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[Notice : Le mouvement Sturm und Drang, né au XVIIIème siècle, est la critique des romantiques allemands à la période des Lumières, appelées Aufklärung. Si les Lumières allemandes théorisaient la raison et le savoir comme fin de l'homme, le SuD avance plutôt une supériorité des passions, des sentiments et des instincts réfléchis sur tout le reste. Là où Nietzsche explique que l'homme supérieur est celui qui s'est débarrassé de ses passions, Goethe avance plutôt que l'homme supérieur est celui qui s'accomplit dans l'exaltation.
L'âme allemande en restera définitivement marquée : Jusqu'aux années 40, l'allemand sera cette créature rigide, éprise de poésie, de littérature et de philosophie, mais profondément réaliste et terre-à-terre malgré tout.]
La campagne de Russie évoque à bien des oreilles néophytes l'hiver mordant, tenace, glacial ; une dame cruelle qui abat son manteau de nacre en un claquement de doigt, au moment même où les allemands s'y attendaient le moins, pour geler les chenilles de leurs chars, enrayer leur logistique et briser leur moral.
Mais Siegfried suait. Il s'était astreint au bel uniforme, parce que du beau monde était censé passer, et même si toute l'unité sortait d'un combat, il ne pouvait pas se présenter dans le treillis d'officier tâché de boue et de sang utilisé la veille. Le soleil était à son zénith, et tapait sévèrement. L'air était humide et assez irrespirable.
Contemplation. Il n'avait que ça à faire, de toute façon. Sous ses pieds s'étendait une plaine dévastée. Au milieu de centaines de cadavres, humains et métalliques, des campements de fortune étaient dressés. Derrière lui, un peu plus d'une vingtaine de chars quasiment intacts étaient nettoyés et inspectés, respectivement par des punis et des sapeurs. Perché sur ce petit monticule, il avait pleine vue jusqu'aux renflements désordonnés des collines éloignés, derrière lesquels se terraient les rats soviétiques.
Des pas non-loin à sa droite, progressant vers lui, le font se retourner. Son aide de camp, son adjoint personnel, sa béquille de toute circonstances, administratives et militaires, approche. Salut vite-fait, comme il en a l'habitude, parce qu'il est pété à ras bord d'outrecuidance.
-Heil, mein Herr. L'adj...
-Donnez-moi la carte.
Le lieutenant plisse les yeux, puis sort le document de l'intérieur de sa vareuse, la tendant à son commandant. Celui-ci en déplie et replie les pans à plusieurs reprises, cherchant sur ce vaste bout de papier où il se trouvait. De nombreuses annotations brouillaient sa perception du terrain.
-... L'adjoint du général est en chemin. Il devrait atterrir là-bas.
Panntreffe lève l'index vers un plateau un peu en avant, à l'extrême-gauche de Siegfried. Celui-ci considère la chose, avant de faire une petite moue désapprobatrice.
-Pas de meilleur terrain ?
-La DCA soviétique est censée être à l'opposée, et la zone nord est encore tenue par la deuxième SS, c'est probablement l'endroit le plus sûr.
Siegfried vient enfin de trouver Belgorod sur la carte. Il lui suffit de remonter pour saisir le terrain où il se trouve. Ah, voilà : Prokhorovka. Il repère les collines, les chemins, puis remarque un double X tracé au crayon à papier.
-Ca, c'est quoi ?
-Euh ? Oh... Aucune idée. Probablement une... erreur. Peut-être le t...
-Peu importe. Cette carte doit être corrigée. On ne gagne pas avec des cartes fausses. Venez, on va traverser par-là.
-Mein Herr, je me dois de vous informer que j'ai laissé mes bottes de jardinage à la maison.
Siegfried, alors en train de descendre son monticule, s'arrête pour regarder les bottes de combat de Panntreffe maculées de terre séchée, puis redresse sa face vers lui, l'air incrédule.
-Vous devriez savoir quand vous arrêter de plaisanter.
-Désolé, Mein Herr, mais si on commence à établir une hiérarchie dans les moments où l'on peut rire et ceux où l'on ne peut pas, quand les temps les plus durs arrivent, on ne peut plus rire de rien... .
Siegfried essaie de garder une marche droite malgré le terrain relativement impraticable. La pluie est tombée en torrent pendant un court instant, avant de laisser place à un vent puissant qui dispersait des minuscules gouttes sur un champ de bataille déjà trop humide. L'alchimie ayant fait son œuvre, la terre était devenue boue, et les nombreux chars n'ont pas eu de mal à massacrer le sol par de profonds sillons défigurant le paysage. Ajouté à cela les bombes, les grenades et les piétinements de l'infanterie soutenant les chars, et voilà un beau terrain de merde pour y faire sa randonnée.
-Les hommes se plaignent de la défaite ?
-Non. De l'odeur, oui.
Parce que ça puait pas mal, en effet. La plaine, frappée par les rayons solaires en cette après-midi sévère, évacuait toute l'eau et le sang qu'elle avait épongé la veille, ainsi que le fer dispersé en paillettes et copeaux, déjà rouillés par l'atmosphère peu clément, semaillé comme on le ferait de l'avoine et de l'orge en début d'avril, sans oublier d'y passer les bœufs pour aérer la terre, ici remplacés par les allées et venues des chars de combat. Se dégage alors un air lourd, oxygéné par la mort et l'oxyde, par les restes encore fumants de véhicules de guerre, par le pourrissement des cadavres qu'on entasse en tumulus pendant que d'autres creusent les tombes.
-C'est une défaite selon vous, Mein Herr ?
-On verra.
-On verra quoi ?
-La suite donnée à cette opération.
Il faisait toujours chaud, et son uniforme le pesait. Il voudrait arracher la croix de fer qui ceint le col pour se libérer. Il n'a pas dormi, il fait de la fièvre, le soleil l'agresse toujours, l'odeur le dérange, il n'arrive pas à marcher droit, et moralement, bon, c'est pas tip top tendance.
Un avion les survole. Ses ordres viennent d'arriver. Il presse le pas, sans faire attention à ses hommes qui se lèvent sur son chemin pour le saluer.
-C'est pas possible !... Pourquoi !?
-C'est comme ça, Hauptsturmführer.
-... Attendez ! On a quatre divisions SS prêtes à servir, il suffirait d'une poussée au Nord pour prendre en étau la cinquième garde soviétique !
-Ce n'est pas à moi qu'il faut le dire.
-Dites-leur ! Au moins 200 chars sont encore en état de fonctionner !
-C'est une décision du Führer. Vous connaissez le proverbe, Führerworte haben Gesetzeskraft, et c'est le commandant suprême de notre armée, point. Vos réclamations sont à adresser au commandement, pas à moi, je ne suis qu'un messager.
Il remonte dans son avion, et décolle.
-Mein Herr ? Quelles sont les ordres ?
-On se replie sur la sixième ligne. On nous envoie en position de défense. Ils estiment que nos forces ne sont pas suffisantes pour porter une nouvelle attaque.
Chaque officier allemand s'est un moment dit que la guerre était perdue. Certains l'ont fait à Stalingrad, d'autres seulement à la bataille de Berlin.
Pour Siegfried, c'était à ce moment-là.
Comme un animal de Pavlov, Siegfried avait des automatismes mentaux tenaces. Ce n'était pas tant du conditionnement que des traumatismes remontant à la surface. Par exemple, lorsqu'il empruntait une petite ruelle tard le soir, il repensait à son suicide. La neige lui ramenait systématiquement le souvenir de la Russie, que ce soit un paysage rural ou urbain, sous ses yeux défilaient les chars, les soldats, les crevasses apparaissaient et les bâtiments tombaient en ruine. Le baron – et probablement aucun homme – n'était vraiment préparé à ce qu'il a vécu... d'où sa personnalité dérangée d'aujourd'hui, et ce depuis plus de soixante ans, réagissant selon des mécaniques presque irrémédiables, telle la machine de guerre que les instances du Reich voulaient qu'il soit.
Et cette période de chaleur était insoutenable. En période d'examen, il était astreint à un costume impeccable pour bien paraître devant les élèves, et le rythme intensif de correction des copies l'empêchait d'avoir un repos convenable. Il cumulait deux matières au lycée et trois à la fac... Une torture quotidienne. Mais le pire étant son col et sa cravate. Quand, de la main gauche (toujours!) il enfonçait l'index et le majeur entre le tissu raide et son cou pour dégager un peu de la chaleur (geste parfaitement inutile en pratique, notons-le), c'est la déception de Prokhorovka qui revenait dans sa tête. Alors il faisait un instant la gueule, se pinçait les lèvres, se rappelait des cadavres, des chars, de l'avion de l'Oberst, des quatre types qui sont morts coincés dans leur char pendant que leur moteur s'emballait, cuits pochés dans le métal, et de tous les autres qui ont succombé aux obus et aux balles, et peut-être deux - trois de maladies un peu sales à cause de l'eau stagnante. Alors il se disait qu'il fallait qu'il arrête de faire ce geste, râlait, et recommençait dix minutes plus tard.
Le professeur Takagi l'avait arrêté dans un couloir. Après quelques compliments sur un article posté récemment – article que Siegfried avouera avoir écrit il y a cinq ans, mais publié seulement au début de l'année – il lui demande s'il peut l'assister pour son oral de bioéthique.
-Bioéthique ?
-Vous n'avez pas écrit dessus ?
-Si... Il y a quelques temps maintenant. J'ai étudié le droit de la bioéthique avec le professeur Suu-Jin, de Seoul, à l'université d'Osaka, et quelques articles ont suivi... Mais j'ai peur d'être rouillé sur le sujet.
-J'ai besoin de gens sérieux et pédagogue pour mes étudiants. Ce sont des biologistes, ils ne vous connaissent pas, c'est parfait.
Il s'était donc plongé dans presque deux-cent pages sur la bioéthique. Il lui avait fallu deux jours pour raviver les souvenirs, apprendre quelques nouvelles notions, s'être approprié la doctrine du professeur. La semaine d'après, il était prêt.
… théoriquement. Parce qu'en pratique, ça allait être une autre paire de manches.
La chaleur, tout d'abord. L'attente, ensuite. Commencer à 13h (pas le choix avant) est une mauvaise idée, parce que le temps que tout le groupe passe, il était encore dans cette salle de classe à 21h. Ceux qui devaient partir pourraient repasser avec le professeur Takagi un autre jour. Siegfried, lui, ne pouvait pas se défiler.
Jambes engourdis, chaleur, sueur, regret d'avoir choisi de mettre un costume cravate, les deux doigts dans le col qui lui rappellent ses souvenirs, les élèves qui arrivent en ne sachant pas la moitié du cours, et une sensation de manque tenace dans les veines.
-... et c'est en quelques sortes l'argument le plus solide en défaveur de la procréation médicalement assistée.
-Hmm... Et la liberté individuelle ?
-L'éthique n'en est pas tellement une composante, si ? Enfin je veux dire... Le principe est d'abord de savoir ce qu'il est bon de faire ou pas, la volonté de l'individu vient après...
-Vous pensez vraiment ?
-Et bien... Enfin...
-Non, c'est bon, j'arrête de vous torturer. C'était très bien, ne vous en faites pas. Merci, Miss Wadamoto. Il reste quelqu'un ?
-Une dernière, oui.
-Oui, je vois ça sur ma liste... Dites-lui de patienter quelques instants dehors.
-Bien, monsieur. Au revoir, merci beaucoup.
Sourire de rigueur. La porte se referme. Il fait le calcul : Quinze minutes d'oral, cinq à dix minutes pour réorganiser ses affaires et sortir de la fac, quinze minutes pour rentrer chez lui à rythme normal. Il aura son injection dans quarante minutes. Non, il ne tiendra pas le coup. Il faut qu'il la fasse maintenant... et, le temps que ça agisse, autant la faire maintenant.
Il sort alors une petite boîte de métal de l'intérieur de sa veste, genre étui à cigarette, et en sort une minuscule seringue, qu'il cherchera à s'enfoncer dans le poignet, manche retroussée.
La porte s'ouvre.
-DEHORS ! Attendez !
Et se referme. Il soupire. Projette le liquide dans ses veines. Prend une grande inspiration. Il s'agit maintenant de maîtriser les milliers de pulsions qui vont le saisir dans les minutes à venir. Il serre et desserre son poing pour faire circuler le sang et éviter l'engourdissement, avant de tout ranger.
-Entrez !
Il regarde sur son téléphone les sujets qu'il n'a pas fait depuis un bail. C'est son dernier, se dit-il, il peut se faire plaisir... Et boum, l'un d'eux lui saute aux yeux.
-Miss... Walker, c'est ça ? Signez la feuille d'émargement. Votre sujet sera... « Les expérimentations sur humains non-volontaires ». Je vous laisse dix minutes.
Et hop démerde toi avec ça. Il s'appuie ensuite sur son dossier, met deux doigts dans son col, fait une grimace, puis se lève pour aller devant la fenêtre ouverte, et faire les cent pas autour d'elle, pour se dégourdir les jambes.
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Le réveil n'avait pas sonné.
Hier encore, elle s'était promis d'en acheter un nouveau.
Alors, son père se chargea de l'éveiller.
Elle avait trop bu hier ou trop travaillé : un peu des deux sans doute. Sô et elle avaient passé des heures à monter leur dernier reportage entre deux gouttes de saké. Elle était rentrée vers 9h du matin, enjambant le corps inerte du paternel en plein coma éthylique. Elle n'avait pas cru bon d'appeler les secours : la dernière fois, il l'avait battu car elle s'était empressée de faire venir un médecin.
« AKINA ! AKINA ! Bon SANG, il est 16h30 !! Tu te crois à l'hôtel ??!!! BOUGE TON CUL, j'ai pas eu mon petit dej !!! »
Le militaire tambourinait lâchement à la porte dont les gonds menaçaient d'exploser. Il avait fallu, au cours de ces deux dernières années, remplacer quatre ou cinq fois cette maudite porte qu'elle prenait soin de verrouiller à chaque fois. Les rayons du soleil frappaient sa figure éreintée à travers les stores à demi-clos. Son maquillage avait coulé durant son sommeil, maculant ses joues.
« PUTAIN AKINA ! »
Quelque chose n'allait pas. Lentement, elle se redressa sur son lit, échevelée. Elle fronça les sourcils lorsque ses yeux tombèrent sur une petite note épinglée au chevet.
« Non...non... ! L'examen de bioéthique ! »
Un grand fracas suivit son rappel. Jack venait tout juste de briser le verrou, ouvrant la porte à l'arrachée. Akina sursauta et bondit hors de son lit, terrifiée. En débardeur sombre assorti d''un shorty rouge, elle s'empressa de se plaque dos à un mur – bouffée par l'angoisse.
« Je t'avais...dit...je t'avais dit d'ouvrir cette foutue porte !!! » s'écria-t-il, une bouteille de bière chinoise à la main. Il avait toujours eu du goût pour l'alcool bon marché. Il n'avait même pas pris la peine de boutonner sa chemise et son jeans était souillé d'urine. D'une traite, il progressa vers sa fille. Il abattit son poing levé directement contre son minois stupéfait. Elle aura beau tenter de se protéger à l'aide de ses avant-bras, rien y fait. Le père répéta plusieurs fois son geste, à de nombreux points différents. Il consentit un répit qu'une fois tombée à terre.
« Et prépare-moi ce petit-déjeuner. Tu as cinq minutes. » conclut-il en quittant définitivement la pièce après une bonne rasade de bière.
Recroquevillée dans un coin de sa chambre, Akina se remettait de la douleur et de l'émoi. Il était de moins en moins rare que l'américain se fatigue à battre sa progéniture. Une minute plus tard, elle s'extirpait du sol et agrippa son téléphone portable d'une main tremblante. Elle composa un numéro familier et plaqua le combiné à son oreille tandis qu'elle constatait avec dégoût sa figure martyrisée dans le miroir de sa coiffeuse. Sa lèvre était affreusement tuméfiée : impossible à maquillé et possédait un sévère œil au beurre noir du même côté.
« Ici la centrale de Police de Seikusu, que se passe-t-il ? »
Une seconde. Deux secondes.
« Allô ? Ici la centrale de Police. Allô ? »
L'étudiante raccrocha. Elle ne pouvait décidément pas se résoudre à balancer son père comme un vulgaire criminel. Malgré son comportement violent, il ne l'avait pas abandonné contrairement à sa mère. Il l'avait toujours protégé et elle en gardait des souvenirs agréables durant son enfance. Elle souhaitait l'aider, pas le voir croupir en prison et demeurer orpheline à jamais. Un jour, Marisol lui avait sèchement expliqué qu'elle lui trouvait des excuses bidons, qu'elle commençait à montrer les signes de la femme battue. Mais Akina niait.
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Université de Seikusu.
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Il faisait chaud. L'été caniculaire s'abattait impitoyablement sur le campus de Seikusu. Si bien qu'à 20h, il faisait encore une chaleur étouffante au sein des locaux dont la climatisation était tombée en panne l'année dernière. Le comité de faculté des Sciences n'avait pas encore débloqué les fonds nécessaires à sa réparation. Ainsi, elle pouvait porter des lunettes de soleil afin de dissimuler la blessure de son oeil sans qu'on ne lui pose trop de question. Le Soleil ne s'était pas encore couché et beaucoup d'étudiants gardaient cet accessoire à l'intérieur des bâtiments pour le « style ». Seule sa lèvre blessée apparaissait à la vue de tous.
Pour l'occasion, elle portait une petite robe fleurie (http://33.media.tumblr.com/d86101e724c6563fed6a09dacdaef69c/tumblr_n5mi8qaIhf1t0qpcno1_r1_1280.png). La plupart de ses camarades avaient opté pour des tenues standards : costumes, robe de cocktail. Les oraux avaient le don de transformer les couloirs de la fac en véritable défilé de mode. Quelques étudiantes l’affublèrent de regards moqueurs avec sa dégaine de fille sage au visage cassé. Toutefois, elle se tenait élégante dans sa simplicité vestimentaire.
Plantée devant les panneaux établissant les ordres de passage de sa promotion, elle fit la moue en apprenant que Takagi ne serait pas de la partie. La bioéthique n'était pas un cours qui la passionnait : elle avait révisé sur le tas hier, alternant son saké et ses relectures. Tout s'emmêlait déjà dans son cerveau brouillé. Son œil l'élançait encore et elle avait du mal à articuler. Pour ne rien arranger, elle était la dernière. Et Dieu seul savait que cette position n'était à l'avantage d'aucun étudiant. Paraître devant un examinateur épuisé par une journée d'interrogations, à entendre les mêmes choses, était en soi un premier pas vers l'échec.
Wadamoto-san l'avertit de son passage imminent, un grand sourire aux lèvres. Elles s'échangèrent quelques mots d'usage où Walker apprit que son homologue avait réussi son examen. Dans son euphorie la japonaise oublia cependant de préciser qu'il fallait patienter avant de se présenter à Monsieur. Monsieur qui ? Quoi ? Akina n'en avait aucune idée, mais décida de franchir la porte tout de même, mue par l'impatience et la curiosité.
-DEHORS ! Attendez !
Un pas en arrière plus tard, la porte se refermait. Elle n'avait pas eu le temps d'apercevoir le fameux remplaçant en la matière.
-Entrez !
Elle déglutit discrètement et pénétra la salle d'examen avec appréhension. Son regard évitait soigneusement celui du professeur qu'elle devina être occidental. Il avait un léger accent, elle ne saurait décerner sa provenance : Russie ? Allemagne ? La belle métisse s'installa à la table désignée et déposa son sac sur cette dernière à la recherche d'affaires nécessaires à la préparation de son contrôle. Elle était navrée de ne pas pouvoir retirer ses lunettes noires et espérait que Siegfried n'y voit pas là une marque d'impolitesse. Dès qu'elle mit la main sur un stylo, elle signa la fameuse feuille d'émargement signalant sa présence ce jour-là et nota sur un bloc de feuilles vierges le sujet qu'on lui avait généreusement octroyé.
« Ahm...non-volontaire ? Je...je ne savais pas que cela existait toujours depuis l'Allemagne nazie... »
Au moins, elle mettait les pieds dans le plat. Figée dans une trop grande naïveté, elle ne comprenait pas l'intérêt de traiter pareille question à une époque ou les expérimentations scientifiques étaient régies par un droit très strict. Ou qu'elle pensait strict.
« Je veux dire... ahm...vous pourriez arrêter de me tourner autour s'il vous plaît ? C'est très désagréable. »
Ses doigts jouaient nerveusement avec son bic.
« Enfin, par non-volontaires on peut entendre des condamnés à mort ou des malades. Entre 1932 ahm et.... » Elle réfléchissait, fouillant sa mémoire. « 1972 , 400 noirs américains atteints de la syphilis ont été sciemment utilisés comme cobaye afin de...comprendre l'évolution de la maladie en l'absence de soin. Peut-on dire qu'ils étaient volontaires, je ne pense pas. »
Elle articulait lourdement, avec difficulté mais se forçait à diriger clairement son exposé. Les pauses étaient nombreuses, laissant filtrer une mimique de souffrance.
« Je veux dire...de nos jours...les phases de l’expérimentation pharmacologique ont été bien établies. Notamment par la communauté européenne – pour vous faire un exemple, Parmi les quatre phases de l'expérimentation clinique sur l'homme : les premières expérimentations d'un produit pharmacologique doivent être effectuées sur des volontaires. Enfin, ceux que l'on rétribue en échange de leur corps sont-ils vraiment volontaires ? S'ils ont des besoins physiologiques primaires peut-être...que justement être cobayes représente l'issue la plus facile pour survivre en gagnant de l'argent. Ainsi ils n'ont pas le choix. Ou celui de finir à la rue sans doute... »
Elle marqua une pause plus longue que les autres pour accorder du répit à sa lèvre tuméfiée qu'elle effleura du bout de doigts, endolorie.
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Non, il ne se calmera pas. Il a un feu dans ses veines à calmer, et ne tiendra pas tout de suite compte de la remarque, préférant continuer de marcher en fixant alternativement le sol et le plafond. Pas elle, non, ne la regarde pas bonhomme, tu vas immanquablement... Et si. Il fini par l'observer, par-dessus son épaule, mais il ne cherche pas à voir sa copie, se contentant de regarder sa peau, teintée différemment que celle des locales, ses épaules, son cou, et ses pulsions l'assaillent, affligeantes tant elles sont pathétiques et violentes, car même après 70 années de ce traitement pour le garder dans sa forme prodigieuse, il ne se fera jamais aux effets secondaires de son shoot.
Soudain, une légère tristesse l'envahit. Brutale douche froide qui lui porte les larmes aux yeux, et sa gorge tremble, son buste se creuse, il n'a d'autre choix que de porter index et pouce contre ses paupières pour les frotter, et simuler une fatigue intense. Une inspiration. Ca va passer, ça va passer.
Il n'a plus bougé depuis une bonne minute, ainsi debout, fixe, reprenant son calme. Enfin, elle commence. Il se sent mieux.
Et elle parle donc, et elle parle bien. Pas la moindre trace d'occidentale dans sa voix. Il se sent frustré, parce qu'il comprend qu'elle n'est pas une immigrée comme lui, mais bien une native. Aussi, le lien est vite fait sur ses origines. Une sang impur, produite par l'envahisseur yankee. Tss.
Il finira par se rasseoir en face d'elle à la fin de son exposé, après l'avoir calmement écouté. Celui-ci ayant été dans son dos tout le long, ce n'est que maintenant qu'il se permet de voir sa face, et d'en faire un bref examen. Et un détail le gêne, en effet.
-Je vais vous demander de retirer vos lunettes.
Il saisit ensuite son téléphone pour se remémorer précisément la question posée. Elle n'a pas répond en droit, mais en théorie et en fait. Ce sera ça de moins sur la note finale. Il pince ses lèvres, les humecte, puis lui affiche son plus beau sourire, charmeur qu'il est.
-Le droit de la bioéthique n'est pas votre sujet préféré, je me trompe ?... Hm, pas d'inquiétude, je serais gentil. Il est intéressant de voir que vous citez l'Allemagne nazie ainsi que les expérimentations américaines mais que vous n'abordez pas le Japon et l'unité 731...
De quoi lancer une petite polémique dans ce pays révisionniste à souhait.
-Et surtout que vous deviez remonter jusqu'en 1972 alors même qu'on a régulièrement, aux Etats-Unis, des cas d'abus dans les tests médicaux. L'année dernière encore, une cour d'appel fédérée a interdit des essais cliniques pour non-respect des règles d'éthique...
Elle n'avait pas mentionné les textes régissant la matière, se rappelait-il, il n'allait donc pas aborder cet aspect là. Un nouveau regard sur son téléphone pour consulter ses notes.
-Par contre, quelque chose m'intéresse. Vous avez mentionné le consentement, celui-ci étant parfois difficile à apprécier. Parlez-moi du consentement du patient et de sa liberté.
Vaste sujet de droit. Avant qu'elle ne commence, il lève un index pour la stopper dans son élan.
-Par contre, Miss... (Un regard sur le registre) ... Walker. Avant un oral, on évite le football américain. Bref. Allez-y, je vous écoute.
Il a tout de suite l'air nettement moins sympathique qu'il y a pas plus de trente secondes.
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C'est à regret qu'elle consent à retirer ses lunettes de soleil. Bientôt se dévoile son œil blessé, allant de paire avec sa lèvre coupée. Elle se sent vulnérable ainsi exposée. Sa main tremblante repousse plus loin les lunettes pour éviter de céder à la tentation de s'en parer. Instinctivement, elle place devant sa paupière marquée plusieurs mèches de cheveux afin d'estomper la blessure à la vue du professeur.
« Ahm, non....pas mon sujet préféré... » souffle-t-elle en omettant totalement verbe et sujet tant elle est obnubilée par le sourire charmeur de son examinateur. Il semblerait qu'elle n'ait pas tardé à lui répondre par un sourire tout aussi charmant, incertaine.
Quant aux remarques suivantes, elle les encaisse avec humilité et désespère de comprendre qu'elle ne réussirait sans doute pas cet examen. Elle avait à peine réviser certes, mais son attention au cours de Mr. Takagi s'avère précaire. Elle en profite généralement pour finir de rédiger des articles. Le droit ne la passionne pas, pour une raison simple qu'elle explique doucement :
« En fait, si je suis amenée à travailler pour les corporations pharmaceutiques ou biologiques et bien, je présume qu'elles auront de quoi engager toute une armée de juristes concernant ces domaines. »
Un brin ironique, mais très polie tout de même. Elle bat des cils lentement sans le quitter des yeux. Voilà qu'il mue son sujet en polémique juridique et médicale. Qu'en sait-elle franchement ? Wadamoto semble désignée à ce propos puisqu'elle suivait un cursus de médecine. Toutefois Akina s'apprête à répondre quand Siegfried l'interrompe . Il a donc remarqué cet horrible oeil au beurre noir au grand damn de la demoiselle. Elle se sent tout à coup enlaidie, et manque de fondre en larmes. Ses doigts pressent le stylo et elle gribouille quelques mots pour structurer sa réponse, la gorge nouée.Dès lors, elle évite tout contact visuel avec le professeur.
« En droit, dans le cas du patient on parle obligatoirement de consentement éclairé. Ce qui engage le libre arbitre du patient. La recherche médicale et expérimentale tombe sous les mêmes lois. La recherche médicale est soumise à des normes éthiques qui promeuvent et assurent le respect de tous les êtres humains et qui protègent leur santé et leurs droits tout compte fait. Parce que la recherche ne saurait en fin de compte progresser sans l'expérimentation sur des êtres humains. »
Elle tire de son sac une bouteille d'eau minérale – dont l'étiquette garantit l'effet minceur, et s'accorde deux gorgées bien méritées. Sa bouche commençait à s'assécher. Elle laissera ensuite l'eau à portée de main, se concentrant sur son exposé.
« Je reprends ici les clauses de la Déclaration d'Helsinki. Dans les principes généraux il est déclaré que les médecins doivent assurer absolument l'auto-détermination du patient. Cela fait parti du consentement éclairé : le patient a le droit de choisir. Le médecin doit aussi prendre en compte les législations, normes et standards éthiques de son propre pays mais également internationaux. En effet... »
Elle est interrompue par la sonnerie aiguë de son téléphone portable. Dans toute sa distraction, elle a oublié de le mettre en mode vibreur et le voilà qui rugit à la recherche d'attention. Elle dépose sur Siegfried un regard entièrement navré et se hâte de plonger ses mains dans son sac pour éteindre la bête une bonne fois pour toute. Au passage, elle aura brièvement aperçu sur l'écran qu'il s'agissait de son père. Découragée, elle pousse un soupir et lance une nouvelle œillade à son examinateur avant de reprendre sur cette fameuse Déclaration et d'en éplucher le contenu. Elle comparera le tout à la législation japonaise et américaine, reprenant le cas de l'unité 731. Au fur et à mesure de sa progression, elle barre des mots sur son brouillon. Et ainsi, quinze minutes passent au terme desquelles, l'étudiante consent enfin à rendre la parole à son professeur. Le bilan pourrait être mitigé selon elle. Elle n'aura pas insisté sur la thématique juridique, elle en est consciente ayant fait l'impasse sur le chapitre durant ses révisions. D'ailleurs, elle aura digressé une minute ou deux à propos d'une expérience purement scientifique.
« Merci de m'avoir écouté. » murmure-t-elle en inclinant légèrement le buste, sourire aux lèvres.
Le Soleil menace de disparaître à l'horizon et la nuit annonce lentement le début de son règne éphémère. Elle reprend nerveusement ses lunettes sans oser les remettre. Après tout, il venait de passer quinze longues minute devant sa figure à moitié dévastée. Elle n'est pas méconnaissable, mais le complexe octroyé lui donne des envies de fuite lointaine. Une étudiante digne de ce nom, ne chercherait pas à plaire à son professeur et Akina n'est clairement pas de ce genre, mais il y a en Siegfried un petit quelque chose qui l'intrigue. Sa beauté singulière peut-être, ou ses airs distants.
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Il ne laissera rien paraître de ses sombres pensées concernant ses apparentes blessures. La remarque précédente, au mieux une boutade, au pire une cynique critique, ne sera pas réitérée, ni par la parole ni par le corps. Il la regarde droit dans les yeux lorsqu'elle parle, ne dérivant à aucun instant, pas même ne pourra-t-elle déceler un léger glissement vers le pourtour d'hématome ; et si elle pensait l'apercevoir, c'était une création de sa paranoïa.
Il est plus silencieux, et plus sérieux. L'exposé lui plaît un peu plus. Il prend la peine d'écrire, sur bristol, quelques mots, en allemand par ailleurs pour qu'elle n'en devine pas le sens. Il acquiesce parfois de la tête, bien qu'après plusieurs fois, on ne saurait pas dire s'il approuve, s'il trouve ça intéressant, ou si c'est un simple « continue, continue » de circonstance. C'est avec une attention particulière qu'il la regardera d'ailleurs sur sa digression, ne notant rien, se contentant de la toiser, les sourcils légèrement froncés, doigts croisés, le bic coincé entre eux. Hm hm. Hm hm. Hmmm. Hm hm.
Elle termine enfin. Ce n'était pas pour lui déplaire, il avait hâte de rentrer chez lui. Lui aussi aura regardé par-dehors, voyant qu'il était largement temps de passer à autre chose. Un regard final sur son téléphone.
-Très bien. Merci d'être venue, mademoiselle. C'était très intéressant.
Il notera un mot composé en allemand, peut-être sa note, puis range le bristol.
-Vous pouvez y aller. Au plaisir.
… Mais non, petite hirondelle, ça ne sera pas si simple, voyons.
-Attendez !
Alors même qu'elle s'apprêtait à franchir la porte, après les éventuelles salutations, Siegfried l'interpelle. Le pauvre tâtonne nerveusement sa veste de costume, puis ses poches. Il écarte son col de chemise pour s'aérer, soupir à ce que ça lui évoque, se dit qu'il devrait voir un psychiatre un de ces quatre, puis lui sourit, quelque peu gêné, hésitant longtemps avant de reprendre la parole.
-... Pardonnez la demande triviale... Mais... Je vous offre un point en plus dans la moyenne si vous m'offrez un café. Je vous le rendrais. Je crois avoir oublié ma monnaie chez moi et... J'en ai cruellement besoin, là, maintenant.
Ce n'était pas la boisson la plus répandue du coin, mais considérant le nombre croissant d'occidental séjournant dans la ville, il devenait de plus en plus facile de croiser un petit bar un peu européen où allonger un petit billet contre un arabica, court de préférence.
Il prenait une table. C'était assez calme à cette heure. Probablement allait-il bientôt fermé. Siegfried a l'air d'un gosse, avec ce petit rictus empli d'une certaine honte.
-Je suis désolé de vous retenir alors même que vous voulez sans doute rentrer chez vous... Je... ne vous inquiétez pas, ça restera entre nous, je ne veux pas d'histoire.
Le café demandé dès l'entrée arrive, en sus de l'éventuelle commande de l'étudiante. Parce que le lieu n'est pas loin de l'université, il y est déjà allé de nombreuses fois ; parce qu'il le fréquente pas mal, il en connaît les prix par cœur ; et parce que les tarifs sont imprimés dans sa tête, il sort de l'intérieur de veste deux billets, qu'il tend au serveur.
Il paie sa consommation, celle d'Akina. Cette dernière ne rêve pas.
Un soupir de soulagement en portant la tasse à auteur de visage, pour inhaler directement les vapeurs de caféine. Probablement pas aussi bon que celui qu'il prépare à la maison, mais ça vaut largement le coup.
-Hm... Je vous ai écouté pendant près de vingt minutes, à vous de tendre l'oreille, je crois.
Son ton, tout de suite plus assuré et autoritaire, paraissait sorti de nulle part. Une nouvelle personne se dressait devant elle, ressemblant un peu plus au professeur qui lui faisait passer son oral. Une image différente de lui, changeante à chaque instant, un caractère avec lequel il aime jouer.
-Trois personnes se trouvent à Seikusu. La première est dans la rue, les deux autres sont chez elle. La première marche tranquillement lorsqu'elle tombe sur trois fouteurs de merde qui décident de la tabasser pour leur simple plaisir. La seconde a mal préparé le repas et son conjoint, exaspéré et violent de nature, décide de lui en coller une. La troisième décide d'insulter son voisin qui écoute de la musique trop fort, altercation dans le couloir, et finalement, elle se mange un pain. Laquelle de ces trois personnes porte plainte ?...
Une pause, retirant sa veste avant d'être un peu plus confortable. Hm... Ca sent la sueur. Il déteste être sale. Foutue chaleur. Foutue humidité. Il desserre quelque peu la cravate, et prend sa tasse.
-Aucune. La première est une étudiante sans argent qui a peur des représailles et ne veut pas assumer le coût d'une procédure, la seconde refuse car l'affect joue, et l'avenir devient incertain si elle se plaint, et la troisième est en tort et pense donc qu'elle n'a le droit à rien.
Nouvel arrêt pour goûter son café, doucement, du bout des lèvres, et à peine le goût acre agresse-t-il son palet que Siegfried ressent tout le bonheur de la libération de cette intense journée. Il lui fallait ça pour s'en rendre enfin compte.
-Ce n'est pas systématique, mais c'est assez courant. Les victimes, car ces trois personnes sont des victimes, ont une réticence tenace à agir par voie judiciaire. C'est la plaie ouverte de la justice. Celle avec un grand J, pas celle des tribunaux, vous voyez.
Il penche quelque peu la tête sur le côté, puis tend sa main libre.
-Permettez.
Là encore, pas d'équivoque, aucun choix à faire, simple formule de politesse, parce qu'il va se permettre de toute façon. Il soulève le menton d'Akina, constate ses ecchymoses, tente d'en deviner des plus anciennes, recouvertes par les nouvelles, ou effacées par le temps. Puis il fera de même avec ses poignets.
-Vous êtes laquelle des trois ?
-
« Au revoir... »
Elle bourra ses maigres affaires au fond de son sac, lui céda un nouveau sourire et se dirigea d'un pas léger vers la porte. Akina n'avait pas très bien compris si elle avait réussi ou échoué l'examen, les notes espionnées sur le papier bristol n'avaient rien donné. Il fallait dire que ses notions d'allemand étaient précaires bien qu'on l'encourageait perpétuellement à apprendre cette langue pour de futures raisons professionnelles.
« Attendez ! »
Un pied était déjà dehors et elle avait sursauté en se ravisant brusquement, surprise. Elle demeurait pantoise après qu'il ait proposé un café. La demande était en effet assez cavalière de la part d'un professeur. De très loin, elle s'était pourtant entendu lui répondre :
« Avec plaisir... »
Les couloirs étaient presque déserts à cette heure-ci. Mis à part du personnel d'entretien et des retardataires, ils ne croisèrent pas grand monde dans les locaux universitaires. Non pas qu'elle craignait d'être aperçue aux côtés d'un enseignant : voilà qui était chose courant de voir des étudiants accompagner leur sensei vers la sortie de la fac, ou jusqu'à leur voiture. Ils en profitaient en général pour parler de leurs cours ou éventuellement de leur mémoire ou thèse.
Le petit bar à café était très familier à cause de son aspect occidental et de ses produits qui manquaient à Akina de temps à autre. Depuis le divorce de ses parents, ses voyages aux Etats-Unis se faisaient rare et n'étaient permis qu'avec la stricte présence de son père. Or son père n'était jamais en état de prendre l'avion : toujours trop saoul. Elle prit le pli sur Siegfried et réclama poliment un cappuccino dès leur entrée. L'expression qu'elle décrivait sur le visage de l'allemand l'attendrissait et elle partageait sa gêne.
« Ne...vous inquiétez pas, je n'étais pas pressée de ren...eh que faîtes-vous ?! » s'interrompit-elle en écarquillant les yeux lorsqu'il décida de payer la totalité des boissons. « Je croyais que vous n'aviez pas de.... »
Et elle se tut brusquement avant de paraître idiote. Évidemment qu'il'avait de l'argent, ce n'était qu'un prétexte. L'étudiante se mordilla nerveusement la lèvre dans une petite moue désolée qu'elle dissimula bien rapidement derrière son mug de cappu'. Ses oreilles s'étaient montrées attentives au récit de Siegfried jusqu'à un certain point : là où l'analogie commençait. Elle s'était dépêchée de reposer sa tasse au moment où il avait avancé sa main. Non, pensait-elle, elle ne permettait pas – mais il était trop tard et l'homme inspectait déjà son visage où il put remarquer d'autres bleus plus légers, plus anciens, maquillés grossièrement par un fard coûteux. Sur ses poignets minces, il y avait de faibles plaies dont la cicatrisation se terminait lentement.
« Je... »
Elle avait le choix de nier, de servir la soupe froide du « Je suis tombée » , « J'ai été renversée par une voiture ».
« Aucune ! »
Akina récupéra ses mains et se réfugia dans une gorgée de cappuccino, exaspérée et désemparée. Une fois que le liquide brûlant réveille son esprit, elle baissa les yeux vers le sol: honteuse,
« Mon père boit beaucoup. »
Elle tentait d'avoir un ton de voix plutôt monotone, de ne laisser transparaître aucun émoi déraisonné.
«Et puis, vous me direz que je suis grande majeure, adulte. Que je pourrais partir. Oui mais où ? Je n'ai personne d'autre et....mon père est officier de l'U.S Air Force, il a encore des relations très haut placées qui pourraient lui révéler ma position. Quant à la justice et bien... »
Elle détourna son faciès, encore de honte pour éviter également le regard de Siegfried qu'elle craint empli de jugements.
« Je veux l'aider, c'est mon père et il n'a pas toujours été si vilain. Je ne peux pas.... »
S'imaginer abandonnée une seconde fois, perdre le seul parent qui lui restait : impensable. Elle préférait encore les coups. D'un autre côté, elle n'avait pas amassé assez d'argent ni rencontré de fabuleux prince charmant pour espérer poursuivre sa vie sans un pilier.
Ses yeux étaient enfin revenus sur la figure du professeur qu'elle admira longuement. Et elle remarqua que sa cravate et son col étaient lâches, un peu défaits. Sans se rendre compte de son geste, la métisse se pencha vers lui afin d'arranger le costume. Toutefois, au lieu de resserrer le tout, elle défit les boutons du col et retira complètement la cravate qui échoua de sa main sur la table près des boissons chaudes. Elle ne l'avait pas quitté des yeux, un triste sourire aux lèvres.
« Vous serez plus à l'aise ainsi, je présume. Et je vous dois bien ça. Pour écouter mes malheurs qui n'en sont pas vraiment, vous n'avez pas besoin d'être...tiré à quatre épingles, surtout pas avec cette chaleur. »
Akina était une jeune femme pleine d'assurance et de franc-parler. Avant de rompre leur proximité, le bout de ses doigts effleura le visage de l'ancien SS et elle reprit enfin sa place – abandonnant dans son sillage son parfum féminin aux relents de fleur de cerisier.
-
Il écoutait son récit avec l'attention d'un professionnel plus que la compassion d'un ami, et, cela dit, il n'était rien d'autre aux yeux d'Akina qu'un professeur. L'air sérieux, neutre, mains croisées posées devant lui, prenant parfois une gorgée de son café qui, à force de légères soufflettes à sa surface, avait une température un peu plus appréciable.
La violence conjugale était plus courante, que ce soit dans cette partie du monde ou ailleurs. Une enfant battue, ça arrive, certes, mais jusqu'à ses 22 ans ?... Mais surtout, elle avait peur de ce géniteur violent, et ainsi apparaissait le mot : Pouvoir. Celui que Siegfried, par une simple information, disposait désormais sur elle. Parce qu'il pouvait exercer un chantage considérable sur elle, et ce de diverses manières : « Et si les gens l'apprenaient ? » « Et si ton père était au courant que m'avait tout dit ? » Et ce genre de pouvoir, qui reste le luxe des insensibles et des sadiques, c'était tout ce qu'il désirait dans la vie.
Comme ils le font toutes et tous, elle termine sur sa capitulation face aux assauts qu'elle subit. Mais bien sûr. Mon gentil papa me payait des glaces, vous savez, voilà... Non, dans la tête de Siegfried, ça ne marche pas ainsi. Quand bien même son éducation prussienne a été rude, il y a une différence entre le premier héritier d'une baronnie militaire destinée à reprendre le flambeau de la glorieuse famille protégeant l'Allemagne des invasions de l'est depuis des générations, et la pauvre étudiante élevée par un père abusif qui ne demande qu'à vivre comme elle l'entend.
Parlons-en, de l'éducation spartiate de Siegfried. Quand elle le touche, il aura un mouvement de recul. Il aura volontiers plaidé que son papa lui a appris que le moindre pli de travers était une insulte au Nom, et que dans la SS le message était plus ou moins le même ; qu'ainsi, il vaut mieux souffrir de la chaleur en silence que de paraître débraillé en public. Il la laissera finalement faire. Un geste d'une infinie bonté, terminée par une caresse qui le choque presque. Chercherait-elle à l'attendrir ? Ma grande, si l'envie le traverse de te menacer avec une arme pour prendre ton cul dans une ruelle, il n'hésitera pas un seul instant, quoi que tu fasses.
- Des « malheurs qui n'en sont pas vraiment », hm ? C'est une façon de voir les choses.
L'ironie n'était même pas nécessaire dans le ton, les mots se suffisaient à eux-mêmes pour deviner le mépris que lui inspirait cette petite phrase.
-J'ai été battu par mon père aussi. Mais c'était nécessaire. Premièrement, il en avait le droit... Et puis, sans ça, je n'aurais peut-être pas réussi dans la vie. C'était social, obligatoire presque. Toi, c'est différent.
Joli tableau de l'Allemagne qu'il nous dépeint là.
-Sortons.
Akina est charmeuse, presque aguicheuse sans même s'en rendre compte, et peut-être même sans le chercher. Sa robe, loin d'être ostentatoire, son parfum délicat et ses blessures la rendent plus qu'attirante, inspirant à Siegfried une certaine envie protectrice, comme s'il voulait la garder près de lui pour la choyer et la protéger du monde, petite fleur fragile qui craint l'univers entier.
Mais il n'est pas comme ça. Lorsqu'il serre dans ses bras, c'est nécessairement pour briser.
De retour dans la rue, il avait remis sa veste, mais laissé la cravate dans sa serviette. La chemise restait ouverte sur les deux premiers boutons, chose inconcevable en temps normal. Il cherchait dans sa poche intérieure pour en sortir un étui en cigarette à la couverture de cuir et aux bords de métal, la classe du fumeur. Il proposait l'un de ses petits bâtonnets toxiques à Akina, qui refusait, il partagera donc ce plaisir avec lui-même. Crac, flamme d'allumette (parce qu'il garde le briquet-tempête pour la pluie et le vent) et incendie le tabac. Après avoir vidé son café d'une traite, il n'attendait plus que ça.
-Emmène-moi voir ton père.
Il se débarrasse de la fumée envahissant ses poumons sur le côté, avant de pencher la tête sur le côté.
-Je vais simplement te demander de me faire confiance, gamine. Tu n'as pas le choix. Je n'ai pas envie de te menacer pour que tu acceptes... Je me contenterai de dire qu'en l'état actuel des choses, si ce n'est pas une voiture qui te renverse demain, tu mourras de la main de ton père un jour. Et que je ne peux pas me permettre de fermer les yeux.
Siegfried, défenseur de la liberté et des innocents depuis 1936.
-
Elle avait refusé la cigarette.
L'air s'était rafraîchi dehors, mais la température demeurait agréable. Elle ne regrettait d'avoir laissé son gilet à la maison et pensait déjà à la suite de la soirée. Elle ne rentrerait pas tout de suite, sachant son père encore à la maison. Sans doute passerait-elle voir Sô pour avancer sur le tournage d'un reportage ou bien iraitelle à une séance de cinéma ? Elle s'était mise en quête d'un second petit boulot et avait écumé les bars à strip-tease de la région. Non pas qu'elle soit fière d'utiliser son corps à des fins lucratives, elle avait conscience de son talent pour le pole-dance. Ce sport lui plaisait, elle adorait éprouver la gravité autour d'une longue barre métallique. En général, à la fin de la prestation, les spectateurs refourguaient un pourboire dans l'élastique de sa petite culotte. Il faudrait qu'elle en parle à Marisol.
Perdue dans ses pensées, elle n'avait pas remarqué qu'elle avait pris le chemin du parking là où était garée sa petite Honda. Elle s'apprêtait à faire ses adieux au professeur tout en le remerciant pour le café lorsque vint cette demande choquante.
« Mon père ?! » s'indigna-t-elle, les doigts pressés autour de la lanière de son sac à main. « Vous êtes....complètement fou ! »
Elle comptait mettre fin à la conversation ici-même et pressait déjà le pas pour que Siegfried ne soit plus qu'un mauvais souvenirs, mais le temps des menaces succéda à celui des requêtes et la belle se figea froidement ; le coeur battant. Elle croyait même avoir mal entendu au départ. Un enseignant universitaire, de prime abord respectable et au sourire ravageur la menaçait. De quoi ? Pour quoi ? Décidément, cette soirée devenait surréaliste. Et Akina commençait sérieusement à craindre pour sa note finale. La bioéthique possédait un coefficient honorable, qui pouvait faire basculer ses résultats de l'autre côté du miroir si elle ne prenait pas garde.
Toutefois, Siegfried avait tiré une épingle conséquente de son jeu ; la mort sous les coups de Jack Walker. Elle n'y avait jamais songé, se refusant toujours à penser que son géniteur pourrait assassiner son propre enfant. Quand l'américain buvait, il n'était plus lui-même : en proie à des crises de brutalités inédites. Mieux valait ne pas être dans les parages.
« Très bien, » finit-elle par céder avec amertume. « Mais ne faîtes rien d'inconsidéré s'il vous plaît. ».
Après deux ou trois minutes de marche, elle l'invita à grimper dans sa voiture, côté passager. Sa chevelure claire occultait son visage quand elle manœuvra une marche arrière afin de quitter son emplacement de parking. La route fut tranquille dès lors. Plusieurs feux rouges, un ou deux ronds points signalant la périphérie de la ville. Akina était une conductrice prudente et surtout silencieuse. Elle ne dit pas un mot pas plus qu'elle n'alluma la radio jusqu'à leur point d'arrivée : devant la maison Walker où un drapeau américain flottait fièrement au-dessus de la porte.
C'était une bâtisse typiquement pavillonnaire avec un jardin japonais délabré à l'avant. Seïka Walker avait la main verte du temps où elle vivait dans cette coquette villa. Depuis son départ, tout l'extérieur s'était délabré. Sa fille n'avait pas eu le courage de s'investir dans la pratique du jardinage ; chaque tentative apportait inexorablement une crise de larmes. Ils remontèrent la petite allée une fois le portique en bois poussé et Akina ouvrit la porte d'entrée d'une main tremblante. Sans un mot toujours, elle fit signe à Siegfried de la suivre et ils traversèrent le vestibule dans lequel, elle abandonna son sac. Ayant ensuite longé un couloir sombre, ils arrivèrent dans le grand salon éclairé. Jack était affalé sur un fauteuil, une vodka en main, face à la télévision.
« Papa ! » s'exclama l'étudiante en remarquant que le poste TV diffusait sa performance de pole-danseuse à Las Vegas. C'était Marisol qui l'avait enregistré et le DVD avait été mis en lieu sûr, dans un recoin de sa chambre. Cela voulait dire que le lieutenant avait ENCORE fouillé son espace privé. La colère bouillait au creux des veines de la jeune femme qui fulminait en voyait sa silhouette se déhancher sensuellement autour d'une tige pailleté sur un podium. Elle portait un bikini aux couleurs des Etats-Unis.
« Papa, arrête ça ! Nous avons un invité...bon sang éteins ! »
Elle souhaitait elle-même couper l'appareil, mais son pied heurta les cadavres de plusieurs bouteilles d'alcool. C'était une vraie porcherie ; elle en grimaça de dégoût et de honte. Et elle n'avait pas encore noté que son propre père s'était offert une séance de masturbation devant la video. Son pantalon était encore souillé de sperme. Il avait bandé comme un taureau dès les premières minutes du spectacle et s'était imaginé tringler sa fille en bonne et due forme.
« T'es vraiment....une belle salope, ma fille. » commenta Jack sans se retourner vers eux. « Tu fais ta pute à Las Vegas et là, tu ramènes un type chez moi ?! Tu t'es cru dans une maison close ?! Et toi connard. »
Finalement, il s'était tourné vers Siegfried, l'avisant de pied en cape.
« T'as un sale physique de boche. Tu crois que tu vas baiser ma fille ?! »
La métisse envoya un regard plus que désolé à son professeur et tenta de prendre les devants.
« Papa...Calme-toi, c'est mon professeur de bioéthique.... »
« Dégage, Akina. DEGAGE dans la cuisine tout de suite ! » cria Walker après s'être redressé. Il avait attrapé d'une poigne de fer, un fusil à pompe qui dormait toujours près de son fauteuil « au cas où. » « Je veux pas que tu vois ça ma chérie. »
La concernée écarquilla les yeux, terrifiée et blême. « Non...non, attends...on va t'expliquer ! »
« DANS LA CUISINE TOUT DE SUITE ! » hurla-t-il en pointant le double-canon vers sa progéniture.
Elle recula de plusieurs pas, manquant de s'empêtrer dans les déchets au sol et s'exécuta en trouvant refuge dans la cuisine américaine, derrière l'îlôt central. De là, elle ne voyait que son père. Satisfait, Jack remua le bout de son arme vers Siegfried, le nez rouge et l'oeil vitreux.
« T''as 5 secondes pour m'expliquer ce que tu fous avec ma fille et chez moi. Mais y'a de grandes chances que je te plombe les couilles, enfoiré. Et pourtant, Dieu sait que je suis pas un putain de PD. »
-
Il ne dit pas un mot du trajet, tout comme elle. Il concentre ses pensées. Son injection fut faite il y a moins d'une heure, et il s'est avalé une dose concentrée de caféine il y a à peine dix minutes. Le tout agit à plein régime dans ses mains, distille une énergie folle (un peu plus sa drogue que le café), et ses capacités surhumaines sont au summum de leur puissance. Voudrait-il affronter une armée entière, seul contre tous, qu'il choisirait sans doute cet instant précis.
Sorti de la voiture, il remarque en premier le drapeau américain, devant lequel il s'arrête pour le contempler. Akina a le dos tourné. Il sort le pistolet caché dans sa serviette pour le ranger au plus vite dans son dos, à sa ceinture. Il se sent ainsi plus en sécurité. Lorsque l'étudiante lui fait signe d'entrer, il n'hésite pas, avançant d'un pas décidé vers un sort pouvant être funeste, pour lui et pour elle.
Il s'attendait à ce spectacle, mais pas à ce point-là. Aussi bien que ses réflexes étaient décuplés, sa vue était plus claire et son odorat plus sensible. Le tout se trouvait donc agressé par l'endroit, envahis par les forts relans d'alcool et par un désordre inouï. L'antithèse même de l'appartement de Siegfried : Design, propre, carré, le ménage fait une à deux fois par semaine à fond, chaque chose systématiquement rangée à sa place. Leurs personnes étaient aussi deux opposés : Siegfried préférait la nudité dans son appartement, mais lorsque ce n'était pas le cas, il n'arrivait pas à céder à la négligence, et préférait s'habiller en pantalon de costume et chemise propres tout frais sortis du pressing plutôt qu'en survêtement.
Et son rasage était impeccable.
Il y a donc là deux choix à faire : Sortir son arme au risque de se prendre quelques plombs dans la gueule, ou jouer la diplomatie. Chaque fois que Jack prend le fusil, puis détourne le regard, c'est à ce carrefour que Siegfried se trouve ; et chaque fois, il préfère rester immobile.
Finalement, l'homme lui laisse un répit avant de le tuer. Evidemment. On ne tue pas comme ça, sur un coup de tête, pan. Le type se donne un genre. Il est capable de tirer, certes, mais il lui reste une humanité. C'est probablement pour cela qu'il n'est pas encore en taule. Siegfried, qui était resté passif depuis le début, l'air neutre, désintéressé, ayant à peine regardé la télé (à peine, ça veut dire qu'il l'a quand même fait, cela dit), décide enfin de bouger. Il lève les deux bras, dont celui tenant sa serviette.
-Capitaine Kurtz. USMC. On me fait souvent la remarque sur mes origines, mais je suis naturalisé américain. Et je sais les oppositions entre nos deux armes, mais je pense que nous sommes tout de même dans le même camp.
Son anglais est parfait, dans les termes, mais son accent allemand y transparaît un peu plus qu'en japonais. Il pose sa serviette sur un meuble plus ou moins propre, puis s'approche lentement.
-Au cas où vous ne me croiriez pas : J'ai un nine sur moi, mon groupe sanguin tatoué sur le bras, et je sais que le Colonel Fox, à Iwakuni, où j'ai été basé avant ma démobilisation, est un fils de pute de l'Union qui a interdit le Dixie Flag dans les chambres.
Le voilà à une trentaine de centimètres du fusil à pompe. Il n'a arrêté de parler que trois secondes, reprend aussitôt.
-J'étais assistant médical. Nos expériences étaient secrètes. On a fini par nous mettre dehors, mais je voulais rester dans ce pays. Pas vouloir subir la honte de retourner chez moi. Le Corps m'a trouvé un poste en tant que professeur, à Seikusu. J'enseigne la bioéthique. Votre fille avait un oral, les étudiants ont tardé à finir. Vu ses blessures, je me suis dit qu'elle devait avoir été agressé, qu'elle n'était pas en sécurité sur son trajet, j'ai préféré la raccompagner. Elle a refusé, j'ai insisté. Elle n'a pas eu le choix.
Le discours, énoncé sur un ton calme, franc et quasi-monocorde, s'arrête enfin. Il se permet même un sourire.
-Je vous invite à boire quelque chose dehors ?
Les secondes d'après étaient décisives. OK, le type n'était pas au tip top de sa forme, mais ses expressions étaient néanmoins claires, et l'allemand n'aura aucun mal à deviner ses intentions. Le temps qu'il assimile ce que son opposant vient de lui dire, puis commence à réagir... Ca y est.
Pas besoin d'attendre plus longtemps. Siegfried entrevoit déjà la suite : Il va lui dire qu'il n'est qu'une sale bouffeur de saucisse, va picoler, frapper Akina, et peut-être au passage tirer une bastos dans la jambe de Siegfried. Et ça, c'était pas tolérable.
Alors à peine Jack aura-t-il cligné des yeux que le respectable enseignant, propre et bien sous tout rapport, s'était jeté sur lui. Sa pratique de la Krav Maga (un art israélien, ô ironie) lui servira pour désarmer son adversaire avec une facilité déconcertante : En un éclair, l'une de ses mains jaillit pour détourner le fusil à pompe de sa personne, l'autre paume tord son poignet pour qu'il lâche l'arme et n'ait pas le temps de tirer, et le reste de son corps se projette en avant pour préférer à tout ça le corps à corps, auquel Jack ne s'attendait sans doute pas. Le slug n'a pas encore atteint le sol que déjà Siegfried enchaîne avec un second mouvement, faisant pivoter l'un des poignets du militaire pour que son corps se retourne. Sa semelle va ensuite écraser les tendons arrière de ses genoux, et Jack s'écroule instantanément au sol. Siegfried n'a plus qu'à le pousser, poser un pied entre ses omoplates, tenant toujours son bras, affreusement tordu. Le Sig Sauer est brandi de la main libre, posé sur le crâne de sa victime.
-J'ai dit : Capitaine Kurtz, USMC. La seule bonne réaction aurait été le garde-à-vous. Vous avez oublié votre serment ? La discipline est la seule chose qui fait une grande armée. Vous êtes et restez à jamais un soldat de l'armée des Etats-Unis. Ce n'est pas parce qu'Obama cherche à faire de nos rangs un refuge pour les pédés et les arabes qu'on doit se comporter n'importe comment. Nom, Grade. Et je répète : Je vous invite à boire un verre dehors. Entre camarades.
-
Jack avait été maîtrisé avec une facilité déconcertante. Il ne se rappelait pas avoir pris une telle branlée depuis ses premières classes dans l'Air Force où son instructeur-chef lui avait déboîté la mâchoire à cause d'une histoire de ménage mal fait dans les dortoirs. Il fallait dire qu'avec le départ de son ex-femme, le militaire s'était laissé aller. Il avait pris un peu de poids, ne se rasait plus, fumait et buvait à fréquences néfastes et avait abandonné le sport. Il fut alors obligé de répondre à l'allemand, vieux réflexes de soldats obligaient :
« Lieutenant Jack Walker de l'U.S Air Force. J'ai travaillé à Iwakuni...j'ai piloté des F/A-18 Hornet quand je faisais encore partie des Blues Angels. Putain, j'étais dans la Navy aussi, merde ! Lâche-moi. Ca va pour le verre» brailla-t-il, les mots déformés par son accent texan dégueulasse.
Avec un canon de pistolet sur le crâne, on devenait tout de suite plus conciliant.
Pour sa part, Akina s'était contentée de pousser un cri étouffé devant l'action qui avait mis son paternel à terre. Rapidement, elle avait émergé de la cuisine en les toisant avec stupeur. Jack avait la haine d'être humilié sous les yeux de sa fille, mais il n'avait pas le choix que celui de la résignation.
Quelques secondes plus tard, et une dose de bonne foi, Walker était libéré de l'emprise du SS.
« J'aime pas les nègres bordel, » crachat-il en référence à la réplique sur Obama. « Ni les bouffeurs de tacos, de nems de sushis ou je sais pas quoi. »
Il se massait le crâne, soulagé de ne plus sentir la pression du Sig Sauer Il pointa ensuite un doigt menaçant vers Akina et lui désigna la pièce.
« Range moi toute cette merde, Akina. Je veux que ça brille à mon retour. Et à mon retour on va parler aussi, ouais. Entre quatre yeux, t'inquiète pas qu'on va parler. »
Elle connaissait ce ton. C'était le signe d'une raclée prochaine. Parler, dans le langage du soldat, signifiait donner la priorité à ses poings et ses pieds. En général, il laissait toujours deux à trois semaines entre les coups, pour que les marques s'estompent et qu'aucun soupçon ne soit éveillé. Un jour, il l'avait tellement amochée qu'un tour à l'hôpital avait été obligatoire. Il avait choisi une clinique militaire U.S à des centaines de kilomètres de là où on ne lui posa aucune question. Sa confiance dans les niaks était de toute manière caduc et il avait déjà fait les frais d'une descente de police pour avoir donné deux ou trois claques à son ex-femme.
L'étudiante envoya un ultime regard à Siegfried, l'air de dire : « Faîtes attention à vous. Et à lui. » avant de se détourner vers la cuisine. Jack attrapa une veste de l'armée et signifia au Capitaine Kurtz de le suivre. Ah ça les bars, il connaissait. Dans le quartier, à cinq minutes de marches, il y avait un établissement qui avait la gueule de l'emploi : le Road 66. Typiquement américain. C'était Thompson, un compatriote retraité qui l'avait ouvert. Il interdisait trop souvent l'accès aux asiatiques – comble de l'ironie si bien que ce bar était devenu un repaire mal famé de russes, allemands, américains, anglais : tout le reste du gratin. De temps à autres, on voyait un Khazak bâti comme une montagne : c'était le videur. Quelques strip-teaseuses faisaient le show parfois et se transformaient illégalement en putes si on sortait les bons billets (est-ce à dire, des dollars). C'était les filles de Thompson, paraissait-il. Ses filles de sang. Qu'il avait eu ci et là, et qu'il avait conservé sur les bras après deux divorces et une femme morte. Pas étonnant qu'il s'entende si bien avec Jack Walker. Ils avaient fait les mêmes guerres.
Il poussa les portes du bar et une musique hurla à leurs oreilles. C'était du rock pur et dur, américain et presque patriotique. Walker sortit une cigarette de sa poche intérieure qu'il coinça à son bec et salua les badauds présent sans commune mesure. Ils étaient tous des trous, et ils se connaissaient bien. Direction le bar, pour dire bonjour à Thompson d'abord. C'était un gaillard dans la soixantaine, avec des petits yeux bleus et une barbe de quelques jours. Son crâne était blanc, décoré d'une vilaine coupe en brosse.
« Walker, tiens donc. T'es venu tôt aujourd'hui. T'en avais marre de ta vodka bon marché ha-ha ! C'est qui celui-là ? »
Le patron avisa Siegfried d'un mauvais oeil.
« T'occupes. Il est avec moi pour aujourd'hui. Sers nous du Whisky. Un qui pique bien. »
Sitôt, le gérant déposa deux verres à alcool devant eux et servit du liquide ambré avec un sourire goguenard. Il regardait surtout Jack, et se pencha vers lui avant de déclarer sérieusement :
« Tu sais...ta fille-là. Elle peut venir travailler ici hein, je te l'ai déjà dit. Je te paierai pour ça. Je m'arrangerai pour que les queues qu'elle voit soient pures américaines ! Du pays mon pote. »
Walker fit mine de réfléchir et il grogna une réponse évasive :
« Ouais, on verra. Elle est plus vierge de toute façon. C'qu'une pute. Si tu paies bien, je vais m'arranger. Allez on s'arrache à une table et t'as pas intérêt à me faire revenir pour remplir les verres, envoie ta gamine le faire dès qu'ils sont vides. » Puis à l'attention de l'allemand. « Alors Captain...tu enseignes à ma fille c'est ça ? Je croyais que c'était plus facile de lui faire rentrer des trucs dans la chatte que dans la tête. »
Il partit d'un rire gras tout en s'avançant vers une table tout près de la scène. Au passage, Ivy : la cadette de Thompson lui envoya un clin d'oeil pour signifier qu'elle s'occuperait d'eux dès qu'il le faudrait. Satisfait, dans son élément, il prit enfin place et se récompensa d'une rasade.
-
Gagné.
Il le relâchait sans peine, l'air presque désolé de devoir en venir à de telles extrémités. Heureux qu'il se montre coopératif, il n'en relâche pas pour autant sa garde, parce que ce genre de type était pitoyablement prévisible dans son imprévisibilité... Aussi, le Sig Sauer dans la ceinture lui servira sans doute.
Il esquisse un clin d'oeil à Akina avant de partir, avec un sourire en coin, et le voilà sur les talons de Jack.
Le bouge était un endroit de rêve. Parce qu'il puait la sueur d'occidental rebut de la société, c'était probablement là où Siegfried rêvait d'entrer. Il aimait se faire du réseau, et maintenant qu'il avait pu pénétrer dans un tel endroit avec une personne de confiance, sa gueule était désormais connue comme amicale. Il salue ceux qui ont l'air disposé à recevoir sa politesse, sans joie, juste d'un signe de tête. Il se reconnaît dans ces traînes-savates étrangers abandonnés par la vie. Après son suicide, il n'était qu'une loque, tout juste bon à vagabonder, avec sa gueule d'européen vivant dans les squats, de quoi te faire haïr par 97% de la population japonaise d'après-guerre. C'est sans doute pour oublier cette période qu'il s'est toujours tenu loin de ces repaires à clébards blancs inutiles.
-J'vais vous raconter ma vie, j'suppose. Je suis né et j'ai grandi en Allemagne, mais ma mère, américaine, a immigré quand mon père est mort. Et je préfère les Etats-Unis, ouai. J'ai fait un cursus de sciences et j'ai décidé de rentrer dans l'USMC, en tant qu'officier. Je me suis démerdé pendant l'école et je me suis fait remarquer par un officier qui cherchait du monde pour sa nouvelle unité. On était encore sous Bush à ce moment-là. On a été en Afghanistan, on a fait deux trois trucs un peu sales sur les insurgés, v'voyez. Bref. Là, l'autre fils de pute d'Hussein s'est fait élire. Forcément, depuis Abu Grahib et toutes ces conneries, ça puait déjà pour nous, mais avec le gauchiste au pouvoir c'était carrément la merde. Donc on nous a fait déménager au Japon, où on pourrait faire des trucs plus tournés faire la médecine. Quand il s'est fait réélire y a deux ans, l'unité a été fermée. J'suis sur le carreau, j'veux pas retourner au pays, on me trouve un travail de prof. J'me retrouve à enseigner à des niaks et tout... Alors quand j'ai vu Akina, son nom et sa gueule sentait bon la nostalgie. Voilà tout.
Il s'enquille son whisky, d'une traite, grimace quelque peu, puis lève le bras pour claquer des doigts à répétition, qu'une fille s'approche avec une bouteille. Jack comptait peut-être se l'approprier, mais Sieg le fera avant, lui saisissant le poignet.
-Laisse la bouteille. T'as une jolie gueule. Tu suces pour combien ?
Il matait ostensiblement l'imposante poitrine qui servait d'attraction aux mâles du coin, rictus pervers aux lèvres, avant qu'elle n'énonce en balbutiant un prix fort dérisoire.
-Pour c'prix-là tu dois pas valoir le coup... Dégage, on en reparlera.
Il la mate lorsqu'elle s'éloigne, puis se retourne vers son interlocuteur.
-Hm. Bref. Akina, elle est pas conne, et j'aime bien ça. J'aime bien les filles qui peuvent me parler quand je leur parle, tu vois. Elle a pas fait sa pute devant moi, elle a été... normale, quoi. Moins chienne que certaines autres qui n'ont rien dans la tête et qui se sont dit qu'en se pointant fringuée comme des tapins, elles auront une meilleure note. Nan, je l'ai pas baisé, et j'ai pas entendu de rumeurs comme quoi elle se faisait sauter. C'est une bonne étudiante, Jack, je te le jure.
Il se resservait, et faisait de même au lieutenant.
-Dans l'USAF, vous savez pas boire. 'Faut être un Marine pour savoir ce que c'est la picole.
Un défi. Il sourit, boit d'une traite, attend que Jack fasse de même, se ressert, recommence.
-Putain... Ca m'avait manqué ces conneries... Hmmm...
Les verres sont de nouveau remplis. Il comptait grandement sur l'alcool.
-Bref. J'ai été bien éduqué. Chez moi, on baise pas une fille sans demander à son père. Et j'suis heureux que là, son père soit un militaire, un bon américain, plutôt qu'une saloperie de jaune.
Il se dresse sur son siège, sentant le malt prendre doucement possession de son corps. Parce que justement son sérum accélère son métabolisme, l'éthanol agit plus vite sur lui, et quand bien même il l'élimine plus vite, il commence à le sentir passer sérieusement.
-Dis ton prix, Jack. J'en ai rien à foutre, même si c'est pas de l'argent, si t'as besoin de quelque chose de matériel, j'te le file. Pour une fois que je tombe sur quelque chose d'agréable à voir et à entendre, et avec un peu de sang pur dans les veines, j'me dis que j'devrais pas passer à côté.
Le Sig Sauer à la ceinture. Il a lâché son verre. Son bras gauche est posé sur la table, prêt à faire bouclier. Le bras droit, au bord, est prêt à dégainer si l'éventualité arrivait.
Il se disait que c'était le moment pour battre une armée entière. Tout un bar de saoulards, ça devrait le faire.
-
Jack n'avait rien trouvé de plus intelligent que ricaner bêtement lorsque Ivy avait été approchée par le boche. L'alcool inhibait encore sa raison et ses réactions devenaient lentes, lourdes sans but précis. Il voyait tout à travers le prisme du whisky : le monde était bien meilleur ainsi selon lui. Progressivement, l'allemand commençait à lui plaire sérieusement. Enfin germano-américain, il était un bâtard comme sa fille. Finalement, ils allaient bien ensemble. Nouveau ricanement.
« Bien sûr que ma gamine est pas conne eeeeeh ouais. Elle a pris de son père qu'est-ce que tu crois ? Qu'on est con chez les Walkers. »
Le verre ne quittait pas sa main voire ses lèvres ; et toujours le même geste inlassable qui ne fatiguait ni son bras, ni sa gorge.
« Je l'ai bien élevée. C'est pas sa pouffiasse de mère qui s'en est occupée. Et je vais te dire. » Il le pointa du doigt, le verre toujours bien en main. « Elle a de la chance d'avoir pris du côté de l'Oncle Sam. » [/color]
Et le contenant ne désemplissait pas grâce aux bons soins du docteur Siegfried qui avait touché une corde sensible en malmenant l'orgueil d'alcoolique de Jack. Il but et but encore afin de prouver que les mecs de l'USAF savaient s'envoyer des litres de liqueurs et pouvaient ensuite balancer un petit missile depuis un F16 sur une fourmi irakienne. Sa vision se déformait parfois ; il ne comprenait pas tout ce que le professeur disait ce qui jouait en faveur de ce dernier.
« Tu me plais bien, enfoiré. Tu sais te battre, tu viens du pays, t'es un Marines. T'es pas un vendu, putain. Ca....ça c'est la classe. »
Quand on caressait l'ivrogne dans le sens du poil, il y avait de meilleurs résultats. Il considéra longuement l'offre du SS, les yeux plissés et le dévisageait sévèrement. Toutes les dix secondes, il désaltérait sa gorge. La musique lui tambourinait dans le crâne et il finit par arrêter de réfléchir pour se débarrasser de tout ce merdier.
« M'okay le boche. Je veux une putain de nouvelle télé écran plat que les niaks arrivent à fabriquer, le truc dernier cri tu vois. Où je pourrais voir le cul de ces salopes en haute def' et où je sais me repasser les matchs du Superbowl. Ouais, une grosse TV quoi. Et trois bouteilles de Kaiser. C'est de la bière belge de merde, mais bon. Avec ça, c'bon, tu peux la niquer ma gamine. Mais attention.... »
Il reposa sèchement son verre et fit un signe à Thompson de baisser la musique pour que tout le monde soit témoin oral de la suite. Il fallait pas rigoler avec la marmaille des yankees.
« Si tu la fous enceinte, tu l'épouses ; Je veux pas de bâtards dans la famille, on est des bons chrétiens. Alors tu prends tes précautions ou tu prends tes couilles. C'tout. Là mon pote, on peut trinquer au cul de Scarlett. Parce que Akina c'est sa mère qui l'a appelé comme ça. Goût de merde. Je voulais un fils moi. Un futur soldat, un futur joueur de football là....un truc avec un vers entre les jambes tu vois !»
Une ou deux heures passèrent au terme de cet accord louche. Thompson avait tout entendu évidemment, ses filles aussi et quelques clients. Autant dire que s'ils avaient adopté l'allemand, il ne tenait qu'à lui de respecter les deux conditions pour avoir accès aux cuisses de la jeune femme, sans quoi il risquait bonbon.
De retour à la maison, Jack n'avait pas dessaouler mais était apaisé. Il avait passé une belle soirée en compagnie de son nouveau « copain ». Comme demandé, le salon était rangé et impeccable avec en prime, une petite odeur de jasmin qui flottait dans l'air. Akina finissait de dépoussiérer la dernière étagère. Elle avait rangé en une couette haute sa chevelure soyeuse et claire. Elle ne les entendit pas entrer tout de suite, trop concentrée sur son ménage. Si bien qu'ils la surprirent en arrivant. La jeune femme ne put s'empêcher de les dévisager longuement à la recherche de la moindre trace de lutte.
« Vous...vous en avez mis du temps. » soupira-t-elle de soulagement après avoir constaté leur relative bonne santé.
« Toi. Toi gamine, me parle pas comme ça ! Je prends le temps que je veux, bordel !"
Sur ce, il envoya un clin d'oeil complice à Siegfried, si pathétique que c'en était caricatural.
«Le Captain est un nouvel ami de la famille. Il boit comme un trou. Putain de marines. Je sais pas s'il reste souper avec nous. »
La belle fronça les sourcils tout en retirant le tablier qui lui cintrait élégamment la taille. Ses yeux en amande fustigèrent tout de suite l'allemand qu'elle observait désormais avec condescendance.
« Je ne comptais pas souper ici, j'ai du travail. Je t'ai mis une pizza au four. » annonça calmement Akina. Elle rangeait les chiffons et les seaux d'eau, agacée.
« Travailler...non mais tu te fous de ma gueule, t'es toujours dehors. Bon va pour cette fois. »
L'idée d'avoir enfin cet écran plasma adoucissait ses moeurs d'ivrogne.
« Bon, alors mon pote le Capitaine, tu grailles la pizza avec moi ou tu vas te refaire Stalingrad, ha-ha-ha. »
C'était vrai, qu'est-ce qu'un foutu allemand pouvait bien faire de ses heures libres ? Vénérer le troisième reich. Dans la tête de Walker, bourrée de préjugés, c'était ainsi.
-
Et victoire.
Il aura eu du mal à se retenir de rire, puis de hurler de l'absurde de sa demande, mais se contentera d'accepter d'un signe de tête. Ouai. C'est parfait.
-Je suis aussi améri... enfin, non, bon, pas autant que toi, OK... mais mon cœur va à ma patrie, même si je suis exilé dans ce putain de pays. Peu importe. Scellons cet accord avec un verre. Deal, mec. Et t'inquiètes pas, Jack... C'est encore ta fille, t'as encore ton mot à dire. J'suis un homme de parole.
Il trinque, et boit.
D'ailleurs, il ne fera plus que ça pendant des heures. Les biftons s'allongent (des yens, il n'a que ça dans sa poche, mais il a promis qu'il ramènerait des dollars la prochaine fois), chacun payant tour à tour, il sympathise même avec un autre boche et un ricain dans le bar, de quoi se faire accepter par la communauté dans sa globalité. Ils avaient parlé de souvenirs de guerre, de ce pays de merde, de cet Obama à la con, en avaient rajouté dans la débauche, avaient touché quelques culs de serveuse – et étaient rentrés.
Siegfried n'était pas à son summum en retournant chez Jack. Il tenait mal sur ses jambes. Depuis quand n'avait-il pas bu comme ça ? Sa tête lui tournait sérieusement, sa gorge était en feu, l'estomac à l'envers, et une certaine fatigue l'envahissait. S'appuyant contre un chambranle, riant un peu à l'une de ses remarques, il passe sa main sur son visage.
-Je retire tout ce que je pu dire un jour... ces pédés de l'USAF savent boire aussi. Ah ah ah !... Oh merde.
Il doit reprendre de la contenance, se redresser un peu, remettre sa chemise quelque peu débraillée. Il renifle sa veste, qui n'a pas une super odeur, lorsqu'on l'interpelle.
-Hein ?... Euh, oh, non, 'faut que je rentre, j'suis pas super bien... Ca faisait un bail que je m'étais pas amusé comme ça... J'passe plus de temps avec des putes qu'avec de l'alcool... Pis j'bosse demain, putain... Hmffff... C'est gentil quand même...
Il voit Akina passer non loin, et en profite pour se rapprocher, la saisissant par la queue de cheval. Ses paupières fatiguées lui donnait un air beaucoup moins glorieux qu'il y a quelques heures.
-Toi, t'es à moi, maintenant, d'accord. Tu vas être très gentille. Demain, fringue-toi comme une vraie pute, mais avec un peu de classe, que j'ai pas l'impression de te ramasser dans la rue... 13h, restaurant... euh... j'ai oublié le nom... Dans le quartier de l'université, au 4-11-44... Putain... Hey Jack, c'est pas l'un des trucs les plus merdiques chez ces jaunes, leur système d'adresse ?
Ayant élevé la voix pour se faire distinctement entendre, il choisit finalement de se rapprocher de lui, l'air un peu plus sérieux.
-Jack. On est des hommes d'honneur. On est des militaires, des vrais. On a servi dans une grande armée tous les deux et on s'est fait baiser par des enculés de politicards avec leurs règlements à la con, et des officiers à couille molle. C'est ça l'histoire. Ils devraient nous réintégrer avec dédommagement, putain. Maintenant, toi et moi on est en affaire, alors je te parle franchement. J'veux plus qu'Akina ait des bleus, nulle part. Pas que ça m'emmerde en soi, mais je tiens pas à baiser des jouets abîmés. J'suis déjà assez violent avec les nanas, si en plus t'en rajoutes une couche derrière je vais finir par niquer un cadavre. Bref... J'te laisse. C'est un plaisir de t'avoir rencontré, même si t'es qu'un rigolo de l'USAF.
Il lui tend la main pour la serrer, parce que se saluer avec la tête c'est aussi un truc de pédale de jap', et il finit par s'en aller sans oublier sa serviette avec ses cours dedans.
-À demain, « Scarlett ». Jack, j'te fais livrer tout ça dès que j'te trouve de la bonne came. De la.. bonne came. Ouai. Plutôt que Stalingrad, j'vais me refaire Kennedy, « Ich bin ein Berliner ». Putain d'arnaque. Encore un trou du cul de gauchiste.
Enfin, il sort. Il prend une grande inspiration. Quel merdier. Il savait qu'il n'en avait pas fini, que ce n'était qu'un début. Il n'aurait pas dû boire autant, même pour déconner, même pour feindre, c'était trop pour lui. Il lui fallait un café grand comme l'Empire State Building pour faire passer ça, et surtout une bonne nuit de sommeil.
Il allait donc rentrer à pied, en titubant quelque peu.
Le lendemain.
Le réveil a été dur... À 5h du matin. Oui, soudainement, paf, il s'est levé avec un mal de crâne immense et n'a pas réussi à se rendormir, bien que, du coup, il n'ait eu que trois heures de sommeil. Il fallait reprendre un rythme sain, alors il s'est fait un bon gros petit dej avec deux tisanes purifiantes, des tas de fruit et de légumes différents, rattrapant par la même occasion le dîner oublié de la veille. Après une digestion tranquille en écoutant du Prokofiev et du Mussorgsky, il s'imposa une séance de sport bien plus intensive que d'habitude, quitte à malmener son corps. Sa première injection de la journée, la moitié d'une seringue, lui fit un bien fou. Il se masturba, pris une douche, alla s'excuser devant sa croix de chevalier de la croix de fer des insanités qu'il a pu dire la veille... et se cala mollement sur son canapé, pour se faire une partie de Xbox.
Sur les coups de midi, il décida de se préparer entièrement. Il avait une bonne image à refaire auprès d'elle, alors hors de question d'y aller décontracté : Costume complet, sombre, sobre, classe, coiffé à l'allemande, on vérifie son rasage, en l'absence d'un sac à porter il se contentera de prendre son plus petit Glock pour le mettre dans sa veste, et sortira lorsque ce sera l'heure, faisant taire Saint-Saëns avant de verrouiller sa porte.
Il avait pris une table dans ce restaurant typiquement arabe, dans ce quartier très cosmopolite qu'était celui de l'université, un établissement plutôt milieu de gamme, avec une décoration fort inhabituelle pour le pays.
Il l'avait vu dans la rue, il avait été la chercher pour la conduire où il avait laissé ses affaires, s'était assis, et avait croisé les bras.
-Alors, Scarlett... Je suppose que tu as des choses à me dire, ou à me demander.
Le serveur arrive pour la commande. Il se plonge dedans, gardant néanmoins une part de son attention pour Akina.
-
« Aouch ! » s''était exclamée quand Siegfried l'avait saisi sans crier gare. Elle fut heurtée de plein fouet par les mots qu'il employa. Il empestait l'alcool autant que son pauvre père et la douce Akina se révolta faiblement face au discours prononcé.
« Qu...quoi ? »
Elle avait à peine retenu l'adresse, les exigences vestimentaires et n'avait même pas prévu de réfléchir à la réponse : c'était non. Non, elle n'irait pas. Non, elle ne s'habillerait de telle ou telle manière. Et maintenant qu'elle les observait, tous les deux, la demoiselle se disait qu'elle venait d'accueillir un second démon dans sa vie et qu'il serait difficile de se débarrasser du professeur de bioéthique. De quoi haïr davantage la matière, si c'était possible. Le temps que les informations remontent au cerveau, elle était de nouveau frappée par le sens des paroles échangées. «Baiser des jouets ? ». Elle devait faire erreur, ils ne parlaient pas d'elle. La métisse eut un petit rire nerveux et se trouvait ridicule. Voyons, personne au 21ème siècle ne traitait une jeune femme de cette manière. Elle avait dû rêver, le stress, la fatigue, l'examen:autant de facteurs qui jouaient sur sa forme physique et mentale. Puis, ces deux hommes étaient en état d'ivresse. Tant de bêtises étaient proférées sous l'effet de l'alcool et oubliées dès le lendemain.
Heureusement, car un peu plus et elle aurait cru que Jack Walker venait de la vendre à son examinateur.
« Tu l'as dit mon pote. Allez, fais gaffe à toi hein. Que les cocos te choppent pas en route, hein ou ces foutus jaunes. »
« J'ai besoin de repos... » murmura-t-elle pour elle-même alors que Siegfried repartait. D'un pas mécanique, elle emprunta les escaliers menant à l'étage, ouvrit la porte de sa chambre et s'effondra sur le lit quelques minutes à peine. Car dans une demi-heure, elle devait être chez Kenneth. Sous un élan de compassion, elle avait accepté de donner une chance à une probable nouvelle relation. Elle entendrait ce que Kenneth aurait à lui dire et elle aviserait. Après un bref tour dans la salle de bain, elle enfila un jeans et un débardeur sombre.
Son père soupait devant la télé lorsqu'elle traversa le salon pour sortir. Étrangement, elle n'eût aucune remarque désobligeante, pas même un regard. Elle saisit en vitesse son sac et ses clefs de voiture, sans demander son reste. Le paternel était d'humeur lunatique, mieux valait ne pas presser le citron trop fort.
Un crissement de pneus et la voilà déjà partie vers l'autre bout de la ville où Kenneth logeait au sein d'une résidence universitaire peu coûteuse.
La sonnerie du téléphone marqua un douloureux réveil. A l'odeur, Akina savait qu'elle n'était pas dans son lit avant même d'ouvrir l'oeil. Elle grogna et chercha à tâtons son portable sur le chevet encombré de babioles. Ce fut la bouche pâteuse et les yeux mi-clos qu'elle répondit d'une voix ensommeillée.
« Akina. Putain il est 10h, t'es où ?! T'as découché sale pute ?! C'est ça ton travail ? »
Jack Walker, éternel râleur, vociférait dans le combiné téléphonique. Elle fut électrisée par le contraste d'une caresse chaude qui flattait son dos nu. Elle savait pertinemment que Kenneth était dans son dos. Qu'ils avaient bu, consommé un peu de drogues douces entre deux conversations existentielles et qu'ils avaient fini par se foutre en l'air, comme deux étudiants le font habituellement quand ils se plaisent.
« Qui c'est ? » lui demanda-t-il d'un ton rauque.
Elle plaqua une main fébrile sur le micro du téléphone et articula doucement vers son amant. « Mon pè-re ». L'irlandais leva les yeux au ciel, exaspéré. Il avait eu moins de chance lors de sa première et seule rencontre avec Monsieur Walker. Plusieurs coups avaient fusé. Au bout d'une minute, l'étudiante finit par raccrocher pour sourire vers Kenneth, franchement navrée. Elle ne se souvenait plus trop des mots prononcés la veille ni des engagements pris s'il y en avait eu, mais elle devait à regret reporter le règlement de ces histoires.
« Je suis navrée... » soupira-t-elle en s'extirpant du lit étroit.
« Tu es toujours désolée, Akina. Toujours. »
Elle avait déjà disparu dans la salle de bain, refusant d'empocher les sermons de son ex petit-ami. Peine perdue, il continua à travers la porte, malgré le bruit de la douche.
« On pourrait partir ! Aux Etats-Unis, tu en as toujours rêvé ! Reprendre nos études là-bas... ».
Aucune réponse. L'eau avait cessé de couler et face au miroir, la métisse prenait le temps de songer à la folle proposition. Celle qui n'était viable qu'au travers des pires romans à l'eau de rose. Qu'en penserait Chris, Sô ? Elle ne pouvait définitivement pas partir comme une voleuse. Ses réflexions étaient, de plus, parasitées par l'image troublante de Siegfried; à l'image d'un poison qui s'insinuait doucement dans ses veines. Et tandis qu'elle s'habillait, Kenneth poursuivait – agacé :
« De quoi as-tu peur, merde ? »
« Nous en reparlerons. » fit-elle vaguement, une petite moue désemparée au visage avant de claquer la porte du studio. De colère, Kenneth jeta son ballon de football américain contre cette maudite porte par laquelle Akina avait des chances de ne plus jamais repasser.
