive après le succès de l’opération qu’il venait de mener, s’il avait pu se redresser ?
Naysha était relativement contente qu’il ne pusse le faire, en tout cas. La voilà qui avait une nouvelle raison de revenir bien proche, trop proche sans doute, mais en restant la plus correcte possible, juste gentille et avenante, mais pas aguicheuse ou provocatrice, d’après elle du moins. Mais c’est vrai que le beau brun qui gisait à ses pieds, et désormais, dont la tête reposait sur ses cuisses, avait eu de nombreux comportements très différents jusque là. Allait-il se troubler, rouspéter, ou simplement sourire en appréciant d’être assisté dans ce moment probablement pénible ? La réponse, la jeune femme l’aurait sans aucun doute suffisamment rapidement. Ah non, et bien non, il était juste empli d’une sorte de béatitude qu’elle ne lui avait pas encore vraiment connue. Un effet secondaire, ou alors était-elle si agréable dans son attitude, ou peut-être que seul ses cuisses l’étaient en ce moment ? Peu important, Naysha souriant légèrement, mi-attendrie, mi-amusée, par la situation qui devait dépasser toutes les limites que sa propre imagination connaissait jusqu’alors.
Il la regardait au moins, c’était une bonne chose, et dans les yeux, toujours, alors qu’entre ses cuisses et son doux minois presque enfantin se dressaient deux vallons qui auraient détourné l’attention de bien des personnes. Puis il donnait cet impression de la redécouvrir lui aussi, décidément, elle allait finir par rosir à nouveau, touchée de tant d’attentions si simples mais si plaisantes, et surtout si rares. A vrai dire, la jeune femme n’avait pas vraiment remarqué les longues secondes qui s’étaient écoulées, bien au contraire, elle aussi le découvrait. Un visage qui aurait presque pu paraître comme angélique. Ces traits faciaux semblaient bien correspondre au comportement que prenait le bonhomme, en tout cas. Puis comme s’il reprenait peu à peu contact avec la réalité, d’une voix redevenant plus assurée, il lui asséna un compliment qui ne resterait pas sans conséquences : il venait, pour elle seule, si simple qu’elle était, de sortir les fleurs, les bougies, les chandelles, les huiles parfumées, le meilleur repas au monde, le…
Il en avait peut-être fait un peu trop d’un coup, surtout dans une telle situation, mais le compliment lui était allé droit au cœur, sans détour possible, faisant naître un frisson le long de l’échine qui fut aussi bref que le temps mît par les mots à l’atteindre, mais lui aussi fut d’une douceur insoupçonnée…
Et il ne s’arrêta pas en « si bon » chemin, au contraire, il sembla luter pour venir apposer une caresse sur la joue de la donzelle. Le rose aux joues était de retour, très légèrement, et cette attention qu’elle espérait presque depuis trop longtemps était enfin arrivée. Allait-elle le laisser se défaire, allait-elle se laisser envahir par ce trouble qui était revenu de plus belle, allait-elle lui laisser le temps de regretter son geste, lorsqu’il se rendrait compte de sa portée ? De nombreuses questions qui filaient à une vitesse folle dans son esprit, alors que déjà la main avait rejoint son menton, et qu’il ne faisait guère de doute dans le regard de Saïl qu’elle allait s’en aller…
Le main libre de la belle arriva juste à temps, toujours en douceur, afin d’empêcher cette fuite et tout ce qu’elle pouvait engendrer, elle se posa simplement sur celle de Saïl, comme pour lui faire comprendre que cette main s’aventurant sur un terrain inhabituel pour elle avait tout loisir de prendre le temps de le découvrir… si « l’intruse » le désirait, toutefois. Elle répondit également, très doucement, laissant là encore la spontanéité de ses sentiments les plus sincères s’exprimer, douce, mais presque intimidée devant la cascade de compliments qu’elle venait de recevoir…
- … et seule je ne suis rien…
Elle venait simplement d’achever de la plus douce des manières la phrase de Saïl, de son ressenti à elle, simplement, l’amenant à une hauteur qui ne devait pas être la sienne, mais après tout… il s’était montré plus que méritant de l’atteindre jusque là. Elle ne savait trop quoi faire, entre lui laisser la suite ou la prendre d’elle-même, mais ce qui était sûr, c’est que sa main continuait de s’égarer dans la brune chevelure de l’homme. Il devait récupérer à priori, peut-être qu’un instant de calme lui ferait du bien, mais quel calme, voyons, il devait avoir tous les sens plus en alerte que bien souvent, là voilà qui se rendait compte qu’elle m’avait peut-être pas choisi la meilleure solution. Pourtant, elle l’appréciait vraiment, elle savait qu’elle ne voulait pas le voir fuir, ni elle-même partir.
Douce journée à côté de la précédente qui avait déjà été oubliée, elle ne voulait pas le brusquer, mais voulait continuer de se sentir si embellie, plus qu’aucun « mâle » n’avait réussit à le faire jusqu’alors. Impression délicieuse que de ce savoir désirée pas uniquement pour ses formes, par un homme plutôt mignon, mystérieux tout de même de part cette métamorphose, mais pas seulement, tout en lui le rendait si différent, si précieux, sans doute. Elle n’allait pas le laisser s’échapper trop vite, même si elle se doutait bien qu’il finisse par retrouver sa liberté, et peut-être ne plus jamais la revoir… Pensée triste, déplacée, et complètement idiote, elle ne pouvait pas savoir ce qu’il se passerait à l’avenir, et puis le présent était un cadeau, alors il fallait en profiter pendant qu’il était encore d’actualité.
Ne sachant à priori pas comment manifester cela par voie orale, elle se contenta de se pencher, et de déposer un délicat baiser sur le front de celui qui récupérait lentement sur ses propres cuisses. La bienveillante présence de son sous-vêtement eut pour effet d’empêcher tout déplacement inopiné de sa poitrine qui aurait pu être le « trop » de la situation, mais il était évident qu’elle espérait ne pas en rester là, et n’aurait peut-être pas l’envie non plus de s’en arrêter qu’à cette rencontrée voulue par le hasard seul.
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Ciel, ce même Ciel qui semblait avoir donné naissance à Naysha pour la combler comme une puissance supérieure seule pouvait l’avoir fait de tant de grâces, était-ce un effet de clair-obscur issu de la faible luminosité, une fausse impression due à sa vision encore légèrement trouble, ou la flamboyante jeune fille qui s’était montrée jusqu’ici si implacablement conquérante dans toute sa douceur était-elle saisie du même trouble épidermique que lui, ses joues, cette joue sur laquelle il promenait avec ravissement ses doigts, s’étant colorée de cet incarnat propre à une certaine gêne ou tout simplement un certain plaisir, voire aux deux combinés ? Il avait beau papillonner des yeux pour chasser ce détail irréaliste, celui-ci subsistait envers et contre tout ce qu’il pouvait avoir d’exceptionnel pour Saïl qui croyait bien ne jamais avoir pu susciter une réaction pareille chez une personne du beau sexe, s’étant toujours montré d’une maladresse bafouillante lorsqu’il s’agissait de faire preuve de jactance en ce qui concernait les choses de l’amour : ses mois passés en vie sauvage avaient-ils instillé dans son caractère quelque chose de plus hardi et spontané, ou la magnificence de l’objet de ses compliments s’était-elle reflétée sur le miroir qu’il voulait être pour elle afin de lui renvoyer sa splendeur dans tout son éclat ? Tout cela importait sans doute en réalité peu au fond, car le résultat était suffisamment éloquent en lui-même pour qu’on voulût bien se passer de vouloir en discerner les causes… le comble pour un chercheur, sans doute, mais le fait était que l’attitude du jeune homme n’avait pas grand-chose d’un savant en ce moment même ; ou plutôt qu’elle transcendait littéralement le domaine de la science : en effet, qui d’autre aurait pu se vanter d’avoir mis en place l’équation qui lui obnubilait la tête et qui était que Beauté suprême = Naysha dans toute son éblouissante simplicité ?
Embrouillé, brouillé, tourneboulé, son esprit était envahi de multiples réflexions et interrogations pour déterminer si ce qu’il faisait là était bien raisonnable, mais celles-ci ne pouvaient parvenir à percer la bulle de bien-être dans laquelle son contact si délicieusement rapproché avec la dame au teint velouté si captivant l’avait immergé, tel un plongeur baignant dans une mer de félicité sensorielle que rien au monde ne semble pouvoir troubler. Et dire que déjà, à cause de la continuité de son mouvement si plaisamment languissant, son toucher allait devoir délaisser cette parcelle de peau si fine et si délicate, l’obligeant à refaire surface en plein air après avoir barboté dans la béatitude... non ! Rebondissement inattendu, comme une sirène saisissant au col un explorateur déjà de retour vers la dégrisante civilisation, l’adolescente avait agrippé sans rudesse ni précipitation cette main aux longs doigts, l’enjoignant plutôt explicitement à ne pas rompre ce geste commis instinctivement dont la spontanéité avait apparemment été appréciable pour elle au même titre que pour lui. Echo de cette prise soudaine, son cœur d’artichaut fit un nouveau bond dans sa poitrine, revivifiant dans chaque parcelle de son corps le sens du toucher pour le faire jouir au centuple du creux de cette paume de soie contre le dos de sa paluche, accroissant encore le rougissement dont son propriétaire était envahi, de même que son sourire à présent littéralement figé dans une expression de complet contentement radieux.
Troublant la chape de silence qui s’était instaurée jusqu’ici sans le moins du monde la briser par la caresse douce de son timbre, l’ange de sensualité, telle une rédemption admirable d’un succube, clôtura les paroles de son admirateur toujours aussi obnubilé par chaque parcelle de son être en des mots qui lui parurent démesurés si l’on prenait en compte ce qu’il était par rapport à elle, mais qu’il n’eut la force de démentir, toute capacité à la parole ayant momentanément quitté son être pour se trouver remplacée par la brillance de ses iris noisettes qui n’avaient sans doute jamais lui d’un enthousiasme d’une telle nature. Joie, joie, joie, pleurs de joie, car à la vérité, des larmes qui n’avaient rien à voir avec les pleurs qu’il avait plus tôt versés étaient en train de naître dans ses yeux sous l’effet du bonheur dont il était inondé… comment aurait-il pu deviner qu’il était possible à un degré de sensations pareil ? Il avait goûté au plaisir platonique mais fort gratifiant de la découverte, il avait éprouvé la fierté d’être parvenu à repousser les limites des possibilités humaines, il avait ressenti l’exaltation dominatrice presque sadique de la chasse et de la traque, il s’était laissé tenter par la transe planante procurée par les drogues –qu’il avait abandonnées sans regret après en avoir subi le contrecoup-, il s’était adonné au péché de chair qui ne lui avait d’ailleurs pas laissé une impression aussi marquante qu’il aurait pu le croire… alors comment se faisait-il que toutes ces expériences, même combinées, ne paraissaient pas pouvoir arriver à la cheville du sentiment d’extase venu des caresses de Naysha sur sa tête qui semblaient couronner ce nectar émotionnel auquel il lui était donné de goûter ?
Mais il est dans la nature de l’homme de bousculer toujours les frontières de ce qu’il croyait auparavant inaccessible, et comme une étoile filante flamboyante d’une majesté candide, l’appendice labial de la princesse vint se déposer sur le front de cet être qui pouvait à bon droit paraître un crapaud tant le seul son qu’il fut capable d’émettre en réponse fut une espèce de gargouillement piteux alors qu’à la manière d’un coup de baguette magique, l’effet du baiser qu’il n’aurait pas osé espérer naissait sur le haut de sa tête pour se répercuter jusqu’aux moindres parcelles de son organisme, le laissant tout simplement pantois. En vérité, à voir l’état dans lequel il était, les paupières grandes ouvertes, la bouche déformée d’ébahissement, les membres amorphes, tout bon médecin aurait tristement secoué la tête avant de donner l’heure du décès mais, miracle, renaissance, resurgissement inattendu de ses énergies, Saïl se mit à agir sans même probablement réfléchir, guidé par la passion qui faisait tonner son cœur : quittant soudain son reposoir, son buste se redressa subitement alors qu’il se mettait d’un coup d’un seul sur son séant pour se diriger sans tarder vers la belle entre toutes les belles qu’il entoura de ses bras, la serrant si étroitement qu’il aurait fallu une paire de tenailles pour le décoincer, et pourtant si délicatement qu’une coquille d’œuf ne s’en serait pas retrouvé molestée.
La couverture de peau dont il était recouvert retomba contre son bassin à ce mouvement, recouvrant encore heureusement pour sa dignité son entrejambe alors qu’il collait son visage contre celui de l’admirable donzelle, joue contre joue, sans s’aventurer toutefois à laisser aller son torse nu contre sa poitrine de peur de l’incommoder. Parfum délicieux que celui que dégageait sa gorge sublime, et dans un élan de hardiesse, il apposa ses lèvres contre cet espace dénudé entre son cou blanc et son épaule gracieuse, y déposant avec ferveur un tendre baiser prolongé, ne pouvant s’empêcher au passage de gratifier cette chair si appétissante d’un petit coup de langue taquin alors qu’il se retirait pour faire face à celle qui possédait une plastique aussi voluptueuse, son regard brûlant presque d’un enthousiasme débordant :
« Prenez n'importe quelle activité humaine et poussez-la aussi loin qu'elle peut aller, au-delà de tout ce qu'elle a pu donner dans le passé, poussez-la jusqu'à ses dernières limites, et vous vous retrouverez dans le royaume de la magie. » Il avait prononcé tout cela d’un ton résonnant d’affection, et conclut son oraison plus doucement, mais non moins rêveusement. « Tu es magique Naysha… » Quelle formule enchantée en effet que ce seul nom ! « … tu es un rubis dans un écrin de diamant. »
Mais alors qu’il disait ces mots, il ressentit quelque chose d’à la fois familier et étrange, comme une rémanence de ce qu’il avait été en étant Khral et, baissant les yeux avec stupeur, il s’aperçut enfin qu’il avait gardé ce long appendice recouvert de fourrure brune qui se montrait beaucoup moins pudique que son possesseur, celui-ci ayant contourné le dos de Saïl pour se glisser sous le top de la demoiselle ravissante et caresser à la manière d’un plumeau son nombril, allant et venant de façon froufroutante contre le bas-ventre jusqu’à ce que l’homme auquel elle était rattachée lui intimât l’ordre de cesser de tels attouchements et se justifie d’une petite voix où perçait une culpabilité espiègle :
« Et… hum… les pierres précieuses ont besoin d’être fourbies. »
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La belle, malgré son état de trouble plus que plaisant avancé avait bien observé chaque réaction de son interlocuteur, indéniablement, elle ne voulait rater, pour rien au monde, l’une de ses expressions toutes plus sincères les unes que les autres, tout en voulant probablement se rassurer qu’il ne fût pas un excellent comédien, car comme elle avait déjà eu tout le loisir de s’en rendre compte de par son passé, jouer un rôle peut être accompli avec une telle qualité qu’il peut paraître parfait s’il est bien préparé, mais toujours une faille arrivait, tôt, ou tard. Elle n’aurait pu nier l’apprécier énormément jusque là, et encore moins d’avoir envie de passer un moment que l’on pourrait qualifier de plus « câlin » en sa compagnie, afin d’éviter tout regret s’il venait à devoir disparaître à jamais de sa vie, chose à laquelle elle ne pensait toutefois pas vraiment, profitant simplement de l’instant présent et de ce brun qu’elle qualifierais aisément de « beau ». Comme s’il avait pu jouer un tel rôle, aussi, sinon qu’il était tout simplement le sien, quelle drôle d’idée que d’avoir de telles pensées, mais peut-être qu’elle voulût simplement se sentir plus en sécurité, ne pas trop s’ouvrir à n’importe qui non plus. Le problème était surtout là en fait, il est vrai qu’étaient passés entre ses cuisses bien des personnes, quel que soit leur genre, mais la plupart n’étaient voué qu’à cela, alors que là c’était différent, il était différent…
Dire qu’elle tombait amoureuse serait plus qu’excessif, mais le charme agissait toutefois sur elle, lentement, prenant, et elle ne pouvait s’empêcher de se dire que s’il devait à cet instant présent disparaître, elle serait probablement profondément attristée, comme si l’impression insupportable de se voir enlever une chose qui l’intéressait au plus point, et la frustration aurait sans nul doute été plus que grande.
Pour en revenir aux expression de Saïl, elles semblaient clairement indiquer que la gêne devait en faire partie, ou alors un désir plus que grand, le désir sûrement, et elle ne pouvait pas lui en vouloir, après tout ce qu’elle lui avait fait subir, à ce bonhomme qui ne semble pas vraiment à sa place auprès d’une demoiselle qui lui plaisait autant. Foutaise ! Au vu de son caractère délicieux, de son tact, de sa capacité à prendre sur lui alors qu’il avait probablement souhaité à maintes reprises se trouver n’importe où, loin de ce qui était devenu l’objet de ses désirs. Un immense sourire exprimant une joie incommensurable, une très probable envie, lui aussi, de « faire monter la température », une proximité, et il n’avait pas à s’en offusquer, Naysha était dans un était peut-être moins radieux, mais partageait le même désir. Elle n’était pas trop bête, et même si se vanter ou être mise en avant n’étaient pas vraiment de son goût, un réalisme qui l’habitait lui faisait bien se douter qu’elle était la source de nombreux plaisirs fantasmagoriques, dont elle était la principale héroïne. De parfaits inconnus devaient se permettre de se mener à la jouissance, solitaire qui plus est, en ne se remémorant qu’un souvenir bref de leur mémoire. Et Saïl l’avait vue dans une tenue qui faisait bien plus que de la mette en valeur, elle aurait été nue qu’elle n’aurait sans doute pas attisé autant son désir, comme quoi, une femme à de nombreux moyens, même si plutôt mignonne, d’augmenter le désir et l’envie des autres… Le pauvre homme, ce qu’il devait subir, ce à quoi il devait résister, là où la majorité auraient simplement continué leur chemin pour repenser à elle, préférant un moyen bien plus aisé de jouir « en sa compagnie », même si l’intéressée l’ignorait. Non, le Saïl avait du mener une lutte sans doute horrible pour rester, se contenir, et surtout, se montrer sous son jour le plus adorable…
Des larmes, de nouveau, il pleurait, décidément… elle en avait fait tourner des hommes, mais à un tel point, jamais. A moins que, mais non, impossible qu’il soit triste en cet instant, enfin, le connaissant peut-être, mais ses yeux, son visage figé, tout indiquait qu’il venait de découvrir une sorte de bonheur qui lui semblait inconnu jusqu’alors ? Nouveau « compliment » qu’elle recevait, simplement issu de la sincérité de l’expression naturelle des sentiments de Saïl, et évidemment qu’elle n’y fût pas insensible, comment aurait-elle pu l’être d’ailleurs. Le baiser offert n’en était que plus mérité, et malgré le « bruit » curieux, mais presque drôle qui fit sourire Nay légèrement plus avant d’apposer ses lèvres sur la peau de son homme. Elle aurait à priori, suite à cela, le croire décédé suite à un bonheur trop intense, mais elle sentait le cœur du brun à travers leurs mains. Il ne devait sans doute pas s’en rendre compte, mais les tressautements qu’il faisait était perceptible sans contact recherché auprès d’une veine ou d’une autre. Et enfin, oui, enfin, il semblait sortir de son rêve éveillé, non sans le quitter, absolument pas, il en sortait pour quitter sa passivité, il allait enfin se mettre à vivre ce rêve qu’ils partageaient désormais. Puisant une énergie insoupçonnée, il se retrouva sur ses fesses, et à peine l’était il que la belle se sentît enlacée. Elle appréciait sa douceur, malgré cette fermeté qui en disait long sur son envie, à lui aussi, de voir ce moment prendre fin : il semblait vouloir rendre rien que cette simple idée impensable, et il s’y prenait plutôt bien. Et puis l’animal semblait ressurgir, non, la chute de son pagne n’y avait aucun rapport, il aurait pu être entièrement nu que rien n’aurait changé, de loin pas. Non, il était juste agréablement doux, et le frottement de leurs joues en lieu et place d’un « simple » baiser qui aurait toutefois été de circonstances n’était là que pour lui rappeler une nouvelle fois l’unicité de cet être qu’elle désirait de plus en plus.
Délicieux frisson, Saïl venait de déposer un baiser à un endroit moins direct, mais délicieux lui aussi, il la faisait languir, il avait presque un ascendant qu’il devait ignorer sur elle, elle se serait très certainement pleinement offerte à lui s’il l’avait voulu, mais au contraire, il la savourait, il s’en délectait, il… il était simplement parfait. Léchouille avant d’abandonner ce lieu de peau dénudée et déjà il s’en allait, alors que son propre désir venait de monter d’un cran, la chaleur en elle aussi, elle allait devoir lui sauter dessus, le dévorer, avant qu’elle ne perde tous ses moyens et qu’il risque de ne pas oser, et de se montrer dans un tel cas trop cruel. Un regard ardent, une envie dans la voix, tout d’abord une jolie phrase sortit, féérique sans nul doute, et voilà qu’il la ramenait une nouvelle fois à elle, avant d’en rajouter une couche plus que superflue, mais très bien accueillie une nouvelle fois. Et puis elle sentait que quelque chose de poilu c’était insinué sous son haut, et qu’il jouait avec son nombril. Dans sa situation, ce n’était qu’une caresse de plus qu’elle affectionnait, et qui ne resterait pas vaine. A peine Saïl eut-il finit de gronder sa propre deuxième queue, et de commencer à culpabiliser, les deux mains de Naysha avaient s’étaient déposées sur les joues de son homme, et comme pour lui ôter toute perspective de fuite, elle s’était délicatement saisie de son visage avant de déposer sur ses lèvres un baiser qui était, à ce moment là, devenu plus que nécessaire. L’impatience du geste contrastait, cependant, avec la tendresse du baiser, alors qu’inconsciemment, elle laissait son corps lentement se pencher en avant, jusqu’à s’assurer que sa chute finisse sur celui qu’elle voulait sentir bien plus proche encore… maintenant qu’il semblât entièrement remis de sa métamorphose réussie ou non, au vu de ce côté plus instinctif de lui qui avait agi, et clairement énoncé de quoi l’avenir serait fait…
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Terrain glissant, terrain glissant ! Tout ce qu’il y avait de perceptif en lui faisait résonner cette alarme dans son esprit de manière si insistante que c’était presque une voix intérieure qui lui hurlait cela et énumérait tous les signes décryptables chez Naysha pour le prévenir de ce à quoi il pouvait s’attendre en ayant filé un coton pareil : regard brillant et légèrement vague, rougissement du visage qui avait atteint un taux qui laissait deviner la chaleur qui l’avait envahi, augmentation de la température corporelle de manière généralisée, augmentation des rythmes respiratoire et cardiaques, quasi-imperceptibles mais bien présents tremblements… un goujat aurait pu dire qu’elle avait le feu quelque part, mais si quiconque avait osé dire une chose pareille d’elle, l’ex-homme-loup se serait empressé de démontrer qu’il avait retenu de sa précédente forme comment mettre quelqu’un à terre et le menacer de mort. Quoi qu’il en fût, il aurait fallu être aveugle pour ne pas discerner tout cela, surtout de la part d’un scientifique patenté qui aurait normalement dû les voir venir à cent lieues à la ronde, mais tout le monde connaîtra cet aphorisme qui affirme que l’amour rend aveugle. Cela voulait-il dire que Saïl était pénétré d’un tel sentiment ? En vérité cela aurait été des plus vraisemblable si l’on prenait en compte toutes les manifestations chez lui qui faisait écho à celles de sa compagne plus que prompte à les faire surgir, mais en vérité aussi, il aurait été bien en peine de répondre à cette question s’il y avait réfléchi : en bon connaisseur du corps humain, il s’était penché sur toutes ces données que sont les sécrétions d’hormones telles que l’endorphine dont on peut remarquer une recrudescence chez deux personnes se désirant l’un-l’autre, et avait d’abord cru comme beaucoup d’autres que c’était de là que provenait ce romantique sentiment qui n’aurait eu en fin de compte qu’une source purement chimique ; mais il s’était rapidement rendu compte que malgré l’abaissement de tels corps dans l’organisme, certains couples qui étaient loin de faire figure d’exception restaient toujours ensemble, faisant preuve d’une affection qui, si elle était plus tempérée qu’aux premiers jours, ne montrait pas moins que chacun des partenaires était dévoué à l’autre.
