Le soleil se couchait. Au palais royal de Melinka, tout le monde vaquait à ses occupations de la soirée. Pour certains, il s’agissait de finir de nettoyer une pièce. Pour d’autres, de préparer le dîner, ou encore de s’occuper de telle ou telle tâche plus ou moins importante. Pour le prince Jim, c’était encore autre chose : il était dans le jardin, assis contre un arbre, endormi. Il dormait depuis trois bonnes heures. La journée avait été rude, il l’avait passée dans les bois à chasser, non pas du gibier mais du brigand. C’est à grand-peine que la garde avait réussi à le retrouver et à le convaincre de revenir au palais, où il n’avait pas tardé à s’endormir profondément, exténué.
Son frère était venu le veiller un moment, amusé de voir que le jeune homme restait toujours fidèle à lui-même, puis il était parti après une demi-heure parce qu’il avait des choses à faire. Jim était toujours là, ses épées posées à côté de lui, dormant paisiblement. Il n’y avait personne d’autre dans le jardin. Personne pour le surveiller. Personne pour voir cette ombre se déplacer et se rapprocher de lui. Personne pour voir cette personne prendre le prince dans ses bras et le soulever comme s’il ne pesait rien.
La nuit était tombée. Tous étaient occupés, chacun de son côté. Ainsi personne ne put assister à l’enlèvement du prince, personne ne put l’empêcher…
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Quand Jim se réveilla, il était dans un lit. Il ne lui fallut qu’une dizaine de secondes pour se souvenir qu’il s’était endormi dans l’herbe, et dix autres secondes après avoir ouvert les yeux pour constater qu’il ne connaissait pas cet endroit. Il se redressa vivement, surpris et un peu inquiet.
"Qu’est-ce que…ça veut dire ?"
Il regarda autour de lui et tenta de rassembler les pièces du puzzle. Il était dans le jardin…et maintenant il était ici. Ça voulait dire qu’on l’avait déplacé. Qui, et vers où ? Il connaissait toutes les pièces du palais, celle-là n’en faisait assurément pas partie. Où était-il alors ? Et pourquoi l’avait-on amené ici ?
Le jeune prince, ne trouvant pas les réponses à ses questions, se leva et alla voir à la fenêtre de la chambre. Il y trouva un paysage insolite : une paroi rocheuse. Aucune lumière, si ce n’est celle du lustre qui se trouvait dans la pièce.
"C’est pas vrai… Je suis dans une grotte ? Mais qu’est-ce qu’il se passe, bon sang ?!"
"Oh, vous êtes réveillé, monseigneur", fit une toute petite voix derrière lui.
Se retournant, il vit une fillette d’une douzaine d’années tout au plus, en tenue de servante comme il en avait vu quelquefois. Elle parut intimidée et se rétracta à son regard méfiant, alors il se força à se détendre un peu.
"Excuse-moi… Je suis un peu perdu. Où sommes-nous ?"
C’était l’occasion rêvée de glaner quelques renseignements sur ce qui lui arrivait. Il ne pouvait pas utiliser son pouvoir pour s’échapper directement, il s’en était servi dans l’après-midi, et il s’en mordait maintenant les doigts. Il allait donc devoir composer avec cette situation énervante et mettre à contribution tous les moyens dont il disposait, dont cette fille. Cette dernière sourit.
"Vous vous trouvez dans la demeure de dame Ophidia, monseigneur. D’ailleurs, maintenant que vous êtes réveillé ma maîtresse désirerait vous voir."
Sa maîtresse ? Oh, par tous les dieux, cette Ophidia l’énervait déjà au plus haut point ! Non seulement elle l’avait enlevé, car c’était bien ce qu’elle avait fait, il n’y avait pas d’autre explication, mais en plus elle se faisait appeler maîtresse auprès de ses serviteurs. Et ce mot avait pour effet immédiat d’énerver Jim chaque fois qu’il l’entendait.
"Je vois… Plus tard, peut-être, je ne suis pas d’humeur à voir qui que ce soit. Comment t’appelles-tu ? Et pourquoi sommes-nous sous terre ?"
"Mon nom est Sylvia, monseigneur. Dame Ophidia a fait bâtir son manoir sous la terre car les serpents ne sont pas à l’aise à l’air libre, à ce qu’on m’a dit. Je…je me permets d’insister pour que vous veniez. Elle sera fâchée si vous refusez, et il n’est jamais bon de la fâcher."
Mais qu'est-ce qu'elle pouvait bien raconter...?