« Tu vas y aller ! »
« Non ! Non ! Et non ! C'est quoi ces histoires ?! Vous aviez trop bu.... » Akina s'efforçait de raisonner son père qui la bassinait avec le rendez-vous au 4-11-44. Ils se faisaient dangereusement face comme deux fauves prêts à bondir. La fille était aussi téméraire que le père était têtu. Midi venait de sonner et Jack craignait de ne jamais avoir ce si bel écran plat à cause de sa gamine.
« T'es qu'une salope d'égoïste, Akina. Pour une fois qu'un mec bien s'intéresse à toi, que je donne ma bénédiction et tout... ! » s'énerva le militaire en frappant du poing sur la table.
« C'est mon professeur ! Qu'est-ce qu'on va dire à la fac ? Que j'ai...séduit ce type pour réussir ? Ma carrière va être ruinée sans même avoir commencé ! »
« FUCK ! On s'en fout de ta carrière, féministe à la con. Un femme ça reste à la maison, et ça fait des gosses, t'as pas compris ! »
De longues minutes passèrent ainsi à tergiverser. Jack eut gain de cause à force de cris et de menaces. Outrée, elle avait décidé de céder pour se débarrasser du ramassis de fureur qu'était devenu le patriarche. Le souvenir du sourire charmant de Siegfried avait aidé cela dit, mais l'étudiante n'était pas une fille facile – loin de là et si elle restait sensible aux charmes de ces messieurs, elle n'en demeurait pas moins pudique et réservée. De toute manière, se disait-elle en fouillant dans sa garde-robe, ça coûtait quoi un dîner ? Rien quand on était conviée. Elle lâcherait un rot au bon moment et serait débarrassée à jamais du professeur Mengele.
Elle osa se vêtir d'une courte robe blanche dont la coupe moulait adroitement son corps aux courbes vertigineuses. Le corset intégré du vêtement remontait agréablement sa poitrine bien faite, dessinant un décolleté aux saveurs exotiques. Et à mi-cuisse ses longues jambes coulaient gracieusement. De fines bretelles retenaient le tout à ses épaules frêles. Elle avait tressé sa chevelure ambrée aux reflets blonds et passé un coup de mascara pour rallonger ses cils. La jeune femme se trouvait ridicule d'essayer de plaire à l'allemand. Ce n'était qu'un simple dîner après tout. En conclusion, elle para ses pieds délicats d'escarpins clairs et se parfuma discrètement.
Le GPS la fit tourner en rond, mais finit par lui indiquer le bon endroit. Elle se gara à quelques mètres et se dirigea vers la devanture du restaurant, pleine de gêne. Quelques mâles s'étaient impudiquement retournés sur son passage pour siffler, complimenter, sourire ou tout bonnement draguer. Aussi fut-elle soulagée quand Siegfried fit son apparition afin de la mener à leur table au sein d'un décor dont elle ignora les origines. D'Arabie sans doute ? Le serveur vint rapidement mettre un terme à sa contemplation, proposant le menu. Elle le remercia avec politesse et il s'inclina sans perdre une miette du décolleté de sa cliente.
« Pourquoi vous m'avez invité au restaurant ? » demanda-t-elle, les yeux rivés sur le menu.
Elle avait croisé ses jambes sous la table, donnant un coup de pied volontaire à Siegfried qu'elle s'empressa de camoufler en regrettable maladresse. Tout de suite, elle lui accorda son plus beau sourire sur un petit « désolé » platonique. Son choix s'était déjà arrêté sur une brochette d'agneau et un potage maison très épicé. Beaucoup d'interrogations et de commentaires lui brûlaient les lèvres : de quoi parlait-il hier « baiser des jouets ? », était-ce sa méthode de sauver la veuve et l'orphelin ? Mais pour le moment, elle mettait encore le tout sur le compte de l'alcool et préférait laisser son amertume de côté.
-
-Hmm... Mezze. Et le petit Maqluba. De l'eau.
Il avait sursauté lorsqu'elle l'avait frappé, mais n'en avait pas tenu compte. Une simple moue exaspérée traverse sa face l'espace d'un instant. Il espère surtout qu'il n'y a pas de trace sur son pantalon... Il déteste quand le chaos et la saleté l'envahissent.
La commande passée, il se penche sur elle, deux mains croisées comme en prière, celles-ci soutenant son menton. Il paraît perplexe quant à sa demande.
-Tu n'as pas compris ? Pourtant tu as suivi mes instructions... C'est étrange. Bien, ta tenue. Parfaite. Dis-moi, ton père t'a frappé hier ou aujourd'hui ?
L'eau arrive déjà. Tant mieux. Il sert un verre à Akina, fait de même pour lui, qu'il s'enquille d'un trait.
-Je suis désolé de te dire ça, crois-moi, parce que je sais que c'est moralement difficile de voir ça d'un proche... Mais tu n'es plus à ça près, je suppose. Ton père t'a vendu à moi. Sexuellement, j'entends. Il a fait de toi ma pute, tout simplement.
L'entrée suit aussitôt. Heureusement que le service est rapide au début, ça fait passer l'attente parfois longue du plat principal. Il met l'assiette entre eux-deux, la désignant du menton avant de piquer un kebbeh.
-Sers-toi donc. Bref... Je peux maintenant disposer de toi comme je l'entends. Cependant, il m'a dit de ne pas te mettre enceinte sous peine de t'épouser, alors je devrais probablement me contenter d'utiliser ta bouche ou ton cul.
Il est ignoble, mais il s'en balance, parce que la boulette de viande est excellente.
-Hmm. Peu importe. Je ne compte pas te saillir comme une catin. J'ai juste fait ça pour que ton père te fiche la paix, et arrête de te frapper. Je lui ai demandé de ne plus te cogner, sous prétexte que j'étais déjà assez violent. T'as plus qu'à raconter que je suis une bête de sexe, que tu ne veux plus d'aucun autre amant tellement je te satisfais, que je te colle des baffes à te décoller la mâchoire mais que je fais gaffe à ce qu'il ne reste pas de trace... La plupart de tes problèmes seront envolés vis-à-vis de lui. Et en attendant, je dois trouver ce qu'il m'a demandé en échange.
Il n'avait pas encore regardé les tarifs pour satisfaire la requête de Jack, mais on devait bien dépasser les 100 000 yens pour une bonne télé de ce genre, et encore, le haut de gamme doit dépasser ce prix.
-J'ai improvisé un long mensonge, comme quoi j'étais un ancien des marines et toutes ces conneries. Y a que le tatouage de mon groupe sanguin qui est vrai dans l'histoire. J'ai été militaire, mais sûrement pas pour les Etats-Unis. Tout ça pour dire que s'il le découvre, il risque de m'en vouloir, mais toi, tu ne seras plus couverte de rien. Tu m'en dois une, gamine. Et je compte sur toi pour rester muette à ce sujet.
-
Les plats arrivaient. Les révélations aussi visiblement.
Ellene l'avait pas quitté des yeux tout le temps qu'il avait parlé. Pas même pour remercier une nouvelle fois le serveur ou jeter un œil à l'esthétique de ces mets exotiques. Elle n'avait d'attention que pour Siegfried et ce qu'il narrait froidement.
Entre autre, elle avouait ne pas être surprise par le comportement odieux de son père, mais terriblement affectée ça oui. Sa cuillère touillait nerveusement le potage épicé et elle refusa avec gentillesse de goûter un kebbeh. Elle ne savait pas exactement combien de calories ça lui coûterait et Akina était du genre très stricte à propos de son alimentation. Il fallait dire que les coups arrivaient à faire passer l'appétit. En tous les cas, elle refusait de savoir contre quoi ou combien son père l'avait échangée. Le connaissant, sans doute des babioles. Il était grand consommateur.
« Ne..ne soyez pas désolé. Je suis horriblement gênée qu'il ait...enfin que vous ayez dû accepter et mentir. »
Non, Jack n'avait pas relevé la main sur elle. D'ailleurs, elle s'était mise de la pommade afin de décongestionner son oeil. Les marques étaient toujours bien visibles bien que la couleur s'était atténuée au profit de rougeurs et de bleus. Sa lèvre souffrait d'une coupure bien rouge et avait dégonflé. Un rire jaune s'échappe de sa bouche, terriblement embarrassée de comprendre que ce professeur qu'elle jugeait encore respectable avait dû endurer son père dans le but honorable de l'aider.
Son bras glissa sur le table et elle s'empara tendrement de la main disponible du SS avant de lui sourire.
«Et si j'ai... « suivi vos exigences », c'est que je tiens tout de même à vous plaire. Je ne devrais pas dire ça alors que je suis théoriquement l'une de vos étudiantes, mais... »
Elle se mordilla la lèvre supérieure, celle épargnée par la blessure.
« Vous me plaisez... » Elle s'empressa de nuancer, le rose aux joues. « Un peu. Et oui, je vous suis redevable. Dans la mesure du raisonnable. »
Là, elle mit fin au contact entre leurs doigts pour enfin goûter à son potage d'entrée. Le goût de tomate était rehaussé par du paprika. Elle apprécia ses premières gorgées en silence, les yeux bas.
« Si vous pouviez juste éviter d'user de mots comme pute et....ce genre de choses me concernant. En réalité, je ne saisis pas encore bien votre humour. C'est de l'humour allemand ?»
A table ses manières étaient impeccables, signe d'une bonne éducation. Sa mère lui avait inculqué la terrible politesse japonaise et la façon de se tenir quand on représentait le seul genre capable d'enfanter la vie. La pudeur faisait partie de ces principes. Bien qu'elle eût perdu sa virginité avant le mariage, on ne pouvait pas dire qu'Akina Walker pratiquait une activité sexuelle très élaborée. Elle savait accueillir un homme, pour peu qu'elle l'estime et qu'elle l'aime, entre ses cuisses et il était difficile de lui demander autre chose. Au grand damn de Kenneth et de plusieurs anciens partenaires, elle avait toujours refusé la fellation ou la sodomie. Ses pensées s’égarèrent et elle dut feindre une quinte de toux pour les remettre en place.
« Quant à Scarlett, c'est mon second prénom, inutile de l'utiliser....personne ne le fait. C'est...assez démodé. »
La belle prit un peu d'eau en bouche afin de faire passer le piquant de sa soupe. Sa gorge était en feu. E tà chaque fois qu'elle se penchait pour se servir une cuillère de potage, son décolleté faisait mouche face à Siegfried. Et ce blanc ostentatoire donnait la fâcheuse impression d'être transparent, collé si près du corps.
« Avez-vous ahm....une femme ? Des enfants ? Je me permets cette question pour... »
Faire la conversation, passer le temps, savoir si j'ai mes chances.
« Par simple curiosité, j'espère ne pas être trop indiscrète. »
-
Moins surveiller ce qu'on mange, faire plus de sport. Tel était sa doctrine. Donc, il ne se privait pas côté graisse, et le mezze était éliminé pièce par pièce avec cependant cette retenue toute allemande qu'imposait sa stricte éducation. Dos droit, menton levé. On prend délicatement, on se nourrit bouche fermée, et on avale. Boire un peu d'eau impose de nettoyer ses lèvres d'éventuelles traces de nourriture ; et les doigts devaient rester propre en toute circonstance, d'où la prise de la serviette entre chaque kebbeh.
Ce sera la même chose pour Akina : Il faut une réserve dans le comportement lorsqu'on écoute ses paroles. Il se contente de petits acquiescement de la tête, de murmures compréhensifs, rien d'autre. Le temps de comprendre ses intentions profondes, au-delà de ce qu'elle racontait. Elle semblait quelque peu sincère dans ses mots, et ça avait de quoi l'effrayer. Du gringue ? Bof. Sans vouloir être prétentieux, il avait l'habitude. Une jolie gueule, un costard hors-de-prix, un talent d'orateur... Rajoutez le prestige habituel du supérieur hiérarchique, et pouf, voilà un aimant à minettes. Il n'est pas rare qu'elles tentent leur chance, particulièrement lorsque leurs résultats en cours pêchent un peu.
Son regard tombait lorsqu'elle saisissait sa main. S'il s'y attendait... Il hésite à la retirer, par peur des contacts trop « humains », mais, refusant systématiquement de fuir, il ne bougera pas, et même ! jusqu'à ce qu'Akina le lâche, il aura retourné sa main pour qu'elles se tiennent mutuellement, paume contre paume. Quand elle s'éloigne, il ne l'aura pas retenu.
-Je ne sais pas si... si « Humour » et « Allemand » vont bien ensemble. Nous sommes connus pour être assez rigides.
Et Siegfried en était un pur produit, directement issu de la lignée des hérauts les plus glorieux des chevaliers teutoniques, les plus allemands des allemands, si cela a encore un sens vu la mondialisation.
-Entre nous, Scarlett – permet-moi de garder ce nom, d'ailleurs. Je l'aime bien. Il n'est pas local, ça me change. Et puis, je suis l'un des seuls à l'utiliser. Et j'aime ce qui est démodé, je suis vieux jeu. Je disais : Entre nous, Scarlett, tu es mignonne, voire même très jolie, et tu n'es pas trop âgée ni trop jeune à mon goût. En somme, Ce n'est pas personnel... Mais je me dois de refuser tes avances. Au moins jusqu'à ce que tes résultats soient publiés. Et même après, d'ailleurs... Il est toujours possible qu'un jour, je t'ai en cours. Tant que nous sommes à l'université, de toute façon... Je suis quelqu'un de droit, je ne peux pas me permettre ça.
Mais son sourire le fait fondre, son décolleté est attirant, et qu'elle soit à moitié européenne ne peut que faire faillir sa volonté.
-À moins que...
Aussitôt, il se ravise, balayant sa main dans l'air avec un sourire gêné.
-Non, oublie, oublie. Laisse tomber.
Il laisse son assiette de mezze vide alors qu'on apporte la suite. Parfait, il n'attendait que ça. Il se réjouit intérieurement de pouvoir blinder son estomac, saisissant ses couverts avec dignité cependant.
-Mais. Je n'ai pas de problème à répondre à tes questions, je suis assez ouvert d'esprit. Il y a deux versions de mon histoire : L'une me donne une femme et une fille toutes deux décédées, l'autre me donne célibataire endurci. Chacune de ces histoires donne des préjugés à mon interlocuteur, qu'ils soient positifs ou négatifs... Alors, je te suggère de prendre celle qui te convient le plus. Peut-être te dirais-je un jour la vérité. Dans les deux cas, je n'ai personne actuellement... Et ne cherche rien de régulier, tu m'en vois navré. Parle-moi de toi, tiens. Ca m'intéresse. J'aime connaître mes étudiants, même s'ils ne sont les miens que pour dix minutes d'oral.
Et voilà, prestation menée avec brio. Tout est faux : De la fenêtre ouverte pour qu'elle éventualise une possibilité de relation à son prétendu respect des règlements de l'établissement, passant par le fait qu'il s'intéresse profondément à elle. Il fait tourner le jeu d'acteur à fond, et n'en a aucune honte.
-
Elle reçut la réponse de Siegfried comme une gifle. Frappée de plein fouet, elle lâcha sa fourchette qui retomba dans son assiette avec fracas. Peu habituée à une telle maladresse, elle hoqueta de surprise et vérifia que sa robe n'avait pas été tâchée par des projections de cette sauce recouvrant sa brochette.
Et puis, à moins que quoi ? Choquée, la belle fronça les sourcils et foudroya le professeur des yeux. Il se disait droit, respectueux des rapports entre un étudiant et son enseignant, mais laissait tout de même entrevoir une possibilité de corruption. Décidément, il méritait l'eau d'Akina en pleine figure et elle l'aurait témérairement fait si ce n'était de sa capacité à contrôler sa colère ou cette frustration d'avoir été rejetée.
« Je n'ai pas très envie de parler de moi. » trancha-t-elle en découpant un morceau d'agneau. « Mais nous pouvons parler de bioéthique, professeur. »
L'ironie était cinglante, l'emphase sur le mot professeur on ne peut plus sarcastique. Elle mourrait d'envie de le gifler, l'embrasser, l'étreindre, lui cracher à la figure : tout cela à la fois. C'était un tourbillon d'émois particulièrement frustrant.
« Je vous remercie néanmoins pour les compliments. » rajouta-t-elle une couche, histoire de bien enfoncer le clou. « Il est déjà très incorrect que vous vous permettiez d'inviter une étudiante au restaurant, que vous lui demandiez de se fringuer comme une...quoi déjà ? Ah oui, pute. Que vous buviez avec son père, que vous l'achetiez. »
Elle enfourna calmement sa viande entre ses lèvres pulpeuses, mâchant doucement malgré son ton de voix cassant. Puis, elle poursuivit avec cet arrière-goût amer :
« Que des choses qui somme toute, pourraient intéresser la Police, ou la direction de l'université. »
Non, elle devenait franchement mauvaise. Elle ne se reconnaissait pas très bien, mais il fallait convenir que les efforts diplomatiques de Siegfried pour l'envoyer paître l'avaient profondément vexée et attristée. Bien sûr qu'elle n'irait pas voir la Police, ni le Doyen de la faculté. Akina aurait voulu se cacher quelque part, ou avoir le courage de prendre ses affaires et fuir cette situation grotesque.
Son téléphone portable la sauva une fois de plus. Décidément, elle n'avait jamais le réflexe de l'éteindre. Elle ne lui demanda pas de pardonner cette impolitesse et sortit de table pour répondre aux toilettes. La belle fut de retour cinq minutes plus tard, encore plus indignée qu'auparavant. Forcément, elle venait d'avoir le rédacteur-chef du Daily Seikusu en ligne et il avait expressément exigé de mener une enquête journalistique douteuse, encore. Et elle se questionnait : pourquoi était-elle toujours à cette table, face à un homme qui l'attirait plus que de raison. Sa bonne conscience lui intimait l'ordre de fuir et d'oublier cette fausse note.
Au moins, elle était tombée dans une partie du panneau peint par le SS.
« D'ailleurs, vous ne devriez pas vous permettre de me tutoyer. Ca nuirait à l'éthique de votre profession. »
On appuie sur le mot éthique et on repart les hostilités. Akina bouillonnait encore, elle n'arrivait pas à prendre du recul, à se laver de cet échec qui venait de lui donner un coup monstrueux à la poitrine. Encore un bout d'agneau découpé et planté au bout de son couvert. Elle ne savait même pas si elle appréciait son repas. Etait-ce le prix à payer pour la tranquillité ? Pour que son père cesse de la battre, pour retrouver un visage vierge de toute plaie ? Il était coûteux, élevée et elle avait la désagréable sensation de n'en voir qu'un acompte.
« Alors, vous vous attendez à quoi pour la suite ? Payer l'addition, me proposer un hôtel ? Ce ne serait pas correct voyons d'amener une étudiante chez vous. Mais....la baiser en revanche...ca rentrerait dans vos prérogatives. »
Elle retira la serviette de ses genoux et la rejeta sur la table.
L'appétit venait de s'envoler. Sa bonne humeur également.
Jamais, elle n'avait haussé le ton. Et ses expressions avaient été masqués par la musique d'ambiance et les discussions ou rires alentours. La métisse secoua la tête et à contre coeur, bien qu'elle le pensait sur le moment lâcha en conclusion :
« Vous me dégoûtez. »
-
Siegfried... souriait.
Il l'avait écouté avec le plus grand des respects, tout le long, droit dans les yeux, et pour ne pas changer à ses habitudes, il n'avait pas semblé faillir face à ce tombereau de reproches, dissimulés ou non, qu'elle lui faisait. Elle empilait un sous-entendu sur une menace, rajoutait une couche de préjugé, et lui servait le tout avec un « bon appétit » aux airs de haine.
Bon. Admettons : Il s'attendait à une réaction plus calme, un peu moins hostile de la part de sa jolie compagnonne de tablée. Plus soumise, aussi. Mais qu'elle s'offusque ainsi reste néanmoins quelque chose de positif pour le SS, qui sait comment user des passions des gens contre eux.
Du coup, sur le crachat final, il ne peut que sourire. Moqueur, oui.
-Fascinante.
Elle aura fait un mouvement, ne serait-ce que pour se caler dans sa chaise ou se lever, il ne saura pas trop. En tout cas, il ne sourit plus tout d'un coup.
-Tu vas rester là et bien m'écouter.
Et elle en avait tout intérêt. Il pose ses couverts, s'essuie la bouche, pose la serviette bien repliée à côté de lui, puis la regarde de nouveau, avec toute la gravité du monde dans ses yeux.
-J'ai fait tout ça pour toi. Uniquement dans ton intérêt. Je suis là à dire que je ne souhaite pas profiter de toi et toi, comme une adolescente vengeresse, tu dis que je ne suis qu'un pauvre con qui veut te sauter. Tu comprends ce que tu veux de mes paroles, absolument ce que tu veux.
Il n'ira pas jusqu'à dire « ce que tu souhaites », disons que c'est sous-entendu dans l'affirmation.
-Je ne ferais rien qui serait contre ta volonté. J'ai une dette de 100 000 yens au bas mot envers ton père juste pour t'éviter de te faire cogner quand tu rentres chez toi. J'ai mis mon corps face à un fusil à pompe. Maintenant, deux choses : Tu peux dire la vérité à ton père, en effet, auquel cas tu t'en prendras plein la gueule, puis il tentera de me retrouver, je n'aurais aucun mal à le foutre à terre et la police s'occupera de lui. Ou bien tu me dénonces directement aux flics, mais là ce sera la parole d'une étudiante ayant passé un oral que je qualifierais devant eux de « très mauvais », pour la mauvaise foi, et de son père américain, alcoolique et parasite, contre celle d'un professeur aimé, respecté, qui plus est apte à exercer devant les cours japonaises, ce qui ne m'occasionnera que très peu de frais de justice, comparé à toi.
Il reprend ses couverts pour piocher dans sa viande à son tour, ne la regardant même plus.
-Je ne supporterais pas la moindre menace supplémentaire. Tss... J'aime ton sens de la reconnaissance. Tu peux partir, va. Je donnerai quand même à ton père ce qu'il attend. Je ne te contraint pas à me côtoyer. Je ne te force à rien, Akina.
Bam, silence après le monologue, ayant sorti son téléphone pour faire comme il est de coutume lors de ses repas solitaires : D'une main sa fourchette, de l'autre il fait défiler les nouvelles du jour sur une appli. La lecture est plus reposante. L'animal blessé se replie sur lui. Oh, le pauvre, son cœur a été tout affecté.
-
Akina avait cligné plusieurs fois des yeux durant la réplique du SS.
Sur ses cuisses et dissimulés sous la table, ses poings étaient serrés par la colère. Ce qu'il avançait ne la calmait pas, bien au contraire mais il eut raison de sa vague d'indignation avec un seul et unique argument : son libre-arbitre. Et ce fut parce qu'on lui laissa le choix de partir que la métisse demeura.
Ses doigts hésitèrent et remontèrent à la surface pour reprendre la serviette et la déplier proprement sur ses genoux dénudés. Elle sentait peser sur eux quelques regards curieux qui avaient cru discerner les prémices d'une dispute. Les voyeurs étaient visiblement légions. Confuse, l'étudiante se força à prendre une autre bouchée de viande, un peu de salade, de l'eau et elle répéta le geste autant de fois que nécessaire jusqu'à vider la moitié de son assiette. Elle avait fourni un effort incommensurable pour ingurgiter, sans appétit, cette humble quantité de nourriture. Pas une fois, elle ne prononça une parole entre deux portions. Elle était à l'image d'une femme faire-valoir , belle et surtout silencieuse.
Quant vint le moment du désert, elle délivra enfin une réponse à son partenaire d'un dîner :
« - Je vous ai déjà remercié pour tout cela. Que puis-je faire de plus ? Je ne vois pas ce que vous pouvez attendre d'autre de moi. Et ne me baratinez pas avec vos histoires de.... « J'aime connaître mes étudiants, parlez-moi de vous. ». Je partage ce repas agréable, mettons, avec votre personne. Pour moi, accepter l'invitation était déjà une manière de vous prouver ma gratitude. »
Peut-être qu'elle culpabilisait d'avoir été si dure avec lui, si prompte au jugement. Le serveur lui avait apporté des pâtisseries orientales, à base de miel et d'amandes. Pour les sucreries, elle était moins fine bouche. A côté de sa petite assiette trônait un thé brûlant à la menthe saupoudré de cannelle.
«J'apprécie vous côtoyer. » avoua-t-elle très sincèrement, dans un anglais parfait. Elle avait changé brusquement de langue afin de souligner ses ascendances occidentales dont elle était fière et auxquelles elle s'était foncièrement attachée.
Et elle regretta immédiatement sa pseudo-confidence. Encore une arme qu'elle lui donnait avec le sourire. Un autre serveur arriva pour remplir leur verre respectif d'eau plate, mais dans un mouvement maladroit renversa l'infusion sucrée sur la demoiselle.
« Aouch ! » s'exclama-t-elle en se redressant brusquement. La température du liquide venait de la brûler à travers sa robe fine, désormais tâchée au niveau de son décolleté et de son abdomen.
Le jeune homme, un asiatique – sans doute vietnamien ou chinois, se confondit en excuses hypocrites et tenta vainement de réparer son erreur volontaire. Akina le repoussa sèchement.
« Ca va, laissez-moi, je vais...je vais aller arranger ça. »
Puis elle prit la direction des toilettes. Elle avait délaissé son sac à main près de sa chaise et entrait dans les cabinets pour dames. A regret, elle constata les dommages sur sa tenue habituellement soignée, poussant un soupir d'exaspération. S'armant d'une serviette, Walker enclencha le robinet afin de nettoyer ce qui pouvait l'être, alarmée. Elle ne remarqua pas tout de suite, le fautif se glissa derrière elle après avoir pénétré la pièce étroite.
« Ca va aller Madame ? »
Elle sursauta, surprise avant de se retourner, sourcils froncés.
« Ahm...oui...
Vous savez, je suis navré mais...tu es si magnifique et...tu aurais un numéro ? »
L'étudiante secoua vivement la tête en guise de réponse et voulut se jeter sur la sortie, mais il lui barra la route avec une tentative de l'agripper par le poignet. Elle lui échappa de justesse, se pressant contre l'évier, paniquée.
« Laissez-moi ! Ou je crie ! N'approchez pas ! »
Toutefois, elle ne put mettre sa menace à exécution. Il s'était précipité afin de la bâillonner d'une main ferme et de l'autre, lui intimait de se taire, un grand sourire lubrique barrant son visage. Et il voulut la traîner vers l'une des cabines privées, bien qu'elle se débatte. Ses escarpins glissent sur le carrelage humide.
-
Elle réagissait... comme il s'y attendait. Un peu mieux, même. Il pensait avoir à forcer un peu plus l'autorité et la peine d'être pris pour quelqu'un d'autre, mais ce ne sera pas nécessaire. Docile, elle courbe l'échine, et le SS semble concéder son pardon, relevant les yeux. Qu'elle repasse à l'anglais le ramène sur un autre terrain, sur lequel il sait pratiquer.
-Je ne mens pas. J'aime connaître mes étudiants. Chacun a son histoire, sa façon d'être. Ces différences obligent à adapter l'enseignement. Bon, pour vous, ce ne sera pas...
Il aime quand les plans se déroulent selon son bon désir, et le thé sur sa robe est un accroc qui ne manque pas de l'exaspérer. C'était trop bien parti pour que ça ne marche, de toute façon. Il soupire, toise le serveur, détourne le regard un bref instant pour se concentrer sur autre chose, histoire de reprendre une contenance. Quand elle s'éloigne, il lui sourit, semblant accepter cette nécessaire fuite.
Le voilà seul. Seul avec lui-même, autant dire qu'il se sent mieux. Le sac à main est repéré, mais il n'y touchera pas, quelque fois qu'elle revienne en vitesse ou que des clients ne le voient faire. Il se contente donc d'attendre. Téléphone en main, il continue de lire les nouvelles, regards se déportant vers les toilettes de temps à autre pour la voir arriver.
Cinq bonnes minutes passent. Il s'inquiète. Non pas pour la robe, mais pour la réflexion. Il sait d'expérience qu'une personne mise sous pression doit y être maintenue pour qu'elle reste manipulable – c'est un fait généralement accepté. Si elle prend trop de temps avec ses pensées, elle pourra réfléchir plus clairement, et le militaire devra recommencer le processus depuis le début. Il attendra un peu plus, puis se lève finalement pour prendre la direction des toilettes.
La tête doit être maintenue hors de l'eau juste le temps de survivre, pas de vivre. Il faut vite la noyer de nouveau.
Il entre dans les toilettes des femmes avec précaution. Désert. Aurait-elle fui ? Un regard dans la salle, portant loin, jusqu'à voir le sac à main. Du bruit dans une cabine lui donne un aperçu de la réalité. Il ferme la porte des WC, les verrouillent, se précipite vers la cabine.
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Le Glock 26 est une arme produite par la firme autrichienne Glock. Comme tous les modèles de la marque, sa fiabilité, son faible coût et son élégante simplicité en font une arme destinés à la fois aux petits et aux grands. Sa structure en polymère le rend plus résistant que l'acier et plus léger, en faisant une arme destinée même aux débutants. Le G26 est un modèle subcompact : Ses petites dimensions le rendent maniable et aisément dissimulable. Il n'en sacrifie pas moins sa puissance, puisqu'il porte un chargeur d'une capacité appréciable de 10 balles, et est chambré en 9mm, une munition créée par la firme Lüger qui possède le parfait équilibre entre puissance, portée et dimension.
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Right to Bear Arms RPZ.
Nul doute que le serveur n'avait pas vu la pub. Nul doute qu'il n'avait pas besoin de la voir pour se faire une idée de ce qu'était un flingue.
Il tenait le type à l'arrière, par le col, et lui avait posé le canon sur le crâne, alors que celui-ci était à demi-retourné vers lui.
-At...
-Ta gueule.
Il ne bougeait pas pendant de longues secondes, de quoi lui faire ressentir la pression de l'arme. Puis recule, l'emmenant avec lui, pour le coller face contre le mur.
-Qu'est ce qui me retient de te foutre une balle dans la tête, à ton avis ?
-Non non, arrêtez...
-Répond à ma question !
-Mais...
-RÉPOND !!
Il tressaille, retient un sanglot, tremble un peu, et énonce une réponse.
-La... la prison... les flics...
-Et toi, ça t'a empêché de faire ce que tu fais ?
-Non, mais...
-T'as tout faux. Ce qui me retient, c'est la cruauté. Je viendrais te voir travailler, et repartir le soir. J'aurais ton adresse. Qui sait ce que je pourrais y faire.
Il le déplace pour qu'il soit face au grand miroir. Quelqu'un essaie d'ouvrir la porte, mais Siegfried répond calmement « Entretien ! », puis s'en retourne vers sa victime.
-Regarde bien ma gueule. Je te tomberais dessus. Dans la rue, chez toi, dans ton sommeil. Peut-être irais-je voir ta petite amie, si tu en as une. Ta soeur. Tes parents. Qui sait ce que je leur ferais.
-Non attendez, je suis désolé, je voulais pas...
-Ouvre encore la bouche et je fais une murale avec l'éponge qui te sert de cervelle.
Il range promptement son arme, le met sur le côté, bassin contre le robinet, face contre la glace, et lui décoche un puissant coup de semelle sur le côté du genou. Le type hurle, et il l'envoie valser contre un mur.
Il faut maintenant récupérer Akina. Il ne rigole toujours. Il ne fera pas le sourire du prince charmant qui vient sauver sa donzelle, juste une main tendue, style « viens, on se tire », et le voilà parti.
Il a pris la peine de payer le repas, en liquide, c'est important, puis sort dans la rue. Il n'attend pas, marchant vite pour s'éloigner d'ici.
-Je suis désolé. Je dois supposer que c'est un peu de ma faute.
Pour le coup, il s'en veut. Réellement.
-On n'est jamais loin de la violence, de toute façon.
Et il se justifie au passage.
-Je te ramène chez toi.
-
Encore plaquée contre l'une des parois de la cabine, elle remarqua à peine Siegfried la sortir de là : encore sous le choc. Elle se dépêcha de rabaisser sa robe que le serveur avait remonté à l'arrachée et approuva lorsqu'il fallut quitter l'endroit.
Son sac pendu à bout de bras, elle emboîta rapidement le pas à l'allemand, sourcils froncés.
« Non...ce n'est pas votre faute...il... »
Elle jeta un regard inquiet en arrière vers le restaurant qui s'éloignait et poussa un soupir.
« Par ici, ma voiture n'est pas loin. »
Une fois dans le confort de sa Honda, elle posa les mains sur le volant et soupira longuement avant de jeter un regard dans le rétroviseur pour découvrir sa figure pâle de frayeur. Engageant le contact à l'aide de ses clés, l'étudiante accorda une brève attention à Siegfried.
« Je vous remercie. J'ai été un peu dure avec vous, tout compte fait. »
Elle se pencha de manière à effleurer la joue du professeur de ses lèvres douces : un baiser chaste qui électrisa tout de même la métisse. Elle vérifia si sa propre ceinture était bouclée et prit la route calmement en direction de son domicile. A cette heure-ci Jack Walker devait écumer les bars ou ressasser les souvenirs avec de vieilles connaissances. Ils seraient seuls pour un long moment. Il arrivait que trop ivre, son père passe la nuit dehors ou en cellule de dégrisement. Les services de Police japonais connaissaient bien ses antécédents violents et alcooliques, mais ils avaient perdu la guerre en 45 et cela justifiait qu'aujourd'hui, ils n'embêtent guère un ressortissant américain d'autant plus quand il s'agissait d'un officier de l'USAF.
Après plusieurs minutes, Akina gara enfin son véhicule devant l'allée de sa maison. Elle salua à la descente, un voisin qui arrosait ses plantes et flatta un des nombreux chats du quartier qui s'était pressé à ses jambes pour s'y frotter. D'un regard explicite, elle convia Siegfried à rentrer avec elle.
« Je vais me changer et je suis à vous. Servez-vous, il y a du Chardonnay dans la cuisine. Faîtes comme chez vous. » lui annonça-t-elle d'une voix conciliante avant de disparaître à l'étage.
La jeune femme était excitée à l'idée de se savoir avec seule avec Siegfried, chez elle. En passant devant le miroir, elle fit une petite moue et arrangea mécaniquement sa coiffure : peu satisfaite. Cette manie de vouloir lui plaire l'agaçait, mais elle ne savait pas résister. La fermeture éclaire de sa robe s'abaissa et délivra les courbes entretenues de la demoiselle. Elle envoya le vêtement dans le linge sale et enfila une tunique moulante dont la couture soulignait le tracé de sa croupe. Il suffisait qu'elle se penche d'un rien pour faire apparaître sa culotte d'un rouge pimpant tout en dentelle. Afin de ne pas paraître trop impudique, elle enfiler des collants :
« Merde, ils sont effilés. » nota-t-elle au niveau de sa cuisse, contrariée. Tant pis, elle ne comptait pas faire attendre Siegfried.
Miss Walker se dépêcha en bas, tout sourire et rayonnante. Elle faisait un brin négligée, mais voilà une audace qui s'alliait parfaitement avec sa jeunesse et cette part de naïveté qui la caractérisait. Elle fut surprise de le trouver encore dans la cuisine et vint s'accouder à côté de lui, sur le plan de travail, creusant ses reins afin de mettre son arrière-train subtilement en évidence : dans la pose la plus naturelle du monde. Plus petit que Siegfried, pour le coup, elle relevait vers lui son minois et se mordit la lèvre inférieure – trahissant son incertitude.
« Vous avez quel âge ? »
-
Allumeuse.
Bon, il était bien des qualificatifs qu'il aurait pu lui donner, mais c'était le moins vulgaire, alors on va en rester là.
Car, oui, de la voiture jusqu'à ce verre de liqueur, elle ne s'était pas comportée autrement. Disons que c'est son droit, que c'est peut-être inconscient, et puis que c'est lui qui l'y pousse... Il n'empêche. Elle commence seulement à ramper. Il n'a qu'à mettre le niveau de la sucrerie un peu plus bas pour qu'elle se mette à quatre pattes, se traîne au sol et supplie pour ce qu'elle estimera sans doute être son dû – mais qui n'est rien d'autre que la récompense accordée par le bon vouloir du SS.
Pas de Jack, donc. C'est presque dommage, il se sent d'humeur héroïque ce soir. Après l'avoir sauvé d'un inconnu, la sauver de son père aurait été parfait : Le danger est partout, Akina, sauf dans mes bras, tu verras... Bon, la séduction c'est un peu plus compliqué, mais l'idée de base est là.
Parlons-en, d'ailleurs. La tactique de Siegfried consiste donc à la manipuler d'un bout à l'autre jusqu'à ce qu'elle devienne une marionnette. Si l'idée qui semble germer dans la tête de la bâtarde prend une couleur sensuelle, la menant donc à être son réceptacle à foutre, cela aurait pu prendre bien d'autres voies. L'idée d'avoir une biologiste fille de militaire lui plaît d'ailleurs plutôt. Non seulement parce que son affection médicale le ronge, mais aussi parce que cela fait 70 ans qu'il a certaines revanches à prendre sur ces fils de putains de Yankees.
Il ne la regardera donc que quand elle aura le dos tourné, et ne s'en prive pas. Sa tenue est équivoque, pour lui, et traduit un certain désir. Elle n'aura pas forcé le trait jusqu'à apparaître sans sous-vêtements avec ostentation, mais l'on n'y est pas si loin. Il aurait bien des remarques à faire sur ce postérieur qu'elle tend, par exemple que ses instincts de femelle reprennent le dessus et qu'elle cherche présentement à se faire mettre par un joli mâle, m'enfin... Non, il se contentera d'un doux sourire.
Oh, oui, et elle a posé une question. Et pas des moindres.
-Souhaites-tu que je me rajeunisse ou que je me vieillisse ?
Et, se rendant aussitôt compte du caractère sexuel de la remarque, comme si elle avait lancé un appel à ses fantasmes, il se corrige bien vite. Allez, dis-lui que ton centenaire approche, ça les rend toutes folles !
-Aux alentours de la trentaine... enfin... Un peu plus de 30. Ecoute, Scarlett...
On eut dit qu'il se déplaçait dans le seul but de se remettre droit sur ses jambes, mais elle avait soudainement senti cette main sur son cul. Il avait remonté sa robe, avait rageusement baissé les collants et la culotte, et sans même qu'elle s'en soit rendu compte, il avait fait de même pour lui. Tout était allé très vite : Il l'avait enfilé, prise sauvagement, peu importe sa douleur, parce qu'il souhaitait simplement la posséder, et elle n'avait pu réagir, positivement ou négativement, se contentant de subir l'assaut d'un SS qui la traitait de pute, lui disait qu'elle ne désirait que cela, d'être sautée par son professeur, et qu'en plus il la payait, certes indirectement puisque c'est le père qui bénéficiait de ses largesses, mais tout de même : Son honneur était à terre, elle n'était qu'une traînée, indigne de lui, mais il la saillissait, par générosité, et jouissait vite en elle, sans qu'elle n'ait eu le temps d'en profiter, mais peu importe son plaisir à elle : Elle ne servirait plus désormais que les orgasmes du SS.
Ca, c'est probablement ce qui aurait pu, voire dû se passer. Brutal retour à la réalité. De longues secondes d'absence et de rêveries passées, il la regarde de nouveau, après n'avoir cessé de mater inconsciemment son fessier.
-... Ecoute, Scarlett, je... je te trouve plus qu'attirante mais... je me sentirais coupable de faire ça. Tu es jeune, et tu mérites probablement quelqu'un de ton âge. Ce que je suis vraiment... risque de te faire peur. En plus, tu viens de subir un traumatisme, ce serait minable de ma part de profiter de toi. Ce n'est pas l'envie qui me manque de me rapprocher de toi. C'est ma morale, mon respect. Je suis désolé.
Il baisse la tête. Petit coeur de nouveau meurtri. Pauvre chou.
-Ca m'embêterait que ton père me trouve ici. Même si... Il doit se demander si tu fais bien ton « travail ». Je lui dirais que oui, promis. Je devrais te laisser là, je voulais juste m'assurer que tu sois en sécurité.
-
La trentaine, songea-t-elle avec un petit sourire satisfait aux lèvres. Elle lui en aurait donné plus sans doute à cause de cette froideur qu'il dégageait. Son regard de biche était planté dans celui du SS, et elle se sentait chavirer voire perdre pied. Il était beau et possédait cette prestance qui la faisait songer à quelque chose ou plutôt quelqu'un. Elle l'avait au bout de la langue, mais elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Akina en était à se demander si les lèvres du professeur étaient aussi froides que le reste, s'il était capable de la faire fondre ou bien de lui glacer les sangs.
Elle tendit son bras sans changer de position pour se servir un bon verre de vin qu'elle porta immédiatement à sa bouche. L'étudiante avait besoin de courage et cette gorgée de Chardonnay ainsi que plusieurs autres – si ce n'est de nombreux verres, auraient de quoi la remonter à bloc pour affronter cette longue après-midi avec son examinateur. Si Takagi ou Wadamoto savaient cela, ou même Kenneth. Elle attendait la suite, il semblait vouloir parler mais paraissait à la fois perdu dans ses pensées. Elle avait aussi noté ce regard appuyé pour sa croupe et se demandait si les deux (la rêverie et la croupe) n'étaient pas liées. Elle n'oserait pas supputer que Siegfried fantasme sur le fait d'avoir un accès à son cul ; toutefois elle se questionnait sur ce petit blanc et en avait profité pour vider son verre de moitié.
« Si mon père avait été... » débuta-t-elle après qu'il ait enfin parlé, un brin amère encore, « Plus sage, plus sobre, il m'aurait dit ses paroles. Mais vous n'êtes pas mon père et si j'ai envie... »
Elle leva son verre, simulant un « Santé ! » parodique avant de boire à nouveau. Elle s'apprêtait à reprendre, mais finalement il lui fallut une rasade de plus.
« De m'envoyer en l'air avec vous. La seule chose qui m'en empêcherait c'est vous. » Elle le pointa du doigt, le verre toujours en main. « Je ne vous plais pas....avouez. »
Elle leva les yeux au ciel et attrapa la bouteille, plaquant son ventre sur le plan de travail et se hissant sur la pointe des pieds. Sa tunique se releva sur son fessier et au travers des bas, on distinguait clairement sa lingerie. Du goulot, elle versa une bonne quantité de vin jusqu'à menacer de faire déborder son verre. Elle n'était pas ivre, et savait parfaitement s'arrêter avant la coupe de trop – père alcoolique oblige, mais elle menaçait de céder à une autre colère.
« Je veux dire....je meurs d'envie de vous embrasser et....Dieu sait... » Il y avait un peu de Jack Walker dans cette réplique. « Que je ne suis pas une fille facile mais... »
Je suis en train de mouiller. Elle aurait pu le dire, mais préféra à raison s'abstenir, prenant son mal en patience.
« Je ne veux pas que vous partiez. » acheva-t-elle, confuse.
Prendre les devants n'étaient pas son fort. Et en dehors d'un podium de pole-dance, elle n'avait jamais mis en exergue ses attributs afin de plaire à la gente masculine. Habituellement discrète, comme en témoignait sa robe sagement fleurie lors de l'oral, elle considérait les options qui se présentaient à elle : hormis la franchise impeccable dont elle avait fait preuve.
« Je ne suis pas assez déshabillée peut-être ? » fit-elle remarquer en fronçant les sourcils.
Pauvre petite brebis qui se jetait droit dans la gueule du loup. Elle n'était pas capricieuse, mais avait l'habitude de travailler pour avoir ce qu'elle désirait et ce qu'elle désirait le plus en ce moment était Siegfried. Si elle devait le travailler au corps, elle le ferait sans hésitation.
Soucieuse d'illustrer sa question, elle se débarrassa de sa tunique qui alla valser plus loin. En soutien-gorge rouge, elle demeurait à ses côtés, un sourire taquin aux lèvres et le regard explicite. Elle conservait les collants car elle avait lu quelque part que les hommes aimaient bien déchire ce genre d'accessoire.
« Personne n'est obligé de le savoir. »
Ses doigts coururent le long du torse de l'allemand, par-dessus sa chemise de costume, soigneusement pour ne défaire aucun pli.
«Alors effrayez-moi avec ce que vous êtes vraiment. Quoique vous avez offert à mon père, vous découvrirez rapidement que je vaux plus, bien plus que tout ce que vous pourrez lui donner ou donner au monde entier. »
Décidément, ses hormones se jouaient d'elle. Elle ne se reconnaissait pas dans cette attitude de femme presque fatale, décomplexée et désireuse. L'ascension de ses doigts fins se termina contre le col du SS. Elle tira faiblement dessus comme il avait l'habitude de le faire, tout en gardant à l'esprit qu'il risquait de la repousser d'un moment à l'autre.
« Je serai vôtre. Vous ne pouvez pas me faire mal. »
-
Sens, Siegfried. Respire.
Respire à plein poumon.
Délecte-toi de cet air.
Il a un parfum de luxure.
Il ne sent pas la poudre.
Ni le sang. La sueur. La mort.
Il t'est agréable néanmoins.
Un peu plus, même.
Ca sent…
… La Victoire.
Tu as su attendre. Lutter. Faire face. Mais surtout, résister aux tentations et patienter. Tout aurait pu être plus facile, mais la saveur aurait été différente. Tu vois ? Tu la sens prête, parfaite. Un mot de toi et elle pourrait se dandiner telle une poupée, fixée à tes cordages, répondant au moindre de tes ordres.
Tu veux consommer ? Sous prétexte que cette jolie petite étudiante se montre entreprenante, enfin ? Oh, non, Siegfried. Pas encore. Ce n'est pas parce que l'ennemi est en déroute morale que tu dois signer la paix. Tu veux une reddition totale, sans condition.
Elle va attendre encore.
Elle. Doit. Ramper.
Et c'est un ordre. Permet-moi de briser la (relative) imperméabilité entre joueur et joué, mais tu n'as pas d'autre choix, c'est moi qui t'ai conçu et te fait agir. Je t'écris, Sieg. Je sais vers où te poussent tes instincts, mais soyons honnête : Tu as envie qu'elle attende, aussi, n'est-ce pas ? Toi, tu t'en fous. Tu as de la patience. Si tu sais t'accrocher à ton attitude de marbre, elle finira par lécher le sol en vénération de tes pas – en attendant d'y lécher autre chose.
Alors tu restes impassible. Elle va craquer, tu ne sais pas encore en combien de posts, mais tu ne failliras pas. Elle a déjà perdu, mais tu veux l'humilier.
Peu importe ses mots, aussi aguicheurs soient-ils. Peu importe ses gestes, aussi tentateurs soient-ils.
Peu importe qu'elle touche ton torse à travers le tissu. Ses yeux qui te regardent avec l'envie dévorante dans le regard. Cette chaleur palpable qui la ronge et dont tu es irradié. Se déshabiller ? Hmpf. Elle ne t'aura pas comme ça, non. Et cet index et ce majeur qui se réfugient entre ton cou et ton col... ….
Attends. Stop.
Prokhorovka. L'acier brûlé, la chaleur, la déception, l'attente, les cadavres. La défaite servie sur un plateau en métal troué et écrasé par tes officiers. Parce que tu as obéis, tu as participé à l'humiliation finale. La patience, la discipline, la morale : tout ce qui t'a tué.
Révélation.
Plus d'obéissance. Il craque. Il écarte la main d'Akina avec autorité, tenant fermement son poignet à distance de son corps. Ses yeux l'incendient, soudainement plus sévère, dénotant d'un certain énervement.
-Je t'ai dis, Scarlett... Que j'étais désolé.
Il s'avance vers elle, l'obligeant à se reculer jusqu'à ce que ses fesses heurtent le plan de travail. Il paraît carrément menaçant.
-Que ce n'était pas personnel. Que j'allais te faire peur. Que ta volonté était souveraine.
Il prend aussitôt son coup. Sa poigne se retient d'enserrer son souffle pour capturer sa vie entre ses doigts.
-Tu m'obliges...
Elle se sent ensuite décoller, assise de force sur le rebord, embrassée avec fougue, caressée de toute part : son dos, ses hanches, ses jambes couvertes de nylon, sa nuque, sa chevelure, les mains du professeur parcourent l'ensemble de son corps, comme pour en apprendre les courbes, prenant cependant soin d'éviter ses fesses et ses seins, saisies par une patiente pudeur.
Finalement, le cou est de nouveau saisi – et cette fois-ci, la pression est faite sur sa respiration.
-Petite prétentieuse. Quoi que tu aies pu faire dans ta vie, penses-tu réellement être au niveau de tous mes fantasmes ? De toutes mes envies ? Réfléchis bien à cela. Demande-toi qui va pousser l'autre dans ses derniers retranchements. Demande-toi qui va devoir céder, au bord de la falaise...
Il prend sa chevelure pour la forcer à un nouveau baiser empli de passion, le corps collé à elle, la serrant contre lui. Ses mots désordonnés s'échappent pendant l'étreinte de leurs lèvres.
-Vais-je commencer par ta bouche ou ton cul...
Autant dire qu'il avait particulièrement bien choisi sa cible. Le visage reculé, il caressait ses joues.
-Le reste sera à ton mérite. Fais ton choix.
Il ne fallait pas titiller le méchant nazi.
J'avais prévenu. N'avais-je pas prévenu ? Bah si.
-
C'était inespéré*
Elle avait sursauté quand il avait attrapé fermement son poignet. Akina ne s'était pas attendu à ce genre de réplique. Figée de stupeur, elle admirait chaque trait de Siegfried**. Elle finit par abdiquer et fuir son regard d'acier. Il avait l'air quelque peu contrarié. Sa croupe avait heurté le bord de la cuisine avant même qu'elle ne se rende compte qu'il l'y avait forcée. Là, elle tentait de reprendre son souffle, complètement sous le choc de son expression menaçante.
Tandis qu'il capturait son cou gracile, elle ne pouvait s'empêcher de le trouver terriblement beau. C'était au nom de cette beauté qu'elle n'opposa aucune résistante, captivée par la prestance du SS. Par réflexe, elle apposerait ses fines mains sur celle qui marquait sa gorge, avec la vaine illusion de contrôler cette poigne. Elle avait écarté les cuisses afin de l'accueillir contre elle et répondait timidement à la sollicitation de ses lèvres. Partout où il passait ses paumes viriles, la peau d'Akina frémissait. Tout était parfait, délicieux jusqu'au goût de sa bouche mêlée à la sienne avant que sa respiration ne subisse la cruauté d'une prise autoritaire.
Les yeux écarquillés, elle l'écoutait attentivement. Si elle avait pris tout cela pour un bête jeu de séduction, elle connaissait maintenant la peur et l'incertitude. Elle aurait souhaité avoir la capacité de le supplier à cet instant, pour qu'il arrête de l'étrangler. L'étudiante aurait fait n'importe quoi pour qu'il lâche sa gorge. En tous les cas, si elle espérait récupérer son souffle, c'était peine perdue, car il le lui avait ravi une nouvelle fois dans un baiser passionnel.
Elle avait gémi contre ses lèvres, incapable de parler mais avec ce choix obscur, elle tenait sa revanche sur son discours autoritaire. Quel maniaque, pensa-t-elle avec dégoût. La simple idée d'une sodomie ou d'une fellation lui donnait envie de vomir copieusement, mais son corps avait envie de Siegfried. Et ce même corps ne supporterait pas la trahison d'un refus.
Sa poitrine se soulevait indécemment au rythme de sa respiration écourté.
« Ma bouche va être trop occupée à tenter de respirer de nouveau. » lança-t-elle d'une insolence virulente, un sourire en coin froissait ses lèvres pulpeuses. « En revanche...je sais qui va céder. Parce que vous voyez.... »
Elle pressa ses mains contre le torse bien taillé de l'allemand, totalement conquise et poursuivit d'une voix terriblement provocante.
« Après le bord de la falaise, il y a mon... » Elle hésita et se mordillant la lèvre inférieure, lâcha : « cul. »
Cela lui avait énormément coûté de prononcer un mot si vulgaire pour parler d'elle.
« Je j'aimerais beaucoup....beaucoup. » Ses lippes avaient articulé avec insistance sur le beaucoup. « Que vous sautiez. »
Me sautiez, plutôt mais le sous-entendu était limpide.
Oui, Akina Scarlett Walker serait prête à n'importe quoi pourvu qu'il la retourne, arrache ses bas de nylon et la possède rageusement. Elle ne composait pas avec le risque de douleur, et le facteur d'une « première fois par et endroit ». Elle était littéralement en train de planer, les effluves du vin dans son métabolisme aidant sûrement. D'un autre côté, elle avait un défi à relever désormais: celui d'être à la hauteur de toutes les envies du SS et elle détestait perdre dans la vie.
« Je ne connais même pas votre prénom. »
Le vouvoiement était conservé comme pour souligner cette hiérarchie implicite qu'elle avait laissé s'installer entre lui et elle.
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*Parce que bon, le joueur est bien mignon mais il négocie toussa, m'voyez.
**Là encore, bon, on a pas voulu me fournir de description physique DONC, je ne pourrais pas faire quinze pages sur le magnifique visage de Ssieg.
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Oui, il y a de ces revanches à prendre sur la vie. L'ascension sociale, par exemple. Lutter contre le déterminisme des classes, briser les plafonds pour accéder à un rang supérieur. Combattre une maladie aussi ! Une maladie difficilement curable, ou encore une addiction contre laquelle on se rebelle, envers les vents contraires.
Siegfried va sauter une américaine. Métisse, d'accord, mais américaine quand même.
Aussi pathétique, bas et minable que ça puisse paraître, c'est toute une ironie qu'il va accomplir, vengeant sept décennies du fardeau d'un traumatisme tenace, inextinguible de sa psyché dérangée. Dans sa vie, il a voyagé, mais il n'avait pourtant jamais accompli cette exécution sommaire. Tout le Reich le regarde. La séparation du pays, les remboursements, la culpabilité, et on va en remettre un coup au Traité de Versailles par la même occasion : aujourd'hui, il se venge.
Parce qu'il sentait l'appréhension qui courait sur sa peau, qu'elle exhalait d'ailleurs de son souffle irrégulier : Elle le craignait désormais, et c'est ce qu'il voulait. Il cherchait à être une figure apeurante, comme un croque-mitaine, une icône mystique dont on ne connaît jamais réellement ni les traits, ni les intentions. Ainsi il était pour le serveur, qui allait vivre quelques nuits difficiles dans les prochains jours ; ainsi en était-il pour Akina, dont les pupilles se dilataient sous la sourde terreur qui se creusait dans son ventre.
Mais de la peur à l'excitation, il n'y a qu'un pas. Nous parlions de falaise, et il semble qu'ils aient sauté tous les deux. Elle joue la charmeuse, stimule sa luxure, mais ne semble pas encore vraiment savoir à quoi s'attendre. Elle finira par le regretter.
Rappelons à cette occasion qu'ils se parlent en anglais.
-Bon choix...
Un fin sourire étire ses lèvres, qu'il efface bien vite en cherchant à l'embrasser de nouveau. Le SS en avait défloré d'autre à ce niveau-là, mais il ne se doutait pas qu'elle était vierge là où il allait la prendre. Au contraire : Le fait qu'elle choisisse cet orifice plutôt que de concéder une innocente fellation lui laissa penser qu'elle était une pratiquante plutôt assidue, et même qu'elle appréciait ça. Alors il ne prendra pas de pincettes.
Une main file entre ses fesses, la faisant s'écarter du plan de travail au passage, et son index cherche à caresser l'objet de son désir. Il la sent frémir.
-Bien sûr que tu vas avoir mal. Et c'est pour ça que je vais aimer ça.
Au moins un aveu véritable sur sa personne : Il veut la voir souffrir. Oh, si elle pouvait prendre du plaisir au passage, ce serait agréable, mais l'important c'est qu'elle crie, qu'elle en soit humiliée, et que, moralement, elle adore ça. Bien que ses mots puissent paraître cruels, il cherche paradoxalement à la rassurer. Il sait ce qu'il fait. Elle doit avoir confiance en lui. De toute façon, elle n'a pas le choix, justement parce que c'est un salopard. Il récupère son doigt pour le fourrer dans la bouche d'Akina, le majeur avec, la fera les sucer quelques secondes, avant de se faufiler de nouveau jusqu'à son anus, tentant cette fois-ci d'en franchir l'entrée.
-Mais tu en crèves d'envie. Tu serais prête à tout pour ça. Je ne serais ni gentil, ni clément. C'est ce que tu attends de moi. Ton instinct de femelle te dit comment agir... Tu n'as qu'à t'y abandonner. Comment je m'appelle ?... Siegfried. Mais tu m'appelleras « Mein Herr ». Ca signifie « Mon Seigneur »... Et c'est tout ce que tu as besoin de savoir.
Il aura au moins la décence de chercher à la préparer, ne serait-ce qu'un peu. Vitesse supérieur, donc. Il la fait se retourner brutalement, la penchant contre le plan de travail. Elle voulait qu'il déchire ses collants ? C'est chose faite : Ses doigts s'insinuent dans les trous et remontent rageusement pour libérer le centre de ses fesses. Il écarte ensuite avec tant d'empressement sa culotte sur le côté qu'il manque de la déchirer ; après quoi ses deux doigts s'enfoncent sans ménagement dans sa petite chatte pour venir y cueillir un peu de son nectar, qui lui serviront à tenter d'élargir de nouveau son cul.
-À quand remonte la dernière fois que tu t'es faite prendre par-là, ma belle ?
Il se penche, crache dessus, ira s'enfoncer de nouveau dans ses chairs pour y prendre la cyprine nécessaire, et recommencera à malmener ses fesses, un peu plus fort, un peu plus loin. Pas la peine d'être un expert pour reconnaître qu'elle a un fessier à se damner, et il se voit saisi d'impatience à l'idée de lui démonter.
-
Ces nombreux baisers la rendaient folle et elle devenait rapidement dépendante aux lèvres du SS. Elle n'avait pas cherché à se dérober à la nouvelle mêlée de leur bouche, avide qu'elle était de sentir le goût de son professeur. Pas une seule fois, elle n'avait pensé ce qu'impliquait son choix. Elle avait souri et énoncé cette volonté comme un enfant vous demandait une glace à la violette sans savoir quelle saveur avait la violette : juste parce que la couleur de la crème glacée ravissait ses yeux naïfs.
Et lorsqu'il s'appropriait la forme de ses fesses, elle avait hoqueté de surprise et renversé son verre de vin d'un geste maladroit.
« Je... » commença-t-elle sans jamais finir.
Avoir mal ? Son coeur s'emballa furieusement. Etait-il sérieux ? Ou bien était-ce une façon de parler, pour se donner un genre ? Akina n'était pas certaine de comprendre à quoi il faisait allusion. Repensez à la glace à la violette. Elle était excitée à l'idée de procéder à une pratique qu'elle jugeait dégradante et prohibée par ses cours de catéchisme. Et elle en était encore au stade d'espérer que Siegfried, en amant magnifique, dirigerait les manœuvres avec bienveillance. On se demandait dans quel monde vivait Walker.
« Attendez...je... » Et les doigts de l'allemand avait investi sa bouche, à l'image du Reich qui annexait les Sudètes : sans concession, en silence. Ses beaux yeux mordorés s'étaient écarquillés et au fond de leur prunelles brillait l'éclat de la crainte. Cette dernière lui avait fait lécher et sucer l'index et le majeur sans protester, toute pâle. Un très fin filet de salive avait échoué à la commissure de ses lippes quand il avait retiré ses doigts. Les mains d'Akina, appuyées sur le plan de travail s'étaient crispées – la droite emportant avec plusieurs gouttes du vin renversé. Elle avait ouvert la bouche pour soupirer l'ombre d'une plainte au moment où l'un des doigts expérimentés forçait sa plus petite cavité.
« Mein...Mein Herr... » répétait-elle avec un fort accent américain. « Mais c'est de l'allemand...ah ! Vous...vous êtes vraiment allemand ? »
Sur le moment, la question était ridiculement conne, mais la conscience de Scarlett venait de décéder brutalement sous les investigations de Siegfried, les quatre fers à l'air. Et soudainement, là, pendant qu'il s'acharnait doucement contre son fondement : elle sut à quoi il lui faisait penser. Cet air détaché, cette discipline, si propre sur lui et ce port martial. Elle avait déjà vu un reportage sur l'Allemagne nazie. Son esprit éructait.
Le bruit du nylon qui cède sous la force d'une poigne décidée et elle fronçait les sourcils.
« Douce...douc...ah ! »
Le nouveau Ah, c'était le doigté brutal de l'officier qui raclait son intimité pour en récolter le jus excité. Ses seins étaient douloureux : ils avaient cogné le bois du meuble au moment où le professeur l'avait abaissée dessus.
« Je... »
Voilà, elle tremblait déjà. De désir, oui mais également d'appréhension à l'idée que Siegfried se fâche en apprenant que...
« Je ne l'ai jamais fait par là, je trouve ça... »
Akina renonça ensuite à tout expliquer, se rendant compte subitement qu'il allait la sodomiser. Elle aurait voulu revenir en arrière, le repousser. Sans une fierté mal placée et cette ascendance qu'il possédait sur elle, l'étudiante se serait dégonflée. A défaut, elle se contenta de déglutir. Tout près de son visage penché sur le plan de travail, elle aperçut le vin gâché qui reluisait à l'image de sa cyprine abondante. La pupille toujours dilatée par l'effroi, elle fixait le liquide qui ruisselait très lentement vers le bord pour s'égoutter au sol. Elle finit par fermer les yeux pour se changer les idées, penser à autre chose et surtout : respirer.
Cependant, elle n'avait pas envie de le décevoir et encore moins de le mettre en colère. Une petite voix la mettait en garde dans sa tête, de ne pas lui faire confiance mais allongée sur un plan de travail, le cul à l'air : avait-elle d'autres possibilités ?
Plus loin sur le plan de travail, son téléphone portable vibrait – sur silencieux. Elle l'avait abandonné dans ce coin de cuisine en rentrant. Sur l'écran, le nom de Kenneth était affiché. Elle avait déjà plusieurs appels en absence.
C'était sans importance désormais.
-
Elle l'avait fait sourire à son interrogation, c'est déjà ça de pris. Pour l'instant, il laissera planer le doute sur ses vraies origines, et n'aura rien à avouer quant à son appartenance au Corps Noir.
Elle, par contre, lui fait une confession. Jamais. Attends... Quoi ? Jamais ? Oh. Cela dégage bien des interrogations. Entre deux actes, elle a choisi le plus douloureux, le plus interdit, et cela sans jamais l'avoir pratiqué. Quel était donc le ressort qui l'a poussé à choisir cela ? La réponse est claire pour l'Übermensch : Akina est une authentique chienne, désireuse de se faire salement prendre l'arrière-train parce qu'elle trouve ça dégradant, humiliant, et qu'au fond d'elle, ça l'excite énormément – ainsi qu'en témoigne la moiteur entre ses cuisses.
C'est pour cela qu'il ne reculera pas. En d'autres temps, désireux de ne pas trop choquer sa victime (après tout il faut qu'elle revienne), il aurait cherché à la faire réfléchir, se serait assuré qu'elle ne sortirait pas de cette expérience traumatisée. Sa marge d'appréciation lui laissant donc le choix, il continue, et accentue ses caresses.
Il fera preuve d'un peu de tendresse, alors, et plutôt que de défourailler à la dure comme il s'apprêtait à le faire, il s'attardera plus longuement sur la préparation de sa rosette. À grand renfort de salive et de cyprine, il continue de prendre soin de son cul, de longues minutes passées à l'habituer à la présence de ses doigts en elle, caressant à plusieurs reprises son minou pour qu'elle éprouve quelques sensations familières, qu'elle assimile le plaisir anal, le désire, le redemande.
Elle rampera. Il n'a pas à la faire attendre plus, mais il trouvera d'autres moyens pour la rendre accro à ce genre de pratiques.
Il se redresse enfin, déchire un peu plus le collant d'un coup sec, écarte de nouveau la culotte pour être sûr qu'elle ne la gêne pas, puis lui fait lever l'une de ses jambes pour qu'elle repose son genou sur le plan de travail, là où c'est sec. Et il place sa queue entre ses fesses, le gland glissant entre ses globes jusqu'à se caler contre son anus.
Il tend la main vers le téléphone. « Kenneth ». Aussitôt, il cherche à déverrouiller l'écran, mais un mot de passe l'en empêche.
-Déverrouille-le. C'est un ordre.
Et c'est avec un sourire ravi qu'il la voit s'exécuter, complètement hypnotisée par l'envie, flottant dans des brumes inconnues. Il va alors lire les messages à propos de ce Kenneth. Certains sms sont équivoques.
-Ein echter deutscher Mann mag keinen Franzen leid'n, doch ihre Weine trinkt er gern... Un authentique allemand ne peut pas blairer les français, mais il boit quand même leur vin. Je suppose que c'est la même avec les Yanks et leurs filles... Ou si tu en préfères une autre : Nieman' ist mehr Sklave, als der sich für frei Hält ohne es zu sein. Ja, Scarlett, mein Blut ist deutsch, wie mein Herz.
Le rêve de toute femme : se faire enculer par un homme citant Goethe.
Parce qu'il l'encule, oui.
Le gland a passé l'entrée, et sa verge envahi ses fesses.
Elle sent dans le même temps le téléphone appuyer sur son oreille et l'entend sonner, avec un « biiip » d'attente caractéristique. Il a rappelé Kenneth.
Nous noterons au passage un très léger accent prussien lorsqu'il s'exprime dans sa langue, accent qu'un allemand reconnaît par le teint vieilli et hautain du parler. La tendance à manger certaines terminaisons, ou la façon de sonoriser un peu plus quelques syllabes.
-Parle-lui. Et bouge, fais-moi rentrer en toi, le temps de t'habituer.
-
« Han...Siegfr...Mein... » halète-t-elle avec difficulté.
Le Herr ne sortira jamais, avalé par ses gémissements érotiques. Les mains expertes du SS la comblent lorsqu'elles s'égarent sur le relief de son intimité. Elle est soulagée aussi : il ne paraît pas fâché, use d'une relative tendresse. S'il subsistait le moindre doute sur cet acte honteux et dépravé, elle le nierait. Elle aurait également souhaité lui parler, exprimer à quel point ce qu'il lui fait est bon, qu'elle va chavirer d'un moment à l'autre : qu'il est capable de la faire jouir rien qu'avec ses doigts.
Elle se mord violemment la lèvre inférieure. Sa culotte file sur le côté, ses collants sont définitivement foutus – plus jamais elle ne les remettrait, mais Siegfried venaient tout juste de lui transmettre une nouvelle passion pour les bas de nylon. Il ne sent aucune résistance au moment de lever sa jambe qui se perche avec souplesse sur le plan de travail. On reconnaît là ses qualités de danseuse.
Son souffle est retenu. L'extrémité de la verge presse les portes de son fondement. D'une minute à l'autre, il peut s'enfoncer. Akina gémit une nouvelle fois, pantelante.
Hein ? Déverrouiller quoi ?
Tout à coup, elle émerge. Il tend le téléphone devant sa figure et sans penser à protester, elle s'exécute – toute chose. Elle doit bien rater le mot de passe une ou deux fois, dans son état de fébrilité, mais Siegfried finit par avoir accès à l'écran sans problème. Walker ne sait même pas pourquoi elle lui a obéi. Elle a cru distinguer le nom Kenneth et ferme ensuite les yeux, essoufflée. Pourquoi se met-il à lui parler allemand ? Pense-t-elle en se pinçant les lippes, anxieuse. Elle n'a jamais appris la langue de Goethe et ne comprend que trois mots sur les dizaines qu'il lui sort. (La joueuse, elle, avait un google traducteur à disposition, bien fait.)
« Vous AH !...devriez m'apprendre...l'all..l'allemand. »
Doit-elle rajouter un Mein Herr ? Elle n'en est pas certaine et ne préfère pas. La situation est assez humiliante comme ça. La douleur la brûle de l'intérieur tandis que l'ampleur de l'érection viole la tranquillité de son petit conduit. La belle se tortille, inspire profondément pour expirer en quatrième vitesse, affolée. Non, songe-t-elle effarée, ca va être impossible. Impossible à gérer cette souffrance d'un cul qui se dilate péniblement.
Elle a encore mal quand il plaque le téléphone à son oreille et ouvre grand les yeux, étonnée.
« Non...je ne...peux....aie ! S'il vous plaît...arr... »
Kenneth décroche, d'une voix inquiète.
« Akina ? Merde, ça fait des heures que j'essaie de te joindre. »
Elle a soudainement envie de pleurer. Son corps envoie sa conscience faire foutre et décide d'obéir au SS, remuant la croupe maladroitement afin d'y recevoir la totalité de la queue germanique. Elle se crispe, se mord l'intérieur de la joue pour éviter les cris.
« Akina ? T'es là ? »
« Ken...Kenneth. » se force-t-elle à articule, tremblante.
La pauvre est toute pâle. Ses pensées sont incohérentes. Siegfried s'apprête à la prendre comme une..... « pute » lui hurle une voix intérieure, et elle doit converser au téléphone avec son ex petit-ami. Entre ses mains, l'allemand peut la sentir trembler. Tout de suite, Scarlett rejette le mot prostituée. Bien qu'elle y ressemble vaguement dans cette position, à passer tous les caprices d'un professeur étrange. Il ne manque plus que le paquet de biftons posé sur un coin du plan de travail.
« Tu m'inquiètes, Aki. Tu es où ? Chez toi ? »
Elle comprend, au ton employé par l'irlandais, qu'il est à deux doigts d'exploser de colère.
« Je....je suis occupée, je ne.... » Elle est obligée de s'interrompe pour reprendre son souffle, interloquée par quelques nouveaux centimètres qu'elle vient de s'enfiler prudemment. « Je ne peux...pas parler. »
« Attends....tu viens de crier ? »
Merde. Fort probable que oui. Elle ferme les yeux, dépassée par les événements. Elle ne peut même pas implorer Siegfried d'éteindre le téléphone.
« Ce n'est rien...j'ai mh...marché sur des morce...morceaux de bouteille....de bière. »
Très réaliste comme excuse. Elle n'aurait jamais cru que la dépravation alcoolique de son père l'aiderait un jour à se tirer d'affaire.
« Je..je dois aller soigner ça...D'ailleurs...la plaie est... »
Elle grimace de plaisir. Un plaisir qui aura mis du temps à se manifester, mais ui émerge de la douleur progressivement.
« Profonde. » lâche-t-elle d'une voix lascive.
Miss Walker n'en peut plus, elle va imploser en milles morceaux autour de la trique allemand, elle le sent. Elle n'a jamais connu ça et les proportions agréables de l'anatomie du mâle, qui pousse et racle centimètre par centimètre ses parois manquent de lui ravir une jouissance timide. Elle se retient, car Kenneth est toujours au bout du fil.
« Je viens voir ça. Ne bouge pas. Je suis là dans 30 minutes. »
Et il raccroche.
Soulagement, enfin. Akina se laisse complètement aller sur le plan de travail et cesse de bouger, éreintée par le stress.
-
Trois choses.
Les sensations. L'étroitesse de son cul n'a d'égal que la profondeur à laquelle elle a enfoui sa perversité, et donc, sa vraie nature : Celle d'une perverse, avide de nouveauté, d'interdits et de soumission. Il voit très bien le tableau, oui... Elle a perdu son pucelage avec un type de qui elle était probablement amoureuse sur le moment, genre mec bien, gentil, ça a été un temps puis ça n'a pas duré, elle a eu quelques amants qui tous étaient sans grande fantaisie, peut-être un peu plus jeunes, genre corniaud romantique, qui pensent aux voyages et à la vie simple. Bon, d'accord, pas mal de caricature, mais il y a néanmoins un fond de vrai dans tout ça. Tout ça pour dire qu'elle se fait dépuceler le fondement... Et que le ressenti est à la hauteur de ses espérances. Enserré dans un étau de chair bouillant d'envie, cajolé par un conduit qui sent pour la première fois une telle intromission en lui, Siegfried est aux anges.
La vue. OK, Akina est belle. Ses traits d'eurasienne tirant franchement vers son côté pur blanc sont tout à fait au goût du nazi, fatigué de voir ces étudiantes bridées devenant assez communes à ses yeux. Dans le même temps, les occidentaux, il en a déjà assez goûté. Elle, elle n'est ni tout à fait d'un côté, ni tout à fait de l'autre, et ça lui convenait parfaitement. Bon, parlons aussi de son corps : Des formes avantageuses, pas désagréables à regarder, un arrière-train qui donne probablement à rêver aux passants dans la rue, dans lequel Siegfried est allègrement fiché, et sa position équivoque, loin d'être innocente, jambes bien écartées pour l'accueillir.
Le comportement. Parce que la façon dont Akina agit, parle, et pense aussi, tout du moins la façon dont elle trahit ses pensées, l'excite profondément. Son innocence brisée, sa perversion révélée, ses soupirs et gémissements, ses légers coups de bassin, ses tremblements, sa voix qui se brise... Mais il est au Paradis, ou bien l'Enfer est plus drôle que ce qu'on a bien voulu lui en dire.
-Je t'apprendrais tout ce que tu veux, Scarlett. J'aime enseigner. Tu n'auras qu'à me demander. Ou plutôt... me supplier.
Elle sent tout un coup sa queue franchir les derniers centimètres qui lui manquait, d'un coup de rein vif. Le voilà au fond, bien au fond. Il prend d'une main la hanche d'Akina pour appuyer au maximum sur ses fesses, qu'elle le sente dans toute sa longueur.
-Tu as sans doute besoin d'aide.
L'autre main est portée entre ses cuisses, pour venir caresser son clitoris, lentement d'abord, accélérant ensuite.
-Détend-toi. Laisse-toi aller. Tu es parfaite, Scarlett... Il suffit que tu te libères. Ressens pleinement... La première fois que tu te fais enculer.
Dire qu'un quart d'heure plus tôt, il était le type innocent et elle l'allumeuse de service.
Le portable est repris en main. Hmmm... Il adore ce modèle d'iPhone. Eux ont l'intelligence de faire des modèles aux rebords plats. Il trouve la fonction caméra, puis commence aussitôt à filmer. Il ne la prend pas en traître, il y a un bip caractéristique. Tout de suite, ce sont ses fesses qui sont le sujet de l'objectif, avec une queue massive qui le transperce pleinement. Il recule son bassin, puis se ravance aussitôt, sous l'oeil avide d'un téléphone qu'elle n'a sans doute jamais utilisé pour ça. Il amorce un nouveau mouvement de bassin, fort lent, puis un troisième. Là, elle se fait sodo, la petite, pour de bon.
L'étape suivante sera de poser le téléphone sur le plan de travail, de côté, dans un axe diagonale, de sorte qu'on voit en premier sa jolie gueule, puis fuyant en arrière son corps, et finalement ses fesses, avec le type en costard (sans sa gueule dessus) qui lui tient les reins et le minou, s'agitant sur elle. Il murmure alors, très bas :
-Exprime-toi. C'est ton téléphone, ton film, pas le mien. Dis-lui ce que tu ressens. Dis-lui comme c'est bon. C'est le début de ta renaissance dans un nouveau monde de plaisir. Avoue que tu es ma chienne... Et jouis devant cette caméra.
Sa main parcoure son dos, ses hanches, son cou, ses fesses. Il continue de la prendre, assez lentement somme toute, cherchant à prendre un rythme un peu plus soutenu au fil des secondes. Il fini par saisir sa belle chevelure en bataille et tirer son visage vers lui, pour glisser à son oreille :
-Je vais te laisser un nouveau choix, petite Scarlett. Choisis où je me laisserais aller.
Le téléphone tourne toujours. Il ne manquerait cette parole pour rien au monde.
-
Le coup de rein vif la secoue intérieurement. La douleur ressurgit d'un coup et elle lève son minois exotique pour crier, surprise. Encore une fois, sa voix lui fait défaut car sa gorge se noue. Elle croule sous les sensations multiples et hésite entre le plaisir et la souffrance. De nouveau, elle ferme les yeux pour penser à Siegfried. C'est lui qui l'encule, et pas un autre. Elle l'a voulu dans la peau dès qu'il lui avait proposé ce café en fin d'examen parce qu'elle l'avait trouvé incroyablement beau et charismatique. Tellement différent des jeunes étudiants de son âge, qui pavanent sur le campus et roulent des mécaniques, qui lui offrent des fleurs ou des gentils mots. Oh, Miss Walker a toujours été une grande romantique et demeure sensible aux paroles attentionnées. Toutefois, le SS lui inspire autre chose qu'elle redoute et qu'elle vénère à la fois.
Enculer, que ce mot est vulgaire selon elle, mais dans la bouche du professeur il prend des dimensions carrément excitantes et l'amante s'abandonne complètement, stimulée par les soins qu'il prodigue à son clitoris trempé. On lui enlève l'iPhone des mains, elle ne le remarque pas – en extase, traversée de part en part lors de cette sodomie improvisée.
« Que... » soupirera-t-elle en reconnaissant le déclic familier de l'appareil vidéo.
Il n'est pas en train de....non, impossible. Elle se redresse faiblement sur ses avant-bras, paniquée.
« Siegfried...non. »
Puis elle crie encore, et encore. A chaque venue en fait, quand sa cavité anale est contrainte d'enserrer le mandrin étranger. Plusieurs images se bousculent dans sa tête lorsqu'elle avise de l'oeil l'objectif de la caméra. Et la première chose à laquelle elle pense c'est le rendu. Elle aurait une tête horrible avec ses grimaces capricieuses : tantôt de douleur, tantôt de satisfaction. Elle aimerait qu'il arrête cette fichue caméra tout de suite, mais dans le feu de l'action n'ose pas lui demander. Elle se contente alors de détourner son visage pâle, fuyant l'image enregistrée, honteuse et coupable.
Sa chienne, ça aussi c'est très vulgaire. Son féminisme moderne lui interdit immédiatement d'accéder à la volonté du SS, peu importe sa beauté et son intelligence : elle ne doit pas céder à une requête si triviale. Pas après 70 années de combat pour que la gente féminine se hisse aux côtés du sexe fort, rétorque sa conscience. Cependant, parlons-en du sexe fort, il est dans son cul pour le moment et elle n'estpas en position de négocier ou de refuser ou d'exiger.
Elle répond un « oui » timide, pour ce qui est d'être sa chienne, très bas : elle n'est pas sûre qu'il l'entende.
« Aouch... » gémit-elle quand il tire sur sa crinière échevelée aux tons clairs. Il perd son souffle contre son oreille, jette dedans quelques mots bas. L'intonation, la proximité de ses lèvres avec sa peau, l'érection honorable qui embroche sa croupe : elle ne tient plus.
« Siegfried... » minaude-t-elle en s'agitant, parcourue de soubresauts. « Je vais...aaaah ! »
Akina est foudroyée et éclate en milles morceaux. La cyprine jaillit en un flot progressif le long des doigts de l'officier. Après la vague de jouissance, elle se détend et un éclair de lucidité frappe son esprit.
Elle vient de jouir grâce à une sodomie. L'improbable s'est réalisé et elle ne sait pas si elle doit en être satisfaite ou carrément dégoûtée. La belle se rend compte qu'il n'a pas pris la peine de se déshabiller, lui. Qu'il l'a plaqué dans cette cuisine pour la baiser à la hussarde ou presque. Elle en est toute retournée.
Enfin, elle se remémore de sa dernière phrase et s'exprime en se mordant la lèvre, dans un tic compulsif :
« Je veux... »
Va-t-elle oser ? L'insolence, la provocation. Souhaite-t-elle vraiment prendre le risque de le fâcher juste pour se croire plus maline ?
« Plus bas...mon vagin... »
C'est très laid de dire « vagin », mais Akina est aux dernières nouvelles encore inexpérimentée et frileuse à l'idée d'utiliser un langage sexuel trop explicite. Cette réserve pudique est criante d'ironie alors qu'elle a une queue engagée au plus profond de son cul.
C'est parce qu'elle veut être entièrement à lui qu'elle lui expose ce choix. Elle veut se rappeler, quand elle irait prendre sa douche, que c'est lui qu'il l'a souillée. C'est totalement dément, pense-t-elle.
« Mein Herr....s'il vous plaît... » supplie-t-elle comme on donne le coup de grâce.
-
Elle montrait encore quelques réticences. C'était naturel. Il l'avait déjà poussée très loin pour une première fois ensemble, et elle avait su redéfinir ses bornes. Il ne pouvait pas lui vouloir de ne pas avoir obéi à tous ses ordres...
Il n'avait pas cœur à montrer sa fureur, sa haine vengeresse d'une attente qui se doit d'être récompensée. Il restera calme jusqu'au bout. La colère, la violence, on verra ça dans quelques instants. Akina n'a pas démérité, et elle vaut bien la concession de ne pas lui casser complètement les fesses, encore vierge il y a vingt minutes. Elle a été son honnête petite chienne, même si elle peine à l'admettre.
Il n'y a pas besoin de mots, de toute façon. L'orgasme foudroyant qui l'a transpercée est une preuve saisissante de la soumission. Il fut si intense que Siegfried lui-même en eu des frissons, en la sentant s'agiter contre lui, faisant vibrer sa queue comme si il l'avait collé sur une batterie de voiture. L'image est parlante. L'électricité qu'elle dégage lui donne déjà envie de jouir.
Elle semble s'écrouler, mourir, mais Siegfried n'en a pas fini avec elle. Il s'attendait à une réponse timide de sa part, un classique « où vous voulez », un peu aventureux « Dans mon cul » ou encore l'osé « SUR mon cul », qui relevait à la fois de la tiédeur mais aussi d'un peu de perversion. La demande est toute autre. Et, en un sens... Lui plaît bien. Il s'était crispé au début en entendant son choix, mais se radoucit bien vite.
-Je t'avais dit que cet endroit-là te serait accordé en fonction de ton mérite... Et je suppose que j'ai de quoi être fier de toi. Tu l'as gagné.
À ce stade, il a la solution de la prendre sauvagement en levrette, ou d'y changer... Et c'est ce qu'il choisira. Il reprend à cette égard le portable pour filmer Akina, sortant leeentement d'elle, pour la prendre par le bras et la faire se retourner, s'asseoir sur le plan de travail.
-Dans les yeux.
Et il la fixe. Il y met un point d'honneur. Sa verge n'a aucun mal à se frayer un chemin jusqu'à sa fleur, qu'il conquiert allègrement, avec bien moins de soin que pour l'autre orifice. Le téléphone est tenu à hauteur de buste.
C'est ainsi qu'il la prend, sauvage et bestial, ne s'emmerdant plus avec cette putain de décence. Il a un corps à défoncer, et c'est ainsi qu'il se comporte. Main allongée sur le pubis, pouce énervant la perle nichée entre ses jambes, queue qui la ravage. Foutu nazi avec un gros complexe de supériorité et un besoin de faire mal pour se sentir bien. Il ne compte pas s'arrêter. Rien ne pourra le faire s'arrêter. Rien. Il la baise dans l'unique but de s'arracher un orgasme, et c'est ce qu'il va faire. Il faudrait une bombe sur la maison pour qu'il daigne seulement ralentir.
… ou une sonnette de porte.
Suivie d'un « tap tap tap, Akinaaa ? » entendu derrière l'entrée. D'un seul coup, le SS a une nouvelle idée.
-Faisons un marché. J'accède à ta demande, et tu viens ouvrir la porte avec moi...
Pas le choix, de toute façon. Il reprend sa cadence d'enfer, faisant remuer ce corps fragile à chacun de ses coups de reins, finissant même par donner le téléphone à Akina pour qu'elle filme « là, uniquement là », grogne-t-il en désignant son bassin qui la défonce, ce qui lui offre ainsi une main libre pour porter deux doigts sous elle, pénétrer son cul. Vlam, orgasme. Un coup de marteau. Une éjaculation massive qui sent bon la victoire, l'aboutissement, et l'espoir. Injection de foutre au fond de son ventre, et il ne tient pas à perdre de temps. La caméra s'interrompt parce que le téléphone sonne, et ça tape de nouveau à la porte.
-Y a quelqu'un ?
Peut-être a-t-il peur d'entrer de force, vu le caractère de Jack. On le comprend. Ayant vite repris ses esprits, il se retire d'elle, la saisit par les cheveux pour qu'elle se mette au sol, sur ses pieds, et la fait marcher tant bien que mal vers l'entrée.
À moins de deux mètres de la porte, Kenneth pousse doucement la porte. Siegfried s'arrête, tire son crâne vers le bas.
-À genoux.
Il n'a aucun mal à la faire s'écrouler à ses pieds. Kenneth ouvre totalement, et tombe sur... sur ça. Siegfried a du mal à contenir sa joie, et ne peut s'empêcher de sourire.
-Salut bonhomme.
-
Elle est légère comme une plume lorsqu'il la retourne.
Aussitôt, elle obéit et ses prunelles mordorées plongent dans le ciel nocturne qu'est le regard de Siegfried. Aucune lune, aucune étoile n'éclaire les yeux du nazi ; elle se surprend à avoir peur de nouveau. Peur de cette pente obscure sur laquelle il la pousse.
Akina s'interroge au sujet de cette récompense, cette fleur qu'il lui fait en acceptant son choix. Elle ne saisit pas encore les tenants de cette étrange relation. Elle a oublié la caméra, ne comptent plus que les iris bleutées et sombres de son amant. Ils sont magnifiques, remarque-t-elle en silence, totalement absorbée par sa contemplation. A la première pénétration, elle manque de rompre le contact visuel, franchement surprise.
Elle n'a aucun scrupule à lui ouvrir davantage ses cuisses, étalée de moitié sur le plan de travail. Elle s'appuie de ses deux mains sur le bois. La droite glisse malencontreusement sur le vin renversé, mais un brutal coup de rein rattrape sa maladresse : elle se sent soulevée du meuble et à la fois clouée à ce dernier. La force que jetait le professeur dans leur coït était exquise, vulgairement exquise, corrige-t-elle, le souffle court, les lèvres entrouvertes et les joues rosies de chaleur. Elle halète, gémit sans que cela ne soulage son excitation.
« Siegfried...non... »
Je vais encore jouir, termina-t-elle intérieurement.