En un mot comme en cent, malgré tout son génie, il s’était très rapidement cassé les dents sur l’élucidation d’une énigme pareille, et son expérience personnelle ne l’avait pas aidé à avoir un point de vue plus clair sur la question : bien évidemment, plus d’une femme avait été de nature à provoquer chez lui une érection, et certaines s’étaient montrées disposées à ce qu’ils partageassent un coït, mais pour autant, si le plaisir sexuel avait été présent au moment de la jouissance, l’acte lui avait toujours laissé dans l’esprit une idée d’imperfection, d’inadéquation, d’incompatibilité qui lui aurait fait croire à la théorie des âmes sœurs si celle-ci ne s’était pas effondrée sur elle-même de par son concept même. En effet, comment supposer que, par une espèce d’effet miraculeux, deux êtres parmi les milliards d’habitants de la Terre auraient pu être spécialement destinés l’un à l’autre et se reconnaître comme tels ? C’était tout simplement délirant, et il aurait conclu de ses observations et de ses raisonnements que l’amour n’existait pas, qu’il n’y avait que les hormones, les affects qu’elles charriaient avec elles et le besoin de les satisfaire s’il n’y avait pas eu des contre-exemples comme Isaac et Claire Ursoë : comment ces deux personnes auraient-elles pu rester ensemble à s’aimer pendant tout ce temps si quelque chose de plus profond que les mécanismes corporels n’avait pas existé ? Et pourtant, des personnes couchaient à tire-larigot sans se soucier des sentiments de leurs coups d’un soir, quelle casse-tête ! La solution la moins insatisfaisante bien qu’assez vague aurait pu être que l’amour venait d’une consensualité que deux êtres partageaient ; certains l’éprouvaient lorsqu’ils s’adonnaient au sexe, d’autres personnes ne se consacraient qu’au plaisir que cela procurait… les degrés et les formes d’amour variaient tellement qu’il était impossible de mettre en place ce qu’on aurait pu appeler une charte de l’amour !
Mais Saïl était bien éloigné de telles préoccupations : toute l’importance de l’aspect purement technique ou cognitif de ce qu’il vivait s’était envolée devant les sentiments que Naysha lui faisaient éprouver et qui cognaient dans son cerveau et dans sa poitrine comme un tambour. Que l’on prenne cet avis pour argent comptant ou que l’on en fasse fi, mais il était indubitable qu’il éprouvait de l’amour pour elle : il la désirait sans l’ombre d’un doute, et toute culpabilité avait été comme balayée sous les flots d’affection, mais pas comme on désire posséder une belle chose ou qu’on désire se bâfrer d’une nourriture ; non, il s’agissait de quelque chose dont la racine se trouvait dans un stimulus plus élevé et qui pourtant se répercutait de la manière la plus charnelle qui fût comme les troubles que les deux intrus du centre commercial partageaient. Il était envahi d’une certitude qui lui noyait littéralement la cervelle du bonheur d’être en compagnie d’une demoiselle aussi charmante, aussi bienveillante, aussi vive, et un sourire qui paraissait bien destiné à persister pour l’éternité était le résultat de cette certitude, de même que les gestes presque aussi automatiques que ceux de son appendice caudal qu’il avait exécutés jusqu’ici pour se délecter de la sensation de la peau de l’objet de sa passion contre la sienne.
Pour autant, que l’on n’aille pas croire qu’il avait la situation sous contrôle, car si c’était le cas, on aurait été bien vite détrompé à voir à quel point ses yeux s’écarquillèrent de stupeur lorsque les deux mains douces se glissèrent de part et d’autre de son visage : à ce moment, il pressentit ce qui allait se passer, mais il ne fit rien pour l’en empêcher, autant parce qu’il était trop paralysé par la surprise que parce qu’il le voulait lui aussi, aussi certainement qu’il ne voulait pas la quitter de sitôt, qu’il voulait rester avec elle, près d’elle, contre elle dans cet antre gigantesque mais désert qu’ils avaient à leur disposition.
Serment tacite mais indestructible qui paraissait se sceller par le contact de sa gueule redevenue bouche qui lui donnait toutefois l’impression d’être bien indigne en comparaison de ces lèvres pressées contre les siennes, si délicieusement douces, si tièdes, si électriques, que ce coup de jus fit trembler l’intégrité de son enveloppe charnelle qui lui donna l’impression qu’elle allait s’embraser pour entrer en combustion spontanée ! Bien évidemment, rien de tout cela ne se passa, mais ce choc voltaïque eut comme effet de redémarrer complètement les batteries de Saïl qui ne demandaient que ça pour donner toute leur énergie au jeune homme qui était à ce point envahi des brumes de la passion qu’il n’écoutait pas un dernier murmure de culpabilité qui mourut bien vite avant qu’il ne rendît à Naysha son baiser avec ardeur, maladroitement mais résolument, tout en l’attirant contre lui en raffermissant encore son étreinte, accolant cette fois franchement leurs bustes l’un contre l’autre. Rapidement, il sentit que le poids du rubis brûlant qu’il avait dans les bras augmentait sur lui, et qu’il n’allait pas tarder à se retrouver sous elle, mais autant pour défouler ses forces resurgies que par un reste d’instinct de domination protectrice qu’il avait conservé de sa forme précédente, il fit basculer le rapport de forces, se redressant presque brutalement pour aller spontanément à son encontre et la faire tomber contre le sol carrelé.
Par ce geste peut-être trop démonstratif, avait-il donc molesté sa partenaire ? Que nenni, car quelqu’un qui a prêté le Serment d’Hippocrate veille toujours avec la plus grande rigueur à ce que l’objet de ses soins ne subisse aucun mal, et le médecin avait pris garde de positionner une de ses grandes paluches au niveau de l’arrière de la tête de sa tendre et chère, et l’autre entre le bas de ses omoplates, de sorte qu’elle put avoir une zone d’atterrissage assez confortable alors qu’elle heurtait le sol. Bien sûr, lui écopa d’un bon choc, mais la douleur qui en résulta fut vite mise de côté par le désir qui l’habitait, ce même désir qui ne le fit décoller sa bouche de celle de la jeune fille que le temps de prononcer d’une voix enfiévrée :
« Naysha… »
Et puis le ballet buccal reprit sans que son intensité se fût amoindrie, Saïl ventousant passionnément ses lèvres contre celle dont il venait de prononcer le nom tout en commençant à darder timidement sa langue vers sa voisine. Il serait bien hypocrite de dire que c’était le seul endroit de son corps qui s’activait, et de fait, ses deux queues réagissaient elles aussi à un pareil traitement, beaucoup plus librement que plus tôt maintenant que le pagne avait glissé d’une telle manière qu’il ne couvrait plus que le haut des cuisses : l’une, celle de chair, durcissait perceptiblement contre le bas-ventre ferme et souple sur lequel elle s’était retrouvée collée, l’autre, de poils, après s’être raidie, comme frappée par la foudre, avait commencé à s’agiter follement, et frottait présentement contre l’entrejambe de celle qui était la cause de tant de débordement, avec insistance, ainsi qu’en une tentative désespérée pour creuser à travers le jean et atteindre l’intimité instinctivement désirée.
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La belle était encore trop directe, c’était incontestable, mais pour elle le temps de la prise de pincettes et de la mise de gants était passée, et il fallait que son partenaire suive le rythme, quitte à ce qu’elle l’y aide, ce qu’elle venait de faire en saisissant son visage. Stupeur, paralysie, panique, peur, c’était à peu près ce qu’elle croyait lire dans le regard noisette de son vis-à-vis, mais ça lui était égal, elle avait envie de ce geste, elle voulait ce baiser, elle lui en aurait voulu de ne pas le lui accorder, et l’on sait à quel point une femme frustrée peut être agréable, et dans une telle situation d’enfermement, le malheureux Saïl aurait trouvé le temps long, très long…
Mais contrairement à toute attente du lecteur, qui aurait sans doute pensé que le Saïl rougirait, serait envahi sous le trouble, aurait trouvé un motif pour paniquer ou s’enfuir sous sa honte, non, contrairement à cette presque attente qui aurait été si prévisible, il reçut le présent et l’honora de son mieux. Non, il n’était pas parfait, oui, il semblait s’émoustiller comme un jeune adolescent qui recevait alors son premier baiser, et il y prenait une part presque principale, après avoir été presque forcé de devoir le partager, ce baiser. Naysha ne demandait pas mieux en l’instant, elle voulait se sentir contre lui, dans ses bras, et que tout le reste ne soit plus qu’un souvenir dont il était complètement inutile de s’en rappeler. Elle le voulait pour elle seule, elle voulait être sa belle, elle voulait que cette nuit reste à jamais gravée dans leurs mémoires, dans leurs cœurs, et qu’elle ne soit que le prémisse d’autres rencontres, d’autres moments intenses, d’autres moments durant lesquels elle aurait pu le découvrir, et se découvrir…
En parlant de ça, elle commencerait presque à avoir chaud ainsi vêtue, elle n’avait pas la chance de son brun d’être nu, ou presque, il faudrait qu’il ne la laisse pas dans un tel état, il serait dommage qu’elle cuise dans ses bras alors qu’elle préférerait s’échauffer d’une toute autre manière…
Délicieuse étreinte, elle était enserrée encore plus dans ses bras, sa poitrine s’écrasant sous son top contre le torse musclé de Saïl, alors que ses pointes reprenaient évidemment de plus en plus une dimension toute nouvelle. Puis elle qui se laissait tomber en avant, tout en rendant le baiser de plus en plus empli de fougue, d’envie, de ce désir qui avait commencé à naître au fond d’elle depuis de longues minutes déjà. Réaction insoupçonnée, une nouvelle fois, du beau brun…
Non, il ne comptait pas rester dessous à priori, bien au contraire, il retourna la situation d’une façon à la fois ferme, mais conservant une douceur qui laissa tout le temps à Naysha de se préparer à se retrouver couchée sur le dos, à même le sol. En effet, elle avait juste eu le temps de laisser ses cuisses s’écarter, puis de les déplier, avant de les relever, une fois allongée sur le dos, enserrée et protégée de toute douleur par son « Loulou ». Posture indécente à souhait, provoquée par le galant personnage qu’était Saïl Ursoë, mais comment aurait-elle pu lui en vouloir, elle qui, plus les minutes passeraient, en attendrait toujours plus ? Mais il avait fait mieux encore, la main qu’il avait glissée dans le dos de la rouquine la forçait à rester cambrée. Et voilà qu’il parlait, mais cette fois au moins, il avait compris que les mots étaient déplacés, incongrus, absurdes, inconvenants, saugrenus et pire encore, indésirables.
- Tais-toi idiot…
Le ton doux, murmurant, avait tout d’une supplique ordonnée plus que d’une demande à laquelle elle attendait une quelconque réponse, et comme si elle n’était pas certaine de la bonne compréhension de ses mots qui s’étaient échappés dans un soupir, c’est elle qui provoqua vivement, mais toujours tendrement, la reprise du ballet de langues, du recollages des lèvres. Il le sentait timide dans son approche, il aurait pu s’affoler, la sentant plutôt vorace. Et elle espérait bien qu’il s’affole dans le bon sens du terme, car elle sentait son pal de chair contre son pubis, à travers ce jeans qu’elle regrettait, qui prenait de plus en plus de volume, qui devenait de plus en plus dur, et elle ne savait qu’elle ne résisterai pas longtemps à l’appel du plaisir charnel. Et Naysha gémissait doucement, même s’ils étaient étouffés par le baiser, mais elle ne pouvait ignorer ce membre supplémentaire qui frottait comme un diable à l’orée de son antre. Perception légère, mais présente, à travers les deux couches de vêtements…
Ses mains auraient pu faire bien peu de choses, ou au contraire plein, comme faire naître de nombreuses frissons à son partenaire, en jouant de ses jolis ongles le long de ses flancs, ou être plus directe et s’attaquer aux fesses musclées de Saïl, mais elle n’en fit rien, elle le voulait, elle savait que son inconscient la voulait lui aussi, mais elle ne savait pas si son esprit était prêt à se faire une nouvelle fois brusquer. Une main se plaça sur la nuque de Saïl, alors que le baiser ne perdait aucunement en intensité, et entama l’un de ses petits massages qu’elle savait si bien dispenser, alors que la seconde longeait son dos, plus spécialement son échine, puis toute la zone ensuite, de manière plutôt lente mais très appuyée, augmentant encore la pression exercée par la verge qui grandissait toujours contre son bas-ventre…
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Les paradoxes sont des formes de rapports logiques assez amusants, mais aussi intéressants à examiner. Pourquoi donc ? Car que deux éléments qui n’auraient d’ordinaire aucun rapport se trouvent par un concours de circonstances connexes permet de découvrir de nouveaux aspects d’un sujet que l’on n’aurait au premier abord pu envisager que sous un angle dichotomique et ainsi d’enrichir son point de vue, d’atteindre des révélations qui peuvent s’avérer percutantes. Comme exemple de paradoxe, on peut en citer un que représentait Saïl : lui qui avait consacré une partie de son étude à l’art de la parole, de la bonne manière de dire correctement les choses pour les faire comprendre le plus clairement possible à son interlocuteur, voilà qu’il se retrouvait en plein cœur d’un exercice où la parole s’avérait superflue comme le lui faisait comprendre Naysha par de doux reproches, après que c’eussent été précisément la tendre jactance de son aimant qui l’eût conquise. Non pas qu’il eût l’air d’être incompétent dans le domaine de l’action, étant donné qu’à en juger par les gémissements de sa partenaire, l’expérience lui était fort agréable, mais le fait était qu’il restait relativement débutant, aussi procédait-il par essais, tâtonnements et tentatives, se laissant guider avant tout par son instinct ; et celui-ci, soit qu’il eût de beaux restes de sa forme lupine, soit que l’adolescente resplendissante de sensualité eût stimulé sa libido fort adéquatement, ne le trahissait pas, le poussant à s’abandonner aux plaisirs de la chair sans réserve pour explorer les plaisirs qu’il pourrait donner et recevoir jusque dans leurs tréfonds. Profond changement qui était survenu dans la nature de ce savant auparavant si timide et si maladroit qui s’avérait maintenant un amant tout ce qu’il y avait de plus fougueux, mais après tout, qu’est-ce qu’il y avait donc de si étonnant ou d’invraisemblable à cela ? Un professeur peut se montrer un véritable papa gâteau avec ses enfants, les chérissant comme la prunelle de ses yeux et veillant sur eux avec une vigilance d’argus, et un tortionnaire avoué lorsqu’il a affaire à ses élèves, leur assénant sans coup férir devoirs, punitions et contrôles surprises, restant de marbre face à leurs suppliques déchirantes ; aussi il n’était pas aussi illogique qu’il l’aurait pu paraître que le jeune homme timoré se fût mué en bouillant amateur des délices carnaux.
Ainsi, il ne se priva pas de réagir dûment au moment où l’ardente jeunette aux cheveux ardents qui s’étendaient sur le sol à la manière d’une traîne majestueuse appuya sur divers points de son dos, comme pour indiquer à cet apprenti les mouvements à suivre pour mener l’entreprise dans laquelle ils s’étaient lancés à bien. De tels attouchements faisaient un bien fou à son corps aux muscles encore un peu raidis par le brusque changement métamorphique subi, et il ne se priva pas de le montrer, sa respiration s’entrecoupant de légers grognements alors qu’il redoublait la force et l’intensité de ses baisers, suivant de son mieux Naysha qui avait accéléré le rythme, transformant leurs échanges salivaires en une véritable danse effrénée de langues qui se rentraient dedans, tournoyaient l’une contre l’autre, virevoltaient pour s’écarter et se réunir… tout ça sans que jamais Saïl s’en lassât ni s’épuisât d’enlacer sa si sublime princesse. Toutefois, il pouvait comprendre pourquoi on parlait d’« agonir quelqu’un de caresses », car celles qu’elle lui procurait lui donnait l’impression d’être un homme à l’agonie pressé de voir s’accélérer le dénouement de ses souffrances ; sauf que dans son cas, les seules choses en souffrance étaient ses désirs qu’il ne put pas maintenir endigués bien plus longtemps, se positionnant à genoux de manière à pouvoir libérer ses bras : elle était aguerrie dans l’art des points de pression ? Hé bien en ce qui le concernait, cela faisait partie de ce à quoi il avait littéralement consacré sa vie car, on ne le répètera jamais assez, le corps humain n’avait physiologiquement aucun secret pour lui, et il le démontra lorsque, sans cesser d’embrasser sa chérie encore et encore, il posa de part et d’autre de son bassin délicatement ciselé ses mains dont la largeur lui permit de l’englober quasi-complètement alors qu’il se mettait à remonter doucement, caressant la peau douce sur son passage alors que ses doigts appuyaient là où il fallait avec l’intensité qu’il fallait pour que celle qu’il voulait combler d’attentions ressentît des stimulus à la fois profondément relaxants et intensément énergisants.
Pendant ce temps, sa queue préhensile n’avait pas cessé son petit manège, et puisque le textile épais lui barrait irréductiblement la route, elle choisit de contourner l’obstacle et de remonter légèrement pour ensuite se glisser dans le mince espace entre la chair et l’étoffe afin de venir lécher les régions pubiennes de l’irrésistible rousse, poussant toujours plus loin vers cet objectif avec un empressement réellement animal. Et de l’autre côté, ce satané haut l’empêchait de procéder correctement lors de son massage, la pièce de coton s’interposant impudemment entre lui et elle ! Et bien qu’à cela ne tînt, car elle écoperait pour cela du prix fort que Saïl lui fit payer en en empoignant le bas pour entamer une déchirure vers le haut qui sectionna le vêtement d’un coup d’un seul, révélant dans toute leur splendeur les courbes féeriques de Naysha ainsi que sa poitrine fort bien proportionnée engoncée dans sa coquille de tissu dont la vision accrut encore l’excitation du garçon dont la virilité tenait maintenant à l’horizontale sans autre support que le sang dont elle était gonflée. Et les pognes continuaient de monter, avec un mélange d’attention scrupuleuse et d’empressement passionné sans cesser leurs attouchements experts, prenant le chemin de ces seins aux mamelles durcies qui avaient le moment d’avant pointé contre son torse… cependant, il n’alla pas jusqu’à ce point, pour la raison qu’il se rendit alors compte que la pauvre princesse reposait sur une surface rude bien indigne de sa personne qui méritait les draps de satin les plus finement travaillés pour accueillir son corps délicat.
Changeant alors soudainement de direction de même que de tâche, les mains se glissèrent sous le dos souple et, avec un effort à peine perceptible, leur propriétaire souleva sa dame de terre, se dressant sur une jambe, puis l’autre, laissant tomber à ses chevilles son seul habit sans y faire réellement attention, complètement obnubilé par les formes de ce visage dont il embrassa une fois de plus la bouche avant de glisser à l’oreille de son amante d’une voix susurrante, se permettant exceptionnellement de contrevenir à la loi du silence concernant les mots :
« Si nous trouvions un lieu plus confortable ? »
Aussitôt après, en attendant la réponse, il avança encore un peu la bouche vers le lobe charnu comme un petit grain de raison à croquer qu’il suçota et mordilla gourmandement, activité à laquelle il pouvait se livrer sans réserve et à laquelle il était heureux de pouvoir s’adonner maintenant que ses dents n’étaient plus des crocs. C’était une bonne chose qu’il eût toutefois conservé du muscle, puisque si dans le cas présent, il était capable de supporter le poids –poids plume mais tout de même- de Naysha, il aurait probablement été bien plus en peine de le faire dans sa forme physique ordinaire.