Son corps est cambré vers celui du SS et elle encaisse à ne plus en finir. Elle a la désagréable impression d'être à sa place. « Pute », répète sa conscience – mauvaise. Bien évidemment qu'elle se pense coupable au regard de la situation. Son père a payé, c'est comme s'il la baise par procuration en ce moment même. Akina s'en indigne et déglutit pour se contraindre à un minimum de discipline mentale. Elle n'aura jamais, pas même une milliseconde, quitté les yeux de Siegfried. Son visage bouge au rythme des violentes allées et venues dans son con inondé de mouille. Elle serre les dents quand elle a trop mal, parce qu'il lui fait mal en la baisant. Elle ne connaît pas cette douleur, on a toujours été trop doux avec elle.
Elle a envie d'embrasser l'allemand, de le toucher, de passer sa main soignée dans ses cheveux bruns. Toutefois l'idée l'intimide : et s'il n'aime pas ça ? Tant pis, elle outrepasse encore sa raison en risquant un geste vers la figure du noble avant d'être interrompue par la sonnette d'entrée.
« Kenneth ! » s'exclame-t-elle soudainement.
Putain. Merde, jure-t-elle dans sa tête. Et l'autre qui lui propose d'ouvrir à deux. Et pourquoi pas inviter tout le quartier pendant qu'il y est ?
« Non ! » répond-elle, outrée.
Hors de question.
Pour seule réponse, elle reçoit l'iPhone entre ses mains. A sa plus grande surprise, elle filme. Forcément, son esprit est encombré par la présence de l'étudiante derrière la porte, tout près. Le mécanisme s'enclenche et pilonne ses sens comme Siegfried est en train de lui ravager l'entrecuisse. Kenneth. La caméra. Les grognements de satisfaction du professeur. Ce piston de chair qui l'écarte, la brûle, la remplit.
Nouvel orgasme. Express. Fulgurant. Il emporte ce qu'il lui reste d'énergie et de conscience. Sensible, incroyablement sensible même, elle ressent la brûlure plaisante du foutre gicler contre les parois contractées de son intimité. Il faut lui réapprendre à respirer, elle n'y arrive plus, cherche son souffle en vain, braquant son regard ardent sur Siegfried, choquée. Comment arrive-t-il à faire ça ?
Le téléphone sonne. On s'agite de nouveau à la porte. Scarlett blêmit d'un coup. Elle est épuisée et n'a qu'une ambition pour les seize prochaines heures : dormir. Cependant, à l'entrée, Kenneth se fait insistant. Il va entrer, elle le sait. Il ne craint pas Jack Walker. Il serait venu avec une barre de fer qu'elle ne serait pas étonnée. Entre autre, un véritable irlandais, soucieux d'en découdre quand son amour propre est en jeu.
« Aaïe ! » crie la jeune femme alors qu'il l'empoigne par la chevelure.
Elle n'aura jamais connu traitement plus dégradant.
Remise sur pied, le sperme coule lourdement le long de ses cuisses. Il ne lui laisse pas la possibilité de fuir : c'est son cuir chevelu ou suivre le SS. Elle choisit le SS. Arquée de manière à épouser la prise qu'il a sur elle et minimiser la douleur, elle se retrouve dans le vestibule, face à la porte, les collants déchirés, la culotte et l'entrejambe salis.
Il achève sa dignité quand il la ploie à genou, au gré de son envie. Ses genoux heurtent le sol, ses fesses se posent sur ses talons, vaincue, comme une grossière prise de guerre.
Kenneth entre et elle voudrait mourir.
« Salut bonhomme ».
L'ex petit-ami d'Akina la découvre agenouillée au pied d'une silhouette vaguement familière, à moitié nue. Sa première réaction : une érection. Sa deuxième : vouloir mettre un pain de forain dans la gueule du professeur qu'il connaît de la veille puisqu'il l'a interrogé sur la recherche médicale et l'armement. Il n'y croit pas. Il sent l'odeur de sueur, de foutre, de baise. Ca crève les yeux. Il fulmine.
« Putain ! Akina... ! »
Elle a une folle envie de pleurer. Ses yeux picotent, mais elle se retient.
« Ce...ce n'est pas ce que tu crois Kenneth... » fait-elle d'une toute petite voix.
Ah bon ? Cette dégaine de pute, ce parfum de sexe ? Pas du tout ce qu'il croit ? Le jeune homme claque brutalement la porte derrière lui. Soit elle se fout de sa gueule, soit elle est clairement traumatisée par ce que vient de lui infliger ce fils de pute en costume. Oui fils de pute, c'est comme ça que Kenneth qualifie Siegfried.
« Fils de pute. » déclare-t-il à haute voix, le poing serré. « Lâche-la. Lâche-la ou je te pète la gueule. »
Elle ferme les yeux, terrifiée. Après un temps oppressée par l'atmosphère électrique et écrasée sous la tension, sa crinière soyeuse retombe sur ses épaules. Siegfried vient de la libérer. Elle soupire de soulagement, mais n'ose pas encore se redresser. La peur la prend aux tripes, c'est viscéral. Elle aurait voulu rester au sol afin de plaire à l'allemand. Elle commence à comprendre qu'il apprécie l'humilier. Cependant, merde, Kenneth est là et sa présence lui procure le courage de se relever, les jambes chancelantes.
Son camarade la rattrape de justesse quand elle s'effondre. Il la presse contre lui, protecteur, aimant, hume le parfum de ses cheveux avant de fusiller le professeur du regard.
« T'es un homme mort. » menace-t-il.
-
Ce sourire. Le rictus du bâtard, l'expression type du fils de pute fier de son mauvais coup. Ce sourire qui manque bien de dignité, mais qui au moins est honnête dans son maléfice. Siegfried ne pourra nier qu'il aime humilier ses proies, avant, pendant, et après le sexe. C'est un tout. Un acte sexuel, chez le Siegfried mâle (pléonasme, gros, gros pléonasme) ne se limite pas à la baise : Il utilise ce qu'il y a autour, et ça forme un gros tout. Ca lui permet de prendre son pied pendant plusieurs heures d'affilée.
Là, il est encore en train de jouir, probablement.
Il aura caressé la chevelure d'Akina avant de l'abandonner.
-Non, bonhomme. Non, je ne crois pas. Et ce pour un tas de raisons.
Il prend tranquillement la direction de la cuisine, chope un essuie-tout pour se nettoyer la queue, puis se la range, difficilement, avant de se laver consciencieusement les mains. Il utilisera la première surface réfléchissante venue pour remettre en place sa chevelure, droite, puis humidifie un peu son visage.
Il revient vers eux. Il allait balancer que c'était elle qui l'avait cherché – ce qui, dans les faits, était vrai : si des caméras les avaient suivi depuis le début, personne n'aurait à douter de la faute de la métisse dans l'histoire – mais se ravise bien vite. Il regarde Akina. Il a... de la compassion pour elle.
Soupir.
-Akina... n'était pas bien. Elle est en perte de repère. Je suppose que j'ai eu tort de profiter de cette faiblesse. Cela dit, elle était consentante, mon grand. Du moins... sur l'instant. Je pense que si je lui proposais de le refaire, elle ne recommencerait pas.
Il se tourne, et tend le bras pour attraper l'iPhone d'Akina. Il coupe le son... Et se met la vidéo, léger sourire aux lèvres. « J'suis beau. J'y crois pas comment j'suis beau. Le mec parfait zéro défaut. »
-Maintenant, Kenneth, on va faire un arrangement tous les trois. Déjà, tu lui fous la paix. Elle n'a pas besoin d'une relation instable ces temps-ci, elle essaie de régler sa vie. Elle commence à reprendre le dessus sur son père, à gérer la douleur du souvenir de sa mère. Elle en vient même à se taper des profs... Grave manque d'équilibre moral. Je sais, je suis dans le même cas. Donc, en attendant qu'elle se remette, tu ne la contactes plus. Pas de SMS, pas d'appel. Elle reviendra te voir quand elle aura ralenti le train de sa vie. En attendant, je lui conseillerais de t'envoyer des photos d'elle pour que tu puisses te branler tranquillement.
Ah, il parle toujours anglais, parfaitement. Après avoir manipulé le téléphone, et hésité à montrer l'écran à Kenneth, il fini par l'abandonner, verrouillé, sur la table.
-Deuxièmement, tu ne parles de ça à personne. D'abord parce qu'Akina ne mérite pas qu'on lui fasse une réputation de merde, ensuite parce que je deviens agressif quand on touche à mon honneur. Et puis... Il serait dommage que vos deux notes chutent à un niveau éliminatoire. D'autant plus que certaines de vos professeurs ont une chute de rein solide... et qu'en échange de quelques minutes de mon temps, je suis sûr qu'elles modifieront vos notes d'une manière qui m'arrange. Alors que ton silence vous assurerait la note maximale à mon oral.
Il va voir la télé de Jack. Il se fait une idée par rapport au meuble, au mur, et se demande s'il ne devrait pas opter pour quelque chose qu'il pourrait accrocher.
-Dernièrement, parce que j'ai le droit d'être là. Et qu'aux dernières nouvelles, le harcèlement moral et l'entrée par effraction sont des infractions punies par les lois de ce pays. Oh, et puis, optionnellement : Si tu me touches, je t'enfonce la tête dans le mur, et demain matin tu chieras tes dents.
Il regardait l'heure sur son propre téléphone, constatait qu'il avait un message. Boarf. Il le lira plus tard. Il le range, désinvolte.
-Mais j'ai une idée. Demandons à Scarlett ce qu'elle en pense.
Comme d'un jeu, il avait abandonné le nom japonais qu'il utilisait devant lui depuis tout à l'heure pour reprendre son nom occidental, celui qui lui est réservé.
Il la regarde. Il a encore envie d'elle.
S'il n'y avait pas ce putain de britannique, il serait déjà sur elle.
-
Siegfried commence à répondre.
Elle trouve la force de se dégager des bras puissants de Kenneth. Ce dernier n'en croit pas ses oreilles. Il se hâte d'enlever sa veste de footballeur américain et la dépose tendrement sur les épaules frêles de son amie. Siegfried marque un point n déblatérant autant. L'irlandais est un gars simple : brillant certes, comme le démontre ses études supérieures, mais largué quand il s'agit d'autre chose que la biologie. Il n'aime pas discourir, il préfère parler avec ses poings: surtout dans cette situation.
La simple idée qu'il ait pu enfiler sa nana le rend fou de rage. Il se retient, crispe sa mâchoire avec amertume avant d'admirer Akina qui s'est réfugiée en territoire neutre, contre un mur, encore chamboulée.
« C'est vrai Akina?Et bordel pourquoi il t'appelle Scarlett ? T'as accepté que cet enfoiré te touche ! MERDE ! »
Il crache par terre, à plusieurs reprises. L'étudiant est sidéré. En moins de deux minutes il vient de perdre son ex-copine et une probable réussite aux examens. Honteuse, elle n'ose pas le regarder, livide et navrée. Ses yeux fixent l'allemand avec crainte pendant qu'il consulte son iPhone. Elle sait parfaitement ce qu'il regarde d'un air satisfait ; ça lui donne des frissons. Les muscles de son ventre se contractent immédiatement. Pour elle, à cet instant, l'université n'a plus d'importance. Son esprit est embué par le désir, l'attirance, des sentiments obscurs à l'égard de Siegfried.
« Réponds ! » lui intime vivement Kenneth.
Elle sursaute, rappelée soudainement à la réalité et ravale sa salive, mal à l'aise.
« Il...il a raison. » souffle-t-elle, la lèvre tremblotante.
Une éternité s'écoule avant qu'elle ne dirige son regard vers l'irlandais, se lovant dans sa veste comme si cela pouvait la protéger de son futur courroux. Elle se déteste.
«Je ne sais pas ce qui m'a prise Kenneth, je....j'ai besoin de.... »
Elle n'arrive pas à terminer, c'est trop dur. L'expression désorientée et furieuse de Kenneth la déroute.
« La ferme. T'es vraiment qu'une...salope. » Ca lui en coûte de l'insulter, mais la colère est plus forte. Elle lui ronge les sangs. Il doit se défouler, au moins verbalement. C'est un véritable couteau dans le coeur qu'elle vient de lui planter. Il n'arriverait pas à pardonner facilement. Puis, il pointe Siegfried de l'index :
« Tes putains de notes, j'en ai rien à faire. Je vais aller voir la police... »
«Non Kenneth ! » s'insurge Akina, effrayée à l'idée qu'un policier contrarie l'allemand.
« T'as une meilleure idée ? Ce connard est en train de nous faire chanter. »
Il la contemple longuement, la moue irritée. Un constat le frappe alors en notant la manière dont elle mire vers Siegfried, la clarté de ses yeux qui caressent la figure du professeur, cette manière qu'elle a de le dévisager.
« Ne me dis pas que t'es amoureuse de ce type. Tu peux être sûre qu'il va raquer, le boche. Nazi de mes couilles. »
Il a parlé sans vraiment savoir qu'il touche juste, parce que dans sa conception des choses, un mec au nom allemand qui se pointe pour lui piquer sa gonzesse : c'est forcément un sale nazi. Les allemands ont bon dos. C'est l'injure de trop pour Akina. Le « nazi » lui fait l'effet d'une piqûre d'adrénaline et elle indique sèchement la porte à l'attention de l'irlandais.
« Ca suffit. Va t'en. »
« Quoi ? Tu me vires ?! »
Il est révolté. Elle se défait du blouson aux couleurs de l'université de Seikusu et lui balance en pleine figure, hors d'elle.
« Sors d'ici ! »
Sa nudité de nouveau dévoilée, Kenneth perd consistance. Il balbutie, revient sur sa mauvaise humeur et se mord les lèvres : entièrement acquis au charme de la métisse.
« Attends, Akina...je veux juste t'aider. Ce type est pas net... »
Elle se retourne en quatrième vitesse afin de récupérer le téléphone qu'elle déverrouille sans lâcher son camarade des yeux.
« Va-t-en ou j'appelle la Police. Je vais leur dire que tu es entré chez moi sans autorisation. » menace-t-elle sérieusement. Sa conscience lui hurle d'arrêter, de réviser la situation. Elle refuse catégoriquement. Il vient de traiter Siegfried de nazi, merde. C'est clairement raciste et bourré de préjugés. Akina la bien-pensante est dégoûtée.
« Je veux te parler sans ce malade mental. Je t'appelle demain, réponds sans faute. »
Et il quitte la maison en fermant brutalement la porte. Walker est sur le point de perdre connaissance. La fatigue revient. Ses muscles sont douloureux. Elle n'a pas l'habitude d'être prise aussi longtemps dans ce genre de position. Son cul est endolorie, sa chatte l'élance ce qui est loin d'être désagréable car ces souffrances lui remémorent la présence d'Anton en elle. Pas Kenneth, pas un autre : lui. Lentement, elle rejoint le salon et s'assit sur le canapé. Loin de s'affaler, elle se tient droite malgré l'épuisement. Hagarde, elle se pose des milliers de questions.
-
C'est une scène surréaliste. L'irlandais fait le coq, sans comprendre qu'il n'est au mieux qu'un chapon, et dans une basse-cour, un seul a le droit à la couronne. Il est prêt à réagir au moindre mouvement de Kenneth : si celui-ci file avec la claire intention de le balancer, il l'arrêtera ; de même si il veut attaquer Siegfried ou, pire, Akina.
Et c'est là que ça devient très étrange : Akina le défend. Elle ne fait pas que se replier sur elle-même en essayant de se légitimer, ou de légitimer le SS... Non, elle montre les crocs et protège son tortionnaire. Fascinant. On n'est pas si loin du Stockholm, et ça lui plaît, tant que lui-même n'atterrit pas au Pérou.
La porte claque, les murs tremblent. Il s'interroge à son tour. Ses pas le conduisent jusqu'à Akina. Il pose une main auguste sur elle, celle de l'Empereur qui donne son absolution.
-Merci, Akina. Il n'y a rien qui ne me tienne plus à coeur que mon honneur.
Il se sent pris d'une faim légère. D'accord, il est sorti du restaurant il y a peu, mais il n'a pas fini son plat, et son métabolisme réclame, surtout après une activité physique. Il va trouver du pain de mie lyophilisé, cette merde américaine, dans la cuisine, pour s'en enfiler calmement une tranche.
-Tu lui répondras. Tu t'assureras qu'il ne dit rien. Tu lui diras que tu as besoin de prendre ton temps. Tu lui diras qu'il te lâche définitivement, que tu reviendras quand tu en auras terminé avec ce qui encombre ta vie. Et tu ne répondras plus jamais.
C'est là que ça devient étrange : Il abandonne sa moitié de tranche, s'assied à côté d'elle, et, après une hésitation, prendra doucement sa tête pour la coller contre sa poitrine, la serrant dans ses bras.
-Tu devrais aller prendre une douche et te reposer. Tu en as trop vécu aujourd'hui pour quelqu'un d'humain. Offre-toi le reste de ton temps.
Il interrompt ce court moment d'émotion, assez froid, mais lui ressemblant plutôt, pour s'éloigner vers la cuisine. Stop. Il s'arrête en chemin.
-Et merci. Pour le sexe. C'était bien.
Il file vers la cuisine avec le sourire le plus mesquin du monde sur le visage. Manipuler les sentiments, c'est tellement son hobby.
Quand elle sortira de la douche, elle trouvera... Un crumble. Non, elle ne rêve pas : Il y a un crumble au four, une délicieuse odeur de pomme chaude, un parfum de cannelle et de miel. Il n'a pas trouvé de post-it, alors il a pris un papier et du scotch, et a marqué : « Pour toi et ton père – tu peux t'en attribuer la paternité. » Suivi d'une série de chiffre, une adresse à la japonaise. Un appart' dans ce qui est considéré comme le quartier plus ou moins occidental (disons que c'est là que les bourgeois blancs se trouvent en majorité, bien que les japo' y soient toujours les plus nombreux en population). Tout en bas : « Après 19h. » Il n'y a pas de jour. Supposément, elle vient quand elle veut.
Quand elle déverrouillera son portable, deux choses : Tout d'abord, un SMS d'un numéro non-enregistré, disant simplement « Interdiction de se masturber ». Ensuite, sur son écran principal, l'une des icônes a été remplacé par un lien direct menant à la vidéo qu'ils ont faite.
Des heures de fun en perspective.
Quand au dessert, ce sera tout simplement le meilleur crumble de sa vie.
-
Après le délicieux crumble, la déception de le savoir parti, la note rédigée avec attention et une nuit pénible, Akina se décide à lui rendre visite le lendemain. Elle frappera à la porte sans réponse, appellera au téléphone sans davantage de succès. Alors qu'elle commence à penser qu'il s'était foutu de sa gueule, dépitée, elle reçoit un SMS.
Siegfried "Oui, Scarlett ?"
Ses mains tremblent. Akina fixe son téléphone plusieurs secondes comme si elle ne savait pas s'en servir. Tout à coup, elle fait demi-tour et dévale les escaliers du bâtiment en pianotant frénétiquement sur le clavier tactile de son iPhone
[21:05]Akina "Je suis devant votre porte. On peut parler?"
[21:06 ]Siegfried : "Pas ce soir. C'est urgent ?"
Arrivée dans la rue, l'air frais lui fait un bien fou. Elle s'adosse à sa voiture et rédige un nouveau SMS, la moue déçue.
[21:12]Akina : "Ca l'était. Quand?
[21:13] Siegfried: "Quand je te le dirais.
Si c'est vraiment urgent, je peux me libérer."
Elle pousse un soupir. Décidément, c'est un homme compliqué à comprendre. D'un clic sur ses clés, elle déverrouille son véhicule et grimpe dedans. Par réflexe, elle consulte sa figure dans le miroir de courtoisie. Progressivement, les marques des coups s'estompent. Un frisson la parcourt en pensant qu'avec Siegfried dans sa vie, elle n'aurait plus jamais de traces. Du moins, dont la paternité ne serait pas attribuée à Jack Walker. Elle reprend son téléphone.
[21:16] Akina: "Non. Ca ira, je crois que je n'ai plus trop envie de parler.
En fait, c'est Siegfried comment?"
[21:17] Siegfried " "Mein Herr".
N'appelle pas. Préfère les SMS. Compris ?"
Quoi ? Elle relit plusieurs fois le SMS. Si le « Mein herr » la fait sourire bêtement, la consigne suivante lui arrache un froncement de sourcils. Pourquoi ?
[21:18] Akina Et pourquoi donc ?
C'est compris.
Où êtes-vous?"
Puis, elle se hâte d'écrire un autre message dans la foulée, totalement paniquée.
[21:18] Akina "Mein Herr"
[21:19]Siegfried: "Mieux.
Pour les deux questions : Je te raconterais. Pas possible par message.
As-tu vu la vidéo ?"
Non. Toutefois elle a conservé l'application sur son iPhone. Sa conscience lui a hurlé toute la nuit précédente de supprimer cette horreur. Qu'elle n'allait pas passer de « pute » à « actrice de porno amateur ». la réflexion lui tire une vilaine grimace de dégoût. Ses doigts filent sur l'écran et elle appuie lourdement sur la touche envoyer.
[21:21] Akina: "Je n'ai pas voulu la regarder.
C'était...dégradant."
[21:22] Siegfried: "Explique-moi pourquoi."
Ah bon ? Il lui faut peut-être un dessin ? Elle pousse un rire nerveux dans sa Honda et s'accoude à la fenêtre pour prendre son visage au creux de sa main, mal à l'aise. Comment pourrait-elle expliquer ce qu'elle n'a jamais connu avant ? Il n'y a pas assez de mots, ou bien elle ne les connaît pas. Tu n'es même pas certaine de vouloir recommencer, l'avertit cette foutue conscience.
[21:24] Akina: "Vous m'avez...soumise."
Le terme « chienne », sa « chienne » lui revient brutalement. Il agresse son esprit. Elle secoue la tête. Elle avait dit oui. Faiblement, mais elle l'avait dit.
[21:24] Akina : « Comme une "chienne »
Ca vous excite?"
[21:26] Siegfried: "Ce genre de question nécessite une marque de respect, Scarlett.
Si je l'ai fait, ça m'excite. Si tu as fait quelque chose, c'est que ça t'excite. Tu commences à être libre. Tes limites morales sont encore installées.
Réfléchis à ça. Et regarde cette vidéo. Tu es magnifique dessus."
De quoi parle-t-il ? L'étudiante est complètement perdue. Elle qui, justement, a l'impression de commencer à être esclave plutôt que libre. Esclave de son propre corps, esclave de ses sentiments et les deux se ramènent à l'allemand. Finalement, esclave de lui. Merde. Elle n'arrive pas à envisager cette possibilité, mais au fond d'elle le statut ne lui déplairait pas. Quant à la vidéo, c'est toujours un non catégorique.
[21:27] Akina: "Je vous ai satisfait, Mein Herr?
J'ai mon oeil au beurre noir dessus, et ma lèvre tuméfiée".
[21:28] Siegfried: "Plus que satisfait.
T'ai-je satisfait ? Ne répond pas. Pose-toi juste cette question. Ta réponse te fera regarder la vidéo, ou non.
Ce n'est pas pour ça que tu n'étais pas magnifique. Vois au-delà."
Elle n'a toujours pas bougé de l'emplacement de parking, les yeux rivés sur son téléphone ; la figure faiblement éclairée par le rétroéclairage de l'écran. On devine la stupeur sur son minois exotique. Oui, vous m'avez satisfait, veut-elle écrire mais ses doigts tremblent. Il lui a demandé de ne pas répondre. Elle se mordille la lèvre inférieure avec acharnement. Son bas-ventre brûle d'excitation. Elle ferme les yeux et c'est pire. Elle les revoit tous les deux dans la cuisine. Pas besoin de la vidéo pour cela. Puis, la belle se ressaisit et rédige une réponse à la vite, le souffle retenu au creux de ses petits poumons.
[21:30] Akina: "Vous ne faîtes jamais l'amour normalement?
Quant à la question, si j'y réfléchis, je risque de me masturber."
[21:31] Siegfried: "Qu'est ce que la normalité ? Je sais, cette question est idiote, mais elle fonctionne.
Préférerais-tu que nous fassions l'amour "dans la normalité" ?
Ca t'est interdit. Mais voir ce film t'es vivement recommandé."
Bon sang. La normalité serait de faire l'amour sur un lit, ou sous la douche. D'offrir un baiser à son amant, une fois l'acte achevé, de s'endormir dans les bras l'un de l'autre. Pas de finir à genou devant la porte de sa maison. Elle relit le SMS et se remémore effectivement qu'il lui a prohibé les plaisirs solitaires. Pourquoi?. Même par SMS, il paraît si autoritaire, si directif. Cela convient d'ailleurs parfaitement à son port martial.
[21:32] Akina: "J'aimerais essayer. Avec vous. Oui.
Je pensais que vous étiez un professeur intègre.
Vos beaux discours se sont envolés?
[21:33] Siegfried: "Il ne sert à rien de tenter un retour en arrière une fois un cap franchi. Tu m'as vu sous un certain jour. Tu ne me verras plus jamais d'une autre façon."
Soudainement, elle a peur. Très peur. Ses doigts tremblent en écrivant le message suivant.
[21:33] Akina: "Je ne peux plus revenir en arrière moi non plus?"
[21:33] Siegfried: "Tu t'es vue sous un certain jour. Tu ne te verras plus jamais... etc."
[21:34] Akina: "Mais je suis libre de vous, n'est-ce pas?"
Elle attend désespérément la réponse. Une, deux, trois minutes. Toujours rien. Elle serre les dents, pousse un juron innocent et balance l'iPhone dans son sac, aux pieds du siège passager. Le moteur rugit dès qu'elle tourne la clé et son pied enfonce la pédale d'accélérateur sans plus tarder. Elle a besoin de repos. La route lui paraît courte, malgré l'heure et demi qui séparent sa maison de l'appartement du professeur. En rentrant, elle s'arrange pour ne pas réveiller son père, affalé sur le divan. Ses jambes grimpent lourdement les escaliers et arrivée à l'étage, elle s'effondre sur son lit sans prendre la peine de retirer ses chaussures. Sa main fouille paresseusement dans son sac et elle agrippe le téléphone portable, toute fébrile.
[21:40] Siegfried:
"Pose-toi cette question à toi.
Je dois te laisser."
Elle ne veut pas disserter sur sa probable liberté. Au 21ème siècle, en plein Japon moderne, toute femme est libre. Son pouce frôle l'application vidéo. Elle coupe sa respiration quelques secondes et enclenche la vidéo. Durant les premières secondes, elle est prise de stupeur et d'une forte envie de vomir, mais les images défilent et elle se mord l'intérieur de la joue pour ne pas gémir tant le spectacle l'enflamme. Elle n'a pas le courage de finir le film. Déjà haletante, elle met fin au visionnage et lance un SMS, embuée par le souvenir du bel allemand.
[23 :29] Akina :"Vous étiez beau, aussi.
J'ai un examen demain, souhaitez-moi bonne chance.
Bonne nuit."
[23:30] Siegfried: « Bon courage. Tu es douée quand tu le veux vraiment. Tu vas réussir.
Passe une bonne nuit."
Cette nuit-là, elle fera d'étranges songes, peuplés de douleur et de plaisir. Au réveil, elle ne gardera qu'un vague souvenir, mais croirait sentir l'odeur délicieuse du SS. Décidément, elle l'avait dans la peau. C'en est à la fois excitant et effarant. Après le petit-déjeuner, qu'elle sert consciencieusement à son père. Elle file à l'université où le professeur Reuters l'attend pour passer son dernier oral. Comme à son habitude, il est galant, voire charmant. Il lui propose du café et l'interroge. Akina est l'une de ses élèves les plus brillantes. Il n'a aucun scrupule à la félicité en fin d'examen, lui rappelant qu'en cas de master, il serait disposé à la prendre comme mémorante. Puis la journée sera bien remplie, exceptée une pause à midi qu'elle passera au téléphone avec Marisol. De temps à autre, elle vérifie ne pas avoir de messages, se trouve idiote d'en espérer. Le rédacteur-chef ne la laissera dépointer que vers 22:00, heure à laquelle, elle s'empresse de regagner son domicile. Scarlett se réfugie dans son lit et consulte sa messagerie.
[23:34] Siegfried "J'espère que tu as réussi.
Passe une bonne nuit."
[23:35] Akina: "Je crois que ça s'est bien passé. Le professeur Reuters a été charmant et clément avec moi. Comme toujours. Vous dormez seul?"
Elle aurait souhaité qu'il soit présent ce soir, à ses côtés, dans son lit.
[23:36] Siegfried: "Toujours."
[23:36] Akina: "Pourquoi?"
Elle a envie d'en savoir plus sur le mystérieux Siegfried, de le connaître également en profondeur, à sa façon. Tout chez lui l'intrigue et la pousse dans des transports irraisonnés. Elle, la future grande scientifique, la journaliste conscience, complètement déréglée par la présence – non, la simple pensée de Monsieur « Mein Herr ». Un genre de maniaque de l'autorité.
[21:38] Siegfried: "Ne pas être tué dans mon sommeil."
Akina démarre au quart de tour en lisant la réponse sidérée. Hein ? Quoi ? Quoi ? Ses pensées ne sont qu'une suite pitoyable de Quoi ? Ses doigts frappent l'écran en tremblant.
[23:38] Akina: "Qui voudrait vous tuer? Et pourquoi?"
[23:39] Siegfried: "Je plaisantais. À moitié.
Bonne nuit."
Et bien la plaisanterie restera en travers de sa gorge. Elle ne le suit plus du tout. Si sérieux et « plaisantin » la seconde d'après ? Elle se cale contre l'oreiller et pousse un long soupir.
[23:40] Akina: "Sens de l'humour allemand.
A vous aussi.
Mein Herr."
Et elle s'endort, l'iPhone encore sur l'oreiller, épuisée par sa journée. Fatiguée de penser, de trop réfléchir à propos de Siegfried. Walker père la réveillera aux environs de neuf heures pour lui hurler qu'il a faim, qu'il veut son putain de bacon. Toutefois, il se contentera d'une engueulade et ne lèvera aucunement la main sur elle. L'étudiante commence à apprécier l'amélioration de vie. Ne plus regarder son paternel avec l'angoisse au ventre, passer près de lui sans craindre une gifle. En revanche, il boit toujours comme un trou. Kenneth a essayé de la joindre à plusieurs reprises. Elle n'ose pas répondre. Elle a conscience que Siegfried lui a expressément demandé de régler ce cas. Mais le germanique n'est pas là, par conséquent il ne peut pas savoir qu'elle désobéit. Et quand bien même il le saurait. Elle est hors de portée. Tard le soir, après une brève douche, elle revient dans sa chambre tout en se séchant les cheveux. Ses yeux tombent sur une notification apparaissant au centre de l'écran de son iPhone. Elle laisse tomber sa serviette et se dépêche de lire, agenouillée près de son chevet.
[23:37] Siegfried: "Passe une bonne nuit, Scarlett."
Un sourire éclaire sa figure délicate. Elle n'arrive pas à y croire. Ce n'est pas grand chose mais, cette habitude qu'il prend de lui écrire chaque nuit, la pousse un peu plus au bord du gouffre. Et elle se rappelle de son avertissement, de la falaise. Des derniers retranchements. Ses doigts habiles s'agitent sur le clavier.
[23:38] Akina: "Vous m'écrivez Toujours à la même heure
.Pas loin de celle du crime.
Ca colle à votre genre"
Elle n'aurait pas de réponse cette nuit-là, ce qui la frustre. Elle essaiera de s'endormir sans succès. Ira faire des recherches sur son ordinateur portable. L'étudiante se rend sur le site web de son université, département droit. Elle consulte la longue, très longue liste des professeurs. Au fur et à mesure que la liste s'amenuise, elle se pince les lèvres, nerveuse. Est-elle vraiment sûre de vouloir faire ça?. Elle ne trouve pas de Siegfried. Il y a bien un ou deux noms allemands mais les filières et les photo ne correspondent pas au professeur. Alors elle écume les pages web de la faculté de droit à la recherche du moindre indice. Ah ! Droit de la bioéthique. Conférence. Voilà qui date de cinq ans. Il y a un compte-rendu du colloque, Monsieur Takagi y a participé également. Elle télécharge le PDF. Et prend bien une demi-heure à le parcourir. 1100 pages quand même. Avant de trouver un article rédigé par Siegfried Von Kö....König quoi ? Décidément, l'allemand et elle, ça fait deux. Elle abandonne et fait un copier-coller dans la barre de recherche Google. Von Konigsberg. Elle clique sur Rechercher. Waouh., c'est une vieille famille. Elle boit littéralement le peu de documentation : c'est à dire deux ou trois lignes sur Wikipedia. Quelques mots sur divers sites historiques spécialisés. Elle n'en apprendra pas plus. D'ailleurs, elle est rapidement fauchée par le sommeil.
Le lendemain, retour au Daily Seikusu. On boucle deux articles, entreprend les préparatifs d'un reportage, sert le café, passe deux heures à la photocopieuse. Les joies d'être pigiste. Au soir, elle décide d'accepter l'invitation de Sô pour boire un verre dans un bar branché de la ville. Elle rentrera tard.
[23h28] Siegfried. "J'ai mes habitudes.
Bonne nuit, Scarlett."
De quoi il parle ? Elle doit relire l'historique afin de replacer et fronce les sourcils. Elle meurt d'envie de le faire réagir. Il a l'air si froid, si distant. Elle écrit sans réfléchir aux conséquences, un sourire provocateur aux lèvres.
[23:48] Akina:
"Je me suis masturbée.
Il y a exactement 20min.
Bonne nuit, Siegfried".
[23:48] Siegfried: "Jusqu'à l'orgasme ?"
[23:49] Akina: "Ca ne vous regarde pas."
Il doit être énervé. Du moins, c'est ainsi qu'elle l'imagine. Elle regrette aussitôt sa provocation. La peur revient et s'il surgissait chez elle, en plein nuit pour lui faire ravaler sa désobéissance ?
[23:51] Siegfried: "Intéressant."
[23:52] Akina: "J'aurais préféré...vous.
Mais puisque vous êtes...loin."
Loin. Elle l'espère.
[23:54] Siegfried: "Tu as transgressé la seule règle que je t'avais imposé."
[23:55] Akina: "En êtes-vous sûr?"
[23:56] Siegfried: "Je t'ai demandé bien des choses, mais n'ait imposé que cette règle-là."
[23:56] Akina: "Je l'ai suivi. C'était plutôt facile.
Je ne pratique pas la masturbation.
C'est facile de vous fâcher."
C'est vrai. En tant que fille bien sage, elle n'a jamais eu recours à la masturbation. Elle se gargarise alors de son petit numéro. Elle peut avoir du pouvoir sur lui. Infime peut-être et elle n'en a pas très bien conscience.
[23:58] Siegfried: "Tu ne t'es donc pas touché. Et cherche simplement à m'énerver.
Pourquoi ?"
Ca y est. La peur revient. Elle s'abat sur son esprit comme une chape de plomb. Instinctivement, Akina accourt à la fenêtre pour vérifier l'allée frontale et va verrouiller la porte de sa chambre. Elle répond fébrilement.
[00:02] Akina: "C'était une plaisanterie.
Humour américain.
Vous appréciez?"
[00:04] Siegfried: "Je vais faire l'effort pour cette fois.
Bonne nuit, ma Scarlett."
Ma...pardon? Et elle s'endort des questions plein la tête, hébétée . A-t-il vraiment user d'un possessif ? Le soir suivant, elle mange sans appétit. Pâle et un peu souffrante. Un mauvais rhume, pense-t-elle, refusant de placer Siegfried comme responsable de son état.
[23:00] Akina: ""Ma"? Scarlett"
Aucune réponse. Elle aura beau veillé la moitié de la nuit, son téléphone restera désespérément calme. Les deux soirs suivant seront marqués du même silence radio et son appétit chute, comme sa volonté. Elle se présente en retard au journal, sous le regard noir de son rédacteur. Elle se sera déplacée à la Bibliothèque afin d’entreprendre d'autres recherches sur les Von Konigsberg, sans résultat. Scarlett se souvient alors que Marisol avait eu un petit ami allemand. Rien de bien sérieux. Elle l'appellera en catastrophe à une heure impossible au Texas afin de lui demander cette faveur. Contacter son ex-germanique, savoir s'il ne pouvait pas accomplir les recherches depuis l'Allemagne. « Tu es complètement folle, Akina. Il est 2:00 du matin ici. Et je n'ai plus de contact avec Franz. Mais que se passe-t-il ? Depuis quelques temps tu es bizarre. » Elle aura gagné le droit de perdre cinq bonnes minutes à rassurer son amie avant de raccrocher, déçue. Agacée, elle se jette sur le téléphone comme un enfant africain affamé se précipiterait sur un bol de riz. Elle pianote furieusement, une boule au ventre.
[23:50] Akina : "Pourquoi "Ma", j'ai besoin de savoir.
S'il vous plaît."
[00:15] Akina : "Mein Herr"
[01:23] Siegfried: "Mieux.
Dis-moi ce que tu en penses.
Je serais libre à partir de demain, à l'heure dite ou après. Si tu le souhaites, viens un autre jour."
Dès le lendemain matin, Akina n'y tient plus et balance un SMS matinal, franchement déroutée. Elle a une réunion au Daily Seikusu à 19:30. Gare à elle, si elle arrive en retard une fois de plus. Elle a réfléchi à la question, la retourner dans de nombreux sens et constate :
[06:30] Akina :
"Je suis à vous?
Impossible ce soir. Je vois déjà quelqu'un d'autre.
Demain soir, je viendrai. Si vous n'êtes pas là laissez moi la clef quelque part, que je ne reste pas
sur le paillasson"
Oups. Elle a envoyé le SMS, elle n'aurait pas dû annoncer qu'elle voyait quelqu'un d'autre. Pas de cette manière du moins. Elle imagine déjà la colère relative de son....quoi ? Amant ? Petit-Ami ? Plan-Cul ? « Maître », crache sa conscience, pleine de mépris.
[07:00] Siegfried: "As-tu réfléchis à cette question, justement ?
Inutile de préciser que si cette personne te touche charnellement, ce ne sera pas la peine de venir."
[07:01] Akina: "J'y réfléchis. Et ça me rend folle.
Aucun risque, c'est mon patron.
Et pourquoi ne pourrais-je pas venir si j'étais touchée?"
[07:35] Siegfried: "Tant que tu n'auras pas de réponse à la première question, la seconde n'en aura pas non plus.
À bientôt, ma Scarlett.
"[07:50] Akina: "Demain soir.
Vous me manquez."
[08:01] Siegfried: "J'en suis flatté."
Un jour plus tard, elle est là. Sur le perron de son appartement, radieuse. Elle n'a qu'un trench sur elle, qui descend jusqu'aux genoux. Ses cheveux sont attachés en une couette haute, avec quelques mèches éparses sur sa figure métissée. Elle s'est parfumée avec innocence.
-
Il était dans une correction de copie. Musique douce dans l'appartement. Tête penchée sur les devoirs de ses élèves. Il y avait de très bonnes choses, d'autres moins bien, mais dans l'ensemble, la plupart donnaient de bons résultats en droit fiscal.
Droit fiscal, oui. Cette matière bandante.
Quoique la fiscalité nippone est plus simple que les impositions occidentales à ses yeux. Un jour, ils ont décidé de l'aplanir totalement, et malgré les nombreuses nouvelles règlementations qui se sont ajoutés au fil des décennies, il arrive tout de même à mieux s'y retrouver que quand il s'est plongé dans la même matière, chez les teutons. Peut-être parce que c'était son coup d'essai. Bref, le fait est qu'il y est depuis 9h ce matin, et qu'il commence à sérieusement avoir besoin d'une pause loisir.
On frappe à la porte. Il se lève. Il porte un pantalon de costume, et c'est tout. Ses pieds nus avancent jusqu'à l'entrée sans plus de son qu'une plume qui y glisserait. Il se doute de qui c'est. Il ne s'attendait pas à la voir déjà. Le téléphone vibre peu après. Vibre, oui, parce qu'il ne met presque jamais la sonnerie. C'est elle – son numéro est déjà enregistré. Il l'a obtenu en se passant un faux appel, quand il avait le portable dans les mains.
Il choisit de renvoyer un SMS plutôt que de répondre. Il la voit tout à fait, en plein doute, perdue, rongée par ses questionnements. Parfait. C'est ainsi qu'il la veut. Il faut cultiver l'errance, lui faire perdre ses repères, et surtout, s'arranger pour qu'elle ressente le manque. Il pensait que ça prendrait plus de temps, mais visiblement, la Prusse a encore des beaux représentants qui savent cultiver leur magnétisme.
Il répond tranquillement en faisant les cent pas dans l'appartement. Les volets sont déjà fermés, elle ne verra rien si elle se perchait à sa fenêtre. Tout à coup, il s'arrête. Dire qu'il lui est arrivé de ramper, aussi. Pour une femme, évidemment, mais aussi pour des réponses, pour la reconnaissance, pour des faveurs. Un temps révolu. Il contrôle, et ne se laissera plus jamais faire par la fatalité.
Elle répond. Il répond. Et ainsi de suite, tandis qu'il a décidé de se faire enfin à manger, parce qu'il ne sait pas quoi faire d'autre.
Chaque jour, ensuite. 23H30. Il lui arrivait de faire bien des choses dans la journée – donner des cours de rattrapage, passer du temps au tribunal pour gagner quelques sous en plus, finir ses corrections de la semaine, et sortir un peu avec trois étudiants à qui il devait une faveur.
Mais à 23h30 environ, il lui envoyait un message pour lui souhaiter bonne nuit. D'abord, parce qu'il cherchait à s'endormir avant minuit, et que c'était la bonne heure pour faire ça ; ensuite, parce qu'il était nécessaire qu'elle s'habitue à son petit message nocturne, qu'elle en ressente le vide quand il n'en n'enverrait pas, et qu'elle comprenne comment il fonctionne. Un petit moment de discussion avant de s'endormir, qu'il soit la dernière chose qu'elle ait en tête avant de se plonger dans un long état de réflexion émotive inconsciente. Manipulateur.
Arrive le bon jour. Elle frappe, il vient ouvrir.
-Scarlett !
Il prend sa nuque pour embrasser sa chevelure avec une certaine joie dans le mouvement, puis se recule, souriant.
-Tu es ravissante. Très belle. Montre-moi ça...
Sans son approbation, il caresse sa lèvre, ses joues, ses yeux, puis son sourire s'étire un peu plus.
-Il ne t'a pas touché à nouveau. Parfait. Viens, entre !
Il n'était pas nu, pour une fois, avait encore fait l'effort de garder son pantalon de costume et uniquement ça, ainsi que ses chaussettes. Nul besoin de faire encore une loooongue description de son appartement : C'est sobrement design, assez sombre et froid néanmoins, tout carré, très propre. La porte d'entrée donne directement sur une grande salle servant à gauche de salon, à droite de salle à manger. Au fond, petit couloir, menant à gauche aux différents sanitaires, à droite à la cuisine et à une petite remise, et en face sa chambre, où il va d'ailleurs se réfugier.
-On ressort tout de suite. Tu as mangé ? Sinon tu peux grignoter, il a du cornbread au cheddar que j'ai fait cette après-midi pour faire passer une petite faim. Je ferais un vrai repas après ou je t'inviterai au restaurant, au pire.
Il vérifie que rien ne traîne... Oh, si : Sa croix de fer, sur un meuble. Il la saisit et la met dans sa poche, puis ressort en boutonnant sa chemise blanche, avec hâte, avant de la ranger dans son pantalon. Regard sur la montre.
-Bus dans... quatre minutes environ. Bon... Attends.
Il s'arrête, ferme les yeux, réfléchis. N'ai-je rien oublié ? Tout semble bon. Il a le téléphone en poche, rangé et verrouillé les objets compromettants, four éteint, prises coupées, hmmm... Ce devrait être bon. Ah, son regard s'illumine. Oui, c'est vrai... Il sort le portable et passe un appel, calant l'objet entre son épaule et son oreille. S'engage une courte conversation, qu'elle n'entendra qu'unilatéralement. « Daisuke ? … Oui... Oui. J'arrive. … Je sais pas, un quart d'heure ?.... Fais-ça pour moi. Oui... D'accord. Très bien. » Et il raccroche.
Au demeurant, il paraît tout à fait normal, par rapport à ce qu'elle a pu penser de lui.
-Parle-moi de tes doutes. Et dis-moi si tu as réglé l'histoire avec Kenneth. Je t'écoute.
Ah non.
Il file vérifier dans sa salle de bain que pas un poil ne dépasse, rasage encore impeccable, coiffure nickel, col bien plié, le rigide se sent bien.
-Viens, il faut pas le rater.
Il enfile des chaussures et sort.
Le bus est un moment qu'il apprécie. Parce que se mêler à la foule, aux gens normaux, pas des étudiants ou des juristes, ça l'aide à comprendre certaines choses. Il lui impose donc ce moyen de transport, et descend cinq arrêts plus loin.
Zone commercial. Grand magasin d'électroménager. Fermée à cette heure, évidemment. Un employé dans un costume bon marché, typiquement japonais, cheveux courts noirs et petites lunettes carrés, badge à son nom sur sa gauche, sourit en les voyant débarquer. Il salue Sieg, puis Akina, et les fait rentrer par une porte de service.
Il passent dans le magasin où ses collègues rangent tout, nettoient, font les comptes et s'assurent que tout sera fonctionnel demain, puis entrent dans la grande arrière-salle, servant d'entrepôt.
-C'est pour ton père. Tu vas choisir sa télé. Oh. Attend.
Il s'arrête de marcher, Daisuke ne les remarquant pas.
-Écoute. Tu n'es pas ma prostituée, tu comprends ? J'ai fait ce deal avec ton père dans l'unique but qu'il te foute la paix. C'était désintéressé. Enfin... Pas totalement, j'espérais que tu pourrais peut-être un jour me rendre un service en échange, ou lui, qui sait. Mais en attendant... Ce qui se passe entre nous n'a rien à voir avec ça. Peut-être pour lui, mais pas pour moi. Si ça te gêne et que tu préfères qu'on arrête, très bien, mais il aura quand même son petit cadeau. Bref. Prends-lui ce que tu veux. Quelque chose de grand, très grand, qui irait bien chez toi.
Ils reprennent leur chemin jusqu'aux télés. Des trucs maousses. Daisuke les désigne, et s'adresse à Akina.
-Ca, c'est quand même ce qui se fait de mieux. Surtout si vous jouez au jeu vidéo, le temps de réponse est idéal, l'appareil a de nombreuses options. Elle a même le wifi, il y a une sorte de PC intégré dedans. Ca permet au constructeur de faire des mises à jour, de vous proposer du contenu. C'est le premier modèle d'une nouvelle gamme. Après, on a celui-là. Le rendu est bien plus beau. Les films en haute définition vous sautent littéralement dessus... Et là, à droite, c'est notre plus grand modèle. Il est plus léger que les deux précédents, là. La qualité d'image est très bonne aussi, peut-être un peu moins. Après on a ce genre de modèle, ultra léger et ultra fin, grosse demande ces temps-ci. Il y a des modèles plus petits, juste derrière. Moins chers aussi.
-Hm hm. Les chaînes occidentales ?
-Si vous recevez les chaînes occidentales avec votre télé actuelle, y a pas de raison que ça ne marche pas ici. Les réceptions sont les mêmes, et si vous passez par des branchements pour capter d'autres réseaux, ce sont les mêmes qu'il y aura à installer. Y a rien en moins, que du plus.
-Très bien. Fais ton choix, Scarlett. Daisuke, Tu me passes un papier et un crayon que je te marques l'adresse ?... Oh, et un deuxième.
Le cadre accepte, arrache deux pages d'un épais bloc note, avec un stylo. Sur le premier, Siegfried écrit le nom de Jack, suivi de son bloc résidentiel. Le second est tendu à Akina.
-Tu veux lui écrire un mot gentil avec ? Histoire qu'il sache que c'est toi qui l'a choisi pour lui.
-
Il ouvre la porte.
« Siegfried je... » débute-t-elle avant d'être interrompue par une étreinte éclaire. Elle en reste retournée. Au demeurant, la vision que lui offre le professeur l'égare vers des pensées incroyablement hors de propos. Sous sa veste, elle frémit et resserre les cuisses pour couper court à l’excitation qui la gagne. Ses paupières s'abaissent lorsqu'il effleure son visage. Elle sent enfin son odeur, trop familière maintenant : une Eau de Cologne fraîche, légère dont elle profite discrètement.
Elle ose quelques pas dans l'appartement, œillant à gauche et à droite : très curieuse. La décoration est à l'image du propriétaire : sobre, presque glaciale et surtout, épurée. Akina n'a pas l'impression d'avoir sa place dans cet univers de perfection. Bien qu'elle ne le suive pas, trop intimidée, elle l'entend parfaitement. Non, elle n'a pas mangé. A vrai dire, elle n'a pas d'appétit ces derniers temps.
« Ahm...non merci, pas maintenant. » répond-elle poliment, plantée entre le salon et la salle à manger.
Ses yeux ne peuvent s'empêcher d'aviser le moindre mouvement de Siegfried quand il revient près d'elle. Elle remarque ses mains et leurs doigts qui s'agitent afin de boutonne une chemise blanche qui lui va comme un gant. Le sang afflue à ses joues, et elle devient écarlate. Au fur et à mesure que le torse disparaît sous la couche de vêtements, elle se mordille la lèvre. L'étudiante aurait tant apprécié le toucher.
« Nous pouvons manger ici, j'apprécierai vous aider à confectionner le repas. » rajoute-t-elle tandis qu'elle se force à détourner le regard ailleurs, vers une fenêtre par exemple. Elle s'en veut également d'être venue les mains vides, quoique sa lingerie fine sous le trench vaut largement une tarte ou une bouteille de vin. Et ressortir ? Pour aller où ? Et en Bus ?
La belle lève les yeux au ciel et marque clairement sa désapprobation dans ce geste. Et elle patiente qu'il finisse sa conversation téléphonique en se promenant dans le salon. Elle admire les rares objets qui méritent de l'être, songeuse avant de jeter plusieurs oeillades à Siegfried. Il semble qu'il a....changé. Est-ce possible ? Elle le trouve aussi charmant, sinon plus. Tout ce qu'une jeune femme désirerait.
Tout se brise quand il évoque Kenneth. Putain. Elle n'a pas réglé cette affaire, loin de là. Chaque jour, c'est dix, quinze appels en absence qui s'inscrivent sur l'historique de son téléphone. Elle n'a pas le courage. C'était si humiliant. Heureusement, il faut attraper le bus. Elle espère le sujet oublié une fois qu'ils grimpent dans la navette. Elle a salué poliment le chauffeur et progresse dans l'allée centrale avec beaucoup de difficulté. Elle n'apprécie pas la foule, les regards qui se perdent sur elle : bons ou mauvais, les odeurs parfois agressives. Toutes les places assises sont occupées, et le véhicule bondé.Cela lui donne une raison d'être proche, trop proche de Siegfried.
Face à face, ses lèvres prennent la direction de l'oreille du professeur pour confesser un premier doute. Elle murmure, malgré l'ambiance bruyante : il peut clairement l'entendre. Son souffle taquine le lobe.
« Que suis-je pour vous au juste ? Comme les professeures que vous....que vous faîtes passer dans votre lit pour avoir des faveurs du type « Faire chanter ses étudiants. » »
Oui, elle lui en veut pour le chantage. Et aussi pour les professeures. Une pointe de jalousie courrouce son humeur.
Hélas, elle a tardé à poser la question et il est temps de descendre. Elle espère toutefois qu'il penserait à lui répondre. L'air du soir agresse ses poumons, mais lui fait reprendre ses esprits. Scarlett le suit sans poser de nouvelles questions ni rompre le silence. En réalité, elle pense encore trop. Cette impression de ne pas avoir le même homme qu'à travers les SMS la perturbe. Émergeant d'une marre de préoccupations (ah les gonzesses), elle constate le zoning commercial et arque un sourcil perplexe. Faire les magasins ? A cette heure-ci ?
Puis elle aperçoit l'employé typiquement japonais, la porte de service qui s'ouvre. Elle n'aime pas ça. Cette idée d'entrée par derrière. Par politesse, elle renvoie le salut au vendeur et opine aux explications de Siegfried, la mine assombrie. Ainsi, son père l'a échangé pour un putain de téléviseur. Elle s'attendait à être déçue, mais le dénouement lui pince le coeur. Elle a beau se dire qu'il était ivre, pas en état de réfléchir : cette transaction est scandaleuse.
Elle écoute d'une oreille distraite les recommandations du commercial, hoche deux trois fois la tête : « Mh, mh ». Dans sa tête, un volcan est en train d'exploser. Aucune de ces foutues télés ne vaut ses cuisses, pas même la dernière génération. Elle s'indigne intérieurement.
Trêve de réflexions : il est temps de choisir. Les deux paires d'yeux sont braqués sur elle, attendant son choix. D'un côté, Siegfried doit acheter la télévision et elle ne souhaite pas lui faire dépenser une somme astronomique. De l'autre, l’exigence de son père qui n’hésiterait pas à la battre avec la télé si cette dernière a le malheur d'être un pouce trop petit. Elle désigne mécaniquement le plus grand. Elle a envie de gerber.
Elle transmet un regard noir à l'allemand quand il propose d'écrire un mot doux pour le paternel. Elle lui offre un sourire de façade : beau, mais dénué de tout sentiment. Elle finit par griffonner quelques mots, sans les penser. Ils n'ont pas de sens pour elle, et n'en auront pas plus pour Jack. Il sera trop bourré au moment de les lire, de toute manière.
Daisuke et Von Königsberg vont s'occuper de la transaction et Akina décide de sortir prendre l'air, attristée. Elle n'a pas osé regarder combien coûtait l'appareil. « Combien coûtait ton cul, plutôt » rectifie sèchement une petite voix intérieure.
Quand le SS revient, elle lui administre tout de même un joli sourire, plus sincère et spontanée. Elle décide immédiatement de poursuivre les hostilités à leur sujet, fébrile :
« Si je veux arrêter quoi? De coucher avec vous ? Vous n'avez pas l'habitude que les femmes vous résistent, j'ai l'impression. Ou vous avez peur qu'elles résistent ? Assez peur pour dépenser une fortune ? Je suis navrée, Siegfried. » Elle prononce son nom avec un accent américain, certes, mais chaque syllabe est articulée avec sensualité. C'est de cette manière qu'elle aime l'appeler. « Mais, qu'est-ce qu'il se passe entre nous? »
Elle n'irait nulle part, ne ferait pas un pas de plus, ne monterait dans aucun bus tant qu'elle n'aurait pas de réponse et elle le défie du regard, troublée en relatant encore une fois à quel point le prussien est magnifique.
-
Daisuke pose un autocollant sur l'épais carton, récupère les papiers et s'apprête à remplir la paperasse, quand Siegfried lui demande s'il peut le livrer maintenant. L'employé fait la tronche. Hop, Sieg sort une liasse de billet, et en extrait une petite dizaine pour lui tendre. « Juste pour toi, pas les autres ». Le japonais regarde autour, puis prend les billets. « Tu me laisses finir mes papiers, et je le conduit. Y aura quelqu'un ? » « Ouai, sinon tu le laisses ici et je viendrais le chercher. Et tu pourras l'installer s'il te plaît ? Ce serait mieux. Sc... »
… Non, elle n'aura rien entendu de cette conversation. Elle était déjà loin. Lui qui voulait lui prendre un petit truc... OK, c'est du black, c'est pas sexy ni rien, mais bizness iz bizness, il a rendu service et se le fait payer de cette sorte, autant en profiter. Du coup, il ne prendra rien, se contente de discuter quelques instants avec son complice, puis ressortira en saluant au passage les autres employés.
Il s'apprêtait à lui parler amicalement, l'emmener vers l'arrêt de bus opposé, mais elle ne lui en laisse pas le temps. Agression verbale. Hmf. Il n'avait rien dit dans l'appartement, mais là, ça commence à doucement le chauffer.
-OK, Akina.
On note que l'utilisation du prénom a toujours une utilité. Il sort son téléphone, le montre devant elle, menant la chose à son répertoire. À son deuxième nom, « Scarlett », il appuie simplement sur « effacer ». Le profil disparaît. Suivant, il va dans messages, et de la même façon, « supprimer la conversation ». Portable rangé.
-Voilà. Tu es libre. Je n'ai plus de moyen de te contacter, ton père va avoir ce qu'il veut et n'aura pas de raison de me courir après, et toi... Toi, tu pourras dire à Kenneth que t'étais au fond du trou, complètement dépressive, tu parleras de ton père, et tout ça... Voilà, ce sera fini. T'as le choix. Et honnêtement, fais-le maintenant, parce que je n'ai pas envie de te sortir mes explications si c'est pour que tu disparaisses ensuite.
Oui, parce qu'il n'aime pas l'échec, et qu'il préfère ne pas s'engager dans une bataille si celle-ci a trop de risque d'échouer, toutes ces conneries.
Mais il ment. Il dit ça parce qu'il sait qu'elle ne bougera pas.
… Elle ne bouge pas.
-Bon. Le « chantage » dont je parlais, je feintais. De même pour vos professeures qui étaient un... gros coup de bluff, je ne sais même pas si vous avez des femmes dans vos professeurs, c'est pour dire.
Là, il dit vrai.
-L'important... (Longue pause, regardant le sol)... L'important, c'est que Kenneth ait cru que je sois un connard et toi une victime. Comme ça, tu es couverte. Ca, c'était pour tout à l'heure. Pour ta question de maintenant : Je n'aime pas que l'on se fasse des idées fausses sur moi. Cette télé... ne t'achète pas. Ce n'est pas pour elle que je couche avec toi et tu ne couches pas avec moi en échange d'elle. Cette télé est là dans l'unique but... L'UNIQUE. BUT. Que Jack arrête de te cogner. Il a un os à ronger, il te fout la paix. Suis bien le raisonnement : Je lui ai dit que je voulais coucher avec toi. Il a accepté, m'a demandé quelque chose en échange. J'ai dit d'accord. "Mais, Jack, je ne souhaite pas me taper une nana qui a des bleus partout. Sinon... Y a pas de deal entre nous". Apparemment, il a compris. Voilà. Quand j'ai échangé cette télé, ainsi que d'autres choses, contre ton corps, je ne le pensais pas. Je le faisais pour ta tranquillité, et, comme je te l'ai dit tout à l'heure, ta reconnaissance. Peut-être un jour aurais-je eu besoin d'une étudiante pour un petit service, ou d'une biologiste, peu m'importe. Ou peut-être aurais-je eu besoin d'un ancien soldat de l'armée américaine. Je savais que je pourrais me procurer ce qu'il me demande à moindre frais. C'est fait. Cette télé ne m'a pas coûté le prix qu'elle vaut en magasin. C'est pour ça que je viens à cette heure-là dans l'entrepôt.
Il marque une pause pour regarder sa montre. Sa tête fait le calcul. Il lui demande de l'accompagner vers le bus, et y marche lui-même.
-Si je n'étais pas un peu triste de ce que tu es en train de me raconter, j'aurais presque envie de rire. Tu es venue de ton plein gré. Tu aurais pu me dire stop, ne pas répondre à mes messages. Me dire que tu ne voulais pas entrer, que c'était fini. De quoi as-tu peur ? Et puis, faisons la liste des infractions commises jusque là : Entrée par effraction, violences sur ton père, violences sur le serveur, port d'arme en public, menaces, insultes, et puis ton joli Kenneth pourra aussi me dénoncer pour viol sur ta personne, abus d'autorité, et je perdrais mon boulot, mon droit d'exercer, je prends une bonne peine de prison, pourquoi pas la peine de mort à ce stade-là, je pense que le coup de la télé achetée sous le manteau comptera pas beaucoup dans la peine de toute façon.
Il baisse le ton parce qu'un couple passe près d'eux, et s'arrête à l'arrêt de bus, isolé des autres badauds qui attendent.
-Il se passe entre nous qu'on baise, que j'ai un caractère dominant et que tu as un potentiel à révéler. Ose me dire que c'est faux. Je ne veux plus entendre ces conneries. Si tu as une question à poser, tu le fais avec respect. Je te répondrais avec honnêteté. N'ai-je pas été honnête avec toi depuis le début ?... Hmf. Tu vois où est mon arrêt. Prend le bus. J'ai besoin de marcher un petit peu. Je serais ravi de te faire à manger si tu es devant chez moi.
Et sans la laisser parler, il s'éloigne, défaisant au passage les manches de sa chemise pour se libérer un peu.
Il arrivera dix minutes après elle, au moins. Forcément, deux pieds vont moins vite que quatre roues. Il se permet un sourire visiblement forcé.
-Désolé d'avoir été long.
Il s'excuse, en plus.
Il déverrouille la porte, abandonne ses clés dans l'entrée, ferme derrière elle. Il défait un bouton de sa chemise, comme si c'était le truc le plus décontrac' qu'il puisse faire chez lui en présence de quelqu'un, abandonne ses chaussures dans un coin, ses chaussettes dans le panier à linge, son téléphone sur un meuble, et file dans la cuisine.
-Je n'ai aucune idée de quoi te faire. Regarde si quelque chose te plaît.
Sa cuisine est... garnie. Il y a ce qu'il faut en fruits et légumes (la plupart en exemplaire simple, ou double à la rigueur, mais pas beaucoup plus), quelques viandes, une impressionnante collection d'aromates et d'épices, des produits locaux mélangés à beaucoup d'ingrédients d'Europe.
-Tu m'as posé des questions, auxquelles je devais te répondre. Tu m'as demandé où j'étais. Ca... J'étais occupé avec les cours. Les corrections, les réunions de professeur, les avis de passage et toutes ces formalités... néanmoins nécessaires. Et tu m'as demandé pourquoi je préférais les SMS. Tout simplement parce qu'il m'arrive souvent de faire plusieurs choses à la fois et qu'il m'est désagréable d'appeler. Mon attention demande à être focalisée. Les messages textes me permettent de garder mon esprit sur plusieurs choses. Mon attention est distraite en pointillé. Mieux. De plus... nous réfléchissons plus à ce que nous voulons écrire. Il y a du spontané, mais au moins nous nous interrogeons plus sur le fond de notre pensée. Moins stressant, pour moi et pour toi aussi. Et puis... Tu dois te demander aussi pourquoi je ne t'ai pas dit mon nom. Tout simplement parce que c'est un nom qu'il m'est difficile d'utiliser, par son histoire, et parce qu'en un sens, je ne m'estimerai digne de ce nom que quand j'aurais pu l'honorer. M'élever à la grandeur qu'il mérite.
Pendant ce monologue, il avait commencé à préparer les plats, les ustensiles, sortis quelques ingrédients...
-À mon tour. Trois questions. Hmmm... Premièrement. Est-ce que ça ne t'intéresserais pas d'appartenir corps et âme à quelqu'un, soumise à un... propriétaire ? Deuxièmement : Si je te fais tant de mal, pourquoi est-ce que tu ne pars pas ? Et troisièmement... Je veux la réponse à la question que je t'ai posé. Mais une vraie réponse, pas juste un oui ou ou non, quelque chose de développé. T'ai-je satisfait ?
-
Que fait-il ? Soudain, elle panique en le voyant supprimer son profil.
Cette froideur dans ce ton la fait trembler. Et elle écoute, complètement sidérée. Le « Akina », ne lui plaît. Elle préfère quand il l'appelle Scarlett. Cette révélation lui coupe le souffle. Tout se mélange : le téléviseur, le service rendu, les coups de Walker. Elle a besoin de faire le vide, de penser à tout cela. L'étudiante commence à lui en vouloir sérieusement. Parce qu'il répète qu'il n'a pas échangé contre son corps, à sa plus grande stupeur. « Tu aurais préféré que ce soit le cas ? » se révolte sa conscience. Oui, oui et oui ! Hurle-t-elle en son for intérieur. Elle aurait vivement souhaité qu'il accepte le marché pour son corps et rien que son corps. Elle veut se sentir désirée, convoitée.
La petite voix consciencieuse intervient de nouveau : « Barre-toi d'ici. Barre-toi d'ici tout de suite. »
Elle ignore l'avertissement, obnubilée par Siegfried. Il dégage un magnétisme et elle est attirée comme un papillon vers la lumière, comme Icare vers le Soleil.
La seule chose qu'elle aurait voulu rétorquer : elle n'est pas biologiste, mais scientifique. Elle travaille sur la biologie au service de la science : nanobiologie, biomécanique, etc. « Pathétique « lui lance sa conscience. Tout le reste, elle occulte. Il n'a pas répondu à ses questions, à aucune même et elle s'efforce de ne pas lui en tenir rigueur car il a réussi à planter la graine du doute et de la culpabilité en elle. Son petit coeur loupe plusieurs battements.
Elle ne veut pas le perdre.
Elle ferait n'importe quoi pour rester avec lui. Merde.
Ses doigts s'enserrent autour de la lanière du sac à main qu'elle porte sur l'épaule. Les voyageurs leur lancent quelques regards curieux. Ils forment un couple atypique, il faut le reconnaître. Les femmes surtout admirent Siegfried, soucieuses d'attirer son attention sans doute. Elles se recoiffent machinalement, se pincent les lèvres pour raviver la texture de leur rouge à lèvre.
Akina détourne sa figure vers l'arrêt de bus. La seconde suivante, Siegfried a disparu. Dans son sillage, les derniers mots : « Devant chez moi. »
Le bus arrive l'instant d'après. Elle fait la file pour monter, perdue dans un dédale de pensées angoissées. Son coeur bat régulièrement, mais très lentement. Elle est suspendue au souvenir de Siegfried. Un homme dans la quarantaine lui propose galamment un siège. Elle s'entend refuser avec politesse : « Non merci, je descends bientôt. »
Dans son dos, la navette redémarre brusquement et face à elle se dresse l'immeuble où vit le professeur. Akina prendre une profonde inspiration et pousse la porte. Elle grimpe les escaliers très lentement, les yeux bas. Dix minutes s'écoulent qui lui paraissent une éternité. Elle se sera même inquiétée : et s'il lui était arrivé quelque chose ? Mais il apparaît soudainement. En un rien de temps, un sourire éclate sur le minois de la demoiselle.
« Ce n'est rien... »
Non mais elle a vraiment accepté ses excuses ? Sa conscience est outrée.
Elle aurait voulu se mettre à l'aise également si elle n'était pas en sous-vêtement sous sa veste. Elle se contente de déposer son sac à l'entrée, d'enlever ses escarpins et de marcher pieds nus jusqu'à la cuisine qu'elle examine avec curiosité tandis qu'il parle. Oh, elle l'écoute aussi attentivement, ponctuant son intérêt de quelques regards appuyés. Elle le contemplera souvent à travers ses longs cils sombres. Cette histoire de famille retient particulièrement son attention. Elle se rappelle vaguement ce qu'elle a lu sur internet.
Lorsqu'il déballe les questions à son tour, c'est Noël avant l'heure. Il s'intéresse à elle. Walker est aux anges, ou presque. Parce qu'il faut répondre et qu'elle n'en a pas l'envie. Un pot d'épices entre les mains, elle prend calmement la parole bien que sa voix trahisse sa nervosité :
« Je ne comprends pas...proprié.... » Quoi ? Quoi ? QUOI ? Elle veut se faire toute petite et disparaître à tout jamais. Elle va mourir de honte. Son visage a encore une fois viré rouge cerise.
Elle ravale péniblement sa salive et articule, la respiration faiblement saccadée :
« Je reste parce que...j'ai... »
Non. Elle ne peut pas lui dire. Elle passe directement à la question suivante.
« J'ai été satisfaite. »
Elle hésite et rajoute avec une sensualité toute naturelle.Allumeuse, sans l'être :
« Mein Herr. Vous avez été comme....on a jamais été avec moi. Je me suis sentie désirée.»
Son coeur s'accélère. Elle se mord la lèvre. Tout à coup, elle n'a plus faim. Plus du tout.
-
Il abandonne le couteau qui allait couper un quelconque légume sur une planche à découper absolument époustouflante de banalité pour la regarder, complètement abasourdi.
Qu'elle ne trouve pas de réponse à ses questions... passe encore. C'est difficile. Et s'il lui avait posé par SMS, se demande-t-il ? Aurait-il eu une vraie réponse claire et intelligible ? Il comprend d'un seul coup qu'il n'avait pas tort lorsqu'il la pensait simplement innocente, et épargnée par la vie encore. Jamais sentie désirée... D'accord, il y a le facteur « père », mais probablement a-t-elle toujours été cette fille trop jolie pour paraître accessible. Ajoutons à cela ses traits d'occidentale qui doivent en rebuter certains, faire fantasmer les autres, et les coups.
-Scarlett...
Tiens, le retour du prénom désiré. Comme un jeu. Elle l'a appelé Siegfried, lui est passé au Akina. Elle en vient à la marque de respect, voire de possession, Mein Herr, et il lui renvoie le prénom de pourpre drapé. Il lui murmure un « attends, viens », et l'emmène dans sa chambre.
Dans sa chambre. Oui. Peut-être aurait-il dû lui dire d'accrocher la ceinture de sécurité de son palpitant avant d'accomplir un tel acte.
Dans cette pièce aussi froide que les autres, on trouve un miroir de plain-pied. Il la met devant, se positionnant devant elle.
-Regarde-toi. Regarde-toi bien. Pour de vrai. Tu ne trouves pas belle ?... Voire, désirable ? Imagine, un garçon qui te voit passé dans la rue. Qu'est ce que tu lui inspires ? Il a envie de te serrer dans ses bras, de t'embrasser, voire plus. Scarlett... Tu n'as pas besoin de moi pour être désirée. Des tas de gens s'intéressent à toi, même si ce n'est pas toujours évident. Quelle a été ma pensée quand tu es entrée dans cette salle pour me parler de... quel était ton sujet... d'expériences sur humains... Hm. Désolé. Je me perds dans mes élucubrations. Oublie la bouffe, viens.
Il sort de la chambre, la faisant suivre. Désolé, Akina, il ne compte pas te prendre sauvagement sur ce lit. Au lieu de ça, elle sera posée dans le canapé de cuir noir, le cul bien fondu dans le moelleux du mobilier. Sieg prend place dans le fauteuil, dans sa diagonale droite, dos à la fenêtre aux épais rideaux fermés. Il a récupéré son téléphone en chemin.
-Je veux que tu prennes ton temps. Respire. Et répond à mes questions. Je veux des réponses développées. Ecoute-moi bien.
Il se penche vers elle, tendant au maximum sa main pour attraper celle de l'étudiante.
-Je ne te juge pas négativement. Tu peux tout me dire. Je t'écouterai, te comprendrai. Si tu as besoin de me poser des questions, je te jure que je te répondrais avec honnêteté. Mais je veux absolument que tu mettes des mots sur ce que tu ressens. Il faut que tu te comprennes une bonne fois pour toute.
Là, il la lâche.
-Je vais me faire un café. Je te laisse le temps d'y penser. Tu veux quelque chose ?
Manipule-t-il en cet instant ? Un peu. Mais il est sincère néanmoins. Il veut qu'elle explore sa nature profonde.... et qu'elle révèle son caractère de soumise. Ce n'est que comme ça qu'il pourra en faire sa chose.
-Au fait : tu es toujours libre de partir.
Coup de poignard final.
Il lui a laissé cent occasions de partir, et cent fois elle est restée. Elle est pleinement coupable de tout. Il s'en lave les mains, comme Pilate, et espère bien qu'elle montera d'elle-même sur Golgotha. Elle porte déjà sa croix... Elle n'a plus qu'à y grimper pour s'y crucifier.
-
Scarlett. Elle n'aurait jamais pensé autant aimer son prénom. Elle remercie mille fois son grand père d'avoir insisté pour qu'on la baptise de ce second nom. Il n'y a que Siegfried qui l'utilise d'ailleurs et dans bouche, il revêt autant de promesses que le Serpent en a conté à Eve. C'est peut-être ça le fruit défendu, au final. Va-t-elle prendre le risque de succomber, d'accepter et de voir sa vie bouleversée ? Face au miroir, elle se questionne sur tout. Sa beauté, ses intentions, ce qu'elle veut vraiment.
« Certains hommes me trouvent jolie » déclare-t-elle, confuse. « Il y a Kenneth. Je sais aussi que je plais au professeur Reuters. Je le vois à sa façon de me regarder. »
Elle suspend son souffle, plongée dans son reflet en plein-pied.
« Sa manière de m'offrir un café. » Elle déglutit difficilement. « Je crois qu'il n'ose pas. Mais je veux que ce soit vous qui me désiriez. Juste vous. »
« Tu veux lui appartenir ?! » gronde Madame conscience. Cette situation la rend folle. Puis ils passent au salon. Elle l'aura suivi sans un mot de plus, docile et élégante. Assise sur le canapé, bien droite, elle l'observe avec de grands yeux. Elle sursaute quand leur main se croisent. Un brasier timide gronde au creux de ses reins. Elle a envie de lui, de ses lèvres, de son derme pâle sous ses paumes délicates et remonter ensuite ses doigts féminins dans sa chevelure si bien peignée. Et elle se retrouve désemparée après qu'il ait retiré sa main.
Libre de partir ? Non, elle va exploser. Son corps se tend comme la corde d'un arc. Elle aperçoit ses doigts trembler, bien sagement posés sur ses propres cuisses. Cette proposition, cette porte de sortie : elle n'en veut pas. L'une de ses mains se lève vers sa gorge gracile qu'elle masse, incertaine. Elle imagine une laisse comme parure et au bout de ce collier, un piquet en l'objet de cet appartement, de Siegfried. Cette vision l'effraie et la charme en même temps. Elle a dû mal à accepter, à assumer. Sa conscience résiste, mais son être entier veut plonger. Quitter le bord de la falaise, s'écraser contre les rochers et exploser en centaines de bris. « Peut-etre qu'à force de recevoir des coups, t'as fini par vouloir les chercher. » raille cette même conscience. N'importe quoi. Il ne pourrait jamais lui faire du mal. C'est trop tard : elle l'a mis sur un piédestal.
Elle entend des bruits dans la cuisine. Il prépare le café. Elle ne veut rien, elle lui a dit. Quand il revient, elle est toujours dans ses pensées, une main fébrile contre son cou. Et son parfum masculin, elle hume à son insu et déjà, devient ivre.
« Ca m'intéresse. »
Référence à la première question des trois. On revient toujours à la Trinité, finalement.
« Seulement si c'est vous, Mein Herr ».
Battement de cils langoureux et ses prunelles brillantes sont posées sur la silhouette du professeur.
«Enseignez-moi. Je veux vous appartenir. »
Sur ce coin de canapé, elle suffoque. Elle va s'évanouir, c'est impossible. Comment a-t-elle pu exprimer une chose pareille ? Après un court silence, elle poursuit timidement, d'une voix très basse et féminine.
« Je reste parce que, mes sentiments m'empêchent de partir. Et avec eux viennent mon désir. »
Deux questions sur trois.
Ses doigts arrangent distraitement une de ses mèches frondeuses pour la ramener derrière son oreille droite. Elle n'ose plus le fixer dans les yeux. Elle se sent ridicule. « Il n'est pas trop tard, fuis en courant » harangue sa conscience. Elle est certaine qu'il va se moquer d'elle ou se fâcher. Tout à coup, elle craque. Elle se dresse subitement et se précipite dans la salle de bain. La porte claque et elle s'appuie au lavabo, chamboulée. Dans le miroir, elle remarque que ses joues sont toujours aussi rouges. Elle comprend avec horreur qu'elle ne reviendra plus en arrière. « Tu t'es vue sous un autre jour... »
-
Ce bâtard prendra son temps pour se lever.
Il s'affale dans son fauteuil. Il en banderait de joie si l'heure n'était pas à la retenue. Une soumise... qui s'accepte enfin. Ca veut dire qu'il va pouvoir s'amuser un peu pendant les vacances. Et, qui c'est... peut-être va-t-il l'élevé au rang des seigneurs, comme il aime à le faire souvent avec ses choses.
Il boit une gorgée de son café, tout juste chaud, pour se lève. Main sur la poignée. La porte s'ouvre... elle n'a pas verrouillé. Non, il referme aussitôt, comme pour la laisser un moment dans sa bulle. Au lieu de ça, il s'appuie sur le mur à côté de la porte.
-Deux solutions. Soit tu n'aimes pas ça, auquel cas je te laisserais partir... Soit tu adores ça, et... Et bien, quand on découvre une nouvelle chose qu'on adore, généralement, ça nous ouvre de nouvelles perspectives. Imagine seulement que tu te découvres un plaisir comme 99% des gens sur terre n'en découvriront jamais... Toi, ma Scarlett, avec tes 20 ans passés et ta jolie gueule de métisse.
Il marque une pause, avant de reprendre.
-Il y a une troisième solution. Que tu n'essaies pas et que tu le regrettes. Je te laisse établir la hiérarchie entre tout ça et me dire si tu veux essayer ou non. Réfléchis-y. En attendant... À mon tour.
Il boit une gorgée de sa tasse, puis va la poser à moitié pleine là où se trouve la surface plane la plus proche : Au sol.
Il pose une main sur la porte, réfléchis à ses mots, baisse d'un ton, et se lance.
-J'ai envie de toi, Scarlett. Je veux t'apprendre à être une bonne soumise. Je veux que tu m'appartiennes. Je veux que tu tressailles en pensant à moi, que j'obsède tes pensées perverses, quelle que soit l'heure de la journée. Je veux pouvoir te faire jouir d'un claquement de doigt, je veux connaître ton corps dans ses moindres recoins, et que tu connaisses le mien. Je veux que tu puisses me regarder droit dans les yeux et y voir le désir fou que tu m'inspires...
Léger temps.
-... Comme quand j'ai pris ta délicieuse petite chatte, chez toi, sur ce plan de travail... et que tu adorais ça. Que tu criais comme une belle chienne. Si nous n'avions pas été interrompu, tu m'en aurais redemandé jusqu'à perdre connaissance, Scarlett.
C'est dit. Siegfried dans toute sa splendeur. Ca sert de savoir parler un million de langues et les subtilités qui vont avec. L'anglais est à cet égard plus aisé que le japonais.
-Je vais te laisser un dernier choix. C'est un ultimatum. Tu penseras peut-être que je te force la main, et c'est le cas. Ca ne sert à rien de tourner autour du pot, et je suppose que tu as besoin qu'on te force la main... Alors c'est simple. Quand tu sortiras de cette salle de bain, tu devras faire un choix. Soit tu sors de cet appartement... Soit tu te mets à genoux face à moi, me regardera dans les yeux, et me donne propriété sur toi.
Propriété. Il l'a redit. Il a remarqué qu'elle avait sévèrement tiqué dessus, et c'est pour cela qu'il veut qu'elle franchisse ce cap.
Attention à ce qu'elle n'oublie pas qu'en-dessous de la falaise, il y a le vide, et qu'on ne sait pas sur quoi on finira.
Lui a récupéré sa tasse et est retourné s'asseoir. Il a le temps. Tranquillement. Si elle part ? Tant pis. Il se sera quand même bien amusé. Si elle reste ?... Ce sera là que commencera réellement l'amusement.
-
La porte s'ouvre et son coeur arrête de battre une petite seconde. Il va entrer, pense-t-elle en fixant l'entrée à travers le miroir. Mais non, elle se referme rapidement. Elle manque d'éclater en pleurs, parce qu'elle le prend comme une insulte, un abandon. Elle aurait préféré qu'il franchisse cette foutue porte et qu'il la réconforte. Akina est sur le point de partir, de renoncer afin de se préserver. Sa conscience saute de joie « Enfin la bonne décision ! »
« Deux solutions... »
Elle redresse la tête vivement et écarquille les yeux. Madame conscience se dégonfle, enragée. Décidément, le S.S est aussi coriace que Scarlett est folle. Encore une fois, elle boit ses paroles avec intérêt, l'oeil éclatant de désir. Ses mains tremblent, ses jambes tremblent : tout son corps répond aux confidences de l'allemand. Oui, oui, oui, se délecte elle avec effroi. Il y a quelque chose de plaisant à l'entendre. Il la désire et plus rien d'autre ne compte.
L'ultimatum lui fait froid dans le dos. Ses doigts délicats se faufilent dans sa veste en trench. Un à un, les boutons se défont sous la volonté de Walker. Alors qu'elle se déshabille, elle ne quitte pas son reflet du regard : déterminée. « Arrête ça ! » panique sa conscience. Le manteau tombe lourdement à ses pieds en délivrant les courbes de son anatomie. Elle porte une lingerie très fine, en dentelle pourpre comme son prénom. Face à la glace, elle prend une grande inspiration, toute tendue. Devrait-elle aller plus loin ? Elle se mordille la lèvre inférieure avec sensualité pour exprimer son hésitation puis elle lève ses mains vers l'attache de son soutien-gorge qu'elle dégrafe d'un geste habile. Il rejoint subitement la veste qui gît au sol. La belle enjambe ses vêtements, en petite culotte, et ouvre la porte de la salle de bain.
Sa silhouette émerge dans le couloir. Elle profite de ces quelques mètres pour retirer l'élastique de ses cheveux. Ils retombent sauvagement sur ses épaules, soyeux et brillants malgré les nombreuses mèches rebelles.
Son apparition devant Siegfried est remarquable. Sa peau dénudée ne possède aucune imperfection, son ventre est plat et on y devine les muscles abdominaux qui creusent discrètement sa chair blanche. Elle s'avance pieds nus et s'arrête à un mètre du fauteuil où le professeur est assis en sirotant son café. Encore une fois, elle est morte de honte. Ses joues sont de la même couleur que sa petite culotte.
Elle hésite une dernière fois et un regard vers l'officier la dissuade d'attendre davantage. Il est si beau, constate-t-elle totalement conquise. Elle sent ses genoux fléchir sous les yeux furieux de sa conscience. Von Königsberg ne la touche pas et pourtant, c'est comme si c'était lui qui lentement l'amenait à s'agenouiller. Elle se remémore sa poigne d'acier sur sa crinière décolorée. Bon sang, elle en aurait presque joui. Enfin, elle heurte lourdement le sol et capitule face à lui. Il a gagné, elle l'a choisi. Ses fesses rebondies s'appuient sur ses talons puis elle dépose tranquillement ses paumes tièdes sur ses cuisses. Au départ, elle prend également soin de garder les yeux bas, dont la teinte est ombrée par sa chevelure.
Il lui faudra plusieurs secondes pour s'armer de témérité. Elle lèvera alors ses iris mordorées sur la silhouette de l'allemand, prenant soin d'en caresser visuellement chaque détails et ancrera son regard dans celui de son nouveau propriétaire.
« Mein Herr... » déclare-t-elle d'une toute petite voix, gagnée par l'appréhension. Et cette fichue honte qui refuse de la laisser en paix.
Les pointes de ses cheveux couvrent à peine la rondeur agréable de ses seins.
D'un autre côté, elle se trouve encore ridicule. « Et c'est bien normal » enfonce sa conscience « Tu es à moitié nue devant un professeur, agenouillée pour lui appartenir, non mais on est à quel siècle ?! » Scarlett l'ignore tant bien que mal. Elle ne reculera plus.
« Je suis entièrement à vous. » avoue-t-elle en anglais, car désormais elle ne s'adressera à lui que dans cette langue.
A comprendre corps ET âme.
Elle est prête à apprendre maintenant, à écouter ses explications et à prendre connaissance des règles si Siegfried avait prévu d'en imposer de nouvelles. La chute ne fait que commencer, et elle est terriblement lente.
-
Il le reconnaissait, il fallait un sacré cran pour le faire. Mais c’était nécessaire qu’elle s’offre volontairement, sans la moindre équivoque, avec le mot et le geste.
... Et la soumission était faite, prononcée avec l’attitude froide de la détermination, celle des grands jours. Ca méritait au moins ça. Elle avait passé son habit du dimanche, un cosplay d’Eve imparfait, car elle avait gardé sa culotte. Disons que Siegfried ne lui en tiendra pas rigueur : Il ne s’attendait même pas à ce qu’elle fasse le geste de lui donner ainsi symboliquement son corps par la quasi-nudité. Il apprécie.
Il apprécie tout.
il ne lâche pas des yeux son corps. Elle est magnifique de simplicité, rayonnante d’humilité et diablement sexy dans cette innocence qui la caractérise si bien, celle-là même que le baron se complaît à fissurer, pour espérer la laminer.
Il n’a aucun respect pour cette espèce de dignité à laquelle elle semble tant tenir. Cela ne veut pas dire qu’il compte la dégrader sur l’instant ; il ne veut pas brusquer l’animal traqué. Il faut avancer à pas de loup pour qu’elle ne fuit pas, s’évanouissant sur l’instant dans la forêt comme une flamme sur laquelle on aurait soufflé soudainement. La patience est son atout.
Il vient pourtant de l’abattre. Sans qu’elle ne s’en rende compte, elle est déjà à terre, le corps criblé de balles. Un cadavre parfait, exquis, pâle, respirant encore faiblement.
Elle capitule donc enfin. Le prédateur, dans son noble uniforme de soldat des temps modernes, se penche avec tendresse vers elle. Il est émerveillé par son acte, parfait en tout point. Elle est douée sans même en avoir la conscience. Prodigieux. C’est alors qu’il doit l’achever, parce qu’il tient à ce que sa proie ne souffre pas. C’est nécessaire. Il lui faut alors s’agenouiller pour l’égorger net. L’afflux de tous les sentiments les plus forts lui provoquera un choc, et elle finira par se détendre, apaisée, enfin morte dans les bras de son doux tortionnaire.
C’est ce qu’il fait donc. Après avoir posé une main sur sa tête, comme pour la baptiser de sa nouvelle appartenance (après tout, il considérait qu’elle avait la tête immergée sous l’eau depuis bien trop longtemps et qu’il était temps de l’en sortir, pour qu’elle respire et renaisse dans la sainte lumière, celle de son désir), et avoir sourit un instant en la regardant, comme béat - bien qu’ELLE était la béatifiée - il posait un genou à terre. Juste devant elle. Il se mettait à son niveau, si vil, si bas, sans honte, et la prenait avec une ferveur toute religieuse dans ses bras.
-Je suis fier de toi, Scarlett.
Il s’exprime en anglais aussi, rappelons-le. La langue de l’envahisseur, oui. En attendant qu’elle apprenne l’allemand... Ce qu’il n’a d’ailleurs jamais imposé à personne.
Son étreinte se resserre. Comme s’il l’aimait. Pour de vrai, quoi.
-Et je suis content de t’avoir comme soumise.
C’était une acceptation significative. Une nouvelle fois, il avait choisi un morceau de choix, avec un fort potentiel non-révélé, un passif de dévastée et une série d’abuseurs plus ou moins conscients à ses côtés.
Mais si le prédateur a en effet abattu la bête, ça ne signifie pas qu’il va arriver à la bouffer ce soir.
Siegfried se détache d’elle, et se redresse, debout, main sur son crâne de nouveau.
-Au sol.
Une poussée, et elle comprendra qu’elle doit maintenant se prosterner, tout simplement.
-Scarlett. J’aimerais que nous soyons désormais clairs sur certains points. Tout d’abord, tout ça n’est pas qu’une histoire de sexe. Tu comprends ? Tu as fait... un choix de vie. Je te promets qu’il ne sera contraignant que lorsqu’il y aura nécessité, mais je ne ferais que des choses qui seront dans notre bien.
Un «notre» qui sonne comme une promesse, celle d’un commun, d’un ensemble, d’un tous les deux.
-Tu devras m’obéir. En tous points. L’obéissance pourra te rapporter récompense, et la désobéissance sanction.
Naturel.
-Tu dois retenir que mon respect pour toi est grand. Que je comprends que c’est difficile pour toi. Je n’aurais de cesse de t’aider. Et même quand je te traiterais de pute, te ferais lécher le sol et te cracherais dessus après t’avoir battu, sache qu’au fond de moi, je te respecte et t’aime.
«T’aime». Fais-toi des films, Akina, vas-y. Ce bâtard manipulateur l’a fait exprès. Dans le contexte, c’est innocent bien sûr : On parle bien d’amour comme on aime son prochain, pas son coup de foudre. Mais la métisse comprendra bien ce qu’elle veut.
-Je te promet que tu ne sortiras pas laminée et moralement détruite, mais que tu seras grandie. Tu en tireras un plaisir conséquent... Et tu seras plus forte que tu ne l’as jamais été.
Là, par contre... Il était plus que sincère.
Parce que ce chien, avide de pouvoir, de domination morale et sexuelle, ce pipeur de dés qui mise la douleur et la vie des gens, cet ancien soldat psychiquement balafré qui se nourrit du malheur des gens... refuse qu’elles deviennent des loques. Soit il les rend grande, soit elles meurent pendant l’apprentissage.
La plupart survivent, si ça peut la rassurer. Elles finissent invincibles.
-Je vais t’éprouver. Ca te paraîtra parfois dur... Mais c’est parce qu’il y a des obstacles que c’est utile. Sinon, nous stagnons dans la médiocrité.
Il la fait alors se redresser, puis se rassied.
-Reste à genou. Ecoute, je serais ravi de sceller cette alliance en profitant de ta jolie petite bouche, mais je vais m’en garder. J’ai d’abord une mauvaise nouvelle à t’annoncer. Je repars en Allemagne. J’ai un avion demain. Je vais profiter de cette semaine sans examens pour régler mes affaires au pays. Je reviens dans quelques jours.
Ca semble lui être un véritable déchirement.
-Je veux prendre mon temps avec toi. Disons que j’ai déjà été assez vite, de toute façon... Je préfère ralentir. Mais je ne vais pas te laisser sans consignes. Premièrement... Tu vas me renvoyer un SMS, illico, que je récupère ton numéro. Deuxièmement, tu règles cette affaire avec Kenneth. Troisièmement... Tu vas te masturber. Une fois par jour. Interdiction de jouir. Mais je t’ordonne de te toucher. 23h30 minimum, pas avant.
Bizarre. Sadique, aussi. Mais il voyait parfaitement le tableau : Elle, attendant chaque nuit l’heure fatidique avec avidité, déchirer son pyjama dès qu’elle était arrivée. Ca l’amusait.
-Quatrièmement. Si tu es impliquée dans un quelconque acte à caractère sexuel, seule ou avec d’autres, même en tant que simple observatrice par exemple, et ce sans mon autorisation, je serais sévère.
Légère pause.
-Pour finir, je souhaite que tu t’amuses sans moi. Ta vie doit suivre un certain cours.
Il terminera ainsi. Il lui dira que pour ce soir, il ne veut plus la voir comme une esclave, il ne veut plus du tout en parler. Juste... en étudiante normale, avec qui il passerait du temps normalement. En petite amie ? Héhé. Du reste de la soirée, ils grignoteront, parleront un peu en regardant un jeu japonais à la con à la télé, comme deux amis. Elle restera drapée dans sa beauté sauvage néanmoins. Il la laissera se rhabiller pour la quitter, lui promettant qu’elle lui manquera.
Le lendemain, il était à 8h à l’université. Takagi avec. Il venait de lui remettre les notes de l’oral, ainsi que d’une correction à laquelle il avait souhaité aider. Takagi tient néanmoins à vérifier certaines notes, trop hautes ou trop basses.
-2/10 à mademoiselle Junishi ?
-Pas travaillé. Cours pas su. Ca me désole.
[...]
-9/10, monsieur Misato ?
-Rien à redire. Je voudrais lui mettre la note maximale. C’était parfait.
-Sûr ?
-Oh que oui.
[...]
-8/10, monsieur Thompson ?
-Oui.
-Il me semblait qu’il n’était pas si bon.
-Il a peut-être eu de la chance dans les questions que j’ai posé, mais il mérite largement.
[...]
-9/10, mademoiselle Walker ?
Haussement d’épaule.
-J’ai enlevé un point parce qu’elle a balbutié au début. Mais plus on avançait, plus on sentait l’envie, la connaissance enfouie, le fait qu’elle avait tout en elle sans même le savoir. Brillante impression, vraiment.
A 10 heures, on frappait chez elle. Politesses d’usage à Jack, mais c’était Akina qu’il voulait voir. En privé. Il la trainait donc dehors.
-Je suis là mardi, dans 9 jours, normalement. Je te préviendrai. Je te déconseille de m’envoyer des SMS, tu paierais trop cher. Et je te déconseille aussi de venir me voir avec le sourire à mon retour si tu n’as pas respecté mes consignes. Bref. Je ne traîne pas. J’avais envie de te voir avant de décoller.
Il la prend contre son torse, embrasse sa chevelure, et s’éloigne d’elle. Le taxi attend.
-Je veux que tu me dresses une liste de tes exigences. Un testament de ton ancienne vie. Tout ce que tu veux que je fasse et ne fasse pas pendant ton apprentissage. Je trierais entre ce que j’accepte et refuse. Et n’oublie pas de t’amuser, de vivre. Je te veux heureuse et en pleine forme à mon retour. Si ce n’est pas le cas, je vais m’en vouloir.
Ce lover grimpe ensuite de nouveau dans son véhicule. Direcion l’aéroport.
Un long voyage pendant lequel il ne pensera presque pas à elle. Sa tête est préoccupée par des milliers d’autres choses autrement plus importante.
-
Elle écarquille les yeux quand il s'agenouille à son tour, juste face à elle. Son sang ne fait qu'un tour tandis qu'elle l'admire avec dévotion, le souffle coupé. Akina fronce légèrement les sourcils en se retrouvant dans les bras du SS. Elle en frémit et se maîtrise afin qu'il ne décèle pas son état de fébrilité avancée. Elle n'osera pas lui rendre l'étreinte bien qu'elle l'aurait souhaité. « Il a dit soumise ! » rugit sa conscience qui lève du poing vers Siegfried, terriblement indignée. Toutefois l'étudiante n'est plus choquée par ce terme. Elle assimile en silence toutes ses significations, toutes les opportunités qu'un tel mot peut dégager. Clouée sur sa croix, elle peut à peine respirer. C'est douloureusement que sa conscience se plie avec elle lorsqu'elle se prosterne sur ordre de l'allemand. Elle aura fermé les yeux pour emporter cette dignité rigide qu'elle conserve envers vents et marées.
Scarlett.
Pas qu'une histoire de sexe - « Oui, Mein Herr. »
Tu devras m'obéir - « Oui, Mein Herr. »
Sa voix vibre d'incertitude. Elle ferait de son mieux évidemment. L'être humain du 21ème siècle n'est pas fait pour pareille servitude. Saurait-elle lui obéir en tous points ? Impossible à dire, mais elle dit oui quand même. Pour ne pas le fâcher, pour qu'il continue de l'apprécier. Elle est aux anges...ou presque.
« HEIN ? Cracher sur toi ? TE BATTRE ? » éructe sa petite voix intérieure. « C'était bien la peine qu'il empêche ton père de le faire ! Et allez...laminer. C'est qui ce gars ? Il sort de l'âge de pierre ? »
Les prunelles d'Akina vacillent lentement, exprimant un léger doute. Conscience n'a pas tort. « Carrément pas tort, ouais. » Elle tente de se convaincre ; c'est de cette façon que Siegfried semble être excité. Pourquoi ne pas essayer ? De toute manière, si la moindre réticence persistait, elle venait de voler en éclat avec le mot aimer..
« Oui, Mein Herr. » répond-telle finalement.
Elle tremble d'envie de se relever pour l'embrasser avec fougue. Ses pensées sont obsédées par la bouche de l'officier ; elle aurait donné n'importe quoi afin d'y goûter. Cette franche passion s'étend de son esprit à sa poitrine qui s'alourdit puis se niche au creux de ses reins brûlants. Par réflexe, elle serre les cuisses. Sceller l'alliance en profitant de sa jolie bouche ? Oh oui. Elle l'aurait supplié, malgré sa totale inexpérience en matière de fellation. En Allemagne ? Elle perd le fil quelques secondes avant de comprendre.
Soudain elle blêmit, anéantie par la mauvaise nouvelle. Toutefois, elle n'en montre rien si ce n'est un sourire forcé. Et toutes ces règles qui s'ensuivent. Pourrait-elle tout retenir dans cet état de désarroi absolu ? Il faut qu'elle note ce qu'il lui impose quelque part au risque d'en oublier la moitié. Une semaine non, ca va lui paraître une éternité. Au contraire, sa conscience se réjouit du départ de « Monsieur Maboul » et prie pour qu'il ne revienne jamais, étouffé par une saucisse. Et chaque minute de cette soirée passée aux côtés de Siegfried renforcera la manque qu'elle connaîtra plus tard.
Elle avait tout admiré chez lui. Sa manière de couper les légumes, en passant par sa façon de parler. L'étudiante se s'était montrée réceptive à l'humour qu'il avait éventuellement pratiqué. Malgré son sentiment de gêne, de cuisiner et converser à moitié nue, elle avait fini la soirée affalée sur le canapé à côté de lui, emportée par une fatigue précaire. Bien acculée contre le flanc et l'épaule, elle avait vaguement commenté l'émission. Avant de quitter l'antre du diabolique nazi, elle lui aura fait part de sa volonté d'acquérir son chemisier blanc. Un caprice issu des profondeurs de ses hormones féminines. L'idée d'avoir l'odeur de Siegfried contre sa peau de pêche l'excite terriblement. En bon gentleman, il avait daigné se débarrasser du vêtement pour le déposer sur les épaules frêles de sa conquête. A charge de revanche, elle lui laisserait son soutien-gorge, à même le sol de la salle de bain.
Jour 1. Affaire Kenneth.
Cc Ken. C'est Akina. A 10h pour un café, ça te dit ?
Elle lui a demandé de la rejoindre au café où ils avaient eu l'habitude de boire un coup lorsqu'ils se fréquentaient encore. Il débarque à l'heure dite et s’assoit prestement devant l'étudiante. Elle le sent encore tendu et énervé. Il n'a pas besoin de commander, elle l'a devancé dès sa propre arrivée en lui prenant un café allongé. Pas une seule fois, Kenneth ne lui accorde un regard. Il se contente de remercier la serveuse avec un petit sourire. Le voir ainsi fend le coeur de la métisse qui doit inspirer profondément pour s'endurcir de l'intérieur ; sans quoi elle culpabiliserait sur le champ. « Dire que tu as échangé ce pur beau gosse, produit anglophone de notre monde contre un connard de dominant allemand. » lui inflige froidement sa conscience.
« Kenneth... » commence-t-elle en anglais. Sous la table, elle noue et dénoue des dizaines de fois l'ourlet de sa petite jupe. « Je suis navrée, je me suis emportée... »
« Il t'a encore touché ?» la coupe-t-il d'une voix rauque sans cesser de fixer le contenu de sa tasse. Il agite nerveusement sa jambe droite. Il va exploser d'une minute à l'autre.
« Il n'y a rien de mal à ça....c'est mon... »
Sa conscience se met à exploser de rire, moqueuse : « Alors vas-y, ton QUOI ? »
Elle se dépêche de trouver refuge dans une longue gorgée de cappuccino, irritée et déglutit ensuite pour répondre calmement – non sans réprimer un léger tic de la lèvre inférieure :
« Petit ami. »
« Alors, nous deux c'est terminé. Pour de bon. Parce que tu baises avec ce connard ? » se révolte l'irlandais. Sa main tremble sur sa cuisse, ça le démange de frapper quelque chose, mais il se retient avec brio. Cette vulgarité attriste complètement la jeune femme qui s'empare de son sac et se dresse afin de partir, le ton sec :
« Au revoir, Kenneth. Nous nous reverrons à la rentrée. Ou chez Yamata. Prends soin de toi.»
Et elle le quitte pour de bon, terrassée par le désarroi. Kenneth avait été l'un de ses meilleurs compagnons. Le plus fidèle sans doute, le plus transit certainement. Il aurait tué pour elle, en bon irlandais qu'il était. Cependant, elle n'aurait rien pu lui apporter de concret. Elle ne l'aurait pu avec aucun homme. Dehors, l'orage a succédé à la pluie. C'est trempée qu'elle regagne l'arrêt de bus dans un moment de nostalgie. Depuis sa rencontre avec Siegfried, elle tente d'utiliser les transports en commun autant que faire ce peut.
Jour 2. Entretien d'Embauche.
Un jour, elle a poussé les portes du Red Velvet à l'heure d'ouverture. Ses allures de sainte nitouche, son teint occidental et cette timidité agaçante avait attiré l'oeil d'un des patrons de l'établissement. Il y en avait pour tous les goûts dans ce petit coin de paradis pour hommes : des laides, des grosses, des bombes sexuelles, des matures. Seuls les mineures sont prohibées. Du moins, vous ne les aurez pas en vitrine, mais peut-être à l'arrière-boutique. Considérations mises à part, Honda – le gérant, s'était accordé à dire qu'Akina ferait bien sur la carte des desserts, entre le cocktail Molotov (qui vous explose la tronche) et la pipe à 100 000 Yens.
Il avait logiquement rameuté ses associés autour du comptoir et ils avaient tous commencé à discuter. Non, une démonstration ne serait pas nécessaire. Pas tout de suite, du moins. Il faut d'abord parler tarifs, prestations, limites. Tiens donc, limites : elle a déjà entendu ce mot dans la bouche de Siegfried. Tout à coup, un doute l'assaille. Serait-elle en train de violer une règle imposée par l'allemand ? Carrément, mais elle avait besoin de cet argent.
« Je ne me prostitue pas. Et aucun client me touche. » insiste-t-elle en lisant le contrat type qu'on propose aux hôtesses du bar. Avec un grognement de déception, l'un des types barre les lignes concernant les relations tarifées.
Honda fait ensuite dégager la scène où plusieurs danseuses répétaient. On la débarrasse de son sac à main. Elle grimpe sur l'estrade, agrippe la tige du pole-danse avant de se hisser d'un mouvement souple. La musique gronde brusquement, les meubles vibrent sous les basses lourdes d'un rap américain aux paroles explicites. Entre deux pas, elle revoit Las Vegas et ses illuminations dont elle était la Reine d'une nuit. Elle déboutonne son jeans alors que sa croupe remue langoureusement. Bientôt, elle ne porte plus qu'une culotte et une brassière aux couleurs du drapeau U.S. Ses jambes vont et viennent autour de la barre pailletée. Ses bras la mènent de nombreuses vers le sommet de la rampe verticale. Chaque descente est sensuellement maîtrisée sous le regard ébahi des associés. Et sur la dernière note, elle retombe au sol, effectuant un grand écart, la langue explicitement collée au métal du barreau afin de le lécher. Au fond de ses prunelles reluit l'éclat d'une lubricité farouchement enfouie.
10% de plus, si elle commence ce soir, tranche Honda. Il n'aura qu'un conseil à lui communiquer avant qu'elle ne quitte le bâtiment :
« Écarte davantage les cuisses une fois en l'air. La vue risque de plaire. »
On lui refourgue une copie du contrat qu'elle lira à tête reposée une fois rentrée chez elle.
Jour 4. Monsieur Takagi.
Il hante ses pensées. Elle n'arrive pas à s'en défaire, malgré toute sa bonne volonté. « Mon oeil, oui » soupire sa conscience. Scarlett lève les yeux au plafond où un néon grésille péniblement. Dire que les locaux de la faculté viennent d'être rénovés. Une ou deux secrétaires sont passées devant elle avec un sourire poli, des tas de dossiers dans les bras. Il faut gérer les nouvelles inscriptions, les départs, les demandes de dérogations, les listes de rattrapages sur lesquelles elle espère ne pas figurer. Puis une porte s'ouvre. La tête ridée de Mr. Takagi passe par l’entrebâillement.
« Walker-san ? Vous pouvez enter. »
Le bureau du professeur est un bordel sans nom. Beaucoup de livres datant des années d'après-guerre sur les grandes révolutions scientifiques ; beaucoup de plantes également qui ornent ci et là des meubles fissurés. Seul son ordinateur portable respire la modernité au milieu de ce décor archaïque. Il va se rasseoir sur son fauteuil, soucieux de boire une nouvelle gorgée de thé vert. Il ne lui indique pas de s'asseoir pour la bonne raison qu'il n'y a pas d'autre siège.
« Vous vouliez me rencontrer ? »
J'aimerais l'adresse mail du professeur Von Königsberg. Voyez-vous, je suis sa nouvelle soumise et il m'a plantée ici pendant neuf jours, sans moyen de le contacter, meurt-elle d'envie de déballer. Sa conscience fait barrage et elle articule lentement, un sourire poli figé aux lèvres :
« C'est à propos du professeur qui nous a fait passer les oraux...de bioéthique. »
« Oui, Siegfried, en effet. Y'a-t-il eu un problème ? Pourtant, vous avez décroché un 9/10 ». déclare Takagi, la moue ennuyée.
Les battements de son cœur s'accélèrent rapidement. Une honte soudaine colore ses joues et elle secoue la tête, tachant d'oublier que cette fabuleuse note est due à toute une série de circonstance peu glorieuse. Mentir n'est pas son fort, aussi essaie-t-elle de paraître le plus naturel possible :
« Justement. Il m'a demandé de lui envoyer une dissertation sur mon sujet, car il avait trouvé mes propos ahm...intéressants. J'ai malencontreusement perdu son adresse mail. »
Quitte ou double.
Ca passe ou ça casse.
Le japonais arque un sourcil, perplexe et dubitatif. Il sait à quel point l'allemand a du succès auprès des étudiantes, ce ne serait pas la première à tenter.
« Ouille, ouille, » panique sa conscience. « C'est pas bon ça ».
Comme dans un rêve éveillé, elle voit le senseï s'emparer d'un bic et d'un bout de papier. Soupir de soulagement. Il lui confie l'adresse en silence puis lui fait signe de disposer. Elle le remerciera trois fois en s'inclinant, emportée par son enthousiasme avant de se presser vers la sortie.
-
L’avion partait vers 11h. Il y avait 14h de voyage, avec 7h de décalage horaire, soit une arrivée vers 19h à Berlin. Il était crevé en débarquant, comme d’habitude. Il lui fallait donc prendre du repos. Il s’arrêtait à l’hôtel où il avait ses habitudes, et après un repas calme dans le restaurant au rez-de-chaussée, c’est un homme seul, presque gris parce que terni par sa fatigue, qui gagnait son lit, s’écroulant dessus en costume, en oubliant même son injection.
Alors le matin était dur. Une loque. 9h quand les rayons étaient assez envahissants pour le réveiller. Il tendait une main fébrile vers son téléphone et constatait qu’il n’avait plus de batterie. Cette nausée, cette faiblesse étaient caractéristiques de son manque. Il lui fallait sa dose.
Une oscillation. Il doit s’appuyer sur le lit un instant. Il ne sait plus où il a mis sa valise. Un mal de tête le prend soudain. Vivre devient douloureux. Il se rassied, triste de son état. Comme si enfin le poids des âges avait une prise sur lui. Il regarde par la fenêtre. Premier étage. Pas assez pour se tuer. Il frotte ses yeux qu’il sent embués de larmes, se traîne un peu sur le lit, voit son lourd bagage à terre, l’ouvre difficilement, en extrait une petite trousse à pharmacie, avise la seringue dont il n’est censé ne prendre qu’une moitié, et se l’injecte entièrement, prix à payer pour l’oubli de la veille. Il regrette bien vite, tant la puissance des sentiments contraires provoque un flot de douleurs en son âme.
On le verra prendre un petit-déjeuner, souriant et gai, charmeur et avenant. Il vomira tout un quart d’heure plus tard. Il maudira au passage son état, puis regardera Berlin par sa fenêtre. Il trouvera de quoi se nourrir dans une petite brasserie, et en avant pour sa journée.
A midi, c’est une femme qu’il verra dans un restaurant. Il passera l’après-midi avec elle, discutant de choses et d’autre. Ce sera sa compagnie pour le soir. il sera particulièrement abrupte au lit avec elle, et elle aura mal plus que de raison. Pour compenser, il mettra toute son ardeur à la satisfaire, et elle ne dormira que peu cette nuit-là.
Deuxième jour.
Un aller simple pour Wolfsburg. 1h06 grâce à la Deutsches Bahn, assez pour lui pour draguer un peu. Les jeunes filles sont facilement impressionnées par les immigrés au Japon. En sortant, il fera un peu de randonnée dans les plaines jusqu’à trouver une petite ferme. Là, un sexagénaire lui remettra une immense caisse remplie de tas de petites fioles. Ils discuteront un peu, iront se balader en forêt jusqu’à un bunker dont la seule entrée, une écoutille dans un cratère bien planqué par une masse touffue d’arbre, est scellée par une alarme et quelques chaînes cadenassées, ainsi que des panneaux du gouvernement. Ils feront tout sauter, car ils en possèdent la clé, puisqu’ils ont eux-même posé tout ça, pour y descendre, et se ressourcer dans cet étrange endroit qui n’appartient qu’à eux. Il appellera ensuite un taxi, celui-ci le raccompagnera à Wolfsburg, avec sa caisse, puis il paiera un transporteur privé pour que celui-ci s’occupe de tout rapatrier avec une grande discrétion jusqu’à Seikusu. Ca passera par bateau et par train, de l’argent tournera de main en main, mais il se le permet.
Mauvaise pêche ce soir. Il rentre seul à l’hôtel.
Troisième jour.
Il passera sa journée à l’activité la moins amusante du monde : Côtoyer l’administration. Il prétexte un vol de papiers, comme il y a cinq ans, en demandent de nouveaux, prétextant des erreurs sur certains. Grâce aux documents obtenus, il en fait changer d’autres, ailleurs, et ainsi de suite. Un exercice fastidieux et long, mais abordable à celui qui connaît la candeur d’un employé de commune.
Il fera quelque emplettes dans les rues de Berlin., et sortira le soir.
Mauvaise pêche, encore.
Quatrième jour.
-Il n’y a toujours que moi qui sait ?
-Oui. A qui veux-tu que je le dise ?
La demoiselle avait une troublante ressemblance avec lui. Pourtant, ils n’avaient qu’un ancêtre en commun : Le grand-père de Siegfried, qui était l’arrière-arrière-grand-père de son interlocutrice. Plus de 50 ans les séparaient, mais physiquement, Siegfried paraissait dix ans de moins qu’elle. Elle était une working girl, propre sur elle, haute bourgeoisie allemande, tailleur et cheveux bruns élégamment teints en un châtain pâle, presque blond , une quarantaine assumée mais entretenue.
-Clafoutis pour madame et Strudel pour monsieur.
«Merci» répondirent-ils en choeur avant que le serveur ne s’éloigne. Ils se saisissaient ensuite de leur cuillère.
-Donc je vois un adjoint de l’ambassadeur demain et il me dit ce qu’il en est.
-Et ça sent bon ?
-Aucune idée. Le fait qu’ils aient changé de personne à Königsberg peut être bien comme mal.
Le strudel était bon. Aussi con que ça puisse paraître, cette friandise viennoise lui manquait au Japon. Il ne l’avait découvert que tardivement, mais l’avait vite adopté.
Le soir, quand il enculera celle qui était sa petite-petite-nièce, lui empoignant les cheveux avec haine, il pensera à Akina, et redoublera ainsi d’effort. Il voudrait que ce soit elle.
Cinquième jour.
-Monsieur... Von Königsberg ?
-Da ?
-Par ici.
Une heure qu’il attendait, avant que cette jolie secrétaire ne le conduise dans le bureau qu’il attendait. Il connaissait Ivanov, depuis le temps. Un diplomate russe comme un autre, sympathique mais relativement froid, courtois mais abrupt dans ses manières. C’était la septième fois qu’ils se rencontraient.
Il s’asseyait en face de lui. Vladimir Putin au mur, qui le toise.
La conversation se fera en russe.
-Alors, Herr Königsberg... Toujours décidé ?
-La détermination est mon arme.
-Bien, bien. Comme je vous l’ai dit au téléphone, ce n’est plus mon ami Novilov qui s’occupe de la question de Kaliningrad, c’est désormais Vladimir Petrov.
-Connaît-il mon cas ?
-Les dossiers ont probablement été transmis. Il doit avoir jeté un oeil dessus.
Le fonctionnaire fouille dans ses papiers, dans un pesant silence. Siegfried n’aime pas le regard du Président sur lui.
-Je vous ai obtenu un rendez-vous pour le 27 septembre.
-... Pardon ? Non, attendez. Je suis venu là pour ça cette semaine. Vous me l’aviez assuré.
-Il n’était pas libre avant.
-Rappelez.
-Désolé, Herr Königsberg.
-Von Königsberg.
Le fonctionnaire souriait. Le ton montait.
-Désolé. Je ne peux rien de plus pour vous.
Siegfried était dépité. Son téléphone vibre, il le sort. Il vit l’icône d’un mail. Sur sa messagerie professionnelle. Par acquis de conscience, il chargea vite la page.
De - Akina S. Walker <[email protected]>
À - Siegfried <[email protected]>
Objet : J-5
[23:45 heure japonaise / 16h45 heure allemande]
J'ai failli jouir. Je m'en serai voulue d'abîmer votre chemisier.
Ne me demandez pas comment j'ai eu votre adresse main, vous avez été très vilain de ne pas me l'avoir laissé.
Ne me laissez pas sans nouvelles, je vous en prie.
Il sourit. Il ne peut que sourire. C’était probablement ce dont il avait besoin. Le rappel qu’il était un Maître, et qu’une soumise l’attendait quelque part. D’accord, plus d’une, mais celle-là en particulier, toute neuve et en attente d’une fessée. Il se ragaillardissait, fronçait les sourcils vers le diplomate.
-Puis-je avoir ses coordonnées ?
Le russe se tendait, réfléchissait, puis faisait un bref signe de la main.
-Je ne peux transmettre ça sans son autorisation.
-Je comprends.
Il allait sur internet, tapait «Vladimir Petrov Kaliningrad», tombait sur un site officiel, avec un numéro dessus. Il appelait sans attendre, sous les yeux médusés du russe. Il veut lui demander ce qu’il fait, mais Siegfried parle aussitôt, en russe.
-Bonjour mademoiselle, puis-je parler à monsieur Petrov ?... Je comprends. Oui. Vous avez mon numéro ? Oui ? Pouvez-vous lui transmettre en lui disant que le propriétaire de Kaliningrad cherche à le joindre ?... Von Königsberg. Oui... hm ? Non, maintenant. S’il vous plaît, c’est très important. La survie de votre travail est en jeu. Je comprends.
Une pause. Siegfried regarde le russe.
-Hm ?... Très bien. Vous lui direz que je serais là, le 9, à 8h. J’attendrais devant son bureau. Ce serait mieux pour nous deux qu’il me reçoive. Bien. Au revoir.
Il raccroche, règle quelque chose avec la secrétaire, sort, et une fois réfugié sur un banc, se hâte de répondre au mail, avec la froideur qui le caractérise.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Re : J-5
[23h59 heure japonaise / 16h59 heure allemande]
Cela aurait été préjudiciable.
J'étais tenté de ne pas te répondre mais tu n'as enfreint aucune règle. Veille à être moins intrusive, ma Scarlett.
Suis-tu bien toutes mes exigences ?
Préfère passer par [email protected], qui est mon mail personnel.
Siegfried.
L'attente tuera le SS. Il sort de son sac en cuir une boîte de petits gâteaux, fébrile. Il se surprend à actualiser plusieurs fois, pour être sûr que le réseau passe bien. Jusqu'à ce que l'icône s'affiche d'elle-même. Il s'empresse d'ouvrir.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
Betreff : Re : Re : J-5
[00:15 heure japonaise / 17h05 heure allemande]
Moins intrusive? Vous êtes à des dizaines de milliers de kilomètres de moi. Je ne vois pas comment je pourrais l'être.
Et bien, j'ai réglé l'affaire avec Kenneth. Enfin, il n'ira pas voir la Police.
A côté du journal j'ai trouvé un nouveau travail. J'essaie de m'amuser.
Mon père me demande des nouvelles de vous. Il pense que vous m'avez largué.
Votre Scarlett.
Kenneth et son père. Parfait. Et un nouveau travail. Quel peut-il être ? Peu importe à Siegfried, il verra ça au retour. Il n'imagine pas un instant qu'elle trémousse son cul pour faire baver des morts de faim.
Pour Kenneth, peut-être devra-t-il en remettre une couche à son retour. Quant au père... Oh, ça l'amuse. Largué ? Il pense qu'ils sont ensemble officiellement, peut-être ?
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Re : Re : Re : J-5
[00h23 heure japonaise / 17h23 heure allemande]
La distance physique n'a rien à voir. Passons, je suis heureux de te parler.
Je suis fier de toi, ma Scarlett. J'espère que tu ne te tues pas à la tâche. On en reparlera à mon retour.
Dis-lui que je lui ramène un souvenir d'Europe. J'ai pensé à toi aussi.
Je viens de comprendre : tu te touches avec ma chemise ?...
Ton Maître.
Il se rend compte ensuite qu'il est malsain de trop attendre. Dix minutes après avoir patienté sur ce banc, il prend sur lui d'oublier ça, et de partir en quête des prétendus cadeaux qu'il aurait déjà trouvé. Il n'a pas une idée claire de ce qu'il veut, mais il trouvera. Il trouve toujours.
Et cette petite l'excite, par Wilhelm. Le simple fait de l'imaginer attendre l'heure prévue pour faire ses devoirs, entourée uniquement par sa chemise un peu trop large pour elle, et s'arrêter avant que ça n'aille trop loin, la laissant dans un désarroi certain, qu'elle va chercher à compenser par ses mails...
Il doit occuper son esprit. Ca tombe bien, il n'aura pas de réponse avant la nuit.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
Betreff : Votre chère chemise.
[Le lendemain, 05:00 heure japonaise/le même jour, 22h00 heure allemande]
J'apprécie le travail. Ca rend libre, non? Je veux dire, j'ai de l'argent et plus j'ai d'argent, plus j'ai de chance de quitter mon père.
Vraiment? Qu'est-ce que c'est? Et vous? Avez-vous du beau temps? J'espère que vos affaires se règlent comme vous l'entendez. J'ai commencé à apprendre l'allemand également. C'est une langue...assez compliquée, comme vous.
Je dors toutes les nuits avec votre chemise, depuis votre départ. Oui.
Votre Scarlett.
Il ne s'attendait plus à sa réponse. Etrange. Il fait le calcul du décalage horaire, et s'étonne qu'elle soit éveillée. Il commence alors à répondre, mais est interrompu par son interlocutrice.
-Vous disiez ?
-Pardon ?... Oh, que parfois, l'enseignement est plus gratifiant. Mais moins rémunérateur. Enfin, au Japon, c'est différent... Attendez, laissez-moi quelques secondes pour répondre à un message important.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Ma chère soumise
[05h11 heure japonaise / 22h11 heure allemande]
Déjà debout ?
Le travail peut ne délivrer qu'une illusion de liberté. Prends-y garde.
Je ne te dis rien sur mes cadeaux. Le temps n'est pas exceptionnel. Les affaires non plus.
Je ne t'impose pas de l'apprendre, c'est en effet complexe. Je ne t'en voudrais pas d'abandonner. Mais ça me fait chaud au coeur que tu fasses un tel effort. Tu es merveilleuse.
Veille à ne pas l'abîmer.
Tu as le droit à un orgasme, ce soir, si tu y parviens. Uniquement ce soir.
Ma batterie me lâche, je te reprendrais quand je le pourrais.
Ton Siegfried.
Sa batterie. Il ne l'a pas rechargé depuis ce matin, et trop utilisée. Moche. Comme la demoiselle à laquelle il parle, en fait. Elle ne lui fait plus autant envie que quand il est entré.
-Pardon. Tenez-vous à monter dans ma chambre ?
Oui, il tente le coup quand même. Elle semble surprise, sourit avec gêne, balbutie quelques approximations orales, puis accepte, presque à reculons. Ils seront déjà en train de s'embrasser quand son téléphone vibre dans sa poche. Il abandonne immédiatement le baiser entrepris pour lire, et tenter de répondre avec les 2% de batterie qui lui restent.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
Betreff : Mon vilain maître.
[05:20 heure japonaise/22h20 heure allemande]]
Qui refuse de me donner un seul indice sur ses trouvailles. Je suis déjà débout parce que, comme je vous l'ai dit, je travaille.
Complexe et j'ai oublié de rajouter : très peu glamour. Heureuse que ca vous fasse chaud au coeur, mais avez-vous seulement un coeur?
Je suis très soigneuse avec vos affaires, après tout j'en fais partie. Quant à l'orgasme, je verrai ce soir, en rentrant.
Est-ce que je vous manque, Mein Herr?
Votre dévouée Scarlett.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Re : Mon vilain Maître
[05h22 heure japonaise/22h22 heure allemande]
Autant que je te manque.
1% de batterie. Il abandonne le téléphone sur la table de nuit, et jette la fille sur le lit. Une nouvelle fois, c'est à Scarlett qu'il pensera, bien que cette conquête-ci n'ait pas fait l'effort d'être blonde.
Il se réveille en pleine nuit. Il est attaché à une chaise médicale, avec les épaisses sangles. Il se débat, mais rien n'y fait, il ne peut se détacher.
Un chauve en longue blouse blanche stricte s'approche, traînant une tablette en métal rouillée sur les coins, avec des roulettes grinçantes et plusieurs étages de plateaux branlants.
-Qu'est ce que vous faites !?
-Nous allons continuez nos tests, Hauptsturmführer.
-Quoi !? Non, attendez, c'est fini, ça !
-Fini ? J'ai commencé il y a seulement un mois !
-Non ! Vous... J'ai vécu ! C'était il y a... 70 ans, quelque chose comme ça !
-70 ans ? Vous rêvez ! Nous sommes en 1942. Le Reich a besoin de vous.
-1942 ?... Non, arrêtez, il y a un problème. Arrêtez, Donnerwetter, me piquez pas avec ça ! J'ai vécu ! Je suis professeur ! J'ai survécu à la guerre !
-Vous avez rêvé, Anton. Complètement rêvé.
-JE M'APPELLE SIEGFRIED !
-Oui, c'est vrai qu'on vous a donné ce nom. Reposez-vous, le Reich a encore besoin de vous.
-JE NE SUIS PLUS DANS L’ARMÉE DU REICH !!! LE REICH EST MORT !!!
Il s'agite dans tous les sens et ses entraves ne veulent pas lâcher. Il entend le docteur répéter une troisième fois sa maudite phrase. Il veut disparaître. Il sent la violente douleur d'une piqûre au bras, puis une deuxième, une troisième, il est martelé par les aiguilles.
Réveillé en sursaut. Il regarde autour de lui. La fille de la veille est là. Il est crevé. Il n'a pas pris son injection. Il doit attendre demain, ou il ne dormira pas de la nuit. Où est son téléphone ?... Il titube jusqu'à le saisir, puis le branche, et attend, penché, nauséeux, que celui-ci se rallume. Il règle l'alarme sur 6h, va grignoter un biscuit, répond au mail...
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Ma pas si vilaine esclave
[10h24 heure japonaise/03h24 heure allemande]
Travailles-tu autant que ça ? N'oublie pas que tu devras avoir du temps pour moi.
Doutes-tu que j'ai un coeur ? Tu m'attristes.
Je dois aller dormir. Mauvaise journée. Fatigue. Tes mails me font du bien au moral.
Merci, ma Scarlett. À demain.
Ton Maître.
… Et s'endort comme une masse.
Sixième jour.
Le lendemain, rien dans ses mails. C'est la première chose qu'il a regardé. Il se sidère, et promet de changer cet état de fait. Il se pique difficilement, attend que ça fasse effet, et sort faire un footing dans les rues de Berlin. Au retour, peu importe le soleil à peine levant, il réveille la nana et lui demande de partir. Il lui fera l'amour une nouvelle fois. Par pure luxure. Puis range sa chambre, et sort, comme à son habitude. Il doit voir du pays et du monde pour ne pas dépérir.
C'est peu après le petit-dej dans un café huppé près de l'Alexanderplatz, un endroit où il se rendait souvent dans les années 40, qu'il recevait un mail.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
Betreff : Il faut prendre soin de vous.
[17:06 heure japonaise / 10h06 heure allemande]
Je travaille juste ce qu'il faut. Le rédac' chef est un peu exigent ces temps-ci, mais j'ai la possibilité de décrocher un contrat avec une chaîne nationale pour...ahm présenter la météo. Je dois encore passer plein d'entrevues et de...casting. Le salaire est évidemment bien plus conséquent. Et puis, mon nouveau travail a de drôle d'horaires.
Pour vous, je ferai en sorte que les journées passent de 24 à 48h.
C'est que, je connais si peu de choses de vous. Avez-vous de la famille en Allemagne?
J'espère que vous avez trouvé un sommeil agréable et réparateur. Je n'aime pas vous savoir dans ces états d'âme. Regardez en pièce jointe, je vous ai fait un petit cadeau.
Je serai toujours là pour vous.
Votre Scarlett.
[Dateianhang : http://media-cache-ec0.pinimg.com/736x/cd/27/ac/cd27ac8a22a2483d84e1309a77e9993e.jpg ]
Image aussitôt ouverte. Enregistrée. Elle figurait ainsi en aperçu de sa « galerie de photo », en lieu et place de la dernière photo prise. Il la regardait trois fois de suite, puis fermait le téléphone. Elle n'aura pas de réponse.
Pourquoi, se demande-t-il alors qu'il marche devant les vitrines de plusieurs grands magasins ? Pourquoi la laisser dans l'attente ? « Je serai toujours là pour vous ». N'est-ce pas ce dont il a besoin ? Chaque fois qu'il retourne en Allemagne et multiplie les affaires importantes, il est submergé par la haine et le dégoût du monde. Ne devrait-il pas tout abandonner et s'en remettre à quelqu'un qui pourrait le faire se sentir un peu plus aimé ? Peut-être que les sentiments d'Akina sont biaisés par ce qu'elle pense de lui, par l'emprise qu'il a exercé sur lui... Mais au moins, elle a l'air d'y croire sincèrement.
Il maintient. Il ne répondra pas avant le soir.
L'après-midi, il reverra sa petite-petite-nièce. Celle-ci essaie d'être visiblement affectueuse, mais Siegfried est ailleurs. Elle fini par s'énerver. Il tente de la calmer. Au final, il n'a pas envie de dormir avec elle ce soir. Il a envie d'être un peu seul, loin du monde.
Il profitera qu'elle se rende aux toilettes, après qu'ils aient flirté dans un magasin de vêtements, pour répondre à sa nouvelle chose.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Je veux revoir ma Germanie...
[00h13 heure japonaise / 17h13 heure allemande]
Prend garde à toi, s'il te plaît.
J'ai de la famille en Allemagne, en Pologne... et en Russie. Non, personne n'est russe dans ma famille.
J'ai mal dormi, me suis mal réveillé, et la journée était encore mauvaise. Mais ta photo m'a au moins mis un peu de baume au coeur.
Tu es tellement belle. J'ai de la chance.
J'ai hâte de revenir.
Ton Propriétaire.
Puis il hésitera longuement. Tiraillé par son ennui des gens, lassé de tenter de paraître, il enverra paître sa pair pour rentrer à l'hôtel, et après s'être presque endormi devant la télé, revoir la photo de Scarlett sera un déclencheur de son stupre. Il a envie qu'elle réponde, ce qu'elle ne fait pas. Il se masturbera, et ira manger dehors ensuite.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
Betreff : Et les Etats-Unis?
[03:30 heure japonaise / 20h30 heure allemande]
Je suis une grande fille. Je prends soin de moi autant que de votre chemise.
Vous me présenterez à eux un jour? Après tout, vous connaissez mon père, vous. Il se ferait un plaisir de vous faire visiter le Texas. Vous savez l'endroit où il a attrapé son mauvais accent.
Mauvaise? A cause de quoi? Vous m'inquiétez. Vivement votre retour.
Merci pour le compliment. C'est une nouvelle couleur de cheveux, vous aimez bien?
Votre...euh....chose?
La réponse arrive tandis qu'il mangeait son dessert. Le téléphone sur la table était fébrile, n'attendait que ça. Il saute dessus. S'il aime sa couleur de cheveux ? Bien sûr. S'il veut aller en Amérique ? Hors de question. Les noms d'anciens criminels de guerre font sonner les portiques, encore aujourd'hui.
Il se dépêche de répondre, sans savoir ce qu'il doit dire. Il se sent comme un gosse, bien qu'il garde sa froideur à l'écrit. Elle parle de sa famille. Les Von Königsberg ? À part celle qu'il saute, personne n'est au courant de sa survie. Il leur a déjà parlé néanmoins, sans jamais dire la vérité. Après tout, il passe son temps à mentir. Son existence même est un mensonge.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Non.
[03h41 heure japonaise / 20h41 heure allemande]
Je ne sais pas si j'ai bien envie d'y aller. Je ne sais même pas si mon passeport me permet d'y entrer. Je te raconterai tout.
Mauvaise. Il arrive que les choses ne se passent pas comme je me bats pour.
Ma famille ne te connaît pas. J'aurais du mal à te la présenter.
Fais ce que tu veux avec ton corps. Tu restes belle.
Ma chose, oui. Ma soumise, mon esclave.
Ma chienne.
Tu ne m'as pas parlé de ton moment de plaisir quotidien. Je pensais que ce serait fait, vu la récompense. Je suis déçu.
Ton Maître.
Récupérer le domaine volé par les soviétiques... Il a souvent l'impression de se battre contre des moulins. Aujourd'hui, il n'a pas supporté celle qui était l'héritière officielle du domaine, celle qui est sa garantie qu'il puisse à nouveau asseoir son emprise sur ce qui lui revient de droit. Comment pourrait-il faire sans elle ? Et il a dû rappeler l'officiel russe, qui n'a pas daigné répondre une nouvelle fois.
Mais écrire ces mots, rabaisser Akina, savoir qu'elle s'intéresse à lui, savoir qu'elle l'attend, qu'elle essaie de comprendre comment il fonctionne dans ses vices, qu'elle semble souffrir de son absence mais tente de rester heureuse, tout le rend un peu plus... joyeux ? Quelque chose comme ça. En tout cas, penché sur sa coupe glacée, il sourit. Elle répond très vite. Bonne nouvelle.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
Betreff : Vous redevenez un vilaine personne.
[03:44 heure japonaise / 20h44 heure allemande]
Je ne vous laisserai pas le choix. Ni le choix à votre envie ou à la police des frontières.
Quelles sont ces choses?
Et bien, raison de plus pour me la faire rencontrer : Qu'elle me connaisse? Elle me dirait peut-être plus de choses sur vous que vous ne le faîtes vous-même.
Je vous adore, mais quand vous m'appelez chienne c'est....vous pensez à moi comment quand vous m'appelez ainsi? Aucun garçon ne m'avait encore dit ça.
Non parce que c'est assez gênant. Je me suis masturbée après 23:30 comme vous me l'avez dit. J'ai regardé la vidéo, je me suis rappelée. Ça été très....rapide.
Je n'aime pas vous décevoir, vous le savez bien, Mein Herr.
Votre petite amie.
C'était parfait. Du début jusqu'à la quasi-fin. Oh, si seulement elle n'avait pas ainsi signé... Sa petite amie ? Pour qui se prenait-elle ? Il se braque immédiatement. Son visage est secoué d'un tas de micro-expressions.
Il remarque au passage la faute de frappe qu'il a faite dans son précédent message. Hmf. Il voulait dire que sa propre famille ne le connaissait pas LUI, et non elle.
Il verrouille. Oublie le café. Paie. Va se balader dans les rues de Berlin, encore une fois.
Il répondra à l'hôtel.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Toi
[04h31 heure japonaise / 21h31 heure allemande]
Pardon, je voulais dire qu'elle ne ME connaît pas.
Oui, je pense à toi. Tu es ma chienne. J'aime le penser. Je sais tu aimes, ou aimeras te considérer comme telle.
Tu n'es pas ma petite amie. Tu n'es encore que ma chienne, justement. J'en suis désolé.
Ton Maître.
Non, il n'en est pas désolé. Il cherche juste à la ménager. Doit-il avoir des remords à aimer les soumettre ?... Elle est tellement présomptueuse.
Il fera donc court, et sec. Espérant que ça la décourage, mais qu'elle ne le prenne pas trop mal néanmoins.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
Betreff : Ai-je dépasse les limites?
[04:35 heure japonaise / 21h35 heure allemande]
Je peux encore vous tenir tête, même si....je suis votre animal.
Je ne sais pas si j'aime, c'est tellement étrange. Vous êtes tellement intriguant.
Quelle différence entre votre petite amie et votre chienne?
Vous avez une femme qui vous attendait en Allemagne?
Votre Scarlett.
Tsss... Quelles différences ? Si le nom n'est pas le même, c'est qu'il existe des subtilités. Simple : Une chienne ne se présente pas à ses amis. Elle commence à l'énerver. Il se contient. Pourquoi est-ce qu'elle n'a pas su rester à sa place ? Il se prépare pour la douche, avant de répondre.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Les limites sont floues
[04h42 heure japonaise / 21h42 heure allemande]
Tu ne peux me tenir tête que parce que je le tolère.
Ma petite amie me tient la main dans la rue et me dit quelle m'aime. Ma chienne éprouve ma passion et mes envies sans forcément être plus que ça.
Je n'ai pas de femme, ni en Allemagne ni ailleurs.
Ton Maître.
Une douche rapide. Il remarquera en revenant qu'elle a pris presque vingt minutes à répondre. Peut-être souffre-t-elle de ce qu'il dit, même s'il n'en laisse rien paraître. Un léger sentiment de culpabilité caresse sa morale. Il serre les dents.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
Betreff : Ma volonté est claire.
[05:00 heure japonaise / 22h00 heure allemande]
Peut-être, Mein Herr.
L'une ne peut pas être l'autre? Une femme qui vous aime ne peut pas être votre chienne?
Et quelles sont vos envies? Votre passion?
Etes-vous gay?
Votre mi-femme, mi-chienne.
Elle l'amuse. Elle a encore des choses à apprendre. Il prend sur lui.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : La mienne est à clarifier
[05h05 heure japonaise / 22h05 heure allemande]
Si, c'est possible. Mais ce n'est pas le cas.
Mon envie actuelle est de faire de toi une parfaite petite pute soumise à mes désirs.
Je ne suis pas gay, ou alors tu es très féminine pour un garçon.
Ton Maître, pleinement.
La signature finale rappelle ses convictions. Elle n'est pas sa femme, uniquement sa chienne. Si elle aspire à plus, elle va devoir travailler, car on obtient tout à la force du poignet.
Il attendra une éternité, téléphone entre les mains. Rien ne viendra. Il s'endormira sur une programme télé idiot.
Septième jour.
Il n'aura pas de mail aujourd'hui. Ca le mettra dans une humeur passablement merdique.
Plus le temps passe et moins il supportera l'absence de message. Le soir, il sera tenté d'en envoyer un pour vérifier qu'il n'y a pas une simple confusion, mais il ne le fera pas – un maître ne se rabaisse pas à ça.
Huitième jour.
Il s'est bagarré avec un type dans la rue.
Rien à voir avec Akina. Bon, peut-être qu'il n'aurait pas été si agressif, mais sans doute y aurait-il eu friction de toute façon.
Il a fini au poste. Ca faisait longtemps... Il faut croire que la police allemande est plus efficace que la japonaise.
Pas de mail. Pas même quand on lui rendra son téléphone quand il sortira. Il n'a qu'un SMS de sa parente, lui disant qu'elle veut le voir ce soir. Il accepte.
Il doit se purger de ses passions.
Neuvième jour.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
Betreff : Vous êtes très clair.
[17:30 heure japonaise / 10h30 heure allemande]
Navrée pour le délai de réponse. J'ai eu quelques soucis. Et je n'ai pas dormi depuis 12h.
Je veux commencer mon apprentissage. Vite. Je n'en peux plus d'attendre. Je vous veux.
Comment se passe la fin de votre séjour? Mieux, j'espère.
Votre Scarlett, qui vous adore.
Il n'arrive pas à lui en vouloir. Il est trop heureux d'avoir de ses nouvelles, et même, inquiet de ses « soucis ». Surtout pour qu'elle ne puisse pas le contacter du tout...
Il hésite. Doit-il être sec, tranchant, annoncer une punition ?... Non. Rien de tout cela n'est de sa faute. Himmel, il se sidère d'être ainsi devenu guimauve. Mais il ne peut pas la brusquer : C'est à ce moment-là de son apprentissage qu'elle risque le plus de partir. Elle est encore accro, il faut la garder près de soi.
Il choisira l'autre technique : La faire attendre. Rien qu'un peu. Il s'impose de temps de silence, qu'il rentabilisera en allant à l'aéroport de Berlin pour y faire la queue. De nouveau dans les rues, billets en main, il se prendra une crêpe quelque part, puis trouvera un banc pour répondre sans hâte.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Je serais triste d'être si clair
19h04
Repose toi. Tu me raconteras ça.
Hâte ?... j'en suis heureux. J'ai tellement hâte de t'avoir entre mes mains aussi.
Commence demain matin. Je t'impose un orgasme sur ton lieu de travail. Quel qu'il soit, tu te réfugieras où tu pourras pour le faire.
Je fais un détour par la Russie avant de revenir. J'ai hâte.
Humour allemand encore.
Je suis rassuré d'avoir de nouveau de tes nouvelles. Je t'embrasse.
Ton Maître, que tu excites.
Le temps d'une dernière balade près de l'ancien QG du Sicherheitsdienst, et il prendra les transports en commun. Il y avait, dans le quartier de Spandauer Vorstadt, un parc où chaque arbre portait un message dédié aux soldats de la seconde guerre mondiale. Ce parc n'avait jamais été vandalisé d'aucune sorte. Siegfried avait déjà rencontré son responsable, et avait fait une donation, de quoi avoir un arbre à son nom.
Le type le conduisait jusqu'au tronc qui lui appartenait. Siegfried s'accroupit devant, lisant la petite plaque qu'il avait dicté dans le mail.
« À ceux qui sont morts pour leur patrie, bienheureux soient-ils de ne pas avoir survécu. Freiherr S. von Königsberg. »
-Je me dois de vous demander, monsieur... Qui signifie la deuxième phrase ?
Siegfried répond en sortant son téléphone.
-Ils n'ont pas eu à porter le poids des morts qu'ils laissaient derrière eux.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
[19:34 heure japonaise /
Betreff : La Russie et pas les Etats-Unis.
Seriez-vous acquis à la cause rouge, Mein Herr? Je vais mettre cela sur le compte que vous avez de la famille là-bas.
Humour américain.
Pardon? Sur mon lieu de travail, mais...soit. M'imposez-vous de penser à vous pendant cet exercice périlleux? Ou puis-je par exemple, songer à un autre homme?
Et moi d'avoir des vôtres. Ne me laissez plus jamais seule. Ou je serai obligée de me montrer intrusive. Allemagne, Russie, Pologne, je saurais vous retrouver Herr Von Königsberg.
Votre Scarlett à qui vous manquez terriblement.
Oui, tu me manques terriblement aussi, Scarlett, mais d'une autre façon...
Il regarde la plaque, puis le responsable, range son téléphone.
-Je peux ?
-Quoi donc ?
De sa main, il creuse un peu de la terre assez peu compacte, faisant un trou de la taille d'une pomme, et cherche dans sa poche ses deux trouvailles : Un cheveux clair, trouvé sur l'un de ses costumes, et quelques feuilles d'un gingko croisé il y a deux jours sur la Niederkirchnerstraße . Il rebouche, et se redresse, essuyant sa main sale.
-Merci.
Il relira le mail avant d'y répondre. Penser à un autre homme ? Il sait pertinemment qu'elle dit ça pour l'énerver. Il s'assied, reste calme. Helena va bientôt arriver.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Russland oder Deutschland ?
[19h47 heure japonaise / 12h47 heure allemande]
Puisque tu as trouvé mon nom, tu peux maintenant deviner où je vais en Russie.
Intrusive, va.
Penser à un autre ? Intéressant cette marque de défi. Tu fais ce que tu veux. Je tiens à te rappeller au passage que si tu n'es plus satisfaite de ta situation avec moi, tu peux toujours partir.
Ton Maître.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
Betreff : Germany.
[20:15 heure japonaise / 13h05 heure allemande]
Vous me provoquez, on ne provoque pas une journaliste en herbe Mein Herr. Ca l'incite à fouiner. J'espère que vous n'avez pas de secret.
C'est uniquement pour vous fâcher et savoir si vous me désirez vraiment. Les vrais désirs, sont exclusifs non? Corps et esprits.
Je ne supporterai pas qu'une autre femme vous touche ou....pense à vous ou...que vous pensiez à elle.
Ca vous donne une idée d'à quel point je ne partirai pas?
Votre poupée.
On y est. La fidélité.
Siegfried était dans un restaurant. L'un des meilleurs de la capitale, histoire de fêter sa dernière journée ici.
Peut-il seulement lui concéder ?... Cela voudrait dire refuser toute autre femme pendant qu'ils sont ensemble. C'est surréaliste à ce stade de son apprentissage. Elle veut vraiment faire de lui son mec, et ça lui déplaît assez. Il regarde Helena, en face de lui.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Si seulement...
20h21 heure japonaise / 13h21 heure allemande
Tu veux être exclusive ? Je ne demande que ça. Il faudra que tu sois... absolument remarquable pour remplacer les centaines que je côtoie chaque semaine. Tu devras te surpasser.
Siegfried von Königsberg. Tu es le jouet d'un baron. Comment est-ce ?
Ton seul et unique.
-Tu fais quoi avec ton téléphone ?
-Rien.
-Tu peux le lâcher un peu ?
-J'ai toujours mon téléphone en main. Je fais toujours plein de trucs avec.
-Pas quand tu es avec moi.
-Ecoute, Helena. On règle ça demain, et je me tire. J'ai pas envie de m'engueuler avec toi avant de partir.
Un regard sur l'heure. Lourd silence.
-On dort ensemble ce soir ?
-Non.
Douche froide.
-Pourquoi, Sieg ?
-Je ne peux pas.
-Tu vois quelqu'un d'autre ?
-Non, je dors seul. J'ai envie de dormir seul.
-Et dans ton pays de dégénéré, tu vois quelqu'un d'autre ?
Il se lève, laisse un billet conséquent pour payer l'addition, et sort en vitesse.
-Laisse tomber. J'y irai seul.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
Betreff : Et pourquoi pas des milliers?
[20:43 heure japonaise /
Oui, je veux l'être. Je ne vous laisserai pas le choix que de l'être.
Un baron? Je savais que votre famille était vieille mais de là perpétuer un héritage nobiliaire?
C'est franchement excitant. Je suis pour l'égalité entre les ordres. Je comprends pourquoi on appelle ce continent la Vieille Europe maintenant!
J'espère que vous ne cassez pas vos jouets.
Votre insolente yankee. Et roturière de surcroît.
Il espérait beaucoup d'Akina. Peut-être serait-elle à la hauteur de ses attentes. Cette pensée le fit sourire. De toute façon, il n'avait pas d'autre choix que de la dresser au mieux. Les sacrifices ne seront pas vains.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Je sais me restreindre
[20h57 heure japonaise / 13h57 heure allemande]
Penses-tu pouvoir m'imposer quoi que ce soit ? Tu as encore des choses à apprendre.
Cherche Henri 1er de Germanie. Ma baronnie date de cette période.
Baron se dit en allemand Freiherr. Cela signifie "homme libre" ou "seigneur libre" littéralement.
Je ne les brise que par choix.
Ton Seigneur.
Elle ne répond pas tout de suite. Il choisit de rentrer à son hôtel pour faire ses valises.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
Betreff : Hors d'atteinte.
[21:28 heure japonaise / 14h28 heure allemande]
De là où vous êtes, vous ne pouvez rien me faire Mein Freiherr. Alors, permettez-moi de profiter de cette opportunité. Vous me faîtes perdre mes moyens quand vous êtes face à moi. Votre beauté, votre inteligence, votre autorité sont autant de facteurs qui m'attirent et je suis totalement désarmée face à eux. Mais devant mon écran, je peux enfin me permettre l'insolence de vouloir plus de vous.
Votre baronnie? Vous n'y vivez pas?
Merci pour la leçon.
Alors brisez-moi, ca me ferait littéralement jouir. (Ça vous plaît quand je parle ainsi?)
Votre servante.
Bon sang. Elle aurait terminé avec un mot plus cru et ce message aurait été parfait. En tout cas, le SS s'en trouve fasciné. Il lâche le pantalon qu'il était en train de plier pour le relire, les deux mains enfermées sur le téléphone.
Akina...
Il verrouille le téléphone. Il a sa valise à faire, il ne doit pas être distrait.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Re : Hors d'atteinte
[21h50 heure japonaise / 14h50 heure allemande]
Je tolère. Mais prend garde.
Je n'y vis pas. Elle n'est plus allemande. Je n'ai que peu de droits dessus.
Oui. J'aime quand tu parles ainsi. Je veux que me parles ainsi. Franche, libre.
Je dois te laisser, je te reprends demain matin. J'attends ton compte-rendu pour la mission donnée.
Ton Maître.
Il file. Il a un avion à prendre. Le mail reçu sera lu avant l'embarquement.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
Betreff : Re : Re : Hors d'atteindre.
[22:10 heure japonaise / 15h10 heure allemande]
Ne tolérez pas justement, Mein Herr. Je suis insouciante, c'est le fardeau de la jeunesse. Jamais je ne prendrai garde.
Cela ne vous fâche pas de ne pas y vivre?
Pour le compte-rendu : combiende pages ou de mots, Professeur? J'apprécierai avoir une excellente note.
Freifrau Scarlett, Première du nom!
Et dernière du nom.
Par les airs, il n'y avait qu'une heure entre Berlin et Kaliningrad. Dire que ça appartenait à l'Allemagne autrefois...
À l'atterrissage, même cirque que la dernière fois.
-Monsieur, je vais vous demander de vous mettre sur le côté.
-Encore !? Pourquoi ?
-Votre nom est sur nos listes d'interdiction du territoire.
-Evidemment, vous avez expulsé les prussiens du territoire qui leur appartenait !
Un flic arrive pour prendre Siegfried par le bras, un autre veut récupérer sa lourde valise.
-Attendez, j'ai rendez-vous avec Monsieur Petrov, Vladimir Petrov ! Appelez-le, bon Dieu !
Petite salle, genre garde à vue. Il y est resté une bonne heure. On l'a privé de toutes ses affaires, il est en costume débraillé, assis sur une chaise métallique.
Un flic arrive enfin et lui tend son passeport.
-Nous avons appelé monsieur Petrov.
-C'est comme ça qu'il refuse de me recevoir ? En m'empêchant d'entrer sur le territoire ?
Le flic s'écarte, et un jeune type en costard, à peine la vingtaine, entre à sa place et s'assied face à Siegfried.
-Vous vouliez me parler, vous avez cinq minutes.
-Je... Cela prendra plus que cinq minutes...
-Non. Vous voulez vos droits sur une baronnie qui n'existe plus.
-Il ne tient qu'à vous de me la laisser pour qu'elle existe.
-Ecoutez, j'ai bien tout étudié, mais personne n'a d'intérêt à laisser tomber Kaliningrad. Le président Putin est intéressé par la localisation de cet endroit, vous comprenez ? Surtout en ces temps de tension avec l'Europe...
-J'ai donné mon prix.
-Oui. Et ce n'est pas assez.
-Pas assez ? C'est plus de fortune que la plupart des hommes en auront jamais ! Et encore, ce n'est qu'une estimation... C'est presque le prix du mètre carré à Tokyo que je vous propose, pour une région entière !
-Il va falloir trouver plus.
-Plus d'argent !?
-Non. Plus. Autre chose. Ecoutez, baron, je serais ravi de tout faire pour vous, d'autant plus si vous me dédommagez de la perte de mon emploi, mais il faudra trouver quelque chose qui intéresse mes supérieurs.
-Je... Ecoutez, laissez-moi entrer à Königsberg au moins.
-Kaliningrad.
-... Pardon. Kaliningrad. Laissez-moi y entrer. Je veux voir mes ancêtres. Ca fait des mois que je n'ai pas pu entrer ici.
-C'est compliqué.
-Je ne causerai pas de trouble. Je serai parti demain, je vous le promet.
-Ca reste compliqué.
Siegfried soupire, puis murmure.
-J'ai 2000 euros dans ma valise.
Dernier jour.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Retour
[17h48 heure japonaise / 11h48 heure de Kaliningrad]
Je saurais être intolérant face à toi, ne t'en fais pas.
Si, j'aimerais vivre à Königsberg, mais ça m'est interdit.
Autant que tu voudras, ma belle Scarlett. Je ne serais pas tendre sur le barème.
Je suis dans l'avion.
Baron Von Königsberg.
Von - Akina S. Walker <[email protected]>
An - Siegfried <[email protected]>
Betreff : Enfin!
18:00 heure japonaise / 12h00 heure de Kaliningrad
Interdit pourquoi? Attendez-vous à être mitraillé de questions à votre retour.
Je veux bien vous aider à y vivre,si c'est la seule chose qui vous tient à coeur. Avec l'histoire de Jack, je vous suis redevable n'oubliez pas et je ne compte pas payer avec mon cul.
Pour la mission. Vous m'avez obligée à interrompre le spectacle pour aller aux vestiaires. J'ai failli être prise sur le fait deux fois. Alors j'ai pris le parti d'aller dans une cabine de douche, d'allumer l'eau chaude et de m'achever. Cela vous va-t-il?
Alors éteignez votre ordinateur!
Juste Miss Walker.
De – Siegfried <[email protected]>
À – Akina S. Walker <[email protected]>
Objet : Re : Enfin !
18h27 heure japonaise / 12h27 heure de Kaliningrad
Je veux que tu me racontes tout dans les moindres détails de toute façon. Tu auras l'occasion de parler.
Mais c'est parfait.
Tu sauras que les compagnies aériennes proposent désormais le wifi dans leurs avions.
Mais je suppose qu'il vaut mieux que je me repose.
Il atterrit normalement à Seikusu à 02h11. Je te verrais demain, quand tu auras le temps.
Siegfried.
Il n'a pas le coeur à rajouter le "baron" cette fois-ci.
Une grande lassitude l'envahit. Tout ça pour rien.
-
Dans les bureaux en openspace du Daily Seikusu, c'est l'effervescence. Somme toute, un lundi comme un autre avec son lot de pression. Il faut trouver les actualités qui rythmeront la semaine avant les autres papiers. Le rédacteur-chef n'a pas lésiné sur les moyens : une cellule spéciale internet réseaux sociaux a vu le jour. Les téléphones sonnent, les alarmes rugissent. Entre deux appels, Akina trouve le temps de boucler un article, mâchouillant négligemment le bout de son crayon à papier. Combiné téléphonique coincé entre l'épaule et l'oreille, mains sur le clavier et les yeux fixés sur l'écran, elle se concentre.
« Oui, Marisol ? Tu ne peux pas m'appeler sur mon lieu de travail, enfin. Mon boss va me décapiter. »
Elle se fait toute petite quand ledit patron passe en coup de vent sous son nez.
« - Aki, Aki calme-toi. Tu ne devineras jamais. Tu te rappelles que tu avais insisté finalement pour cette histoire de vieille famille allemande à la con. Et ben, j'ai pu recontacter Franz. Figure-toi qu'il n'est pas allemand mais autrichien. Tu fais une différence toi, sans déconner ? »
L'étudiante prend une profonde inspiration. La voix aiguë de la texane grésille à son oreille péniblement. D'un autre côté, Marisol n'est pas réputée pour être une fille particulièrement brillante. Sans vouloir faire la part belle aux clichés, elle a réussi une ascension fulgurante dans l'univers de la mode et ambitionne le cinéma. Elle avait les seins pour, pas le cerveau c'est tout.
« - Oui bon, viens aux faits ma belle.
Il était de passage aux Etats-Unis, figure-toi qu'il travaille pour l'ambassade. Alors tu me connais, je lui ai ressorti mon numéro et mes atouts. J'ai eu dû mal à prononcer le nom que tu m'as fait écrire dix fois sur un bout de papier, mais il a fini par cracher le morceau. Non, mais tu savais que les autrichiens parlaient parfaitement allemand ? »
Blanc.
« Bon, d'accord. Il a directement tiqué. Il avait déjà vu ce nom quelque part. Ton boche là. Parce que me l'a fait pas à l'envers, t'es en train de remuer terre et ciel pour un mec là, je te connais. Ben...c'est pas du joli-joli. »
Oh mon Dieu. Qu'est-ce qui va encore me tomber sur la tête. « Sur notre tête ! » corrige outrageusement sa pauvre conscience délabrée. Elle entend des bruits de frottements, typiques de ceux émis par des feuilles qu'on dérange. Marisol doit être en train de fouiller dans ses notes. Elle a eu la présence d'esprit d'écrire ce que Franz avait déballé, un miracle.
« Oui Aki toujours là ? Après quelques mojitos et du bon sexe torride, il a fini par m'avouer ce qu'il avait trouvé à ce propos. Alors, les Von Königmachin. C'étaient des nazis. Enfin, peut-être pas tous. »
Oui ça, elle l'avait vaguement lu au détour d'une page Wikipedia bâclée. Officiers de la Wehrmacht pour la plupart. Et alors, son propre pays avait bien balancé deux bombes atomiques sur son autre propre pays.
« Franz a joué des coudes à l'ambassade et il a vu qu'ils étaient listés sur une liste d'interdiction de territoire en Russie. Parce que leur territoire... »
Là, elle lit ses écrits, ça se sent à sa diction laborieuse. Elle bute sur le mot allemand.
« La Baronnie de...Von König...nig...oui bon, tu vois. A été prise par les soviets après la guerre et ils ont chassé tout ce qui était allemand. Du coup, plus question que l'envahisseur revienne. »
Jusque là distraite par la fin de son article sur le recyclage des déchets à Seikusu, Akina lâche son PC et fronce les sourcils. Elle attrape à la hâte un post-it et sort son crayon de la bouche afin de griffonner des mots au vol.
« Et le pire. C'est que l'un d'eux a été inscrit comme criminel de guerre dans les petits papiers américains. Un Von...putain, c'est dégueulasse ce nom. Ne te marie jamais avec, c'est pas humain de porter un truc si compliqué comme nom. Pourquoi tu te dégottes pas un beau Cruz, ou Sanchez hein ?
Marisol. S'il te plaît. Le sujet, reviens sur le sujet. Qui, qui est listé comme criminel ?»
L'intonation de Walker est brisée. Elle supporte mal l'angoisse que génère une telle nouvelle. Criminel de guerre ? Qui ? Le grand-père ?
« Siegfried Von machin. » rapplique Marisol.
Du calme Akina, du calme. Il n'est pas rare qu'un grand-père donne son nom à un de ses petit-fils, et puis comment pourrait-il en être autrement ? Le bel allemand a la trentaine à tout casser. Scientifiquement, il n'est pas permis de penser qu'il serait condamné aux USA pour des crimes commis il y a soixante-dix ans. Scientifiquement. « Son grand-père a peut-être gazé des Juifs ou violé des françaises sans défense. Tu te rends compte?Ou bien son grand-oncle a tiré une balle dans l'oeil de ton grand-père yankee en Normandie, tu sais....cette balle qui l'a éborgné. Merde. » Ou peut-être qu'il a déjà serré la main à ton nippon de grand-père qui avait servi dans l'armée impériale. Trop de contradictions. Elle arrête de penser car la belle hispanique reprend son discours.
« Franz m'a dit qu'il était pas bon de s'acoquiner avec ce genre de personne. Vous ne vivez pas dans le même monde. J'ai pas envie que tu souffres, Akina. Je ne sais pas qui il est, mais réfléchis bien, ma belle. Je dois te laisser. Je te renvoie toutes les infos par mail, prends soin de toi. Ah et au fait, ton père est bien arrivé au ranch familial. Il a l'air en plein forme. »
Magnifique. La jeune femme raccroche et pousse un soupir, dépitée.
Merde, il est déjà dix sept-heures !
Sur la route du Red Velvet, elle envoie un dernier mail à son maître, se gardant bien de lui sauter à la gorge à propos de son passé familial. Après tout, personne n'a envie de se trimballer une valise avec une grosse croix gammée comme héritage de famille. Tout à coup, alors qu'elle attend à un feu rouge, le tableau s'éclaircit. Son impossibilité à fouler le sol américain, son voyage en Russie, son interdiction de vivre dans sa baronnie. Dire qu'elle l'a harcelé d'interrogations : Elle s'en veut énormément pour cette maladresse. Derrière on klaxonne. Le feu vient de virer vert. Elle lâche l'embrayage, reprend l'accélérateur, une première engagée et ses pneus crissent dans le soleil fuyant.
Dans les vestiaires, elle enfile son bikini d'un bleu rutilant avec paresse. Ses collègues lui font plusieurs remarques sans importance. Elle réfléchit trop encore. Soudain, Vodianova apparaît. Sa seule camarade occidentale. Un physique à la russe, un accent à faire bander des mafieux et une taille svelte. Elle ne fait pas de spectacle, mais elle « baise » et au prix fort. Son seul défaut : une cicatrice sur la joue gauche. Sinistre trophée d'une liberté acquise douloureusement. En cinq jours d'expérience, elle n'a pas eu le temps de véritablement faire sa connaissance, mais a pris l'habitude de la saluer : un bon début en soi.
« Bonsoir, Ekaterina.
Salut, Akina. Prête à faire bander mes clients ? C'est toujours mieux quand ils arrivent déjà durs. Ca me fait moins de boulot. Et puis, ils me sautent en pensant à toi. »
Double malaise. La métisse déglutit en évitant soigneusement le regard glacial de la prostitué qui se maquille devant une coiffeuse. Avec le fard et les artifices, elle paraît avoir la vingtaine plutôt que la dizaine au-dessus. Un court instant, Walker envie sa maturité, sa confiance en soi et sa beauté brute de décoffrage.
« - Je me demandais...tu as de la famille en Russie ?
Oui ? Pourquoi je fais ce boulot à ton avis ? Je leur envoie une part de ma paie. Pour qu'ils puissent bouffer. Pourquoi ? T'as envie de visiter ? Je connais deux trois oligarques qui seraient prêts à claquer juste pour voir tes jambes dans leur voiture de luxe.
C'est vrai ? »
L'espoir est une chose merveilleuse, voyez-vous surtout quand il s'allie à une ambition démesurée du type récupérer une obscure baronnie aux fins fonds d'un pays qu'elle juge arriéré. Ekaterina quitte sa chaise et s'approche d'un pas félin pour s'immobiliser dans le dos d'Akina. Ses mains blanches caressent les épaules de l'étudiante, son souffle échoue sur sa nuque et elle murmure à son oreille, sensuelle :
«- Assez vrai. Tu veux que je t'apprenne comment on dit baise-moi en russe ? Ou « encore »? T'es prête à être sautée avec un canon sur la tempe ? A ce qu'on boive de la vodka hors de prix sur tes jolis petits seins ? »
Scarlett déglutit lentement, elle se sent comme prise au piège et les parois de l'étau qui se referme sur elle sont affreusement douloureuses. Une tape sur ses fesses suivie du rire moqueur de la russe délivre enfin son esprit du doute :
«- Pas au travail, on en reparlera autour d'un verre si tu veux. »
01:30 du matin. Akina est épuisée. Elle a enchaîné les shows entre deux gorgées de café. Avant de quitter le travail, elle s'est dopée aux vitamines, histoire de prendre le volant en toute sécurité. Une boisson énergisante agonise d'ailleurs au sol de son véhicule. Ses nerfs sont boostés, elle manque tout de même de perdre le contrôle dans un virage trop serré, mais s'en sort avec une petite frayeur rien de plus. A cette heure-ci, l’aéroport est presque vide. Les boutiques des terminaux ont fermé, quelques rares agents de sécurité patrouillent. Elle emprunte la direction du couloir des arrivées. En sortant du Velvet, elle avait enfilé la chemise de Siegfried, boutonnée à moitié dans la précipitation : on voit encore son bikini, et un mini-short en jeans pour supporter la chaleur nocturne. A ses pieds, ses bottes de pute sont encore là : blanches et reluisantes, elles s'appareillent avec sa tenue de scène. Quatre fois, elle revérifie l'heure d'arrivée sur le dernier mail, consulte les écrans d'information.
02:15. Il ne devrait plus tarder. Les larmes lui montent aux yeux, elle a envie de fondre en pleurs. Elle patiente de l'autre côté de la barrière, en espérant qu'il la verra comme un phare dans la nuit.
-
Claqué.
Il a mal dormi, n'a pas pu se faire son injection dans les temps, et est dégoûté des russes et de toutes ces putains de sous-races dégénérés sans honneur à peine civilisés. Il voudrait se réfugier dans son appart', s'y barricader, terré dans son pieu, une arme à la main, l'autre fourrée dans une pute. Bon plan.
Seikusu ressemble à Seikusu il y a une semaine. C'est au moins ça. Il y a peu de gens dans l'aéroport à cette heure. Les autres passagers qui descendent sont tout aussi éreintés que lui, et il se sent presque sale d'être entouré par ces putains de japo traînant la patte. Il doit trouver des chiottes, pour une piqûre, et vite.
Valise récupérée. Il la traîne jusqu'au grand hall.
Rayon de soleil.
Presque éblouissant. Son regard en est altérée. Une belle quasi-occidentale qui l'attend en plein milieu. Sourire. Il n'avait probablement besoin que de ça.
Il garde sa prestance. Raide. Droit. Marche tranquillement. L'attrape au vol quand elle s'approche, et la serre dans ses bras. Il doit rester Siegfried, mais a bien du mal. Il est moralement à bout, et ses vieux traumatismes remontent comme un volcan en éruption.
Sa chevelure blonde enfermée dans ses doigts, il soupire d'aise.
-Scarlett...
Il n'a rien remarqué de ses fringues. C'est seulement en la lâchant que son regard se fera équivoque. Il écarte de l'index la chemise pour voir ce qu'elle porte dessous.
-C'est ainsi qu'on se présente ?
Il ne lui en veut pas. Il ne fait pas le lien avec son nouveau taf. Il sourit, puis l'embrasse. Un long baiser, où ses lèvres fondent contre celles d'Akina, Il la tient par la nuque, la garde contre lui. Il a comme la vague impression de l'aimer... Mais il sait que c'est un certain manque affectif consécutif à sa situation de merde qui lui font penser ça. Ca ira mieux demain, elle sera redevenue son sac à foutre.
En parlant de ça...
-J'ai envie de toi.
Murmure-t-il à son oreille, avant de déposer quelques baisers sur son cou.
-Une objection ? Viens. Et parle-moi de ces masturbations.
L'anglais est peut-être parlé partout, mais pas forcément compris. Et il s'en tamponne. Même si il lui dit raconte comment il compte la prendre, ou la soumettre après, peu importe que tout l'aéroport l'entende. Le peu d'oreilles autour d'eux ne prête aucune attention à tout ça.
Un sol paraît sec, mais un panneau jaune indique qu'il faut laisser sécher. Il l'attrape au vol et se dirige vers des toilettes. Vides. Il la fait rentrer, place le panneau juste devant la porte, ferme, et met la poignée de sa valise sur celle de la porte, pour que le poids la retienne quelque peu et dissuade une personne tentant d'entrer. La jeune métisse est ensuite saisie par les hanches pour être appuyée sur le plan de lavabo, dos à Siegfried, face aux miroirs. Il se hâte de défaire son short, le baisse à peine, claque ses fesses, puis se serre à elle pour mordre son cou.
-Une photo seule ne m'a satisfaite qu'un temps, ma petite Scarlett.
-
Enfin il apparaît, au bout d'interminables secondes.
Avant même qu'elle l'ait pensé, ses jambes se meuvent seules en direction de l'allemand. Elles prennent la vitesse. Trois mètres, deux...et elle est propulsée dans ses bras. Le parfum singulier de Siegfried lui monte directement au cerveau, elle inhale cette drogue puissante dont elle a rêvé huit nuits durant. Décidément, ça change de ces foutus mails. Elle aurait rougi lorsqu'il remarque l'allure de sa tenue, mais cet index qu'il utilise pour écarter les pans béants du chemisier : elle l'aurait bouffé, sucé et léché. « Oula, reprends-toi » évente sa conscience, paniquée.
Oubliée sa conversation avec Marisol : La baronnie, les crimes de guerre, les points d'ombre, qu'importe ? Que sont -ils donc comparés aux bienfaits d'avoir Siegfried Von Königsberg dans la peau – ou presque ? Elle manque de chavirer quand ses lèvres se jettent sur les siennes, et elle répond – le geste affamé. Sa bouche dévore l'autre, malgré cette poigne ferme contre sa chevelure, elle veut sa part aussi. Autour d'eux, les rares retardataires s'attardent visuellement sur la scène, attendris ou tout simplement surpris. Une jeune femme sortira son iPhone afin de les prendre en photo qu'elle irait directement poster sur son mur Facebook avec pour légende : « C'est trop kawaiii ».
« J'ai envie de toi. »
Le kawai vient de décéder abruptement. Euh ? Attends, elle est encore sonnée par la pelle. Pas le temps de résister, le chapelet de baisers qui a parcouru son cou s'est chargé des états d'âmes. « Oui, oui, moi j'ai une objection » pleur sa conscience, reléguée au placard. Plus tard. Le reste, c'est comme une valse dont la demoiselle ignore les pas, soumise à la maîtrise de son cavalier. Elle aurait voulu, lui balancer quelques mots : Bienvenue. Oui, tu m'as manqué aussi. On va boire un coup pour fêter ton retour ? Mais c'est vrai qu'il n'est pas son petit ami. Tandis qu'elle est poussée, ventre contre le lavabo de faux-marbre, elle se réveille. Ils ont un contrat tacite tous les deux. Chienne et maître. Baron et paysanne. Ca lui paraît être l'ordre naturel des choses. A travers le reflet du miroir, elle les contemple, remarque encore une fois la beauté du prussien. Akina ferme les yeux, tressaille à peine alors que la main de l'homme s'abat sur son fessier. Elle mouille déjà, réceptive à l'empressement dont il fait preuve. Cependant, ce n'est pas assez. Pas assez vite, pas assez passionné, pas assez...brutal. D'un mouvement du bassin, elle le repousse suffisamment pour lui faire face. La belle se hisse sur l'évier avec une souplesse féline et ses jambes galbées emprisonnent fermement la taille du nazi qu'elle attire à elle avec cran. Il peut sentir les muscles de ses cuisses presser autour de lui.
« Il fallait être là, Mein Freiherr.» réplique-t-elle dans un soupir fervent.
Ses mains palpent son torse à plusieurs reprises, téméraires. Elles sondent le terrain et sans crier gare, arrachent le tissu qui condamne l'accès à la peau de son amant. La cravate y passe aussi et finit entre ses dents à elle. Pas une minute, elle l'aura quitté des yeux. Elle s'étonne elle-même de trouver l'assurance nécessaire à une pareille entreprise. C'est comme si elle voulait lui faire payer son absence. Wouah. C'est pas lui qui est censé faire ça ? C'est d'autant plus excitant.
« Fick mich. » articule-t-elle avec un fort accent, la cravate toujours fichée entre les lèvres. Le portrait est d'un érotisme sans concession. Vous pourriez faire tellement de choses à une fille qui porte votre cravate dans sa bouche.
Ses doigts sont déjà à l’œuvre plus bas. Un bouton en moins, une braguette qui descend très lentement. « Où...où tu as appris à dire ça en allemand ? En neuf jours ? » balbutie cette agaçante voix de la raison. Au final, cette langue lui plaît autant que Siegfried l'intoxique. Pour s'envoyer en l'air, n'importe quel langage convient. Elle conclut que cette nuit, il y a d'infimes chances que la chienne et le maître laissent place à un féroce combat d'aigles. L'Histoire se rejoue. Les USA sont prêts à remettre ça. Et les serres de l'american eagle s'abattent impitoyablement sur les épaules de Siegfried. Non, il ne rêve pas : elle est en train de le griffer.
-
Compris, Akina. Pas assez ? Il s'en rend compte. C'est ainsi qu'il la désire. Elle l'excite plus que de raison. Si le trajet en avion l'avait assommé, elle lui avait fait l'effet d'une piqûre d'adrénaline, deux même, une dans la cervelle et une dans la queue.
Qu'il la baise ? Ca vient. Deux secondes. Avant, il doit... corriger.
Il reprend le contrôle de la situation. Le sang déserte peut-être son cerveau pour affluer ailleurs, mais il n'en perd pas ses réflexes d'alpha. Ses mains saisissent les poignets d'Akina pour écarter son emprise. Rappelle-toi qui est le patron. Qui dirige, ici. Qui est ton Maître.
-C'est ça, apprendre l'allemand ?... Pouvoir me dire comment te prendre ? L'allemand possède une marque de politesse. Répète après moi : « Ficken Sie mich. »
Notons le « ch » un peu sifflant, comme s'il y avait un « s » dedans, qui fait partie des prononciations typiquement scandinaves.
Il ne lui retire pas la cravate de la bouche, mais se contente de la bâillonner avec, assez artificiellement. Qu'elle pense seulement aux conséquences si elle en vient à l'abîmer. Il fait ensuite glisser sa culotte qui va rejoindre son aînée à mi-cuisse. Difficile de les garder complètement écartées, mais il s'en balance : Il dégage son pantalon et son sous-vêtements, et la prend par la gorge pour la coller aux miroir, acculée entre le SS et son propre reflet. Siegfried s'y regarde d'ailleurs un instant. A-t-il envie de se voir en train de la saillir à la hâte, comme un animal, sans même avoir pris la peine de lui demander si elle allait bien ?
Oui. Oui, il a enfin de la défoncer, et ça ne le dérange pas de se regarder en train de le faire. Il n'a pas de honte à être un violent dominateur, et y trouve même un certaine fierté. Son regard redescend sur Scarlett.
Cette photo.
-J'ai touché à deux filles. Dont une plusieurs fois.
L'honnêteté. La connerie, un peu, aussi.
-Chaque fois, c'est toi que j'imaginais.
Sa verge la pénètre alors, la déchire même. Il n'a aucun scrupule. Il y va lentement, mais sûrement, et elle pourra sentir de nouveau l'épaisseur de sa queue envahir son intimité fragile jusqu'à atteindre la garde. Une telle sensation... Siegfried en rêvait. C'est elle qu'il voulait prendre, et cette putain de sensation valait l'attente.
Il enferme ses deux mains sur sa nuque, pour que son regard froid la domine, la couvre totalement, qu'elle ne puisse en réchapper.
-Scarlett... Tu m'as demandé d'être la seule. Tu veux me faire confiance ? Tu seras la seule. Je le jure. Je n'ai eu de plaisir avec elle que parce que je voulais que ce soit toi. Jusqu'à ce que tu m'abandonnes, tu seras ma seule et unique chienne.
Il se penche et l'approche de lui en même temps pour lui prendre un long et puissant baiser... Après quoi il la repose contre le miroir, et la prend comme elle le désire. Fort. Rudement. Sa queue la transperce à plusieurs reprises, acharnée. Le SS a de la haine à revendre, et il va la purger sur elle. Dans son regard glacial transparaît toute son admiration, celle d'un fauve pour le bout de viande qu'il va bouffer.
-Je t'ai ordonné de me parler de tes plaisirs solitaires, ma petite chienne.
La soie dans la bouche, oui oui.
-
J'emmerde la politesse allemande, se surprit-elle à penser. Elle se garde lui faire partager son opinion sur le vif, et préfère tenter l'obéissance. Elle répète vaguement, la bouche encombrée par le tissu soyeux. Son ego est sans doute heurté qu'il prennent d'abord le temps de la corriger. Et Akina aurait littéralement lacéré la chair de l'officier s'il ne s'était pas ressaisi. Le vague écho d'un bruit de canalisation parvient à son oreille. Quelqu'un est passé dans les W.C adjacents, ceux pour hommes. Les sens énervés par l'excitation, le moindre détails étranger lui apparaît en évidence, ajoutant à la frustration.
Sa gorge est vulgairement capturée. Elle échappe un gémissement étouffé par le bâillon improvisé lorsque son dos heurte le miroir dont la surface tremble légèrement. Sa respiration est pantelante, alors qu'elle s'apprête à le recevoir d'un instant à l'autre, il temporise l’événement. Bon sang, prends-moi. Ses paumes ont rapidement retrouvé le chemin des épaules du noble, qu'elle presse entre ses doigts manucurés.