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L’ardente jeunette aux cheveux ardents avait effectivement pu sentir diverses tensions musculaires glisser sous ses mains, mais sa positions n’était de loin pas idéale pour les chasser, tout comme ces nombreux nœuds qu’elle pouvait subodorer sous ses fines mains emplies de délicatesse. La nuque était la seule à pouvoir bénéficier de quelques massages sur de petites zones plus appuyés, plus précis, qui avaient sans aucun doute relaxé l’homme qui n’était plus vraiment loup, bien qu’encore un peu à la queue curieuse qu’elle sentait toujours non loin de son intimité. D’ailleurs, il était patent de constater le bien-être qu’en ressentait ce cher Saïl, comme pouvait le prouver sa respiration devenue plus haletante, coupée de grognements plus qu'éloquents, à moins que ça ne soit dû à la montée d’un certain désir, ou peut-être… les deux. Le moins que l’on pusse dire était que le rythme de la chorégraphie intense et peu ordonnée qu’exerçaient leurs langues ne cillait pas, ne baissait pas, et qu’il n’échouerait pas pour la contenter sur cette voie là…
Son ventre plat fut forcé de légèrement se rentrer lorsqu’il posa ses mains à son bassin, puis elle eut un très léger mouvement de recul - qui n'en était pas vraiment un, un simple réflexe, rien de plus - lorsque son homme commença à son tour à effectuer des caresses plus que souhaitées, et malgré l’absence de main dans son dos, la cambrure de la demoiselle persistait inexorablement… bien des soupirs auraient voulu s’échapper de son corps de plus en plus chaud, autant des gémissements plus mignons et indécents les uns que les autres, mais rien ne sortait, tant le baiser, qui loin de la lasser, commençait à prendre une ampleur de plus en plus effrénée, comme si toute la suite dépendait de sa parfaite réalisation. Et force était de constater que, son compagnon qui paraissait un peu plus tôt pas forcément des plus doué dans cet acte, devenait de plus en plus assuré et précis, comme s’il voulait se surpasser pour la contenter, ou peut-être se satisfaisait-il à l’idée de qu’il pouvait combler sa belle s’il laissait simplement son instinct, guidé au mieux par les mouvements de cette dernière, diriger cette danse endiablée ? Puis, dans un geste plus animal qu’humain, Saïl déchira, comme si de rien n’était, son haut à elle, qu’elle n’avait certes pas payé, et qui n’était de ce fait pas vraiment le sien, mais ce détail n’était-il pas insignifiant au vu de la situation présente ? Légère surprise, mais imperceptible, tant ce geste la rassurait de la suite des évènements, surtout que le plumeau qui semblait agir de lui-même avait cessé son excitation presque vaine, afin de venir frotter, avec une certaine difficulté, sa région pubienne. Mouvements brefs, bloqués par le faible espace entre le jeans et son ventre, qu’elle s’efforçait de rentrer au maximum pour lui rendre la tâche finalement pas bien plus aisée…
Le top déchiré venait de révéler sa poitrine, dans toute sa rondeur, sa fermeté, son velouté inouï, sa tenue particulière même si elle n’avait pas porté encore un obstacle à des caresses directes. Les mamelons pointaient arrogamment, à travers la fine étoffe plus raffinée que ne l’était son haut, qui lui donnait pourtant cet air si adorable, et l’effet de la lingerie devait sans doute encore l’embellir bien davantage. Un soutien-gorge, en dentelle noire, entrecoupée de savant motifs qui se rapprochent d’assez près à l’avatar situé sur la gauche, et il y avait fort à parier que sa petite culotte était du même acabit. Dans tous les cas, ce petit sous-vêtement rehaussait incontestablement le charme que produisait la lycéenne, et c’est dans un profond soupir de plaisir, qu’elle fût forcée de rompre à peine un instant le baiser, lorsqu’elle accueillît les mains de son prince presque à la hauteur de ses seins : les mimines de son homme les avaient frôlé, et elle désespérait de les sentir poursuivre cette ascension sur son corps même, en proie à un désir ascendant. Nouvelle cambrure plus poussée finalement, lorsque ces mains qui semblaient évoluer en territoire connu, ou tout du moins, qui semblait savoir précisément par où passer pour atteindre l’effet désiré. Les mains de son Saïl étaient à nouveau dans son dos, alors qu’elle sentait contre son bas ventre une verge qu’elle peinait à ne pas saisir, non, il était conquérant, elle aurait commis une erreur de l’interrompre…
Soulevée, elle était portée, réflexe premier, enserrer les fesses de son homme à l’aide de ses propres jambes, pressant ainsi les intimités, qui ne pouvaient encore avoir le moindre contact direct, l’une contre l’autre, pressant et relâchant, afin de l’exciter lui aussi de manière bien plus directe. Ses bras l’avaient enlacé, passés derrière sa nuque, et elle avança son visage pour mordre avec gourmandise la lèvre inférieure de son prince à elle seule. Elle était portée, dans une position qu’elle aurait sans doute adoré avoir si elle avait été nue, tant la posture permettait une pénétration profonde, qu’elle aimait tant recevoir par instants, et elle était dans un instant ou la douceur l’avait en partie quittée, et elle aurait voulu pouvoir longuement jouer avec ce pal de chair, que l’on aurait pu comparer à bien des matières plus dures que ne l’était la chair dont il était question. De ce mordillement labial avait émergé un nouveau baiser, plus court, que l’on aurait même pu qualifier de bref, et il quitta sans remords aucun cette bouche qui adorait les lèvres qui lui étaient en cette nuit offertes. Murmure plaisant, mais qui n’avait lui non plus pas sa place, pourquoi voulait-il absolument parler pour proférer de telles insanités ? Oui, des insanités, et non, le terme n’était pas exagéré ! Et alors qu’elle faisait un effort considérable pour ne pas lui presque ordonner l’envie qu’elle avait en ce moment précis, il vint jouer avec le lobe de son oreille, aussi sensible que le reste de son corps, et Saïl reçut sa juste punition : un soupir, mêlé d’un gémissement, le plus indécent qui soit, un appel aux caresses, une supplication à l’acte, une supplication qui serait sans doute capable de faire chavirer l’esprit le plus chaste que cette Terre ait porté. Ou se trouvaient les lèvres de l’adolescente ? A quelques centimètres à peine de l’oreille de son brun, et elle ne doutait pas de l’effet que provoquerait sa « réponse ». Réagirait-il comme elle l’espérait ? Nous le saurons bien assez vite…
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Un scarabée, il était une sorte de petit scarabée aux agissements encore mal contrôlés et mal pensés, et il avait encore à apprendre de sa mentor si proche de lui au sens le plus physique du terme pour parvenir à un certain accomplissement véritable de l’acte amoureux dans sa plénitude, sa complétude dénuée de toute intervention extérieure et de toute trivialité qui n’aurait pas eu de rapport avec ces deux enveloppes charnelles brûlantes de désir collées l’une à l’autre. Pourquoi d’ailleurs ne pas pousser la comparaison avec l’insecte jusqu’à un sens plus littéral étant donné que pareillement aux multiples pattes de cette bestiole, les doigts de Saïl étaient en perpétuel mouvement, déployant toute leur agilité supérieure pour démultiplier les sensations qu’ils offraient : de l’aveu de ses confrères passés, lorsque les mains du scientifique bougeaient, on avait l’impression de voir deux araignées quintupèdes s’agiter telles des entités indépendantes du reste de son corps, et l’habitude qu’il avait prise sous sa forme d’homme-loup d’écrire au moyen de ses griffes n’avait fait que renforcer cette façon de manœuvrer, les appendices digitaux s’avérant ainsi fantastiquement habiles pour manipuler toutes sortes de choses, y compris une beauté fatale aux cheveux de feu. Mais pour revenir à l’entomologie, si le jeune homme s’assimilait à l'arthropode susnommé, la jeune femme, elle, paraissait une tique étant donné l’ardeur avec laquelle elle s’y prit pour cerner le bassin de son amant au moyen de ses cuisses, mais une tique diablement savante pour moduler ainsi qu'elle le faisait la pression qu’elle exerçait en particulier sur son membre qui n’en finissait pas de gonfler encore et encore jusqu’à un point tout à fait indécent. Un scarabée et une tique en pleins ébats, voilà qui devait sacrément grouiller, et de fait, ça gigotait méchamment entre ces deux là, autant de l’extérieur où les deux partenaires se tortillaient l’un contre l’autre comme des escargots dans le but d’échanger les divers fluides qu’ils contenaient que de l’intérieur, véritable marmite de passion dans laquelle les sécrétions hormonales allaient redoublant pour échauffer toujours plus ce sang qui en aurait produit de la vapeur si on l’avait laissé sortir par exemple de la verge du spécimen mâle qui avait acquis sous l’effet de l’excitation une dureté qui aurait fait douter qu’elle n’était constituée que de chair, et qui s’interposait farouchement entre les deux abdomens, écrasée contre le bas-ventre du spécimen femelle dans l’intimité duquel elle ne demandait qu’à pénétrer sans plus tarder.
Il l'aurait avoué lui-même sans en rougir, Saïl avait visionné plus d’un film pornographique, mais contrairement à ses semblables, cela avait toujours été avec un regard blasé dans lequel on aurait été bien en peine de lire la moindre trace de lubricité tant il avait l’air aussi fasciné que s’il avait été en train de contempler un mauvais documentaire animalier, ce qui n’était pas vraiment éloigné de la vérité en fait : il connaissait toutes les réactions que des attouchements donnés peuvent stimuler, et avait toujours été déçu de voir le manque de réalisme dont faisaient preuve ces acteurs qu’il aurait fallu renvoyer à leurs manuels de biologie pour mieux leur faire entrer dans le crâne l’exactitude de leur métier. Qu’est-ce que c’était mal fait en effet, et qu’est-ce qu’ils paraissaient infoutus de faire autre chose que de se frottailler le lard en pépiant et en geignant comme s’ils avaient été en train de s’adonner à une colonoscopie plutôt qu’à un coït ! C’en était purement déprimant, et il n’avait jamais été capable de tenir tout le long, finissant toujours par arrêter le déroulement du film quelques minutes après le début de l’entrée en matière avec un soupir de déception rageuse.
Et tout ça… c’était la théorie, car désormais, il en était passé à une pratique dont le calibre était d’une intensité qui n’avait rien à voir avec les activités onanistes, et cela se voyait très facilement dans l’expression d’égarement languide et pervers qui se peignait sur ses traits transfigurés par le désir qu’il avait de Naysha, ce parangon d’érotisme dont le contact excluait toute autre donnée de son cerveau : on aurait pu dire que la raison et la passion se disputaient en lui pour réguler son comportement, mais cela aurait été de peu d’intérêt puisque la première donnée l’avait complètement déserté, ne subsistant que sous la forme de certaines règles de mesure nécessaires pour ne pas blesser ni brusquer sa partenaire, et bien sûr sous celle de ses connaissances anatomiques dont l’usage était peut-être tout sauf professionnel, mais qui se retrouvait tout de même mis en application à bon escient, le savant frottant les zones sensibles du dos de l’adolescente avec fermeté et expertise pour la stimuler d’autant qu’il le pouvait.
Étrangement, la légère douleur de s’être fait mordre la lèvre lui avait tout sauf déplu, et l’avait encouragé à multiplier les manifestations de son amour, mais la goutte d’eau qui fit déborder le vase, ou plutôt le jet d’aphrodisiaque qui fit jaillir le liquide de l’amphore à débit redoublé, fut le souffle tiède de la ribaude contre son appareil auditif qui parut avoir conservé de sa sensibilité animale pour que son possesseur réagît au son parfaitement impudique qui lui agita les canaux internes d’une manière qui sembla se répercuter dans tout son être, le gémissement le secouant d’un tremblement qui aurait pu faire croire qu’il allait s’effondrer si une lueur proprement incendiaire ne s’était pas allumée dans ses iris qui parurent s’éclaircir avant que la tension accumulée par l'effet de quelques simples décibels ne se relâchât comme un élastique.
Saïl avait travaillé en tant qu’urgentiste, et il avait de beaux restes de cette expérience, notamment une promptitude à agir avec précision qui lui permit d’agir en un temps record pour défaire l’agrafe du soutien-gorge qui retenait injustement ces seins en turgescence qui ne demandaient qu’à connaître la liberté, la parcelle de tissu brodée de motifs représentant ce même organe qui palpitait si violemment chez lui s’affaissant rapidement pour exposer dans toute leur splendeur deux globes bien remplis d’une rotondité toute en plénitude sur lesquels celui à qui il était donné de les voir aurait pu s’attarder longtemps s’il avait pu résister à plonger sur l’un d’entre eux, activant sa langue pour parcourir cette petite masse de chair en des cercles concentriques qui se rapprochaient du téton durci sans pour autant le toucher… pour le moment.
Pendant ce temps, au Mont de Vénus, la révolte grondait parmi les citoyens encagés dans la prison du jean qui ne demandaient qu’à sortir pour se montrer au monde dans toute leur splendeur, souhait que réalisa une main surgie de nulle part qui, en deux temps trois mouvements, défit les verrous des geôles et se rua pour se glisser en travers de la culotte afin d’apporter ses bienfaits aux malheureux, l’engin d’opération à l’allure arachnéenne se mettant en position pour déployer tous ses talents, l’index et l’annulaire cernant la vulve de part et d’autre pour masser avec une délicate attention les petites lèvres, le pouce et l’auriculaire prenant pour leur part sous leur coupe le gland du clitoris auquel ils procurèrent de bienveillants massages légèrement pinçants ; dernier mais pas le moindre, le majeur, s’étirant de toute sa longueur, alla surveiller la tête de pont en frottant la partie inférieure de tout cet appareil féminin qu’on appelle le raphé. En réalité, ç’aurait été observer une merveille de coordination physique que de pouvoir contempler ces doigts qui se livraient tous à leur activité propre sans que l’habileté de l’un prît le pas sur celle d’un autre, mais cela se serait avéré peu aisé étant donné que ce spectacle était masqué par le pantalon de Naysha qu’elle portait encore, bien qu’ouvert ; dommage… quoique de toute façon, cette ingrate qu’est la communauté scientifique n’aurait sans doute pas compris toute l’ampleur de ces attouchements.
Derrière Saïl, son appendice caudal manifestait furieusement contre le chômage technique auquel il se voyait confronté, battant l’air comme pour exprimer son désappointement de ne pouvoir encore tâter de cette peau si douce à laquelle il avait goûté, ses mouvements rappelant ceux d’un serpent courroucé qui remue et siffle en attendant que son heure vienne. L’autre queue, elle se collait toujours contre la dame d’oubli, sa chair longiligne devenue épaisse de plusieurs centimètres qui avait encore invraisemblablement grossi avec les stimulants récents formant comme une tige incongrue dont le sommet s’achevait au niveau du bouton de rose de la demoiselle qu’était son nombril, se positionnant dans ce petit creux, comme boudeuse de ne pas être employée dans l’immédiat.
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Naysha pouvait voir son homme dans tous ses états, rien que son faciès en disait long, mais il y avait bien d’autres signes. L’on pourrait parler des baisers, de cette étreinte passionnée qui les unissait d’une manière peut-être pas si mignonne que ça, mais que les faisait rester proches, très proches. Son « plumeau » avait été des plus expressif lui aussi, les mains, et, sans doute, le membre qu’elle sentait encore gonfler entre leurs bas-ventres. Et puis ses mains dans son propre dos, ces mains qui lui prodiguaient d’excellents mouvements, qui semblaient là encore connaître parfaitement les réactions engendrées par des mouvements qui semblaient choisis volontairement. Peut-être n’était il sexuellement pas très expérimenté, comme en donnait l’impression le départ du baiser qu’ils échangèrent, mais il savait quoi faire pour arriver à un but, ou plusieurs buts, et le guider serait des plus simple, même si elle voulait aussi de la spontanéité, de l‘instinct, pouvoir s’abandonner sans devoir le surveiller en tout instant…
Il avait apprécié le mordillement de la lève inférieure, ça ne faisait aucun doute, mais ce n’était rien en comparaison à la réponse qu’il ne devait pas pressentir arriver, ho non…
Il tremblait, et la jeune lycéenne à la longue chevelure qui avait un peu mieux replacé son visage, après lui avoir léché le lobe de l’oreille, avait pu apercevoir au plus profond du regard noisette de son brun, une sorte d’étincelle, ou peut-être d’explosion, comme si… elle ne sait pas vraiment, mais il était indubitable que le son qui fut une réponse des plus indécente avait fait son effet, ou tout du moins, son premier effet, car le but n’était pas d’allumer son homme, mais de le faire agir, car elle avait de plus en plus cette envie irrépressible d’aller de l’avant…
Divine libération ! Ses seins perdaient cette légère compression, et allait enfin pouvoir se mouvoir au rythme de sa respiration, pouvoir recevoir des caresses plus directes, plus propagatrices de ce désir qui continuait de se répandre lentement en elle.
Soupir, délicieux soupir, enfin, elle sentit une langue venir jouer avec l’un de ses seins, bien rond, ferme, tendu, à fleur… qui semblait en attendre encore plus, alors qu’il la faisait volontairement languir, évitant parfaitement son mamelon turgescent. Mais c’est un long gémissement qui s’enfuit de sa trachée, alors que son jeans venait de s’ouvrir, mais surtout, que d’une manière des plus suspecte au vu de leurs positions respectives, cinq doigts prirent possession de son intimité, en plusieurs façons toutes plus électrisantes les unes que les autres. Et les gémissements allaient devenir crescendo, à n’en pas douter. Mais force était de constater que la position n’avait rien d’idéal, bien au contraire : il la tenait à un bras, mais elle, elle devait jouer entre des bras et ses jambes pour se retenir sur lui, tout en li laissant suffisamment de marge de manœuvre, et comme si ça ne suffisait pas, elle aussi avait envie de jouer, et une perte d’équilibre aurait sans nul doute rompu tout le charme de la situation…
A contrecœur, tant la main qui venait à peine de prendre possession de son entrejambe allait lui faire du bien, elle décroisa ses jambes des fesses de Saïl, démontrait pleinement son intention de se retrouver à même le sol, et forçant son brun à lâcher ses prises, alors qu’elle entama un nouveau baiser, fougueux, désireux, tout en pressant légèrement sur ses épaules, comme pour le faire s'allonger sur un tapis non loin…
Alors qu’il obtempérait, elle baissait son jeans, tout comme sa culotte, et se débattait avec ses jambes pour qu’il finisse sa course loin, le plus loin possible, elle voulait clairement passer à la suite, plus que prête, bien plus que moite, humide, mouillée…
Les mains de Naysha, elles, étaient plus actives, maintenant que sa nudité était complète. Se décalant très légèrement, relevant une cuisse en posant mieux sa jambe sur son genou, elle venait de libérer le torse de sa bête devenue princière, et ses ongles jouaient sur ses pectoraux, son ventre… évitèrent le nombril avant de se retrouver sur son bas-ventre, et y retrouver l’objet de son envie du moment.
Alors que le baiser ne prenait toujours pas fin, devenu une vraie tornade d’émotions, la main se saisit doucement de la verge, l’enserrant entre ses doigts fins, et le décalotta, avant de mieux reprendre son membre, avec une certaine légèreté féérique, avant d’entamer un va-et-vient assez lent, et sans la moindre trace d’hésitation, bien au contraire…
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Faisait-il ce qu’il était juste de faire ? D’un point de vue purement pratique, oui, on pouvait dire qu’il se débrouillait bien, et même très bien, sinon les zones vaginales de sa partenaire n’auraient pas à ce point secrété leurs fluides, et si cela n’avait pas suffi, les sons qu’elle émettait et qui se faisaient de plus en plus forts auraient dissipé tout doute à ce sujet en plus d’exciter encore davantage Saïl qui s’abîmait toujours plus profondément dans les affres de la passion amoureuse avec enthousiasme. Mais justement, était-ce comme on disait bien raisonnable ce à quoi il s’adonnait en ce moment même ? Après tout, ils venaient à peine de se connaître, il avait une fois et demi son âge, et même si les mouvements experts de Naysha ainsi que l’absence d’hésitation avec laquelle elle opérait laissait peu de doute quant à ce qui était de son pucelage, lui faire ainsi l’amour aurait pu sembler de bien des façons un acte moralement répréhensible… « aurait pu » car dans le cas présent, le scientifique qui laissait d’ordinaire à la réflexion une place de choix dans ses idées était complètement balayée par les torrents de désir sulfureux qui rugissaient dans tout son être : lorsqu’il reprendrait un état de conscience plus clair sur la situation, peut-être aurait-il honte, peut-être choisirait-il d’assumer ce qu’il avait fait sans vergogne, mais pour le moment, il était tout entier à ce qu’il faisait, focalisant son attention sur ces lèvres moelleuses et chaudes, sur cette intimité tièdement humide, sur cette enveloppe charnelle de nacre si follement attrayante et si vigoureusement stimulante pour quelqu’un comme lui dont la libido longtemps refoulée ne demandait qu’à s’exprimer dans tout ce qu’il pouvait déployer niveau exaltation érotique.
Cependant, la posture qu’ils avaient adoptée n’était manifestement pas la plus adaptée pour les attouchements auxquels ils se livraient, la fougueuse adolescente le lui faisant bien comprendre lorsqu’elle se détacha à leur regret mutuel mais nécessaire pour se positionner debout devant lui et lui faire redresser la tête pour reprendre leurs baisers interrompus par les léchouilles de l’ex-homme-loup, cette pause ne nuisant toutefois aucunement à l’ardeur dont il firent à nouveau preuve pour entre-explorer leurs cavités buccales qui n’avait rien perdu de son énergie. Il ne pouvait pas le voir, mais il s’en doutait bien aux mouvements des bras de son amante ainsi qu’aux sons que ceux-ci émettaient, froissements de tissu empressés qui indiquaient que pour ce qu’ils voulaient faire, les vêtements étaient inexorablement voués à la caducité. Au moment où elle bougea légèrement sur le côté sans pour autant cesser de l’embrasser, Saïl put d’un coup d’œil englober de la tête aux pieds ce corps féminin réellement tendre, poli, souef, si précieux qu’il en relâcha entre deux contacts labiaux un halètement passionné dans lequel se discernait facilement quelque chose d’admiratif propre à un extatique en pleine contemplation d’un artefact divin ; sauf que l’objet de son extase n’avait en rien ce caractère désincarné d’une illumination religieuse, se manifestant au contraire en quelque chose de parfaitement et indécemment digne du péché de chair que le jeune homme ne craignait en rien de commettre.
Apparemment, ce fut aussi à son tour de voir ses parties pectorales être sujettes à des soins attentionnés quand les ongles des mains habiles de Naysha se mirent à les parcourir du buste jusqu’à l’abdomen, traçant en des courbes descendantes des arabesques des plus agréables qui frottaient doucement contre les poils de son torse, lui transmettant de petits arcs électriques de plaisir qu’il recevait en entrecoupant ses baisers toujours plus voraces de soupirs languides. Au passage, s’il avait fait plus attention, il aurait pu s’apercevoir qu’il n’avait auparavant pas été aussi poilu que ça, et s’il n’avait pas été à ce point obnubilé par celle qui se collait contre lui, il aurait pu avoir de quoi se faire du souci en se rendant également compte que ses pognes qui avaient pourtant durement tapé contre le sol carrelé ne lui faisaient déjà plus mal… cela présageait certaines complications dans un futur proche, mais pour l’heure, il goûtait sans réserve aux jouissances que sa partenaire passionnée lui procurait, accolant sa peau contre la sienne de la manière la plus harmonieuse possible.
Lorsqu’elle prit prise sur son phallus, il ressentit un tressaillement qui le secoua de haut en bas et l’inspira de l’enlacer fougueusement en passant son long bras derrière son dos pour la presser contre lui alors que l’épaisse tige de chair turgescente se voyait dénudée pour être mieux stimulée, tressautant sous les vagues de délice tandis qu’elle se faisait masser tout en douceur, commençant à émettre ce liquide clair propre à l’excitation masculine. De son côté, il ne resta pas inactif et ne se priva pas de reprendre ses activités précédemment interrompues, la main de son bras susmentionné se chargeant du sein délaissé maintenant que la bouche était occupée à une autre tâche, passant en mouvements précis et tendres mais à dessein désordonnés sur le pourtour du téton en érection, appuyant là où ses attouchements se révèleraient le plus efficaces sur cette protubérance mammaire, frôlant de temps à autre celui-ci en le gratifiant au passage de gestes de pétrissage délicats qui se faisaient de plus en plus insistants. L’appendice manuel droit, lui, se chargea du dos, partant au niveau de l’atlas afin de glisser vers le bas en accompagnant sa descente de pressions parfaitement contrôlées le long de chaque vertèbre : on en faisant trop souvent fi, mais la colonne vertébrale était un lien direct avec les centres nerveux, entre autres celui du plaisir qui était celui que le médecin patenté voulait le plus titiller dans ce cas précis.
Une main pour une mamelle et une autre pour la cambrure… cela voulait-il dire que cet entrejambe féminin qui avait été l’instant d’avant autant gâté se voyait cruellement laissé à l’abandon, dépourvu de quoi que ce fût pour le dorloter ? Nullement, car la queue préhensile jusqu’ici laissée en berne se fit un devoir de répondre à l’appel maintenant que le sujet de ses aspirations était à découvert, piquant sur lui pour se mettre à gigoter à la manière d’une vrille, frottant ardemment contre cette chair moite qu’elle parcourut de long en large et en travers, de haut en bas, de droit à gauche, en cercles et en zigzags, s'agitant probablement sans grande maîtrise, mais avec une spontanéité empressé qui ne pouvait que stimuler ces parties érogènes.
Pendant ce temps, Saïl n’avait pas été sans remarquer l’appui que Naysha avait commencé à prendre sur ses épaules sans pour autant y aller suffisamment fort pour le renverser et, alors qu’ils se caressaient l’un l’autre, il se laissa lentement aller en arrière, pour lui montrer que si elle voulait adopter cette position, il pouvait l’assumer en encaissant sans problème le choc de la chute de ses os solides, l’entraînant éventuellement avec lui pour la réceptionner sur lui sans heurt.
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Sa nudité totale semblait plaire à son « Loulou », à en croire le bruissement qui était parvenu aux oreilles de la jeune et belle donzelle. Réaction attendue, elle n’en fut que plus pressante encore dans l’échange buccal auquel ils s’adonnaient depuis peu de temps à nouveau, alors qu’une nouvelle danse endiablée avait pu reprendre, elle aussi. Il appréciait tout autant le passage de ses ongles, arrivés là comme par presque hasard, et accueillis comme si l’ont avait voulu qu’ils restent en place longtemps encore. Non, la main délicate de la rouquine n’avait pas été retenue, au contraire, mais elle sentait sous son passage lent un corps qui réagissait, par des frissons internes sans doute aucun. Puis des soupirs s’échappaient, le plus simplement du monde, entrecoupant légèrement le baiser…
Les corps étaient unis, soudés, et allaient probablement le rester pour un moment sans doute relativement long. Elle aussi savait s’y prendre, oui elle était très humide, puis devint mouillée, jusqu’à ce stade ou son propre lubrifiant s’écoulait lentement le long de ses cuisses, faisant naître de légers frissons à sa propriétaire. Nouvelle étreinte de son brun, au moment même ou elle se saisit du pal de chair, qui, comme s’il en avait souhaité bien plus, avait tressauté, comme s’il voulait que cette main délicate qui s’occupait de lui devienne bien plus ferme, et surtout, bien plus active. Elle ne le voyait pas, mais à peine quelques aller-retour de la peau sur cette hampe attirante, elle put sentir le premier liquide déversé par chaque homme, en guise de propre lubrifiant, et surtout, en témoin incontestable d’un plaisir grandissant qui ne devrait en aucun en rester à ce stade, tant la frustration qui s’en serait issue aurait été grande.