Puis l'aveu l'assèche complètement. La chute est violente, sa rencontre avec le sol fracassante. Quoi ? Non...Quoi ? La fureur embrase les prunelles mordorées de l'étudiante qui débute une faible résistance. Elle ne veut plus. Comment a-t-il osé ? C'est la seule chose qu'elle avait exigé. La seule. « Décidément, ce mec sait vraiment bien te baiser » ricane froidement sa conscience. La tête lui tourne, les lumières de la petite pièce vacillent autour d'elle. Elle va s'évanouir de colère. Est-ce possible ?
La douleur succède bientôt au désarroi. Il vient de la pénétrer. C'est comme un coup de semonce. Elle mord la cravate pour s'empêcher de crier son plaisir. Elle nage en plein paradoxe tandis que les premières pénétrations soumettent son étroitesse. Elle le sent racler et percuter le fond. Désormais, ses iris pétillent d'un éclat passionné. Encore, encore. Et le regard du S.S la fascine : aussi glacial et sombre que l'océan arctique. Elle a cessé de nager et se noie dangereusement. Elle n'a plus d'issue et elle sombre sous la domination allemande. Scarlett reconnaît sa vigueur, ce plaisir fulgurant. Le baiser écrase les dernières traces de colère et lui soutire son pardon. Elle est prête à le lui rendre, quand il la repousse. Elle se cambre, renverse en arrière sa tête qui va cogner le miroir. Sous l'impact, la glace se fissure, mais ne brise pas. La douleur traverse les pupilles dilatées de la chienne dont les reins sont mis à rude épreuve. Il s'enfonce rageusement. Elle cherche désespérément une surface à laquelle s'appuyer. Si sa main gauche échoue sur le marbre blanc, la droite heurte brusquement le robinet et l'eau se met à couler.
« Je...mh....mh...peux..mh..pas... » geint-elle dans la cravate, totalement désorientée.
A vrai dire, ce sont les seuls mots qu'elle saura aligner. Ses muscles sont tendus, sa cambrure prononcée et ses yeux grands ouverts. Ils fixent ceux de Siegfried et le temps semble ralentir. Elle reçoit les coups de trique enragés depuis un état d'extase secondaire. Plus rien ne compte. Un cri de trop propulse l'accessoire de soie dans l'évier rempli d'eau.
« Sieg...han...Han ! »
Son bras tremblant se lève, sa paume échoue contre le plafond bas au-dessus des éviers et elle pousse pour mieux encaisser le flot de haine qui frappe ses cuisses. Elle en chie et galère à recevoir la brutalité du S.S.
« Je...ah ! Pensais à vous... ! J'avais han ! Mes doigts...aah, au....tout au...FOND ! » s'écrie-t-elle en ponctuant sa confidence d'un hurlement de jouissance. Son orifice abusé détone soudainement autour de la queue étrangère. La jeune femme est essoufflée, l’œil vitreux. Autour des hanches de Siegfried, ses jambes sont encore en train de trembler, secouée par l'orgasme terrassant.
Merde. Il a couché avec d'autres femmes.
Ca lui revient comme un boulet de canon. La gifle part immédiatement. Et avant qu'elle ne puisse retenir sa main et regretter, elle marquait la joue du mâle d'une rougeur conséquente. Putain. Merde. Oups. Non désolée, désolée. Je veux dire....je ne l'ai pas fait exprès. Il est trop tard, sa gorge est nouée par la peur.
-
Il pourrait la sauter des heures durant. Sa queue rageuse la défonce avec hargne, et il se plaît de la voir ainsi s'abandonner totalement. Elle jouit tellement vite, tellement bien... Elle a complètement succombé à son pouvoir. C'est dangereux. Les fanatiques sont les plus imprévisibles. Mais peu lui importe, tant qu'il peut la pénétrer, encore et encore, la traiter comme son sac à foutre, la prendre n'importe où, n'importe quand et n'importe comment, il fera tout pour la gérer.
Et cet orgasme. Le conduit de chair qui enserre ce sexe qui la ravage a quelque chose... de divin. Il voudrait jouir, maintenant, se vider en elle, mais il n'en a pas fini, oh non. Ce corps mérite encore qu...
Clac. La réflexion est stoppée net. Alors qu'il la pensait vidée de sa substance, ralentissant pour éventualiser de la prendre autrement, c'est elle qui change la donne. Sa joue chauffe. Son esprit aussi. Il garde la tête sur le côté un instant, sans bouger. Ses dents se serrent. Il veut lui faire mal. Il va la tuer.
Il se regarde dans le miroir. Il a bien marqué. Sale petite pute. Tu crois donc avoir les droits sur moi !? Le dominateur classique, qui serait blessé dans son orgueil, avili par son esclave, et qui se tournerait aussitôt vers la rage destructrice.
-Désolé.
… Quoi ?
-Ta colère est légitime.
Il la regarde de nouveau. Ses yeux de glace ont quelque peu fondus sous le feu qui gronde en elle. Son ton est calme, bien que monocorde, trahissant un certain sérieux. Nul aplatissement. Juste une mise à niveau.
Il touche sa joue devant le miroir, essayant d'en arrêter les tressautements nerveux, puis en revient à elle, passant vaguement sa langue sur ses lèvres, reprenant sa respiration pour s'exprimer le plus clairement possible.
-D'autant plus que tu sembles avoir été irréprochable et obéissante. Écoute-moi : J'ai fait ce dont j'avais envie. J'en ai le droit. C'est la nature de notre relation. Rien ne peut m'obliger à la fidélité. Je fais ce que je veux. Toi, tu n'as que le choix de te soumettre ou de partir.
Il marque une pause, se regarde encore.
-Or, je n'ai pas envie que tu partes. Le fait que je préfère te voir toi quand je suis avec une autre m'a fait me dire qu'il valait peut-être mieux que je fasse des concessions pour te garder.
Il se retire aussitôt d'elle. Sans remord. Remonte son pantalon, pareil. Se la range tant bien que mal. Ceinture serrée. Il prend ensuite une main d'Akina, celle qui ne l'a pas touché.
-« Mais quiconque te frappe sur la joue droite, présente-lui l'autre joue ». Matthieu, chapitre 5 verset 39. Tu vas m'en remettre une, de l'autre côté, pour égaliser. Ce sera la dernière fois que tu pourras me frapper sans la moindre représailles. Après quoi tu auras toujours le choix de ne plus jamais me revoir. Je mettrais ça sur le compte de mes fautes. Mets-y de la force, que ça vaille le coup. C'est un ordre, ma chienne.
-
Elle va finir les dents pétées contre le lavabo, elle le sent.
Les excuses qu'il lui présente sont le fruit de son imagination, rien de plus.
En réalité, les choses prennent un tournant inespéré. Côté conscience, les bras tombent. Elle a osé. Le côté Jack Walker, sans doute. La témérité occidentale, cette non-retenue caractéristique des enfants gâtés. Et si elle regrette c'est uniquement parce qu'elle craint lui avoir fait mal.
Il se retire, elle redescend ; remonte son short et son string pailleté. Elle passe les mains dans sa propre crinière, dégageant ses tempes dont l'une est marqué de deux points de sutures recouverts grossièrement d'un petit pansement blanc. Ce gars est un ogre. Et elle ne fait pas référence à son appétit sexuel ; Il a dévoré son coeur innocent et elle lui souhaite de mal, très mal le digérer.
« Je ne veux pas vous frapper ! Je ne l'ai pas fait exprès ! »
« Mais si tu veux, » lui dicte vicieusement sa conscience. Un bon coup, comme il l'exige pour tous ces sentiments qu'il t'inflige et qu'il ne te rend pas, pour te laisser le choix de partir, pour tous les mensonges par omission, pour être parti voir d'autres femmes. Mon Dieu, elle n'aurait pas assez d'une seule frappe. Soudainement, elle repense à Ekaterina Vodianova et sa cicatrice. Des femmes risquent leur vie pour échapper à la soumission, deviennent fortes, indépendantes et elle, pauvre fille, se jette droit dedans.
Les larmes jaillissent sans qu'elle puisse les contenir. Un premier sanglot éclate dans sa poitrine. Partir serait un déchirement. Ses pleurs redoublent rien qu'à l'idée de ne plus le revoir. Son autre main s'élève et tressaille en suspens, quelques secondes. Il n'aurait pas pu lui imposer pire comme ordre. Lever la main sur lui, qu'elle aime par-dessus tout. Voilà qui lui passera l'envie de recommencer. Oh, elle le déteste tellement. Ses doigts claquent l'autre joue avec force. Le son lui tire un hoquet de frayeur, et elle renifle bruyamment.
Elle récupère son sac à main, laissé à terre et en extirpe les clefs de sa voiture, sans arrêter de pleurer. Elle se trouve pathétique. Il est temps de rentrer.
« Je vous ramène à la maison. »
Chez elle, mais elle ne le précise pas.
La valise de l'allemand est repoussée et elle quitte les lieux en espérant qu'il la talonne. L'aéroport est complètement désert. Le Parking est à cinq longues minutes de marches. A renfort de grands pas, elle réussira à calmer partiellement sa crise de larmes. Sur la route, rien à signaler. Les lumières nocturnes se succèdent sur leur visage marqué. Parfois, ses mains tremblent sur le volant, elle peine à passer une vitesse ou deux, mais les conduit à bon port. Elle n'aura pas pipé mot, trop occupée à penser.
La maison des Walker est vide. Jack est parti rejoindre son père au Texas pour quelques semaines. Marre de ce pays de niaks, soit disant. Elle peut enfin respirer. La télé flambant neuve trône sur le mur du salon. Elle allume timidement les lumières et rejette ses clefs sur le bar américain à côté d'une enveloppe d'où s'échappent des billets, pourboire de la semaine. Tout est propre et l'air est saturé du parfum habituelle de l'étudiante. Ses yeux expressifs se posent sur Siegfried. Il peut y lire toute la détresse et l'affection qu'elle éprouve à son égard. Un coup morte de trouille, l'autre franchement assurée. Elle ose enfin sourire au milieu de sa figure humide.
« Je...je vous ai préparé une surprise, pour votre retour. Nous avons rendez-vous, demain à 15h. J'espère que....vous n'aviez rien prévu. Un peu de camomille ? »
Elle en aurait besoin pour dormir.
Scarlett n'ose pas lui avouer qu'elle a également besoin de s'endormir dans ses bras cette nuit, qu'elle en a envie. Qu'elle veut le sentir respirer, goûter à sa chaleur, qu'elle se sentirait en sécurité étrangement.
« Si vous avez des affaires à laver, je peux m'en occuper également. Et ahm...si vous avez faim, j'ai fait des cupcakes ce matin. Ils sont dans le frigo. »
Elle ne précise pas qu'elle les cuisiné à son attention. Il s'en rendrait compte, si jamais il les goûtait : la décoration est aux couleurs de l'Allemagne.
-
Il aura encaissé. Tout.
La baffe, le voyage silencieux, sa compassion et sa culpabilité.
Il devrait s'en foutre. D'ailleurs, très honnêtement, il s'en fout un peu. Il sait que ça lui passera, ou tout du moins qu'il saura lui faire passer ça. Ce connard manipulateur n'a aucun scrupule. Il a pourtant l'impression franche et réelle d'agir pour le bien d'Akina. Elle est assaillie par ses sentiments, mais c'est nécessaire, elle apprendra bientôt à vivre sans eux.
Comme lui.
Il reste debout dans l'entrée, n'ayant pas l'autorisation de s'asseoir. Pas de Jack. Pas son odeur. Au contraire. Que c'est agréable. L'endroit est toujours propre.
-Je lave mes affaires moi-même, ne t'inquiète pas.
Tu n'es pas mon esclave, allait-il rajouter. Mais si, en fait. Bon. Tu n'es pas ma petite amie, disons. Euh... N'est-ce pas contradictoire ? De toute façon, ce maniaque a rarement laissé les autres s'occuper de son linge, de son ménage ou de sa vaisselle.
Il acquiesce par un « hm hm » à la camomille. Les cupcakes ? Il veut bien. Il crève la dalle.
-J'ai un médicament à prendre d'abord.
Il ouvre donc la valise pour en sortir son petit coffret de métal, style étui à cigarette, pour le poser sur la table. De là, il ira ouvrir le réfrigérateur pour en sortir les cupcakes. Noir, rouge et or. Or, très important. Avec l'oriflamme de sucre dans les mains, il retourne dans la pièce principale.
-Il y a une légende à propos de ces couleurs. On dit qu'ils viennent des Freikorps, les corps francs, qui se battaient contre Napoléon. Les corps francs étaient des unités miliciennes non-adoubées par l'Etat mais qui se battait pour l'Etat. Tradition purement allemande. On trouvait encore des Freikorps dans les années 30, ainsi que dans les années 60. La prétendue signification de ces couleurs seraient que l'Allemagne est dans une période noire, qu'elle doit traverser en versant et en faisant verser le sang, avant d'atteindre sa période d'or et de lumière. C'est seulement après qu'on en aurait fait le drapeau de mon pays.
Quand il était jeune, il bouffait de l'histoire nationale jusqu'à en vomir. Et ça se voit. Il sourit à Akina en posant enfin ses fesses sur un quelconque canapé, ou quelque chose du genre.
-Merci, Scarlett. J'apprécie beaucoup.
Une seringue à moitié vide est extraite de l'étui, et il se la plante immédiatement dans le coude. Sans garrot ni rien. Il a cruellement besoin de sa dose et se fout du reste. Le tout injecté, il range l'objet avec ses pairs pleins d'une substance incolore, et range le tout, se ruant sur les pâtisseries.
-Tu permets que je dormes ici ? Je suis fatigué. Enfin, là je vais avoir un regain d'énergie, mais dans une petite heure je devrais être fatigué. Je prends le canapé. Tu pourras faire du bruit si tu vas au travail, tu ne me réveilleras pas si facilement. Je serais là demain, 15h, sans faute. Je t'offrirais tes cadeaux à ce moment-là, je suppose ?... Moui.
Le tout débité sans interruption, avec un peu d'incertitude. On le sent nerveux, ses doigts tremblant. Le « médicament » fait effet. Il se force à reprendre un gâteau malgré la nausée qui monte. Il doit se maîtriser.
-
« C'est une très belle histoire. Si ma mère ne m'en avait pas empêché, je me serai engagée dans l'Armée. »
Elle met la bouilloire en route, le dos tourné à Siegfried – histoire de cacher ses dernières larmes. Elle était allée jusqu'à remplir le formulaire à ses 17 ans, sous les yeux galvanisés d'un père fier de sa progéniture.
« Américaine. » précise-t-elle. « Mon père....vous savez, n'a pas toujours été un alcoolique. Il était un héro en Afghanistan. Il pilote des avions de chasse et... »
Pourquoi elle lui raconte tout ça. Elle finit par se retourner pour déposer deux tasses sur le bar et écarquille les yeux en le voyant se piquer. Elle se mord la lèvre afin de réprimer les milliers de remarques qui se pressent à ses lèvres impatientes. Puis l'inquiétude prend le dessus. Sa maladie, est-ce grave ? Les sachets de camomille tombent lourdement au fond des mugs. Les scénarii s'enchaînent à vitesse grand V:de l'insuline ? Serait-il diabétique ? Non, elle ne l'a pas vu prendre son taux d'insuline avant les repas, ou alors son diabète est très particulier. Après ces courtes réflexions, elle consent un nouveau sourire :
« De...de rien pour les gâteaux. Ils ont été fait avec... »
Amour. Le tombe sonne creux dans son esprit et elle complète amèrement : « Une recette du pays. » Quatre pas en arrière, elle récupère l'eau chaude et revient la déverser avec application. Alors que le sachet d'infusion ballotte paresseusement, elle prend en considération les conseils de Marisol : « Pas un homme pour toi. Pas du même monde. » Sont-ils si différents?Si incompatibles ?
Elle arrive à ses côtés, sur le canapé du salon, tasse dans chaque main. Elle dépose celle de Siegfried sur la table basse pour éviter de l'encombrer et souffle sur la sienne. Des cernes violacées commencent à apparaître sous ses yeux fatigués. La chemise de l'allemand, trop grande, trop déboutonnée, a fini par lui glisser sur l'épaule droite.
« Oui, vous pouvez dormir ici. Je ne vous laisserai pas retourner dans votre état de fatigue. »
Akina remarque ensuite les tremblements qui agitent les doigts du SS. Ses sourcils s'arquent et elle se débarrasse de son thé sur le meuble avant de se pencher sur lui. D'une infinie douceur, elle cueille ses grandes mains au creux des siennes. Les pouces de la demoiselle vont lentement flatter la peau du professeur tandis qu'elle lui offre un regard tendre.
« Je vous épargnerai le canapé. Vous avez besoin d'un lit, Siegfried. J'aurais adoré dormir avec vous. Avoir l'impression de faire les choses normalement. Toutefois, je connais votre satisfaction à dormir seul, du moins je présume. Prenez donc mon lit, avec ou sans moi dedans. Si c'est sans, j'irai dormir dans la chambre de mon père. »
La sincérité marque le ton de sa voix. Ses mains délivrent celles du noble pour mieux l'étreindre, glissant ses bras frêles autour de son cou, réfugiant son minois exotique dans sa chevelure tiré à quatre épingles. Elle a envie de prendre soin de lui. C'est un instinct féminin primaire qui remonte. Outre le satisfaire de bien des manières, elle aspire à le soulager. Bien qu'en commençant à le connaître, elle se doute que pareille méthode lui attirerait simplement un oeil indifférent.
« Je serai toujours là pour vous. » promet-elle de vive voix contre l'oreille allemande.
La sonnerie du téléphone fixe retentit. Elle s'excuse auprès de Siegfried, de détache de lui et attrape le combiné en s'isolant dans la cuisine d'où elle est parfaitement audible.
« Hein ? Mais c'est trois heures du matin !
... »
Elle jette un coup d'oeil angoissé vers son invité et se hâte de lancer :
« Non. Je ne peux pas, trouvez quelqu'un d'autre pour cette nuit. Mon service est terminé.
.... »
C'est Honda évidemment. Trois heures du matin ? Mais pour lui, la fête bat son plein. Une danseuse a décommandé cette nuit, la scène est vide et les clients impatients. Il hausse un peu le ton avant de se résigner. Akina fait les cent pas dans la cuisine, baissant d'un ton pour n'offrir que des murmure empressés. Finalement, elle conclut :
« Oui c'est ça, à demain. »
Et elle raccroche, le coeur battant.
-
Pourquoi ? Pourquoi être si douce avec lui ? Pourquoi lui faire ce genre de confessions qui ne peut que lui attirer sa sympathie ? En est-elle seulement conscience, de son héritage éminemment militariste, parce qu'on dit au pays que le seul bon prussien est celui qui porte un uniforme et un sabre ? Pourquoi s'évertuer ainsi à être si aimante, et lui pardonner ?
Parce que tu l'as voulu, Siegfried, et que tu as tout fait pour. Tu avais pour but d'enfumer sa raison par le désir, usant de ton charisme et de ta manipulation, et c'est fait. Ca y est, il a des remords, juste quelques secondes.
Il a des questions à poser sur son père. Sa mère. Et sur elle. Il doit connaître parfaitement sa nouvelle soumise afin de ne pas être un étranger qui la domine, mais un maître qui la protège dans tout ce qu'elle vit, et qui peut réciter son passé par cœur. Il est néanmoins interrompu par la sonnerie du téléphone.
… OK... Quel genre de travail nécessite d'être disponible en pleine nuit, en urgence ?... Mais aussi, qu'elle peut refuser ?...
-Tu devrais y aller.
Il murmure ça une fois l'appel terminé.
-Je veux dire, si tu restes pour moi, ce n'est pas grave. Je serais encore là demain, et les jours suivants. Si tu me laisses prendre ton lit, c'est là où tu me trouveras. Mais c'est en travaillant plus dur et plus que les autres qu'on fini par devenir le meilleur. L'argent ne tombe pas du ciel. Dans mes jeunes années je cumulais quatre postes. Le salaire allait avec. Passons les crises de nerf et tout le reste, si j'avais continué quelques années de plus, j'aurais pu grimper tous les échelons et finir par une retraite tranquille, riche, loin de tout souci. Le destin en a décidé autrement.
Perdu dans ses propres contemplations, il racle sa gorge pour signifier son retour sur terre.
-Je serais là pour toi aussi, ma Scarlett. C'est mon rôle désormais. Tu ne seras plus seule. Alors je te le dis : Si tu t'en sens capable, tu peux passer un peu de temps à ton travail. Si tu préfères te reposer, soit, mais moi, je ne dois pas être un facteur dans cette décision.
Il se lève, emporte sa tasse et deux gâteaux dans l'autre main.
-Je vais dans ton lit, quoique tu décides. Et il est hors de question que tu dormes ailleurs que dedans. Et pas touche à ma valise, c'est une surprise.
Il connaît le chemin sans le savoir, il se contente de deviner, et traînera la patte jusqu'au lit.
Lorsqu'il n'est plus soumis au regard d'Akina, il semble avoir une poussée d'énergie, comme s'il n'était plus fatigué. Il se précipite avec le plus grand silence vers ses armoires, ses tiroirs, essaient d'en ouvrir un maximum pour jauger de ce qu'il y a dedans, un indice sur ses goûts par exemple, avant de tout fermer et de s'asseoir sur le lit, l'air de rien. Il goûte à la camomille, en prend une gorgée plus large ensuite, mord un cupcake en le gardant entre ses lèvres pour enlever chemise, chaussure, chaussettes, et s'allonge sur les draps, mains derrière la nuque, tasse précédemment abandonnée à terre.
Elle aussi a une surprise, a-t-elle dit. Il veut voir.
-
Elle le regarde partir, une boule au ventre.
Retourner au Red Velvet ? Malgré la fatigue. Honda a dit qu'il miserait double.
La belle ouvre les placards d'une pharmacie dans la cuisine et avale deux comprimés de vitamines. Elle peut définitivement oublier l'effet apaisant de la camomille. Les clefs de voiture sont reprises et depuis la chambre, l'allemand aurait entendu la porte d'entrée qui claque, le moteur de la Honda qui vrombit. En quelques secondes, Akina est déjà loin.
« Merci ma puce, » se réjouit sombrement Honda en lui bécotant les deux joues. « File aux vestiaires, y'a une tenue pour toi. ».
Oui, oui, d'accord. Elle n'a pas l'air d'arriver à parler. La musique agresse ses tympans rendus sensibles par la fatigue. Cette nuit devient un puits sans fond où elle chute libre. Devant une coiffeuse aux spots éblouissants, elle fait de son mieux pour dissimuler ses cernes sous un maquillage audacieux. Elle doit rappeler Honda pour s'expliquer sur la tenue. Le bikini noir dont le haut est bardé d'un aigle allemand, passe encore. Mais le brassard nazi est-il vraiment indispensable ? Ah, beaucoup de japonais bandent sur ça ? Ils discutent à ne plus finir. Elle veut bien garder l'aigle : le bandeau, hors de question. Ce n'est pas toi qui décide, menace le gérant avant de lui jeter l'accessoire polémique à la figure. Si elle ne dort pas, elle vit un vrai cauchemar.
Le retour sur scène sera laborieux. Si elle avait été fumeuse, elle aurait ressenti le besoin imminent de tirer sur une clope afin de calmer sa nervosité grandissante. Enfin, elle émerge sur le podium – accompagnée des sifflements indécents et de plusieurs applaudissements. Soudainement, alors qu'une main saisit la barre du pôle, elle repense à Siegfried. Son image envahit son esprit et elle se surprend à le rechercher désespérément parmi cette modeste foule. Serait-il furieux ou excité comme les trois quart de la salle ? La seconde perspective la motive légèrement.
Les clients s'impatientent. Le patron fronce les sourcils, puis soupire de soulagement en l'admirant effectuer les premiers mouvements autour de la tige métallique. Il est particulièrement impressionné quand elle renverse son corps, tête en bas et que sa chevelure blonde frôle le sol. La chorégraphie à de quoi inciter les spectateurs à consommer plus d'alcool. A cette heure-ci, ce sont les putes qui servent, histoire de placer quelques propositions indécentes à leurs oreilles éprises. Et si l'un des clients éprouve la moindre réticence, il lui suffirait de lever les yeux vers la féline sur rampe, qui du haut de son perchoir, écarte ses jambes galbées pour dévoiler les formes sulfureux de son fessier et son entrejambe.
A 4:30, elle aura fini. Le dernier spectacle s'achève. Les prostituées guident les retardataires dans des chambres dissimulées à l'arrière du bâtiment. Akina est épuisée. Elle n'a pas le courage de se changer, enfile une veste, récupère son extra tout en refusant le verre proposé par Honda. Il la gratifie d'une blague de mauvais goût et enfin, elle retrouve le confort de sa voiture : les jambes et bras ankylosés. Encore un petit effort pour la route, après tu pourras t'écrouler au milieu de ton lit. Enfin, sur le côté si Siegfried est dedans.
Elle prend garde à ne pas faire de bruit en rentrant, se sépare de sa veste qui échoue à terre dans le vestibule. Les escaliers sont gravis péniblement, elle titube à cause des courbatures. Elle ouvre lentement la porte de sa chambre et à la lueur d'une lampe de chevet encore allumée, distingue la silhouette familière de l'allemand étendue sur sa couche. La métisse aura un sourire attendri et se rapprochera à pas de loup pour mieux distinguer les traits de l'homme endormi. Il a l'air tellement innocent dans cette position, si vulnérable. Elle envoie sa main dégager quelques mèches brunes du visage imberbe de son amant et sous ce geste, le brassard déjà lâche, glisse sur son poignet. La belle s'en débarrasse et le dépose sur le chevet, les pensées embuées par l'épuisement. Conservant sa tenue de scène, elle se glisse sous les draps aux côtés de Siegfried. Le sommeil l'emportera tout de suite. Elle y sombre comme un poids lourd.
Le soleil frappe son visage aux traces de maquillage estompé vers huit heures après moins de quatre heures de sommeil. En sentant une présence contre son dos, et un bras échoué sur sa taille, elle se demandera où elle est. Ses paupières s'agitent puis se soulèvent en laissant la lumière du jour aveugler ses prunelles. Aouch. Elle a trop bu ? Non, elle se remémore L'aéroport, la gifle, la camomille, Honda...et au milieu des draps, ils sont pressés l'un contre l'autre, sans avoir faire l'amour au préalable. Une première. Lorsqu'elle quitte le lit à regret, elle prend soin de ne pas l'éveiller, discrète et souple. Sa bouche est pâteuse ; il lui faut une douche. Cette dernière la réveille complètement et elle réfléchit à la suite des événements. Ils ont rendez-vous à quinze heures et il est 8:30. Siegfried dort toujours : combien elle le comprend. Elle enfile un pantalon de yoga sombre, terriblement moulant et un débardeur pourpre, qui l'est tout autant. Puis elle se dirige dans la chambre de son père qu'elle ne pénètre qu'à de rares occasions, pour faire le ménage par exemple. Il a conservé un ou deux cadres de Seika où l'on découvre qu'elle est médecin de guerre dans l'armée américaine. Ils posent tous les deux fièrement dans un camp en Afghanistan. Elle évite de son mieux le cliché et sort d'une commode un treillis de l'U.S Air Force, aux couleurs d'un camouflage désert, ainsi qu'un T-shirt sombre. Elle les apportera ensuite au bord de son lit où l'allemand se repose toujours avec une note épinglé sur le tas plié : « Là où nous allons, il est déconseillé de porter un costume. »
Le petit-déjeuner est un vrai calvaire à préparer. Hormis les pâtisseries, Akina ne sait absolument pas cuisiner. Elle tente lamentablement des oeufs brouillés. 9:00 sonnent et elle n'est toujours pas capable d'arriver à faire griller le bacon correctement. Misère.
-
Son réveil sera plus agréable que ces derniers jours. Il a bien dormi, et n'a fait ni cauchemar ni rêve – les seconds étant censés être des moments recherchés par les hommes, mais les siens le plongent dans une certaine perplexité qui lui font vite regretter ses songes. Peu importe : Cette nuit, longue nage dans le néant, et il se sent bien.
… Jusqu'à ouvrir les yeux. La lumière est douloureuse à ses yeux. Il ne s'en formalise pas, se traîne au bord du lit. Papier saisi et lu, avec un vague sourire. Les vêtements sont à son goût, lui rappelant sa belle période. L'armée allemande était précurseur dans l'utilisation du camouflage tactique, bien qu'elle ne fut pas la première. La Waffen-SS et les Fallschirmjäger ont révolutionné l'utilisation du treillis. Sa gloire.
Il se stoppe lorsqu'il avise la tâche rouge sur la table de cheveux. Ce brassard lui est un peu trop familier. Que fait-il ici ? Etait-il dans ses affaires ? A-t-elle fouillé ? Il regarde autour de lui. Ce ne serait pas un remake d'American Beauty, avec la fille nymphette et le Marine fana du Reich ? Il touche le tissu. Non, c'est un faux, la broderie n'est pas authentique. L'odeur est celle d'Akina, bien qu'il puisse être trompé par le fait que son parfum flotte dans toute la pièce et s'agglomère dans les vêtements. C'est elle, la fan des SS ?... Non, pas possible. Bordel. Il ne comprend pas. Il n'aime pas ne pas comprendre. Hallucinerait-il ? Un regard sur l'heure, il est temps qu'il prenne sa dose. Les sales effets secondaires d'un manque, dû à son irrégularité dans son traitement en Allemagne ?... Raaah ! Les deux paumes sur son front, ses ongles s'enfoncent dans son crâne. Ce n'est pas normal, et ici, il n'y a que lui qui a le droit de ne pas être normal.
Il retire ce qu'il porte, prend les vêtements laissés par Akina et file vers la douche. Il ne remarque pas la teneur de ce qu'elle a abandonné, et prendra une douche rapide, usant même de ses produits d'hygiène, shampooing et gel douche, sans gêne. En sortant, il se sèche avec la serviette humide qu'elle-même venait d'utiliser, puis enfile la tenue de militaire prévue pour lui. Le brassard sera volé au passage, fourré dans la poche. Il préfère le garder.
Elle est bandante. Bon. Il se retient, se contentant d'un baiser sur la joue.
-Bonjour. Que fais-tu ?... Oh. De la graisse. Bien. Tu permets ?
Il lui prend la main qui tient la poêle, éteint au feu de l'autre. Il explique : Le bacon à la poêle serait très délicat, puisqu'il faut connaître son feu et sa viande. Il préfère allumer le four et le mettre à fond, prendre une plaque sur laquelle il passe un coup de chiffon, y applique une feuille d'aluminium, met les tranches crues dessus, bien disposées, et enfourne. Pour les œufs, autre technique : Feu fort les deux premières minutes, feu doux à la suite, pas arrêter de remuer, bien assaisonner.
-Va t'asseoir, je m'en occupe. Fais quelque chose en attendant, je fais vite.
Il fera ensuite griller du pain, les coupera en triangle, allongera dessus une feuille de salade et une tomate, utilisera la crème fraîche pour faire un élégant petit chapeau qui relèvera le tout. Il couche le bacon bien grillé par dessus, l'oeuf émietté à côté, et sert.
-Café ?
Il trouvera vite ce qui sert à faire bouillir l'eau, en fera deux tasses, qu'il sert vite pour s'asseoir à ses côtés.
-Ca a été hier ?
Il a oublié le sucre pour elle, va vite lui en chercher, et se rassied.
-Je suis fier de toi. Travailler la nuit, c'est une marque de courage. Ceux qui veulent vaincre ne s'arrêtent pas parce que le soleil se couche.
Il touche sa main un instant, puis reprend son repas.
-Tu ne m'as pas encore sucé. Ça m'étonne de moi. Hm... Je pense que je vais commencer par remédier à ça. Mais avant, parle-moi de ça.
Décidé, il sort le brassard et le pose sur la table, sans cesser de manger.
-Hakenkreuz. Utilisée par le Troisième Reich et symbole universel du fascisme militariste xénophobe. Le noir-sang-or me plaît, mais il faut m'expliquer pourquoi je vois ça au réveil.
Inutile de préciser qu'il fini son petit dej en quatrième vitesse, et tout en parlant avec elle, ira chercher une seringue neuve pour s'injecter un peu plus de la moitié de son contenu, dos à elle.
-
Il la surprend d'un baiser volé sur sa joue, s'intéresse à sa manière de cuisiner avant de lui rappeler diplomatiquement qu'elle n'a pas vraiment sa place face à une gazinière. En réalité, il s'avère plus doué qu'elle quand il s'agit de manipuler un four. Elle obéit en prenant place dans le salon que le soleil irradie de ses rayons estivaux. Son ordinateur portable est encore branché quelque part sur la table basse. Après s'être agenouillée devant, elle l'allume pour vérifier ses mails. Comme prévu, Marisol lui a transmis le dossier Von Königsberg. Sachant le SS occupé, elle parcourt rapidement le résumé des informations. Puis, elle fait une recherche internet afin de trouver le numéro du ministère des Affaires étrangères US, ainsi que de l'ambassade de Russie. Toutes les données sont notées consciencieusement sur un calepin proche.
Elle referme à la hâte l'écran de son PC lorsqu'il dépose les assiettes. Un mot de remerciement aura franchi ses lèvres souriantes. Ses mains écartent le calepin et font de la place sur la petite table pour les tasses.
« Oui, ça a été. » répond-elle, avare de précision. Dès le sucre arrivé, elle touille son café en baillant longuement, contre-coup de son court sommeil. « C'est fabuleux ce que vous avez fait. » commente-t-elle ensuite à l'adresse du germanique, émerveillée devant les plats matinaux. Elle goûte une première bouchée dont la saveur la rend tout de suite d'humeur plus enthousiaste. « Ne me dis pas qu'il va t'acheter avec un bout de bacon et de la salade ?! » reprend Madame conscience. Oh que si.
Euh...sucer ? Sucer quoi ? Le contact entre leur peau lui fait l'effet d'une véritable décharge électrique. S'il parle de fellation, elle se serait exécutée volontiers, car l'excitation galvanise son bas-ventre. Elle s'apprête à lui proposer quand : bam, il change brusquement de ton et de sujet. Un morceau de tomate coule de travers dans sa trachée et elle doit tousser à plusieurs reprises, sidérée.
« Ahm...quoi ? Euh ça... »
Putain.
« C'est rien. » soupire-t-elle à la va vite, et encombre sa bouche de bacon pour ne plus avoir à parler. Elle maudit tous les Honda du monde, et leur foutue manie à s'arroger des costumes douteux. L'avoir laissé traîné sur le chevet n'est pas une bonne idée, surtout au regard du passé de la faille Von Königsberg dont elle savait les activités sous le 3ème Reich.
Bordel, il se pique encore. Elle relâche sa fourchette, l'appétit évaporé. Au contraire, elle sent qu'elle va vomir. La situation a pris un tournant désagréable et inattendu, comme toujours avec Siegfried.
« Pourquoi ce médicament ? Vous êtes malade ? »
Une teinte d'inquiétude dans la voix, un soupçon de reproche : le cocktail parfait. Elle étouffe ici, finalement. Pour une rare fois, elle aurait adoré qu'il la prenne par les cheveux, cogne son visage au sol et l'engrosse de quelques bons grammes de saucisse allemande. Oui, elle n'aurait pas eu à réfléchir à cette seringue ou à l'explication du brassard dans cette position.
Profitant qu'il ait encore le dos tourné, elle attrape le bandeau à croix gammée et s'empresse d'aller le jeter à la poubelle, excédé. Quelle merde.
« Nous devrions prendre la route, » prévient-elle, un oeil rivé sur l'horloge. « Le lieu de rendez-vous est loin. Je peux vous prêter les chaussures de combat de mon père. Il ne s'en sert plus. Suivez-moi. »
Et ils descendent à la cave, ce lieu où Jack a conservé tout son équipement militaire. L'armurerie est toujours là, longeant tout un mur et les boîtes à munition s'empilent en prenant la poussière. La belle éclaire l'endroit afin de mieux repérer l'emplacement d'une étagère qu'elle ouvre sans ménagement. Il y a des médailles qui traînent, des photos aussi dont une de son grand-père prise en Normandie, lors du débarquement. Son oeil crevé est encore frais. Tous ces vieux trucs lui filent le cafard. On en parle jamais dans la famille, surtout que le mariage d'une japonaise avec le fils Walker avait eu de quoi indigner le patriarche.
« Vous mesurez quelle pointure ? » demande-t-elle distraitement en regardant les paires de chaussures.
-
Tu crois qu'il n'en rêve pas ? Te mettre la gueule sur le plancher et te relever la croupe pour te tringler bien comme il faut, pour arrêter de penser, de sentir et de prévoir ? Rien ne lui ferait plus plaisir que d'oublier ses questionnements incessants et de se laisser porter par le vent. Mais... On n'échappe pas à ses responsabilités avec un coup de bite, et dans le cas de Siegfried, chaque coup de bite est de nature à lui en donner plus – de responsabilités.
Il soupire. Ne répond pas. La suit.
Il aurait pu regarder son corps des heures durant, mais son attention est vite détournée par un petit arsenal appartenant typiquement aux anciens militaires. Il s'attarde longuement sur les clichés pris, reconnaît évidemment l'uniforme, serre les dents, ferme les yeux. Le débarquement en Normandie n'a pas été un traumatisme pour la plupart des soldats, puisque personne ne pensait qu'ils réussiraient à aller si loin dans leur progression. Et en URSS, les combattants avaient d'autres problèmes et ne pensaient pas qu'ailleurs, il puisse y avoir pire que les hordes de sauvages russes.
Ainsi, une longue tradition de militaire. Jack a dit qu'il voulait un gosse avec des organes externes, pour perpétrer la tradition. Ouai, c'est aussi pour ça qu'il a évoqué le fait de mettre enceinte Akina. Ca lui plairait sans doute. Il pourrait porter le nom de deux parents, et ainsi, un Walker, petit-fils du lieutenant Walker, arrière-petit fils du sergent Walker, et pourrait-on remonter plus loin ainsi ?... Les médailles témoignent d'un certain courage, ou tout de moins de quelques faits d'arme.
-Il est encore en vie ?... Lui.
Il désigne le vieux – jeune au moment de la photo – qu'il supposait être son ancêtre.
-Euh, 44. Ecoute, Scarlett...
44, comme une certaine année bien merdique pour le Reich. Bref. Il lâche les reliques et s'approche d'elle, la prenant par l'épaule.
-Ni toi ni moi ne sommes francs avec l'autre. Il va falloir qu'on se dise des choses plus honnêtement. Ça, là (il fait le geste d'une piqûre), me maintient en vie. Si j'oublie de le prendre, je suis franchement pas bien... Et si je n'en prend pas pendant longtemps, je vieillirais prématurément et décéderais sans doute.
Ca c'est dit.
-J'ai encore quelques secrets. Garde les tiens pour toi. Tu m'en diras plus quand tu le voudras. Bref. Tu... tu m'emmènes dans un bootcamp ?
Sourire, et il se retourne vers les quelques armes retenues par Jack.
-Je peux prendre l'un de ceux-là, s'ils marchent encore ? Je n'ai pas de pistolet dans ma valise, et je me sens mieux quand j'en porte un.
-
« Euhm, oui, il est toujours en vie. Au Texas. Malgré son....handicap, il a enchaîné avec le Vietnam comme instructeur. »
Tous ses passages au ranch familial ont été l'occasion de vivre de véritables traumatismes. Abraham Walker a toujours traitée sa petite-fille comme un garçon. Son passé de guerrier n'ayant rien arrangé à son amabilité naturelle. Pourquoi s'emmerder avec des histoires disney avant de dormir quand je peux te raconter la manière dont j'ai troué un ou deux allemands sur une plage française. Elle repère des bottes de combat à la taille indiquée et vérifie leur état : partiellement abîmées, mais c'est encore jouable. De toute manière, il ne s'agit pas d'envahir l'Irak. Son arrière-grand père avait participé à la Première Guerre mondiale, et son père avant lui à la guerre de Sécession. Il ne serait pas étonnant qu'un ancêtre ait balancé une ou deux flèches dans le cul d'amérindiens ou un autre encore avant lui ait participé à une guerre contre les Français ou à la défaite d'une Invincible Armada espagnole au détour des cotes anglaises. Les filles étaient rares chez les Walkers, des oncles elle en possède un ou deux : l'un dans l'Armée, l'autre à l'Etat Major. Des tantes, non. Et si les Walkers n'ont pas de lettres de noblesses, ils portent avec eux cet honorable héritage martial.
Bien sûr qu'ils avaient tous des secrets. Cependant, cette histoire d'injection lui paraît gros. Akina se demande s'il n'est pas en train de se foutre d'elle ou tenter son sempiternel humour allemand. En qualité de scientifique, elle ne peut pas décemment accepter ce qu'il lui conte.
« C'est...scientifiquement impossible Siegfried. »
Elle ne le croit pas, ça s'entend à l'intonation mièvre qu'elle prend afin de s'adresser à lui – comme si elle le pensait fou.
« Mais bien essayé. » sourit-elle en lui remettant les chaussures. Elle n'ose pas creuser le sujet. Sans doute a-t-il inventé cette fable de jouvence pour la dissuader de s'intéresser à sa maladie ? Cette pudeur attendrit davantage le coeur de l'étudiante. Elle devine que l'allemand a dû vivre des périodes particulièrement difficiles au cours de son existence : entre une famille incluant des criminels de guerre, une obsession à soumettre les femmes, des piqûres à tout va. Peut-être est-ce tout simplement de la drogue ? La simple idée lui ôte toute couleur, et elle blêmit.
« Oui, je présume que Jack n'y verrait pas d'inconvénient, mais tu devrais la laisser dans la voiture. Là où on va, ils sont assez tatillons sur la sécurité. »
Tout naturellement, elle s'est mise à la tutoyer et se dépêche de grimper les escaliers, son petit cul rebondissant à chaque marche gravie. Une fois en haut, elle vérifie par deux fois ses papiers d'identité, scrupuleuse. Au passage, elle déniche un élastique au fond de son sac et s'attache les cheveux en deux couettes. Le reflet d'un miroir lui renvoie l'image d'une gosse trop pâle, mais elle n'y prête pas attention.
Une heure après, ils roulent en direction du Sud. Elle lui sourit à plusieurs reprises et met la radio avec un volume modeste, au cas où il n'apprécierait pas ses goûts musicaux bien qu'il soit libre de changer de station à sa guise.
« En cette journée estivale, » annonce l'animatrice radio, en japonais, « Les routes sont dégagées et la circulation fluide. »
En confiance, la demoiselle appuie sur l'accélérateur et le compteur monte à 180km/h. Elle double plusieurs escargots et consulte son GPS de temps à autre, le minois concentré.
« J'ai des secrets aussi. La croix gammée que tu as trouvé...Hankquoi ? Enfin, c'est mon patron qui m'a demandé de la porter. J'ai tenté de refuser, mais c'est lui qui me paie à la fin. » explique-t-elle un brin nerveuse. Derrière les verres sombres de ses lunettes de soleil, ses yeux lancent des appels de détresse. « Je ne voulais pas t'offenser. » Il suffit à Siegfried de baisser le regard pour apercevoir les cuisses galbées de sa compagne, et la ceinture de sécurité qui creuse son décolleté.
Avant 15 heures, la voiture ralentit pour approcher une zone sécurisée et militarisée. Le drapeau américain flotte fièrement au-dessus d'un mirador. Dès qu'elle atteint l'entrée de ce qui ressemble à une base, elle baisse sa vitre et une soldate se précipite à sa rencontre. Elle Idoit être âgée d'une trentaine d'année, le sourire brillant :
« Salut, Miss Walker. Ton père n'est pas avec toi ?
Pas aujourd'hui, Britanny. Je suis avec mon.... »
Elle hésite de nouveau. Le militaire patiente en se penchant afin de discerner la figure du germanique. Akina ravale ses doutes et dépose une main sur la cuisse de son passager :
« Mon petit-ami. » achève-t-elle, toujours en anglais.
Britanny paraît surprise. Scarlett lui tend paresseusement leurs documents d'identité, qu'elle aura préalablement demandé à Siegfried.
« Okay, c'est bon. Sam vous attend. Eh euh....pas un mot de ça à ton père. On a pas envie de se recevoir un blâme de la hiérarchie. Tu comprends que je fais ça juste pour toi. Parce que on a tous plus ou moins une dette envers le vieux Jack. Allez, bonne journée. »
Les barrières se lèvent, Britanny rejoint son poste de garde après un dernier signe de reconnaissance à leur encontre.
« Je me suis dit que ça te changerait les idées un peu de sport. »
Elle gare sa petite Honda sur ce qui semble être une piste d’atterrissage, à côté d'autres véhicules et détache sa ceinture de sécurité et rassure l'ancien officier d'un sourire engageant.
« Tu es en sécurité ici, tout va bien se passer ; » Et elle descend, claquant la portière derrière elle. Le Soleil frappe fort sur le tarmac militaire, et la voiture indique une température frôlant les 29 degrés. A quelques mètres patiente un autre militaire, tout près de l'imposante structure d'un Lockheed C-141 Starlifter : avion de transport ravitailleur. Il est vêtu d'une tenue de pilote et les accueille d'un geste nonchalant. A ses pieds, de l'équipement appartenant à des parachutistes. Une fois à portée de bras, il vient étreindre Akina et se contente d'un regard froid pour Siegfried.
« Pile à l'heure, comme toujours. C'est lui l'invité surprise ? Ton père est au courant que tu traînes avec ce type ? J'aime pas cacher ce genre de chose à Jack. »
« Ca va, ca va Sam. Mon père le sait, Siegfried est un bon ami de la famille. »
« Bien, bien. Je vais vous équiper, et après on sera paré. Je vais vous larguer au large d'une plage. J'ai pas plus romantique comme cadre, désolé. »
-
Elle l'a froissé. Scientifiquement impossible ? Ma grande, la science allemande a pu rendre un type immortel – sans le savoir – il y a de cela soixante-dix ans. Il ne sait pas ce qu'il est advenu de ces secrets, d'ailleurs. Sont-ils perdus à jamais ? Y en a-t-il d'autres, comme lui, chez ceux qui auraient récupérés les données du programme, soviétiques ou américains ? Est-ce que quelqu'un quelque part connaît ce calvaire de devoir supporter ces putains d'injections ? Ou est-ce que ce super-soldat-là est amélioré, et ne nécessite plus la piqûre d'enzymes, d'hormones ou Dieu-sait-Il-quoi ?
Il se tait. Elle ne le croit pas alors même qu'il était très sérieux, elle ne mérite pas d'en savoir plus sur ce qu'il est. Chérie, je suis un SS. On baise ? Petite conne. Elle l'a énervé, ça y est.
Il prend les bottes sans rien dire, donc, et les mettra. En serrant bien les lacets, il a l'impression qu'elles sont pour lui. Il prend un colt 1911 : On a beau dire, ces chiens américains ont tout compris en produisant cette arme. Deux chargeurs, le tout fourré dans la poche. Il le laissera dans la voiture, comme promis.
Du trajet, il ne dira rien, comme concentré sur la route. Si : Il commentera la musique, la conduite de certaines personnes, des remarques désobligeantes de temps en temps. Il a pris un sac à dos avec lui, avec quelques bonbons dedans, qu'il mettra délicatement dans la bouche d'Akina lorsqu'elle ne peut pas utiliser ses mains et/ou détourner son attention de la route.
Il arrive près d'une base militaire. Américaine. Répétons ça calmement : Une base militaire américaine. Sachant qu'il n'a pas le droit d'entrer sur le territoire des Etats-Unis et qu'il va pourtant allègrement rouler dedans, et ce avec un flingue à disposition. C'est dingue. Il tente de contenir son excitation.
Ses papiers sont donnés. Ils expirent bientôt, mais tout va bien, il est en règle. Siegfried von Königsberg, baron allemand, ancien SS, criminel de guerre. Tout. Va. Bien. Il ne se sent pas stressé, il a déjà eu à expliquer ça à des gens : erreur de papiers, homonymie, etc, v'voyez bien que j'suis en règle dans mon pays, c'est difficile à porter quand on enseigne l'histoire, etc, et pouf ça passe tout seul.
Il tapait donc juste quand il parlait de bootcamp ?
Il ne tiquera même pas quand elle le touche, ou quand elle dit que c'est son petit ami. Juste un sourire avenant et un petit « salut » de la main à la donzelle.
Et il a à peine regardé Akina de tout le voyage.
Il voit l'avion. Là, il est encore plus perplexe.
-Scarlett... Tu crois que j'ai pas assez pris l'avion ces derniers temps ? Je risque de crever d'un trop plein d'altitude.
Seulement après, il voit les sacs dont il reconnaît la forme, et ainsi l'utilité.
-.... Oh, d'accord.
Il est l'heure du flashback.
ᛋᛋ
-C'est ici.
-Combien d'hommes ?
-Ici, trois-cent, plus une centaine dans les baraquements là-bas, et une trentaine d'officiers.
-La brigade est opérationnelle ?
-Totalement.
Il venait en tant qu'inspecteur du Sicherheitsdienst, mais son but véritable était de réunir des soldats d'élite.
-On m'a dit que vous étiez une unité... performante.
-L'une des meilleures, Hauptsturmführer. Les Fallschirmjäger sont la fierté du Reich.
Il y a un respect dû aux supérieurs dans les mots de l'aviateur. Deux raisons à cela : Premièrement, Siegfried était plus vieux. Il parlait à un colonel qui avait... 25 ans. Un vrai perso de RP. Deuxième chose : il était de la SS, des services secrets plus précisément, et même si Sieg' n'était que capitaine, soit un rang inférieur à colonel, ce dernier devait courber l'échine devant les molosses du SD.
-Pourquoi... pourquoi êtes-vous les meilleurs, au juste ?
-C'est dans notre nature, Hauptsturmführer. Comprenez-vous nos attributions ?
-On ne m'a rien expliqué, non.
-Nous sautons en parachute au-dessus des combats, ou avant qu'ils ne commencent. Nous désorganisons les lignes, pratiquons le combat irrégulier, et avons pour seule caractéristique de ne pas connaître le principe de front : Les ennemis sont partout autour de nous. Et au final, nous sommes peu, il faut que nous tenions dans une escadrille d'avion. Nous ne sommes pas quantité, nous devons être qualité.
Ils arrivent face à des hommes alignés. Heil général. Siegfried leur fait baisser les mains.
-Ce sont mes aigles. Ils fondent sur leurs proies et les déchiquètent avec leurs serres et leurs becs. 13 batailles, aucune défaite. Plus bas taux de morts des bataillons de paras de la Luftwaffe.
Le SS est impressionné. Il les regarde tous. Ils mériteraient de servir dans l'Ordre Noir plutôt que dans l'armée de l'air.
-Je peux avoir une démonstration ?
-Soldats, la SS veut voir meilleur qu'elle. Prouvons-lui que nous valons le coup. En tenue.
Une heure plus tard, il était dans un Heinkel, à plusieurs kilomètres au-dessus du sol. La caserne était en vue, loin en bas. Les hommes étaient tous en tenue, en arme, prêts à sauter.
-Ils vont vraiment se jeter dans le vide ?
-Aigles... Faites preuve de courage.
Quelques secondes d'attente, et le colonel ouvrira grand la porte, et fera signe à ses hommes de sauter. Pas un moment d'hésitation. Ils se jettent l'un après l'autre, sans trembler, bras et jambes écartés, leur parachute se déployant dans la seconde suivant le saut. Siegfried regarde le dernier se lancer, puis retire sa casquette pour pencher la tête en-dehors de l'avion. Ils tombent. Sieg regarder la distance vers le sol. Oserait-il sauter ?... Gott im Himmel, non, il refuse de faire ça.
Hors de question.
Jamais.
ᛋᛋ
Après un long blanc, fixant l'équipement qu'il doit enfiler, il lève les yeux vers le pilote.
-Vous pensez que je pourrais sortir avec Akina sans que Jack ne m'ait posé une arme sur la tempe pour être sûr que je sois à sa hauteur ?... De mémoire, c'était un Mossberg 500, mais pas sûr.
Une plage ? C'est bien. Il pourra lui dire des choses tranquillement.
-Scarlett... On rentre comment, après ?...
Nan. Question de merde. Il enfile son parachute, sangle tout bien. Il a pu voir quelques fois comment faisaient les Fallschirmjäger, et se rend compte que ça a bien trop évolué. Il regarde comment fait Akina, demande de l'aide au type. Ca y est, il commence à flipper.
Mein Ehre heisst Treue. Le courage est le glaive avec lequel je vaincrai. Je ne faillirai pas. Je tiendrai bon jusqu'à ce que la vie me soit prise.
Il respire. Cette fois-ci, il saute.
-
Akina Walker sautait en parachute depuis ses quinze ans. Moyennant des permissions au noir, Jack s'était attiré la sympathie de Samuel Gordon, un pilote et parachutiste chevronné. Ce dernier avait l'habitude des bombardiers, mais il lui arrivait de transporter des troupes, des drones ou du ravitaillement à l'aide de C-130 Hercules. Il avait presque vu grandi la jeune Walker, lui avait enseigné à sangler l'équipement et à maîtriser sa peur du vide. Après plus de cinq ans, il n'avait que très peu de conseils à lui fournir aujourd'hui. Ses jambes fuselées avaient passé les sangles avec souplesse. En revanche, son copain ne semblait pas en mener large.
« Mon gars. Si t'étais pas à la hauteur de la demoiselle, crois-moi : toute l'armée américaine aurait piétiné ta belle gueule de lover. » commenta Sam qui vint au secours de l'allemand sous les yeux moqueurs d'Akina.
« La plage fait partie de la base, Siegfried. Une fois au sol, une autre activité nous attendra. » répondit-elle en se mordillant la lèvre inférieure tant elle était gagnée par l'excitation. « Tout est ok, Lieutenant Gordon ? »
« Complètement beauté, vous pouvez embarquer, je démarre la machine. Dis à ton beau gosse que s'il vomit dans l'appareil, il devra nettoyer, putain. »
Et ils pénétrèrent les tripes de la ferraille volante. L'étudiante eut l'amabilité d'expliquer à son amant la manière de s'attacher aux sièges latéraux. Le temps que l'avion prenne de l'altitude, ils avaient le temps. Aucun hublot n'avait été conçu pour ce modèle. Ils ne profiteraient donc pas de la vue d'ensemble, pas avant que la porte, à la queue de l'avion ne s'ouvre automatiquement. Dans les hauts-parleurs, la voix bourrue de Sam résonnait :
« 4000 mètres d'altitude. Préparez-vous à une chute d'exactement 50 secondes.Hé le boche. Tu ouvres ton parachute exactement 15 secondes avant l'impact. J'te souhaite de savoir compter, mon pote. Au pire, Akina se tapera un paraplégique» Un rire gras ponctua la tentative d'humour. « Au mieux, tu crèves. Allez, bon vent. »
Une fois au bord, prête à sauter, Akina lança un ultime regard à Siegfried. Elle avait retiré ses lunettes de soleil et il pouvait admirer ses yeux clairs, silencieux et porteurs d'autant de mots d'espoir. Elle l'encourageait à faire le premier pas, et emboîterait la foulée fatidique une seconde plus tard.
Etait-ce mieux que perdre pied au bord de la falaise ? La terre à perte de vue, le moteur assourdissant du C-130 qui s'éloignait, l'air glacial des hauteurs. Ils étaient des aigles : enfin, ils avaient 50 secondes pour l'être. Ils surplombaient la plage au gré des vents d'été. C'était l'Océan Pacifique, à des milliers de kilomètres à l'Est : il y avait les Etats-Unis. Ses doigts se crispèrent sur la poignet d'action du parachute. Afin d'accroître cette sensation de liberté absolue, elle joua avec les secondes : et enclencha le parachute 10 secondes avant une rencontre mortelle avec le sol. Si Sam avait vu ça, il l'aurait tué sur le champ.
La semelle de ses baskets foula bientôt le sable chaud. Emportée par l'air qui s'engouffrait dans le parachute, elle dut aller au trot sur quelques mètres pour s'immobiliser. Immédiatement, elle se débarrassa de l'équipement et balaya les environs du regard à la recherche du S.S, le coeur serré. Sitôt repéré, elle s'était précipitée dans ses bras, le contraignant à une étreinte brutale.
« Bravo ! » le félicita-t-elle, soulagée de le voir en un seul morceau. Non, non....elle n'avait pas douté un seul instant de sa survie. « Il nous faut parcourir 5 km au Nord, et là...un exercice de tir nous attend. Mais si tu préfères rentrer, on pourra nous ramener à la voiture. »
A leurs côtés, les vagues éprouvaient la patience des falaises et des jetées de pierre. La plage était déserte, parsemée de quelques barbelés ci et là. Aucune âme qui vive, aucun baraquement. Juste eux.
« Je ne l'ai jamais fait avec personne d'autre que mon père. Pas même avec Kenneth. »
Tout en parlant, elle l'aidait à se débarrasser des sangles et du parachute. Elle avait l'air soucieuse en effectuant ses gestes, et finit par confier, les yeux bas :
« Ecoute, Siegfried. Mein Herr. Je...je voudrais vraiment que ça fonctionne entre nous. Je ferai n'importe quoi pour. »
-
Cela faisait un bail qu'il n'était pas monté dans un avion militaire, et il se rendait compte que ça lui faisait la même impression qu'auparavant : Celle de courir à sa mort avec la quiétude d'un nouveau-né. Il était plus que consentant pour monter dans quelques tonnes de métal qu'on suspendrait au-dessus des cieux, et ce au mépris de la nature humaine. Une autre idée lui vint alors : Et si elle cherchait à l'éliminer en lui fournissant un parachute qui ne s'ouvre pas ? Sa parano l'agresse de nouveau, il devient suspicieux, méfiant. Il a presque envie de partir. Lorsque le pilote viendra l'harnacher, il finira par lui prendre le poignet, et froncer les sourcils :
-Un peu de respect.
Son ton péremptoire laissait deviner sa détermination, et donc sa crainte : On n'est jamais autant soucieux de montrer son courage que quand celui-ci cherche à se faire la malle.
Cette vue. C'est encore plus puissant que par le hublot d'un Boeing, et la vue, encore plus proche du sol, est meilleure.
Il ne veut plus sauter, ça y est.
Mais il passerait pour une couille molle, une p'tite bite, un potage de fond de chiottes, et autres sobriquets tout plein de bisous et d'affection qu'on se donne à l'armée entre camarade. Et puis, décevoir Akina, elle qui a préparé ça pour lui ?
Siegfried. Tu as tué des centaines de soviétiques, tu as couru sous des balles et des obus, tu as torturé, tué, tu vivras plus qu'aucune personne ne vivra, tu trompes l'administration, tu es sous le coup de quelques centaines d'enquêtes, et un tribunal international a demandé ton exécution.
C'est pas quatre kilomètres de rien qui vont te faire peur.
Et il y a Akina qui te regarde.
Alors tu sautes.
Maintenant.
La chute sera grandiose. Le ventre creusé par l'appréhension et l'excitation, il a l'impression de revivre. La peur de mourir, ce danger, cette vitesse...
… merde. Il a perdu le compte. Akina est au-dessus de lui. Cela fait combien de temps ? 20 secondes ? 30 ? 40 ?... Il doit évaluer en fonction de la distance. Un kilomètre ? Il cesse de réfléchir, et tire sur la sangle. Ses organes s'aplatissent dans son bide, il a l'impression de décoller de nouveau, assez brutalement. Il finit dans une roulade mal maîtrisée, traîné sur quelques mètres, puis se dégage des files pour se redresser. Il ne sait pas replier un parachute, exercice primordial chez les militaires. Il laissera faire Akina pour ça.
Regard à l'horizon. Il est seul. Il a vu où elle était tombée, puis a cherché l'avion des yeux. Il l'a fait, il a sauté. Un certain sentiment de joie l'empli. Il a comme des fourmis dans les jambes, mais il se sent puissant. Ca faisait tellement longtemps...
Elle apparaît finalement et il la serre contre lui. Il voudrait lui dire merci, mais est coupé dans son élan par ses paroles à elle.
… Elle est amoureuse. Purée. Elle a atterrit en bas de la falaise.
-Soyons clair : Tu n'es pas ma petite amie. Du moins, pas encore. Que tu le fasses croire, passe encore, mais ne le crois pas toi-même.
Il comprend que cette affirmation est dure, il se rattrapera aussitôt en la prenant contre lui de nouveau.
-Mais je t'aime probablement plus que ne t'a jamais aimé aucun homme dans toute ta vie.
Il y a du vrai. Il tient à ses affaires comme à la sa croix de fer.
-Et j'ai déjà commencé à faire des sacrifices pour toi, je continuerai s'il le faut. Je tiens à toi. Tu es ma Scarlett. Bon, on a de la route, donc. Exercice de tir ? Avec quoi ?
-
Il n'y a pas d'amour chez lui. Du moins, pas comme elle l'imagine et l'espère. La réplique de l'européen la sidère un court instant. S'il ne l'avait pas prise contre lui, elle aurait sans doute fondu en larmes. Se croire sa petite amie? Coupable. Etre follement amoureuse de lui? Encore coupable. Je requiers la prison à perpétuité, sans remise de peine, Votre Honneur. martèle sa foutue conscience, le ton inquisiteur et les yeux qui envoient des flammes dévastatrices.
Dans les bras de son bourreau, son petit corps tremble d'appréhension. Est-il sincère? "C'est le moment de se poser la question" ironise-t-elle en son for intérieur. Les lèvres collées au cou de l'aryen, elle embrasse la tiédeur de cette peau étrangère à l'odeur si familière puis articule : "Moi aussi, je t'aime Siegfried. Je t'aime plus que ma propre vie."
Ses sens sont enivrés, elle est déjà perdue. Au Diable les cinq kilomètres, personne ne viendrait les chercher avant quelques heures. Ses mains félines glissent sous le T-shirt noir, remontent les flancs du mâle en une caresse sybarite. Entre ses cuisses, une éruption d'appétence se produit.
Elle le veut, là, tout de suite, maintenant.
La mer n'est qu'à deux mètres. Il lui suffit d'attirer son compagnon, empressée, hâtive : les gestes rendus brutaux à cause de son désir douloureux.
"Ficken Sie mich, Mein Herr." gémit-elle à son oreille alors qu'ils pénètrent lentement dans l'écume des vagues. Elle a fait siffler le "ch", l'illusion est parfaite tant elle s'est appliquée à imiter l'accent du prussien. "Noch."
Et elle annexe encore ses lippes fruitées de gloss cerise aux siennes, fines et fraîches. Le baiser perdure, car elle est exaltée. L'eau froide soulage ses reins cuisant, mais n'éteint pas l'incendie charnel, ne tarit pas la soif sexuelle de l'étudiante. Entrée dans l'océan jusqu'à la taille, Akina sent la houle frapper sa croupe. Sa bouche est toujours scellée à celle de l'officier, ses paumes fébriles s'amarrent à ses épaules puissantes. Et entre deux mouvements de langue, elle envoie aux creux de murmures agressifs.
"Ficken..."
Ses jambes se soulèvent aussi légères que des plumes et s'enroulent autour de la taille du noble.
"Sie."
Ses lèvres dérapent sur l'arête de la mâchoire germanique, entreprennent une ascension sulfureux vers sa tempe.
"Mich."
Elle griffe sa nuque, s'accroche à lui en soudant ses courbes féminines à la musculature immortelle. Tout lui paît chez lui, bordel. Son parfum est une véritable drogue. Dangereusement, Scarlett cherche l'overdose.
"Schlagen...." Sa bouche a chu de nouveau, et dévore la charnure des lippes du SS à travers des morsures faites pour blesser. "Sie..." Ses doigts capturent les coutures du haut sombre, au niveau du col, et elle tire d'un coup sec afin de déchirer le tissu bon marché. "Mich. Bitte schön" L'accent anglophone est encore là, comme une piqûre de rappel, malgré ses soins de prononciation.
Depuis le ciel, ils ne sont que deux tâches obscures parmi le flot incessant d'une mer calme. Si érection, il y a, Akina ondule ardemment contre, à l'image d'une catin de luxe. C'est ainsi qu'elle tente de calmer son excitation et son besoin d'être soumise par la violence. Vous arrive-t-il de faire l'amour normalement? Qu'est-ce que la normalité?
-
Là ? Maintenant ? Il aurait bien des objections à opposer : Le fait qu'ils aient de la marche à faire, ça va prendre un certain temps, et il faut éviter de se fatiguer, et puis ma p'tite dame il va falloir me supplier si tu veux quoi que ce soit de moi, et si quelqu'un arrive ?... Quelques secondes seulement, ces questions trottent dans sa tête, avant que le barrage cède et ne laisse aller les flots. Une réaction soudaine et violente, un baiser qui jaillit, puis un autre, et le courant dévaste les calmes plaines prussiennes, il se laisse emporter dans la mer, se débarrassant difficilement au passage de ce qui couvre ses pieds pour aller dans l'eau, et le téléphone de même, jeté sur le sable, avant de s'engouffrer avec elle jusqu'à la taille.
Et elle parle. Et c'est beau. À quelques subtilités près, il se croirait chez lui. Elle a parfaitement retenu la prononciation des quelques mots qu'il a daigné lui corriger, dans sa mansuétude immense. Il lui enseignera les subtilités de l'accent de Königsberg, et elle sera une parfaite petite épouse.
Epouse ? Oh, tiens. Oui. Il a envie qu'elle parle encore allemand. Il ne s'en est pas rendu compte lorsqu'elle lui a dit qu'elle l'apprenait, mais maintenant qu'elle l'entend parler, il voudrait vivre avec, juste pour le plaisir de lui parler en allemand tout en restant un immigré. Son pays lui est devenu hostile. Ici, il est tranquille.
Scarlett... Des sentiments ? Non, tu n'y arriveras pas comme ça.
… Ou peut être que si. Parce qu'elle continue. D'autres mots caressent son oreille, des nouveaux qu'il n'a jamais entendu dans sa tête. Elle le prend comme soutien, se suspend à lui, caresse son éminence avec son bassin, exercice peu périlleux au vu de l'excitation qu'elle a fait naître en lui. Le tissu trempé qui l'emprisonne l'enserre, aussi, elle n'a aucun mal à stimuler cette zone. Le mordre ? « Ah ! » laisse-t-il échapper, rauque, fronçant les sourcils. Chercherait-elle à l'énerver ? Au vu de ses mots... Elle ira même jusqu'à attenter à l'intégrité de son haut – rappelons qu'il n'en a point d'autre – avec une bestialité qu'il prétendra volontiers innée et enfouie.
-Tu dis m'aimer, mais tu ne sais rien de moi. Je t'impressionne, c'est tout.
Il a le chic pour sortir ce genre de conneries au bon moment. « Salut, je t'ai trompé » en lui cassant le bassin, et maintenant ça. Adepte de l'extrême, il osera peut-être le « j'ai tué ta mère » pendant une fellation. Il n'empêche. Il ne peut se passer de ses lèvres, et lui en redemande, en donnant en retour avec ferveur, et peu importe que son équilibre soit précaire, au vu de la marée mouvante et du corps qu'il doit supporter, il préfère risquer de chuter dans l'eau avec elle.
-Attention à ce que tu souhaites. Tu risquerais de le regretter. Tu risquerais même de l'avoir...
Il n'a pas de reproche à faire sur la façon dont elle a fait sa demande. Marque de respect, formule de politesse, voix envoûtante et regard de gazelle blessée. Lâche la bride et exécute-toi.
-Laisse-toi aller, ma chienne.
Elle sent une poigne ferme dans ses cheveux la tirer en arrière, et une main sur ses reins la tenir fermement. Elle ne peut résister à un appel dangereux, celui d'une feinte gravité. La tête plonge dans l'eau, en arrière. Une. Deux. Trois. Quatre. Cinq secondes qui auront paru une éternité. Il daigne enfin la laisser respirer en la ramenant contre lui. Elle n'aura pas de répit, non : il relâche sa blonde chevelure pour lui coller une trempe. Sa joue fondra en braise, frappée par la haine froide du SS. Il lui prend ensuite les joues de cette même main qui la torture sans cesse, et lui prend un fougueux baiser, vite interrompu.
-J'espère que tu ne regrettes pas déjà.
Si, il espère. Il veut lui faire passer l'envie de l'aimer, soudain. Et si elle tient, c'est qu'elle au moins un peu digne de son attention. Il est gagnant dans tous les cas.
Dessus ses vêtements, les doigts se faufilent dessous, jusqu'entre ses fesses. Elles ne furent visitées qu'une fois, et c'est bien trop peu. Sans attendre, et malgré la rugueuse humidité, le majeur tente de s'y faufiler. Il l'embrasse encore, comme pour faire passer la pilule, force l'entrée, tandis que son bassin se presse avec envie contre l'entrejambe qu'elle lui présente.
-Je te déchirerais tes vêtements immédiatement si j'avais aussi peu de décence que toi... Imagine seulement comment tu rentrerais...
L'éventualité dans ses mots lui laissent un répit qu'elle trouvera sans doute fort agréable, jusqu'à ce qu'elle se sente mouvoir, ramenée vers le rivage, où il la fera se coucher, puis retournée, seule ses poignets et ses genoux traînent dans l'eau, ses griffes attrapent le tissu pour le craquer d'abord, la pression passe d'ailleurs sur ses chairs, d'un coup sec il le troue enfin largement, l'arrache en deux, retire hâtivement le reste de t-shirt qu'il portait, et défait son pantalon sans plus attendre.
S'il va la prendre ? Que nenni. Il se contente, comme la première fois, d'écarter sa culotte sur le côté, claquant au passage avec force chaque fesse, une fois. Sa puissance sans égale croît à chaque coup qu'il porte. La douleur se fait plus forte. Elle aura l'occasion de le remarquer lorsqu'il tire de nouveau ses cheveux pour la faire se dresser, bien à quatre pattes, pour lui mettre une nouvelle claque. Sa joue brûle sévèrement, bien plus que de l'autre côté. Il positionne son vit sur son minou, cherchant à ramener la touffe qu'il tient pour qu'elle s'empale elle-même dessus. Elle ne s'exécute pas assez vite : Il la fesse de nouveau.
-On n'a que ce que l'on mérite.
Coup de bassin, en même temps qu'il la ramène vers lui. Il la déchire aussi sûrement qu'il l'a fait de son pantalon de yoga. Trop moulant, trop aguicheur, comme son cul, et elle aura l'occasion de sentir toute cette rage lorsqu'il pénètre sa matrice. Elle veut crier ? Gémir ? Son visage se retrouvera pourtant de nouveau dans l'eau, privé d'oxygène sans qu'il ne l'air prévenu. Elle ne peut échapper à son sort tant sa poigne est forte, et sa présence considérable. Dix bonnes secondes, pendant lequel il commencera à la prendre comme les animaux qu'ils sont, avec une relative douceur cependant, parce qu'il ne souhaite pas la tuer dès les premiers instants.
Lorsqu'elle peut de nouveau goûter l'air, son fessier sera de nouveau marqué par les claquements puissants de ses mains.
-Si tu ne me fais pas jouir cette fois-ci, je te promets que je te tue.
Sexy.
-
Elle ne prête plus attention à ce qu'il dit, car les actes du nazi parlent bientôt plus fort que ses mots.. La douleur éclate d'abord à l'arrière de son crâne, là où il saisit une bonne poignée de cheveux. Elle ira crier dans l'eau saline qui s'engouffre entre ses lèvres ouvertes. Elle manque de se noyer. A la surface ses mains s'agitent en désespoir de cause puis se résignent aux épaules de son tortionnaire. Va-t-elle mourir ici et maintenant ? Au creux des bras du seul homme qu'elle n'a jamais autant désiré. Cet endroit semble correct. C'est comme ça qu'elle s'imaginait la mort : longue, excitante où elle serait précipitée dans un tombeau de chair, sans oxygène.
Contre lui, elle aura à peine le temps de reprendre son souffle et ses esprits. Sa bouche crache de l'eau puis un gémissement de douleur quand il la claque violemment. S'il ne la tenait pas, elle aurait basculée tant le choc l'avait désarçonnée. Merde. Elle vient d'oublier son nom : elle a trop mal, elle ne sait même plus où elle est, ni avec qui. Le baiser fulgurant lui rend la mémoire péniblement. « Aouch... » Mais pourquoi il arrête ? Elle cligne des cils, dont l’extrémité est alourdie par des gouttes d'eau et le supplie du regard. Encore, Siegfried. Embrasse-moi encore. Frappe-moi encore. Je deviens folle. « Non, tu ES folle. » rage sa conscience.
« Han...que... » Ca, c'est le doigt qui pénètre son fondement. Trop tard, il l'embrasse à nouveau. Le majeur allemand éprouve déjà l'étroit conduit d'une présence terriblement excitante. Elle pourrait jouir rien qu'avec ce qu'il lui fait subir, mais se retient : le coeur battant. Elle en veut davantage. Son minois trahit paradoxalement son inconfort et son plaisir. Une fois couchée au sol, ses cheveux filent entre l'écume et le sable à l'image d'algues pâles. A bout de souffle, elle aperçoit le ciel dépourvu du moindre nuage. Puis la vue change, et elle découvre le reflux des vagues clapoter lentement contre ses poignets frêles.
Les coutures de son legging craquent alors qu'elle hoquette de stupeur, totalement prise de court. La série de gifles sur son fessier lui arrache un nombre égal de cris laborieux. Elle a envie de pleurer, de lui hurler d'arrêter, qu'elle ne voulait plus le voir, que c'était fini parce qu'elle ne comprenait pas pourquoi il avait autant besoin de sa douleur pour se satisfaire lui-même. Peut-être...pense-t-elle entre deux coups particulièrement éprouvants, que Marisol avait raison. Il l'avait pourtant avertie, que ce n'était pas personnel, qu'il allait lui faire peur, que sa volonté était souveraine. Ca y est : elle chiale. La nouvelle claque fait voler plusieurs larmes et quand elle sent la verge étrangère frôler l'intérieur de ses cuisses, elle est terrifiée.
« Plea... » amorcent ses lèvres avant de corriger. « Bitte...bitte... » sans savoir, si elle l'implore d'arrêter ou de poursuivre. Il semble faire ce choix pour elle, grand seigneur qu'il est. S'il tire encore sur mes cheveux, ma nuque va briser. Elle serre les dents, accuse le premier choc d'une pénétration brutale : tout son corps en sera secoué. C'est foutu, elle n'aura jamais les reins assez solides.
Elle va pour prendre une bouffée d'air afin de supporter la bestialité sexuelle du SS, mais elle n'en trouve plus. L'eau a failli pénétrer ses poumons, et elle se débat tout en finissant par aller s'empaler sur cette queue coriace. Elle ne voit plus, n'entend plus, ne parle plus. Elle n'est qu'un putain d'immense silence qu'on baise, comme les putes au final. Et une fois que toutes ses larmes auront coulé dans la mer, elle se surprendra à aimer ça : lorsqu'il cogne au fond d'elle, qu'il lui parle rudement ou qu'il la....
Menace de mort.
Akina se mord a lèvre inférieure jusqu'au sang. Elle doit respirer. S'il ne la délivre pas, il finira par fourrer un cadavre à peine plus chaud que la température de l'océan. Dix secondes, ou dix heures – elle n'aura pas fait de différence, plus tard, l'oxygène s'engouffre sauvagement le long de sa trachée.
« HAN ! »
Son adorable visage est sali par le sable, et ses mèches blondes balafrent ses traits exotiques.
« Stä...stärker...Mein Herr... » gémit-elle, la respiration haletante.
Selon qu'on soit poète ou non, Scarlett devient au fil des coups de reins une épave trouée, qui aurait échoué sur la plage, ou une sirène soumise par une volonté barbare et terrestre. « Immer wieder... » Ce sont de petits mots, pas encore de la grande littérature. Et au milieu de cette confusion lubrique, de la souffrance et de l'extase, alors que le paysage monte et descend à mesure que Siegfried va et vient, elle se demande s'il a l'impression de tringler sa défunte épouse quand elle parle allemand. « En tous les cas, c'est sûrement pas comme ça qu'on honore une baronne. » se désolée Madame conscience, dégoûtée.
-
Il adore ça. Ce n'est pas une histoire de sexe – si, c'en est une, mais c'est aussi cette fureur, cette cascade de sentiments, de sensations et de geste, l'impression d'être ailleurs, d'être autre, de ne plus rien contrôler sur cette terre. Que l'on soit un ancien officier, un professeur, pauvre ou riche, célèbre ou inconnu, jeune ou moins jeune, on ne tient rien, tout nous échappe, cette puissance qui pulse dans les veines et jaillit par les fluides n'est qu'une feinte, et l'orgasme est le seul propre à nous révéler la mascarade : Le château s'écroule, la conscience s'éteint, tout devient dérisoire, inconnu, lâche, gris, tu es poussière et tu retourne à la poussière, sic transit et toutes ces conneries.
Siegfried le sait ; il n'ignore pas que cette bestialité est nécessaire, c'est son shoot à lui, pour se sentir fort, capable de porter le monde entier, mais qu'en vérité, il n'est rien d'autre qu'un animal. Un animal qui baise sa femelle, les mouvements teintés de haine, et cette violence n'est au fond qu'un moyen de relâcher la pression. De mémoire, il a toujours été comme ça. Si l'identité sexuelle n'est qu'un produit de notre passé, peut-être ce besoin de faire ressentir la douleur n'est qu'un exhutoire de l'enfance, quand il était battu, avec justesse, par un père ou un tueur, c'était selon, mais ce serait réduire sa personnalité à un traumatisme qui n'en est pas un. On lui a simplement appris que la violence n'était pas le langage des faibles, c'était au contraire un langage comme un autre, et que si la Prusse est supérieure à tous les autres peuples, supérieurs aux autres germains d'abord, aux autres européens ensuite, et aux autres étrangers enfin, c'est parce qu'elle a toujours su parler mieux que les autres, quel que soit la langue qu'elle utilisait, y compris celle qui fait couler le sang.
Il en a envie. Il en a besoin. Il doit exprimer sa domination par ce biais, parce qu'il l'a déjà soumise par les mots. Elle n'est plus rien, juste bonne à être utilisée. Il peut la faire saigner, la faire pleurer ou la tuer à sa guise. Lorsqu'elle aura assimilé cela, enfin, elle ne sera pas amoureuse d'un homme, mais d'une image de lui : Celle d'un Dieu. D'un Untermensch.
Et il la frappe donc. Encore. Plus fort. Il ne contient plus sa ferveur. Les manipulations qu'il a subi lui ont non seulement donné une longévité considérable, mais aussi une certaine force. Et c'est cette putain de force qu'elle sent alternativement sur ses fesses. Ses mains font plus mal que le fouet, et il frappe atrocement proche de l'épicentre du plaisir de la donzelle, tant et si bien qu'à chaque coup, les vibrations font trembler sa chatte, celle-ci étant déjà malmenée par le vit teuton qui la pénètre avec vigueur. Mord la poussière... Ou le sable et l'eau, puisqu'il plonge de nouveau sa tête dans la mer, elle aura eu le temps de reprendre son souffle (malgré le plaisir), et c'est pour ça qu'elle peut aller se faire mettre pour qu'il ait des scrupules à la faire participer à un threesome sauvage entre un nazi, une innocente, et la mort qui s'invite, caressant le corps de Scarlett de toute part avec une infinie douceur, là où le SS n'est que déchaînement de sévices. Elle souffre, sans aucun doute, mais il ose espérer qu'elle prend un certain plaisir à être ainsi traitée. S'il ne s'est pas trompé sur elle, et s'il n'est pas aveugle, alors, oui, elle aime ça. Elle adore ça.
Stärker, ma grande ? Tu as ce que tu voulais. Le SS a frappé encore plus fort, il te baise encore plus fort, et ce n'est pas ta chevelure qu'il prend cette fois-ci, mais tes deux bras, plus aucun moyen de lutter, tu es une poupée de chair au service d'un être malsain et dérangé qui risque de t'assassiner par ricochet de son impétuosité, et tu n'y peux rien.
Il lui sort la tête de l'eau, quelques secondes, histoire qu'elle survive à cette torture. Il la défonce comme il ne l'a jamais défoncé auparavant. Un nouveau traitement presque dégradant.
Il se résigne finalement à la noyer de nouveau, soudain saisi par la nécessité de jouir. C'est alors... Qu'il s'arrête. Net. Elle est relâchée, disons même délaissée. L'officier n'est pas encore fatigué, simplement... il n'a pas envie de finir lui-même.
Il la fesse, gentiment cette fois-ci, puis passe le revers de sa main sur sa bouche. La bête est de nouveau calme, et presque rassasiée de sa ration de violence.
-J'ai dit « Si TU ne me fais pas jouir ». Une bonne chienne sait réclamer la semence qu'elle doit désirer.
Sa main, quasi amoureuse, se pose sur ses reins pour caresser sa croupe.
-Une bonne chienne jouierai en même temps que moi, d'ailleurs... Bouge. Je veux te voir danser jusqu'à mon orgasme. Tu sais ce que je te ferai si tu n'es pas assez bonne.
Elle sait qu'il le fera, et si elle ne le sait pas encore, il va falloir qu'elle commence à y penser.
-
Les coups pleuvent à nouveau, ses hurlements aussi.
Ses nerfs sont à bout, ses muscles également à force de contracter pour subir les frappes violentes. Cette douleur, alliée à la sensation d'être incendiée de l'intérieur lui fait frôler l'orgasme à plusieurs reprises. Elle s'en veut et se culpabilise considérablement d'aimer ça, d'adorer souffrir en lui appartenant. Étaient-ce les coups de Jack Walker qui l'avaient tant dérangée ? Non, ne pense plus. Tu réfléchis trop. Inspire fort, prend une putain de bouffée d'air marin, ca te fera du....
Son visage est abruptement maintenu dans une eau désormais glaciale et noire. Elle ne voit plus rien. En heurtant le sable solide, elle se fait mal et manque de perdre connaissance. Akina est définitivement matée et ne lui sert plus que d'exécutoire. Sa conscience est noyée, morte voilà quelques secondes. Plus rien d'autre ne compte alors.L'homme qu'elle juge subjectivement être le plus magnifique de la planète est en train de la désirer au point de la tuer. Existe-t-il honneur plus grand ? Pour elle, non. Elle avale encore de l'eau de mer. Dégueulasse. Progressivement, ses genoux l'élance, brûlent tant ils s'enfoncent et frottent dans le sable humide à cause du poids imposé par les allées et venues du SS.
La lumière et l'oxygène jaillissent à nouveau. L'un aveugle momentanément sa vue, l'autre lui arrache un cri de souffrance. Sa crinière blonde flotte dans les airs, se rabat sur son minois sale. Elle n'en peut plus. C'est trop brutal. Bien que ce ne soit pas le cas, elle a l'impression que sa chatte saigne, que ses cuisses se déchirent, que chaque coup de trique lui déchire le ventre. Elle est remplie du traitement de ce barreau de chair, incapable de gémir, de crier, de hurler. Elle n'a plus de souffle et ses cordes vocales donnent aussi l'impression de saigner. Sa conscience geint alors qu'elle est mise en terre. Au final, Scarlett se sent humiliée.
Et lorsqu'il s'arrête, loin d'être soulagée, elle s'accable parce que l'immobilisme ravive toutes les douleurs. Et la caresse presque amoureuse devient aussi létale qu'un coup de poignard dans la nuque.
Bouge.
Ses mains sont retombées au sol, ses ongles plantés au milieu des grains de sable.
« Alles...was...Sie...wollen....Mein Herr. » soupire-t-elle, le corps tremblant. Elle n'arive plus à maîtriser le fil de ses pensées, une faute se sera peut-être glissé dans la réplique allemande.
Elle n'a plus de forces, mais n'a pas le choix. Oui, elle sait qu'il la tuerait. « Monsieur ne se refuse rien, c'est vrai. » Tiens, sa conscience vient de ressusciter. Cette possibilité échauffe à nouveau les sens de la demoiselle, elle en mouille carrément. Malgré l'état de ses muscles, et disons-le clairement : de sa croupe lésée, l'étudiante ira s'empaler de nombreuses fois contre l'érection du bourreau. Quand elle s’apprête à s'effondrer, elle prend sur elle, et redouble d'ardeur. Et quand elle passe trop près de l'orgasme, elle se retient afin de paraître en bonne chienne, comme il le lui a dit, et jouir de concert avec lui.
Ce moment tarde, et elle se met à avoir peur. Peur qu'il la noie, l'étrangle, lui brise la nuque et ne jouisse qu'ensuite.
« Das...liebe...ich .. » commente-t-elle entre deux souffles saccadés.
Se retenir s'avère impossible dès lors qu'elle pense à ces horreurs, et elle éclate sur lui, brisée par une jouissance douloureuse. Son orifice féminin frémit, accule son visiteur, le presse et le recouvre d'une cyprine brûlante. Par chance, ou peut-être qu'elle est douée, il aura giclé en elle sans prévenir à la seconde près. Akina tentera bien de fuir au premier jet de foutre pour s'effondrer et mourir, mais ce serait trop facile. Une main virile empoigne sa hanche droite, une autre sa chevelure défaite : elle doit honorer cette semence jusqu'à la dernière goutte. Après quoi seulement elle pourrait tomber à terre, complètement esquintée. Le reflux des vagues peine à nettoyer ses cuisses souillées ou à soulager sa croupe ravagée.
Debout.
Est-ce lui qui l'a exigé ? Elle ne sait plus trop, mais dans le doute Scarlett trouve la force de se relever. Elle titube, ne marche plus très droit. Quant à s'asseoir, ce sera l'occasion de se remémorer la puissance des claques sur son cul, et d'en jouir à nouveau. D'un geste tremblant, elle ajuste sa petite culotte noire puis se débarrasse des lambeaux de son pantalon.
Cinq kilomètres. Putain. Ce ne serait pas facile.
-
L'orgasme n'est pas expédié : Il prendra son temps pour voir sa pute onduler, travailler, souffrir encore un peu. Il se sent comme un prince, quasi immobile, réduit à son tour à un sexe sur lequel elle ne fait que s'empaler, nourrissant le SS de l'ambroisie qu'il recherche : Un plaisir conséquent, l'orgasme fulgurant qui cherche à se libérer de sa cage, mais qu'il contient de toute sa volonté, profitant de la soumission de sa Chose, et de son désir avide de le contenter.
Elle parle encore dans sa langue. Akina, Akina, Akina... Veux-tu donc tant qu'il te prenne pour épouse ? Le cruel capitaine sourit, caressant de nouveau son cul.
-Jouis... Si tu dois mourir dans les secondes à venir, que ça en vaille la peine...
La menace lancée, un orgasme la transperce, ses mouvements se font plus intense, quoique plus désordonné, et le barbare est à bout, il n'en peut décemment plus, les sensations sont trop fortes, il serre les dents, se tend une dernière fois, la sent s'échapper, l'attrape rageusement par les hanches pour la coller contre lui, foudroyé par un plaisir des plus infernaux, se déversant sans même penser aux conséquences, frénétique dans ses derniers mouvements, flottant dans un état d'euthymie, béat d'admiration pour ce corps féminin qui sut le rendre si heureux l'espace de quelques secondes, gardant néanmoins sa superbe allemand, de marbre, le corps fier et droit.
Après quoi seulement elle s'écroule. Lui reste dans sa position. Il reprend ses esprits. Une légère brûle se fait ressentir dans ses genoux. Il se redresse, constate qu'il va devoir parcourir le reste du chemin avec ça, mouillé, et torse nu. Elle ne sera pas mieux lotie.
-Lève-toi, ma Scarlett.
Il attendra qu'elle soit debout pour la prendre dans ses bras. Il ne lui dira pas qu'il l'aime, même si ce serait le moment. Il ne tient pas à feindre des sentiments. En revanche...
-Tu as été parfaite.
Et ça, ça vaut mieux qu'un « je t'aime » dans sa bouche.
Le chemin sera difficile à parcourir au début, mais une fois le rythme de croisière pris, ils se laisseront porter par leurs pas. Il lui demandera quelques informations, comme la localisation de la base, si elle vient souvent, pourquoi Jack n'est pas au courant, si on peut avoir confiance en ces militaires, sachant que ce n'est pas dans ses habitudes... Il expliquera d'ailleurs que c'était sa première fois en parachute, qu'il a adoré ça, oui il a un peu flippé mais tout va bien, et qu'il recommencerait bien mais cette fois-ci avec de l'entraînement histoire d'être sûr de ne pas se briser la nuque à l'atterrissage. Il ne mentionnera pas les Fallschirmjäger, en revanche.
Après un peu plus de trois kilomètres, lorsque le besoin de faire une pause se fera sentir, elle lui indiquait un genre de grosses cabanes le long d'un petit chemin. Il y trouveraient de quoi s'habiller, dit-elle, et ne recevra qu'un regard perplexe de la part du SS. Une fois dedans, il lui impose de nouveau sa luxure, ne profitant pas des quelques lits qu'il y aura, se contentant d'une large table d'où il aura viré toutes les affaire qui y traînaient pour la prendre dessus, assise face à lui. Après, seulement, il la laissera se rhabiller. Il avait trop envie d'elle, et souhaitait lui témoigner, encore.
Le chemin repris, il lui donnera un léger avertissement, sur le fait qu'autant que faire se peut, il ne jouira plus ainsi en elle. Trop dangereux. L'avertissement de Jack résonne encore dans ses oreilles, et si jamais elle devenait enceinte, il devrait tuer l'ancien militaire pour éviter le mariage, ou disparaître, ce qu'il n'aime pas faire. Bon, ça, il ne lui dira pas, il en restera au fait que le mariage n'est pas dans ses priorités.
Il aura donc un t-shirt, d'une différente couleur, en arrivant à la fin du parcours. Il est encore en forme. Le petit exercice lui a fait du bien. Au tour du tir. Sur ce terrain, il ne craint personne.
-
Bran Gorski a été mutée sur une base japonaise suite à une trop haute performance en plombage de civils irakiens. Et il n'a rien pour sa défense, car c'est l'un des meilleurs tireurs de son unité. Aucune bavure, juste le plaisir sanglant de faire sauter des têtes de bougnoules. En raison de son jeune âge, la Cour Martiale n'a pas jugé correct de le blâmer plus qu'il ne fallait : à peine de quoi apaiser l'opinion publique. Puis, on lui a demandé de partir au Japon, de se faire oublier un peu. Et le voilà devenu instructeur de tir. Le dernier groupe de recrues venait de quitter le terrain d'entraînement, mais le lieutenant l'avait prévenu d'une arrivée bien singulière, qu'il devrait patienter, s'en fumer une sur son compte et accueillir les deux invités avec le minimum de politesse possible.
Allongé sur une chaise longue, clope au bec, M-16 chargé dans une main, bière de l'autre, il profitait du soleil cuisant lorsque le couple atypique se présente. Il les aura lorgné un court instant par-dessus ses lunettes de soleil d'aviateur. La gonzesse est bien gaulée, un treillis en woodland parfaitement à sa taille, et un petit haut pourpre aux proportions trop étriquées pour ses seins appétissants. En réalité, il s'en branle. C'est le mec à côté qui attire son attention et lui donne des envies de foutre. L'homosexualité est un tabou depuis longtemps répandu dans l'armée américaine. Toutefois, cela ne signifie pas que cette réalité n'existait pas. Gorski se lève, le torse saillant dans son G-Unit kaki. Entre deux touffes de poils, sur son poitrail, reluit les six branches d'une étoile de David qu'il porte en pendentif. Il jette sa bière plus loin, balance le M-16 sur le transat et trace directement vers Siegfried, main tendue – en ignorant totalement Akina. Cette dernière aura une moue surprise avant d'être clairement vexée par ce manque d'attention.
« Yo. Je suis le l'instructeur-chef Gorski. C'est moi qui ai préparé cette petite séance de tir pour toi. » déclame-t-il avec un sourire Colgate qui détone sur son bronzage sémite.
« Je vais tirer aussi, » rappelle Scarlett, en fronçant les sourcils, agacée.
« Ok, ok. Alors, les cibles sont plus loin. » Il désigne vaguement un stand en plein air. Des mannequins sont dressés, et à 20 mètres devant, des tables où reposent armes et munitions. Un véritable arsenal de guerre.
Durant tout l'exercice, Bran n'aura pas quitté Siegfried d'une semelle. Il lorgne dès qu'une ouverture est visible, lui tourne autour avec impatience, compliment ses choix de fusils, sa prestation. Reléguée au second plan, Walker devra se contenter de recharger elle-même, d'aller vérifier elle-même l'impact de ses balles : toutes échouées au coeur et à la tête des cibles, à une exception près.
Au moment de clore cette classe d'armes, l'instructeur les ramènera en Jeep militaire vers le tarmac d'où ils étaient partis.
« Et n'oublie pas, je suis libre en soirée. J'habite à Seikusu. » achève Gorski à l'adresse de l'allemand, ponctuant le sous-entendu d'un clin d'oeil.
C'est Gordon qui leur présentera ses adieux. Il ébouriffe les cheveux d'Akina, sert une ou deux répliques insultantes à Siegfried. Décidément, Jack devait être tombé sur la tête pour accepter qu'un boche saute sa progéniture. Une fois à l'abri dans l'habitacle du véhicule, l'étudiante soupire de soulagement. Elle est faiblement marqué au visage, mais les traces s'apparentent à s'y méprendre à des coups de soleil. Entre ses cuisses, la semence germanique sèche lentement.
Britanny est encore là pour ouvrir l'accès à la base. Cette fois-ci, elle est accompagnée de deux hommes lourdement équipés. Ils ne quitteront pas Siegfried des yeux, ni la voiture jusqu'à ce qu'elle file hors champ. La montée d'autoroute n'est pas loin, la demoiselle engage sa cinquième et file vers le couchant. Sur le volant, ses mains tremblent parfois. Sa jambe, douloureuse à cause de leur coït, manquera plusieurs fois une pédale, mais elle aura toujours su se rattraper.
« Je travaille ce soir, » prévient-elle en activant les essuies-glaces. Une averse vient de s'abattre soudainement. « Putain, d'où elle sort cette pluie ? »
Clignotant. Une voiture dépassée. Un peu d'aquaplanage.
« Mais tu peux rester à la maison. En fait, je préfère que tu y sois. Je veux dire....si tu le souhaites. Ce...n'est pas une obligation, c'était juste que...j'apprécie quand tu es là. Le frigo est plein, l'armoire à DVD aussi, et ahm....si tu préfères lire, sers-toi dans ma bibliothèque, quoique....je ne sais pas si la nanbiologie, l'exobiologie et la biologie sous toutes ses formes te passionneront. Je ne suis pas vraiment adepte de littérature. »
Tout à coup elle panique. Est-ce que Twilight traînait toujours dans ses étagères ? Marisol l'avait oublié lors d'un passage au Japon, l'été dernier. Elle n'a pas envie que l'allemand tombe sur cette daube horrible.
« Enfin, tu feras comme chez toi. » conclue-t-elle alors qu'elle gare la voiture devant la maison.
Bip, bip. Elle a verrouillé la ferraille et ouvre désormais la porte au SS. Les clefs sont jetés sur une commode du vestibule, et dans le couloir, elle fait déjà tomber son haut. Dans le salon, ce sera son pantalon qu'elle abandonnera, devançant Siegfried vers l'étage. Un soutien-gorge échoue sur les escaliers et ce n'est qu'une fois arrivée à la salle de bain qu'elle se débarrasse de sa petite culotte. Elle a besoin d'une douche. L'eau brûlante lui arrache un petit cri. La souffrance éphémère lui remet les idées en place et elle songe à ce qu'il lui avait dit, confinés au sein du petit baraquement, après l'avoir tringlée une seconde fois. Devrait-elle prévoir un rendez-vous chez son gynécologue pour mettre les choses au clair et prendre un moyen de contraception ? Le sujet l'agace.
19:40. Elle est déjà en retard. Pas le temps d'avaler quelque chose. Elle aura une œillade navrée pour Siegfried tandis qu'elle termine de zipper sa robe rouge pimpante.
« Je suis désolée, mais Honda va me trucider. » souffle-t-elle en cherchant son sac à main. Elle passe dans la cuisine, puis dans le salon, soulève les coussins, exaspérée. Ah, enfin ! Elle a déjà un message du patron : « T'es en retard, poulette. Ramène tes fesses. Et la tenue d'hier aussi, t'as cru que c'était gratuit ??»
Et rebelotte. La belle file en coup de vent sous les yeux de l'officier. Elle ouvre la poubelle, récupère du bout des doigts la croix gammée, puis grimpe les marches menant à l'étage afin de s'emparer de son bikini qu'elle fourre dans son sac. Revenue en bas, elle vole un baiser fugace sur les lèvres de son maître.
La porte claquera derrière elle.
« Ah tiens ! Salut, Akina.
Bonsoir Ekaterina, désolée, je n'ai pas le temps de...je suis super en retard. C'est ça ma tenue ? » fait-elle en pointant du doigt un ensemble noir (http://www.glamour.com/images/fashion/2014/03/dita-von-teese-lingerie-traingle-bra-h724.jpg).
Oui, le patron trouve que tu portes bien le noir. Après, je dois te parler, ce soir on a un invité spécial...tu sais on avait dit la dernière fois...
Désolée ! Mon show commence ! »
Et elle plante Vodianova dans les vestiaires. Les spots irradie sa peau de pêche, font scintiller son maquillage et les paillettes qu'elle porte dans les cheveux. Trois spectacles sont prévus ce soir, elle en aurait jusqu'à 1h du matin.
-
Non. Non.
Ce type lui faisait un gringue tellement osé que c'en était immonde. Ce n'est pas parce qu'il était juif, promis, juré, mais bien parce que l'homosexualité était quelque chose qui ne tentait vraiment pas le SS. Cette attention accrue le gênait plus que de raison. Pourquoi, Akina, pourquoi ? Sors-moi de là ! Au final, il doit redoubler d'effort pour se concentrer, mais réussit la plupart de ses tirs. Il n'arrive pas à se détacher de l'esprit que certaines pauvres recrues se font enfiler par leur instructeur. Il repense à la SS, où ce genre de criminels était passé par les armes. Il lui faudra faire un effort surhumain pour ne pas le repousser violemment, et se contentera de rester fier et impassible, courtois mais distancié. Il n'est pas souvent courtisé par les hommes, et c'était tant mieux. Affreusement gênant.
Il aura presque peur en voyant les molosses qui accompagnent la garde à l'entrée. Il savait que donner sa carte d'identité était une très mauvaise idée, et il n'en avait pas de fausse sur lui. Il fait bonne figure, reste calme, les saluera gentiment à la fin, puis poussera un soupir de soulagement retenu en parvenant à en sortir sain et sauf, sans menottes aux poignets. Il admettra volontiers qu'il a un mauvais pressentiment, néanmoins.
Il lui dit qu'il restera chez elle tant que son père ne sera pas là, mais souhaitera néanmoins faire un tour chez lui. Il se tiendra à carreau avec elle, comme s'il ne souhaitait pas faire de bêtise. Il lui faut brancher son téléphone pour le charger. Quand elle sera sorti, il re-consultera un message reçu plus tôt pendant le trajet, qui le taraudait. Appel.
-Oui ?
-C'est moi, Siegfried.
-Tu vas bien ?
-Fatigué. Tu as des trucs à me dire ?
-Ah, oui, attends, je te cherche ça... Alors, oui, donc. Déjà, tu feras gaffe, son père est un ancien militaire, US Air Force il semblerait.
-... D'accord...
-Euh. Elle est en biologie à l'université, mais ça tu le sais je suppose... Ah, sa mère a disparu. De toute façon je t'ai préparé un joli dossier, dedans y a un PDF avec un rapport de police, c'est succinct.
-Ensuite ?
-Alors, elle a deux jobs. L'un au Daily Seikusu. J'ai pas cherché son poste exact, mais elle doit être pigiste. Je vais voir. Un autre euh... Attends... Ah, oui, justement, fallait que je t'en parle un peu. T'es assis là ?
-Non. Crache ce que tu as à dire.
-Bon, en gros, c'est un truc, ça s'appelle le Red Velvet. Elle y est depuis genre... Une semaine ou deux. Et c'est euh comment dire...
Un bar à putes. Chez les occidentaux de Seikusu, c'est connu.
-Passe à la suite.
-Ouai, OK. Bon, elle a un mec. Un blanc.
-Oui, Kenneth, je sais. Tu pourras creuser sur lui ?
-Oui. C'est pas gratuit, hein !
-Non, je sais. T'as quoi d'autres ?
-Bon après, les trucs habituels, une arrestation dans sa jeunesse, le père a déjà été au poste quelques fois aussi, disons qu'il est un peu plus fiché qu'elle, j'ai ses relevés de notes depuis ses 16 ans, hmmm... Ah, j'ai essayé de te réunir quelques uns des articles qu'elle a écrit dans son journal. Euh, elle est allergique à un truc mais je sais plus quoi, j'l'avais noté quelque part...
-Hm, je m'en fous. Ca va. Tu m'envoies tout le dossier ? J'ai des trucs à faire, là.
-Ouai, tout de suite Siegfried. Tu peux me faire un virement cette fois ? Je veux dire, après c'est compliqué...
-On s'était accordé sur du liquide, point. Je te dis à la prochaine.
-Euh, ouai, à la prochaine Siegfried.
Il aura attendu deux heures. Il s'était fait un repas, en avait laissé une moitié à Akina, qu'elle pourrait réchauffer à sa guise. Au cas où la soirée se passe mieux que ce qu'il n'attend.
Puis il sortira, et marchera ce qu'il faut. Jusqu'au Red Velvet.
Il entre. Le son l'assourdit assez vite. Il se fait vite aborder : Les beaux gosses, c'est plus agréable à baiser que les moches. Une blanche, fort accent étranger, qui l'accoste pour lui demander ce qu'il chercher. Siegfried répondra sur un ton assez sec.
-Vos nouveaux arrivages. Vous avez des métisses ?
-Viens, suis-moi...
La nana commence à s'éloigner, il la suit, jusqu'à s'arrêter net en ayant levé les yeux vers la scène principal.
-Attends.
Il reste figé ainsi.
Akina. Putain. Akina, en train de se désaper. L'autre fouine avait raison, elle fait la pute ici. Il reste ainsi à la fixer un moment, sans bouger. Elle est ultra-bandante, comme d'habitude. Un véritable potentiel enfoui, il le savait. Dire qu'elle lui a fait un foin quand il a avoué qu'il s'en était cogné d'autre, alors qu'elle a transgressé sa règle. Putain. Pute. Il est énervé, ça y est.
-C'est elle que je veux.
La fille regarde Akina, puis sourit.
-Oh, celle-là est difficile à avoir... Par contre, tu...
-Non, c'est elle que je veux.
-OK, chéri. Assied-toi, je lui demanderai quand elle aura fini. Si tu changes d'avis, n'hésite pas à regarder autour de toi. Je te sers quelque chose ?
-Malt. Vous avez ?
-Je te sers ça.
Sans lâcher Akina des yeux, il ira donc s'asseoir sur une petite banquette, dos au mur, à quatre mètres d'elle, bras croisés. Elle l'excite, certes. Mais la pensée qu'il va lui faire très, très mal l'excite encore plus.
-
Il est assis au fond de la salle, mais la vue sur la scène est imprenable. Honda patiente à sa droite, nerveux comme une puce. Le gérant lui propose un nouveau fond de vodka.
« Нет » répond froidement l'homme, l'attention accaparée par le spectacle qui se déroule plus loin. On y est. Le japonais flippe sa mère, pas elle. Putain. Elle a un contrat qui ne spécifie pas les relations tarifiées et vu la manière dont le slave la dévore du regard, Honda comprend rapidement que ce soir, il allait se mettre à dos l'un des principaux actionnaires de sa petite entreprise. Perchée sur ses genoux, une pute allume l'extrémité de la cigarette du russe. Et à travers la fumée qui s'élève d'une première taffe, il aperçoit la métisse trémousser son joli cul.
Danser autour d'une tige métallique lui demande énormément de concentration. Tout d'abord parce que l'exercice est très physique, et ensuite parce que la chorégraphie s'apparente parfois à de la haute voltige. Lorsqu'elle se hisse jusqu'au sommet, il lui arrive d'être à deux mètres cinquante du sol. Assez pour lui permettre d'enserrer la barre entre ses cuisses et de basculer en arrière avant de se réceptionner dans une acrobatie sensuelle. Elle termine sa figure à genou, puis se redresse lentement en cambrant la chute de ses reins. Au son de Tainted Love, la belle poursuit son numéro. Elle prend de l'élan, soulève son corps et tourne autour du barreau, écartant les cuisses. Et à chaque passage au sol, elle exécute quelques pas de danse afin d'enlever l'un des éléments de sa tenue jusqu'à terminer enveloppée dans la lingerie donnée par Honda.
« Ekaterina se tient à votre disposition. » hurle ce dernier pour couvrir la musique assourdissante.
« Pas ce soir, Honda. » réplique le russe dont la moue trahit un certain agacement. Celui d'être dérangé en pleine contemplation. En réalité, il n'en a rien à cirer de ce bar miteux. Il en a acheté 80% afin d'obtenir Ekaterina Vodianova, une de ses anciennes prostituées qui s'était faite la malle. Alors, il avait traqué cette garce. Homme politique russe le jour, oligarque mafieux slave la nuit, il possédait assez d'argent pour retrouver une fourmi qui aurait perdu une patte en plein milieu du désert. Kitty, ainsi qu'elle était surnommée, avait été soumise par ce simple rachat : comprenant qu'une fois qu'on tombait entre les mains de Nikolaï Tsoukanov, c'était définitif.
« S'il vous plaît, Tsoukanov-sama, reprenez un peu de vodka, au moins. »
« J'en ai rien à faire de ta vodka. Dis-moi, cette femme. » Il désigne Akina d'un geste du menton. « Elle est nouvelle ? Je ne l'ai jamais vue. »
Honda déglutit et porte une main fébrile à son front en sueur.
« O..oui, une américaine. Simple étudiante, elle fait que....elle fait que du pole-dance. »
« Et tu m'as caché ça ? Tu as son adresse ? Son numéro ? » Il s'exprime dans un anglais approximatif.
« Oui, oui. Je vous donnerai tout. »
« Avant de me donner quoique ce soit, fais lui porter la tenue rouge. » s'impatiente Nikolaï. Il chasse soudainement la catin de ses cuisses, et écrase sa cigarette à peine entamée dans son verre de vodka vide.
« Quoi ? Maintenant ? »
« - Dois-je le demander en russe ? »
Non. Pas nécessaire. Honda a parfaitement compris.
Plus qu'une minute. Scarlett atterrit une énième fois au sol avant de faire l'erreur d'un coup d'oeil parmi la foule de spectateurs. Le temps s'arrête quand elle croise les yeux familiers de Siegfried. Par réflexe, son corps a poursuivi les allées et venues contre la barre verticale, mais à chaque fois qu'elle a l'occasion : elle dirige ses prunelles catastrophées directement sur l'allemand. La musique s'arrête, elle se précipite dans les vestiaires.
Le patron l'accueille. Il a l'air de mauvaise humeur. Elle ne tarde pas à l'être en découvrant un nouveau costume. Elle a envie de partir, compte le demander : « Je ne me sens pas très bien... » Honda ne veut rien entendre. Qu'elle enfile sa chapka à l'étoile rouge et une courte combinaison aux couleurs de l'URSS, dépitée. Retouche maquillage, un verre de saké pour tenir le coup et elle remonte en scène : un grand sourire commercial aux lèvres, saluant les clients qui daignent se lever pour l'accueillir. Une rapide oeillade vers sa droite. Merde. Siegfried est toujours là.
La musique détone d'un coup. Attendez, attendez. Non. C'est quoi cette musique ? Elle va jamais savoir danser sur ça. Ce n'était pas prévu. Au fond, les yeux de Tsoukanov pétillent. Il est pratiquement le seul à rester debout pour applaudit tout au long. Et car elle doit bien faire quelque chose, Akina improvise aux alentours du barreau. Ses mouvements sont vifs, voire brutaux selon le rythme imposé par la version rock de Katyusha. Elle monte, descend à la force de ses bras, surtout de ses jambes galbées. Arrivée en haut, elle dézippa sa combinaison et s'en débarrasse à la hâte. Ses courbes se dévoilent, étroites dans un bikini rouge sang : un marteau or sur le sein droit, une faucille de la même dorure sur le gauche, et une étoile blanche au niveau de son intimité. Les symboles sont parfaits, et Nikolaï bande comme un taureau alors qu'il détaille Akina sous tous les angles. Avec cette blondeur en plus, même fausse, on aurait pu croire à une femme du pays.
Après l'acrobatie finale, il redouble d'ardeur dans ses applaudissements. L'étudiante, récupère sa petite robe – adaptation sexy d'un uniforme d'officier rouge. Le talon de ses bottines hautes claque sur le parquet lorsqu'elle quitte la scène. Elle se dirige comme un boulet de canon vers l'allemand, terrifiée.
« Siegfried...je...qu'est-ce que tu fais là.... »
Au loin, Nikolaï fronce les sourcils. Il repère vaguement la silhouette du prussien et claque sa langue contre son palais avant de se rasseoir. Il s'empresse de commander une vodka. Aux quatre coins de la pièce, ses hommes sont discrètement placés.
-
Rien ne va. Genre... Rien du tout. Déjà, Akina, sa chienne, sa chose, a gravement enfreint une règle qu'il avait fixé. Et pas n'importe laquelle. Elle dandine son cul pour exciter des pauvres connards en chien en public. Ensuite, maintenant qu'il y repense, il l'a poussée à venir ici, sans même penser qu'il pouvait faire une erreur ; il l'a même encouragé à travailler ce soir-là, et à continuer. On pourrait penser qu'il n'allait s'en prendre qu'à lui-même, mais non : Au départ, c'est bien la faute d'Akina, et de personne d'autre.
Et il y a ce type. Il l'a vu arriver. Un gros porc avec une horde de clébards comme il en existe des tas. Mais son visage lui parle. Il n'arrive pas à s'en souvenir. C'est l'un des sentiments les plus horribles de Siegfried : Il a une mémoire considérable, qui lui permet de retenir des tas de choses, mais son esprit dérangé et embrouillé par le temps a énormément de mal à reconstituer les morceaux de son esprit.
Réfléchis. Réfléchis. Tu l'as vu quelque part.
Il se mord la lèvre inférieure, oscille entre Akina, qui danse, qui l'excite et l'énerve dans un même temps, et ce blanc à la pauvre chevelure qui la mate ostensiblement, et qu'il tente de se remémorer. Etait-ce simplement quelqu'un dans la rue ?... Un professeur croisé à l'université ? Non. Quand il essaie de reproduire ses souvenirs, apparaissent devant lui une grande salle, genre tribunal, plusieurs autres personnes dont le visage est flou, tous en costume-cravate. Ses oreilles font passer des mots qui n'en sont pas, réduits à l'état de borborygmes informes. Ce n'est pas du japonais, ni de l'allemand. De l'anglais ?...
Clang. Un verre rond vient se poser sur la table en bois, avec une masse liquide ambrée dedans. La fille. Il la retient par le poignet.
-Elle coûte combien ?
-Elle coûte rien. Tu devrais me lâcher, chéri.
Il s'exécute.
-Rien ?
-Non, elle est pas disponible.
Il y a une certaine exaspération dans la voix de la serveuse, qui fait sans doute office de pute aussi. Trop souvent on demande Akina. Siegfried soupire, comprend.
-Juste une danseuse ?
-Ouai. Pour te mettre en condition. Mais tu perds rien, elle vaut sans doute rien... Par contre, Cynthia là-bas sauras te faire tout ce que tu veux...
-J'y réfléchirais.
Elle pose la note, demande à être réglée tout de suite. Siegfried allonge quelques biftons de plus.
-C'est quoi, le type, là-bas ?
-J'ai pas le droit de le dire.
-Ca reste entre nous.
Il rajoute quelques yens. Elle les prend, regarde discrètement autour d'elle, puis se penche pour lui sussurrer lascivement, comme si elle lui promettait la pipe de sa vie :
-Le proprio.
La voilà partie vers une autre table.
Akina a disparu. La musique change. Qu'a-t-il raté ? Elle reparaît bien vite. Soulagement.
Que doit-il penser ?... Il lui a interdit toute activité sexuelle. On peut considérer qu'en jouant sur les termes, elle est dans son droit. Putain. Katyusha. L'uniforme. Il vient de capter l'ensemble criminel. Hmf. Il reconcentre ses pensées sur leur voie primaire. Donc. Est-elle en faute ?... Grrr. Non. Il y a ce russe dans son champ de vision qui semble bien s'amuser. Elle danse. Il veut lui faire un reproche. Le porc. La musique. La conscience se fait la malle. Il la retient tant bien que mal. Putain. Son cul. Elle sait y faire. Il voit tous les autres. Ses jambes. Il respire soudain.
Elle est à lui. Elle fait peut-être bander des tas de mecs, mais c'est à lui qu'elle pense. Il le sait. Il ne devrait pas avoir de doute. Au contraire. Juste en profiter. Il sévira, oui... Mais il pardonnera. Il fera l'effort.
Putain. Il a très envie de la frapper quand même.
Elle fini enfin par le rejoindre. Il n'a pas bougé, s'est fait servir un deuxième verre du même alcool.
-« Vous ». Si ton tutoiement ne t'écorches pas la gueule, il m'écorche les oreilles.
C'était le moment pour le nécessaire rappel à l'ordre. Il soupire. Doit se calmer. Un regard sur le russe.
-Excuse-moi. Laisse tomber. Deux secondes. Attends...
Propriétaire ? Ce serait donc juste quelqu'un de Seikusu ? Siegfried a l'air plus que torturé. Il essaie de faire comme si il parlait à ce type, voir si quelque chose de spontané naissait. Docteur ? Monsieur le professeur ? Herr... quelquechose ? Il se rassied, montre sa tenue d'un geste dédaigneux du menton.
-Et tu oses te présenter à moi dans cette tenue... Non, c'est con ce que je dis.
Ben oui, elle ne sait pas encore que le Rouge est ton pire ennemi. Elle n'a pas en tête que tu as vu tes camarades tomber sur leurs balles, et que tu as failli en mourir plusieurs fois. Elle ne sait pas que le communisme, pour toi, représente la mort des peuples. Merde, il s'embrouille sérieusement.
-J'ai l'impression que c'est important... Je sais que c'est important... Ca date d'il y a... Deux ans... Il y avait une fille... Qui parlait ma langue... Et un autre type, mais lui était vraiment allemand... C'était pas un tribunal, j'en suis sûr... Un parlement... Un...
Il regarde de nouveau Akina, perdu, comme si elle pouvait l'aider.
Et sa tenue. Armée rouge. Les envahisseurs.
Et ça fait tilt.
Kaliningrad. Nikolai... Nikolai... Quelque chose. Le boss de Kaliningrad. Le type placé là pour gérer l'administration de son cher Königsberg – pas juste la ville, toute la région créée autour. La révélation lui fait un choc. Le propriétaire du bar, donc, l'employé d'Akina, est le propriétaire de Kaliningrad. Il a l'impression soudaine que son orgueil vient de se faire démolir. Le malt est avalé d'une traite.
-Tu comptais me cacher ça longtemps ? Je ne te comprends pas. Je pensais que la confiance... Hm. À genoux.
C'est un ordre. Péremptoire. Il montre le sol.
-Tu vas ouvrir tes jolies lèvres et me faire jouir avec. Putain, Scarlett... Si tu te rates, tu ne me revois plus jamais.
Il n'en a rien à casser. Ouai, on est encore en public, pas dans les lieux « privés ». Ca n'empêche pas certains de tripoter leur pute ostensiblement. Personne n'ose demander ça encore, lui oui.
-Salope. Tu as de la chance que...
Kaliningrad. Nikolai Truc qui la regarde. Il la veut. Il sourit. Tu as Kaliningrad, j'ai Scarlett. Tu vas bien regarder ça, fils de pute, c'est ma queue qu'elle va bouffer et pas la tienne.
Il commence à avoir mal à la tête.
-Suce-moi. Tu m'as donné trop envie. Vite.
Oui, il ne cesse de la désirer un peu plus chaque fois.
Nouvelle déflagration. Un éclair de lucidité le traverse.
-Non, oublie tout. Excuse-moi. Viens, suis-moi.
Et il l'emmènera dans un coin tranquille, loin de toute l'agitation, non-loin d'un couple qui s'embrasse. C'est là, éloigné de l'épicentre de la musique, à l'abri des oreilles et des regards indiscrets, qu'il la prend entre quatre yeux, érection contenue dans le pantalon, et rage mise en sourdine.
-Explique-moi tout. Tes excuses ont tout intérêt à être sincère. Et oublie cette histoire de fellation. Je refuse que la première fois que tu me fais ça soit dans une boîte à putes, je préfère faire ça calmement.
-
Le comportement de l'allemand lui donne l'effet d'une gifle. Elle s'apprête à s'excuser pour le tutoiement, mais il la devance. Hein ? De quoi parle-t-il ? La tenue est-t-elle trop courte ? Pendant quelques secondes, l'étudiante cherche les facteurs de contrariétés du professeur concernant cette putain de tenue. Trop perturbée par sa culpabilité et la présence de son amant ici, elle ne fera pas le rapprochement entre un dégoût pour l'URSS et les sentiments de Von Köningsberg.
Plus loin, Nikolaï fait quérir Honda qui se penche à son écoute.
« C'est qui ce guignol ? » Il aura effectué un geste méprisant vers l'ancien nazi ; Quelque chose le contrarie, surtout lorsqu'il aperçoit Akina s'agenouiller devant lui, les mains sur ses cuisses comme prête à lui tirer la pipe du siècle. Ca l'enrage. Elle devrait être ici, devant ses couilles à lui. De colère, il finira par renverser son verre de vodka sur la table, agacé.
« Je...je sais pas, un client. » déglutit Honda.
«Иди на хуй ». rage le gouverneur alors qu'il serre les dents. « Je croyais que c'était pas une pute, ta donzelle ? Tu me caches des trucs ?! T'as envie....que je m'énerve ? »
« Non, Tsoukanov-sama...pas la peine...je sais pas. »
Le slave fait ensuite signe à l'un de ses hommes. En réalité, ce ne sont pas de simples gardes du corps, ils font partie intégrante des services secrets du pays, spécialement affiliés à la sécurité des personnalités importantes. De toute manière, entre le privé et le politique, pour certains en Russie, il n'existait aucune barrière, et ne parlons pas de ses fonds électoraux. Non. Nikolaï exploite plusieurs plate-formes pétrolières au Nord, il sait faire plaisir au président Poutine ; le reste est acquis.
Traînée vers l'une des alcôves privées, Scarlett se mord la lèvre – signe de nervosité. Il va la battre ? Non, il a renoncé à la fellation ? Pourquoi ? Serait-ce...parce qu'elle est inexpérimentée ? Elle a honte soudainement, non pas de pratiquer mais de ne pas savoir le faire. Le sucer, elle l'aurait fait dans cette salle, devant tous – peut-être à contrecœur au départ à cause de l’exhibitionnisme qu'exigeait un tel acte. Dans tous ses états, la métisse admire Siegfried avec de grands yeux paniqués. A côté, le couple gémit. Ils ont délaissé les baisers de cour de récré pour des préliminaires engagées. Elle cligne des eux à plusieurs reprises, tente de remettre ses idées en place.
« Je...je suis navrée, je ne pensais pas que t'...vous affecterait autant. Ce n'est que...le journal ne me paie plus assez et à côté les frais d'université ont doublé, le prêt de la maison, et tout...J'aime beaucoup la danse, c'est mon seul sport et.. »
Mais qu'est-ce qu'elle raconte ? Par-dessus l'épaule du prussien, elle capte la silhouette de Honda. Il se dirige droit sur eux. Elle attrape son compagnon par le poignet et le tire à sa suite dans les coulisses, là où l'établissement se scinde en plusieurs couloirs menant à des chambres de luxure. Elle n'a jamais vraiment visité, mais Ekaterina lui en parlé plusieurs vois. Elle s'engouffre dans la première disponible, retourne le panneau signifiant la teneur des activités qui se déroulent désormais dans la pièce et verrouille à l'aide d'une clé sur la serrure.
« Entschuldigen Sie bitte, Mein Herr. Je ne recommencerai plus. »
Et n'y tenant plus, elle se jette contre lui afin de l'embrasser. Le baiser est doux, mais ses lèvres insistantes. Elle sent un brasier se répandre à l'intérieur de ses cuisses. Son odeur masculine, si propre à lui, la texture de ses lippes, le goût de sa bouche aux légers relents de Malt. Elle lui aurait volontiers expliqué que s'il n'aimait pas sa tenue, il pourrait toujours la déchirer. Toutefois, sa conscience sonne l'alarme : « Le patron, ma pauvre conne. Il est toujours à tes trousses. » Merde.
Après avoir vérifié par le juda que la voix est libre, ils ressortent à pas de loup. Pourquoi cherche-t-elle à se cacher du gérant ? Elle n'a rien fait de mal. Ils regagnent la salle principale où se déroule un autre spectacle, avec une autre fille déguisée en infirmière. Sur le chemin de la sortie, Honda se dresse.
« C'est qui lui ? Il se passe quoi bordel, Akina ? »
« Ecoutez...c'est... »
Elle va mourir. Tout à coup, elle n'a plus du tout envie de le présenter comme son petit ami.
« Mon professeur. » sourit-elle. « Il me raccompagne chez moi, les routes ne sont pas sûres à cette heure. »
Il les couve d'un regard suspicieux. Il est une heure, le service de la demoiselle se termine. Nikolaï est déjà furieux. Rien ne sert de les retenir sans avoir de problème avec la Police par la suite. Il se décale d'un pas, et Akina fonce dehors. Sa voiture est garée plus loin, mais avant de faire un mètre de plus, elle se tourne vers l'allemand, dépitée.
« Je vais arrêter, je trouverai autre chose. Je m'en veux énormément et... »
Elle est brutalement interrompue par des pneus qui crissent. Dans son dos, une grosse cylindrée vient de freiner. La porte arrière s'ouvre, un homme en costume en noir surgit, l'attrape par le bras et la contraint à embarquer. La scène ne dure que dix secondes. Elle n'a même pas le temps de crier. La portière claque, la voiture redémarre. Plaque diplomatique russe. Le coup est clairement signé.
A l'intérieur, elle atterrit sauvagement sur la banquette arrière. Son premier réflexe est de hurler, d'appeler à l'aide. Cependant, ses maigres tentatives sont avortées par des gifles conséquentes. Putain. C'est plus douloureux que sur la plage. Son ravisseur parle russe, le chauffeur aussi, elle ne comprend rien, si ce n'est qu'elle doit se tenir à carreau pour éviter une nouvelle volée de claques.
Akina sera débarquée quinze minutes plus tard, dans un hôtel huppé de Seikusu. A cause du séjour impromptu d'un dignitaire politique russe, la sécurité y a été renforcée. Les deux hommes l'encadrent, contre son flanc, elle sent un objet faire pression : le canon d'une arme ? Un couteau ? Non, elle préfère ne pas y penser. Ils franchissent les portes sous le sourire radieux des hôtesses d'accueil. Ce genre de magouille n'est pas digne de Nikolaï, mais il faut croire qu'il avait décidé de jouer quitte ou double. Qu'est-ce qu'était une petite séquestration nocturne quand on bénéficiait de toute une séries d'impunités ? Au pire, il la tringlerait toute une nuit durant. Au mieux, il parlera. Et quand Tsoukanov parle, des choses intéressantes se disent.
-
Siegfried regardera sans réagir. Complètement abasourdi. Putain. C'est seulement quand on l'éloigne, laissant un grand vide sur le siège conducteur, qu'il commence à réagir. Il y saute, ferme la portière, et se dépêche de faire demi-tour pour suivre la camionnette. On ne lui vole pas sa chose. Enculés de rouge, enculés de reste de capote soviétique, les insultes fusent dans l'habitacle, il garde une certaine distance pour ne pas se faire griller, jusqu'à ce qu'enfin les roues du kidnappeur se stoppe. L'hôtel est repéré. Soit il tente de faire ça sur l'instant, soit il retourne à son appartement pour prendre de l'armement et du matériel. Trois secondes d'hésitation, et il sort de sa chemise son étui en métal, se fait un injection, abandonne le poison sous le siège, et sort de la voiture.
Une cabine téléphonique. On vérifie qu'il n'y a pas de caméra braqué dessus. Il y pénètre, saisit le combiné avec sa manche, compose de la même façon histoire qu'il n'y ait pas ses empreintes. C'est la police qui est appelée. Meurtre d'un dignitaire étranger au Mitsui hôtel, ses services de sécurité refusent d'appeler la police, il faut prévenir les gradés. Boum, il raccroche, et fonce jusqu'à l'hôtel.
Il s'agit de garder la tête baissée, figé sur son portable pour ne pas faire trop suspect. Il fonce vers l'ascenseur sans réfléchir, salue brièvement les personnes à l'accueil comme s'il les connaissait déjà, prend l'ascenseur, appuie sur tous les étages. Chaque fois que la porte s'ouvre, il scrute les couloirs et rentre dedans. Arrivé au cinquième, boum : Deux cerbères en costard qui lui font signe qu'il ne peut pas avancer. Ah ? Oups, pardon, trompé d'étage, je suis au-dessus. Il descendra donc au sixième et prendra les escaliers pour descendre. On aurait bien utilisé le cliché de passer par la trappe au plafond, mais celle-ci est trop haute, la cabine d'ascenseur étant franchement immense. On trouve donc d'autres solutions, hein.
Reprenons. Il descend donc les marches pour aller au cinquième, et voit que la porte de l'étage est gardée elle aussi. Il fait semblant de passer devant lui tranquillement, et une fois dos à lui, lui décoche un puissant coup de coude qui envoie sa tête se fracasser contre le mur adjacent. Sonné, évanoui. Lui qui pensait qu'il allait devoir se battre un peu plus. Il récupère le flingue que le russe porte pour le mettre à sa ceinture, à l'arrière, prend le talkie, et regarde celui-ci. Il répète plusieurs fois une phrase en russe. Il n'est pas sûr d'un certain accord. Il respire. Tant pis. Au pire, il tire dans le tas.
Avant de balancer ce qu'il veut balancer aux oreilles des autres gardes, il faut se couvrir le visage. Merde. Le temps défile, le risque qu'il soit découvert augmente. Il commence à ouvrir la chemise du vigile pour improviser quelque chose quand des pas se font entendre dans l'escalier. Bordel. Son cœur s'emballe. Il s'apprête à fuir, quand une autre idée naît.
On le verra ensuite dans le couloir. Coucou à tous. J'ai un otage. Ouai, finalement, la subtilité et les plans échafaudés, c'est pour les pédales. Voilà Siegfried, tenant à bout de bras le col du type, l'autre main appliquant le canon d'une arme sur son crâne. La sécurité est enlevée, il a pris le temps de vérifier les balles. Son visage est masqué par un ingénieux système : Le corps de la chemise sur les cheveux, les manches passées sur le nez et la bouche, noué sur le côté. Il aura récupéré la veste du type pour planquer ce qu'il porte en-dessous. Il compte aussi sur le fait que les caméras soient désactivés, procédure habituelle lors de la visite de ce genre de personnes, puisqu'ils n'aiment pas qu'aux JT soient diffusés des images d'eux frappant des petites employées, entre autres choses.
Et il demande à voir Nikolai.
Il aura bien attendu cinq bonnes minutes. Une discussion s'était engagée. Il avait masqué ses origines en feignant un accent américain. Un boche vivant au japon parlant russe avec un accent saxon. Tout est normal dans ce foutu monde.
Nikolai finira par arriver. Le porc, il reconnaît sa voix, c'est bien lui, reste derrière le coin d'un couloir pour ne pas être à découvert, et risquer de se prendre une balle.
-Qu'est ce que tu veux ?
-La fille.
-Pourquoi ?
-Parce que son père est de chez nous. Son nom est Walker. Touche-la, et c'est l'incident diplomatique.
Il venait d'improviser ça. Putain, quel génie, se dit-il à lui-même.
-Je le baise, ton Obama.
Quelle vulgarité.
-Je le baise aussi, pendant qu'il se fait sucer par ton Putin. File-moi la fille ou tu ne sors pas en vie de ce pays.
Il parle russe d'une façon saccadée, approximative. Ses cours sont loin.
-Tu me menaces ?
-Si tu touches à la fille d'un lieutenant de l'armée américaine, tu auras un... un... accident.
Il se maudit. Ses neurones carburent à plein régime, ses sens avec, mais il lui est difficile de parler un langage pas pratiqué depuis des lustres.
-Ecoute-moi bien, toi...
-Ta gueule.
BLAM. Le flingue transperce le bras de l'otage, qui hurle soudainement, se tortille, et est vite recadré par Siegfried. Il s'écroulera cependant au sol ; pas grave, Siegfried s'accroupit, se rapetisse pour rester derrière son bouclier, agenouillé, toujours tenu.
-Les flics sont en route. L'armée aussi.
-Je sais. On m'a prévenu. C'est toi qui les a appelé ?
-Oui. Elle ne le sait pas, mais je suis toujours avec elle. Pour sa sécurité.
Un silence.
-Ecoute, Nikolai. Demande-toi qui la police et les chefs de ce pays vont écouter : Un membre des forces spéciales américaines, ou toi. Le Japon est l'esclave de qui, dans ce monde ?
Akina sera récupérée, et conduite jusqu'au hall, masque improvisé enlevé mais tête baissée. Ils parviendront à sortir, difficilement à cause des policiers qui arrivent dans l'immeuble. Siegfried tient sa protégée par les épaules, jusqu'à la jeter dans la voiture. Il lui donne d'ailleurs son flingue.
-Tu conduis jusque chez toi. Tu t'y barricades. Si quelqu'un t'attaque, tire dans la jambe. Je m'occuperai de ta défense au tribunal quoiqu'il t'arrive. Grille les feux s'il le faut.
Portière claquée. Il court ensuite, se débarrasse de la veste volée dans une poubelle (non sans avoir récupéré ce qu'il y avait dans les poches) et tapera ensuite un sprint jusqu'au Red Velvet, façon Usain Bolt, le dopage en plus. Une fois arrivé, il tentera de maîtriser son essoufflement. Là, il demande à voir le responsable du coin. On le conduit à Honda. Il demande à voir Akina. Akina est partie avec vous, non ? Répond-il visiblement tendu. Reproche sous-jacent. Oui, mais une bande de types l'a enlevé. Putain. Woa. Honda fait le lien, mais élude la question, je sais pas, je sais rien, machin, tout ça. Siegfried appelle donc les flics devant lui, avec son portable. Il déclare l'enlèvement. C'est très sérieux. On lui demande de venir au poste, il fait OK.
Un tour au poste de police. Ce qu'il ne faut pas faire pour une mise en scène. Il explique que c'est lui qui a appelé, que tout va bien finalement elle a envoyé un SMS pour dire que c'était des amis qui l'avait emmené, il s'était mépris, il remplit un formulaire, et sort.
Une heure d'inquiétude donc, et Akina voit enfin Siegfried arriver. Il frappe, s'annonce, entre. Claqué.
-La ferme.
Il fonce boire un grand verre d'eau du robinet, puis un autre. Il impose le silence, jusqu'à ce qu'enfin sa réflexion soit dénouée.
-OK... Je vais t'expliquer ça simplement.
Promis.
-Apparemment, t'as filé une érection à un responsable russe... Précisément le type qui tient ma baronnie.
Il chope un bout de pain lyophilisé, et étalera de la marmelade dessus à la va-vite. C'est juste histoire de se remplir le bide.
-Putain, Akina... Tu sais combien de filles finissent dans les pattes de la mafia russe à cause de conneries comme ça ? T'as une idée de ce que c'est, ce milieu !?
Il voudrait bien la frapper, mais pas parce qu'elle a risqué sa vie : Parce que lui, Siegfried, a compromis son intégrité pour elle. Il envisage déjà de déménager. Ca tombe bien, vu les vacances scolaires, il va pouvoir trouver un autre travail, dans une autre ville.
-Tu vas démissionner, point. Tu veux danser ? Danse pour moi. Fais la pute sur le trottoir à ton compte, mais pas... pas dans des...
Grosse frayeur, il aura soudain frappé le plan de travail du plat de sa main.
-TU AS SCIEMMENT TRANSGRESSE LES REGLES !! Je t'avais dit pas d'activité sexuelle, putain ! Je me fous de tes problèmes d'argent, tu as d'autres moyens pour les régler ! Pourquoi tu ne m'en demandes pas, hm !? Pourquoi ce n'est pas à moi que tu te vends !? Les inconnus te... DEGAGE ! DANS TA CHAMBRE ! C'EST UN ORDRE ! N'EN SORT PAS !!
Tiens, Jack Walker est de retour et elle n'était même pas au courant.
Et que fait Siegfried quand il est énervé ?
Du propre.
C'est compulsif. Ainsi, il trouvera la machine à laver, normal, une maison d'américain, et il y mettra une partie des vêtements sales se trouvant dans sa valise. Il fera un tas avec ce qui ne peut qu'aller au pressing. Pendant que le tambour tourne, le voilà saisit du matos à ménage : Lingette, serpillière, balai, éponges. Mis torse nu, le voilà en train de récurer la cuisine, le salon, sans oser toutefois monter à l'escalier. Il purge sa haine ainsi.
Il a trop frotté. Il veut faire une pause. Il est presque quatre heures du matin. La machine a terminé son cycle, mais il n'a plus le cœur à continuer. Il laissera les utilitaires d'hygiène en bordel sur le sol, se lavera les mains, et montera la voir.
-Akina ?
Il entre. Semble s'être calmé. Il sent un peu la sueur, mais c'est assez léger. Il voit qu'elle a des petits yeux. La fatigue. Les pleurs, peut-être. Il constate qu'il la réveille, et s'en sentira un peu coupable, elle a eu une grosse journée, et n'a pas comme lui ses piqûres pour tenir.
-Tu vas bien m'écouter. Tu as failli disparaître. Tu aurais pu mourir. Moi aussi. Si je suis découvert, ils peuvent me traquer, me tuer, te tuer, nous mettre en prison, ou faire bien des choses. Ce sont des gens sans scrupules, tu comprends ?
« À peine plus que moi ! »
-Je vais te laisser une dernière fois le choix. Soit tu es mon esclave, tu me dois une obéissance stricte et aveugle, et j'accepte de continuer. Je ne sais pas... comment, mais je vais trouver une solution pour être sûr qu'on soit tranquille. Soit... Soit je te laisse, j'arrête de prendre des risques pour toi. Mais... merde, tu te rends compte de ce qui t'es arrivé !?
Même pour lui, c'est pas commun. Même pour lui.
Elle ne l'aura pas remarqué, mais il est entré avec quelque chose dans les mains. Une petite boîte genre réceptacle à bijou, plat et carré. Ca vient de chez le joaillier. Du velours (ou simili) noir, avec, en argenté dessus, le nom de Scarlett, en caractères gothiques. Acheté en Allemagne, le cliché est là, on ne s'y trompe pas, soyez rassurés m'sieurs dames. Il l'ouvre devant elle.
Un collier de cuir. Et oui... Là encore. Cliché, mais nécessaire.
Du beau cuir noir, un peu épais, avec une petite boucle au milieu. Qu'on se rassure : Celui-ci n'a pas été acheté chez le joaillier, contenu et contenant proviennent de boutiques différentes. On ne saurait nier néanmoins la qualité esthétique et matérielle de l'objet. La sangle est discrète, les attaches nombreuses pour permettre d'ajuster au mieux.
-C'était pour toi. Si tu en as envie. Je vais te laisser y réfléchir, et te reposer. Je vais dormir en bas, OK ? À demain.
Il lui laisse le coffret, l'embrasse sur le front, et sort.
Dormir ? Ahah. Avant ça, il faut suspendre le linge voyons. Après, il pourra s'écrouler dans le canapé.
Et sera réveillé aux premières lueurs du jour par une sévère nausée.
-
« Ne crains rien, Mademoiselle. »
Dès que la porte s'ouvre, les deux sbires l'abandonnent et elle est accueillie par le gouverneur. Ce dernier lui proposera galamment un verre de vodka qu'elle refusera, totalement sous le choc. Il fait mine de comprendre tout en lui indiquant un siège de velours pourpre.
« Je suis navré pour le rapt. Mais tu étais accompagnée, je n'avais pas le choix. Ton petit ami ? »
Il parle un anglais vague, bourré de fautes ; Akina doit replacer certains mots dans l'ordre, deviner des terminaisons. C'est laborieux. Tendue dans son fauteuil, elle se contente de secouer la tête pour répondre à la question. Puis, elle se rappelle que Siegfried est resté seul derrière, les pires inquiétudes envahissent son être, elle s'empresse de parler, la voix brisée :
« Vous...vous ne lui avez pas fait de mal ? »
Une gorgée de vodka plus tard, Nikolaï hausse les épaules et pointe du regard la tenue communiste portée par son otage d'un soir.
« Elle te va très bien, la tenue. Tu sais, je n'aime pas les mensonges. C'est qui ce mec ? »
Oh mon Dieu. C'est quoi cet homme ? La métisse lorgne vers la porte, devinant clairement la présence de ses ravisseurs. Par réflexe, elle masse sa joue douloureuse. Elle en a clairement marre de se prendre des coups. Tsoukanov ne perd rien du geste, et se satisfait de la comparer à une biche blessée. Il était temps de recharger son fusil, et de viser une seconde et dernière fois. De frapper en plein coeur.
« Tu ne réponds pas ? ».
Le russe retrousse ses manches après avoir déposé son verre d'alcool. Et elle le fixe de ses immenses yeux apeurés, incertaine de son sort. L'homme « d'affaires » a visiblement trop bu. Toutefois un coup de téléphone détourne son attention d'Akina. Il se déplace, récupère un portable vieille génération qu'il visse à son oreille, contrarié. Les premiers échangés sont en russe, mais confus, il bredouille en anglais.
« Quoi ?! »
Au bout du fil, son fils aîné l'informe de troubles survenus à Kaliningrad. Des attentats, parfaitement. Non, la police n'est pas sur le coup, c'est l'armée qui a été amenée à enquêter : on ne rigole pas avec les frontières russes.
« Merde. Qui ? Qui sont ces enfoirés ? »
Des identitaires allemands. Quelques nostalgiques du Troisième Reich, néo-nazis, anti-russes. Les profils pataugent tous dans ces eaux-là. Non, ils n'en ont eu aucun. Tous ont filé vers la Pologne. L'étudiante ne comprend rien, elle est trop fatiguée pour faire l'effort. Bientôt il raccroche. Pas étonnant, bien que la situation se soit stabilisée dans l'Oblast de Kaliningrad, il y en avait toujours pour faire chier leur petit monde. Ca marche par vague avec les extrémistes allemands. Une loi pro-immigration est discutée dans le pays et paf, on va déterrer les croix gammées. En attendant, il va avoir le dossier dans le cul s'il ne se dépêche pas de rapatrier sa gueule. Il n'a clairement pas envie de s'expliquer avec Poutine.
« Je dois rentrer en Russie, et tu vas venir avec moi. »
Et il se rapproche dangereusement, reprenant au passage une bouteille de vodka. Il va asperger Walker de la tête aux pieds. Elle en gémira de désarroi, car le liquide alcoolisé qui coule sur sa peau est froid et elle en est dégoûtée. « Qu'est-ce que vous faîtes ?!!!! » Sa respiration est haletante, elle veut fuir ce cauchemar.
« Je te rends un brin plus appétissante. »
Quand il sort un colt de son ceinturon, elle crie en silence, terrifiée. Il arme en sifflotant un air étranger qu'elle reconnaît parfaitement : l'hymne américain. Akina tremble, voudrait quitter son siège mais n'en trouve pas le courage. Clic. Le canon est déposé sur sa tempe imbibée de vodka. Il vient de retirer le cran de sécurité pour ordonner d'un ton jovial :
« Déshabille-toi. ».
Est-ce qu'elle va encore outrepasser la seule règle que lui a imposé Siegfried ? Coucher avec un autre homme, même menacée d'une arme : hors de question. Elle ne bronche pas, mais loin d'être inhumaine demeure secouée de tremblements. Elle a peur de crever, c'est normal non ?
« Dommage, c'est pas la première fois que mes hommes ramasseront un cadavre dans ma chambre. »
Son choix semble scellé lorsqu'une nouvelle sonnerie dérange le slave.
« Пиздец !! » jure-t-il. A nouveau le combiné est récupéré. Il a pas le temps d'en placer une. Son contact le contraint à se déplacer vers une fenêtre. Il aperçoit au loin, le long des principales artères de la ville, des gyrophares et des véhicules de l'armée. Il n'y a aucun doute sur leur destination. Et lui, n'a pas de doute concernant le sale cafteur. Il raccroche avec rage :
« C'était QUI ce mec ? Il a appelé tout un régiment, bordel. DIS-MOI ! »
Et il agite son arme sous le nez d'Akina, en désespoir de cause.
« TU veux PAS PARLER ? » hurle-t-il en l'attrapant par les cheveux. Le chien du colt court contre sa mâchoire féminin, glisse dans son cou moite, s'arrête entre ses seins près de son coeur. « Si tu étais resté avec Kenneth....ca ne serait pas arri... » Oh, la ferme. « Parce qu'au final, ce mec s'énerve car tu veux pas lui dire qui était ce connard de boche ? » La ferme, tais-toi. Stop. Qu'il appuie sur la détente, que tout s'arrête. Cet engrenage où elle avait fait l'erreur de glisser un petit doigt curieux et qui désormais menace de broyer son corps entier.
Nikolaï vient de disparaître. Rapide coup d'oeil vers la porte : il y est et parle à quelqu'un. Son coeur s'emballe, elle reconnaît la voix, malgré l'accent feint, malgré le masque improvisé. Elle la reconnaîtrait entre toutes. Akina a envie de hurler, de se précipiter à ses côtés. Mais l'ours est toujours sur son chemin, il négocie. Ce bâtard d'américain louche n'a pas tort. Après les attentats survenus à Kaliningrad, il ne serait pas question de faire des remouds diplomatique au Japon ET aux USA. Poutine ne pardonnerait pas.
Dix secondes et un coup de feu plus tard, elle est réceptionnée contre Siegfried. Tout va si vite. Malgré le chaleur estivale, elle meurt de froid. La Vodka sèche sur sa peau, sur ses vêtements, dans ses cheveux. Elle pue l'alcool, transpire la peur. Elle roulera jusqu'à la maison à 70km/h au lieu des 50 autorisés en agglomération, grillera effectivement un ou deux feux rouge. Elle a failli se ramasser une balle en pleine tête, une autre en pleine poitrine : elle n'est pas à un accident près. Vie de merde. Pour une fois, elle gare son véhicule à l'arrachée et se précipite à l'intérieur afin de s'enfermer à double-tour.
Tout se mêle dans son esprit. Téléphone en main, elle veut appeler son père et tout lui raconter. Ou Sam. Ou Kenneth. Il faut que quelqu'un aille aider Siegfried. Elle est terrorisée, ne prendra une douche que par nécessité d'arrêter de puer la vodka de luxe. Elle déniche une petite dans le panier à linge, et se décide à appeler son père.
Trois sonneries. Putain qu'est-ce qu'ils foutent tous ? Enfin, on décroche.
« - Ranch Walker
- Oui ?! C'est Akina !
- Ah, c'est John à l'appareil. »
Elle replace rapidement : Oui, oui son oncle. Celui à l'Etat-Major. Ils sont tous réunis autour du vieil Abraham on dirait. « C'est ma fille ?? Passe-la moi, bordel. Elle veut quoi encore cette conne. »
- Papa ?!
- Ouais. Tu fous quoi ?
- C'est...Siegfried, oh mon Dieu...des Russes..;je...s'il te plaît.
- Je comprends que dalle, putain tu vas à la fac pour ça ? Parler comme une attardée ?T'as pris de la drogue ? Raccroche tout de suite ce foutu téléphone, ou on va payer une facture de merde. »
Bip. Bip. Fin de la conversation. Elle va se mettre à chialer. Bon, prochain numéro. Kenneth. Elle entame la numérotation quand on cogne à la porte. Son sang ne fait qu'un tour. Ils sont revenus ? Impossible. D'un pas prudent, elle va ouvrir la porte et s'apprête à parler. Sûrement pour dire de la merde du genre « J'étais inquiète...que s'est-il passé ? »
« La ferme. »
Ok.
Elle le suit dans la cuisine.
Quoi ? Sa baronnie ? Non, elle ne sait pas ce que c'est le milieu, mais en a quand même eu un chouette aperçu : vodka, baise, armes à feu. Le pied, quoi. Et elle lui en veut carrément de lui parler sur ce ton, alors qu'elle était la victime dans cette histoire, que oui cette foutue règle parlons-en : si elle l'avait suivi jusqu'au bout, comme elle s'apprêtait à le faire, elle serait morte. Bordel. On lui aurait sans doute balancé de l'acide, et noyée dans l'océan. « Oula du calme, il est venu te sauver. » Tiens, pour une fois Madame conscience prend le bord du prussien. Champagne. Non, plus d'alcool.
Elle sursaute quand il frappe le plan de travail d'une main furieuse.
A l'étage, il entend la porte claquer. Les murs en sont légèrement secoués.
Elle essaie, oh oui qu'elle essaie de retenir ses pleurs. Toutefois, ils dévalent sur son visage accompagnés de sanglots salvateurs. Tiens, son téléphone portable traîne près de l'oreille. A travers son rideau de larmes, elle constate vaguement les messages envoyés par son rédacteur-chef. Il souhaite lui coller un nouveau reportage sur le dos.
Elle n'a plus la force. Quand Siegfried entre, elle trouve celle de s'asseoir sur son lit, à une distance raisonnable de lui. Malgré l'amour sincère qu'elle lui porte, la jeune femme est dépassée..
Son sommeil n'aura été peuplé que de cauchemars. Nikolaï tire. Il tire et même ivre ne rate pas sa cible. Siegfried d'abord, elle ensuite. Et jusqu'au petit matin, cet affreux scénario tourne en boucle dans sa psyché.
10:00 pétantes. La belle rescapée descend au séjour. Son cou est paré d'un cuir noir saisissant et parfaitement saillant. Lorsqu'elle ravale sa salive ou une gorgée d'eau ou un aliment, elle sent encore la dureté du collier résister au mouvement. Il faudrait du temps pour qu'il se détende. Au pied du lit, elle avait fait un choix : L'Allemand ou le Russe. Elle a cette désagréable impression d'être emportée par des vents contraires dont elle ne comprend pas les origines.
« Guten Morgen, » salue-t-elle, la gorgée nouée par tout un tas de sentiments. « Wie gut habt ihr geschlafen ? »
Elle découvre avec émerveillement, le repas préparé. Ce n'était pas un petit-déjeuner, mais un véritable dîner. Akina s'attable et ses yeux passent des plats à Siegfried dont elle loue encore une fois la beauté, puis aux plats à nouveau. Cependant, avant d'entamer la moindre nourriture, elle souhaitait mettre les choses au clair.
« J'ai décidé de porter ce collier parce qu'il est très beau, Danke schön. Vous croyez que je ne peux pas vous protéger, moi également ? Je comprends que votre intégrité aie été compromise par.... » Elle n'avait même pas de vocabulaire assez pertinent pour qualifier son enlèvement. « Mais j'ai préservé cette intégrité. Jusqu'au bout sachez-le. J'étais prête à mourir pour ça. Que se serait-il passé si j'avais donné votre nom sous....les menaces du russe ? Königsberg ? C'est ça ? N'aurait-il pas définitivement compromis toutes vos chances de recouvrir un jour ce qui fut les terres de votre famille ? J'avais peur pour vous. Je ne voulais pas qu'on s'en prenne à votre honneur. »
Le souvenir de l'arme sur sa tempe. « Déshabille-toi. » Elle n'a plus très faim.
« J'ai beau être jeune. J'ai beau être américaine, je sais ce que représente l'honneur. Mes parents ont servi dans l'armée. Mon père, même s'il a changé, il m'a appris ce que c'était l'honneur. Mes grands-parents aussi. J'étais décidée à ce que la seule chose qui me troue cette nuit-là, soit une balle de colt. Parce que je vous suis fidèle. Il n'y a même pas besoin d'une saleté de règle pour ça.»
Sa voix se brise sur le dernier mot. Elle s'accoude à la table, se prend la tête entre les mains. A cette heure-ci, Nikolaï avait dû regagner sa mère patrie. Pour le moment, l'affaire était close.
« Ist das nicht schlimm. » conclut-elle au final.
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Ah, oui, les nouvelles de Königsberg. Il les avait lu au petit matin, de quoi lui faire passer le vomissement qu'il venait de subir. Il avait fait quelques étirements, doucement, puis était sorti acheter ce qui manquait dans la cuisine.
De retour. Quand Siegfried n'était pas en forme, il faisait la cuisine. Alors...
Sur la gauche, tout juste sorti du four : Petites pommes de terre, avec la peau bien dorée et croustillante sur le dessus. Celles-ci étaient fendues en deux, avec au centre de la crème blanche et quelques fin enroulés de jambon fumés, et des herbes par-dessus tout ça.
Juste à côté : Un assortiment de bretzels, séparés en deux. D'un côté, des salés, avec les gros grains de sel dessus. On en faisait bien peu de chose. À côté, des sucrés. Ca se découpe et ça se tartine aisément.
Dans une petite assiette en longueur, un genre de chausson aux pommes avec de la crème au chocolat dedans, le tout découpe en petits rectangles parfaitement stables, rien ne déborde.
Et pour finir la farandole, une petite tarte aux oignons et aux lardons.
Oui, il s'était grave fait chier.
Quand elle est arrivée, donc, elle portait son collier. Le message était clair. Qui plus outre, elle avait cette tenue toute innocente, mais qui ne manquait pas d'éveiller en lui quelques sentiments. Il la regardait s'asseoir, allait la servir, mais préfère l'écouter. Un sourire gêné à l'entente de l'allemand, d'abord. Il est fier de ses efforts, et la gratifie d'un simple « Nicht sehr gut », tout simple, pour être sûr qu'elle comprenne.
Elle dit ensuite avoir résisté. Par fidélité. Par loyauté. Mein Ehre Heisst Treue. Il la croit. Il en a farouchement envie. Il acquiesce à ses mots en silence, puis baisse la tête. C'est normalement à son tour de parler, mais pour une fois, il ne sait pas quoi dire.
-"Haben Sie". Mange. Tu en as besoin. Il y a tout ce qu'il faut. Tu n'as pas mangé hier, tu dois te rattraper si tu veux tenir le coup.
Notons le café, aussi. Commençant à se servir, il passe sa langue sur ses lèvres, et lâche ses mots, désordonnés.
-Quand... j'ai fait mon service.... enfin, non, j'étais engagé volontaire. C'est très important. On nous a appris qu'il n'y avait rien de plus grand que la loyauté. C'était notre devise, c'était nos chants, c'était la gravure sur nos armes. Treue, dit-on en allemand.
Important, on prononce le E final. « Tro-i-euh », en phonétique approximative.
-Mais il est arrivé un moment où... On se demande où va cette fidélité. Bien sûr, on jure à notre chef, on jure à l'armée, à la patrie, et tout cela. Mais... Imagine, toi, Scarlett. Tu es face à un dilemme. Je t'ai interdit de faire quelque chose, formellement interdit. Mais tu sais qu'en transgressant cet interdit, tu me sauverais d'un quelconque danger. Alors, par ton intelligence, tu te dirais qu'il vaut mieux transgresser l'ordre, non ?... Mais par la même, en parlant simplement : Tu trahis en quelque sorte la loyauté, en la remplaçant par un autre genre. Il n'y a pas vraiment de réponse à cette solution. Tu sais... Si j'avais désobéi... J'aurais peut-être été passé par les armes, et ne serait plus là pour te parler, mais au moins, j'aurais agi selon ma conscience. Peut-être aurais-je sauvé des centaines de gens. Peut-être les choses auraient-elles été différentes. Qui sait si tu serais là.
Il paraît divaguer. À son – relatif – jeune âge, il a connu le combat ? Alors même que l'Allemagne ne connaît pas de réel conflit depuis 45 ? Il était dans les les forces spéciales, peut-être ? Ca expliquerait sa maîtrise du combat rapproché, et la portée de ses actions en tant que soldat. Akina pourrait-elle imaginer ça ?
-Je te dis ça parce que... J'apprécie ta fidélité plus que tout. Mais n'oublie pas que morte, tu ne me sers à rien. Tu voulais te sacrifier pour moi ? Je t'en suis vraiment reconnaissant. Mais... N'oublie pas de penser à toi, Scarlett. Tu mérites encore de vivre. Pas moi.
On pourrait reprocher longtemps aux différents magistrats de Nuremberg qui se sont succédés (ceux des tribunaux internationaux et les autres), mais la condamnation à mort par contumace était une peine bien clémente comparé au mal qu'il a commis.
Cette pensée lui rappelle qu'il a trahi l'esprit prussien. Son père est mort avant d'avoir appris que son fils avait abattu des slaves, civils, innocents, en avaient torturés d'autres. Il était content. Jamais il ne saurait que le glorieux nom des Königsberg porterait à jamais cette marque, et qu'en plus, la lignée nobiliaire était désormais éteinte, à moins d'un miracle.
Et si on lui laissait de nouveau le choix ?
Est-ce qu'il désobéirait si on lui demandait de faire retraite, là où il sait que ses hommes sont capables d'exercer une poussée suffisante pour briser les lignes russes ?
Oui. Oui, il désobéirait.
Est-ce qu'il désobéirait si on lui demandait d'exécuter les civils slaves ?
Ah. Ahah.
Non.
Il reprend le fil du présent, déconcerté par son passage à vide, et la regarde avec un sourire.
-Tu es très belle avec ce collier. J'espère qu'il te plaît. Il signifie ta définitive appartenance. Tu as le droit de l'ôter en public, ou devant ton père par exemple. Je t'autorise aussi à l'enlever pour dormir. En-dehors de cela, même seule, tu devras le mettre. Il te rappellera qui est ton Maître. Il te rappellera que tu es à mes pieds. Et que, quand je veux, je peux te priver de ton souffle. Je te vois déjà le serrer un peu lorsque, isolée, tu te toucheras en pensant à moi, pour te donner l'impression que ce sont mes mains autour de ton cou...
Sa main passe sur la joue de la vertueuse. Il s'accorde un nouveau sourire.
-Tu es belle même sans. Tu as un visage magnifique, Scarlett. À se damner. À tuer. Sois heureuse dans la vie, c'est tout ce que je te demande. Enfin... En plus de mes commandements.
Il reprendra son petit-déjeuner. Bon sang, il a une faim de loup. L'injection a été faite il y a deux heures, il avait déjà grignoté à ce moment-là, mais cette fois-ci, il doit combler un immense vide dans son estomac.
-On te trouvera un autre travail. Avec moins de danse peut-être, mais moins de mafia aussi.
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Parce qu'il lui demande de manger, elle fait l'effort d'une petite bouchée. Son dévolu aura heurté l'existence d'un bretzel sucré qu'elle savoure nature. Finalement, elle enchaîne les portions avec appétit. C'est délicieux. En mastiquant, elle réfléchit à ce qu'il lui dit. Il était militaire ? En Allemagne ? Ah bon. Si elle avait été étudiante en Histoire, nul doute que plusieurs boutons d'alarmes auraient été sollicités, mais en tant que scientifique rationnelle – peu aux faits des coutumes martiales allemandes, elle se contente d'approuver ses dires. Sans déconner, ce type est balèze. Alors c'était pour ça, la version commando du chevalier au secours de la demoiselle en détresse ? En fait, elle finit par en rire. Car l'idée d'envisager Siegfried en uniforme, chantant et claquant des talonnettes, c'était hilarant. Si, si, essayez. Elle arrête de rire, un morceau de bretzel vient de lui filer de travers à force. La belle toussote, et se pince les lèvres pour chasser son sourire moqueur.
De toute manière, elle est calmée rien qu'à l'image suivante : les mains du prussien qui se substituent au collier. Douces, froides, mais plus dures et impitoyables que le cuir. Ces même mains, qui claquent si bien, n'auraient aucun mal à entraver sa gorge. Les pensées malsaines s'enchaînent, elle n'écoute plus ce qu'il dit. Ses lèvres s'entrouvrent, soupirent son désir : elle a envie de lui, encore toujours. Mais comment il fait ? « Non, non, c'est toi qui est peut-être nympho, pose-toi la question. Aucune femme censée ne voudrait baiser avec ce con. » Oh, voilà la conscience qui s'obstine dans une aigreur vexée.
Pourquoi ce n'est pas à moi que tu te vends ?!
Les mots de la veille résonnent clairement. Elle déglutit, cette sensation est incroyable. Elle en perd la tête et profite d'un moment d'inattention de sa part ; un regard baissé vers son assiette, par exemple, pour se glisser hors de sa vue. Quand il relèvera les yeux ou sortira de ses pensées, Akina n'est plus là. Il ne reste que les relents de son parfum en suspension dans l'air.
En réalité, elle aura simplement chu sous la table, à ses pieds. Il pourrait bientôt sentir les mains délicates de sa chienne courir le long de ses jambes, puis s'ancrer contre ses cuisses qu'elle écarte légèrement, de quoi passer son minois exotique. Il peut maintenant la voir frôler son entrejambe, les yeux dressés vers lui et sa bouche articule au ralenti, si lentement qu'on peut apercevoir sa langue sensuelle aider à former les mots.
« Ich habe Lust auf Dich »
Fini la politesse. Qu'il la corrige de nouveau, ce qu'elle compte lui faire n'a rien de poli, ou d'élégant : elle préfère être dans le bain directement. Le tissu du pantalon de costume frémit : elle défait sa ceinture, un bouton, une braguette. C'est à tâtons, puisqu'elle ne le quitte pas du regard, que sa main ira réveiller puis chercher la queue allemande. Son visage plonge, son cul se lève et Siegfried voit son chibre disparaître entre les lèvres de sa protégée ; de belles lèvres, pulpeuses, charnues à la carnation rosée. Bon sang. Elle n'a jamais sucé un homme et c'est comme si elle avait fait ça toute sa vie. Ou bien alors, elle a trop mangé de glaces à l'eau. Toujours est-il qu'elle fait fondre la raideur du professeur dans l'étau de ses lippes chaudes, creuse ses joues afin d'aspirer ce goût particulier. Finalement, il n'était pas nécessaire qu'il prépare le petit-déjeuner, parce qu'elle déguste à l'image d'une bonne pute. Pour marquer le coup, elle aurait voulu lui réclamer de l'argent avant, tant pis, elle fera ça à la fin. Oui, elle prend ça comme un jeu de rôle et ça l'excite terriblement. Sa langue passe et repasse, sa gorge pompe, ses prunelles mordorées l'implorent en silence. Car en plus, Mademoiselle joue les innocentes.
Et elle a besoin qu'il arrive au bout, qu'il se vide dans sa gueule. Elle veut goûter ce qu'elle reçoit généralement en pleine chatte. Dommage que sa bouche soit pleine à craquer, sinon elle lui aurait exprimé combien elle adore le sucer. Progressivement, son rythme s'accélère et elle lèche tout ce qui glisse entre ses lèvres avec un bruit de succion vulgaire.
Un foutre brûlant lui balafrera la figure, des lèvres jusqu'aux paupières. Elle récolte une salve de sperme au terme d'une fellation rigoureuse, sursaute de surprise et gémit. Il ne fallait pas. Sitôt sa bouche ouverte pour geindre, que la semence s'immisce dans son gosier. C'est amer, mais addictif, comme lui. Ce n'est pas fini, attends. : en Allemagne, on ne fait jamais d'échantillons. Si y'en a un peu plus, on te le met toujours. La trique passe encore le barrage de ses lèvres et gicle le reste. Directement au fond ; pas le temps de savourer.
« J'espère que ça vaut beaucoup, » lui sourit-elle, souillée. « Parce que je sens que je vais adorer mon nouveau travail. »
C'est toujours mieux que de lui mendier de l'argent, et voilà qui lui permettrait de le voir plus souvent, à raison légitime. Chienne, pute...elle n'est plus à une attribution près.
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S'il s'y attendait... Oh que non. C'était soudain. Lui qui détestait les imprévus, il était servi, entre le stress de quelque chose qui échappe à son contrôle et l'excitation de la voir à ses genoux. Il aura tourné le regard cinq secondes vers la cuisine, et quand il en était revenu à elle, siège vide. Mais un mouvement présent sur ses jambes. Par réflexe, il avait reculé sa chaise, de quoi mieux voir ce qui s'y tramait. Elle était là.
La suite lui éclata littéralement la cervelle. Ses pensées se brouillent, s'atomisent. Il tentera de garder un peu de prestance, se servant de son gâteau aux pommes, buvant un peu de café. Il prétendrait volontiers qu'elle a fait ça toute sa vie, ignorant même que c'était sa première fois ; l'instinct de la chiennasse, née pour être à quatre pattes, coule sans doute dans ses veines. En tout cas, il est ravi, plus que ravi. Pour la première fellation qu'elle lui donne, elle y met du cœur, parvenant même à lui extraire quelques discrets gémissements. Voir sa queue disparaître à rythme irrégulier dans entre les lèvres charnues de son amante, soutenant difficilement son regard, ces mêmes yeux qui semblent l'implorer de jouir.
-Cela faisait des lustres qu'on ne m'avait pas sucé aussi bien...
Il était sincère, tiré dans des filets qu'il ne tient pas. Pour une fois, c'est elle qui a les rênes, et il n'aura aucune emprise ; aucune volonté d'en avoir d'ailleurs. Il se sent... et bien, comme il devrait se sentir : Comme un pacha, n'ayant rien à faire, juste à subir le plaisir qu'elle lui donne.
Il est au paradis.
Il ne cherchera pas à jouer, à la faire souffrir, ou quoi que ce soit. Il se contentera de jouir, une main crispée sur la table, l'autre ayant saisi la chevelure d'Akina pour l'écarter.
Regarde. Regarde-le jouir dessus. T'humilier, te couvrir de sa semence, celle de la race pure. C'est une bénédiction sur ta personne.
Il aime tellement voir le magnifique visage de son esclave couvert de son foutre qu'en s'épandant dessus, il pourrait avoir un second orgasme dans la foulée. Un excès de violence le saisit : Alors même qu'il n'a pas fini, il enfonce brutalement sa queue dans la gueule ouverte et demandeuse de la belle soumise. Quitte à massacrer sa gorge sur le coup, tandis qu'il fini de se vider en elle. Il la libérera après. Il n'a pas été si rude que ça, elle semble avoir bien supporté. Paradoxalement, il semble plus essoufflé qu'elle. C'était puissant, intense.
Merci, voudrait-il dire, s'il était capable de parler.
Il doit d'abord reprendre ses esprits. Elle le fait sourire. Il se penche vers elle, coudes sur les genoux, caressant son cou d'une main, trouvant le toucher du cuir. Il n'hésite pas à l'embrasser, d'ailleurs. Pas gêné, un long baiser passionné. Après quoi il passera le revers de sa main sur ses propres lèvres pour en enlever la souillure qui s'y serait étalé, pour donner celui-ci à lécher à Akina.
-Tu veux être ma pute ? Moi qui pensait avoir une chienne...
Il caresse ensuite sa chevelure, se redresse un peu. Elle sent ses doigts pernicieux s'infiltrer sur sa nuque, doucement raffermir leurs prises sur elle.
-Je serais toujours là quand tu auras envie, quels que soient tes besoins. Tant qu'elle sait le mériter, ma jolie petite putain vivra sans aucune privation. Tu sembles avoir de l'appétit...
Sans attendre, il lui donnera de nouveau sa queue à téter. Puisqu'elle désire tant être entretenue, autant que ça vaille le coup. Cette fois-ci, c'est lui qui tient le mors. Sa poigne considérable maîtrise son crâne comme si Akina ne pesait rien. L'éminence qui perdait de sa vigueur regagne toute la forme qu'elle doit avoir. Il lui impose non seulement un rythme accru, mais aussi une profondeur à laquelle elle ne s'était pas habitué. Il va jusqu'à maîtriser l'angle avec lequel elle prend sa queue en bouche, le visage bien levé vers elle, la bouche devant faire de nouveaux efforts pour ne pas y mettre les dents. Elle verra qu'ainsi penchée vers l'arrière, sa gorge accepte mieux l'intromission sauvage de son gland.
-Chaque fois que je dormirais chez toi, ou toi chez moi, tu devras t'astreindre à cet exercice. Aah... Putain... Combien de fois as-tu sucé des queues pour être aussi bonne ?
Ses mouvements se font plus brutaux, le besoin de jouir une nouvelle fois se faisant plus impérieux. Vague mélange de douleur à cause de la sensibilité du précédent orgasme et d'un plaisir proprement colossal.
Finalement, il reculera un peu plus sa chaise, lui faisant baisser le visage un peu plus, le penchant un peu.
-Supplie-moi pour l'avoir.
Après une courte masturbation, un torrent de plaisir le submerge ; elle aussi, d'ailleurs. C'est sa face qu'il vise de nouveau, recouvrant le foutre séché qui s'y trouvait précédemment, et salissant plus abondamment le sol qu'il a récuré la veille. Aucun scrupule à faire ça. Il l'insulte au passage, mais avec une certaine affection dans la voix, tant et si bien qu'on ne pourrait douter qu'il y a de l'amour dans cette vile dégradation. En tout cas de la passion.
Le visage est ensuite ramené au niveau du sol. Il la regarde avec attention. Il ne supportera pas le refus.
-J'ai nettoyé par terre hier soir. À ton tour.
Il veut la voir lécher. Jusqu'à la dernière goutte. Effet pervers de sa position, puisque les tâches sur son visage coulent au sol. Il sourit. De la voir ainsi, croupe dressée, il voudrait l'enculer, mais il sait qu'il est physiquement à bout. Un troisième orgasme serait proprement impossible, même pour lui. Il finira par se blesser.
-Finis.
Il la relâche avec fermeté. Debout. Un verre d'eau. Une pause.
Et il l'enculera. Coup de genou dans la table pour qu'elle ne le gêne plus, culotte férocement baissée, il fera l'effort d'une efficace préparation, prendra sa chatte pendant qu'il la dilate avec ses doigts, puis enchaîne en fourrant sa verge dans son orifice anal qu'il sent demandeur et avide de le recevoir.
Il jouira ensuite sur ce cul sublime après un long moment, et complètement exténué, lui intimera de venir prendre une nouvelle douche avec lui.
Il n'est pas loin de midi lorsqu'ils ressortent. Il range sa valise. Il doit partir, voir comment va son appartement. Il doit aussi récupérer la caisse envoyée d'Allemagne dans une consigne, s'occuper des dernières formalités de l'université, enquêter sur Nikolai, et d'autres trucs divers.
-Tu survivras quelques jours sans moi ?
Il l'embrasse avant de partir. Il tient à y aller à pied.
-
Jour 1
Au départ, elle ne fait que laper le foutre au sol. Malheureusement, les gouttes récoltées par sa langue retombaient aussitôt et il était difficile pour elle de nettoyer les tâches laiteuses. Elle se résigne alors à avaler chaque lampée de sperme. La honte et la culpabilité refont surface, mais l'étudiante trouve une certaine satisfaction à demeurer face contre terre, la bouche encore ouverte et le minois maculé de semence. Dire qu'elle avait obéi à tout, aussi surprise que soumise : elle l'avait supplié de jouir sur elle à nouveau, s'était délectée de ses insultes. La commissure de ses lèvres l'élance au moindre mouvement. Sourire aussi est un peu douloureux. Elle ne lui aura pas avoué que c'était le premier homme qu'elle suçait, habituellement répugnée par cette pratique.
« Siegfr...non...attendez... » soupire-t-elle dès qu'il abaisse sa culotte de satin. En la pénétrant, il la réduit au silence, et elle subit les premiers assauts dans son con, secouée par la stupeur et surtout, terrassée par le désir. Sa langue s'écrase contre le carrelage à nouveau. Les doigts qu'il rajoute au creux de son autre intimité lui font perdre le peu de raison qu'il lui reste. Ses dents se serrent, elle contracte sa mâchoire pour s'empêcher de crier. Cela ne durera que dix secondes, car dès qu'il abuse l'étroitesse de sa croupe, elle sent les premières larmes de souffrance monter à ses yeux. Ce n'est pas bien différent de la première fois : sauvage et abrasif. Et au milieu d'un océan de douleur, des sillons de plaisir brut.
« Moins...moins fort...sinon... » halète-t-elle entre deux sanglots. Pourquoi pleure-t-elle alors qu'elle ressent tant de satisfaction à se faire ravager le fondement ? C'est cette putain de souffrance, foudroyante à chaque poussée de la queue impitoyable de son bourreau. A cause de ce mal intrusif elle perd définitivement pied. L'orgasme produit une déflagration brûlante dans tout son corps. Et pendant qu'elle retombe, lâche comme une poupée, il poursuit ses intrusions à répétition, ne laissant plus que la douleur pure. Elle y trouve son compte jusqu'à ce qu'il se vide sur son fessier.
La douche lui fera un bien fou. Elle en aura profité afin d'embrasser son amant à plusieurs reprises, sous le jet d'eau chaude, au milieu de la vapeur. Akina pensera sans doute qu'elle a raison de dépendre des lèvres du prussien, d'adorer leur goût. Après leur séance charnelle marquée de soumission, de condescendance, de souffrance et de luxure, elle apprécie tout particulièrement ces moments de tendresse qu'elle juge privilégiés. Cette capacité à souffler le chaud et le froid chez Siegfried faisait qu'elle l'aimait toujours un peu plus. Il finira de se laver avant elle, et la demoiselle devra concevoir que la distraction que lui offre la présence de l'allemand dans la même cabine de douche ne lui permet pas de se nettoyer correctement.
« - Ai-je le choix de survivre ? Fais attention à toi. » remarque-t-elle avec un simple sourire, les cheveux encore humides. Elle l'a encore tutoyé. Ca lui arrive quand elle laisse ses sentiments prendre le dessus sur tout le reste, quand elle pense qu'ils sont un couple à part entière.
A 14:00, elle est encore chez elle, en train de rêvasser. Elle peine à ranger les nombreux plats préparés en grandes quantités par Siegfried. Les Tupperware s'enchaînent et elle emballe avec soin chaque aliment. Elle avait changé de tenue pour sa petite robe fleurie, celle portée lors de sa première rencontre avec lui. Son emploi du temps est encore flou, elle ne sait pas si elle doit prévenir Sô, son cameraman, afin de lui signifier sa disponibilité. Ils doivent entamer un reportage sur un hôpital de la région. Elle préfère encore attendre, n'ayant définitivement pas la tête à ça, puis se promet de le rappeler le lendemain.
Un coup d'oeil à son téléphone, pas de message, pas d'appel. Elle espère seulement que l'officier soit bien arrivé chez lui. En réalité, elle ne sait plus trop où elle en est, pourquoi elle l'a laissé partir si vite, pourquoi ne l'a-t-elle pas suivi ? En repassant dans le salon, elle repère un post-it collé non-loin de son ordinateur portable. La belle va s'agenouiller devant et le relire, troublée. Les coordonnées du ministère des Affaires étrangères américaines et celles de l'Ambassade de Russie. Des flashes harcèlent aussitôt son esprit. La vodka qui coule sur son corps choqué, le pistolet sur sa tempe, le visage du gouverneur. Elle ferme les yeux et soupire. Kaliningrad, la baronnie ne sont qu'une seule et même entité. Ses doigts se referment sur le combiné du téléphone sans fil. Elle pourrait appeler Nikolaï, ou son cabinet, demander un rendez-vous : accepter ses caprices en échange d'une concession territoriale ? Mais tout serait-il si simple ? Et Siegfried, en saura-t-il quelque chose un jour ? C'est ridicule.
Akina termine son après-midi à rédiger une lettre de démission pour le Red Velvet, elle se présentera ce soir devant Honda. Au préalable, elle repasse l'uniforme soviétique, enfin le semblent d'uniforme. Le patron tiendrait à le récupérer. Sa voiture refuse de démarrer, elle devra s'accommoder du bus.