Elle accéléra le mouvement, légèrement, dès que son Saïl eût la bonne idée d’à son tour se remettre en mouvements, et quels mouvements. Soupirs et gémissements se mêlaient de plus en plus au torride baiser. Son sein était victime de caresses insistantes, appuyées, mais juste pas trop, juste très agréables, et la pointe durcie n’était pas en reste, elle aussi était choyée, et rendait Naysha un peu plus… folle, folle de ce qui ne tarderait pas à arriver. Une presque certitude qui devint une obligation non négociable, alors qu’un plumeau des plus doux, désordonné, et peut-être trop léger dans son attitude, se mit à survoler avec une rapidité et une émotion d’un ado devant la première femme nue qu'il lui était donné de contempler, une grande partie des zones érogènes de la rousse qui n’y tenait plus. Saïl était très bien dans ses gestes, mais sa queue animale était, elle, frustrante, elle la torturait plus qu’autre chose, lui faisant voir quelque chose qu’elle ne semblait pas capable de lui offrir. Son dos, son échine, délicieux frissons, délicieuses sensations, nouvelles bouffées de chaleur qui envahissaient l’adolescente, s’en était trop.
Sentant bien le phallus dans sa paume, entre ses doigts, prêt, et plus que prêt, et enfin, il se laissa aller sur le tapis qui était à peine plus loin, vers lequel ils s’étaient inconsciemment rendus. Aucune caresse n’avait cessé du côté de la donzelle, alors qu’elle refusât en cet instant de s’allonger sur son brun, préférant rester légèrement de côté, se retenant sur un genou et à l’aide de son bras libre, pour avoir tout l’espace qu’elle voulait pour continuer la masturbation légère qu’elle octroyait, car elle ne voulait pas non plus qu’il jouisse trop vite. Bien tentée de se dégager de ces caresses délicieuses qu’elle recevait un peu partout encore, pour offrir sa bouche humide et chaude, non pas aux lèvres et à la langue de Saïl, mais à sa verge tressautante, elle n’en fit rien, trop aguichée par la queue du loup qu’était encore en partie son homme.
Devant calmer le feu intérieur qui avait naquit en elle, et voulant cela de tout son être, elle mit un terme au baiser, non sans mordiller la langue qui passait à ce moment là entre ses deux rangées dentées, puis se mit simplement à quatre pattes au dessus de son animal, ou alors, peut-être que les rôles avaient été inversés ? La seule certitude était que Naysha n’y tenait plus, et qu’elle voulait ressentir au plus profond de son antre cette verge dure, tendue, prête et surtout, qu’elle tenait de sa patte avant gauche, toujours, et présenta, alors qu’elle prenait lentement, voulant elle aussi le faire languir, une position plus assise. Puis, prise d’un éclair de presque lucidité, elle relâcha cette verge, dont le gland venait tout juste de se voir accueillit entre ses lèvres, et alla se saisir de la deuxième queue dont elle n’appréciait plus vraiment les agissements. Puis, sans crier gare, mais en laissant un cri s’échapper d’entre ses lèvres, elle s’assit, alors qu’elle venait, juste avant, de « coincer » le plumeau sous sa jambe gauche…
Regard embrasé, échangé avec celui illuminé de son amant de l’instant, elle se mordit la lèvre inférieure, avant d’entamer un va et vient lent, offrant toutes les rondeurs de ses seins aux mains arachnéennes de Saïl, s’il ne voulait pas rester trop inactif, alors que ses mains maintenant libres avaient pris appui sur le ventre de son chéri…
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L’acte sexuel, et pas seulement le coït, est un moment d’échange, de partage et de don de soi à une autre personne : bien sûr, de manière très littérale, on pouvait dire que les deux participants échangeaient leurs fluides salivaires, d’excitation sexuelle, reproducteurs, et même, dans certains cas peut-être un peu extrêmes, sanguins, urinaires ou défécatoires ; mais le concept allait au-delà de ce compte-rendu prosaïque au possible, car lorsque deux êtres faisaient l’amour, ils se disaient réciproquement implicitement « Voici mon corps, je le voue à tes soins pour ton plaisir et pour le mien. », scellant ainsi une sorte de pacte tacite qui se passait de tout langage autre que corporel et qui trouvait son accomplissement dans une activité si naturelle et pourtant si intense. L’être humain est une des rares espèces vivantes à s’adonner à une activité à but fondamentalement reproducteur pour le plaisir, contrairement à celles du règne animal qui, pour la plupart, n’ont de relations de ce genre que durant une période déterminée appelée « rut » et dans la pratique de laquelle il se pourrait bien qu’il n’existe aucune jouissance autre que celle consistant à relâcher ses gamètes pour la propagation de l’espèce. Les brutes, les dominateurs violents qui soumettaient leurs partenaires sans aucun égard pour ce qu’ils éprouvaient n’avaient pas compris cette leçon pourtant très simple, et, peut-être pour cette raison, voyaient leur vie vouée à un état de perpétuelle insatisfaction, autant du point de vue purement sexuel que de celui relationnel, vivant au mieux des aventures sans lendemain avant de délaisser leur voisin de lit d’un soir.
Ce n’était pas ainsi que Saïl concevait les choses, se montrant toujours d’un naturel bienveillant, altruiste ou miséricordieux même au sein des démonstrations de colère les plus terribles, ses actes n’étant motivés que par l’envie de faire du bien à autrui ; et en l’occurrence, autrui était Naysha, cette rencontre qui avait pris une tournure inattendue pour leur plus grand bonheur mutuel, cette vigoureuse jeune fille pétillante qui lui rendait bien les attentions dont il la comblait, leurs mouvements résultant en un tango sensuellement endiablé fait d’une gestuelle ardente de passion ayant pour but d’entretenir ce feu dont ils brûlaient tous les deux. Il se doutait qu’en dépit de son jeune âge, elle devait être loin d’en être à ses coups d’essai, et dans le fond, il n’était peut-être qu’un homme parmi d’autres sur lequel elle avait jeté son dévolu, mais même si elle devait se volatiliser la seconde d’après la séparation de leurs deux corps –ce qu’il était loin de vouloir-, il ne le regretterait pas et ne lui en tiendrait pas rancune : aucun de leurs actes n’aurait pu être qualifié de condamnable, excepté sans doute du point de vue de la décence ; ils étaient parvenus à ce stade sans jamais de mauvaises intentions, et le moins qu’il pouvait faire était de lui en témoigner de la reconnaissance sans chercher à l’étouffer, dut-elle disparaître de son existence pour aller faire la sienne ailleurs, même si c’était là tout sauf ce qu’il désirait, souhaitant la garder avec lui, contre lui, le plus longtemps qu’il serait possible jusqu’au moment où leurs chemins divergeraient… pour se recroiser tôt ou tard.
Tout se passait harmonieusement, comme un morceau de Jazz, registre dans lequel l’improvisation avait toujours une place prépondérante, mais qui malgré ce caractère imparfait, voire hasardeux, restait délectable à éprouver et à pratiquer, cet aspect d’adaptation nécessaire instaurant comme une tension sous-jacente qui ne faisait ressentir l’art exercé par le praticien que plus fortement. En douceur, sans brutalité, comme si le déroulement de leur acte avait été dessiné sur quelque invisible papier à musique, Saïl laissa le poids de sa partenaire le porter jusqu’à une carpette ornant la devanture d’un magasin qui ferait ainsi office de matelas sur lequel il atterrit sans heurt, tout n’étant plus que volupté sous l’impulsion manuelle de Naysha qui travaillait avec entrain à stimuler sa verge désormais gonflée de sang à un point presque douloureux d'où suintait toujours de cette substance incolore qui s’écoulait le long de la chair turgescente pour se perdre dans l’amas de ses poils pubiens. Mutine, la rouquine ne se donnait toutefois pas la peine de se dépenser sur ce membre au maximum de ses capacités, pas plus qu’elle ne se donnait celle de se laisser aller complètement contre lui dans le but avoué de le faire languir ; ce qui réussissait bien, la mesure dont elle faisait preuve résultant en une pointe de frustration chez son bouillant amant, pointe qui n’était toutefois pas dépourvue d’un certain charme, promesse que le moment de la satisfaction n’en serait que plus délectable : il avait un cœur d’artichaut, mais loin de vouloir effeuiller sans autre forme de procès son intimité pour la dévorer, elle savourait ce qu’il avait à lui offrir avant d’en arriver au nectar.
Espièglement, elle se redressa, mordillant au passage son muscle lingual, contact plaisamment titillant qui lui laissait pourtant un goût d’inachevé, la partie d’animal brut toujours présente en lui lui faisant désirer qu’elle se montrât plus franche, plus forte, plus bestiale même, qu’elle l’agresse jusqu’au sang pour lui montrer sa force ! Dans un sens, ses prières furent satisfaites, car à la posture qu’elle prit, on aurait véritablement dit que son mode de pensée avait perdu de son caractère humain pour laisser place à quelque chose de rugissant qui se lisait dans ses yeux sous forme d’une lueur qui aurait presque pu effrayer l’ex-homme-loup : comme tout le monde, il était au courant des pratiques de certaines espèces comme la mante religieuse dont la femelle dévorait le mâle après l’accouplement, et pour un peu, il aurait cru que c’était ce qu’il avait devant lui ; on pouvait se demander pourquoi dans la famille des insectes, monsieur mante laissait madame prendre le barreau d’au-dessus dans la chaîne alimentaire, mais quiconque était passé par les mains d’une personne comme cet esprit d’érotisme dans un écrin de chair qu’était l’adolescente qui s’apprêtait à chevaucher le savant pouvait savoir que c’était en raison de cet appel impérieux et irrépressible du plaisir, ce dieu du monde qui ne laisse jamais personne totalement indifférent.
Pour qu’un câble rentre dans une prise de courant, une seule condition est nécessaire, mais elle doit être rigoureusement respectée sous peine de faire sauter tout le secteur : il faut que l’un et l’autre soient compatibles de manière à ce que le jus passe correctement, et Naysha et Saïl étaient tout ce qu’il y avait de plus compatibles si l’on en jugeait par les regards qu’ils se lançaient qui auraient pu faire fondre une calotte glaciaire. Seul le bout du phallus du jeune homme avait commencé à s’enfoncer dans la grotte de moiteur féminine, mais rien qu’à ce contact, alors que les sécrétions des glandes de Cowper et la cyprine se mêlaient, ils pouvait sentir des courants exaltants de nature à lui couper le souffle remonter depuis son aine jusqu’à son cerveau sous l’enlacement de ces lèvres vives. De toute évidence, la queue d’un autre genre s’était fait damer le pion, et justement, pour s’assurer que les frasques agaçantes de celle-ci ne se reproduisissent plus, la princesse de luxure la frappa d’emprisonnement, plaquant au sol l’appendice caudal fautif qui ne manqua toutefois pas de manifester son mécontentement plaintif en des gigotements toujours aussi agités. Or dans le même moment, le prince avait pu pénétrer dans l’arène pour la plus grande joie de son aimée qui en poussa un cri de surprise et de plaisir mêlés auquel il fit écho d’un grognement plus lupin qu’humain qui s’acheva en un soupir extatique ; car ce qu’il faut savoir, c’est qu’en appuyant sur sa longue tige de poils, elle y exerçait une pression qui se répercutait jusqu’au abords du fondement de son amant, lequel éprouvait ainsi des sensations inouïes : rien que la pénétration qu’elle lui offrait dépassait tout ce qu’il avait connu jusqu’alors de par la manière dont les parois vaginales se refermaient sans pudeur mais pas sans force autour de son membre, aussi la combinaison des deux l’aurait laissé dans un état d’inertie béate à baver avec une expression d’abandon complet sur le visage si elle ne l’avait pas aussi plus stimulé que jamais, l’enjoignant à concentrer ses efforts sur ces mamelles qui se mouvaient lentement au rythme des mouvements de leur propriétaire, ce qu’il fit, emprisonnant délicatement les deux globes sous l’étreinte experte des deux araignées chasseresses quintupèdes, comme s’il les soupesait, avant de s’affairer plus directement sur les zones érogènes, les doigts fabuleusement dextres exécutant leur ballet toujours aussi surprenant, certains doigts –et pas tout le temps les mêmes-, pinçant les tétons qu’ils titillaient sans réserve mais pas sans violence tandis que d’autres appuyaient à divers endroits des seins admirablement charnus, ces attouchements se faisant au rythme des va-et-vient de Naysha de même que les mouvements du bassin de Saïl sur le ventre duquel elle était appuyée, ses mains se perdant à moitié dans un liseré épais de poils sombres.
Un liseré épais ? Oui car l’Humanis Simplex, comme son nom l’indiquait, ne brillait pas par son efficacité, et déjà son utilisateur commençait à reprendre la forme qu’il avait délaissée quelques minutes auparavant, sa fourrure se reformant lentement mais sûrement, accompagnant la métamorphose progressive généralisée de son corps : sa peau s’épaississait et se durcissait, ses ongles devenaient griffes, ses mains se recourbaient légèrement, ses membres s’allongeaient et s’élargissaient, ses os se solidifiaient, son faciès se déformait et se garnissait de ce qui pouvait pour l’instant passer encore pour une barbe, son nez s’allongeait et s’épatait en museau, ses cheveux foisonnaient en une crinière, ses oreilles prenaient une position peu orthodoxe alors qu’elles s’étiraient de façon presque elfique, et il grandissait, étant à ce moment précis passé de 1m77 à 1m84. Bien entendu, tout cela restait encore peu prononcé ; au milieu du plaisir intense qu’il éprouvait et qui l’inondait, Saïl était loin de s’en rendre compte, et il n’était pas improbable que ce fût le cas pour Naysha aussi, mais s’ils ne l’avaient pas remarqué dans l’immédiat, cela ne saurait tarder à l’avenir…
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Naysha était, comme la plupart des lecteurs le sait, une jeune femme que l’on pourrait aisément qualifier de « nymphomane », tant ses désirs sexuels étaient grands, toutefois, elle ne se jetait pas non plus sur n’importe qui, et n’acceptait encore moins n’importe quoi, sans doute la cause en était probablement son côté trop égalitaire, qui faisait qu’il lui fallait pouvoir donner, mais aussi devoir recevoir, sans quoi le plaisir partait rapidement, tant la frustration devenait grande en elle, elle qui dans une bonne situation était des plus coquine, perverse, dévergondée, et tant que la délicatesse, humaine et non pas animale, voir bestiale, ainsi que l’envie de combler l’autre étaient présentes, ainsi qu’un certain respect, elle se laissait complètement aller, à des pratiques presque osées pour la plupart des gens, sans non plus rentrer dans des extrêmes que l’on associait plus à une catégorie que l’on appelle généralement « bizarreries », et là, pour citer quelques exemples, il y aurait par exemple la zoophilie – et non pas le rapport qu’elle entretenait présentement avec un « Homme-Lupin », capable d’avoir des sentiments, de parler, de ressentir, ce n’est pas pour autant non plus qu’elle se serait donnée à l’une de ces créatures à tentacules sans une certaine appréhension – ou encore tout plaisir tournant autour des déjections que les êtres humains se devaient tout de même de faire, mais en dehors de ces cas tout de même extrêmes, la jeune rouquine ne reculait devant rien ou presque, tant avec les hommes, ce qui était devenu, au fil du temps, son deuxième choix, tant l’attitude de ceux-ci, prévisibles, se montraient bien souvent décevants, à son plus grand dam, et comme la belle préférait tout de même certains mots bien choisis, contrairement à une drague préconçue, qui affichait clairement que le seul but était de « se la faire », même si l’intention des autres étaient souvent la même, au final, elle n’avait pas cette horrible impression de se sentir rabaissée au simple statut de poupée gonflable aux courbes de rêve, et pour cette raison, tout comme la trop grande rapidité d’en arriver à leurs fins, bien souvent, Naysha avait fini par leur préférer les femmes, bien plus douces, sensuelles, câlines, et pour lesquelles, l’acte passait plus simplement comme presque normal dans son esprit, puisque ça se résumait la plupart du temps à un échange de tendresse et de douceur que la gent masculine ne savait leur offrir, et de part ces expériences très nombreuse de bisexuelle accomplie, la jeune humaine à la longue chevelure de feu avait eu tout loisir de tester des fellations, accomplies en goûtant au sperme de son partenaire ou non, pour les cunnilingus, elle affectionnait particulièrement le goût unique du nectar précieusement offert, et elle a également connu bien des pénétrations, tant vaginales qu’anales, et les affectionnait selon les circonstances plus ou moins, et, pour achever, elle avait déjà utilisé bien des gadgets sexuels – comme des godes, de toute taille ou forme, des vibromasseurs, certains de ces « œufs vibrants », et tant d’autres –, seule, ou accompagnée, et était entrée dans bien des rôles, comme l’on pourrait par exemple citer la dominatrice et la soumise, l’infirmière, la prof, et bien d’autres clichés pour égayer une rencontre sexuelle très active et jouissive, mais pour laquelle peu de sentiments allaient naître.
Tout ça pour en arriver finalement à la conclusion, que dans le cas présent, notre héroïne, dont nous venons d’apprendre bien des choses, aurait pu accorder, sexuellement, à peu près tout à notre lupin préféré, s’il n’avait pas été en train de revenir sous sa forme un peu plus particulière, quoique, dans la continuité peut-être, bien qu’encore, elle préférait largement la forme humaine. Naysha était effectivement une sorte de « bête de sexe », lorsque son excitation atteignait un certain point assez précis, qui prenait tout de même en considération un nombre plutôt important d’éléments. Ainsi, elle était devenue cet animal avide de plaisir charnel, attitude généralement dédiée au « sexe fort », qui était plus enclin à apprécier une certaine brutalité, voir dans ce centre commercial, une certaine domination : Naysha voulait être remplie, elle se servait sans vraiment demander à son partenaire si la position qu’elle s’apprêtait à prendre lui convenait, il devenait une sorte de spectateur d’un plaisir toutefois partagé, bien qu’il pusse, s’il en avait eu le désir, retourner la situation. Elle avait longuement gémi et soupiré des caresses reçues, plus qu’offertes, il était à présent venu le moment de donner sans compter, et d’en recevoir du plaisir…
Elle se doutait bien, en son for intérieur, que dès l’instant de la pénétration tout irait vite, très vite, mais c’est ce qu’elle voulait, elle était chaude, bouillante, ruisselante de son propre nectar intime, elle avait été allumée, à un stade proche de la frustration, et il fallait tarir momentanément cette source, éteindre cet incendie qui l’aurait menée sur des chemin ou toute conscience disparaissait, ou elle se serait simplement empalée avec le premier objet qu’elle aurait eu entre les mains, dans ce centre commercial, ou dans une autre situation, sur le premier pénis passant à sa portée, et aurait agi d’une façon purement animale, comme si elle avait été en « rut ».
Fort heureusement pour Saïl, le cas n’allait pas se présenter ici, bien au contraire d’ailleurs, elle avait un pal de chair dur, gorgé de sang, tout comme l’était son « abricot », et elle put s’enfoncer profondément sur ce dernier, provoquant un plaisir partagé, immense, attendu, prévisible mais surprenant, qui les foudroya tout deux. Et non, la « princesse de la luxure » ne connaissait pas le résultat d’un tel aplatissement de queue, mais présentement, la seule chose qui lui importait étaient leurs plaisirs à eux deux, elle si elle avait été consciente de cette donnée, elle aurait probablement emprisonné de la sorte cette « entité presque indépendante » depuis fort longtemps, et se serait évité cet état proche de la bestialité, qui la faisait désormais s’empaler rapidement, et profondément, sur la bite de son « Loulou », comme si sa vie toute entière dépendait de l’orgasme qu’elle allait bientôt, très bientôt, atteindre. Les yeux à demi clos, les lèvres entrouvertes, elle se délectait des caresses mammaires qu’on lui octroyait si généreusement, sans la moindre retenue, qui ne firent que de décupler ses sensations, toute lucidité était loin, elle aurait voulu changer de position qu’elle n’aurait, en l’état, pu décider de son propre chef de le faire.
La sulfureuse rouquine n’était plus que plaisir, et avait de plus en plus de mal à se retenir sur ses bras, qui allaient inévitablement ne plus soutenir son poids d’ici peu, comme pouvaient l’annoncer ses soupirs puissants, ses gémissements qui devenaient peu à peu des cris de jouissance, et surtout, le rythme au niveau du pieu de Saïl qui ne faisait qu’augmenter encore, et encore, par à-coups incontrôlés. Les bras ne tenaient plus, ils fléchirent, et seules les paluches de son brun la retenait encore, alors que son bassin n’arrêtait pas, sur ce nouvel appui, de s’envoyer contre la verge dressée. Sa poitrine écrasée ne donnait plus vraiment de bonnes sensations, mais la jouissance était proche, très proche, et la belle donnait tout pour y parvenir, et faire atteindre la sienne à son mâle, car oui, en cet instant précis, il était tout au plus un mâle… La jouissance arrivait pour la jeune fille, elle n’allait vraiment plus tarder, surtout qu’elle sentait depuis quelques dizaines de secondes la verge prendre plus d’ampleur encore…
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Halètements, cris, grognements, gémissements, soupirs, gestuelle effrénée, mouvements plus ou moins contrôlés, insoutenable et délectable consomption du désir, remue-ménage, désordre, folie, furie, ardeur, fureur, pamoison, extase, sublimation, décadence, puissance, jouissance… tels étaient les ingrédients de l’acte amoureux, et ceux dont était composé le duo de bouillonnement d’hormones sauvage et incontrôlable qu’étaient les deux amants qui se plaquaient à répétition l’un sur l’autre sans jamais relâcher leurs efforts un seul instant, l’adrénaline et la soif de plaisir sexuel leur fournissant des forces démesurées pour mener à bien cette activité dont la conclusion était à la fois espérée et redoutée pour le sommet de délicieuses sensations perverses qu’elle offrait tout en représentant la fin de quelque chose qui procurait un bien aussi incomparable aux deux partenaires offerts l’un à l’autre en un complet abandon des sens qui divulguait la conviction de dépasser tout élément extérieur, plus rien n’important que ces masses organiques agitées et tressautantes de spasmes orgasmiques : le spectre des impressions que le monde pouvait leur transmettre se réduisait au fur et à mesure que le moment de la délivrance se faisait de plus en plus proche, passant du centre commercial au tissu sur lequel Saïl était plaqué, puis de cette étoffe trop rêche et déplaisante à Naysha, créature à la douceur charnelle et à la tendresse naturelle inimitables, puis ce qui faisait la personne elle-même venait à consister uniquement en une suite de gémissements, de battements cardiaques affolés cognant comme un tambour, et, par-dessus tout, de frottements des parois vaginales contre la verge de son amant, laquelle ne semblait jamais s’être montrée aussi incroyablement réactive qu’en ce moment, chaque parcelle de sa chair turgescente donnant l’impression de pousser de son propre chef dans cet antre de féminité ruisselant de liquide qui lui-même se resserrait à la manière d’un étau de délectables tortures pour pousser le supplicié à cracher le morceau au sens le plus crûment littéral du terme ; cette expérience que le savant vivait dépassant sans l’ombre d’un doute tout ce qu’il avait vécu au cours de son quart de siècle en matière de luxure, le transfigurant d’une telle manière que son esprit paraissait quitter tout autre préoccupation que ce coït pour se vouer à s’en gargariser les centres nerveux jusqu’à l’excès, sans pour autant que sa nature profonde en changeât, car il avait un grand cœur, et même en ce qui concernait les attraits libidineux, il pensait avant tout aux autres plutôt qu’à lui en bon médecin à l’hygiène de vie toujours teintée d’optimisme et d’humanisme, se focalisant sur le bien-être de la princesse qui le chevauchait si follement présentement, même s’il aurait été bien hypocrite de dire qu’il était laissé au second plan en dépit du statut de bâton de plaisir raidi au maximum auquel il tendait à être réduit ; car il se doutait encore une fois bien que la jeune fille pourtant si suave risquait fort de vouloir délaisser un pauvre hère comme lui dès qu’elle se serait lassée de ce qu’il pourrait avoir à lui offrir, même si c’était là tout sauf ce que désirait un gentil garçon tel que lui qui n’aurait de cesse que cette relation qu’ils avaient tissée et qui s’avérait si pleine de voluptés ne s’achevât pas brusquement à la façon d'un coup d’un soir mais atteignît au contraire un niveau plus intimement gratifiant, plus doucement consensuel, plus durablement affectueux… mais bon, cela n’était nullement uniquement de son ressort mais aussi et surtout de celui de sa compagne, et cela ne changerait pas, quand bien même il aurait pu donner tout l’or du monde pour une promesse de la revoir et de la revoir encore pour partager d’autres moments de tendresse qui ne se cantonneraient en aucun cas à de simples rapports sexuels mais revêtiraient un caractère franc d’entraide, de compassion et d’attachement mutuel, quitte à ce que le commerce qu’ils en viendraient à entretenir fût exclusivement composé de cela de la manière la plus platonique du monde, ce qui ne serait pas une perte pour lui mais bien une preuve que l’on pouvait épauler quelqu’un avec le plus total désintérêt sans attendre pour autant une rétribution quelconque en échange.
Mais pour l’heure, la situation en était à des agissements beaucoup moins élevés, même si on pouvait dire, selon l’expression consacrée, qu’ils étaient en train d’atteindre le septième ciel étant donné que Saïl percevait tout autour de son membre sensible au possible des mouvements des parois vaginales qui indiquaient que l’heure de l’éjaculation était proche pour Naysha, tout comme elle l’était pour lui qui avait déjà dû à plusieurs reprises contracter fortement ses muscles pelviens pour éviter de laisser échapper ses fluides en risquant ainsi de laisser sa partenaire sur sa faim. Mais maintenant, ils étaient tous les deux aux frontières de la jouissance dont quelques secondes à peine les séparaient, l’attitude de la rouquine qui commençait à s’affaisser sur elle-même sous le plaisir qui l’envahissait montrant que la conclusion de cet acte d’une richesse jamais atteinte pour lui dans le domaine des sensations approchait… et allait-il donc la laisser s’effondrer sur lui comme une poupée de chiffon tandis qu’il savourerait égoïstement la délivrance ? Certes non, et d’ailleurs, ce n’était pas comme si la soutenir jusqu’au bout de tout ce qu’il pouvait donner lui aurait demandé un effort surhumain vu que ses mains larges et protectrices étaient déjà à l’emplacement qui convenait par lui fournir un reposoir des plus convenables afin qu’elle se laissât aller autant qu’elle le voudrait.
Toutefois, il ne voulait pas se limiter à un tel contact ; il voulait qu’ils soient le plus rapprochés possible de façon à partager leur extase de la manière la plus charnellement et spirituellement connexe pour ce moment d’ultime oubli : alors qu’elle s’effondrait littéralement, comme à bout de forces, son aimant se redressa tout à coup d’une vive impulsion de ses muscles pectoraux maintenant que toute pression sur eux avait été relâchée avec la défaillance de l’adolescente à la peau rougie qui faisait ton sur ton avec ses cheveux flamboyants, contre laquelle il apposa avec une douce fermeté son corps brûlant de désir, l’enlaçant tendrement de ses longs bras alors qu’il l’embrassait passionnément comme en un clou du spectacle. En effet, le mouvement qu’il venait d’exécuter avait évidemment déplacé son bassin et par conséquent son braquemart qui se pressa plus fortement contre le fourreau de velours qui l’accueillait, faisant naître une nouvelle vague de sensations chez son possesseur qui n’aurait pas pu résister une seconde de plus et vint alors de la manière la plus fantastiquement exaltante qu’il eût jamais expérimentée avec un long et profond gémissement étouffé par le baiser qu’il partageait, ses muscles se contractant pour serrer Naysha contre lui plus étroitement encore sans se départir de cette absence de brutalité dont il avait fait preuve jusqu’ici, tenant à ce que ce grand final fût un moment marquant pour elle, un souvenir qu’elle pourrait ressasser sans amertume comme ce serait le cas pour lui en tout cas.
Cependant, des données plus prosaïques commençaient à sourdre dans son esprit qui avait été jusqu’ici trop immergé dans les brumes languides induites par l’intensité des relations charnelles qu’il venait de vivre et vivait toujours pour se rendre compte que son corps était en train de changer : désormais, son visage ne pouvait plus passer pour réellement humain qu’avec une certaine distance, et une couche de poils difficile à ne pas percevoir recouvrait la quasi-intégralité de son corps alors qu’il avait continué de gagner en taille pour en atteindre une avoisinant les deux mètres. Bien entendu, il s’en rendait compte, et en éprouvait au fond du cœur une pointe de déception teintée de mélancolie à l’idée qu’un instant pareil prenait déjà fin pour qu’ils en revinssent sans doute à des idées moins libidineuses maintenant que la vapeur avait été lâchée, mais il ne voulait pas rompre la magie en en faisant état trop brusquement, pas plus qu’il ne voulait que cela se produisît en prononçant le moindre mot. Pour quelqu’un qui avait dû devenir un ermite par la force des choses comme lui et qui avait d’ailleurs passé toute sa vie sans vivre beaucoup de moments réellement intimes, celui qui avait lieu lui était immensément précieux, et il voulait prolonger l’enchantement le plus longtemps possible.
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Oui, l’heure était à l’orgasme approchant, à leurs deux jouissances respectives qui n’allaient pas tarder à les envahir, à les faire chavirer, à les emmener dans ce « 7ème ciel », que l’on pouvait aisément comparer à une espèce d’univers parallèle, proche de cette réalité, à quelques détails près, mais non loin insignifiants. L’on peut, par exemple, dire que cet univers là ne prends en compte que les choses essentielles et impossible à éloigner pour tout ce qui englobe l’aspect du « plaisir ». Le rejoindre est en général assez aisé, en effet, il suffit de s’adonner au plaisir charnel, que ce soit de manière solitaire, via une masturbation généralement lente et appliquée, à l’aide d’objets, ou non, ou alors en étant plusieurs, à donner et recevoir ce plaisir, et le nombre est généralement de deux personnes, mais il est tout à fait possible de rejoindre ce « 7ème ciel » à trois, quatre, cinq, et sans doute plus encore, et cet univers est peu restrictif, que les protagonistes soient hommes, femmes, ou les deux, tous sont les bienvenus, dans leur monde. Car non, toute personne s’octroyant ce genre de plaisir de rejoignait pas un univers, grand, dans lequel leurs esprits échauffés auraient pu se rencontrer, non, l’univers se rejoignait seul, à deux, ou plus, mais seulement pour les personnes partageant cette montée entre elles, et de ce fait, l’on pourrait aisément dire, scientifique ou non, que cet espèce d’univers parallèle se copiait lui-aussi en univers parallèles, en nombre ascendant ou descendant, selon le nombre de personnes se faisant, ou se donnant du plaisir. Et pour en revenir à ce que l’on trouve dans ce monde, et bien c’est principalement du plaisir, et son ou ses partenaires, si l’on en a. Et le reste, alors ? Et bien le reste, tout le reste, fait partie de ce superflu, et est de ce fait totalement inutile à ce moment de l’orgasme, qui déploie tant de bienfaits pour le corps et l’esprit. En quelque sorte, l’on pourrait dire que les choses les plus simples sont bien souvent les meilleures…
Et justement, le chemin menant à ce fameux « 7ème ciel » était présentement arpenté par Saïl, l’homme-loup redevenu humain pour quelques minutes, alors qu’il reprenait sa forme animale petit à petit, sous les effets de cet « Humanis Simplex » qu’il s’était injecté, causant en lui une douleur affligeante, avant d’éprouver grâce un lui un plaisir des plus délicieux. Et il ne cheminait pas seul, bien au contraire, il était accompagné par une jeune lycéenne, sulfureuse, habituée bien plus que la moyenne à rejoindre cet univers pour lequel elle avait reçu depuis longtemps son passe V.I.P., qui s’adonnait, elle, de façon presque bestiale à un coït qui lui était devenu à peu près indispensable, tant les circonstances avaient été favorables à la montée de son propre désir. Si l’on revient quelques heures plus tôt, à peine, nos deux protagonistes n’avaient absolument aucune connaissance l’un, comme l’autre, de l’existence de celle, et de celui, qui les y amèneraient, une sorte de manière de prouver une théorie avancée plus haut : ce monde parallèle était bel et bien accessible à tout le monde, de manière assez aisée, pour peu que l’on s’en donne la peine.
Comme pour s’assurer d’y parvenir, Naysha, qui était plus que proche de la jouissance, empourprée, en sueur, et bestiale dans le rapport qu’elle entretenait présentement, tant elle avait été « chauffée », voulait être absolument certaine que son Jules de l’instant l’atteindrai, lui aussi. Pour se faire, accompagnant ses profonds mouvements sur la turgescence grandissante de son « Loulou », elle ne se privait pas de faire travailler ses muscles intimes, afin de serrer cette verge qui grandissait en elle à l’aide de ses parois vaginales, notamment, afin de décupler un plaisir qui atteindrait, au vu de la situation exceptionnelle, un sommet qu’elle n’avait sans doute que rarement atteint jusqu’alors en compagnie masculine, et il y avait fort à parier que dès sa retombée de cette puissance orgasmique arrivante, elle s’en rendrai compte. Son Saïl l’avait rattrapée, puis faite atterrir sur son torse de plus en plus velu d’une manière très douce, malgré la brutalité de la scène, une brutalité que la sulfureuse rouquine dégageait, comme expliqué précédemment, que rarement, mais c’est celui qui redevenait bête qui l’avait causée…
Ainsi enlacée, et enlaçante, car elle aussi voulait se rapprocher encore plus de lui, puisant dans les dernières forces qu’avaient encore ses bras, après que son homme-loup se fut redressé, échangeant un baiser passionné, fougueux, ardent, torride, avec cette bouche qui allait sous peu redevenir gueule, et ainsi positionnée, l’axe de pénétration avait légèrement changé, et n’en était que meilleur pour la lycéenne. Et comme pour atteindre ce fameux « 7ème ciel », le Saïl, à bout, venait d’éjaculer en elle, profondément enfoncé en elle, elle qui trembla en ressentant ses à-coups de ce sperme qui venait de se décharger en elle, et qui l’entraîna à son tour dans une longue jouissante, alors que tout son corps se raidît, se cambrant, dans un cri digne de l’animal qu’elle venait d’être, d’un cri d’une jouissance certaine, d’un cri se mêlant à ce baiser qui allait devenir plus tendre…
Et puis, lentement, la descente se fit, la respiration de la belle redevenait moins effrénée, son cœur semblait lui aussi reprendre un rythme plus conventionnel, alors qu’elle restait enlacée à son « Loulou », après avoir rompu ce baiser, et avoir le plus simplement du monde posé sa tête dans le creux de l’épaule du velu, puis, sentant la verge qui venait d’exploser en elle diminuer en taille, alors que le sang dont elle s’était gorgée retournait à ses autres occupations, plus rapidement que ce qu’elle prenait en taille, elle restait là, le gardant en elle pour l’instant, le regard voilé, elle ne voudrait plus que tendresse désormais…
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S’il avait dû choisir entre la mélancolie ou la félicité pour exprimer ce qu’il ressentait, Saïl aurait été bien en peine de délaisser un mot au profit de l’autre, car en réalité, il lui semblait ressentir un mélange des deux, comme s’il avait été en train de se baigner dans une source chaude remplie d’une eau délicieusement apaisante et avait dû pour s’en sortir et retourner vaquer à des occupations à caractère plus constructif confronter son corps relaxé aux tourments glacés d’un vent froid et impitoyable : bien sûr, il n’était pas obligé de s’en extirper, pas dans l’immédiat en tout cas, et pouvait à bon droit y rester immergé longtemps pour prolonger la joie d’une telle béatitude, mais tôt ou tard, l’expérience allait devoir prendre fin sans qu’il pût alors savoir si elle allait se reproduire un jour. Oui, la petite (car désormais, en comparaison de la taille qu’il avait acquise, elle paraissait une naine) créature qu’il tenait serrée contre lui comme si sa vie en dépendait et qui d’ailleurs –suprême bonheur !- lui rendait son étreinte pouvait réellement être comparée à une source car elle était ressourçante : ce n’était pas tout de « prendre son pied » pour parvenir à cette quintessence d’harmonie jouissive à laquelle pouvait mener l’acte sexuel, il fallait aussi que celui-ci se passât d’une manière telle que chaque partenaire pût s’estimer comblé de manière à ce qu’il se sentît instinctivement poussé à rendre la pareille à son ou ses amant(s) et que tout se passât ainsi dans une bulle d’extase transcendante qui pouvait de cette manière les emmener voguer sur les eaux tranquille de ce que l’on nommait métaphoriquement le repos du guerrier.
D’ordinaire, cette expression était surtout utilisée pour signifier l’état de fatigue d’un homme après l’éjaculation, moment qui le laissait plus épuisé que la femme, mais absolument rien n’empêchait qu’elle pût s’appliquer à un sexe comme à l’autre, car bien souvent, une session de ce sport de chambre conventionnellement pratiqué en couple pouvait prendre une tournure pour le moins acrobatique, les grognements, cris et gémissements divers qui la ponctuaient alors lui donnant davantage l’air d’une lutte à corps perdu que celui d’une bête insémination ; et c’était bien connu qu’entre frères (et sœurs, ne soyons pas machiste) d’armes, il devait y avoir une camaraderie qui consistait, entre autres assistances diverses, à s’épauler l’un l’autre dans les moments de faiblesse. Cela paraissait être présentement le cas, puisque d’un côté, Naysha, après s’être agité avec une ardeur digne d’une vigoureuse belette, ne paraissait désormais plus qu’aspirer à un câlin fait uniquement de douceur et d’attention, se laissant aller contre la peluche géante en cours de mutation qu’elle avait face à elle et qui, de son côté, était plus que prête à lui offrir tout le confort que cette ravissante jeune fille voudrait, car il désirait au moins tout autant qu’elle sentir son corps nu contre le sien qui déjà se rhabillait de lui-même, se couvrant quasiment partout d’un manteau de poils touffus.
D’ailleurs, rares étaient sans aucun doute les personnes à avoir pu toucher la fourrure d’un loup sans écoper dans le processus de quelque cuisante morsure ; et plus rares encore devaient être celles à avoir vécu cela avec un loup-garou, mais pour peu que la créature qui vous enlaçait de la sorte ne le fît pas dans le but de vous broyer les os avant de vous croquer, l’expérience avait de très fortes chances d’être des plus agréable : être pour ainsi dire enveloppé dans un cocon de poils moelleux et chaud qui vous pressait tendrement contre lui avec pour seul bruit rompant une si duveteuse sécurité celui des battements de son grand cœur contre votre oreille, ne s’agissait-il pas là de la définition même de ce que peut être quelque chose de rassérénant dans toute sa splendeur ? De fait, Saïl savait (ou du moins pensait) que son apparence d’homme-loup n’était aucunement de nature à exciter le désir chez d’autres personnes, mais qu’elle avait au-delà de son abord imposant et même terrifiant une apparence qui pouvait très facilement rassurer quiconque se trouvait sous sa protection, la figure de gardien bestial invincible qu’il arborait alors ayant de quoi donner la certitude que sous l’égide d’un être pareil, rien ne pouvait vous arriver… et en effet, il ne voulait rien vouloir arriver à sa rouquine adorée qu’il voulait garder pour lui tout seul ne fut-ce que pour quelques minutes avant qu’ils n’eussent à se séparer de la posture dans laquelle ils se trouvaient : il ne s’était très probablement jamais senti aussi comblé, aussi gratifié, aussi bien tout simplement qu’en ce moment même, alors qu’après avoir flamboyé en rugissant de passion, l’amour couvait sous la cendre à la manière d’un matelas de plumes sur lequel ils pouvaient tout deux se reposer.
Il n’y prêtait attention que maintenant étant donné qu’il croyait que de pareilles sensations étaient dues à l’intensité inédite de l’acte sexuel qu’il avait connu, mais son corps entier l’étirait douloureusement, comme si son enveloppe charnelle avait été changée en plastique pour être tordue sous la poigne inébranlable d’une machine de fabrique qui se serait efforcée de lui faire reprendre les traits de celui qui se nommait communément Khral ; et cette souffrance légère mais tenaillante, combinée avec la désagréable impression de retour à la case départ l’envahissait d’un poids dans la poitrine qui lui donnait envie de pleurer… mais il ne pleurerait pas, non ! Il l’avait déjà suffisamment affligée avec les larmes qu’il avait versées tout à l’heure, il était temps désormais de changer de disque et de faire preuve d’un peu de courage de manière à ne pas rompre la voluptueuse sérénité qui s’était instaurée, d’autant plus qu’il n’y avait certainement rien de plus pathétique à voir qu’une personne qui pleurait après avoir connu l’orgasme. Oui, plus tard, il faudrait affronter à nouveau la réalité d’un œil plus prosaïque, mais pour le moment, ceux de Saïl étaient embués aux même titre que ceux de Naysha d’une couche de béatitude heureuse dans laquelle ils se laissaient flotter au gré de la presque immobilité symbiotique qu’ils observaient, encore « emboîtés » l’un dans l’autre sans aucun complexe, le mélange de leurs fluides respectifs s’écoulant de l’aine de la demoiselle de feu devenue braises pour s’accumuler dans l’espace concave que formaient leurs deux abdomens l’un contre l’autre.
Durant les quelques minutes qui s’égrenèrent le plus paisiblement du monde, la métamorphose s’acheva dans le silence le plus complet, le jeune homme ne poussant pas le moindre gémissement en dépit de ses élancements alors qu’il redevenait homme-loup, et gardant toujours sa douce amoureusement collée contre son torse qui se transformait en un véritable nid fait de fourrure. En relevant la tête, elle aurait pu voir que ce n’était désormais plus un visage humain qui la fixait, mais bien un faciès tout ce qu’il y avait de plus lupin, bien que la lueur dont brillaient ces yeux n’eût pas changée, l’altruiste scientifique tout de gentillesse et d’affection ne disparaissant jamais, peu importât les formes qu’il pouvait revêtir et les situations dans lesquelles il se trouvait, à plus forte raison quand la situation en question était celle d’un câlin avec une des personnes qu’il chérissait le plus au monde et avec laquelle il avait partagé un moment d’exaltant bonheur qu’il ne prenait nullement à la légère.
Enfin, quand ses sensations eurent regagné une certaine stabilité et qu’il sentit qu’il pouvait se mouvoir sans faire de geste brusque ou incontrôlé, ses pattes plus larges que jamais se mirent à bouger pour caresser le dos souple et lisse de l’adolescente qu’il aimait tant, octroyant à cette peau satinée un passage délicat en dépit de la rudesse naturelle de ses paumes. Dans le même temps, il courba la tête en direction de cette masse de cheveux au rouge si particulier au sein de laquelle il ne se priva pas d’appliquer doucement ses lèvres aux allures de babines à plusieurs reprises, embrassant cette boîte crânienne aux contours si nobles. Il aurait pu rompre la loi du silence qui avait régné jusqu’ici en ce qui concernait les paroles afin de dire à Naysha des tas de choses, comme par exemple combien il avait apprécié ce qui s’était passé entre eux, ce que cela signifiait pour lui et l’espoir qu’il avait que cette rencontre pourtant fortuite ne fût pas la dernière qu’ils vivraient, mais il se sentait encore trop maladroit pour s’exprimer convenablement, et laissait donc pour l’instant les actes parler pour lui.
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Prenant tout son temps, appréciant les émotions qu’elle venait de ressentir, encore emplie, pouvant sentir des fluides s’échapper d’entre ses cuisses, la belle lycéenne ferma les yeux, un sourire aux lèvres, et restait simplement affalée sur son « Loulou », reprenant petit à petit contact avec la réalité, quittant cet univers que venait d’être leur « 7ème ciel ». Elle pouvait entendre le cœur de Saïl au rythme diminuant, tout comme le sien, tout comme leurs respirations. Et la belle se contentait d’apprécier le moment présent, de se remémorer l’entier de cette rencontre, probablement plus vulnérable que jamais, et ainsi vulnérable, elle a accueilli les pattes qui venaient de l’entourer avec un grand plaisir, presque un soulagement. Elle avait bien pu sentir qu’il était redevenu plus loup qu’homme, mais était-ce important, après ce qu’ils venaient de vivre ? Pour elle, pas vraiment, bien qu’un loup-garou, ça reste quelque chose de particulier, et malgré toute l’attitude de ce loup là, et bien, elle aurait bien du mal à lui rendre cet amour qu’il allait peut-être dégager, dans les minutes à venir.
A vrai dire, plus elle repensait à cette situation entière, plus elle était persuadée d’être tombée sur un homme hors du commun, devenu grâce à une raison inconnue cet hybride, qui conservait sous son apparence effrayante sa personnalité plutôt amusante de ce qu’il avait été. Et puis il était doux, sensible, sincère, sans aucun doute un homme à peu près parfait, même si sexuellement, il ne devait pas être des plus expérimenté, il n’avait de loin pas été un mauvais amant, et un rien de pratique de plus le rendrait encore meilleur, sans le moindre doute possible. En fait, en dehors de cette apparence, il avait tout pour lui plaire, à la jeune lycéenne, sauf qu’elle, elle savait que même en se disant amoureuse, elle se laisserait toujours attirer par certaines situations, et que la fidélité ne serait pas sienne, pas pour le moment en tout cas, et dans un tel cas, elle préférait rester libre, hors de toute relation de couple. Elle n’avait envie de faire souffrir inutilement, et dans le cas où la personne qui aurait été l’élu, ou l’élue, de son cœur n’aurait pas été dérangé par ces infidélités sans doute fréquentes, sans parler de son travail qui l’amusait bien, elle se serait en quelque sorte sentie offenser, de ne pas créer une espèce de petite jalousie au moins, et de se sentir désirée, désirée par ce, ou cette partenaire avec un réel amour, mais tout restait possible, sur un flash. Il lui fallait juste le sentir, et là, ce n’avait été le cas, et bien sûr, elle ne refuserai pas de le revoir, ni peut-être de « s’envoyer en l’air » à nouveau avec lui, si l’envie venait, mais elle se verrait mal devoir à chacune des apparitions du lupin supporter cette odeur peu agréable, à laquelle on s’habitue avec un peu de temps, mais tout de même désagréable…
Et puis, à quoi bon y penser, la situation évoluera jusqu’à l’ouverture des portes du magasin, à moins qu’ils s’enfuient plus tôt, mais l’heure était toujours à cette espèce de tendresse, quelque peu gâchée par l’impossibilité pour elle de l’embrasser, enfin, ça lui faisait un peu drôle de devoir déposer un baiser sur une gueule, et non plus une bouche, puisqu’elle se doutait, sans l’avoir vu, que la truffe de Saïl était revenue, avec le reste de sa transformation presque désespérante, bien que si elle était survenue cinq ou dix minutes plus tôt, ça aurait sans doute été pire, bien pire…
Puis le lupin se mit à caresser son dos nu, il déposa également plusieurs baisers sur ta tête, dans ses cheveux, et elle avait du mal à lui répondre, sinon en le lui rendant un peu comme l’on caresse un animal : une main vint sur le cou du grand velu, et le caressa lentement ici, remontant un peu vers sa nuque, dans le même genre de caresses qui auraient sans doute plu à un animal, mais pour ce qui était de l’homme-loup, à vrai dire, elle n’en savait absolument rien. Et puis leurs liquides s’écoulaient encore, d’entre ses cuisses, et elle commençait à trouver cette présence « de trop », dans la situation présente, et décida s’élever légèrement son bassin, puis finalement de se retourner, et de s’allonger aux côtés de son partenaire, sur le dos, un bras en guise de coussin, sous sa propre nuque, alors que le second se déposa sur son propre ventre. Elle regardait les étoiles à travers une vire du plafond, le sourire persistant sur son visage, et au bout d’une longue contemplation, elle murmura :
- La nuit est belle aujourd’hui, ne trouves-tu pas ?