« - Bonsoir, Honda-sama. » salue-t-elle très poliment en lui tendant le costume plié avec la lettre posée dessus. Le japonais rechigne à accepter au départ. Au final, il concède qu'une fois Scarlett partie, il aurait moins de souci avec Tsoukanov, cette nana était une emmerdeuse finie. Il lui paie son solde et ne compte pas récupérer la tenue.
« Garde-la. Tu peux passer aux vestiaires récupérer tes maigres affaires. Après ça, je ne veux plus te voir. »
Elle le remercie, et traverse la salle de spectacle encore vide à cette heure-ci. La musique tourne dans le vide, les spots lumineux s'agitent en vain. Quand elle parvient aux vestiaires, c'est pour découvrir Ekaterina Vodianova en pleurs, effondrée face à un miroir aux néons capricieux. Walker délaisse immédiatement son sac à main sur une commode toute proche et se précipite vers son ancienne collègue, inquiète.
« Oh mon Dieu, Ekaterina. Que...que se passe-t-il ? »
Sa voix est douce, réconfortante et elle joint les gestes à son intonation bienveillante : entourant les épaules de la malheureuse d'une étreinte fraternelle. Ce n'est qu'au moment où Kitty libère son visage de ses mains accablées qu'Akina découvre des ecchymoses familières, celles que gagnent toute femme battue qui monte en grade. La métisse en est catastrophée, car c'est elle qu'elle revoit à travers ce reflet.
« Il...il est revenu le lendemain... » sanglote la russe, déphasée.
Nikolaï. Qui d'autre ? Il est revenu pour faire passer sa colère et ses nerfs sur Ekaterina, sa chose, sa propriété. Soudainement, elle prend conscience qu'elle n'est pas si différente. « Non. Toi tu as le choix, il t'a dit que tu pouvais partir quand tu n'étais plus satisfaite. » rétorque sa conscience.
« Aucun client ne me voudra comme ça...je n'ai plus de quoi payer mon loyer.
- Viens à la maison, tu dormiras dans ma chambre. Tu ne crains rien là-bas. »
Elle a parlé à la hâte bien sûr, sans réfléchir : mue par un élan de solidarité criant, mais elle pense chaque parole. Puis, dans la précipitation, elle rajoute.
« - Siegfried ne le laissera pas approcher.
- L'homme qui t'accompagnait hier soir ? Hoquette Kitty, ses grands yeux pâles rivés sur la silhouette de l'étudiante.
- Oui, il m'a sauvé de lui. Et moi aussi, je ne le laisserai pas faire s'il tente de revenir te voir. A la maison tu seras en sécurité, je te le jure. »
Il faudra encore de nombreuses minutes pour réussir à convaincre Mademoiselle Vodianova qui est effrayée. Toutefois, elle finit par remercier sa nouvelle amie avec un sourire triste et toutes deux quitteront l'établissement sous l'oeil avisé de Honda, leurs maigres affaires de service au bout du bras. Fi du bus, Walker décide de marcher en compagnie de la slave, une heure, exactement. Voilà qui laisse le temps à la victime de reprendre son souffle, de purger ses émois. Une fois arrivées à la maison familiale, elles conviennent de chercher les effets d'Ekaterina le lendemain matin. En attendant, elle pourrait toujours se servir dans la garde-robe d'Akina. Le reste de la soirée, elles le passeront à parler de tout et de rien, attablées autour de morceaux de bretzels et autres mets du matin.
« - C'est ton petit ami ? Il a préparé tout ça ? S'enquit l'aînée, impressionnée.
- Ce...n'est pas vraiment mon petit ami, articule-t-elle péniblement, la mine contrite, Juste un ami de la famille.
- Avec qui tu couches ? »
Blanc. La scientifique se sent tout à coup mal à l'aise. Elle déglutit et se lève afin de commencer à débarrasser la table. Ses mains tremblent à l'instar de ses lèvres.
« - Désolée, je n'aurais pas dû....
- Non, la coupe Scarlett en forçant un sourire de façade, ce n'est rien. C'est vraiment juste. Un ami. Je t'ai préparé de quoi prendre une douche. Tu peux coucher dans la chambre de mon père, ca ne le dérangerait pas. J'ai changé les draps depuis son départ. Au moindre souci, tu m'appelles. Bonne nuit, Kitty. »
L'autre blonde comprend que la métisse n'a plus envie de parler. Elle opine aux explications, la remercie vaguement et s'empresse de monter à l'étage. La journée a été longue. Jusqu'à 23:25, Akina s'occupe de faire la vaisselle, ranger un peu le salon et passe du temps devant son PC. Elle tourne et retourne le post-it avec les fameuses coordonnées, déchirée entre l'envie d'aider Siegfried et la volonté de respecter ses engagements. Un Baron, ca représente quoi aujourd'hui ? « Et toi, tu te vois Baronne ? ». Foutaises. Contrariée par sa conscience, elle froisse la note une bonne fois pour toute et la rejette. C'est exclu, évidemment. Elle envoie un e-mail à Sô afin de discuter une date concernant le reportage En réponse, elle apprend que le collègue des faits-divers vient de démissionner et que le rédac-chef lui proposera sûrement d'assurer l'intérim. Elle digère l'information avec un optimisme feint et montera ensuite se coucher. Dans l'escalier, elle traîne des pieds et s'effondre au milieu de son lit après avoir récupéré son iPhone. 23:30. Son seul SMS de la journée sera envoyé à cette heure-ci.
Akina [23:30] : A mon tour d'approcher l'heure du crime.
Gute Nacht, Mein Herr.
Vibrements. Une réponse est arrivée dans les minutes qui suivent.
Siegfried [23:33] Comment s'est passée ta journée ?
Ouf. Soupir de soulagement. Elle ne compte pas lui expliquer en détails les malheurs de Kitty. Il n'avait certainement pas envie d'entendre parler de Nikolaî à nouveau.
Akina: [23:34] Bien vide, sans vous. Le Daily Seikusu m'a proposé de prester des heures en plus.
Voilà qui règle bien des problèmes.
Avez-vous tout ce qu'il faut chez vous?
Siegfried: [23:37] Il manque une jolie soumise. Mais il vaut mieux que je ne sois pas distrait.
Tu n'auras pas besoin d'un autre travail ? J'aurais pu m'en charger.
Elle fronce les sourcils et se mordille la lèvre inférieure, incertaine. Ses doigts vont pianoter frénétiquement sur l'écran. Mieux vaut lui dire des choses rassurantes, elle n'apprécierait pas qu'il se fasse du souci.
Akina: [23:38] En réalité, je pense postuler comme assistante du prof Reuters, pour l'année qui vient. Nous deviendrons presque collègues et l'univ. paie bien. Qu'en-pensez-vous?
Ce n'est pas un mensonge. Chris lui avait bien proposé un poste avant les vacances. Il avait encouragé Akina à se présenter auprès du conseil facultaire afin de combler le poste. Elle serait tout à fait apte à corriger des copies de premières années, de gérer l'emploi du temps, de participer à des colloques scientifiques et enfin, de lui servir du café qu'il partagerait avec elle, évidemment. Sans compter que cette attribution lui octroierait la possibilité de travailler en laboratoire quand bon lui semblerait.
Siegfried: [23:41] J'ai un peu plus le droit de coucher avec mes collègues qu'avec des étudiantes.
Si ça te plaît, fais-le. Participer à l'enseignement est ce qu'il y a de plus enrichissant, et sur un CV c'est un plus.
Je serais fier de toi.
La remarque force un sourire sur son délicat visage. Elle se surprend même à rire toute seule, amusée par la première remarque. Il a l'air si paternel dans son message qu'elle a l'impression d'en être gênée. En pensant au père, elle se remémore que Siegfried avait servi sous les drapeaux allemands.
Akina: [23:45] Voilà des arguments pertinents, Mein Herr.
Je voulais vous le demander mais, oublié.
Avez-vous une photo de vous en uniforme?
Par simple curiosité d'abord, et par nécessité d'avoir une relique ensuite. Une image concrète qu'elle pourrait glisser dans un pli de son portefeuille - sortir pour l'admirer quand elle en aurait besoin. “Oh non, ma pauvre fille...” vomit sa conscience. Alors qu'elle patiente après une réponse, l'étudiante décide de récupérer son collier de cuir posée sur le chevet et d'en parer sa gorge gracile. Elle sert une première attache, puis une deuxième. La sensation lui plaît énormément; elle voudrait que ce soit lui qui s'occupe de maîtriser son souffle. En uniforme si possible, mais uniforme de quoi? Bah Allemand. Tu sais à quoi ça ressemble? Grmbl. Noir? Le cliché du Reich est trop présent. Elle en aurait presque honte, ce serait giflée. Bip, bip. Le téléphone indique la réception d'un nouveau SMS.
Siegfried: [23h51] Je le mettrais quand le moment sera venu. Il est chez moi.
J'ai moi aussi oublié quelque chose : T'imposer des contraintes.
Akina: [23:52] J'ai déjà serré mon collier, Mein Herr
Faut-il encore d'autres contraintes?
Siegfried: [23h55] Deux masturbations par jour. Un seul orgasme par jour.
Demain, je veux une vidéo de toi. Un strip-tease.
Et tu réfléchiras à un sex-toy que tu aimerais avoir. Je te l'offrirais.
Tu as oublié de me donner ta liste de demandes.
Elle lève les yeux au plafond, complètement dépitée. Elle se penche vers son chevet, s'empare d'un bloc-note et d'un crayon afin de noter clairement les intrusctions. Quant aux requêtes, elle hésite encore. Tout ce qu'elle comptait lui demander de ne pas pratiquer, il l'a fait : de gré et de force. Elle aurait l'air bête désormais de refuser les coups. Un frisson la parcourt au souvenir de la plage. En revanche, Akina convoite sa fidélité.
Akina: [00:00] Je note, tu es exigeant.
Je n'en ai qu'une seule et elle n'a pas changé:
L'exclusivité.
Siegfried: [00:03] Je te précise une dernière fois que je supporte mal le tutoiement. Je ne t'interdis pas de continuer, mais tu sauras ce qu'il en est.
Je t'ai déjà juré loyauté, s'il n'y a rien d'autre, c'est parfait.
Bonne nuit à toi, ma Scarlett.
A la lecture du dernier message, elle s'humecte les lèvres. Il s'énerve, et elle le trouve particulièrement excitant dans cet état.; terriblement beau, aussi, quand il est en colère. Avec ses cheveux bruns, son visage émacié et pâle, ses yeux couleur nocturne, le courroux est un sentiment qu'il lui sied bien. Il pourrait être là, face à elle sur ce lit...et lui faire passer l'envie de le provoquer. Elle ouvre immédiatement une fenêtre de réponse :
Akina: [00:05] Voyons, vous n'avez pas le bras si long pour me gifler depuis votre position. Ca m'excite de vous tutoyer.
Dormez-bien. Et n'oubliez pas votre piqûre.
Au moins, elle a cessé de le tutoyer; ne pas tenter le Diable. Et puis, elle ne parvient pas à lui refuser un ordre, c'est plus fort qu'elle. Elle est terrifiée par ce caractère de soumission qu'elle se découvre avec lui. Le téléphone toujours en main, elle quitte son lit et vérifie discrètement qu'Ekaterina dort bien. Visiblement, oui. Depuis la porte, la métisse constate un sommel agité, mais n'entend pas de cris. Elle va refermer la chambre avec douceur, soulagée et consulte sa messagerie.
Siegfried: [00:06] Celle en laquelle tu ne crois pas ?
Choc. Elle a fait l'allusion sans réfléchir, espérant se soucier de lui : qu'il remette cette hsitoire de pseudo-immortalité sur la table n'arrange en rien les choses. Elle réfléchit trop, devient nerveuse à ce propos. Et s'il disait vrai? Non. Impossible. Scarlett a peur, encore. Confuse, elle se refuse à répondre. Pas après une bonne nuit de sommeil, qui lui porterait peut-être conseil.
Jour 2.
Son réveil fait office à 07:00. Elle pousse une petite plainte agacée à cause de l'alarme bruyante et frappe dessus. Plus rien, le silence du matin finit par l'assourdir aussi. Ses draps sont encore imprégnés de l'odeur du prussien. Son image se rappelle à elle dès que ses yeux s'ouvrent complètement. Elle ressent tout de suite le besoin de se masturber, et s'y applique avec langeur, soupir après soupir : acculant son intimité trempée de ses doigts effilés jusqu'à l'orgasme, premier et dernier de la journée. Epuisée, elle retire la chemise de Siegfried qu'elle jette sur son lit défait. Elle regagne la douche déjà dénudée. A la sortie de la salle de bain, elle écrit un SMS. Elle y aura songé toute la nuit.
Akina [7:30] J'y croirai, si vous me laissez analyser le contenu en laboratoire.
C'est ma spécialité après tout.
Guten Morgen, Mein Herr.
Sa protégée de la veille dort encore et elle n'ose pas la tirer de ses songes. Elle irait en bas préparer un semblant de petit-déjeuner. Le bacon est d'ailleurs tout juste sorti du four que la sonnette retentit. Akina file dans le salon, puis le couloir et enfin le vestibule, ne perdant pas de vue qu'un fusil de chasse est caché tout près de la porte. Un au cas où d'après Jack Walker. Je ne t'ai pas appris à tirer pour faire joli, mais pour que tu plombes les enfoirés qui t'approchent quand je ne suis pas là. Ses mains fébriles déverrouillent l'entrée et elle tombe nez à nez avec un livreur dont les bras sont encombrés d'un énorme carton.
“Miss Walker? C'est pour vous, je dois le déposer quelque part?”
Elle met plusieurs secondes avant de réagir, abasourdie.
“Euh, ah! Oui...par ici, dans le salon. Qu'est-ce que c'est?
-Je ne sais pas. Il me faut votre signature ici," indique sèchement le garçon en finissant de poser le colis sur un fauteuil. Scarlett s'exécute et il repart aussitôt. Elle s'arme d'un cutter trouvé au fond d'un tiroir, et déchiquette le paquet de nombreux coups avant de pouvoir l'ouvrir. A la lumière du jour timide, elle découvre avec stupeur le contenu.
“C'est quoi? Demande une voix ensommeillée dans son dos. Elle sursaute brusquement et s'apaise en remarquant Kitty qui est habillée d'une chemise de Jack.
“Ah, bonjour Ekaterina. Ce..ce sont des roses blanches. Il doit y en avoir une centaine au moins. Qu'est-ce que...oh! Un mot!”
Elle récolte la petite carte, et son coeur se glace alors qu'elle remarque une écriture cyrillique. Du russe, à ne pas en douter. Elle reste figée ce qui finit par inquiéter Vodianova que la curiosité invite à s'approcher. Par-dessus l'épaule de Walker, elle lit à haute voix :
“ - J'ai appris l'impolitesse dont avait fait preuve mon père. En son nom, et au mien, je vous prie, Mademoiselle Walker, d'accepter nos excuses. Nous espérons encore vous voir en Russie, très prochainement.
Signé. Alexeï Tsoukanov.”
Akina, brûle tout ça. Ils sont tous fous dans cette famille.
- Qui est-il?
- Le fils du gouverneur de Kaliningrad. Il est officier dans l'infanterie russe. Je suis désolée pour toi.
La concernée opine gravement. Tout se passe si vite, il y a bientôt deux jours, elle était séquestrée et aujourd'hui, voilà qu'on lui présentait des excuses sur un tapis de roses. Comme si cela lui ferait oublier le coup de la vodka, le rapt, le colt et les blessures d'Ekaterina. Elle prend tout de même la peine de quérir plusieurs vases, et avec l'aide de Kitty dispatche les roses par bouquet qu'elles déposent un peu partout.
- On ne sait rien faire? Demande l'étudiante attablée devant le petit déjeuner. Porter plainte? Avertir les autorités russes?
-Ma pauvre, ce sont eux les autorités russes. Prie simplement pour qu'ils t'oublient. Ca arrive parfois. Mais parfois, quand une fille est difficile à obtenir, elle prend de la valeur.
Face à la mine chagrinée de la blonde, Akina se penche pour lui prendre la main, un sourire confiant aux lèvres.
- Ne t'en fais pas. Tu pourras rester ici tant que tu le veux.
- Mais ils savent où tu habites visiblement.
- Et ils savent que mon père est dans l'armée américaine, ils n'oseront jamais.
L'argument semble tenir. Scarlett s'excuse quand elle entend la sonnerie de son téléphone. Un message vient d'arriver et elle s'empresse de le lire.
Siegfried: [07:57] Guten Morgen.
Dommage que tu n'aies pas répondu hier, je comptais te montrer que la distance n'était pas un frein à la punition.
Alors là...pense-t-elle, toute chose. “Il rêve” achève sa conscience. Pendant que Vodianova débarrasse la table et s'attèle à la vaisselle, elle se réfugie dans un coin du salon pour répondre avec hâte, à la fois amusée et excitée. Qu'est-ce qu'elle adore quand il lui parle sur ce ton impérieux.
Akina: [08:05] Elle l'est. Si j'ai pu dormir, elle est forcément un frein.
Votre bacon me manque. Et celui grillé au four, pas celui qu'on trouve sous la table.
PS - Et les analyses?
Le sien n'a pas été une réussite. Elle a bien vu la mine polie d'Ekaterina qui peinait à mâcher un bacon trop cuit, et qui se forçait à sourire afin de ne pas vexer la cuisinière. Toutefois elle ment. Elle aurait souhaité, plus que tout, lui octroyer une nouvelle fellation.
Siegfried: [08:09] Je me vengerai ce soir, petite pute effrontée.
Sous la table ?
Je te laisserai faire ces analyses, mais vais devoir te demander en retour un service. Tu verras à ce moment-là.
A l'arrivée de la réponse cinglante, elle défaille. Une vague de désir vient de la percuter de plein fouet. Elle s'assoit sur le bord du canapé, relit le message, chamboulée. Petite pute. Se venger. Elle ferme les yeux et essaie de respirer normalement. Elle veut jouer.
Akina: [08:10] Etes-vous énervé? Pas assez, à mon goût.
Oui, sous votre table. Là où je me mets à genou pour vous...
Marché conclu, Mein Herr.
Elle ajuste la longueur de sa petite jupe bleu marine, et le col de son chemiser. Elle a soigné sa tenue puisqu'elle rencontre ses grands-parents maternels plus tard. Il faudra qu'elle vérifie une énième fois que le décolleté n'est pas trop imposant. Son grand-père est assez sévère sur la question. Elle n'ose pas se lever, tant qu'elle n'aura pas reçu de réponse;
Siegfried: [08:13] Ne joue pas à m'énerver. C'est plaisant, jusqu'au moment où je décide de te punir d'une façon que tu n'apprécies pas.
Je vois... Je comprends. Nous sommes le matin, après tout, et ton devoir te commanderait d'exécuter quelque chose à cette heure-ci.
Elle sait exactement quel devoir. Sa langue passe sensuellement sur ses lèvres demandeuses. Elle va néanmoins feindre l'ignorance, jusqu'au bout. La tentation de le provoquer est trop forte.
Akina: [08:16] Bestrafen Sie mich, Bitte. Mein Herr.
Mon devoir? Pouvez-vous me le rappeler?
Je suis distraite.
Distraite parce qu'elle a une folle nécessité d'être baisée par l'allemand, là tout de suite. Pourquoi fallait-il qu'il soit si loin? Ekaterina est remontée se changer. Elle empruntera des affaires à Scarlett. Tout près de son ordinateur, sur la table basse du salon gisent quelques livres de grammaire et de vocabulaire allemand. Elle était sérieuse lorsqu'elle parlait d'apprendre la langue. Elle verrait d'ailleurs à des cours du soir, une fois la faculté réouverte.
Siegfried: [08:18] Me sucer. Me faire jouir avec ta jolie petite bouche pour que je couvre ton visage de mon foutre.
Ne commence pas à m'exciter.
Là, elle rougit carrément. Inspire, inspire. Inconsciemment, elle vient de passer une main fébrile contre sa joue qui la veille était tâchée de sperme. De l'autre main, elle rédige une réponse.
Akina: [08:20] Glauben Sie nicht, ich sei unschuldig, Mein Herr.
Par politesse, je devrais achever ce que j'ai commencé.
Quant à vous faire une fellation (c'est très vulgaire de dire sucer)
si vous étiez-là, je n'aurais pas hésité.
C'est dit. Elle va pour déroger les yeux de son écran, un message arrive.
Siegfried: [08:23] Achever ça ? Comment donc ?
Sucer. Dis-le. Tu veux me sucer.
Putain.
Akina: [08:30] Je veux vous sucer. Que vous la mettiez" es tief in mich."
Est-ce assez propre?
(Comme ça.)
Sous sa jupe de tailleur, ses cuisses sont moites d'une cyprine dérangeante. A l'étage, elle entend vaguement le bruit de la douche. Ekaterina doit prendre sa douche. Elle pourrait, juste glisser une main entre ses jambes, remonter l'ourlet de son vêtement et...Non. Reprends tes esprits.
Siegfried: [08:32] Le "es" est superflu dans ta phrase, tu as mis "la" plus tôt.
Je voudrais que tu sois là pour me purger de ma luxure, ma petite chienne.
C'en est trop. Elle délaisse son téléphone, se lève et fait quelques pas nerveux dans le salon. Elle a chaud, se dévêtirait bien, mais est consciente que cela ne résoudrait pas le problème. Repassant devant le canapé, elle saisit son téléphone et écrit fébrilement :
Akina: [08:34] Vous êtes un professeur très doué.
A quand mon oral d'allemand?
Je serai passée chez vous, je me serai montrée très intrusive.
Mais vous ne devez pas être distrait, n'est-ce pas?
Elle sourit, fière d'elle. La réponse ne tarde pas.
Siegfried: [08:38] Tu as encore des progrès à faire, mais j'apprécie tes efforts. Beaucoup. Sache-le.
En effet. Je saurais m'en charger moi-même.
Tu fais ça uniquement par dévotion, n'est-ce pas ?
Coup de froid. Debout, elle choit immédiatement sur le sofa, figée de stupeur. La question vient de lui plonger la tête dans un bac d'eau glaciale. Elle aurait voulu prendre du temps pour réfléchir à une réponse appropriée, mais son instinct la devance. Comment peut-il un seul instant croire qu'il n'y a rien d'autre derrière sa dévotion? Est-il aveugle?
Akina: [08:41]. Non, Siegfried.
Je ne fais pas ça uniquement par dévotion.
Siegfried: [08:41] Parle.
Non, elle ne peut décemment pas lui avouer. Ce serait horrible pour elle. “Ca le sera pour lui aussi, et puis...bon”. Elle enclenche les touches tactiles au rythme des mots, ne sachant pas trop comment expliquer. Elle délie ses idées comme elle les pense.
Akina: [08:43] Je fais ça aussi par amour.
Pour vous.
Siegfried: [08:44] Bien.
À ce soir.
- Akina?
L'accent russe d'Ekaterina la sort de ses rêveries. Elle se dresse subitement et lui offre un sourire mi-figue, mi-raisin. La slave lui a emprunté un pantalon de toile beige et un haut couleur prune, au dos nu. Avec ses cheveux blonds tressés et ses grands yeux bleus, elle est radieuse. Elle doit d'ailleurs deviner l'air confit de la métisse puisqu'elle intervient en ces termes inquiets:
- Tout va bien? Tu es bien pâle...
- Oui, ahm...oui. Ecoute, je vais te donner un double des clefs. Je suis attendue chez de la famille pour dîner. Je ne rentrerai que ce soir. Ils habitent loin, mais ahm...fais comme chez toi. Je vais te laisser mon numéro au cas où.
Les grands-parents d'Akina habitent à 200 kilomètres ce qui explique la rareté de leur rencontre. Elle va souvent les voir à Noël ou lors de fêtes traditionnelles. Bien qu'ils soient demandeurs, Akina temporise toujours le moment où elle doit leur rendre visite, pour une raison très simple : Ils vivent encore au siècle dernier. Elle a déjà réservé un billet pour leur bourgade et patiente sagement à la gare bondée de Seikusu que son train soit annoncé. De temps à autre, elle vérifie son téléphone portable, mais sait pertinemment qu'elle n'aura plus de messages avant ce soir.
30 années auparavant, Japon 1984.
Jack Walker était nerveux. Du haut de ses 25 ans, il venait d'être promu sergent et paradait déjà dans tout le pays avec ses galons fraîchement acquis. Pour faire passer l'attente, il s'était allumé une clope, américaine, et tirait dessus comme un affamé. Il allait tout faire péter. Parfois, il mirait vers sa montre, s'assurait que l'aiguille avançait toujours au rytme d'un trot régulier. Enfin, elle annonça 21heures. Il écrasa le mégot de sa cigarette sur l'allée pavée et la remonta d'un pas vif jusqu'au manoir traditionnel des Kanzaki. Il portait son uniforme d'officier de l'USAF et en était particulièrement fier. Un domestique s'empressa de lui ouvrir les portes de la riche demeure. Il savait exactement où aller, Seika l'avait avertie.
Ils étaient tous en train de prendre le thé lorsqu'il débarqua en plein salon. Seika fut la première à se lever, un sourire rayonnant frappait son minois. Akira Kanzaki et son épouse, Akiko s'offrèrent des regards perplexes. Ils avaient déjà rencontré Jack à une ou deux occasions, quand leur fille finissait ses stages médicaux en unité de combat au sein de l'armée américaine. Ils avaient réprouvé son engagement, sans savoir qu'il avait été motivé par la rencontre avec cet homme.
“C'est moi...” déclara Walker, droit comme un i.
- Oui, je vois. Akira avait répondu sèchement. Un mauvais pressentiment montait en lui.
Sa fille se leva soudainement et d'un pas déterminé se dirigea aux côtés du texan, pour lui murmurer tout bas. “Je ne pense pas que ce soit une bonne idée finalement, je ne souhaiterai pas inquiété...mon arrière-grand père.” Il lui accorda un simple regard : “Tu m'as demandé de venir, je suis venu.” Les invités présents pour le thé assistaient à la scène, interloqués et le vieux Kanzaki-sama, patriarche du clan, avait frappé de sa canne au sol, mécontent ;
“Peut-on m'expliquer ce qu'il se passe? Où sommes-nous en train d'être une nouvelle fois envahis par l'ennemi.
- Ton arrière-grand père a autant le droit d'être informé que vous tous ici présent, tranche Jack. “
Jour 2, présent.
Le voyage a duré une heure trente, précisément. Elle s'est isolée près d'une fenêtre et a songé longuement. Peut-être qu'en s'éloignant de Seikusu, elle cesserait de penser à l'allemand. A l'arrivée, son grand-père a fait appel au chauffeur de la maison pour la réceptionner. Il porte une pancarte où le nom d'Akina Kanzaki est écrit. Elle lève les yeux au ciel, indignée. C'est Walker. Ils rouleront en silence à travers de courtes routes de campagnes, à flanc de montagne. Puis, ils débouchent sur une petite vallée que surplombait le vieux manoir traditionnel des Kanzaki. La voiture remonte l'allée bordée de cerisiers. Les souvenirs affluent à l'esprit de la jeune femme, quand elle accompagnait sa mère ici, en vacances.
Son père n'y a jamais été le bienvenu.
30 années auparavant, Japon.
“ - Comment cela vous le saviez?! Aboya fermement Akira, à l'adresse de sa femme qui se défendait comme elle le pouvait des foudres de son époux.
- Je pensais qu'elle entendrait raison....
Furieux, le père de Seika se tourne vers Jack. L'atmosphère s'était alourdie d'une tension difficilement supportable et chacun gardait un silence appeuré.
- En plus d'avoir débauché ma fille dans votre armée, l'avoir détournée de l'amour de son pays, vous l'avez séduite dans mon dos!
- Je n'ai séduit personne! Ni Débauché personne! Reconnaissez à votre fille le mérite de savoir ce qu'elle veut! S'exclama Walker en fronçant les sourcils. Il avait légèrement haussé le ton.
- Comment osez-vous me parler sur ce ton, allez vous en sans délai!
- Papa! S'interposa Seika, tout à fait choquée par le comportement de son père.
- Qu'as-tu en tête? Finit par intervenir l'arrière-grand père, le ton toujours assez froid.
- Père...vous ne pouvez pas....commença Akira, bouillant de rage.
- Silence! Si elle l'a fait venir ce soir, c'est qu'elle a sûrement quelque chose derrière la tête.
- Merci, grand-papa. Seika reprenait la parole avec assurance, sous les yeux affolés de sa mère. En effet, nous avons un projet. Jack vient d'être nommé Sergent, et affecté à la base de Diego Garcia. Je m'en irai avec lui.
Madame Kanzaki manqua d'air un moment, elle darda son regard étrangement clair, trahissant des origines étrangères lointaines sur sa progéniture, anéantie par la nouvelle :
- Vivre avec lui?! Sans être mariés?
- Je vivrai à Seikusu, où je suis affectée, jusqu'à son retour au Japon, ensuite nous nous marierons, expliqua joyeusement Seika, couvant l'américain d'une oeillade exaltée. Je trouverai une place de médecin dans les rangs de l'USAF.
Akira poussa un soupir de desespoir, en grogne. Le patriarche les avisa un court moment et reprit la parole, à l'attention particulière de Jack :
- Et que pensent vos parents de tout ça?
- Si vous voulez tout savoir, ils nous trouvent complètement fous.
- Alors nous avons au moins quelque chose en commun, ironisa le vieux japonais.
A bout, Akira Kanzaki leur avait fait face, hurlant :
- Je ne le permettrai PAS !! Il est hors de question que je permette à ma fille de gâcher sa vie!
- Refusez et hurlez tant que vous voulez Papa, cela n'y changera rien! Insistait Seika.
- Oh bien sûr que si !
- Comment?! Je ne veux pas d'argent et il vous sera difficile de m'enfermer jusqu'à ma mort. Je vais vous souhaiter bonne nuit, mais je peux vous promettre une chose : demain matin, rien aura changé.
Elle les avait tous averti dune voix claire et autoritaire, avant de jeter un coup d'oeil vers son fiancé : “Jack.” lui intima-t-elle et tous deux quittèrent la salle des festivités, laissant les proches parents dans un désarroi et une colère incommensurable.
Jour 2, présent.
Ses grands-parents l'ont toujours accueilli sur le péron, entourés des trois domestiques de la maison; une cuisinière, une femme de chambre et un homme à tout faire. Et comme d'habitude, c'est Akiko Kanzaki qui la salue en premier, bras grands ouverts afin de l'étreindre avec tendresse, soupirant son prénom, soulagée. Depuis la disparation soudaine de Seika, il ne lui reste plus que sa petite-fille. Akira se montre évidemment plus sobre, tendu comme un arc. Il se permet un sourire paternel et l'invite à les suivre pour prendre le thé, celui qui précède le dîner. Dès qu'ils ont pris place autour de la table basse, agenouillé non loin de l'autel en l'honneur des ancêtres, la discussion démarre, conventionnelle au départ :
- Comment se passent les études?
- Bien, grand-père. J'ai réussi mon année.
- Félicitation, je te donnerai de l'argent pour te récompenser, se gargarise-t-il, fier de son sang.
- Je n'en ai pas besoin, mentit-elle dans un rictus d'embarras, ta fierté me suffit.
- Je sais que cet incapable de Walker ne subvient pas à tout tes besoins, se rembrunit le vieillard, quand te décideras-tu à le quitter et à venir nous rejoindre?
- C'est mon père dont il est question.
Akira devra se contenter de cette simple et douloureuse évidence. Soucieuse d'alléger l'ambiance, Akiko leur resservit un peu de thé, très élégante dans son kimono fleurie aux couleurs de l'été. Elle est originaire de Nagasaki et compte parmi ses aieulx quelques hollandais qui ont trop couru les nobles filles de seigneurs féodaux. Si elle a transmis un peu de son patrimoine génétique à Akina, cela expliquerait que la demoiselle ait davantage de traits européens que japonais.
- Et, as-tu rencontré un jeune homme? A ton âge, toutes les filles s'en préoccupent, demande-t-elle.
- Un japonais, j'espère, s'empresse d'ajouter Akira.
Malaise. Scarlett avale deux gorgées d'infusion brûlante et rassemble son courage à deux mains;
- Non, je n'ai rencontré personne.
- A la bonne heure. Je pourrais te présenter le fils d'un député, il suit un cursus de médecine à la même université où j'ai effectué le mien, narre le grand-père. Il a servi dans l'armée, enfin si on peut appeler cette troupe de majorette une armée.
- Akira-sama, le rappelle à l'ordre son épouse.
- Non, Akiko. Il faut dire ce qu'il en est. J'ai participé à cette défaite, et j'ai honte d'avoir survécu. L'empereur n'est plus qu'une marionette. Et nos sabres rouillent sur des établis ou pire encore, ils sont vendus aux ennemis comme trophées de collection.
- Je peux disposer? Interroge discrètement Akina.
- Oui bien sûr ma chérie, sourit Akiko, nous servons le repas à 12:30, tu nous rejoindras sur le patio.
- Merci.
Et la journée s'éternise plus longtemps que prévu. Le dîner a été pris en silence, comme l'apprécie Akira Kanzaki. Il évoquera de temps en temps sa vie dans les rangs militaires, comme jeune officier et auxiliaire médical. Il n'avait que vingt ans en 1945, mais avait su perpétué l'héritage d'une famille de guerriers et de samouraïs pour qui l'honneur représentait tout. Les autres paroles seront échangées à propos d'Akina, de sa vie à Seikusu de ses travails d'étudiante. Elle répondra toujours poliment, avec le moins de détails possibles pour éviter les mensonges. Puis, on lui proposa de rester partager le thé avec quelques notables de la région dont les fils étaient célibataires. Elle n'aura pas eu le coeur à refuser cette fleur à ses grands-parents et se sera présentée poliment devant quelques vieilles personnes qui partagent de toute évidence les mêmes idées nostalgiques que son grand-père. Au final, pourquoi ne pas rester souper? Ils la voient si peu souvent. Encore une fois elle accepte avant de mettre le ola quand il s'agit de lui préparer une chambre pour la nuit.
Il est vingt-trois heures et Akina foule le sol de sa maison à Seikusu. Ekaterina s'est endormie devant la télévision. Bienveillante, l'étudiante va chercher une couverture qu'elle dépose délicatement sur son amie, puis éteint la télé. Elle n'a pas faim et garde un goût amer dans la bouche : celui de l'inachevé. A chaque voyage chez ses grands-parents, elle espère qu'ils auraient des nouvelles de Seika, ou qu'ils en parleraient à tout le moins. Encore une fois, elle revient déçue et épuisée. Elle retire ses vêtements sans grand enthousiasme, enfile la chemise de Siegfried en pensant qu'elle devrait bien la laver un jour, au risque de sacrifier l'odeur de son amant. Et au creux de son lit, elle trouve un début de sommeil agité. Quand son téléphone vibre, elle peine encore à résister aux bras de Morphée. D'un oeil fatigué, elle fait la lecture du message : plusieurs fois.
Siegfried: [23h28] Ma Scarlett adorée.
Adorée ? Le pense-t-il vraiment ? Un millier de doutes assaillent l'esprit embrumé d'Akina. Elle pleure sans même s'en rendre compte : les nerfs, la trop longue journée, quelque chose ne va pas. Elle ne se sent pas bien. Contre la tête de lit, elle se cale confortablement et envoie son message :
Akina: [23:30] Mein Herr.
Peut-on discuter?
Siegfried: [23h31] Je t'écoute. Quelque chose ne va pas ?
Non, tout va bien et rien ne va à la fois. J'ai besoin de comprendre des tonnes de trucs et en même temps, je ne veux rien savoir. Elle renifle de manière assez inélégante et se force à écrire avec l'impression que ses doigts sont de plomb.
Akina: [23:32] Je me rends compte que je vous connais peu.
N'avez-vous jamais aimé de femmes dans votre vie?
Siegfried: [23h34] Je ferai mon possible pour te répondre.
Si, ça m'est arrivé. Je sais désormais que j'étais dans l'erreur.
Elle croit entendre Ekaterina geindre depuis la chambre adjacente et fronce brièvement les sourcils. Un mauvais cauchemar sans doute. Ses pensées se focalisent à nouveau sur le SMS reçu et elle a envie de hurler. Pourrait-il être plus précis?
Akina: [23:35] Merci.
Pourquoi dans l'erreur?
Siegfried: [23h36] Suis-je avec quelqu'un aujourd'hui ?
Il le fait exprès. Elle rejette soudainement les couvertures de son lit et le quitte furieusement. “Calme-toi Akina, va prendre un somnifère, oublie ces messages et couche-toi.” préconise sa conscience, aussi meurtrie que son coeur et que son appétence sexuelle. La voilà en manque sur tous les plans.
Akina: [23:37] Non.
Mais j'aimerais comprendre, vous êtes jeune, brillant, beau...plutôt doué.
Siegfried: [23h40] N'as-tu pas eu envie de répondre "oui" ?
Merci. Mais ça ne conditionne pas une vie de couple. Pense à tous ces gens laids, vieux et médiocres qui vivent heureux avec leur moitié pendant des années.
Vaincue, elle se rassoit à l'extrémité du lit et engage une réponse. A la lumière tamisée de sa chambre, ses dernières larmes muettes sèchent sur son joli visage.
Akina: [23:41] Je n'ai pas envie de me mentir. Vous avez été clair.
Ca ne conditionne pas, mais ça y aide. Est-ce pour votre intégrité? Vous sentez-vous vulnérable quand vous aimez une femme?
Siegfried: [23h47] J'apprécie.
As-tu vu comment je suis ? Imagines-tu être en couple avec moi ? J'entends, sur la durée. Serais-je fidèle éternellement ? Je ne penses pas en être capable. Supporteras-tu de vivre cinq ans, dix ans avec quelqu'un qui régulera tes faits et gestes ? Supporteras-tu de devoir disparaître, changer de ville ? Supporteras-tu mes colères ? J'ai su les modérer devant toi, mais ça n'est pas toujours le cas. Supporteras-tu mes absences ? Mon besoin de porter une arme ? Mon orgueil ? Et des détails : Mon travail, ma musique, mes habitudes ?
Akina: [23:48] J'ai vu comment vous êtes, Siegfried.
De quoi avez-vous peur, exactement?
Que je ne supporte rien de tout ça, ou qu'au contraire je le supporte?
Siegfried[23h50] Et tu trouves ça amusant. Mais sur la durée, comment cela va-t-il se passer ?
Que tu ne le supportes pas, en effet. Dois-je remettre sur la table ma fidélité qui ne durera qu'un temps ?
Il s'avère aussi coriace qu'elle et la belle ne parvient pas à saisir pourquoi tant de distance sur le sujet. Ses jambes sont lourdes, mais elle descend dans la cuisine pour se servir un grand verre d'eau fraîche. Le téléphone est déposé à côté, sur le plan de travail. Elle ferme les yeux, grimace en essayant d'oublier le souvenir excitant qu'elle garde de cet endroit. Il faut lui répondre, maintenant. “Il faut?” ricane sa conscience “Quel délire...” L'échange va durer dix bonnes minutes durant lesquelles son minois métissé connaît plusieurs réactions : du sourire au froncement de sourcils en passant par le soupir lassé, les yeux levés au ciel. Rien ne va comme elle l'espère. Elle engrange les gorgées d'eau, réfléchit à une réponse, écrit avant d'effacer rageusement afin d'exprimer son point de vue confus d'une autre manière.
Akina: [23:55] Je ne trouve pas ça amusant.
Remettez-le sur la table si vous le souhaitez. Vous savez que ça ne changera rien à mes sentiments.
Je ne veux que votre bien, après tout.
Siegfried: [23h57] Excitant ?
Ne commences pas à dire des choses que tu regretteras.
Akina: [23:59] Oui, entre autre.
Au contraire, Mein Herr. Je regretterai toute ma vie si je ne les disais pas.
Si la conversation vous met mal à l'aise, je vous souhaite une bonne nuit.
Siegfried: [00:01] Non. Je ne suis pas mal à l'aise.
J'ai de la peine pour toi.
Pas d'autre question ?
Akina: [00:05] Vous avez tort de ne pas l'être.
C'est moi qui en ai pour vous. Pour une fois, nous sommes à égalité.
Des milliers d'autres, mais elles seraient trop intrusives. Je suis curieuse vous concernant.
Siegfried: [00:07] Lorsqu'on a des questions à poser, il faut les poser.
Bonne nuit à toi, ma Scarlett adorée.
Le téléphone se met à hurler une sonnerie d'appel. Le numéro est masqué. Elle s'affole un instant, décroche en balbutiant un timide : “Allô?”
- Akina, c'est Ken. Kenneth.
Manquait plus que lui.
- Bon sang...Ken, il est minuit...!
- Oui et je vois que tu dors pas....écoute, c'est plutôt grave.
Une heure plus tard, elle gare sa voiture en catastrophe devant le comissariat du Quartier de la Toussaint et se précipite à l'accueil. Un agent de police la reçoit avec courtoisie. Akina se plie sans trop de mal aux exigeances administratives avant d'expliquer la raison de sa présence. Elle vient payer la caution de Kenneth O'Connell, qui aurait été arrêté pour ivresse sur la voie publique ainsi que trouble à l'ordre public. Ses mains tremblent nerveusement au moment de signer des papiers et elle sent les muscles de son visage tiquer sous l'épuisement. Une fois ces formalités réglées, le policier accepte de la conduire en cellule de dégrisement où l'irlandais gît. Au départ, elle se catastrophe en remarquant le sang dont ses vêtements sont maculés, mais s'apaise lorsqu'elle l'ausculte superficiellement : il n'a rien. Elle se souvient ensuite qu'elle porte encore la chemise de Siegfried. Elle s'est empressée d'enfiler un jean dès la fin de l'appel. Tant pis, elle fera attention de ne pas l'abîmer.
-Aki?
- Oui, viens...ils ont accepté de te libérer, tu ne passeras pas devant un tribunal, mais à quoi pensais-tu? Je vais te ramener chez toi.
Après un énième sermon, l'agent consent enfin à le laisser partir. Il embarque lourdement dans la petite Honda civic et Scarlett traverse la nuit urbaine afin de se rendre à la cité universitaire de Seikusu. Sur le campus estival, la fête bat son plein. Les studios et chambres sont louées, durant l'été, aux jeunes étrangers désireux de visiter le Japon à prix modique. Kenneth vomira encore une fois, dans l'ascenceur et elle le prend au creux de ses bras frêles pour le réconforter. Il lui indique péniblement que les clés de son studio se trouvent à l'intérieur de sa veste.
L'appartement leur donne une relative tranquillité. Akina n'a pas le coeur, ni la force de lui faire la morale. Après tout, il est assez grand et mène sa vie comme il l'entend. Elle devra découcher cette nuit car elle se voit mal quitter son ex au vu de son état pitoyable : elle aurait trop peur qu'il commette une nouvelle bêtise. Elle va l'aider à s'installer sur le lit et lui offre aspirine et verre d'eau. Il souhaite la remercier en l'embrassant, mais elle esquive de justesse le baiser ce qui frustre le jeune homme;
“- Pourquoi tu fais ça?
- Faire quoi Kenneth? S'impatiente-t-elle.
- M'éviter.
- Nous ne sommes plus ensemble, je suis désolée....je vais rester cette nuit, pour te veiller : uniquement. Que s'est-il passé?
- J'ai croisé un étudiant allemand en boîte de nuit, j'ai réglé mes comptes avec lui dehors, ça te va comme explication? Crache-t-il d'un ton mauvais.”
Elle se contente d'ignorer la provocation et lui prend doucement la main, comme elle avait l'habitude de le faire. Elle sait que ce simple geste l'apaise. Il finit par l'enlacer tout en sanglotant. Akina le n'a jamais vu aussi lamentable. Qu'est-il en train de se passer? Après un bref moment d'hésitation, elle lui rend son étreinte pendant qu'elle lui dispense des paroles de réconfort jusqu'à ce qu'il soit emporté par un sommeil salvateur. Le tenant contre elle d'un bras ferme, elle utilise l'autre pour vérifier son téléphone. Il est trois heures du matin et elle constate à regret qu'elle n'a pas eu le temps de répondre à Siegfried. Coupable, elle pianote distraitement sur l'écran; de quoi filer un message qui n'inquiéterait pas son maître :
Akina: [03:02] Gute Nacht, Mein Freiherr, mein geliebter.
Jour 3.
Vers 9h, elle se dégage doucement des bras d'O'Connell afin de prendre une douche. Il dort encore à poings fermés et elle a des scrupules à le réveiller. Mieux valait se laver, se rhabiller et partir aussi discrètement, car elle n'a pas envie de s'expliquer ou de prononcer d'interminables palabres dont ni lui, ni elle ne sortiraient indemnes. Vingt minutes s'écoulent sous l'eau brûlante. Quand elle coupe le jet, elle vérifie que la chemise de Siegfried soit présentable. Leur deux parfums s'y sont savamment mêlés. Elle efface un peu plus celui de l'allemand au profit du sien. Elle n'aurait pas le choix que d'aller travailler avec cette dégaine. Avant toute chose, elle sort de son sac à main le collier de cuir qu'il lui a offert et emprisonne son cou. Afin de dissimuler l'étrange bijou, elle noue un discret foulard de soie pourpre, utilisé comme accessoire de mode et qui ne va pas du tout avec sa tenue.
Les portes du Daily Seikusu sont à peine franchies qu'elle reçoit une myriade de requêtes. Ton article sur le recyclage des déchets à Seikusu n'a pas encore été relu, parution lundi prochain. Le chef va pas aimer ce report. Tiens, le conseiller municipal truc est soupçonné de viol et d'abus de pouvoir, tu t'en charges? Ah au fait, Sô est malade, il faut te trouver un autre caméraman. Une chaîne nationale vient d'appeler, ton casting...tu dois les rappeler. Il y a un mot pour cette situation : merdier. Elle sert des sourires à droite et à gauche, opine, répond entre deux volées d'escaliers et s'installe à son bureau en feignant d'être hyper concentrée. Heureusement le chef ne la cherche pas encore. Bon, ce conseiller municipal...Elle ouvre son ordinateur portable et prend en main le dossier. Trois heures plus tard, quatre café et deux muffins au chocolat ingurgités de travers, elle n'en est nulle part. L'étudiante pense à Kenneth, à Siegfried, à Ekaterina...et à tout ce qui gravite autour. Un mal de crâne l'assaille, l'aspirine n'y fera rien. Incapable de poursuivre son travail, elle se jette sur son téléphone, cherche le nom de Siegfried et compose un message.
Akina: [13:12] Distrayez-moi, je suis au journal et je meurs d'ennui.
Siegfried: [13h13] Va aux toilettes.
Elle laisse tout en plan, bouscule deux collègues au passage sans s'excuser et s'enferme dans une cabine WC, un étage en-dessous. Elle est essoufflée, mais c'est avec sourire qu'elle répond :
Akina: [13:16] J'y suis.
Siegfried: [13h18] Dommage, j'avais espéré devoir faire ça devant les autres.
Touche-toi.
Et parle-moi de ce qui vient à ton esprit. Je te dirais ce qui vient au mien.
Définitivement excitée, la belle range son téléphone au creux de la poche du chemisier et s'applique à obéir. Elle défait à la hâte le bouton de son jeans, baisse la braguette et infiltre ses doigts sous le coton de sa petite culotte bleue. Au final, elle récupère le portable sans arrêter sa timide masturbation et rédige d'une main tremblante :
Akina: [13:20] J'essaie d'être la plus silencieuse possible.
Je porte votre collier, que je dissimule sous un petit foulard noué autour du cou.
Je l'ai serré, un peu fort comme si c'étaient vos mains.
Sa respiration devient saccadée au fur et à mesure que ses doigts progessent contre son intimité mouillée. A chaque inspiration ou expiration, sa gorge accuse la résistance du cuir noir, lui ôtant un souffle précaire durant une très courte seconde. Sa pupille dilatée par ses fantasmes parcourt le nouveau SMS :
Siegfried: [13h22] J'hésite à t'obliger à être bruyante.
J'aimerais être là. Tenir ton collier d'une main pour le resserrer. T'étouffer. Te fixer en le faisant.
Puis te lécher la chatte. Je regrette de ne pas l'avoir fait auparavant. Ma bouche et ma langue sur ton sexe, mains sur tes fesses.
Non, gémit-elle tout bas. Une porte claque à côté, quelqu'un vient de rentrer. Son esprit est sacrifié aux pieds d'une image frappante : son entrecuisse vaincue sous les assauts de la langue germanique. Et on ne parle pas de la prose de Goethe ici. Son index glisse et la pénètre suffisamment fort pour lui arracher un orgasme sauvage. Elle contient mal un cri étouffé, lèvre brutalement mordue pour supporter la déferlante de plaisir. En sortant ses doigts de sa culotte, ils sont recouverts de cyprine.
Akina: [13h25] Jai unpeu de mal a ecrire.
J'ai,joui une min apres la lecture devotre message.
Je crois quon m'a entendu,
J'aime quand vous me faîtes mal, Mein Herr.
Merde, elle en a mis un peu sur son écran. Elle se dépêche de sortir, dépose son iPhone sur le meuble du lavabi et rince ses mains. Quand une femme passe derrière son dos en l'acculant d'une oeillade réprobatrice, elle feint l'innocence, s'essuie et reprend l'appareil.
Siegfried: [13h27] Je ne t'ai pas autorisé expressément à jouir.
Frappe ta joue. Ferme les yeux, et fais comme si je le faisais, petite salope. Et contiens-toi la prochaine fois.
Elle déglutit, consciente d'avoir mal fait et puise du courage dans son reflet, face au miroir. Ses paupières s'abattent, comme la gifle cinglante qu'elle s'octroie. Elle se décoiffe un peu plus et respire fort, submergée par des tas d'émotions.
Akina: [13:29] C'est...difficile de se contenir, quand c'est vous, Mein Herr.
Bitte Entschuldigen Sie
Siegfried: [13h30] Tu es excusée. Retourne travailler.
Tu t'en sors
? Sur quoi écris-tu ?
L'épuisement soumet chacun de ses membres à une relative tension. Elle remonte à son bureau, hagarde, ne répondra pas aux diverses sollicitations pour tomber sur son siège.
Akina: [13:45] Sur une affaire de moeurs concernant l'un des conseilles municipal de la ville.
J'ai un collègue qui se charge de couvrir ce qu'il s'est passé dans un hôtel il y a quelques jours.
Je peux modifier son article, au besoin.
Dans toute sa mansétude, elle s'est portée volontaire pour relire cet article avant parution. Cela lui ferait du travail en plus, mais elle souhaite vérifier que Siegfried n'a pas été reconnu ou cité, à l'instar d'elle-même.
Siegfried: [13h49] Je te fais confiance. Ne te compromet pas.
J'aime t'imaginer avec mon collier en public. Tu es faite pour être ma chienne... N'es-tu pas d'accord ?
Je dois te laisser. Je te... reprends ce soir
.
Elle aurait répondu tout de suite sans l'intervention d'un collègue qui annonce une réunion surprise dans le bureau du redac'-chef. Akina glissera d un message durant la conférence où le chef aboie des insanités, et se lamente sur une perte sensible de lectorat.
Akina: [14:20] Je suis faite pour l'être, je le suis. Tout comme je suis faite pour être avec vous, à vos côtés.
[/b]Que je sois votre chienne ou non, vos défauts resteront les mêmes.
Prenez soin de vous.
- Walker, ca t'intéresse pas ce que je dis? Range-moi ton foutu téléphone, et dis-nous où ça en est avec le conseiller municipal. Est-ce que ça peut paraître en scoop de notre rubrique politique?
Et l'après-midi s'éternise sous l'égide du travail de presse. Elle ira décroher une interview auprès d'une supposée victime, ancienne secrétaire de l'échevin japonais. Elle enregistre et note la moindre information, avec un petit pincement au coeur cela dit. Les affaires d'abus, ça vous retourne toujours le coeur. “Quelle ironie...” marmonne sa conscience.
Ekaterina l'accueille avec un souper digne de ce nom. Elle a improvisé un goulash au boeuf et des pâtisseries russes. Le tout s'avère délicieux et elles riront autour de ce festin improvisé, devant la télé. Vodianova finit même par lui raconter sa triste histoire. Ses parents étaient pauvres sous le communisme, ils le sont restés sous la Fédération de Russie. Elle est tombée dans la prostitution très jeune, à l'instar de nombreuses autres et au terme d'une plaque tournante de ce commerce des chairs, avait atterri au Japon, tentant de fuir ensuite l'influence De Tsoukanov. Parfois, elle narre son récit de manière chaotique...et la métisse a du mal à suivre. Au terme du dessert, elles auront l'idée folle dejouer sur la PS3 de Jack jusqu'à 23:00 – heure à laquelle, elles décident d'aller rejoindre le ur lit respectif.
En s'écroulant au milieu des draps défaits de la veille, elle consulte sa messagerie.
Siegfried: [23:07] J'attaque plus tôt que d'habitude. Effet de surprise. Je suis plein de fantaisie.
Désires-tu de nouvelles contraintes ou en as-tu assez ? Je sais, la question est étrange.
“Oui, la question est bizarre pauvre taré” commente sa conscience.
Akina: [23:10] Vous êtes toujours plein de surprises.
Plus. Régulez ma vie davantage, je veux savoir jusqu'où vous êtes prêt à me contraindre.
Siegfried: [23h12] À quatre pattes sur ton lit pour me parler.
Je n'ai pas eu ma vidéo.
Ni le sextoy.
Qu'as-tu préféré de ce que nous avons fait ?
Soupir. Elle se retourne, lève son cul, cale ses genoux dans le creux de sa couche et s'accoude sur son oreiller afin de répondre, malgré sa position inconfortable.
-
Merde. La video. Elle a complètement oublié.
Akina: [23:14] Je suis à quatre pattes, mein Herr.
C'est ma faute, j'ai oublié. Demain, promis.
Pour l'accessoire, j'aimerais beaucoup une cravache...
Tout...j'ai tout préféré. Je recommencerai tout
Pas uniquement pour qu'il la frappe avec. Elle veut en lécher le bout, le sentir s'introduire rageusement dans son con.
Siegfried: [23h16] Si j'étais là... Hm.
Je compte sur toi.
Une cravache ? J'en ai déjà une pour toi. Choisis autre chose. Un objet qui te serait strictement personnel.
Ce n'est pas une réponse.
S'il était là...pense-t-elle en geignant doucement. “Il t'enculerait.” réprouve son for intérieur. Oh, la ferme. Elle adore ça, à quoi bon le nier? “Pour ta santé mentale. Et physique.”
Akina: [23:19] J'ai déjà mon collier.
J'ai aimé la sodomie, la première fois. La fellation aussi, la première fois.
Pour l'un c'était très douloureux, mais je me suis sentie...comme votre possession.
Siegfried: [23h21] À ta guise. Lorsqu'une idée te viendra, je serais à l'écoute.
J'ai beaucoup aimé aussi. Et c'était le but : Que tu abandonnes ton corps. Tu regarderas tes collègues, les passantes, et tu te diras désormais que la majorité d'entre elles n'ont jamais connu un sentiment aussi intense.
Akina: [23:23] Je n'y manquerai pas.
Où êtes-vous?
Siegfried: [23h24] Dans mon lit.
Akina: [23:26] Pourquoi pas dans le mien?
Siegfried: [23h28] Voudrais que je rentre le soir, te baise, m'endorme et disparaisse dès le matin ? N'aurais-tu pas la vile impression de n'être rien d'autre que mon sac à foutre
?
Putain. Ce personnage ne sera-t-il donc jamais poétique? La poésie, le romantisme n'ont peut-être jamais existé en Allemagne? Elle est agacée. Au final, on en revient toujours au même problème et elle a peur d'y faire face et peur des sacrifices à commettre pour le régler.
Siegfried: [23h28] ... Même s'il est vrai que tu l'es.
Elle pourrait jouir rien qu'avec ce ton visant à l'humilier.
Akina: [23:30] Je le suis, ce n'est pas une impression.
Laissez-moi emménager avec vous, je ferai tout ce que vous voudrez.
“QUOIIIIIIIIIII” hurle sa conscience en frappant de tout bord. “Hors de question. Ja-mais. Vivre avec lui? Au secours!” Non. Au contraire, il n'y a rien qu'elle désire plus au monde, partager sa vie, son quotidien : le défier continuellement de sa présence.
Siegfried: [23h32] Je ne veux pas que tu ne sois que ça. Je veux que tu te sentes un peu plus.
Scarlett... Ton père reviendra bientôt. Va-t-il te laisser partir ? Et tu ne comprends pas que je suis quelqu'un d'invivable.
Akina: [23:34] Cela dépend de vous.
Il me laissera partir, si c'est vous. Je comprends et je ne veux pas comprendre à la fois.
Considérez que la laisse est trop longue et que je la raccourcis. Considérez ce que vous voulez, mais acceptez.
Bitte.
Siegfried: [23h38] Je ne peux que te jurer d'y réfléchir. Ma Scarlett, Ma Chose. Je peux aussi te dire que j'adorerais t'avoir sous la main.
Ce que je veux ?
Akina: [23:40] Très bien.
Oui, ce que vous voulez. Le savez-vous, vous-même?
Siegfried [23h42] C'est flou. J'ai déjà quelques idées.
Et si je te demande de tuer ton père et de disparaître dans un autre pays avec moi ?
Coup de massue sur le tête, de trique dans le cul, de dague dans la poitrine. Son appui lâche et elle choit sur le matelas, sidérée. Il fait ça pour la tester, sans doute, elle le devine. Disparaître, oui. Tuer son père? Oh, elle y a déjà songé et il le mériterait plus qu'une pauvre fois, mais c'est son père; sa seule famille. Les minutes passent tandis qu'elle songe à ce “si”. En réalité, la réponse n'est pas si longue que cela à trouver, c'est l'assumer qui lui coûte un rein et une perte de raison. “Tu as atteint le point de non-retour....” Tant mieux. Où retournerait-elle de toute manière? Elle serait morte tôt ou tard sous les crises de Walker senior. Péniblement, ses doigts actionnent les touches du clavier.
Akina: [00:10] Vous ne me le demanderez jamais. Mais vous connaissez ma réponse.
Treue.
Siegfried: [00:11] Explique-moi ton absence.
Akina: [00:12] Mon absence?
Siegfried: [00:13] Ne viens-tu pas de t'absenter ?
Akina: [00:14] Je réfléchissais
Siegfried: [00:15] Je vois.
Je te souhaite une bonne nuit, mon esclave.
Akina: [00:16] Je n'arriverai pas à dormir, Mein Herr.
Siegfried: [00:17] Pourquoi, Scarlett ?
Akina: [00:18] Parce que je pense à vous
.
Siegfried: [00:19] Pourquoi t'empêcherais-je de dormir ?
Akina: [00:22] Parce que vous êtes loin de moi, que vous me donnez envie, que je veux passer mes nuits avec vous.
Siegfried: [00:25] Je vais déroger à mon emploi du temps : Viens dormir chez moi demain. Arrive à 19 heures. J'ai envie d'un cinéma.
Quand revient ce cher Jack ?
Première victoire, à savourer avec modération. Elle pense déjà à sa tenue et à ce qu'elle dissimulerait dessous.
Akina: [00:30] D'accord!
Je ne sais pas. Il devra, il a reçu du courrier. Je crois qu'ils veulent le réaffecter, ici. Au Japon.
Il va être furieux. Je suppose qu'il négocie avec mon oncle. Nous pourrions aller le voir s'il vous manque
.
Siegfried: [00:32] Je comptais essayer de le remettre sur la voie du travail. Je cherchais comment faire.
J'ai hâte de te voir
.
Akina: [00:33] Il aime son métier. Ce qu'il peut espérer, c'est de retourner à Diego Garcia. Et d'arrêter l'alcool.
Je vous serai reconnaissante si vous l'aidiez. Il vous serait reconnaissant aussi. Vous l'avez impressionné, et vous m'avez impressionné aussi.
Dès le premir jour à l'oral. A tourner autour de moi et me faire la réflexion sur le football américain.
Je suis impatiente aussi.
Siegfried [00:38] J'y réfléchirais.
Je te souhaite bonne nuit.
La concision allemande, que voulez-vous?
Jour 4.
“- Tu es parfaite comme ça” remarque Ekaterina en zippant la robe (http://t1.gstatic.com/images?q=tbn:ANd9GcTSVvGNITD46u_lMAcC9KCspe6-3oYxGQr13_vUU6zEqo0WhJmp) de sa cadette. Pour l'occasion, elle lui a tressé les cheveux à la mode slave. Il faut bien qu'Akina se démarque des autres candidates. Une fausse blonde aux airs occidentaux attirerait forcément l'intérêt. Un léger maquillage souligne les traits exotiques de son minois. “Pense à sourire” rajoute la russe. Et le conseil résonnera encore dans sa tête, une heure plus tard, alors qu'elle embarque en direction de Tokyo. Elle a envie de réussir.
Le train a quelques minutes de retard. Dans le salon d'attente des voyageurs, elle profite de ce répit imprévu pour songer une ultime fois à Siegfried.
Akina: [06:00] Guten Morgen, Mein Herr.
Je pars à Tokyo aujourd'hui. Je passe une audition pour une chaîne nationale, si je suis prise, je peux lâcher le Daily Seikusu.
Je serai à 19:00 pétantes chez vous.
Souhaitez-moi bonne chance.
Siegfried: [07:09] Viel Glück.
Tu es ma chose. Tu ne m'as jamais déçu. Tu ne me décevras pas. Tu peux le faire. Tu dois prendre ce qui te revient.
C'est bientôt mon anniversaire.
Akina: [07:10]
Dank, Mein Herr.
Quand? Cela vous fera quel âge? Je veux dire, sans les piqûres.
Cette question étrange, comme si elle s'attend à une réponse des plus délirantes. Physiquement, elle lui octroie un téméraire début de trentaine, mais ne serait pas étonnée de lui en découvrir dix de plus. Le rappel des piqûres : c'est histoire de le taquiner avec cette histoire dérangeante. Si seulement, il pouvait lui avouer une bonne fois pour toute qu'il était diabétique, elle cesserait de ressasser cette version louche d'héroïnoman.
Siegfried: [07:12] Si les maths ne me trompent pas, un siècle. Mais les prussiens n'ont jamais été connu pour leurs talents en calcul.
Et bientôt. Moins d'une semaine.
Pardoooooooon? Un siècle? Un rire nerveux la secoue. Elle regarde ensuite à droite et à gauche, l'air un peu coupable. Elle ne devrait pas rire. L'éventualité qu'il dise la vérité vient de l'effleurer. Il n'y a qu'un moyen d'accorder du crédit à ce qu'il raconte, même si elle lui fait confiance : elle n'a vraiment pas envie de le croire sur ce coup-là. Ce serait terrifiant.
Akina: [07:13]
Un siècle? C'est encore de l'humour? Non. Il me faut analyser ce que vous vous injectez. Pour votre santé.
Je vais mourir à essayer de trouver un cadeau qui vous sied.
Siegfried: [07:15] Les prussiens ne sont pas connus pour l'humour non plus.
Non. D'une, ne meurs pas. De deux, je ne te demande pas de cadeau, vraiment. Le fêter avec toi serait symbolique.
L'intuition féminine fait valoir son droit de citer : il n'a pas l'air de mentir. Non, effectivement. Plus personne de nos jours n'utilise le mot prussien pour définir un allemand. Il faudrait être particulièrement dérangé. “Ce que Siegfried est assurément : dérangé,” rappelle sa conscience. Ou avoir grandi à une autre époque, sous d'autres valeurs. Comme celles de la fidélité, de l'honneur, des coups paternels, des nobles lignages, des chants dans l'armée allemande.
Le délic est puissant ET douloureux.
Akina: [07:20] Je vous crois maintenant. Mon Dieu.
Bien sûr, je serai là à votre anniversaire, oui.
Elle ne saisit pas tout encore, non. Il lui reste une once de pureté naïve. Pas un seul instant, elle ne pense que sa découverte primaire est l'arbre qui cache la forêt. Pour le moment, son intelligence a mis en veille les aspects criminel de guerre, interdiction de territoire. On espère que c'est toujours le grand-père dont il est question. Elle s'empresse de rajouter :
Akina: [07:21] En quelle année êtes-vous né?
Siegfried: [07:22] Je t'en parlerais plus longuement ce soir.
"Mein Herr" suffit, tu sais.
À ce soir, ma Scarlett.
Son premier vrai rire de la journée. Soulagement. Il plaisante, ça ne doit pas être si grave.
Akina: [07:23] Vous voyez, vous connaissez l'humour..
A ce soir, Siegfried.
Et on annonce l'entrée en gare de son train.
“-Mademoiselle Walker? C'est Américain?
- Euh...oui, mon père est américain.”
Le casteur la jauge par-dessus ses petites lunettes en demi-lune. Il est habillé à la dernière mode européen et se plie en manières lorsqu'il s'agit de parler. Il en a vu des dizaines d'autres avant elle, des toute européenne ou des toute japonaise, mais jamais de métisse. Elle part avec un sacré avantage. L'entre-deux est signe d'intérêt de quasi-perfection. D'après son dossier, elle n'a pas l'air conne, bientôt en quatrième année de biosciences, elle n'aurait aucun mal à savoir de quoi elle parle en présentant le climat nippon. Sa diction est plus que satisfaisante, on reconnaît là une certaine habitude à parler devant une caméra. Il ne préfère pas montrer son enthousiasme, par principe et assure à Akina, au terme d'une heure d'audition, qu'elle devrait recevoir une réponse sous peu et fait entrer la suivante. Scarlett quitte le building mitigée.
Dans le train du retour, elle guette l'heure. Il n'est que 15 heures, mais elle a l'impression qu'une éternité la sépare de sa prochaine rencontre avec son....”Laisse tomber.” confie sa conscience sans avoir tort. Au passage, elle envoie un SMS à Kenneth pour prendre de ses nouvelles. Il répondra d'un simple “I'm OK.” qui pue l'amertume et le ressenti. Au moins, il va bien.
A son retour à la maison, elle trouve Ekaterina en train de pleurer. Elle hésite longuement avant de lui proposer de se changer les idées avec un cinéma.
“- Tu es sûre? Je ne voudrais pas te déranger avec ton copain.”
Enième soupir, énième explication :
- Mais non, puisque je te dis que c'est un ami. Au contraire, il sera heureux de faire ta connaissance.”
En revanche, il n'est que 17heures, mais pas de temps à perdre. Kitty aura à peine le temps de se vêtir d'une légère veste par-dessus son ensemble jean-chemise qu'Akina la traîne dehors, pressée en répondant évasivement aux questions sur comment s'est passée son audition. La demi-heure suivantes, la voilà qui tambourine à la porte de l'allemand, essoufflée par son empressement habituel lorsqu'il est question de le revoir. Tant pis s'il est torse nu, il n'a pas à rougir de son magnifique physique devant Vodianova. Cette dernière le salue, les joues rouges. Dire qu'il fait cet effet à presque toutes les femmes en âge d'ouvrir les cuisses. Quant à Scarlett, elle garde une distance pudique malgré le besoin de se pendre à son cou pour l'embrasser. Elle ne souhaite pas se désavouer face à Ekaterina. C'était un ami.
-
Quatre jours de tranquillité.
Bien qu'il aime les responsabilités et les charges à supporter, il avait apprécié ce moment de solitude. Après avoir vu, comme il l'avait annoncé, les autres professeurs de droit pour une dernière réunion pré-vacances, il se sentait libéré enfin de toutes ses obligations.
Il aura fait du tri dans ses vêtements, rangé son appartement, poli ses médailles, brossé et traité ses uniformes, compté ses munitions pour en dresser un nouvel inventaire, jeté ce qui était périmé, grand nettoyage de printemps. Il aura ensuite fait transporter la caisse à la consigne pour l'emmener chez lui, et se préparer des séries de doses, assez pour les huit prochains mois.
Il lui fallait se recentrer un peu : Entre quelques phases de jeu ou de glandage devant une série sur son PC, il fera de longues recherches sur Nikolai, passera quelques coups de fil en Allemagne. Il fera de même ici, à Seikusu, mais surtout pour avoir des nouvelles sur Akina et Kenneth. Pas grand-chose de la part de son cher inspecteur. Il en demandera un peu plus sur le Red Velvet, du coup, et son détective grossira ainsi le devis.
Les échanges de SMS avec Akina l'exciteront plus que de raison. Il ne se masturbera qu'une seule fois, excédé par l'excitation, se contiendra le reste du temps. Il verra l'une de ses étudiantes, un plan cul, dans un restaurant japo' de Seikusu, et elle sera étonnée – et déçue – de le voir partir sans qu'il ne cherche à la toucher. Facile. Il s'en fout. Pour de vrai, il n'aura presque aucun regret. Il a donné sa parole à Akina, et il ne la trahira pas : C'est peut-être un bâtard manipulateur mais il a tout de même une conscience.
Une nuit. Téléphone qui sonne. Siegfried est réveillé. Il décroche sans regarder, pensant que c'était Akina.
-Hmmm ?
-Je te réveille ?
Ah non. C'est un homme. Il regarde donc le nom qui apparaît. Son détective attitré.
-Ah, c'est toi...
-Quoi, t'attendais l'appel d'une minette ?
Oui.
-Non. Il se passe quoi ?
-Ben, le type que tu m'as dit de surveiller... Il est au poste.
Siegfried se redresse d'un bond. La fatigue s'est envolée d'un coup. Il jaillit de son lit, se jette sur les vêtements portés aujourd'hui, bien pliés dans la salle de bain, attendant d'être lavés, téléphone coincé par l'épaule sur l'oreille.
-Pourquoi ?
-Une rixe. Rien de bien passionnant, mais je me suis dit que tu aimerais être prévenu.
-Je fonce. Merci.
Il arrive vite au commissariat. On lui présente le dossier. Trop tard pour voir le représentant du ministère public. Il s'occupe donc de l'affaire avec l'officier de garde. Il fait baisser la caution, cherche à ce qu'il signe un avis favorable au ministère public. Abandon des charges ? Voyons, vous savez comment ça se passe entre nous. Nous ? Nous, les flics et la mafia. Siegfried a défendu un européen, puis un autre, ils en ont parlé à leurs potes, et au final, il avait pu faire l'intermédiaire pour le gentlemen's agreement passé entre les criminels et les forces de l'ordre. Le lieutenant concède qu'il fera ce qu'il pourra, mais qu'il ne peut pas le faire sortir aussi facilement que si c'était un yakuza.
Il part en lui disant au passage de ne pas parler de lui au client, ou pas trop.
Il retournera se coucher, éreinté d'avoir dû écourter sa nuit. Il constate avant de s'écrouler dans son lit qu'Akina n'a pas répondu à son dernier message.
Comme souvent.
Le jour venu. On sonne. Déjà ? Il enfile un pantalon vite fait pour couvrir sa nudité, puis ouvre la porte.
Elles sont deux.
Deux.
Scarlett. Une autre.
Hmf.
Il ne laisse rien paraître de son trouble, les fait entrer une par une, et, voyant qu'Akina garde une distance, ce sera à lui de se rapprocher d'elle : Il lui prend la nuque et embrasse son front. Voyant que l'invitée de dernière minute vient de détourner le regard, il referme sa prise sur la chevelure d'Akina.
-Je te devais déjà une punition. Tu en auras une seconde.
Il reprend une position normale et se présente : Siegfried, professeur à Seikusu, allemand. Elle lui rend la pareille. Une russe. Elle a amené une russe ici sans sa permission. Akina lui explique ensuite qu'elle a besoin d'un refuge pour se protéger de Nikolai. OK, les liens se font. Elle s'est vue dans cette nana, s'est sentie le besoin de faire quelque chose pour elle.
-Va dans ma chambre, Scarlett. Ne touches à rien. À rien, compris ? Je ne plaisante pas. J'en ai pour cinq minutes. Ferme la porte.
Il la laisse s'exécuter, montre le canapé à Ekaterina, s'assied sur le fauteuil juste à côté, et lui demande de lui donner la main.
-Ecoute-moi bien. Si t'es une nana de Nikolai et que tu viens pour m'espionner, ou Akina, et que tu lui veux du mal, je te jure que je te ferais subir pire que lui. Tu me jures que tu n'es pas avec lui ?
Elle hésite, mais jure. Il confirme sa pensée.
-Bien. Maintenant, soyons clairs : Entre toi et Scarlett, c'est elle que je choisis et toi que je sacrifie. Si tu acceptes ça, tu peux t'abriter chez moi quand tu veux. Mais sache que si tu la mets en danger... Je te tue. Sans hésiter. En attendant, mon appartement est un havre. Il ne t'arrivera rien tant que tu restes près de moi, je te le jure. Mais prend soin d'elle.
Il embrasse sa main, et la lâche. Il lui propose un café ou un thé. Les pâtisseries ne sont pas encore prêtes, elle va devoir attendre. Il lui demande ensuite de patienter. Il éteint la chaîne hi-fi qui diffuse du Saint-Saëns, et file vers la chambre. Raide, torse nu, mains derrières le dos.
-J'aimerais que tu me demandes avant de prendre ce genre d'initiative. Assieds-toi. Tu te tais, tu ne bouges pas, tu m'écoutes.
Serrure verrouillée. Clac. Ouch. Ca va saigner.
… Ou pas. Il va tout simplement ouvrir son armoire. Le fond est en fait une grosse boîte camouflée, qu'il ouvre avec une petite lamelle de fer qu'il glisse dans l'interstice pour faire levier. De l'intérieur, il sort un coffret couvert d'un cuir un peu usé. Il l'amène près d'elle, s'assied en tailleur à ses pieds. Du pantalon, il sort sa croix de fer. Une vraie. Parfait état.
-Prend ça. Ce que tu vas apprendre, tu ne devras jamais le répéter. Jamais. Tu connais la sanction ? Je te retrouverais, te tuerais, bla, bla. Bref, écourtons. Ritterkreuz des Eisernen Kreuzes mit Eichenlaub. Croix de chevalier de la Croix de fer avec feuilles de chêne. La croix de fer est une décoration offerte pour les soldats méritants. On gagne d'abord la deuxième classe, puis la première classe, puis la croix de chevalier, puis les feuilles de chêne. J'étais dans une unité de combat, j'ai assez peu de mérite, en tant que commandant, je gagnais un peu pour les faits d'armes de mes soldats. Vois la date.
1939. Gravé sur la patte basse de la croix.
-Ces croix ne sont décernées qu'en temps de guerre par l'Allemagne. La dernière attribuée date de 1945. Celle-là, c'est la mienne. Il n'y a pas les feuilles de chêne, je les ai détaché pour éviter de les abîmer. Si tu ne me crois pas, regarde ça.
Il sort un gros carnet. Ouvert page 18. Un papier y est fixé avec des trombones. Tout en allemand. Il lui traduit vite fait : Certificat d'attribution de la médaille. Signée. Datée de 1944. Signature de Himmler.
Attribuée à Anton von Königsberg.
Elle voulait une photo de lui en uniforme ? Page 7. Lui en tenue de parade de Waffen-SS, en 1937. Il semblait plus jeune qu'aujourd'hui. Il conçoit que c'est pas très parlant, alors il en montre une autre, page 26. Datée de 1942, avec trois autres SS, uniforme gris cette fois-ci, même si le noir et blanc du cliché n'aide pas bien à distinguer les nuances.
Il se ressemble presque exactement.
Siegfried peine à la regarder dans les yeux.
-Je suis né en 1914. Mon père était sur le front quand il a appris ma naissance. Il était baron, possédait Königsberg. Je me suis engagé dans la SS. Je voulais venger l'Allemagne, mon père, et tout le reste. Il fallait que je le fasse. J'ai pris l'uniforme de ceux qui sont aujourd'hui considérés comme des criminels en Europe. Par les américains, notamment. J'ai tué. J'ai abattu 268 civils ukrainiens. Je ne pouvais pas les nourrir, ni les transporter. J'ai tué plusieurs prisonniers soviétiques aussi, personnellement. Sur la demande du commandement, j'ai supervisé pendant trois heures les Einsatzgruppen. Un tribunal a prononcé ma mise à mort. Celle-ci court toujours. Si ils me chopent, ils me pendent.
Une pause. Il parcourt les pages. Beaucoup de documents écrits. Ah, une photo.
-Tiens, c'est ma femme. C'est un peu après notre mariage. Et sur celle-ci, c'est elle et ma fille. Elles sont mortes sous une bombe russe. Je ne souhaite pas en parler. Le deuil est fait depuis longtemps.
Dans le coffret, il y a d'autres objets. Il sort une boîte qui contient toutes ses médailles. Il y a un paquet, avec quelques rubans traînant brodés en lettres gothiques.
-J'ai été cobaye pour des expériences. Et... me voilà. Avec toi. Je suis probablement dans un état de délabrement physique assez avancé... Enfin, je sais juste que je suis une loque totale quand je ne prends pas mes injections. D'ailleurs, je t'ai préparé des échantillons, elles sont la table de nuit. Tu les prendras. Sois discrète à ce sujet.
Il se relève enfin, laissant ses objets sur le lit. Son fétiche ultime, la croix de fer, est laissée avec confiance dans les mains d'Akina. Ah, il a encore quelques choses à montrer. Il ouvre à clé une autre armoire, et en sort son uniforme, sous tissu. Fermeture dézippée pour lui montrer l'uniforme de l'ordre noir.
-Tenue d'officier de la Waffen-SS. Haupsturmführer. 42ème division « Siegfried ». Infanterie blindée. Nous avions pour rôle de faire pression sur les armées ennemis, en choc frontal. Nous pouvions soutenir une attaque de blindés, comme défendre des positions lourdes, complètement polyvalents. On a fait tout le front russe, dans l'avancée comme dans la retraite. Mes hommes étaient une élite parmi l'élite. Mais on ne peut rien contre l'incompétence de certains officiers. On aurait pu gagner. J'aurais pu gagner. J'aurais dû me rebeller. Je ne l'ai pas fait. On les aurait laminer, jusqu'au dernier.
Il fait une pause, et range la tenue, puis ferme l'armoire à clé.
-Je te laisse le temps de digérer ça. Rien ne change pour moi, si ce n'est que tu détiens l'un des plus grands secrets qu'un homme puisse porter. Je ne peux pas t'offrir mon amour, mais j'espère que c'est une bonne compensation. Tu sors quand tu veux. Si tu ne veux plus de moi, je comprendrais.
Il sort, et file dans la cuisine surveiller la cuisson des pâtisseries. Un sourire à Ekaterina au passage.
-Tout va bien ?
Le mec sympa. Bon, ça a l'air chaud. Amandines aux poires et amandines aux abricots. Le tout est sorti et laissé à refroidir à l'air libre. Il revient vers la russe.
-Un ciné ça te va, ou tu préfères rester ici ? C'est toi l'invitée, tu décides. Je pensais manger dehors aussi, genre fast-food ou râmen vite fait, mais si tu veux rester ici je peux préparer quelque chose.
-
Les punitions ont l'air d'être un concept exponentiel chez Siegfried Von Königsberg. Comment a-t-elle pu passer de une à deux ? Elle en est encore à cette simple interrogation lorsqu'il lui donne l'ordre d'aller dans sa chambre. Kitty la détaille avec de grands yeux et combien elle la comprend : est-ce normal qu'un ami vous invite à vous enfermer sciemment dans sa chambre ? « Bienvenue dans la maison des horreurs ma pauvre Kitty, » admoneste sa conscience. « Tu fuyais un fou, tu es tombée sur pire ». Akina tente un sourire de réconfort et disparaît dans la pièce à coucher. Elle dépose son sac à main au pied du lit et admire le décors épuré.
Elle a fermé la porte, comme exigé et s'assoit sur le bord du lit, bien droite. Nier qu'elle a peur serait faire preuve de mauvaise foi. Entre ses cuisses serrées, ses mains tremblent l'une contre l'autre ; Elle espère qu'il n'a pas idée de la punir maintenant, avec Ekaterina non loin. Ce serait la pire des humiliations. Son esprit tourne déjà à plein régime, génère des excuses pour éviter le ou les châtiments à venir.
Il entre, elle se redresse immédiatement, prête à tout lui expliquer : ce dont elle est coupable ou innocente. Oui, c'est vrai, elle a vu Kenneth mais ce n'était pas pour mal faire, d'ailleurs ils n'ont rien fait. Et Vodianova, c'est un cas de force majeure, un petit pied de nez à Tsoukanov. Cela mérite-t-il vraiment une punition ? Elle esquisse un mouvement de lèvre, il la coupe dans son élan. Assise, silence, écoute. Comme une chienne. Non sans lever les yeux au ciel, elle obéit en le suivant du regard.
La Croix de Fer est saisie avec précaution. Entre les doigts délicats de la métisse, la distinction reluit timidement. Et tandis qu'elle en contemple la forme étrangère, elle écoute Siegfried. Elle aurait mille raisons de l'interrompre, dès le début du récit, mais sa pâleur soudaine – associée à son expression catastrophée, dénote son incapacité à parler.
Coup d'oeil sur le carnet présenté. Elle perd consistance, veut hurler sa colère. Dis-moi que c'est de l'humour allemand ou prussien, peu importe. Dis-le moi Siegfried. Que c'est faux tout ça.
Anton Von Königsberg. 1944.
Comme il est ironique que des Germains portent le poids de noms romains. Les photos se mettent à défiler. Oui, elle le reconnaît un peu sur celle-ci, carrément même sur la suivante. C'est lui, ses yeux décrivent la même beauté ; elle constate fatalement que l'uniforme lui sied bien, mieux que le costume. Durant tout ce temps, elle cherche son regard du sien, qu'elle souhaite confronter. La femme, la fille, les autres médailles. La tête lui tourne, et elle éprouve le besoin de faire une pause.
Elle est néanmoins bien obligée de lever son minois blême sur l'uniforme qu'il expose. La facture des coutures, les finitions, les galons et autres insignes : rien qui ne ressemble aux vulgaires déguisement dont les étudiants sont si friands lors des soirées costumées.
Quand la porte claque doucement, la Croix de Fer est toujours dans ses mains fébriles. Après de longues minutes, elle dépose le bijou martial sur le couvre-lit et se relève, tendue par la colère et le chagrin. Elle se sent atrocement sale. Une souillure de l'esprit et du corps : de tout ce qu'elle lui a offert, au final. A lui dont les mains sont tâchées d'un sang qui a beau avoir vieilli et séché représente celui de centaines d'innocents. Tuer des civils, des prisonniers, ce n'est pas ça la guerre. Où est l'honneur là-dedans ? Elle se traîne vers le chevet, récupère les échantillons promis qu'elle range à l'abri au creux de son sac. « Je suis désolée. Rentrons maintenant, effondrons-nous dans notre lit et pleurons. » geint sa conscience, attristée par les émois d'Akina. Toutefois, cette dernière refuse de fuir. Pas toute de suite. Il doit y avoir une explication. L'étudiante s'agenouille parmi les effets abandonnés près du coffret, à même le sol. Elle caresse les clichés grisés du bout des doigts. Si elle avait vécu en 1939, serait-elle tombée amoureuse également ? Du même homme ? A-t-il beaucoup changé ? Aux deux premières questions, elle affirme un oui effroyable, mais assumé. Quant à la troisième, elle demeure pour l'instant sans réponse.
De lourdes larmes tombent sur le papier du carnet, qu'elle découvre page après page même si elle ne comprend pas tout. Merde. Elle s'empresse de le refermer pour ne pas abîmer l'encre déjà mise à mal par le temps. Pleine à craquer, Scarlett essuie ses yeux, résolue à ne pas s'effondrer sur base de ces décevantes révélations.
Tout ça. Et bien ça vaut dix punitions.
Elle n'a pas le courage de ranger les affaires, dirige son regard vers la porte et prend une grande inspiration.
« Oui ahm...tout va bien, » répond Ekaterina dans un joli sourire. Elle est encore troublée de leur discussion précédent et se met à redoubler de peine pour Walker. Décidément, elle a le don de s'attirer la convoitise des hommes les plus distrayants de la planète.
« Je crois qu'Akina voulait aller au cinéma, et je ne suis pas contre. Un fast-food, ça me va. Voyons ce qu'elle en... »
Pense. Elle n'achève pas sa phrase, car la concernée vient d'apparaître parmi eux. Ses grands yeux mordorés sont humides, elle a pleuré ou est sur le point de le faire. Au fait de ces choses, Kitty décide de leur laisser quelques minutes et prétexte un peu besoin urgent. Après s'être faite indiquer l'emplacement de la salle de bain, elle les abandonne, mal à l'aise.
« Je ne sais pas quoi dire... » avoue-t-elle en venant lui faire face. Elle n'est qu'à quelques centimètres de lui, sombre dans son odeur familière. Malgré tout, la colère reprend le dessus. Non, elle ne lui en veut pas à cause des morts, ou des crimes. La guerre appartient au passé, en l'occurrence son passé à lui. Cependant, elle possède un peu d'amour propre et c'est le mensonge qui déclenche son ire. Elle lui faisait confiance. Et il l'a laissée éprouver des sentiments pour lui, alors qu'il n'est qu'un mort en sursis. Elle est tombée amoureuse d'un fantôme du passé. Elle digère mal.
En fait, elle n'a pas le temps de penser. La gifle est partie automatiquement. Bam, en pleine figure de l'allemand. C'est un expurgatoire infaillible. Dans la foulée, Akina reprend le visage qu'elle vient de martyriser et l'embrasse de force, y déliant son amertume et son aliénation. Ces deux gestes, l'un visant à l'assaut, l'autre à la passion, sont les faces d'une même médaille.
-
Il regarde Akina revenir, détournant son attention de la russe. Hm. Il comprend assez l'Etat dans lequel elle se trouve. Il est triste pour elle, même... Promis. Il baisse d'ailleurs la tête comme pour ne pas regarder la honte qu'elle lui projette. Mais... Quelle honte ? Celle d'avoir oeuvré à la gloire de sa grande nation ? Il sait néanmoins que ce n'est pas anodin, ce qu'il a fait. Il comprend aussi que c'est le concept de révélation qui la dérange... Mais, qu'y peut-il ?
Ekaterina qui part. Il se surprend à le regretter, comme s'il avait besoin d'un soutien moral, ou de témoin pour se protéger... Mais c'est probablement Akina qu'il veut protéger de lui. Le regard des autres est l'une des seules choses qui l'empêche d'être une brute sauvage, parce qu'on lui a appris à bien se tenir en société. Elle disparaît. Ça y est, la jolie métisse est dans l'arène avec un fauve. Elle va se faire déchiqueter.