Ses mots, toujours doux, étaient formulés lentement, et surtout, elle ne quitta pas les astres qu’elle avait en mire du regard, à vrai dire, elle ne savait pas trop ce qu’elle devait faire en ce moment précis, et préférait regarder là-haut, comme pour y chercher une réponse. Elle ne voulait pas spécialement partir là, tout de suite, mais elle voulait éviter de donner de probables faux espoirs à Saïl, et dans la mesure dans laquelle elle ne pouvait pas simplement aller chercher ses vêtements et s’en aller, elle ne savait pas vraiment que dire afin qu’un trouble ne s’installe pas entre eux, car après tout, ils n’avaient à ses yeux de jeune femme rien fait de mal ou de répréhensibles, bien au contraire, mais le caractère de son amant des plus particuliers de cette nuit ne devait pas vraiment ressembler au sien, et ça, elle en était presque convaincue.
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Doucement, comme un bateau qui, après avoir tangué follement sur des vagues tumultueuses entrecoupées d’éclairs ravageurs, bénéficie d’une accalmie soudaine qui lui permet de flotter en toute tranquillité sur les crêtes écumeuses, puis doit mettre fin à son excursion pour regagner le port et la normalité des activités humaines, le vaisseau de l’expérience amoureuse qu’ils avaient vécue se posa tranquillement sur des terres moins enchantées lorsque Naysha se retira de sa virilité maintenant revenue à des proportions plus raisonnables avant de se dégager de l’étreinte de son amant qui la laissa doucement partir sans chercher à lui imposer son contact et de s’allonger à sa gauche, toujours installée sur le tapis qu’ils avaient choisi comme matelas, tapis qui en laisserait d’ailleurs certainement plus d’un à tout moins perplexe pour essayer de découvrir pourquoi la carpette de son magasin était entachée de fluides dont il ne préfèrerait pas connaître l’origine. Manifestement, maintenant que le prince était redevenue Bête, la Belle avait un intérêt au mieux sentimental pour lui, son corps d’homme-loup ne lui revenant apparemment que bien peu : certes, elle l’avait gratifié de quelques caresses, mais c’étaient les mêmes que l’on aurait pu offrir à un chien ou un cheval pour le flatter, et Saïl avait d’autre part senti quelque chose dans ses gestes qui lui disait que le cœur n’y était pas. La pensée que son quart d’heure de bonheur s’achevât si brutalement lui était un pincement fort douloureux dans la poitrine, mais c’était une souffrance qu’il allait devoir assumer s’il ne voulait pas passer pour un lamentable godelureau transi : il avait eu droit à sa part de félicité dans les bras d’une femme, et maintenant que la magie du moment était passée, le mieux à faire était de graver les souvenirs qu’il s’était faits dans sa mémoire de manière à ce qu’ils se muassent en tendres remembrances au fil du temps plutôt qu’en une amère passade.
Maintenant que la griserie était retombée, il aurait pu s’en vouloir de s’être laissé aller à ce qu’on aurait peut-être bien pu appeler un détournement de mineurs, mais cette préoccupation lui apparut comme tellement vaine qu’il ne se donna même pas la peine de s’y appesantir : il n’y avait aucunement eu quoi que ce fût de répréhensible dans les rapports qu’ils avaient eus, et de toute façon, son statut de créature surhumaine l’avait mis à ce point à l’écart des lois et des diktats humains qu’il ne se posa pas la question. Non, pour le moment, la seule chose qui avait son attention était la situation qu’il vivait et qui pouvait encore se goûter, car même lorsqu’on avait bu le calice jusqu’à la lie, cuver tranquillement son vin peut n’être pas dénué d’un certain agrément, surtout quand c’était en compagnie d’une demoiselle si charmante. D’accord, la demoiselle en question était loin de se pâmer d’affection pour lui, mais cela ne l’empêchait pas de l’aimer autant qu’il était possible d’aimer une dame au caractère apparemment si libertin sans pour autant l’étouffer d’attentions trop pressantes ou trop répétées. Reposer là, tranquillement, en partageant la proximité de quelqu’un à qui il tenait et qui tenait probablement aussi à lui était un luxe que l’homme-loup n’avait pas pu se permettre depuis bien longtemps, et maintenant que la possibilité lui en était donnée, il avait bien l’intention de l’apprécier, même si tout romantisme semblait appartenir au passé jusqu’à leur prochaine rencontre… si rencontre il devait y avoir, ce que Saïl souhaitait sans toutefois oser ancrer un tel espoir dans son âme.
Qui aurait pu prévoir qu’au détour d’un énième cahot des landes, sa vie prendrait un tel tournant, un tournant qui était une péripétie de plus parmi la folle spirale de son existence, et qui le mènerait à expérimenter quelque chose d’aussi inédit et inoubliable ? Il menait une drôle de vie…
La voix de son amante le sortit de ses réflexions, et depuis la position allongée qu’il avait adoptée pour que son visage se retrouvât au même niveau que celui de Naysha, il tourna la tête pour l’écouter avant de reporter son attention sur ce paysage nocturne qu’elle mentionnait. La nuit… oui, bon, c’était une nuit comme les autres, avec le même ciel, les mêmes étoiles, les mêmes constellations… le même univers en somme, et il n’y avait pas là de quoi casser trois pattes à un canard pour quelqu’un qui pouvait littéralement explorer le système solaire en détail par la pensée. Heureusement, il s’abstint d’une remarque aussi abrupte qui n’aurait fait que renforcer l’éloignement qui s’était opéré entre eux deux depuis qu’ils s’étaient séparés physiquement l’un de l’autre, et il opta pour quelque chose d’un goût plus relever pour briller toujours par son esprit de répartie à défaut de son apparence.
« Elle est très belle, surtout ses étoiles… mais j’ai rencontré la plus belle : une étoile filante, une comète rougeoyante ! »
Et sur ces paroles, il la gratifia d’un nouveau clin d’œil, même si désormais, de tels traits risquaient de ne plus avoir le même impact galant maintenant qu’ils… qu’ils… Ah zut à la fin, de quel droit se serait-il apitoyé sur son sort alors que beaucoup auraient donné un doigt pour se retrouver à sa place ? D’accord, à voir l’intérêt tout restreint que sa compagne avait à présent l’air de lui porter, il sentait que sa part d’homme-loup s’apparentait à Cyrano, ce héros flamboyant mais à l’apparence repoussante qui se sentait obligé de laisser la place à Christian pour courtiser la douce Roxane tout comme Khral devait disparaître le temps que Saïl passât à l’acte, mais le cadet de Bergerac savait toujours faire preuve de son inébranlable panache pour tirer son épingle du jeu, et il n’avait qu’à en prendre de la graine pour tirer le meilleur parti de cette nuit à laquelle il restait de nombreuses heures qu’il ne tenait qu’à lui de rendre le plus appréciables possible pour l’admirable Naysha.
« Le loup ne te revient pas vraiment hein ? »
Ce disant, il ponctua son visage d’une mimique boudeuse volontairement exagérée pour minimiser l’impact d’un tel constat, mais même prononcé avec la plus grande neutralité possible, cela lui tira de la poitrine un soupir qu’il s’empressa d’enrayer en poursuivant d’une voix qu’il s’efforça de rendre joyeuse et entraînante :
« Mais ce loup est toujours à ton service si tu veux bien de lui : veux-tu qu’il te ramène chez toi ou te fasse visiter la nuit… ou est-ce que tu préfèrerais d’abord profiter de l’endroit pour faire les boutiques avant de se sauver ? »
Ce disant, il afficha un de ses sourires enthousiastes qui parvenaient toujours à percer les couches de tristesse qui pouvaient le recouvrir quand les choses n’allaient pas fort ou qu’il avait à faire face à quelque déconvenue : elle était jeune, et il lui restait encore beaucoup de bonheur divers à vivre en tant qu’humaine de la Terre, tandis que son destin s’annonçait beaucoup plus tumultueux si l’on prenait en compte toutes les choses qu’il avait découvertes depuis son arrivée sur Terra et auxquelles il ne pouvait se permettre de tourner le dos désormais. Même si c’était triste à dire, il fallait bien avouer que les voies qu’ils empruntaient étaient très différentes l’une de l’autre et qu’ils n’avaient probablement pas grand-chose en commun… mais allons, c’étaient les composants les plus inattendus qui formaient les mélanges les plus détonants, et comme il l’a plusieurs fois été répété, même si la perspective d’une vie à caractère un tant fût peu conjugale entre eux deux paraissait aussi incongrue que le ménage d’une chatte et d’un loup, rien n’empêchait les deux animaux de maintenir un certain commerce et de se rencontrer à l’avenir pour leur plaisir mutuel !
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Elle sentit le regard du son amant se poser sur elle lorsqu’elle lui posa cette question, une question plutôt bien choisie à vrai dire, puisqu’elle avait une espèce de double sens, et elle avait espéré une autre réponse que celle que « Loulou » choisit, qui semblait s’inspirer de ce qu’observait Naysha plutôt que par ce qu’elle lui avait vraiment demandé, et elle ne put s’empêcher de sourire en se faisant une telle réflexion. Quoiqu’encore, la réponse se terminait dans une sorte de compliment qui faisait toujours plaisir à entendre, surtout lorsque l’on le savait sincère et plutôt spontané. Finalement, lâchant les astres, elle tourna la tête en direction de Saïl et lui sourit tendrement, alors qu’il venait de lui faire un clin d’œil. A priori il semblait conserver son petit côté humoristique, et la réaction de la belle restait simplement naturelle. Elle lui répondit, en venant tapoter le dessus du museau de son compagnon :
- Je te remercie du compliment, mon cher Saïl, mais tu n’as pas répondu à la question dans le bon sens, tout du moins j’en ai l’impression…
La voix douce, mais taquine et joueuse, et à son tour elle lui renvoya un clin d’œil, tout en se rapprochant légèrement, alors que le « Loulou » lui posa une autre question, à laquelle son simple rapprochement aurait pu suffire en guise de réponse, mais dans le doute, Naysha lui répondit simplement, mais franchement.
- Pourtant, n’est-ce pas le loup que j’ai rencontré en premier, qui a su me faire rire et me faire fondre ? N’est-ce pas sur la cuisse de ce même loup que je m’étais posée, et n’est-ce pas en grande partie grâce à lui que l’homme à pu partager cet instant magique que nous venons de vivre ?
Elle reprit une inspiration, avant de poursuivre de son ton toujours doux, et murmurant.
- Faire l’amour à un loup, je n’y pense pas vraiment, même si je suis très ouverte, je reste dans certaines limites, malheureusement pour ce côté loup qui t’habite majoritairement. Ca n’en fait pas de toi un être que je fuis, il semblerait… c’est juste qu’il te faudrait plus d’humanité dans ton apparence pour que… enfin… que je souhaite une suite, et ça semble… plutôt bref.
En somme, c’était un peu le côté loup qui ne lui revenait pas, c’est vrai, mais elle appréciait le côté humain, et n’avait de ce fait absolument aucune envie particulière d’être trop dure ou de trop s’éloigner de lui, qui resterait quoi qu’il se passe un souvenir inoubliable, et durant lequel elle aurait eu tout loisir de découvrir un homme comme il y en a peu, de passer un bon moment d’extase charnelle, puis la suite resterait sans doute très agréable elle aussi, alors en somme, si on combine tout cela au lieu, à la situation, à sa première arrivée, et à tout ce qui s’en est suivi, elle n’allait pas l’oublier de sitôt, ce Saïl Ursoë.
A vrai dire, tant la mimique boudeuse que le léger soupir n’avaient en rien affecté sa réponse, car elle n’était pas du genre non plus à offrir des faux espoirs qui finissaient toujours à un moment ou un autre par être découverts comme tels, et faire souffrir une personne qui ne le mérite pas, alors elle était restée franche, et légèrement souriante, d’un sourire qui se voulait plus une sorte d’excuse qu’autre chose, d’ailleurs. Puis le lupin lui demanda ce qu’elle souhaitait faire, excellente question, mais aucun des choix proposé ne lui convenait vraiment, de ce fait, elle lui répondit dans un sourire qui se voulut doux, à nouveau :
- Je veux juste continuer de rester dans ce moment calme, tendre, en ta compagnie, sous ces astres qui reviennent toute nuit, et simplement rester un peu dans ce moment que nous venons de partager.
Et pour appuyer ses dires, elle reposa sa tête sur le torse de Saïl, en souriant doucement, en se mettant à nouveau sur le dos, perpendiculairement à lui. Puis, se remettant dans son observation des astres, elle se demandait si à quelque part, le « 7ème ciel » était représenté lui aussi par une étoile, ou une constellation, puis s’égara finalement, tournant son visage pour apercevoir celui de Saïl, et lui sourit, avant de reprendre la parole :
- J’espère que tu ne m’en veux pas trop, et sache que je suis vraiment désolée si tu pensais qu’une relation naitrai de cette nuit…
Elle fit une courte pause, le regardant toujours, puis reprit.
- Ne crois pas non plus qu’il est dans mes habitudes de prendre, consommer, et jeter, surtout lorsqu’il s’agît de sentiments, je suis bien loin de ces femmes qui agissent de la sorte, d’ailleurs, je peux déjà te dire que quoi qu’il advienne, je serais ravie de te revoir un jour, tant en loup qu’en humain.
Aussitôt qu’elle eût finit, elle se tendit afin de déposer un baiser sur la truffe du loup, avant de lui sourire le plus doucement du monde.
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Aaaahh, décidément, il était loin, très loin de savoir comment s’y prendre en ce qui concernait les éléments de l’ordre su sentimental, en particulier en ce qui concernait ce que l’on appelait les choses de l’amour, domaine dans lequel il était aussi expérimenté qu’il était novice en médecine ; c’était dire à quel point il pataugeait lorsqu’il s’agissait de faire dûment la cour à une belle ou de savoir entretenir les relations qu’il fallait avec elle pour rester dans ses bonnes grâces sans risque de la froisser ! C’était sans aucun doute là un de ses principaux tendons d’Achille, si ce n’était le principal, et si le savant était capable de faire preuve d’un dévouement et d’une abnégation immenses pour le bien d’une personne, dès que les choses passaient à un stade plus intime qui nécessitait de s’ouvrir à quelqu’un et de faire preuve de spontanéité et de sincérité, il se retrouvait tout de suite désagréablement démuni face aux difficultés qui se présentaient à lui : jusqu’ici, l’acte amoureux n’avait été qu’une gestuelle passionnée dans laquelle il avait pu se montrer compétent de par son habileté naturelle, mais maintenant que les paroles laissaient place aux mouvements, il avait la désagréable sensation qu’il aurait dû se départir d’une carapace protectrice pour se montrer sous un jour plus franc. Il avait toujours été réticent à s’ouvrir à quelqu’un, et même en compagnie de Naysha avec qui il se sentait si bien, il se sentait hésitant : il avait l’impression que s’il se mettait à partager ses impressions, il n’en finirait pas d’avoir l’air de raconter sa vie de la manière la plus rébarbative et inintéressante qui fût. Il faut dire –des fois qu’il serait besoin de le rappeler- que l’estime de soi n’était pas une des qualités les plus développées de Saïl, et sa transformation en une bête que la grande majorité des créatures pensantes répudiaient n’avait pas arrangé son cas, aussi rien d’étonnant à ce qu’il préférât se montrer sous un jour de protecteur que rien ne pouvait atteindre et répugnât à montrer les blessures qui parsemaient son être.
Et pourtant, dans le cas présent, il allait bien falloir qu’il se décidât à desserrer un tant fût peu sa coquille pour s’en ouvrir à sa jeune compagne plutôt que de faire comme si tout aurait pu lui convenir : lorsqu’elle lui tamponna doucement le museau qui s’agita par réflexe sous ce toucher, il la contempla avec plus d’insistance, son regard se teintant non pas d’étonnement ou d’incompréhension mais de l’embarras de quelqu’un de maladroit qui ne demande qu’à apprendre et adopte une attitude réceptive. Le moment dévoué à la sexualité était définitivement passé, et pourtant, il éprouvait encore les mêmes sentiments tendres pour elle, preuve que de son côté en tout cas, cette nuit n’avait pas été qu’une passade résultant d’une flambée de passion comme un feu de paille qui meurt aussi vite qu’il naît ; et d’après les propos de sa douce, il lui semblait que ce fût également le cas pour elle sans qu’il osât réellement l’espérer, même si ses mots ainsi que la proximité qu’elle adoptait laissait peu de doute quant à ce qu’elle ressentait pour lui : oui, qu’il fût homme-loup ou humain, elle était tout aussi consciente que lui qu’il restait la même personne, avec les mêmes habitudes, les mêmes méthodes de pensée et surtout les mêmes sentiments. Il l’oubliait trop souvent en choisissant de mettre de côté ses affects et sa personnalité pour apparaître uniquement comme une figure d’aideur indéfectible de manière à ce que ceux avec qui il interagissait ne se fissent pas de souci pour lui et se concentrassent plutôt sur la résolution de leurs propres problèmes. Mais en ce moment même, il n’y avait aucun problème, il pouvait laisser de côté des soucis tels que l’esclavagisme de Terra, les mille dangers des Contrées du chaos ou son étude sur les portails afin de se consacrer tout entier à cette nuit avec cette jeune femme qu’il chérissait tant.
Pourtant, en dépit du caractère indubitablement tendre et même sacré de la situation, il ne put s’empêcher de laisser échapper un petit rire nerveux lorsqu’elle mentionna le fait de s’adonner à un coït avec un loup-garou. Ce n’était pas un rire de moquerie ni même d’autodérision ; juste la manifestation de la réalisation de quelque chose qui frappait pourtant par son évidence : c’était sûr, quelqu’un de son gabarit n’était pas un parangon d’érotisme, et en se mettant à la place de Naysha, il comprenait parfaitement ce qu’elle voulait dire étant donné que lui-même y aurait réfléchi à deux fois avant de s’abandonner à l’étreinte d’un être aux traits animaux faisant au bas mot soixante centimètres de plus que lui, si agréable fut-il ! Quoi qu’il en fût, il ne répondit pas, mais manifesta son assentiment par un hochement de tête placide : il lui était reconnaissant de l’avoir accepté sous sa forme humaine en sachant qu’il restait derrière cela un homme-loup, et ne lui tenait nullement rancœur de ne pas se montrer aussi encline à s’adonner aux plaisirs du corps avec lui quand il revêtait des dehors pareils.
Oui, comme elle, tout ce qu’il voulait, c’était laisser retomber paisiblement tout ce qu’ils avaient soulevé en attendant que le jour prochain vînt, et lorsqu’elle émit le désir de simplement passer plus de temps avec lui, sans rien faire d’autre que de partager sa compagnie en toute douceur, il lui répondit par ce même sourire qu’elle affichait pour montrer qu’il partageait ce désir candide de reposer l’un contre l’autre pour sentir la présence de son partenaire, certes moins charnellement, mais pas moins tendrement.
En revanche, lorsqu’elle parla de « relation », son sourire se figea : avait-il eu tort d’espérer en se disant qu’il serait possible de se revoir après cette nuit, et devraient-ils tout bonnement se séparer pour faire ensuite comme s’ils ne s’étaient jamais connus et mener leur vie chacun de leur côté ? Si c’était là ce qu’elle voulait, Saïl était prêt à le lui accorder sans lui faire une scène, mais il en ressentait tout de même une désagréable sensation de dégrisement, comme si on venait de lui jeter une serviette humide et glacée au visage après qu’il se fût laissé aller dans un sauna. Heureusement, il s’avéra vite que tel n’était pas le cas quand elle enchaîna par une autre réplique qui effaça aussitôt toute trace de désarroi de son cœur et ranima sur le champ la flamme de ses yeux et la sincérité joyeuse de son sourire, celle-ci redoublant encore lorsque les lèvres rosées s’appuyèrent en un délicieux baiser sur sa truffe : comme il aimait ces gestes ! Et le plus suave dans cela était que contrairement à ce qu’ils auraient probablement provoqué au premier abord, ils ne faisaient pas naître en lui des courants d’excitation qui allaient de sa bouche vers sa verge, mais plutôt une douce chaleur, comme une caresse bienveillante sur son âme même.
Voyant qu’elle lui laissait manifestement la parole, il laissa glisser sa grande patte pour la poser au niveau du nombril de Naysha, englobant ainsi une bonne partie de son abdomen sous la paume solide et chaude alors qu’il poussait un nouveau soupir, cette fois-ci aucunement teinté de dépit ; il sonnait plutôt comme le signe d’une réflexion qui aboutissait à un agréable contentement.
« Tu es merveilleuse Naysha, et ne t’inquiète pas, je ne t’en veux pas, et rester avec toi un moment, comme ça, est aussi tout ce que je désire pour le restant de cette nuit. » Doucement, il remua la main pour caresser le bas-ventre de sa chère et tendre, et poursuivit d’une voix pensive mais non dénuée de quelque chose de mutin. « Ça dépend de ce que tu entends par « relation », non ? Les liens du mariage ont beau être sacrés, ce n’est pas moi qui te les imposerai, pas plus que l’obligation de me rester fidèle : tu me donnes déjà tant que je serais un mufle d’exiger plus de toi. Par contre, si tu veux bien qu’on se revoie de temps en temps, ce sera également pour mon plus grand plaisir… parce que… hum… je t’aime vraiment. »
Il n'avait jamais dit ça à quelqu'un, mais même si ce n'était pas le même « Je t'aime. » que ceux que l'on peut trouver dans les films à l'eau de rose, il était sincère, et se doutait qu'elle comprendrait ce qu'il voulait dire par là : il tenait à elle, et il éprouvait un bonheur indéniable à être en sa compagnie qui allait bien évidemment au delà du plaisir de la jouissance sexuelle. Sur ces mots, il rapprocha timidement son visage du sien, gagnant lentement son cou pour y déposer un délicat baiser, son autre paluche caressant désormais tendrement la rivière de feu de ses cheveux d’un roux flamboyant. Avec un autre soupir, il reporta son attention sur le ciel étoilé d’un noir d’encre constellé de petits grains de blancheur, et à les contempler avec des pensées nouvelles qui avaient fait naître dans son esprit une réconfortante certitude, il lui parut voir ces étendues astrales d’un œil différent.
« Tu as raison, la nuit est très belle. »
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Il eut un léger rire, rire un peu crispé, relevant bien du léger malaise provoqué par la situation, chose compréhensible d’ailleurs. Après ce qui sembla être une courte réflexion, Saïl, en version « tout-en-poil », hocha le museau, semblant avoir compris les raison qui poussaient la jeune humaine à ne pas être attirée sexuellement parlant par une créature qui n’avait pas grand-chose d’humaine, tout du moins dans son apparence. Peut-être dommage d’ailleurs, tant la personnalité, humaine, qui persistait plutôt bien sous la forme lupine, aurait pu être intéressante. Les sourires s’échangeaient, la tendresse et la douceur restait présente, jusqu’à ce fameux instant.
Dès que Naysha parla de « relation », elle pu sentir aussitôt un « Loulou » dans une sorte d’état de choc, comme son visage figé l’indiquait. C’est vrai que la belle humaine aurait pu penser à un tel dénouement, de ne pas panser le revoir un jour, de l’oublier, tout simplement, mais elle n’était pas de ce genre là. A vrai dire, il n’y a aucun partenaire qu’elle est eût jusqu’à présent, tant masculin que féminin, qu’elle eût oublié. Certes, chaque détail de chaque relation n’était pas sans son souvenir immédiat, mais elle pouvait discuter avec la majorité de ces anciennes relations, de quelques minutes à rarement quelques jours, sans forcément faire d’allusion à ce passage à l’acte, à cette jouissance partagée, non, la plupart du temps, ses anciens partenaires de sexe ne la revoyaient plus vraiment nue, bien que certaine fois…
Heureusement qu’elle pût rassurer son amant de par ses propos suivants, puis par un délicat baiser déposé sur la truffe de l’animal, tout du moins dans son dehors, celui-là même qui lui servait encore d’oreiller, fallait-il le rappeler. Il était vraiment bien plus rassuré, ce qui la rassura elle-aussi, qui venait tout de même d’avoir une très légère angoisse à l’idée de le blesser. Encore une fois, ce n’était absolument pas là son attention, elle voulait juste finir paisiblement la nuit, puis rentrer chez elle, en espérant probablement revoir ce Saïl Ursoë tôt ou tard, peut-être ailleurs, sans doute même. Après tout, il avait titillé la curiosité de la jeune étudiante : il lui avait parlé, et surtout, plutôt bien démontré, à l’aide d’un support peut-être inadapté, qu’il existait une autre planète, dénommée « Terra », et il y avait fort à parier que l’on pourrait voir la belle lycéenne arpenter cette terre nouvelle pour elle un jour.
Suite à son baiser, et reposa sa tête sur le corps tendrement velu de sa bête d’une nuit, et releva le regard vers ces étoiles qui se tenaient au-dessus d’eux. Puis elle sentit une patte se poser sur son ventre, alors qu’elle sentit dans ses cheveux le souffle d’un soupir, ce qui lui décrocha un large sourire bref, amusé. Puis, elle entendit à nouveau le son de la voix de son complice d’une nuit, qui encore une fois la complimenta, comme s’il lui était impossible de prononcer une phrase sans le faire, sans la toucher, émotionnellement parlant, elle eut cette fois-ci un sourire plus doux, plus léger également, sans pour autant le regarder.
Bien loin de l’atmosphère plus charnelle qui avait régi leurs ébats, plus tôt, la caresse de la grosse paluche sur son ventre la fit rire doucement : elle n’y ressentait plus vraiment de « plaisir », c’était agréable, tendre, doux, mais surtout, les nombreux poils la chatouillaient ! Et comme pour assister cet effet, l’homme-loup prit un ton mutin lorsqu’il reprit la parole. Le rire cessa rapidement devant les propos presque trop sérieux, mais pas inintéressants, et encore un petit compliment dissimulé ici ou là, en cherchant bien… Elle lui répondit aussitôt, dans un murmure, sans pour autant le regarder, prise de fixation pour l’un des astres qui s’affichait au-dessus des deux amants.
- Je t’apprécie beaucoup moi aussi, Saïl Ursoë, et il y a des chances que l’on se revoie un jour ou l’autre, après tout, tu n’es pas un modèle de discrétion dans ta forme actuelle.
A son tour d’être taquine, et de légèrement tourner la tête pour la ponctuer d’un clin d’œil, ainsi que d’un rire léger. Et puis elle avait bien compris le sens, c’est bien pour ça qu’elle a préféré une tournure un peu moins tendancieuse, mais qui voulait dire la même chose, à une nuance près. Elle était bien, en cette nuit, mais elle sentait la fatigue la gagner à nouveau, après son début de nuit plutôt courte. Après tout, elle n’est encore qu’une adolescente, presque femme, qui avait la veille passé une journée loin d’être très agréable, et dans quelques heures, le lycée l’attendrai à nouveau. Sortie de sa rêverie pas une truffe fraîche se déposant sur son cou, la lycéenne sourit à nouveau, alors qu’elle redevait d’autres caresses le long de sa chevelure, elle se sentait bien, vraiment bien…
Elle rendit une douceur à son complice d’une nuit, venant câliner lentement sa truffe, puis son cou, d’une main légère, alors qu’il trouvait lui aussi cette nuit belle, en fin de compte. Elle resta silencieuse quelques minutes avant de rajouter doucement quelques mots, emplis de douceur.
- Il me serait plus raisonnable de rêver de cette nuit quelques heures, si je ne veux pas avoir trop d’ennuis demain, et puis, nous nous reverrons, n’est-ce pas ?
A vrai dire, après tout ce qu’ils avaient vécu cette nuit, elle avait surtout besoin d’y repenser à tête reposée, ce qui était loin d’être le cas présentement.
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Rien ne pouvait durer éternellement, c’était une des lois fondamentales et inaliénables de la nature qui pouvait s’appliquer dans n’importe quel domaine : tôt ou tard, tout ce qui était apparu devait disparaître, toute introduction appelait une conclusion, et tout ce qui avait commencé devait finir un jour. Vouloir faire en sorte qu’il en fût autrement aurait été aussi raisonnable que de chercher à faire passer une déesse comme Aphrodite pour une vestale, et Saïl en était bien conscient, sachant ainsi qu’il allait de la même manière falloir que Naysha réintégrât ses foyers pour s’offrir une nuit plus reposante qu’elle ne l’avait été jusqu’ici et aussi éviter de faire paniquer son entourage ; sans oublier que malgré la quiétude de leur situation présente, on pouvait prévoir un beau ramdam si quelqu’un s’apercevait qu’une adolescente et un homme-loup étaient en train de prendre du bon temps dans un centre commercial à la nuit tombée ! Bien sûr, voir la tête qu’aurait fait quelqu’un en les découvrant dans une posture pareille aurait sans aucun doute été une scène d’une incongruité comique impayable, mais les billets pour un tel spectacle auraient été assez cher payés étant donné qu’ils auraient très certainement consisté au mieux en un aller simple pour un poste de police : déjà qu’ils avaient été assez chanceux de ne pas s’être fait surprendre en pleins ébats par un vigile ou tout autre genre de gardien de nuit, il ne fallait pas pousser le bouchon jusqu’à l’insolence ! Pour autant, le tendre jeune homme n’avait nul envie de voir le moment de la séparation arriver aussi tôt, mais il n’était pas égoïste au point de vouloir négliger le monde entier en ne pensant qu’à son propre bien-être en accaparant la compagnie d’une personne d’une telle valeur que cette princesse flamboyante. D’ailleurs, comme elle l’affirmait elle-même, ils se reverraient aussi certainement que les hirondelles revenaient au printemps, « un jour ou l’autre », et cette certitude suffisait à mettre du baume sur son grand cœur, la mention de son patronyme complet sonnant à ses oreilles comme une promesse indissoluble : en effet, il y avait « des chances », et ces chances s’élevaient à 100% pour lui !
Toutefois, la bonne humeur que cela lui procurait ne l’empêcha pas de pousser un grognement de déplaisir quand elle tourna la tête dans sa direction avec un clin d’œil ponctué d’un rire après sa remarque, le grondement issu de la poitrine puissante du loup-garou sonnant évidemment à la manière d’une menace en l’air au lieu d’une réelle manifestation de colère, comme s’il lui avait tiré la langue, même si ça ne voulait pas dire que la taquinerie lui était indifférente : se faire traiter de gros lourdaud, ce n’était pas une moindre insulte pour un membre d’une espèce animale qui était au contraire capable de prodiges de discrétion pour approcher une proie sans que celle-ci ne remarquât la présence de son chasseur avant qu'il ne fût trop tard ! Bon, d’accord, quand l’animal en question faisait plus de deux mètres de haut pour un bon mètre de large, on ne pouvait effectivement pas dire qu’il pouvait être un parangon de furtivité, mais ce qu’il ne pouvait avoir en discrétion, il le compensait avantageusement en force brute, et il avait bien l’intention de le montrer à Naysha lorsque le moment viendrait de tirer sa révérence pour partir vers d’autres cieux que ces lieux ! Et en parlant de cieux, ceux aux étoiles brillantes qui s’affichaient au-dessus de leurs têtes semblait comme la lumière lointaine mais bien présente de la civilisation que l’on est bien forcé de regagner après s’en être absenté pour aller courir les champs et s’amuser sans se soucier de rien : les impératifs de la vie de tous les jours les rappelaient tous les deux ; chacun allait devoir reprendre le cours de son existence ordinaire comme cela était le lot de tout être humain, même si Khral ne satisfaisait que partiellement à cette dénomination. Il allait falloir abandonner cette position délicieusement languissante qu’ils avaient adoptée et laisser de côté les caresses pourtant si bienfaisantes qu’ils se donnaient et recevaient, et de la même manière que l’on contemple quelque chose de beau et de rare qui ne se reproduira pas avant quelques temps comme une pleine lune, Saïl contemplait sa douce avec une tendre affection, passant machinalement mais avec attention ses mains le long du corps de la splendide adolescente, caressant sans pudeur les parties de son corps offertes aux larges paluches bienfaitrices.
Elle-même savait bien qu’il n’aurait pas été sensé de rester ici beaucoup plus longtemps, sa réplique, bien que joliment tournée, ne faisant que le rappeler : c’était vrai qu’il l’avait pour ainsi dire totalement négligé jusqu’ici, mais quelqu’un de son âge devait être lycéenne, et si elle ne prenait pas quelques heures de repos, la matinée de cours allait être pour le moins rude ! De son côté, il ne savait pas trop ce qu’il allait faire ; probablement tâcher de trouver en vitesse un portail pour revenir vite fait bien fait sur Terra avant qu’il ne se fît remarquer… il aviserait, mais en attendant, ce qui importait n’étaient pas ses intentions mais celles de Naysha qui n’aurait de toute évidence pas été contre le fait de regagner son bercail.
« Assurément ! » Répondit-il à sa question avec un grand sourire tandis qu’il l’aidait à gestes doux à se relever, regagnant de son côté une station verticale d’un simple bond pour s’étirer avec volupté, en pleine forme, sa vitalité habituelle n’ayant pas été atteinte par cette nuit pourtant riche en émotions et mouvementée physiquement.
Laissant à sa compagne le soin de reprendre un habillement plus convenable, il se dirigea vers son pagne qui trônait toujours au beau milieu du couloir vide comme une grande couronne pelucheuse, et le renfila en vitesse, n’étant dans le fond pas fâché de retrouver ce poids familier autour de ses hanches, même si ce qu’avait apporté la nudité dans laquelle il s’était retrouvé ces dernières minutes n’avait absolument rien eu de désagréable ! Toutefois, maintenant qu’il avait récupéré une certaine liberté d’action, son côté sauvage était plutôt content de pouvoir jouir à nouveau de gambader tranquillement, l’homme-loup ne restant présentement pas en place, toujours à trottiner à droite à gauche en s’ébrouant placidement de temps à autre comme un louveteau joueur qui attend son partenaire avec impatience pour la suite des évènements. L’air mutin, il se rapprocha de la partenaire en question, les yeux brillants de malice à l’idée de pouvoir s’extirper enfin de cet amoncellement de béton, de métal et de plastique afin de pouvoir goûter à la fraîcheur d’un air nocturne et de galoper de toute la force de ses quatre jambes, même si l’environnement citadin de Seikusu lui imposerait bien évidemment de devoir mettre ses velléités de promeneur en berne pour éviter de passer dans les faits divers du journal du lendemain. En voyant combien elle traînait par rapport à lui qui avait pu être prêt en un clin d’œil, sa réaction instinctive aurait été de lui dire « Alors, on y va ? On y va ? » à la manière d’un enfant empressé, mais il se retint de quelque chose d’aussi peu convenable, préférant opter pour un :
« Dès que tu seras prête, je me charge de t’amener où tu voudras ! »
Ce fut à ce moment que son regard s’égara en direction du top que Naysha avait précédemment enfilé, celui-là même dont elle avait fait usage pour couvrir ses formes dangereusement affriolantes, et qui n’était plus à présent qu’une pièce de coton déchirée en deux durant l’acte, rappel qui embarrassa quelque peu Saïl, lequel se gratta d’un index l’oreille tandis qu’il désignait l’ex-vêtement du pouce en se mordant la lèvre avec une contrition bon enfant :
« On dirait bien qu’il va falloir résoudre ça d’abord… désolé, je n’y avais pas pensé sur le coup. »
-
Saïl ne sembla pas trop contrarier à l’idée de devoir se séparer, ayant bien entendu, tout comme sa belle, l’intention de se revoir une prochaine fois, ou une autre, ce qui arrivera sans doute si Saïl revient sur terre, après tout, une lycéenne n’est pas bien difficile à trouver, surtout si l’on cherche une certaine Naysha. Suite à cela, l’homme-loup entreprit de les relever tous les deux, et il alla à la rechercher de son pagne, alors que la jeune demoiselle, elle, n’avait pas grand-chose à se mettre à portée de main, du moins rien lui appartenant vraiment. Et puis, elle n’était pas du genre voleuse, c’est la raison pour laquelle elle alla ramasser ses vêtements encore en état, et s’éloigna du loup qui semblait avoir son quart d’heure de folie, ou quelque chose s’en apparentant. Dès qu’elle eût retrouvé l’emplacement de ce qu’elle avait emprunté, elle hésita tout de même quelques instants à récupérer cette nuisette toute faite de velours qu’elle appréciait tant, mais se résigna, finalement, à rejoindre la cabine dans laquelle elle s’était assoupie la veille, afin d’y récupérer ses vêtements à elle.
Et ses vêtements étaient relativement simples à décrire : le chemisier de son uniforme, plutôt moulant, et une jupe plissée, assortie et accompagnant le haut, pour former l’ensemble de son uniforme. Et comme la veille, dans la hâte, elle n’avait mis aucun sous-vêtement, l’habillage fut relativement rapide, et la jeune demoiselle pu revenir à proximité de son compagnon en cette nuit, et il était impossible de ne pas se rendre compte de l’absence de sous-vêtement, pour le haut en tout cas. Elle souriait doucement à Saïl, qui lui semblait indiquer le top qu’il avait déchiré. Petit rire de la jeune étudiante en se remémorant le passage de leur union qui avait mené l’étoffe à se retrouver dans un tel état, puis elle alla simplement le ramasser, avant de dire doucement.
- Je vais laisser un petit mot, je repasserai le payer plus tard dans la journée, ne t’en fait pas pour ça, grand fou.
Petit clin d’œil, alors qu’elle le taquinait. A vrai dire, elle ne voulait pas laisser ce top dans cet état, mais se vendre pour le payer ensuite avait certains désagréments, comme celui de devoir expliquer ce qu’elle avait fait là cette nuit, et surtout, pourquoi elle avait déchiré le top, sur lequel on trouverait sans doute quelques poils lupins. En même temps, il y avait sûrement quelques caméras de surveillance, peut-être pas là où ils étaient, sans quoi des vigiles seraient probablement intervenus, mais ça paraît presque improbable que personne n’ait remarqué une jolie femme nue arpentant les rayonnages. A vrai dire, elle ne savait vraiment pas trop quoi faire, sinon peut-être le laisser là et puis voila…
- Ou plutôt, je crois qu’il va rester ici, et que l’on va s’en aller assez discrètement si possible, ce n’est qu’un top, le mur c’est presque pire encore, et je me vois mal expliquer que c’est un loup-garou qui m’a déchiré ce top avant que l’on partage une étreinte charnelle qui fut des plus agréables…
Dur de définir si elle était ironique ou peut-être sarcastique, en tout cas, elle ne trouvait pas l’idée très bonne, mais restait toutefois souriante, s’amusant plus de la situation cocasse qu’autre chose.
- Je crois que c’est mieux pour tous les deux de s’en aller, et puis voilà… et on verra bien les bruits qui courront demain. Et puis je crois qu’une bonne retrouvaille avec mon lit me permettrait d’y voir plus clair.
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Diantre, après qu’il l’eût connue aussi intimement, Saïl aurait pu croire que Naysha ne lui ferait pas un effet aussi dévastateur qu’au début de leur rencontre, quelle que fût sa mise, mais il fut bien vide détrompé lorsqu’elle reparut vêtue d’une manière qui aurait pu alimenter les fantasmes de tout un lycée : à la voir portant un uniforme d’écolière tout ce qu’il y avait de plus règlementaire qui contrastait avec l’érotisme qui se dégageait toujours d’elle et avec l’absence évidente de sous-vêtements sur sa personne, il ne put s’empêcher ses yeux de s’écarquiller un moment avant de détourner le regard avec embarras, l’architecture du centre commercial semblant tout à coup avoir acquis un intérêt extraordinaire. Décidément, il avait eu beau faire ce qui ne se faisait pas par l’oreille avec cette splendide adolescente à la beauté potentiellement dévastatrice, cela n’avait pas rendu sa sensualité mordante moins impressionnante pour ce jeune homme qui n’aurait pas pu changer son caractère au point de se départir de son fond de timidité habituel, quelles que fussent les circonstances. Pour autant, il gardait la tête sur les épaules, et malgré le « grand fou » qui le fit rougir, ou plutôt qui aurait pu le faire rougir, il ne manqua pas de montrer sa désapprobation vis-à-vis des intentions de sa compagne par une moue dubitative : d’accord, elle avait quelque chose d’une princesse, mais les autorités de Seikusu étaient malheureusement loin d’être ses sujets, et toute la joliesse du monde ne les aurait très certainement pas empêché de la coffrer pour effraction, avant de probablement l’envoyer à l’asile par la suite si elle devait se mettre à raconter la vérité sur ce qui s’était passé cette nuit !
Heureusement, elle se rendit rapidement compte des failles de taille que ce plan présentait et se rétracta rapidement, sa décision finale recevant l’acquiescement enthousiaste de l’homme-loup qui se porterait d’autant mieux qu’ils pourraient s’esquiver le plus discrètement et directement possible : il n’était pas vraiment du genre à faire fi de la loi et des principes moraux aussi facilement qu’il l’aurait pu paraître, mais il était aussi partisan de la ligne du conduite du « Pour vivre heureux, vivons cachés. », et estimait donc que le mieux à faire était de s’éclipser ni vus ni connus de manière à ne pas faire de vagues et à ne pas se retrouver pris dans tout un imbroglio judiciaire duquel ils ne pourraient jamais se dépêtrer. Déjà qu’en tant que porté disparu, il aurait eu pas mal d’explications à fournir sur les raisons d’une absence aussi longue que l’avait été la sienne, la dernière chose qu’il voulait était d’accumuler encore plus d’ennuis et de se retrouver avec une montagne de détracteurs à dos.
Toutefois, ces préoccupations ne rendaient aucunement le charme de Naysha inopérant, et il se sentit véritablement touché par ce qu’elle pensait de lui et par son avis sur sa « performance » nocturne qu’elle exprimait sans fard : il fut trop gêné sur le coup pour trouver quelque chose de digne de ce nom à lui répondre, mais l’expression de plaisir peut-être un brin teintée d’une légère culpabilité qui se lisait sur ses traits diablement expressifs pour un loup-garou devaient montrer de façon suffisamment éloquente ce qu’il pensait d’elle de son côté. Evidemment, comme elle le mentionnait, en ce qui concernait le mur labouré par ses griffes, il n’y avait aucune chance pour que cette dégradation matérielle ne fût pas remarquée, mais Saïl espérait que les gérants du magasin l’imputeraient à d’autres causes, comme des voyous, des sectaires, des détraqués… bref, quelque chose qui serait en tout cas toujours plus plausible que la visite d’un homme-loup au beau milieu de la nuit !
Il était tout à fait d’accord avec elle : advînt que pourrait, mais pour le moment, ce n’était pas la peine de se tarabuster le cerveau pour essayer de trouver une solution qui ne viendrait probablement pas et que l’un n’avait de toute façon pas plus envie de chercher que l’autre, madame aspirant avant tout à regagner sa couche pour prendre quelque repos, et monsieur qui commençait à étouffer n’étant pas contre un bon bol d’air frais avant tout. A cette résolution, il se tourna vers elle avec un sourire assuré à la pensée qu’il allait pouvoir lui montrer pleinement l’étendue de ses talents de voltigeur inhérents à sa forme fort bien adaptée aux crapahutages, et lui répondit :
« Tu y seras en un clin d’œil ! »
Et sur ce, il se détourna d’elle pour lui présenter sa toison dorsale fournie dans laquelle elle pourrait trouver des points d’appuis plus solides encore que la crinière d’un cheval, et à laquelle elle aurait juste à s’agripper en se serrant à lui pour le laisser faire tout le travail du voyage. Il n’aimait pas trop se présenter ainsi à la façon d’une monture, pour la raison que cela renforçait désagréablement le côté animal qu’il avait et que trop de monde assimilait souvent à la fonction de bête de somme, mais pour quelqu’un comme Naysha, c’était bien là un moindre sacrifice de sa dignité, et il n’y avait de toute façon pas vraiment d’autre solution possible : il aurait bien sûr pu sortir par une des portes d’entrées qu’il aurait été un jeu d’enfant de briser pour leur ouvrir un passage, mais il n’avait nullement envie de pousser l’effraction à un tel point étant donné que cela aurait laissé par la suite le champ libre à bien d’autres personnes bien moins intentionnées que le couple et qui se seraient probablement empressées de profiter de cette aubaine pour faire main basse tout ce qui aurait pu leur tomber sous la main. En revanche, sortir par une des vitres ouvrantes du toit permettrait de minimiser les dégâts matériels, et la distance qui les en séparait n’était pas un problème pour le colosse qu’il était, ce qui n’était pas le cas de la lycéenne aux capacités physiques beaucoup plus limitées ; raison pour laquelle il lui offrait obligeamment le transport.
« J’espère que ça ne te dérange pas de t’accrocher à mon dos. Il va falloir sortir par le toit, et je vais avoir besoin de mes mains pour ça. »
Bien sûr, si l’idée de voltiger à plusieurs mètres d’altitude sur un homme-loup lui était vraiment insupportable, il y aurait sans doute une autre possibilité qu’il serait prêt à suivre dans la mesure du possible ; cela se ressentait dans son ton ferme et décidé, mais toujours aussi attentionné et dénué de toute forme d’impérativité. Au passage, l’idée lui effleura l’esprit de faire mention du double sens du mot « chevaucher », mais il s’en abstint, se faisant la réflexion que c’étaient là des propos pour les moins un peu lestes qui auraient davantage convenu à un braillard de taverne qu’à un gentleman, aussi garda-t-il le silence en attendant la décision de sa douce.
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Naysha s’amusait quelque peu des réactions provoquées tant par ses mots que par sa tenue. Elle était tout simplement flattée à vrai dire, mais préférait sourire, avec cette touche d’amusement. Elle appréciait déclencher ce genre de sensations, se sentir regardée, désirée, dévorée, et dans sa tenue, elle en avait fait s’en retourner plus d’un la veille, et plus d’une aussi. Elle ne se moquait toujours pas, toutefois, cela ne lui ressemblant vraiment pas, décidément. A vrai dire, ça ne lui donnait que plus envie de revoir son « Loulou » une prochaine fois, restait encore à savoir quand, et où, cette entrevue se passerait-elle, mais la question n’était pas là, car il leur fallait encore quitter ce centre commercial, dont l’architecture sembla passionner son Saïl l’espace de quelques instants, sans doute une réaction de la timidité mise face au dévergondage d’une jeune lycéenne qui ne s’assumait que trop, sans doute…
Puis il se tourna, se proposant de servir de monture, ce qui décrocha à la demoiselle un rire léger. Elle le considérait trop comme homme, malgré cette forme lupine, et n’aurait jamais envisagé d’être portée, mais à l’entendre, ça semblait être le seul moyen pour Saïl, qui avait besoin de ses deux paluches pour les extraire de l’endroit, et la belle rouquine ne voyait pas vraiment d’autre solution que cette évasion via le toit du lieu. Ainsi, avec un sourire toujours amusé, elle se hissa sur sa monture, telle une cavalière chevauchant sa bête, mais aucune n’aurait, à n’en pas douter, le prestige de celle qu’elle avait l’occasion de monter, encore une fois, cette nuit.
- Tu ne me secoues pas trop quand même, je ne suis qu’une jeune et frêle demoiselle pure et sans défense…
Mi taquine, mi amusée, dans sa voix, alors qu’elle se mettait en place sur le dos de « Loulou », faisant en sorte de bien lui faire ressentir la douceur de ses courbes, s’écrasant contre lui par obligation. Dès qu’elle fût parfaitement en place, elle s’écria presque, dans un rire :
- En avant mon Loulou !
Et le rire continuait, simplement sincère, elle profitait de sa monte, sans aucune moquerie dans le ton de sa voix, la situation l’amusait vraiment, et lui semblait unique. Elle souriait, s’attendant à… elle ne savait pas quel serai le confort de ce transport, encore moins si ça allait beaucoup secouer ou non, mais s’il y avait une certitude, c’était qu’elle était prête à sortir de ce lieu, laissant l’endroit marqué de leur passage, de leur union…
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Une sorte d’innocence et de candeur se retrouvait dans la mutinerie de Naysha après les joies languides et perverses auxquelles ils s’étaient adonnés par leurs ébats passionnés, mais en dépit de cette situation en apparence tout ce qu’il y avait de plus mignonnement dénuée d’érotisme, la sensualité dévorante de la princesse de feu restait perceptible, tangible dans la manière dont elle se cramponnait à lui : elle se collait à sa fourrure sans pudeur, et sentir son aine dénudée dans son dos faisait renaître en Saïl des envies que sa soif sexuelle récemment étanchée lui permit heureusement de contenir, sans quoi il aurait été enclin à s’adonner à un autre genre de rodéo que celui qui se préparait pour sortir du centre commercial. Toutefois, malgré que l’ambiance eût une consonance suspectement charnelle, le jeu y prédominait ; celui folâtre et dégourdissant d’une chevauchée cette fois-ci au sens le plus littéralement dénué de connotations libidineuses du terme que l’homme-loup désirait offrir à sa compagne : après l’exaltation de la jouissance orgasmique venait celle, moins intense mais non moins libératrice, du défoulement physique en lequel allait consister l’escapade pour le moins acrobatique. Elle s’en remettait sans réserve à lui pour ne pas la molester au cours du trajet, semblant lui faire une confiance aveugle qui se percevait dans son ton amusé dénué de toute trace d’inquiétude ou de méfiance qui touchait celui qui la portait : comme toujours, son côté protecteur était présent, et alors qu’il examinait l’infrastructure alentours pour déterminer le meilleur parcours à suivre pour parvenir à leur but sans encombres, il se promit avec le plus grand sérieux qu’il ne permettrait pas qu’elle écopât de la moindre bosse. Pour autant, cela ne l’empêcha pas de répliquer à la remarque de l’adolescente qui était justement tout sauf pure dans un petit rire taquin grondant alors qu’il la calait contre lui dans le but de rendre le voyage aussi confortable que possible :
« Une vraie vestale ! »
Et ce fut alors que leurs deux rires se confondaient que le colosse poilu fit ployer ses deux pattes postérieures qui se détendirent puissamment pour le projeter à plusieurs mètres de hauteur, leur possesseur s'agrippant en fin de parcours à une lourde et épaisse poutre d’acier pour se hisser dessus à la force des bras. Il avait l’habitude d’acrobaties de ce genre, mais jusqu’ici, il ne s’y était adonné que dans des forêts ou des montagnes, milieux qui, tout en présentant quelques similitudes avec la manière dont était bâti un édifice de l’ampleur d’un centre commercial, en différaient sensiblement, aussi prenait-il grand soin de calculer le moindre de ses gestes de façon à ce que chaque mouvement le fît progresser rapidement mais sans risque inconsidéré pour lui, mais surtout pour sa chère Naysha : si lui aurait pu supporter des chocs d’une extrême violence, l’adolescente était fragile comme du papier en comparaison, et il aurait préféré se briser tous les os du corps plutôt que de la laisser se fouler la cheville. Fort heureusement, un tel dilemme ne se présenta pas, car cet homme-loup avait cultivé de bons réflexes ainsi qu’une agilité digne d’un équilibriste, et en combinant ces atouts avec le support stable et solide qu’offrait l’armature du bâtiment au sein duquel ils évoluaient, il put escalader l’édifice de l’intérieur tout en souplesse, se gardant bien de se servir de ses griffes pour faciliter son ascension : certes, se servir s’appareils de cramponnage aussi acérés aurait été bien pratique, mais il estimait que le mur en contrebas avait déjà trop souffert de ses égarements pour qu’il pût se permettre d’esquinter encore davantage cette imposante construction humaine qui était un lieu de tant de plaisirs mercantiles pour la population de Seikusu.
Il ne pouvait pas être totalement certain que sa tendre amie se sentait aussi à l’aise que lui pendant la grimpette de haute voltige, mais en tout cas, il faisait tout pour, s’abstenant rigoureusement de tout mouvement trop précipité de manière à ne pas la brusquer, prêtant attentivement l’oreille à d’éventuelles réactions de sa part pour s’assurer qu’elle n’était pas incommodée. En tout cas, même si Saïl, pleinement concentré sur sa tâche, n’y prêtait pas attention, la montée permettait de contempler en regardant vers le bas une vision saisissante et fort appréciable pour quiconque n’avait pas trop le vertige : rangées dont la forme variait au gré des fantaisies de leur concepteur, les rayonnages s’alignaient au sol, formant d’étranges arabesques dont l’allure aurait pu évoquer quelque formation glyptique à la signification mystérieuse.
Une fois parvenus au sommet, au contact des immenses vitres qui formaient le dôme du centre commercial, ce fut un jeu d’enfant d’actionner la poignée de la fenêtre et de l’ouvrir suffisamment pour laisser passer la cavalière et sa monture extraordinaire dans une soudaine bouffée d’air nocturne frais qui ébouriffa les poils de l’homme-loup, lequel, après avoir refermé l’issue qu’ils avaient empruntée, contempla la ville plongée dans le sommeil excepté pour quelques points de fête nocturne situés ça et là, et poussa un soupir de nostalgie en pensant à ce que sa vie avait été précédemment : certes, il n’avait jamais été du genre à se mêler à ce qu’on pouvait appeler « la masse », mais il ne s’était pour autant jamais considéré comme y étant étranger, et se promener au sein des rues de Seikusu n’avait rien eu de désagréable pour ce jeune scientifique qui les observait en ce moment même en d’autres circonstances, sous un autre angle, à une autre période de sa vie, sous une autre forme…
« La société me manque… » Avoua-t-il d’une voix qui avait perdu de son entrain et se teintait de nostalgie.
Oui, il n’y avait jamais vraiment réfléchi jusqu’ici, mais il était réellement un paria, à jamais condamné à rester à l’écart de cette vie qu’il avait auparavant menée : bien sûr, à long terme, il pourrait trouver un remède plus durable à sa condition, mais pour autant, parviendrait-il à considérer ses semblables comme il l’avait fait par le passé en sachant désormais qu’il avait été quelque chose de fondamentalement différent d’eux, et en ayant appris tout ce qu’il avait appris sur l’ampleur qu’avait en réalité l’univers ? Cette idée le remplissait de malaise, et il préféra ne pas s’attarder dessus de peur de se mettre à broyer du noir, chassant ces peu amènes pensées d’un hochement de tête avant de s’adresser plus directement à sa douce Naysha qui était sa priorité absolue pour le moment :
« Pardon, je radote… par où va-t-on ? »
Un loup-garou qui portait une jeune fille jusqu’aux cieux pour ensuite la conduire à la destination de son choix ; on aurait réellement pu dire cette situation tirée d’un conte de fées étrange, et malheureusement pour le loup-garou en question, l’histoire approchait de sa conclusion, pensée qui lui tirait toujours de tristes soupirs de la poitrine qu’il faisait de son mieux pour étouffer afin de ne pas incommoder sa précieuse amante avec ses états d’âme : ils se reverraient que diable, et en attendant, ce n’était pas le moment de se faire du mouron ! Oui, mais en attendant, il devrait se passer d’elle pendant plusieurs… plusieurs jours, semaines, mois ? Il n’aurait pas pu le dire, mais indubitablement, ce laps de temps lui paraissait trop long pour qu’il pût le considérer comme réellement supportable et le traverser comme si de rien n’était, même s’il s’efforcerait bien entendu de ne pas vivre dans le passé et de rabâcher sans cesse les délices de cette expérience jusqu’à s’empêcher de jouir du présent : c’était ce qu’elle aurait très certainement voulu, pour lui comme pour elle ; rester séparés, oui, mais pas pour si longtemps que ça !
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Une vraie vestale, n’est-ce pas… Naysha eut un léger rire à l’entendre, sachant pertinemment qu’elle n’avait rien de ces êtres bien plus purs qu’elle ne l’était, d’un point de vue charnel en tout cas, pour le reste, peut-être aussi, mais peut-être pas. La suite fut un enchainement d’acrobaties qui faisaient s’éloigner légèrement le corps de la belle étudiante, pour mieux revenir s’appuyer contre le dos de son « Loulou », et principalement sa poitrine qui se compressait et se détendait au fil des sauts et des réceptions qui impressionnaient tout de même la rouquine, qui s’accrochait bien, appréciait le transport qui n’était pas si désagréable que cela, au contraire, elle n’avait qu’à se retenir, et le reste se faisait tout seul, chose plutôt bienvenue pour cette jeune femme quelque peu fatiguée, il fallait bien l’avouer.
Puis l’air nocturne vint caresser leurs corps, se faufilant partout sous les vêtements de la jeune femme, trouvant facilement un contact agréable sur chaque partie plus ou moins intime, qui faisait naître quelques frissons chez cette jeune femme. Elle l’appréciait, et soupira légèrement, sentant sa longue chevelure se mouvoir à sa convenance au gré de la brise. Elle aussi se mit à observer la ville, de leur point légèrement surélevé, et sourit, appréciant son charme, ce côté nocturne si particulier, si paisible, si calme. Et déjà Saïl reprit la parole, il paraissait nostalgique, peu enjoué, comme si vraiment son ancienne vie de simple humain lui manquait pour certaines choses, peut-être pour elle d’ailleurs, et elle sourit doucement, avant de lui murmurer à l’oreille :
- Si tu améliores ton produit, tu pourras retrouver ce qui te manque, avec parcimonie, je n’en doute pas du tout.
Puis elle se remit à contempler cet univers qui les entourait, un peu rêveuse sans nul doute, et à s’imaginer errer dans ces ruelles en compagnie de Saïl, lorsque celui-ci revêtait son apparence humaine, et elle hocha pour elle-même la tête, espérant sans doute vivre cet instant en sa compagnie un jour futur, qu’il soit dans quelques semaines, ou quelques mois, elle ne voulait que le revoir un jour, en humain, et pouvoir passer un moment avec lui comme s’il était n’importe quel homme, enfin, en apparence, car elle appréciait beaucoup sa personnalité, plutôt rare, parmi les hommes qu’elle avait déjà pu rencontrer jusqu’à ce jour là. Puis il s’excusa, encore une fois, et lui demanda où ils iraient…
- Si tu veux me raccompagner, ce sera un plaisir, Saïl.
Elle savait qu’ainsi il aurait un lieu de référence pour la retrouver, s’il voulait la revoir un jour. Elle restait sur son dos, se tenant simplement en observant à nouveaux les étoiles, qui se tenaient toujours au-dessus d’eux, et commença à lui indiquer le chemin de son domicile, qui se situait dans un quartier plutôt aisé de Seikusu. Elle restait silencieuse durant le trajet, se devant de ne pas se laisser aller à ce sommeil qui semblait vouloir s’emparer d’elle, et profitant simplement de la ville qui défilait plutôt rapidement.
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Oui, elle avait raison, ses paroles ne pouvaient divulguer autre chose que la vérité, car bon sang ne saurait mentir, et si l’on se référait à celui de Naysha qu’il avait pu entendre pulser depuis son cœur vivace jusque dans chacun de ses membres à la plastique si souplement exquise, il ne pouvait remettre en doute ce qu’elle disait : après tout, il était un génie, et s’il avait pu se transformer durablement dans un sens, il allait réussir à inverser le processus, tôt ou tard, il en avait l’intime conviction, comme une lumière que l’on voit briller au loin et que l’on peut finir par atteindre pourvu qu’on se donne la peine de progresser suffisamment vite. Il caressait le projet d’être capable de changer de forme à volonté en se munissant des bons produits, et à se replonger dans ses considérations sur de pareilles idées dont le caractère fantasmagorique aurait pu en laisser sceptique plus d’un mais qu’il abordait le plus réalistement du monde, il sentit sa confiance refaire surface en lui : il n’abandonnerait pas, non, surtout maintenant qu’il avait la motivation supplémentaire mais non moindre que représentait l’adolescente perchée sur son dos qui lui procurait justement ses encouragements, promesse d’un avenir fait de nouvelles rencontres ayant de fortes chances d’être plus plaisantes les unes que les autres. Preuve du feu sacré qui s’était remis à brûler en lui et de son assurance renouvelée, un sourire de dents blanches qui se détacha perceptiblement dans les ténèbres nocturnes fit spontanément son apparition sur son visage alors que son appendice caudal se dressait pour aller caresser les jambes de sa jeune égérie en un remerciement muet.
Mais allons, pour le moment, il devait se conduire en bon gentleman et, plutôt que de s’appesantir sur ses propres problèmes, reconduire chez elle sa douce compagne comme celle-ci le suggérait justement, proposition à laquelle il répondit sans hésiter d’un :
« Je n’avais pas l’intention qu’il en soit autrement ! »
Et sur ce, après s’être assuré que Naysha se tenait toujours aussi bien à lui, il se mit en œuvre de la conduire à destination selon les indications qu’elle lui prodigua au fur et à mesure qu’ils progressaient de toit en toit, la distance à franchir ne posant aucun problème à l’homme-loup, surtout dans une ville à l’architecture aussi resserrée qu’une métropole nipponne comme Seikusu qui se prêtait bien à ce genre d’acrobaties. De plus, les gens n’étaient pas du genre à regarder au-dessus de leurs têtes, surtout à cette heure fort avancée de la nuit où la plupart de ceux qui déambulaient dans les rues étaient sérieusement imbibés d’alcool, et les seules qui apercevraient furtivement une forme d’aspect animal allant d’un bâtiment à un autre croiraient avoir rêvé et seraient pris pour des fous. Au pire, il y aurait quelques rumeurs sans fondement qui ne tarderaient pas à mourir aussi vite qu’elles viendraient, se réduisant à l’état de racontars pour étudiants désoeuvrés en manque de sensations fortes qui se lanceraient alors le défi de venir visiter les toits de la ville à la nuit tombée sans pouvoir très vraisemblablement y découvrir autre chose qu’une terrasse tout ce qu’il y aurait de plus banale.
Mais pour le moment, bien loin de ses préoccupations, Saïl galopait sans faiblir sous les directives de sa cavalière qu’elle lui murmurait à l’oreille d’une voix de plus en plus incertaine qui indiquait que le sommeil prenait le pas sur cette demoiselle qui devait être fort peu habituée aux sensations fortes qui n’étaient pas en rapport avec les sports de chambre et n’aurait pas été contre un bon petit somme maintenant que l’heure des galipettes était passée pour laisser place à une activité qui donnait au lit un rôle beaucoup plus platonique.
Ainsi, de fil en aiguille, ils en parvinrent jusqu’à la luxueuse demeure de la belle adolescente, plus précisément sur une terrasse reliée aux appartements de Naysha sur laquelle il se posa en un ultime bond après avoir précautionneusement vérifier qu’il n’y avait personne pour les surprendre : si quelqu’un avait vu un loup-garou transportant sur son dos une toute jeune gille gagner comme si de rien n’était une maison au beau milieu d’un quartier respectable, il n’aurait fait nul doute qu’en moins de deux, toutes les forces policières des environs auraient rappliqué dare-dare ! Fort heureusement, ce fut incognito que le duo acheva son parcours, l’adolescente commençant déjà à somnoler sur le dos de son protecteur qui avait pris soin depuis quelques minutes déjà de lui réserver une de ses mains pour la soutenir au niveau de son postérieur dont il ne pouvait d’empêcher de toucher la chair nue sans en ressentir quelque excitation. Toutefois, l’heure n’en était plus à de tels ébats, même si l’homme-loup qui avait encore de la ressource n’aurait pas été contre, et tout ce qu’il restait à faire à présent était de laisser la lycéenne regagner sa couche afin qu’elle pût avoir le temps de se préparer à une nouvelle journée… déjà, déjà ils fallait qu’ils se séparassent, et cette pensée serrait le cœur de Saïl qui puisait cependant du réconfort dans la pensée que ce n’était en rien une séparation définitive. Il n’empêcha que ce fut d’une voix rendue plus basse que d’habitude par l’émotion qu’il s’exprima pour annoncer à sa si chère passagère :
« On y est. »
Non, il n’allait pas se mettre à pleurer bien sûr, non, mais il n’empêchait qu’en attendant le jour de leur prochaine rencontre, il n’était pas facile de laisser partir cette créature angélique au caractère si délicieusement pétillant avec laquelle il avait passé un moment si délectable et si unique qui avait dépassé bien des choses auxquelles il se serait attendu. Pourtant, c’était ainsi que devait aller la vie : tout le monde n’empruntait pas la même voie, et bien qu’absolument rien n’interdît que ces voies se croisassent à l’occasion, il fallait tôt ou tard qu’elles se remissent à diverger selon ce que chaque personne qui l’empruntait était. Comme dans les différents tomes d’une saga, les différents personnages qui en composaient l’histoire avaient leur propre quête à suivre, et des rencontres se faisaient, des sentiments naissaient, des relations se construisaient… c’était en quelque sorte Le Grand Jeu de la vie !
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( Désolé du temps de réponse… )
La jeune lycéenne à l’ardente chevelure sourit lorsque son « Loulou » confirmât son désir de la ramener chez elle. Elle s’accrocha bien, prenant un certain plaisir à presser sa poitrine dans le dos de l’homme-loup, ou à sentir sa courte jupe remonter au vu de sa position devenue presque indécente. Elle guidait sa monture simplement, lui indiquant la direction de sa demeure, et Saïl se contentait de suivre ses directives, bien que sa queue animale s’amusasse sur sa jambe dénudée, ce qui la fit frissonner quelque peu.
Plus le chemin vers sa demeure rapetissait, plus la jeune femme sentait la fatigue la gagner, bercée par les bonds lupins de sa monture de choix, et comme si cette dernière l’avait ressenti, elle avait apposé une main contre le postérieur dénudé de sa cavalière, qui, malgré la fatigue, fut obligée de ressentir un certain plaisir à cet attouchement, mais la fatigue aurait malheureusement raison d’elle, bien qu’il fusse loup, et qu’elle ne pusse aller bien loin avec lui dans une telle circonstance. Un dernier bond, et ils arrivèrent sur la terrasse de la demeure de la jeune femme qui sourit, se laissant retomber sur le sol, laissant ses seins caresser la longueur du dos de son « Loulou », alors qu’il pût sans doute aucun ressentir une légère humidité émaner de l’intimité de la jeune dévergondée qu’était Naysha.
Retrouvant le « plancher des vaches », la belle étudiante vint faire face à Saïl, et elle se permit de l’enlacer de sa taille ridicule en comparaison de celle du l’homme-loup, mais elle s’en foutait, elle voulait juste rester encore un petit peu en contact avec lui, avant de se reculer un peu et de le remercier chaleureusement de sa douce voix :
- Je te remercie Saïl… j’espère que l’on se reverra bientôt.
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(Mieux vaut tard que jamais...)
Ainsi qu’en un point final à leurs ébats nocturnes, Naysha, en descendant, traça le long de la fourrure dorsale de son amant une courte traînée de liquide, comme un souvenir laissé en conclusion de la fabuleuse nuit qu’ils avaient passée, une marque libidineusement affectueuse de reconnaissance. Ô conscience douloureuse et pourtant inexorable, ils allaient maintenant se séparer pour retourner chacun à leurs activités habituelles, et lorsque Saïl sentir sur lui l’étreinte de sa chère princesse de rubis, il faillit céder à la panique, sentant en lui l’impulsion de par exemple étreindre éperdument la jeune fille en la suppliant « Laisse-moi rester avec toi ! ».
Mais et puis quoi encore ? Le bon scientifique n’était pas un adolescent éperdu d’un amour guimauve et stupide, mais bien un adulte responsable, parfaitement conscient de la situation telle qu’elle se présentait : lui était une sorte de loup-garou fort aisément remarquable, et elle une lycéenne en apparence tout à fait ordinaire, ce qui donnait un couple certes très aimant mais peu commodément assorti pour le lot quotidien du commun des mortels. Se rendant bien compte de cela, le géant à poils au grand cœur eut vite fait de se reprendre, et contenant les regrets qui lui poignaient le cœur, il se contenta de rendre en silence son étreinte à sa chérie, apposant une main contre le bas de son dos alors que l’autre la caressait tendrement de la nuque jusqu’aux hanches.
Et la séparation se fit, en douceur, comme douce était la voix de la belle jouvencelle qui tortura presque l’homme-loup tant cela raviva en lui la tristesse qu’ils dussent désormais aller chacun leur chemin comme l’indiquaient les prunelles luisantes du mastodonte animal. Mais allons, comme le disait si bien un bonhomme au grand nez bien connu, il fallait toujours partir avec panache, et ce fut pour cette raison qu’avec gaillardise et sans aigreur, il répondit :
« C’est moi qui te remercie Naysha. » Puis, non pas que le sourire qu’il afficha ne fût pas sincère, mais il lui coûta de chasser la mélancolie qui menaçait de l’envahir. « Moi aussi... alors... à bientôt ! » Déclara-t-il du ton un peu hésitant qui lui était parfois coutumier.
Sur ce, il se pencha dans sa direction pour l’embrasser sur le front, geste candide mais sincère dont il profita pour se gorger les canaux nasaux de l’odeur si fraîche, si pétulante, si parfumée de la donzelle qui avait désormais une place si privilégiée dans ses souvenirs. Geste d’au revoir final plein de promesse, il se tapota le nez de l’index alors qu’il se redressait, indication qu’il avait désormais en mémoire la fragrance que dégageait cette humaine qui lui était si chère ; puis, sans mot ni signe supplémentaire, il se détourna pour éviter de prolonger de pénibles adieux.
Quelques bonds, et il avait disparu dans la nuit.