Le coup de griffe vient pourtant d'elle en premier. « Donnerwetter », murmure son esprit, sentant une trouble colère grimper en lui, disparate et désordonnée, comme un assaut au front. Une bombe tombe soudain en plein milieu de la troupe, stoppant net leur avancée : Elle jette ses crocs sur lui, l'embrasse aux lèvres et le mord au cœur. Il ne parvient pas à réagir sur l'instant, emporté par la passion qu'elle lui insuffle. Il faut la punir, il faut la punir. Le mot bat dans sa tête au rythme de ses tempes, en rappel perpétuel. Elle a transgressé ton autorité. Dépassé la ligne rouge. Sévis. Sévis.
Elle sait que l'aigle va la briser quand il referme ses serres sur sa chevelure pour la dégager avec une violence animale de lui, l'éloigner sèchement à bout de bras après ce long baiser, comme si c'était son dernier et qu'elle n'avait plus de valeur, faisant peser la poigne vers le bas pour l'obliger à pencher la tête sur le côté, et en arrière.
-Si tu veux...
Il a besoin de reprendre son calme. Il se connaît quand il est comme ça, dévastateur, taureau fougueux, voyant le rouge partout. Celui-ci masque sa vision, comme si le sang envahissant sa pensée, et avec ça le besoin de faire souffrir et tuer.
Longue inspiration.
-Si tu veux me faire des reproches, tu utilises d'autres moyens. Je suis diplomate, j'accepte de parler... Mais... Wolkenbruch...
Son ton est crispé, comme s'il devait accomplir un pénible effort pour déserrer les dents, sisyphique puisque le reprenant à chaque syllabe. Il parvient néanmoins à parler dans la langue de Thoreau clairement, teinté néanmoins d'un léger accent qu'on qualifierait presque de britannique.
-Mais tu ne me frappes pas alors même que je t'ai ouvert mon cœur et ma vie. Vie que j'ai remise entre tes mains.
En fait, après qu'il ait prononcé la dernière parole, ses traits le trahissent : Il est autant en colère qu'il est saisi par la tristesse. Un sentiment peu habituel chez lui, tant et si bien qu'on pourrait le croire fou de ressentir ainsi.
Il est au bord des larmes. Des pleurs de rage et des pleurs de peine. Si le barrage de ses paupières ne cède pas, c'est peut-être parce que les deux flots sont contraires, et qu'il faudra attendre que l'un prenne le pas sur l'autre pour voir se déverser les eaux.
Elle est emportée à deux mètres. Cachette conne : Au-dessus d'un meuble. Il n'a qu'à tendre le bras pour sortir un magnifique Glock, le même qu'elle aura vu au restaurant, la taille au-dessus cependant. Un calibre plus viril, qui lui sied plus dans la paume. Le ton est baissé, un regard vers la salle de bain, celle-ci est fermée, il peut parler tranquillement.
-1945. Moi et ma garde personnelle tuons 1020 soldats américains et japonais à notre poursuite, selon le rapport que j'ai eu entre les mains. Je suis le dernier en vie, je n'ai presque plus de balles, les yankees vont m'attraper. Regarde-moi. Dans les yeux.
Il applique le canon de l'arme sur le côté de son front. On voit son doigt appuyer sur la gâchette, mais la détonation ne part pas, comme s'il n'allait pas au bout du mouvement.
-J'étais mort ce jour-là. Tu comprends ? Si jamais un jour je suis compromis, je préfère recommencer plutôt que d'être traîné devant n'importe quelle cour. Je n'attends que ça : Etre de nouveau au pied du mur pour avoir l'ultime courage de me faire sauter la cervelle, en espérant que cette fois-ci, ça marche.
Il repose l'arme à sa place, et lâche enfin sa bien-aimée Scarlett, sa douce petite chose si fragile par rapport à lui.
-Quand tu veux, tu me tues. Mais tu ne me touches pas. Le privilège de la violence m'est réservé. Tu l'as accepté. Si tu n'es pas d'accord avec ça, sors d'ici et ne reviens plus jamais. D'ailleurs, tu sors. Emmène ton amie avec toi. Je ne veux plus te voir. Oublie tes punitions, je te les efface. Va. Finie l'obéissance.
Il fait un geste de vague de la main, s'éloigne pour taper doucement à la porte de la salle de bain, judicieusement toujours fermée.
-Mademoiselle, je suis désolé que vous ayez eu à me voir ainsi. Je tiens simplement à protéger ma vie et celle de ceux que j'aime. Pardonnez mon manque de tact. Vous êtes toujours la bienvenue ici. Je vous emmènerai au cinéma une autre fois.
Il ira ensuite dans sa chambre. La porte reste ouverte. Il constate que tout est encore sur le lit. Pourquoi a-t-il montré ça... Il aurait dû continuer à mentir. Des années qu'il ment au monde entier, des années que le monde lui fout la paix. Il s'accroupit au sol, commence à tout ranger consciencieusement, avec le soin qui le caractérise. Il sort d'un tiroir d'une commode un chiffon blanc pour passer un léger coup sur une médaille en longueur, semblant en argent, où l'on distingue clairement des feuilles de chênes sur les côtés, une dague et une grenade qui se croisent au centre, surmontés par l'aigle et la swastika.
Il n'aura pas le cœur à relire l'album dont il connaît chaque imperfection, chaque point blanc sur les photos, chaque effacement de l'encre sur les caractères imprimés ou manuscrits. Il se contente de tout remettre là où ça aurait dû rester, et de ranger la chose en se gardant bien du regard de l'invitée.
-
La poigne sur ses cheveux, la crainte des coups et de leur douleur, ce n'est rien comparé aux mots qu'il lui jette ou au regret qu'elle éprouve d'avoir l'impression d'être à l'origine de son état. Dans sa poitrine, elle sent son coeur manquer de rompre, plusieurs fois. La vision de l'arme lui arrache un hoquet de surprise et elle ferme un court instant les yeux afin de l'écouter, une dernière révélation, un dernier vestige du passé. Elle ne veut pas y être mêlée, pas comme ça. Quand il lui intime de le regarder, elle trouve un vain courage à accomplir cet ordre. Même plongée dans la confusion la plus grande, elle obéit. Avec la dévotion qui caractérise toutes les soumises de ce monde, mais par amour également.
Elle panique lorsqu'il manipule l'arme sur fond de récit morbide. De nouveau, elle clôt ses paupières. La vision du revolver contre lui-même, l'idée qu'il recommence.C'est insupportable, elle l'aurait supplié si elle avait la force de prononcer une seule syllabe. Enfin, il la relâche. Elle fait quelques pas en arrière, emportée par le désarroi et s'appuie au premier meuble venu, tétanisée. Et elle le dévore tout entier de ses prunelles vacillantes.
Je ne veux plus te voir.
Bang.
Il s'en va, Ekaterina apparaît timidement en la couvant d'une œillade paniquée et navrée à la fois. Akina déglutit péniblement, un goût amer irrite sa bouche. Elle étouffe un premier sanglot, et se hâte de récupérer son sac, délaissé quelque part. Elle va obéir. Comme à chaque fois, elle va partir et ne plus jamais le revoir. En deux enjambées, la russe est près d'elle. Après lui avoir agrippé fermement le bras, plantées au milieu du salon, elle parle d'une voix basse et empressée.
« Que fais-tu ? »
« - Je m'en vais...je...c'est trop dur. » confie Walker avant d'expirer un nouveau sanglotement.
Vodianovo fronce les sourcils et finit par la saisir aux épaules afin qu'elles puissent parler en se regardant dans les yeux.
« - Cet homme...ca se voit qu'il n'est pas juste ton ami. Il a l'air....un peu fou, c'est vrai. Mais...c'est un homme bon. »
Si par bonté, on entend menacer untel de mort parce qu'il risque de vous enlevez ce à quoi vous tenez . La métisse secoue la tête. Elle n'a pas besoin de discours douloureux, de pathos et de mensonges. Même si elle reconnaît volontiers qu'il serait très difficile de vivre sans lui, malgré son lourd passif.
« - Il pourrait tuer pour toi. Tu n'en trouveras pas un comme tous les matins. Je ne sais pas ce qu'il t'a dit dans cette chambre, ni...mais il a besoin de toi.
-Il souhaite que je parte à tout jamais.
- En as-tu envie ? Insiste la toute blonde, les sourcils arqués par l'appréhension.
- Non...
- Vas-tu franchir cette porte et regretter jour après jour de lui avoir obéi ? »
Silence. L'américaine ne répond pas immédiatement. Son attention se porte vers le couloir qui mène à la chambre, elle songe et entend la voix lointaine de l'allemand : Imagine, toi, Scarlett. Tu es face à un dilemme. Je t'ai interdit de faire quelque chose, formellement interdit. Mais tu sais qu'en transgressant cet interdit, tu me sauverais d'un quelconque danger. Alors, par ton intelligence, tu te dirais qu'il vaut mieux transgresser l'ordre, non ?... Mais par la même, en parlant simplement : Tu trahis en quelque sorte la loyauté, en la remplaçant par un autre genre. Il n'y a pas vraiment de réponse à cette solution. Tu sais... Si j'avais désobéi... J'aurais peut-être été passé par les armes, et ne serait plus là pour te parler, mais au moins, j'aurais agi selon ma conscience.
Kitty semble remarquer son trouble, celui qui exprime le doute et la résolution à la fois. D'une main avenante qu'elle passe sous le menton de Scarlett, elle lui relève le visage et lui attribue un sourire fraternel. Un baiser sur le front et une ultime parole chuchotée avec tendresse :
« - Je vais retourner chez toi, si tu le veux bien. Je crois que...vous avez certaines choses à vous dire. Je ne suis peut-être qu'une pute, mais j'ai assez fantasmé sur les sentiments pour savoir que tu en as. Et je t'envie même cette insouciance. Nous nous ferons un cinéma un autre jour, entre filles. »
Elle n'ose pas remercier sa comparse, si ce n'est par une moue qui s'apparente vaguement à une tentative de sourire. Cinq minutes plus tard, elle franchit le seuil de la chambre. Elle ne s'est pas annoncée, n'a pas frappé à la porte puisque celle-ci était ouverte. Par nervosité, elle croise et décroise ses mains délicates puis se rapproche de lui. Comme de nombreuses autres fois, elle rejette son sac à terre pour s'asseoir à côté de lui, sur le lit qui accuse son poids tout féminin. Et elle l'admire de biais, sans oser le toucher encore.
« Le vrai courage...c'est celui d'avoir entamée une autre vie. Sans les gens que l'on aime, de changer un peu, peut-être beaucoup. » déclare-t-elle d'un ton très doux. « Vous m'aviez dit qu'un jour, en désobéissant, on remplaçait la loyauté par autre chose. Cette autre chose, c'est de tenir mes promesses. J'ai dit que je serai toujours là pour vous, et c'est vrai. C'est vrai même pour Anton Von Königsberg.»
Elle marque une pause, le temps de ménager cette joue qu'elle a offensé d'une caresse fugace.
« Je suis désolée pour le coup. Je ne suis pas aussi douce que les femmes du Vieux Continent. Mais que vous le croyiez ou non, je l'ai fait parce que je vous aime. Et que.... »
Akina lève les yeux au plafond, et pousse un soupir.
« C'est très dur de vous aimer. D'autant plus maintenant. Et que je ne peux rien à ça. Ca ne veut pas partir. Et je ne veux pas partir. »
Peut-être fait-elle preuve du même type de détermination dont avait usé Maria von Hartnung quand elle avait constaté que l'homme choisi pour honorer sa couche durant tout le reste de sa vie semblait indifférent à son égard. Quelques mèches décolorées se sont échappées de sa coiffure tressée et retombent sur son visage , barrant son regard qu'elle porte sur lui.
« Le pensiez-vous vraiment, Freiherr Anton ? Ne plus vous voir, jamais. Est-ce ce que vous désirez ? »
-
Il a envie de l'envoyer chier. Genre sévère. Genre... Pas aimable. Genre Siegfried, en fait. Il sait dores et déjà comment ça va se passer s'il ne le fait pas : Deux trois larmichettes, des explications avec les violons derrière, on se fait un gros câlin et on repart de zéro, comme deux vieux amis que rien ne séparera.
Mes couilles. Il n'a pas envie que ça se passe comme ça. Il reste cependant attentif, ayant décidé de l'écouter avec patience. Assis sur son lit, là, dans cette antre du mal, où se cachent la plupart de ses souvenirs pré-1945, un temple dédié au nazisme et à ce que le monde occidental dans sa grande hypocrisie considère de pire... Il n'est pas à l'aise. Ce n'est pas normal. Serait-ce l'intrusion de son (ex-?)esclave ? Non, ça vient de lui-même, tout seul. Il n'a plus envie d'être là. Ca lui fait souvent ça en pré-injection, dans ces moments où il n'est pas grand-chose de plus qu'un quasi-cadavre rampant pour une dose de came. Ces moments où il prétend que s'allonger et attendre la mort serait plus doux. Il n'a pas appris de ces jours passés sans fix, perdu dans un Japon inconnu.
Par contre, il a retenu avant. Ces fois où il a obéit à une certaine raison, une « logique », plutôt que d'écouter son instinct, et de se laisser guider par l'inné. L'inné lui dit-il de lui en coller une avant de la foutre dehors à coups de rangers, ou de la pardonner et de l'embrasser ?
Et elle l'appelle finalement Anton. C'est ce petit truc, ce nom qui lui fait comme une petite décharge à chaque fois, un coup de jus. Il tique, ses paupières clignent à plusieurs reprises, ses narines frémissent.
Boum, il reprend du poil de la bête, se tourne immédiatement vers elle en la pointant de l'index.
-Ecoute-moi bien. Hmf... Je te dis trop souvent ça. Ecoute. Tu ne sauras jamais ce que ça signifie de tout perdre. Tout. Imagine-toi propriétaire d'une domaine de la taille du Vatican. Imagine qu'un jour, plus rien ne t'appartienne. Je suis mort, notre enfant est mort. Ton pays est complètement soumis à des armées ennemies – à un niveau autrement plus important que le Japon. Ton armée n'existe plus, tes chefs n'existent plus, désintégré, pendus, envolés, pouf, et tu as été condamnée à mort. Le monde considère que tu es une abomination sans avoir la décence de réfléchir à ce qu'ils disent. Tu vois, ça ? Ca, t'en es préservée. Tu as des problèmes, tu en auras peut-être des plus graves que ça, mais ça, tu ne connaîtras pas.
Il se lève et se dresse devant elle, prenant son menton sur son pouce. Aucune douceur, aucune rudesse.
-Tu ne me frappes plus jamais. Je ne supportes pas ça. Je t'y ai autorisé une seule fois, j'ai estimé que c'était légitime. Je devrais te tuer pour l'humiliation que tu viens de me faire subir.
Il est sérieux. Il a l'air sérieux. … Attendez, il est encore sérieux quand il parle de la mort d'Akina !?
-Je devrais te rendre la pareille devant elle. Dans la rue, même...
Sa rage grimpe de nouveau au fil de ses mots, comme si parler ne le soulageait pas, bien au contraire, excitait ses nerfs. Il commence à faire les cent pas. C'est mauvais. Le voilà parti, rouvrant à la volée la porte de sa chambre pour rattraper Ekaterina sur le départ. Il hésite à la toucher, il se ravise. Que dire ? Que dire ?
-Attendez. Je... Je passerais demain, chez Scarlett. Je veux vous parler sérieusement. Je ne vous ferais pas de mal, promis. C'est pour Akina. J'essaierais de passer à 15h, si possible.
Il aura parlé de sorte qu'Akina ne l'entende pas. Il n'attendra pas la réponse de la russe, la salue courtoisement, et s'en retourne vers Akina.
-Rappelle-toi la dernière fois que ton père t'a touché. Rappelle-toi la dernière fois que tu as fait l'amour. Rappelle-toi quand tu étais dans cette chambre d'hôtel, par une faute de ta part, de laquelle je suis totalement étrangère. Compare ces trois situations à maintenant. Demande-toi ce que tu préfères.
Chantage. Bâtard.
-Et rappelle-toi que c'est la dernière fois, Scarlett, la putain de dernière fois que je tolère que tu m'humilies ainsi. Je t'ai déjà laissé une chance une fois, et merde, tu as de la chance que je ne puisse pas me passer de toi facilement, ou je n'aurais pas la faiblesse de te pardonner une nouvelle fois.
On voit ses lèvres continuer de remuer tandis qu'il se regarde dans le miroir. « Last time, last time », semble-t-il répéter, comme pris d'une légère folie, avant de se reprendre.
-J'ai faim.
Il ment. Il a juste l'envie de manger, l'envie de boire quelque chose, l'envie d'utiliser sa force surhumaine et son endurance considérable pour s'user... pendant des heures s'il le faut.
Faire l'amour ? Oui. Mais pas avec elle. Étrangement, même une dégradation extrême de sa jolie soumise ne lui fait pas envie. Il se contentera de saisir une amandine pour la découper en deux. Poire. Couteau abandonné dans l'évier. Il soupire.
-Tu ne... comprends pas encore comment je suis. C'est ça le problème. Peut-être te dis-tu parfois la même chose à mon propos... Auquel cas je ne demande qu'à t'écouter. Je ne cherche à te modeler à la façon que je veux, mais je veux te faire devenir ce que tu es. Tu dois me parler. Nous ne parlons pas assez. Nous baisons trop. … Ou pas assez.
Un regard sur l'heure.
-Non, pas assez. Et nous ne parlons pas assez. En fait, nous ne... vivons pas assez normalement. Je vais parfois trop vite. C'est ta faute, tu as trop longtemps caché ton potentiel. La sodomie dès la première fois... J'avoue que j'ai été dépassé. Trop rapide. Parle-moi. Dis-moi ce que tu as envie de me dire. De me demander. Vas-y. Tout ce qui te passe par la tête. Et.. Hm, du coup, on a une séance dans une heure, si tu en as toujours envie.
-
Attends, quoi ? Non, elle ne sait pas ce que c'est de tout perdre, enfin si un peu. Perdre un domaine entier, ou sa mère : c'est la même chose. Qui va pleurer des dirigeants incompétents ? Et qu'elle sache, l'Allemagne est toujours présente au centre de l'Europe. Arrête ça, Akina. Arrête de penser comme une occidentale pourrie gâtée, mets-toi à sa place, c'est ce qu'il veut. « Fuck » réplique sèchement sa conscience, en total désaccord avec la moindre empathie. Finalement, la métisse opine de manière confuse aux propos qu'il lui tient, troublée quand il l'amalgame à sa femme. Elle se sent mal à l'aise, pas à sa place. Elle aurait dû partir. Madame conscience ne préfère pas relever. Tout à coup, elle se pose des tas de questions : a-t-il pris son injection ? Est-ce une crise de manque qui le rend susceptible ? Ou simplement ta gifle. A ce propos, il devrait te tuer. Merde, la menace l'excite de nouveau. Elle se continent, serre les poings. Ce n'est pas le moment de penser au sexe.
Oh ça va. Ce n'était qu'une claque, comme des milliers de femmes en ont déjà donné à des milliers d'hommes lors d'une indignation particulièrement insupportable. Oui, en militant pour le droit de vote, la gent féminine a également obtenu le droit de dispenser des gifles à qui bon lui semble. Elle lui a déjà expliqué que c'était involontaire, fait sous le coup de l'émotion. Soudain, il quitte la chambre. Elle en profite pour se redresser, récupérer son sac et prendre un peu de recul sur la situation. Impossible de regarder décemment les armoires, pas sans penser ce qu'elles contiennent désormais. Bon sang, il a dû se sentir tellement seul, durant toutes ces décennies. La compassion revient, elle se trouve horrible d'avoir réagi comme une adolescente à des faits si graves.
A l'entrée, Kitty sourit avec tristesse et opine à la proposition de Siegfried. Après tout, ce n'est pas chez elle, mais elle y sera s' il y tient. Et la porte claque derrière elle. Ils sont définitivement seuls, Akina en a profité pour sortir de la chambre. Par chance, elle n'a pas surpris leur conversation. Elle encaisse tout le reste en silence, pétrifiée par la folie qui semble émaner de lui.
Dans la cuisine, elle l'observe se servir une part de pâtisserie. Étrangement, elle n'a pas faim bien qu'elle n'ait rien ingurgité de la journée, ou du moins pas grand chose. Si appétit il y a chez elle, il se situe autre part, plus bas que son estomac. Elle cligne des yeux et se reprend. Sa main capture la sienne et l'éloigne du plan de travail afin de lui faire face.
« Nochmals Entschuldigung. Das wird sich nicht wiederholen. Ich verspreche Ihnen. » lui murmure-t-elle, laissant son souffle effleurer les lèvres du SS. Elle parle allemand, du moins tente à l'aide de ses nouvelles connaissance. Si la syntaxe est un peu laborieuse, l'accent est toujours joué, soigné et mis en évidence.
« Anton... » poursuit-elle sensuellement, les yeux fermés.
Ses mains féminines descendent le long de son torse, s'arrêtent contre la boucle de sa ceinture qu'elles vont défaire avec une lenteur appuyée. Le cuir fouette dans l'air, entre eux et elle tire brusquement pour retirer l'accessoire. Ses gestes semblent déterminés, empreints d'une envie sexuelle explicite et soudaine. C'est de la passion à l'état brut, qu'elle a dû mal à polir.
« Bestrafen Sie mich, » implore-t-elle en l'embrassant une première fois, puis une seconde et une troisième. « Bitte. Freiherr Anton. »
Il sent le cuir de sa ceinture cintrer sa nuque. C'est elle qui vient de la passer autour de lui, et s'en saisit comme d'un appui pour l'attirer à elle, et articuler sans cesser leurs baisers, qu'elle pimente de violence seconde après seconde : « Ich bin Ihnen »
Elle s'agrippe définitivement à lui, d'une poigne excitée. Son corps épouse le sien, courbe contre muscle et elle se frotte contre lui à l'image d'une chatte en chaleur, murmurant par soupir saccadé :
« Faîtes-moi mal...s'il vous plaît....marquez mon visage, mon corps. Que je ne puisse pas faire un pas, ou me voir sans me rappeler que je vous appartiens. »
Ils parleraient après.
Ses doigts lâchent les extrémités de la ceinture et s'enfoncent dans la poitrine solide du soldat immortel avant de chuter vers sa virilité occultée. Elle arrache littéralement le bouton, déchire la braguette avec des mouvements brutaux, empressés. Scarlett brûle de l'intérieur, elle veut être baisée, humiliée, frappée : son regard de pute le crie, sa bouche le réclame.
-
Elle a un sérieux problème. Nymphomanie, Stockholm délirant ou une psychose bien déplacée, Siegfried ne sait pas quoi penser d'elle, et de cette envie pressante d'être maltraitée. Serait-elle un genre d'esclave ultime ? La dernière chose qu'il aurait besoin dans sa vie, la seule qui ne le laissera pas dans une palpable insatisfaction ? Étrangement, ça y ressemble, et jusque là, il n'a été déçu que par ses insolences. Mais il lui pardonne, encore, il lui pardonne tout elle n'est esclave que depuis peu. Mais il l'a dit : Elle est trop rapide, trop vive. C'est là où son mental déconne.
Et il suit. Parce que si elle est dérangée, lui aussi, voire plus. Comment peut-il décemment résister à cette somptueuse créature qui ne désire que lui, de toute façon ? Elle fait tout pour qu'il baisse ses défenses, parlant sa langue qu'il chérit et regrette, s'exprimant avec la dévotion qu'il impose, désirant qu'il défoule sur elle toute la violence dont il déborde et qu'il cherche à purger.... L'appelant par son prénom. Anton, Anton. Et ça lui ramène ses vieux souvenirs. Pourquoi... pourquoi est-il si faible face à ça ? Il se maudit d'avoir envie de la prendre, là, maintenant, et la maudit d'être aussi parfaite.
C'est la question de la perfection qui se pose d'ailleurs. Doit-il cé...
Une pause. Il saisit son poignet pour l'arrêter. Retirer la ceinture et la laisser choir à terre. Réfléchir.
Doit-il céder parce qu'elle sait éveiller son désir ? Sa libido assez expensive le fait aisément décoller au quart de tour, mais Scarlett sait jouer de tout ce qui lui plaît pour apparaître devant lui comme l'amante idéale. Lui qui pensait il y a quelques secondes la condamner à une longue abstinence, le voilà qui déjà renie cette résolution et pense aux mille façons de lui faire mal, de manière vive ou durable, piquante ou profonde, douce ou marquante. Il connaît parfaitement ce tremblement dans ses mains, trahissant son envie de se vider vite et avec rage, comme pour tuer une bête féroce, et laisser le temps défiler n'arrange rien : Ne s'est-il passé que deux secondes depuis qu'il l'a stoppée qu'il a l'impression qu'elle le regarde de ces yeux suppliants depuis des heures, et que son effort s'essouffle malgré sa force surhumaine.
Le corps d'Akina échoue au sol, emporté par l'élan d'une passion qui submerge le SS. Il se rend compte, alors qu'elle a le cul sur le plancher, qu'il n'a pas fini de peser le pour et le contre, que des questions restent en suspens, sur le mérite, la bienséance, la résistance, la tempérance et tout un tas d'autres choses dont il n'a plus rien à battre, parce qu'il veut juste la sauter jusqu'à ce que mort s'ensuive, d'un côté ou de l'autre, et plutôt que de la faire ronger un os comme il l'avait prévu, il lui fera bouffer sa queue.
Brutalement. Elle devra ouvrir les lèvres en grand pour prendre ce qu'il lui donne, un morceau de chair loin d'être tendre, plongeant dans sa bouche pour y progresser avec férocité. C'est pas encore ce soir qu'elle aura de sa part un peu de tendresse. Sa queue s'enfonce en elle, la traitant plus mal encore qu'il le ferait avec sa chatte, brise ses résistances pour goûter à sa gorge, compressant sa langue sans pitié, envahie qu'elle est de sa présence trop imposante. Remuant du bassin en tenant fermement sa chevelure, elle n'a d'autre choix que de subir, servir ce Maître qui ne la désire que trop, après tout c'est de sa faute s'il bande autant, s'il rage autant, elle doit faire face comme une brave soldate, encaissant ses grands coups de reins qui manquent de la faire vomir à plusieurs reprises. Et si elle renvoyait pour de bon ? Pas grave. Il continuerait quand même. Il n'a pas les moyens moraux, actuellement, de s'accorder un peu de tenue.
-Si tu n'es pas capable de résister, comment peux-tu prétendre être ma chienne... Tu dois tenir bon jusqu'au bout, petite pute.
Parce qu'il y va durement, plus dur qu'il ne l'a jamais été avec elle, et si un brin de conscience devait innocemment traîner par-là à cet instant, même Siegfried se trouverait trop brutal. Comme à son habitude, la barbare fellation forcée n'est interrompue que pour la laisser brièvement respirer, entrecoupant ces courts moments de calme par quelques claques bien senties. Il ne la ménage pas, à aucun moment, et si pauses il y a, c'est juste pour s'assurer de sa survie. Comme à la plage, avec l'eau. Contrainte à suivre son tortionnaire lorsqu'il bouge, la voilà tête coincée contre le plan de travail et le corps du monstre qui en profite pour la maintenir en étau et la martyriser un peu plus. Il lui dit de se détendre et l'insulte dans le même temps, murmure qu'elle n'est jamais plus belle qu'à ses genoux, puis lui assène une claque de nouveau. Cou enserré, cruauté éprouvée, cheveux tirés, et il s'enfonce d'un coup sec une énième fois, plus loin qu'il n'ait jamais été, serrant les dents pour ne pas exploser dans un orgasme déchirant.
Sa respiration sera coupée par un soudain grognement. Les fourmillements l'envahissent. Echec critique, il n'aura pas su se retenir, finalement. Un premier jet injecté directement dans la gorge de sa soumise, sans lui laisser le temps de savourer. Les quelques secondes passées empalée doivent lui apparaître comme le dernier supplice, encore plus lorsqu'elle le sent gonfler, et se vider en elle. Pour les salves suivantes, il sera clément, et sort brusquement pour couvrir son visage de sa baronnique semence. Même pas le courage d'y mettre les mains : Il s'épand en désordre, secoué par le plaisir, obligé de se tenir sur le marbre pour ne pas tomber.
L'ouragan passé, Siegfried reprend son souffle. Il la regarde enfin, avec de vrais yeux, pas ceux voilés par l'irascible désir, mais ceux de son Maître, aimant et aimé.
« Scarlett », voudrait-il lui dire avec amour, mais le rôle de bourreau l'en empêche.
-Ne bouge pas.
Pas intérêt. Il referme vaguement son pantalon, disparaît, revient.
Une cravache en main.
Noire, fine, tout en cuir, le bout plat au bout. Certains officiers en avaient d'un autre genre, lui, avant la guerre, n'en a jamais tenu autrement que pour contrôler un cheval. Oui, le prussien dresse et monte des bêtes désobéissantes, et c'est ainsi qu'elle sera traitée.
Prise par la nuque, elle est allongée sur le plan de travail vide. La culotte est saisie et baissée, ni trop sèchement ni trop tendrement. Il avait commencé à se saisir de la ceinture, mais abandonne celle-ci à côté d'Akina pour chercher le sac qu'elle a abandonné dans sa chambre. Il trouve dedans son collier. Jackpot. Un autre tiroir sera au passage fouillé. Revenu vers elle, il colle son bassin où sa turgescence gonflée s'insinue entre ses fesses malgré le tissu qui les sépare.
-Pour la première fois, c'est moi qui te le met, ma chienne.
Il est descendu d'un ton. Il faut croire que la première purge l'a adoucit. Il ne sera pourtant pas délicat quand il lui mettra, serrant jusqu'au cran le plus oppressant, le dernier encore supportable. L'anneau à l'avant trouvera son utilité quand il y clipsera une petite attache. La voilà attachée à une laisse, que son Maître tire d'ailleurs.
Il se recule, relève sa robe avec l'extrémité de la cravache, caressant ensuite ses fesses avec.
-Il est d'usage de commencer doucement.
Une première frappe. La douleur est vive, mais pas désagréable.
-Le problème étant... que cet objet a vite tendance a faire plus mal qu'il ne le devrait.
La deuxième frappe, sur l'autre fesse, horriblement proche du centre de son entrecuisse, est plus douloureuse encore.
-Regarde-moi.
Alors qu'elle tourne la tête vers lui, la cravache se pose sur sa joue.
-Je veux que tu retiennes cette leçon. Que tu sois en désaccord avec moi, soit ; mais tu ne me touche pas ainsi. Tu es l'esclave et l'objet et je suis ton Maître et propriétaire. Répète.
Et après qu'elle ait ainsi déposé près du cadavre de son honneur gisant à terre cette profession de foi, elle se prendra une violente claque de la part du jonc synthétique, faisant gicler au passage quelques gouttes de son foutre qu'il s'y trouvait. Ces mêmes éclaboussures iront se nicher dans sa chatte quand le germanique fouettera son entrejambe rendu disponible par cette outrancière position.
La laisse est tirée plus que de raison, elle n'a d'autre choix que de se redresser, mais est immédiatement mise à terre. Le genou appuyé sur sa nuque lui fait signe de poser sa tête au sol, sous peine de quoi il devra la forcer. Aidé par la badine, la robe remonte, puis glissera toute seule sur ses reins. Ses mots seront ponctués par des coups de fouet très espacés parsemant ses cuisses et son cul.
-Regarde-toi, belle petite salope. Ton cul m'appelle. Tu es dans la position de la parfaite petite chienne, réduite à être un sac à foutre à ma disposition. Je pourrais t'attacher ainsi et me servir de toi comme simple orifice à défoncer. Je te nourrirais pour te garder en vie, ma femelle en chaleur, et tu ne serviras qu'à être baisée, encore et encore.
Finis de lui faire mal, la cravache s'insinue entre ses lèvres, caressant avec malice ses chairs mises à nu. Le cuir se tord et fond à sa chaleur, et d'une simple pression, il pourrait la pénétrer avec cet objet pourtant peu réservé à ça. Notons au passage que la laisse est toujours tenue.
-Je ne t'ai pas encore pardonné.
Le prochain coup sera aussi inattendu que cruel, puisque la cravache frappe sa chatte avec une puissance trop imposante pour le fragile organe. Il attend quelques secondes, qu'elle ressente toutes les sensations que ça lui procure, la douleur, le plaisir si elle a de la chance, l'évanouissement progressif du désagréable picotement, et peut-être l'envie d'en prendre encore.
Ce qu'il fait. Clac, le délicat minou une nouvelle fois châtié Le mal par le mal. Il récidive les caresses, mais cette fois-ci, il les réserve pour son nadir, cajôlé par le cuir rendu humide, où il simule là-aussi une nécessité de pénétration.
-Si tu jouis, petite pute, j'en reviens à ma punition première : Te priver de sexe pendant trois mois.
Est-ce que ça l'excite autant que les menaces de mort, hm ? En tout cas, il la sent plus que réceptive, et espère que ce n'est pas qu'une illusion de son propre désir. Akina, dans ce pesant silence, entend sa braguette descendre une nouvelle fois, et son sexe ressortir.
La cravache la fesse encore, et cette fois-ci, le baron y met de la force. Même pas besoin de grands mouvements, la fermeté du poignet suffit pour brûler sa peau d'inclémence et de tyrannie. Il prend son temps entre chaque coup, lui laissant apprécier ce traitement, pleinement. Après tout, c'est elle qui l'a choisi, non ?
-Tu as envie que je te prenne, maintenant. Tu as mal aux genoux, ta gorge est douloureuse, et ton cul est en feu, dans tous les sens du terme. Tu t'en fous qu'Ekaterina entre, ton père, Kenneth, tu veux juste que je te baise. Tu dois vénérer ma queue, et plus encore, mes orgasmes. Ils sont désormais ton unique raison de vivre.
On ne saura pas si c'est un ordre ou une constatation d'Akina, mais dans tous les cas, le ton impérieux semble la contraindre à devoir penser ainsi, coûte que coûte.
Il abandonne enfin son arme, mais pas n'importe où : Entre les dents de la belle métisse, la privant de tourner la tête, l'obligeant à serrer la mâchoire, et accessoirement à baver. Que lui fera-t-il si elle la laisse tomber ? Ensuite, la ceinture est reprise, et tandis qu'il s'agenouille derrière elle, il saisit ses deux poignets pour les enfermer entre le cuir. Boucle refermée rageusement dans un trou qui ne devrait pas se trouver là, mais qui y est pourtant, de sorte que ses mains soient complètement bloquées dans son dos.
-Quel trou vais-je prendre... Hmm... Je me sens d'humeur à t'enculer, ma jolie putain...
En guise de menace à une sodomie brutale et sans préliminaire, son gland caresse l'anus qui lui semble destiné, puis glisse au dernier moment pour pénétrer son sexe. Il aura été clément – enfin, si l'on peut dire ça ainsi, puisqu'elle est privée d'orgasme. Tirant sur la laisse d'un côté et la ceinture de l'autre, Siegfried n'aura aucun scrupule à lui casser salement le bassin avec toute l'âpreté qui caractérise les déments de son genre, névrosé de la violence qui cherche désespérément à éteindre le feu de folie qui le consume chaque jour par l'acte sexuel sous sa forme la plus primaire.
Et l'acte durera. Durera autant qu'il le voudra. Après son orgasme passé, il est tranquille pour un moment.
-Je ne jouierai que lorsque tu le mériteras assez. J'ai tout mon temps.
-
Placée à terre, forcée d'ouvrir la gueule, Akina écarquille les yeux, paniquée. Elle recherche désespérément un appui, qu'elle trouve au sol, obligeant ses mains à se souder au carrelage pour éviter la chute ; incapable, donc de repousser les assauts infernaux qui déforment sa bouche adorable, davantage faite pour gober des fraises ou des cerises. Il est si brutal, pense-t-elle dans un éclair de lucidité, mais j'aime ça. Les haut-le-cœurs se présentent dès qu'il a l'audace cruelle d'abuser de la profondeur de sa gorge. Mais ils ne sont rien comparés aux secondes où elle peine à retrouver son souffle, presque certaine de mourir étouffée par la raideur allemande. Elle continent ses réflexes afin de ne pas mettre ses dents, et d'ouvrir la mâchoire quitte à se la déboîter. De toute manière, vue la force qu'il jette dans ses intrusions douloureuses, il risque bien de la blesser à cet endroit.
Merde, elle va vomir. Elle sait pertinemment que ce genre de sécrétion ne l'arrêterait pas et elle tient bon, comme si elle avait toujours eu l'habitude de se faire ramoner le gosier au-delà de la glotte. C'est vulgaire, mais à son image : n'est-elle pas devenue sa pute ? En ce sens, il a le droit d'agir ainsi. De plus, elle l'a réclamé et le réclame encore, même à terre, drapée d'impuissance. A défaut de régurgiter le faible contenu de son estomac, elle salive à plein régime, lubrifie involontairement la trique qu'on lui plante férocement entre les lèvres. Elle a mal, elle a du plaisir : sans savoir à quelle dose respective. Il semble que la souffrance l'emporte et de là vient sa satisfaction.
Si elle est capable de résister. Ce serait une lacération dans son orgueil de chienne si elle ne faisait pas preuve d'endurance. Elle accuse la bestialité du prussien avec une grande innocence, lui conférant des airs de Marie-Madeleine : pute et sainte, il fallait l'assumer. Enfin, l'oxygène devient moins pénible à trouver, à inhaler grâce à ce grand vide dans bouche. Si Scarlett se délecte de son sort, sa conscience en est martyrisée ; plongée dans la honte et la culpabilité d'être ainsi dégradée. Elle vaut mieux que ça. Cependant, l'opinion de la soumise diffère clairement ; au fur et à mesure, elle se persuade vaguement qu'elle est faite pour ça. Du moins, avec lui.
Une gifle, puis une autre. Les frappes cinglent ses joues pâles et elle émet ce qui ressemble vaguement à des geignements. Pas le temps de geindre davantage, en revanche, il administre de nouveaux coups de trique dans sa bouche. Elle atteint ses limites, elle sent le renvoie contracté ses muscles, l'air se dessaisir d'elle. Il est trop violent ; et ses prunelles brillantes dardées vers lui, le supplient en silence. Quand il quitte brièvement le confort de ses lippes, elle recrache un peu de salive, inspire faiblement et il recommence. Soudain, l'arrière de son crâne cogne le plan de travail. Elle panique carrément, piégée entre les puissantes pénétrations et le meuble. Akina agite les mains en vain, effleure Siegfried à plusieurs reprises, et consent lamentablement à ce rude sort. Elle va elle-même clouer ses poignets de part et d'autre de sa tête, contre la surface où elle est épinglée ; comme crucifiée, elle s'offre en abondance, continue d'ouvrir la bouche, supporte les insultes qui la font frémir de plaisir, les coups, les tentatives de l'étrangler. Au fond de ses yeux, l'éclat de la peur a laissé place au règne de l'extase. Mourir n'a plus d'importance désormais, elle s'abandonne entièrement : qu'il fasse d'elle n'importe quoi, elle n'aurait jamais la force de lui refuser.
Il lui empale une ultime fois la gorge. Le choc est difficile à encaisser, elle ravale pêle-mêle sa salive et beaucoup de foutre au passage. Putain, songe-t-elle effarée, il vient de jouir au fond, elle n'aura même pas eu le goût particulier de sa semence. Toutefois, elle apprécie la manière dont il a expédié le tout, rapide, rageuse, brutale. En ressortant, elle pense qu'il en a terminé et s'apprête à parler, mais une salve blanche lui explose au visage. Elle ferme les yeux et aura le malheureux réflexe de détourner faiblement son minois, laissant de longues traînées laiteuses en balafrer tous les angles. Lorsque la dernière goutte heurte son front, elle apporte ses doigts à sa figure, tâte le sperme chaud dont elle est recouverte et relève son attention sur Siegfried, tremblante.
Une fois qu'il revient, la cravache sombre se reflète dans la pupille légèrement dilatée d'Akina et elle déglutit péniblement. La seconde d'après, elle est sur le plan de travail et on lui ravit injustement son souffle à l'aide de son collier.
« Han...An..Anton...ça...fait mal.. »
Ce n'est pas une plainte, encore moins un constat : une simple supplique à son attention, sur un ton langoureux mais haché. Tout à coup, alors qu'elle devine l'excitation de son bourreau le long de sa croupe relevée, Scarlett se rappelle qu'au final, telle est la place d'une femme. Il est tellement plus aisé de faire ce qu'on attend d'elle, d'obéir sagement, d'être belle, d'être bonne que de se battre Et elle soupire, malgré l'étau de cuir qui meurtrit sa gorge lésée. Elle ne tarde pas à remarquer la laisse et s'en indigne une maigre seconde : « Non....qu'est-ce que... »
Vlam un premier coup la laisse pantoise. Elle a serré les dents, toute blême, saisie par la douleur.
« Ah ! » crie-t-elle au second coup de cravache. Elle ne voit plus très clair. A force de suer, de grimacer, son léger maquillage coule et ravage l'harmonie de joli visage. Le regarder est un supplice, mais elle obéit sans broncher, lèvres entrouvertes, regard vitreux, joues colorées d'un rouge indécent. « Non...tu ne peux pas faire ça... » implore sa conscience. « Ne répète pas. Arrête ça... »
« Je....suis l'esclave....l'objet et...vous le Maître, le propriétaire... »
Comme Iphigénie, elle accepte son sort, écrasée par le devoir. Elle sera récompensée d'un autre coup. Sa joue brûle immédiatement sous la morsure impitoyable du cuir. Les larmes de douleurs explosent dans ses yeux devant lesquels volent en des dizaines de gouttes brillantes, une partie du foutre libéré. Pas le temps de réagir, ou de réfléchir qu'elle est traînée à terre. Elle fait tout, tout ce qu'il lui suggère car elle n'a pas envie de le décevoir. Sa tête va au sol, joue contre le carrelage froid et elle rêve déjà de nettoyer la trace de sperme qu'elle laisse à cause de cette position. Et il la bat sévèrement, encore plus fort. Elle s'empêcher de crier, refuse de prendre le risque que ses hurlements de souffrance couvrent les paroles qu'il lui promet. Salope, sac à foutre, chienne. Elle les répète dans un murmure brûlant. L'orgasme la frôle, elle se contient.
« Ich...bitte....Sie...ficken Sie mich...immer...w.. » Chaque mot lui coûte, la commissure de ses lèvres lui fait atrocement mal.
Elle n'achève pas sa phrase emportée par la meurtrissure qu’occasionne le choc contre son intimité. La main de l'allemand sera éclaboussée de cyprine suite à ce geste violent. « Ce bâtard a bien visé.... » Même sa conscience en est toute retournée. Encore, encore...
Un autre coup retentit contre ses chairs féminines.
« Ah... ! Anton...bitte... » gémit-elle, tellement secouée que sa tresse épinglée à sa tête, comme le font les ukrainiennes, se détache sauvagement.
Encore une menace. Mais elle jouirait rien que pour ça, parce qu'il évoque des châtiments et des punitions qui lui sont insupportables. Il assume parfaitement son rôle. « Est-ce encore un jeu de rôle arrivés là ? » Oui...évidemment...peut-être pas.
« J'aime...votre queue...je veux déborder de votre foutre... » conjure-t-elle, toute réceptive à son discours.
Elle ne pourra rien de plus, car la cravache se loge entre ses dents. Par instinct, elle serre le cuir à la seule force de sa mâchoire tremblante, le visage toujours plaqué au sol. Bientôt, ses mains sont liées à l'aide de la ceinture du professeur. Si elle donne l'impression de se débattre, c'est uniquement pour éprouver la solide de l'attache. Quand il parle de la sodomiser, elle écarquille les yeux.
« Mhh....mh.... ! »
Ses gémissements s'arrêtent tandis qu'il la pénètre grossièrement. Sa cavité abusée répond immédiatement à l'intrusion, elle pressent les premiers signes de l'orgasme : ses muscles se tendent, son souffle s'écourte. Elle va jouir, non elle ne doit pas. Elle met toute sa bonne volonté pour refréner la jouissance. Please, Anton...dans sa tête, elle pense en anglais, sa langue maternelle, la première qui lui vient à l'esprit pour prier qu'il arrête de la baiser. C'est trop bon, trop rude, trop... mais il n'y a plus assez de douleur, le plaisir risque de l'emporter.
Merde.
Elle recrache la cravache, tant pis. Relève un peu la tête. De sa position de dominant, il peut remarquer clairement ce qu'elle entreprend : Elle lèche le sol. Sa langue s'écrase contre la semence germanique. Au lieu de l'avaler, elle l'étale davantage afin de jouer avec, sur une plus grande surface, puis repasse ses lèvres charnues sur la souillure blanche, aspire le liquide, s'en fait un bain de bouche avant de l'avaler. Pendant ce temps, ses reins se brisent presque sous les venues bestiales du SS. Ses poignets sont entravés, mais elle joue habilement des mains pour s'emparer de son cul et l'écarter vulgairement afin qu'il jouisse d'une vue imprenable sur son orifice le plus étroit.
Elle chuchote, mais il l'entend parfaitement, car son ton est empressé, suppliant, essoufflé :
« Mein Herr....bitte schön...enfoncez-moi....la cravache....je....j'aimerais que vous vous vidiez....sentir votre orgasme... si...si vous me détachez....je la mettrai moi-même...»
-
Il espérait qu'elle souffre, il espérait qu'elle soit au bord de l'orgasme et qu'elle luttait pour ne pas tomber. Il avait vu à quel point elle réagissait bien à la domination prussienne, que son plaisir montait en flèche lorsqu'il éprouvait sur elle sa violence, et qu'elle avait cette capacité à jouir vite et bien, petite bombe de chair instable qui explosait à peine était-elle trop secouée. Aussi, il n'hésitait pas à redoubler d'effort, cherchant à la faire tomber de son précaire équilibre.
La vue de l'impatient orifice lui plaît, autant que ses mots. Il apprécie particulièrement qu'elle ne se contente pas d'apprécier et de répéter « encore », mais qu'en bonne chienne elle fasse preuve d'inventivité, cherche à aller plus loin, repoussant ses propres limites, avide de découvrir de nouvelles choses. Mais ce qu'il aime par dessus tout, c'est cette faim dévorante avec laquelle elle se délecte des traces qu'elle a elle-même laissé sur le sol. Il s'extasie d'une telle vision. Akina, Akina, Akina... C'en est trop pour son esprit malade.
Il lui laissera un brutal répit en se retirant soudainement d'elle. Cravache saisie d'une main, laisse tirée de l'autre. « Debout », intime-t-il de son ton sévère, afin de la traîner dans l'appartement. Le tortionnaire la menait jusqu'à sa chambre, où un miroir en pied était fixé au mur. Il s'arrêtait au niveau des chevilles, mais serait bien suffisant pour ce qu'il veut en faire. Un pouf cubique en simili-cuir noir est tiré jusqu'à elle, de sorte qu'elle puisse y allonger son buste et sa poser sa tête, de côté par rapport à la glace, à plus d'un mètre d'elle.
-Regarde.
Lui se débarrasse au passage du seul vêtement couvrant encore ses jambes. Il est nu et debout derrière elle, la laisse tendue dans sa main, fixant par le biais du miroir sa belle esclave, jamais plus belle qu'avec ces quelques traces de son foutre sur la gueule. Elle peut l'admirer en pleine érection, taillé comme une statue grecque, ses yeux froids parcourant obnubilés son corps. De longues secondes passent, sans mouvements, le silence vaguement perturbé par la respiration sifflante de l'étudiante, jusqu'à ce qu'enfin il sort de contemplation et crache abondamment sur la poignée de la cravache, la caressant d'un coup sec de la main pour étaler sa salive dessus, et s'accroupit pour en coller l'extrémité sur son cul.
-Te détacher ? N'importe quoi... Soit tu parviens à le faire ainsi, soit tu n'auras rien. Écarte ton cul, sale chienne.
Il positionne l'embout de cuir entre ses fesses, poussant dessus tout en le faisant tournoyer afin de le rentrer en elle. Déconcerté qu'il est par la facilité avec laquelle elle l'accueille, il n'hésite pas à forcer un peu plus, cracher sur son cul de nouveau, la pénétrer plus vite, plus fort, avant de prendre sa main pour lui abandonner l'arme dans la paume.
-Encule-toi avec.
Lui reprend la laisse et ses hanches, et investit de nouveau ses douces chairs trempées, avec toute la brutalité qu'il faut. Aura-t-elle détourné la tête qu'il l'aura recadrée par les cheveux : Elle doit se voir lorsqu'elle le fait, il lui impose, se voir elle et lui en prime, lui qui la défonce salement, sans pitié, claquant ses fesses au passage, ne se formalisant pas s'il la gêne dans cette difficile double-pénétration.
-Tu voulais que je te jouisses dedans, hm ? Tu n'as pas retenu ma leçon ?
Il reprend finalement la cravache pour l'arracher de son cul et traîner son esclave sur le plancher, jusqu'au miroir. Face à elle-même. Lui, de trois quart, lui donne une nouvelle fois sa queue à manger, bien moins rageusement qu'auparavant. Non, cette fois-ci, il lui laisse savourer la douceur offerte, offrant à son cul de nouvelles tapes.
-J'aurais peut-être dû t'enlever ta robe avant de te défoncer la gorge et le bassin... Je crois que je te l'ai un peu tâchée. Tu vas sortir avec ça ?
Vague sourire sadique, puis il se mord la lèvre inférieure.
-Continue, tu fais ça bien... Je suis fier de toi, tu as su te retenir. Peut-être devrais-je t'offrir un orgasme après tout, pour te montrer que me respecter t'apporteras toujours plus que de me défier.
Le fouet est jeté. D'une main il reprend sa nuque pour coller sa face sur le miroir, de l'autre, il se branle énergiquement en la fixant. Il murmure à quel point elle est belle. Il rajoute qu'il a de la chance d'avoir une telle salope à sa disposition. Puis... jouit. Son corps se tend et une éruption de foutre gicle abondamment, encore plus qu'avant, tâchant son beau visage mais aussi et surtout le miroir sur lequel elle est appuyée.
-J'ai cru voir que ça te faisait envie... Ouvre bien les yeux. Regarde ce que tu es devenue. Sois-en fière. J'en suis fier. Penses à toi avant, et maintenant. Et n'en laisse pas une miette, petite salope d'affamée.
Un genou posé au sol. Trois doigts dans son con, deux dans son cul. C'est à elle d'être masturbée avec hargne. Penchant la tête, il la regarde lécher le précieux foutre qu'il lui a laissé, et sourit de nouveau. Dans son oreille, il dépose un unique mot, accélérant brusquement ses mouvements.
-Jouis.
Ils auront pris une douche rapide. Plutôt que de se laver, il aura passé plus de temps à la serrer contre lui, lui indiquant une nouvelle fois qu'elle ne devra pas recommencer, avec douceur cette fois-ci. Sans doute est-elle pardonnée pour de bon. Ils auront avalé un truc avant de décoller, et malgré une éventuelle fatigue, ou une envie casanière, il aura tout de même fait l'effort de s'habiller pour sortir.
-
Oui, elle essaie de détourner la tête face au miroir : l'inconfort de la position, la honte et le refus d'assumer cette parcelle de son être sont autant de facteurs qui l'ont mené à cette vaine révolte. Elle finira par se plier à la prise qu'il serre sur sa chevelure, et ses grands yeux troublés fixent leurs reflets. Très lentement, ses doigts acceptent de se refermer sur la cravache et elle se découvre une souplesse étonnante en réussissant à se sodomiser lâchement avec l'accessoire. Soupir après soupir, elle enfonce le cuir de plusieurs autres centimètres, se nourrissant de la douleur occasionnée. C'est plus ardu lorsqu'il la gratifie de virils coups de reins qui déchirent sa matrice sensible. Il n'a aucune pitié, et elle n'en souhaite pas. De toute manière, elle accuse de la férocité du SS avec autant de rage, la mâchoire crispée. Quand il se retire, elle grogne de mécontentement, essoufflée et complètement décoiffée. La glace lui remémore son teint souillé de sperme, de maquillage et du sel séché de ses larmes. Elle ne se reconnaît pas dans ce portrait délabré. Elle se voit secouée de l'autre côté du miroir, l'expression de Siegfried, la sienne – perdue entre l'extase et l'horreur.
Non, elle n'a pas retenu sa leçon, à vrai dire : elle s'en fiche éperdument des conséquences. Le monde pourrait s'écrouler que rien ne lui importerait davantage que cette queue plantée entre ses cuisses. Pas le temps de rêvasser, il passe à la vitesse supérieure et ses plans sont ô combien délicieux pour la jeune métisse. Elle n'a pas la capacité de rabattre ses cheveux en arrière à cause de la ceinture qui scelle la liberté de ses poignets, et l'observe à travers ses nombreuses mèches décolorées pendant qu'elle le suce avec appétit, les reins creusées par une cambrure osée. De temps en temps, elle dévie la pupille vers la glace pour s'y découvrir, mais ses yeux seront surtout rivés sur lui qu'elle écoute avec admiration.
Enfin, quand il se masturbe au-dessus d'elle, déversant ses mots avant son foutre, elle frissonne contre le miroir les yeux mi-clos et implore en murmures. Elle veut jouir, elle en a tellement envie – elle aussi. Témoin de sa jouissance, elle ferme les yeux, le corps tremblant. Au moment où la semence percute ses traits exotiques, elle frôle l'orgasme et minaude, se retenant de toutes ses forces. Après les prémisses de cette tempête charnelle, Akina sort timidement sa langue pour laper la vitre souillée. Il peut aisément l'entendre avaler le sperme recueilli contre ses lèvres. Puis, elle se décharge de la honte afin de s'enhardir et embrasse à pleine bouche le miroir en dévorant la moindre trace blanche, gémissant dans la foulée.
Jouis.
Enfin.
Hurlement. Son orgasme la déchire de l'intérieur tant il est puissant, et elle s'effondre contre Siegfried, brûlée par son plaisir.
Dans la salle de bain, elle aura fait du mieux qu'elle peut afin de redonner à son visage un peu de décence. La douche a permis de retirer les souillures diverses, et une retouche maquillage s'est chargée de redorer légèrement sa peau en soulignant ses yeux. En effet, sa robe est tâchée par endroit, rien que l'eau ne puisse effacer cependant. Quant à ses cheveux, elle abandonne dès la seconde où elle tente d'y remettre un peu d'ordre. Ils demeureront libres et sauvages, cascadant dans son dos et sur ses épaules frêles.
Elle échange le collier de cuir noir contre un pendentif familial. Abraham Walker lui avait cédé l'une de ses médailles du mérite, acquise après le Débarquement. Avec Marisol, elle avait réussi à en faire un accessoire harmonieux. Le bijou est précieusement niché entre ses seins. Voyons les marques sur le corps désormais : son cou est rougi par l'emprise du cuir, ses poignets également présentent des traces, la ceinture a trop frotté ses chairs. Sur son visage, un simple trait écarlate lui barre la joue droite, là où il l'avait giflé avec la cravache. Très superficiel cependant, rien à voir avec les signatures de Jack. Cependant, c'est sa bouche la plus douloureuse, à chaque parole prononcé, elle ressent un vif élancement dans ses joues.
C'est à contrecœur qu'elle ingurgite un morceau d'amandine. Elle n'a pas faim, mais face à Siegfried elle préfère faire bonne figure et éviter de le contrarier.
Au guichet, elle se décide, parce qu'il faut bien se décider. Ils n'auront pas choisi un grand complexe, mais une salle d'essai qui projette des oeuvres toutes les deux heures. Ses yeux tombent sur l'affiche des Hommes sans lois, et elle sourit à la caissière, lui demandant deux entrées. D'ailleurs, elle s'apprête à payer mais Siegfried s'avère intraitable sur la question. Gênée, elle s'y résoudra et ils passeront directement dans la salle. A cette heure-ci, il y a foule. Akina décide de s'installer tout au fond, dans un coin qui lui paraît accessible et tranquille à la fois. Durant l'attente, ils parleront de tout et de rien. Il réussira même à lui arracher un ou deux rire(s), elle se sent plus légère. Le silence se fait, les lumières s'éteignent et le projectionniste actionne la machine.
De longues minutes plus tard, la main de Scarlett a déjà trouvé celle d'Anton, qu'elle presse avec tendresse lui accordant de rares regards dans le noir. Si troublée à chaque œillade par sa beauté, elle est contrainte de se concentrer sur le film afin d'éviter à l'excitation qui la gagne de l'emporter sur sa raison. Après l'entracte, néanmoins, ce sera le coup d'oeil de trop. Elle s'humecte les lèvres, sa main dérive dangereusement vers la ceinture qu'elle délie tout en appliquant un sensuel massage à la virilité allemande. Et la garce, pendant toute la manoeuvre, feint d'être absorbée par le film. Avant de glisser au sol, elle espère que dans cette vieille salle de cinéma n'est installée aucune caméra infrarouge. Elle apparaît entre les jambes du SS, et lui murmure un « Chut » sensuel.
Bam. En un rien de temps, ceinture, bouton et braguette sont dans le décors. Elle commence à connaître le mécanisme par coeur. Sa chevelure blonde reluit et lui retombe de part et d'autre du visage, occultant ses lippes ouvertes, mais certainement pas les lents mouvements de va et vient de sa tête. Elle avale le chibre, jusqu'à la garde, et sous sa robe perd deux doigts au creux de son intimité inondée de mouille. Grâce au faible éclairage de l'écran géant, l'allemand est capable d'admirer sa chienne lui faire salement plaisir. Leurs voisins, à cinq sièges vides de là ne semblent pas remarquer qu'un autre type de film est en train de passer.
Sa main remplace brusquement sa bouche. Scarlett branle la queue de l'officier avec application, à quelques centimètres de son visage jusqu'à ce qu'il crache une partie de son fardeau. Une giclée, deux et la troisième, elle l'enfourne au plus profond de sa gorge. Elle remonte, vole un baiser passionnel à son amant où se mélangent les saveurs de son gloss fruité et du foutre.
Vite, un mouchoir.
Elle fouille dans son sac, en vain. Face à l'urgence, elle récolte les filets de semences qui sont collés à ses joues et lèche ses doigts, en tentant de reprendre le cours du film. Finalement, un mouchoir lui tomber sous la main et elle essuie ainsi les dernières traces, juste avant le générique de fin. Direction les toilettes pour se passer un peu d'eau sur le visage et sortir du cinéma sans une goutte de souillure.
Le restaurant ? Une autre fois, elle veut rentrer. Elle lui propose de prendre chinois à emporter, et ils auront savouré les nouilles épicées dans le salon du noble, face à la télévision comme deux jeunes amants insouciants. Ou presque. Elle lui explique que ses grands-parents habitent non loin de Sendai, à l'intérieur des terres, dans le Nord.
« Mon grand-père serait ravi de faire votre connaissance. » Peut-être pas au départ...cela étant dit, mais elle le garde pour soi. « C'est un homme....qui vit encore....au siècle où vous êtes né.Vous vous entendrez bien. Nous pouvons y aller demain, c'est à deux heures de route. »
Les fois sont rares quand elle décide de leur rendre visite à l'improviste. Toutefois, ils préfèrent cette gêne au fait de ne plus la voir assez souvent. Elle sait qu'elle pourra compter sur le soutien de sa grand-mère face au vieux Akira Kanzaki. A la fin du repas, elle lorgne vers lui et demande très sérieusement :
« C'était comme ça avec votre femme ? Je veux dire vous lui faisiez l'amour normalement ? Parce que....j'apprécierai que...vous fassiez la même chose avec moi qu'avec elle.»
En attendant une réponse, elle se relève pour débarrasser les restes. Pas de précisions sur le pourquoi du comment une telle exigence. C'est sans doute le souvenir de l'amalgame douteux, lorsqu'il a parlé de leur enfant mort ou cette photo en noir et blanc qui lui trotte encore dans la tête. Elle l'avait trouvé belle, plus belle qu'elle ne l'est à ne point en douter. Ca l'avait énormément complexé. Cette femme était morte il y a soixante-dix et elle arrivait à la jalouser de toutes les fibres de son corps, car elle avait réussi à obtenir d'Anton, ce qu'elle-même ne connaîtrait jamais.
-
Qu'a-t-elle fait, malheureuse ?
Le cinéma n'était pas un traquenard, pour une fois. C'était vraiment pour partager un moment « normal » avec elle, sans arrière-pensée aucune. Lorsqu'elle tente de réveiller son excitation en le caressant, il devra admettre qu'il n'a rien vu venir. Peut-être n'en espérait-il pas tant, peut-être n'arrive-t-il pas encore à accepter qu'Akina a une libido et une obéissance qui le dépassent un peu plus chaque jour. Cette question devra bien être réglée... Mais un autre jour. Là, il se fait sucer.
Et bien. Elle sait y faire, pour une débutante. Trop de talents insoupçonnés en ce monde ; heureusement, Miss Walker a de quoi révéler tout son potentiel. Il ne se prive pas d'en profiter, les yeux rivés sur elle, comme à son habitude. Il n'aura même pas la décence de regarder le film ; il jettera simplement à regard à ses voisins. Une envie perverse de les interpeller particulièrement, pour satisfaire son orgueil d'être ainsi admiré. Tant pis, il restera seul spectateur de la divine comédie jouée à ses genoux, plus intéressantes encore que la pellicule qui, pourtant, lui plaisait pas mal.
Quand l'orgasme poindra, il sera tenté de gémir. Quelques mots s'échappent, murmurés, des « encore » et « avale », et il se maudit aussitôt, levant les yeux au plafond. Ta gueule. Profite.
Il ne répugnera pas au baiser, au contraire, il a bien trop envie de l'embrasser pour ça. Il lui aurait bien rendu la pareille mais ça aurait sous-entendu une dette ; or, l'acte semblait totalement gratuit et désintéressé. Il préfère donc en rester là. C'est à son tour d'avoir du mal à se focaliser sur le film. Rhabillé, il regarde de nouveau autour. Un trentenaire soutient son regard pendant quelques secondes. Sieg a l'impression qu'il a vu quelque chose.
Et ça le fait sourire.
Les merdes chinoises à emporter lui conviennent parfaitement : Depuis le temps, il a abandonné les grands repas avec service à la française pour s'habituer aux fast-foods. Pas de problème non plus à regarder une série télévisée dont il a manqué quelques épisodes, mais les histoires étant indépendantes entre eux, le programme fera l'affaire. Il acquiesce pour les grands-parents aussi : Même s'il risque de trouver ça plutôt étrange, peut-être trop « sérieux », trop « couple », il trouve agréable de connaître sa famille.
Il aura dit oui à tout, conciliant, n'aura pas eu cœur à lui refuser quoi que ce soit. Il se perd à fixer ses yeux et écouter ses paroles, et peine à faire peser le contre dans la balance de sa raison.
Sauf... Quand ça redevient sérieux.
Sa femme ? Déjà a-t-il été légèrement crispé quand il a évoqué le « siècle où il est né », mais là, ça dépasse un peu les bornes. Fini l'insouciance.
-Il me semble t'avoir dit ce sujet m'était difficile à aborder. Si ce n'est pas le cas, c'est fait.
Après un soupir, il se voit néanmoins l'envie de répondre à ses interrogations. Peut-être parce qu'il ne veut pas la blesser, mais peut-être aussi ne se sent-il pas si réticent à lui en parler, finalement.
-Maria. Von Hartnung. Pas totalement prussienne, mais elle avait des ancêtres chez les ducs de Mecklembourg-Strelitz, pas la branche régnante cela dit, ça dérivait chez les von Lagerei. Peu importe, une bonne famille. Pour tout te dire : À l'époque, je ne crois pas que nous considérions nos femmes comme des exutoires sexuels. Je faisais l'amour avec elle pour partager un moment fort à deux, plus que pour éprouver purement mon plaisir. C'était ainsi qu'elle me faisait envie. Il était... d'usage qu'on aille voir ailleurs pour nos petites envies diverses. C'était commun et accepté, tu comprends. Une culture différente. Il aurait été déplacé que je frappe mon épouse.
Ses yeux semblaient avoir du mal à se fixer lorsqu'il parlait. Il a conscience que les mœurs ont changé, mais ressent toujours une certaine gêne lorsqu'il repense à ces mécanismes qui lui semblent à lui-mêmes idiots.
-Peut-être aurait-elle aimé ça. Peu importe. Je n'étais pas frustré avec elle pour autant. Mais ce n'était pas pareil, tu comprends ?... Je ne l'ai pas choisie, ni en tant que femme ni en tant qu'amante. Contrairement à toi, d'ailleurs. C'est pour cela que certaines choses n'étaient pas les mêmes, que je sois avec elle ou avec une autre.
Lourd silence. Les années 1930. Il est marié, tarde cependant à être père – on lui dira que c'est génétique, les von Königsberg sont aussi difficiles à tuer qu'à donner la vie, et il veut bien le croire, fils unique qu'il est – mais comprend le sens de l'amour. Il aime Maria plus que les autres, parce qu'elle lui est dévoué, parce que lui-même fait l'effort de lui être dévoué, parce qu'ils parlent, jouent, montent ensemble, se sourient et s'embrassent comme deux jeunes gens innocents, même si la guerre approche et que malgré la fougue de Siegfried, point d'enfant ne vienne. Enfin... L'aime-t-il plus ? Non, comme il le disait avant, différemment. Elle est devenue sa meilleure amie, une chose que nulle pute, même de luxe, ne pourra jamais prétendre être.
Un sourire en la regardant.
-Je vais te dire quelque chose qui va sans doute te déplaire... Mais tu as la même chevelure qu'elle, ainsi teinte.
Il lui prendra le poignet, lui fera un léger signe du visage, pour l'emmener jusqu'à son lit. La couche sacrée. Là où ils n'ont encore rien fait. C'est là qu'il la fera s'allonger, pour lui faire l'amour.
Sans violence, mais pas dénué de passion pour autant. Il ne la frappe pas, ne la force pas. Il ne permettra même pas qu'elle le prenne en bouche, mais lui se glissera volontiers entre ses jambes. Ses doigts montrent une certaine tendresse, son corps se serre exagérément à elle, mais il ne veut plus quitter sa peau, la prend dans ses bras lorsqu'il est en elle, se surprenant à chercher désespérément un réconfort à sa propre brutalité. L'acte durera un long moment, il aura voulu le faire durer, loin d'être dans un jeu, cherchant simplement à entendre et voir encore et encore son plaisir. Il sera au-dessus d'elle lorsqu'il n'y tient plus, déchargeant sa semence sur son ventre. C'est étrangement à ce moment-là qu'il regrettera le plus de ne pas avoir exercé son habituelle rage : Il voudrait lui faire bouffer chaque goutte avec ses doigts, puis fourrer sa bouche avec sa queue, et pourquoi pas s'arracher un nouvel orgasme ainsi, quitte à devoir la besogner pendant vingt minutes pour ça. Légère frustration, donc, mais celle-ci s'envole vite lorsqu'après avoir passé un mouchoir sur elle, il la prenait dans ses bras.
-Je t'aime. Pas comme tu le voudrais, pas comme tu m'aimes, mais je t'aime quand même.
« Vous ne faîtes jamais l'amour normalement ?
Préférerais-tu que nous fassions l'amour "dans la normalité" ?
J'aimerais essayer. Avec vous. Oui.
Il ne sert à rien de tenter un retour en arrière une fois un cap franchi. Tu m'as vu sous un certain jour. Tu ne me verras plus jamais d'une autre façon. »
Le lendemain, il avait préparé quelques affaires, lui avait parlé de sa jeunesse en tant que baron, l'avait écouté sur ce qu'elle faisait au journal ces temps-ci, gros brunch pour tenir le coup, grosse partie de Super Smash Bros (si si), et vers 14h, ils étaient partis vers l'appartement d'Akina pour qu'elle puisse prendre à son tour des affaires.
Il s'était montré étonnamment traînant toute la matinée. Répétant qu'ils avaient le temps. Après tout, il avait donné une heure certaine à la russe, et ne voulait pas la prendre au dépourvu.
Il laisse donc Akina s'éloigner dans sa chambre. « Prends ton temps ». Aussitôt, Ekaterina est prise par l'épaule, menée dans la cuisine. Il doit lui parler.
Lorsqu'Akina revient enfin... Il lui dit qu'il y a encore des choses à faire. Et, de nouveau, loin de son rôle de dominant, il lui fera l'amour dans son lit à elle.
Il aura demandé de la musique pour le trajet. Il s'y connaissait étonnamment en tubes japonais. Exceptionnelle tolérance aux girls band à la noix. Passe du Morning Musume (https://www.youtube.com/watch?v=znFZhAKuyjY). Une fièvre délirante le saisit. Il la connaît par cœur. Par. Cœur.
-
A son retour chez Jack Walker, Akina semble rayonnante. Ekaterina les accueille avec joie. Elle serre la métisse au creux de ses bras et la jauge avec un petit air satisfait avant d'avoir une vue d'ensemble du couple atypique. La russe remarque bien que quelque chose a changé chez la jeune américaine. Elle paraît épanouie, aux anges.
« Oh....Akina...as-tu faim ? Je t'ai préparé des pâtisseries, j'ai également rangé et nettoyé. Le courrier est sur la table »
Les deux échangent un petit rire complice et Kitty consent enfin à saluer l'allemand, plus distante cependant. Elle lui octroie un simple signe de tête.
« Je...je vais prendre de quoi me changer dans ma chambre. » avertit Scarlett en les laissant seuls. Elle montera les escaliers d'un pas léger, l'esprit totalement ailleurs. Siegfried est encore dans sa peau et même bien plus loin. « Anton » corrige amèrement sa conscience. Peu importe, cela n'a plus d'importance. Serait-il Hitler en personne qu'elle lui pardonnerait tout. Au passage, elle vérifie le contenu de l'armoire dans la salle de bain, fait un rapide inventaire de ses teintures et ne conserve que le blond qu'elle porte actuellement. Les autres boîtes sont jetées à la poubelle, sans aucune considération. Même l'auburn-roux dont Kenneth raffole tant. Elle n'éprouve aucun remords, et son reflet la conforte dans cette opinion. S'il y a une infime chance qu'elle puisse ressembler à Feu la baronne Von Königsberg, elle la saisira. Pendant que Madame conscience peste dans un coin, Akina passe en revue sa garde-robe. Elle ne pourrait décemment pas arriver en jeans chez ses grands-parents, son grand-père la martyriserait.
Avant toute chose, elle se débarrasse de son médaillon militaire. Akira serait saisi d'horreur en remarquant qu'elle porte fièrement l'insigne du pays qui a porté un coup humiliant au Japon. Ce sont de vieilles traditions, de vieilles rancoeurs qu'elle ne comprenait pas jusqu'aux aveux de l'allemand. Dans le même tiroir, elle range les échantillons des injections et referme le tout, songeuse. Elle devrait contacter Chris Reuters afin qu'il puisse mettre à sa disposition un laboratoire aux équipements de pointe. Elle réussira sans doute à le convaincre. Elle n'aurait pas le choix que de l'embarquer dans les analyses. Siegfried n'en saurait rien, du moins l'espère-t-elle. Toutefois, s'il existait une infime chance de rendre son calvaire plus confortable, de lui éviter autant de désagréments sur le chemin de la l'immortalité alors, elle n'hésiterait pas.
Finalement, elle opte pour une robe noire, lui arrivant à mi-cuisse. Ce serait déjà scandaleux aux yeux de ses grands-parents, mais la coupe du vêtement est assez élégante et masque les impudeurs de ses proportions polémiques. Alors qu'elle décide de l'enfiler, le SS la surprend en ouvrant la porte de sa chambre.
« Que...»
Elle sera menée au lit, et ses cheveux blonds s'épandent sur la couche comme un océan d'or. Une seconde fois, elle se cambre contre lui, se mord la lèvre entre de nombreux soupirs et il l'emporte, le plus normalement du monde jusqu'au royaume de l'extase. La porte est restée entrouverte et Vodianova les surprend sur le seuil, tend l'oreille puis passe son chemin, un panier de linge dans les mains. Elle est terriblement mal, toute pâle. Elle aura retrouvé des couleurs quand ils descendent tous les deux. Partent-ils maintenant ? Non, Akina doit encore passer un coup de fil à Sendai, pour prévenir de son arrivée.
« Kanzaki-sama ? » Après s'être raclé la gorge, l'intendant du manoir apporte un message au maître des lieux. « Akina-san arrivera dans la soirée, accompagnée d'un.... » Il grimace, hésite sur le terme, visiblement dubitatif. « Ami. Un professeur de l'université de Seikusu. » En train de se promener dans le grand jardin, les époux Kanzaki s'échangent un regard perplexe. Akiko finit par supplier son mari en silence. Ils la voyaient si peu souvent. Encore quelques pas, de quoi réfléchir et il donne sa permission.
« Très bien. Il faudra prévoir deux couverts en plus pour le souper en ce cas. » dit-elle à l'adresse du majordome dont l'habit traditionnel est tiré à quatre épingles.
« Faîtes bonne route, attention à toi Akina. » recommande une ultime fois Ekaterina dans un sourire éclatant. « Tu es magnifique dans cette robe. » La concernée fait un dernier signe vers la slave avant d'embarquer et d'allumer le contact. Elle a pris quelques affaires en plus, n'étant pas très certaine qu'elle s'en sortirait avec un simple souper là-bas.
Pour les Morning Musume, elle déclare forfait. Après tout, elle n'en mène pas large et n'est pas en état de lui refuser quoique ce soit. Sa joie l'emporte sur tout le reste et elle conduit sereinement. Ce n'est que vers la fin qu'elle se permettra de changer la playlist, pour quelque chose de plus américain. (https://www.youtube.com/watch?v=niTmkLCBJO0) Deux heures s'étant écoutées, la Honda Civic remonte lentement l'allée centrale du manoir japonais des Kanzaki. L'intendant, qui guettait leur arrivée, file prévenir la maisonnée et le temps qu'ils sortent de la voiture et gravissent les escaliers, l'imposante figure d'Akira et son adorable épouse sont là pour les accueillir. Il a bien des années passés, mais en paraît toujours dix de moins, conservé naturellement par les bonnes traditions du pays.
« Akina-chan... » s'enthousiasme Akiko, dont la main s'agite vers leur homme à tout faire afin qu'il prenne les bagages de sa petite-fille. Enfin, son maigre sac. La grand-mère embrasse sa progéniture sur les deux joues, fait rare, sous les yeux excédés de Monsieur qui se contente d'incliner sèchement du chef vers Siegfried. Encore un européen, doit-il penser, vaguement insatisfait. Combien d'occidentaux sont condamnés à fouler le sol de cette demeure.
« Et vous devez être Monsieur le professeur ? » soulève poliment Madame Kanzaki en l'invitant à entrer.
Ayant été construit sous l'ère Meiji, le bâtiment comprend un agencement occidental malgré une architecture japonaise et une décoration qui l'est tout autant. Toutefois le marbre se marie parfaitement à une boiserie conservatrice. Des portraits gisent sur les murs du Hall, des ancêtres notoires, presque tous en uniforme pour les hommes, en kimono pour les femmes. On leur indique une pièce à droite et ils pénètrent une bibliothèque dotée d'un petit salon où ils s'installent. Akiko ne préfère sans doute pas dépayser son invité.
« Grand-père, Grand-mère, je vous présente Siegfried Von Königsberg. C'est mon professeur à l'université de Seikusu. » déclare solennellement la jeune femme, quoique confuse et troublée.
Akira sonde un instant l'allemand, le regard dur et froid. Il commande à l'intendant du saké qu'il souhaite tout de même partagé avec l'étranger. Pour sa part, la vieille dame est complètement charmée et sourit plusieurs fois à l'ancien officier tout en s'adressant à Scarlett :
« Je pensais que tu n'avais rencontré personne ?
- Non ! S'empresse-t-elle de répondre, surtout face à l'expression d'Akira, Non ! Ne vous méprenez pas, s'il vous plaît. C'est un ami. »
Des mots très douloureux à prononcer, et elle envoie un oeillade catastrophée vers Siegfried. C'était sans doute mieux ainsi, pour lui. « Ou pour toi... » Je t'en prie, sermonne-t-elle sa conscience, les choses sont assez difficiles comme ça.
« Il est passionné par... » Elle se met à réfléchir, et termine à l'attention de son grand-père. « Les samouraïs et l'Histoire du Japon. »
Un éclat ravive les prunelles glaciales de Kanzaki et il se redresse davantage sur son siège, intéressé. On apporte le saké. Akina refuse au profit d'un verre de jus d'orange. Les choses s'annonçaient sous un meilleur angle qu'il y a trente ans. Un occidental se présente, comme honorable professeur de sa petite-fille, ne cherche pas à la convoiter et s'éprend de sujets très intéressants.
« Je crois que Monsieur Von Königsberg peut s'exprimer lui-même, Akina. » si l'accent est typiquement japonais, Kanzaki n'aura en aucun cas buter sur le nom de famille. « C'est un honneur, Monsieur. Qu'enseignez-vous ? »
Scarlett se détend bien qu'Akiko lui fasse discrètement le reproche de ne pas se tenir ainsi affalée dans le canapé. L'étudiante s'excuse et prend une gorgée de sa boisson, laissant la vedette aux deux hommes.
-
Il était comme à son habitude bluffé par l'architecture, l'ambiance, et quand enfin arrivent les ancêtres, il se tend un peu. Pas de bêtise, Siegfried. Il s'arrêtera et s'inclinera avec la plus grande des déférences. Précision utile : Il a mis son costume le plus seyant, quitte à se faire respecter, autant montrer des signes extérieurs de swag. Une coupe très ajustée, plus américaine que nippone, qui dégage du style et sans doute le rend-il quelque peu prétentieux aux yeux des autres. Tant mieux. Ils ne se laissent pas impressionner par ceux qui se soumettent sans combattre.
Il s'inclinera avec une déférence sans commune mesure. Parcourant des yeux l'intérieur, il voit l'agencement explicitement nippon d'un côté, et est surpris d'être conduit là où le style est le plus occidental. Est-ce par délicatesse pour lui ou une habitude d'Akina ? Il appréciera néanmoins, gardera la tête baissée, laissera parler sans interrompre, ne sourira ni ne froncera les sourcils. Un calme olympien qu'il cultivait déjà dans sa famille, par obligation. Soudain, il se voit chez lui, adolescent, prostré dans un pesant silence lors des longues réunions de famille, sans qu'il n'ait le droit au chapitre.
Il n'a pas écouté la discussion. Son oncle l'interpelle.
-Anton ?
-Oui ?
-Qu'en dis-tu ?
Il regarde le chef de famille, son père, puis sa mère, ultime secours. La douce Helena sourit de l'infortune de son fils, le sévère Dieter pinçait les lèvres, exaspéré. Pourquoi cette habitude de Christian de toujours chercher à prendre à parti le jeune garçon ?
-Je ne sais pas.
-Tu dois avoir un avis sur tout, petit baron.
-Je ne connais pas assez pour juger.
-Peu importe. Un avis peut être brut et se polir au fil des âges. Et rien ne t'empêche d'en changer.
Dieter reprendra aussitôt son beau-frère.
-L'inconstance est un mal qui mène les jeunes esprits à l'anarchie, Christian.
-L'expérience fait changer l'esprit, Dieter...
Une nouvelle voix s'adresse à lui. Elle n'est pas allemande, mais japonaise. Le ton est respectueux. Il répondra avec plus de respect encore, rajoutant ce qu'il faut de marques de politesse.
… Mais s'arrête avant de prononcer un mot. Les traits lui sont familiers. Il bloquera pendant deux secondes, avant de se reprendre.
-C'est un grand honneur, monsieur et madame. Je vous suis très reconnaissant de m'accepter en vos murs, et de me traiter avec un tel respect. Je ferais en sorte de mériter ces attentions. Excusez-moi... Nous ne sommes jamais vu ?... Non, je dois confondre. J'ai sans doute vu une photo de vous chez M. Walker.
Il fait une pause. Autre chose le frappe. Il a manqué quelque chose. Pour se rassurer, il demande à un domestique de se rapprocher, et lui demande la date, que celui-ci lui rend aussitôt. Siegfried le remercie, non sans être quelque peu crispé par la nouvelle. Il reprend vers son hôte.
-J'enseigne l'histoire aux lycéens, j'ai fait une thèse sur l'impact direct de la dernière guerre dans les bouleversements sociaux en Europe. Je crois savoir que ce pays a connu quelques problèmes similaires au mien, particulièrement. Être dans le camp des vaincus a quelques désagréments.
Il baisse la tête. Hm. Traumatismes. Trop de souvenirs remontent d'un coup, d'autres tentent de faire surface à leur tour, et il se met donc à raconter n'importe quoi. Il faut garder la tête froide.
-J'enseigne aussi le droit fiscal japonais à l'université. J'ai écrit quelques articles sur le droit criminel, notamment son caractère sclérosé de ces dernières années, et sur le droit de la bioéthique, ce qui m'a conduit à rencontrer éphémèrement votre Akina. Nous sommes restés en contact après. Je l'ai aidé à mettre de l'ordre dans sa vie. J'ai calmé son père, aussi. Entre nous, je trouvais qu'il manquait de respect à Akina. Je l'ai recadré. Nos relations sont relativement cordiales, et il traite votre petite-fille comme il le devrait. Elle, de son côté, m'a permis de me recentrer dans ma vie, elle est une amie précieuse.
Il embellit les choses, mais c'est néanmoins la vérité.
-Akina m'a parlé de vous. De ce que vous aviez fait, de votre famille. Je porte moi-même un nom hérité d'une longue tradition de généraux. J'ai été élevé dans les coutumes d'honneur, de respect, de discipline et de sacrifice propre à notre nom. Même si cela a cruellement perdu de son sens aujourd'hui. Les gens d'aujourd'hui... les occidentaux particulièrement... sont sans-valeur. Et je vous dis tout ça parce que je sais que vous, au moins comprenez plus que quiconque ce que je raconte.
Il parle trop, peut-être, mais ne peut pas s'en empêcher. Il ne sait pas si c'est le stress, ou le fait que ses souvenirs sollicitent sa concentration et qu'il cherche, pour une raison qu'il ignore, à l'en empêcher.
-Permettez-moi de vous faire un compliment, qui vous semblera sans doute cavalier. Mais c'est le genre d'endroit, et vous êtes le genre de personnes, qui me permettent de me dire qu'un certain monde n'est pas mort. Je me sens... presque à la maison. Une maison qui n'existe plus.
Il les observe. Il n'a pas encore osé toucher à son alcool. Parce qu'il savait ce qui arrivait. Sans en avoir proprement conscience, il était évident qu'il allait le faire.
-Je couche avec votre petite-fille. Permettez-moi d'être honnête, je refuse de vous mentir. Je préfère que vous me mettiez à la porte que d'entrer chez vous en n'ayant pas la décence d'assumer la vérité.
Là, seulement, il goûtera au saké, les yeux rivés sur le sol néanmoins. Il attendait la sentence.
-
Récapitulons.
Akiko et sa petite-fille sont assises sur le divan. En face, Siegfried et Akira sont calés confortablement dans de grands fauteuils. Près de chacun d'eux, un petit meuble qui sert à déposer verre et journaux. La grand-mère est aussi attentive que son époux lorsque l'allemand s'exprime ; indifférente au manège du domestique s'affairant afin de contenter tout le monde. Quant au vieux japonais, il opine aux propos de son hôte, sans changer d'expression. Lui aussi a été élevé rigoureusement. Il a fait l'école des officiers, la faculté de médecine, s'est engagé dans la branche la plus radicale du parti conservateur – bercé depuis l'enfance par les lamentations d'un aïeul qui se chagrinait de la suppression des ordres sociaux dans la société nipponne. Les katanas familiaux et les armures de samouraïs ne sont plus qu'un héritage d'apparât désormais et Kanzaki-sama approuve sobrement l'allemand.
Puis vient le sujet de Jack Walker. Akina manque de renverser son verre et fronce les sourcils vers son amant, complètement paniquée. Que lui prend-il de parler de son père ? Akiko fait la moue, Akira reste fidèle à lui-même.
« Cet homme...n'est qu'un imposteur. Il n'aurait jamais dû épouser ma fille. C'était une erreur, je prends la responsabilité de cet échec. » annonce-t-il d'un ton neutre.
« Akira-Sama, ne soyez pas... » commence sa femme qui couve Scarlett d'une oeillade désolée.
« Le sujet est clos à son propos. Vous avez écrit une thèse qui, ma foi, paraît fort intéressante. Vous êtes allemand, non ? Bien que vous soyez très jeune, vous portez quand même le poids de l'incompétence et la défaite de vos ancêtres. Si j'avais eu un fils ou....un petit-fils... »
Regard vers la jeune Walker dont les yeux se lèvent au plafond, excédée. Finalement, elle interpelle le domestique pour se procurer un verre de saké. Elle aura besoin d'un remontant, l'épreuve ne serait pas si facile. Mais, pire encore, le même regard – lourd de reproches est administré à son épouse, incapable de lui avoir donné un héritier. S'il ne lui en veut plus pour cela, la blessure est encore vive sous les cendres des années passées. Elle-même s'écrase sous le poids de la culpabilité.
« -Et bien, il aurait eu à porter le même fardeau. Mais, je ne m'arrêterai qu'une fois la mort arrivée. Si les combats ont changé, et les prérogatives de chacun, il est essentiel de préserver les traditions.
Votre compliment nous va droit au coeur, Monsieur, Vous êtes le bienvenu évidemment. Si Akina tient à vous, alors vous êtes un ami de la famille. ajoute Akiko avec beaucoup de tendresse dans la voix. Malgré son âge très mûr, les vestiges d'une grande beauté figurent encore sur sa silhouette. Exceptionnellement, elle s'est vêtue d'une robe à l'occidentale, couleur crème et d'un chapeau élégant. Visiblement plus douce que son époux, c'est une femme très au fait des traditions, mais qui possède un grand coeur.
Je couche avec votre petite-fille.
Blanc.
Un verre échoue au sol et se brise en milles éclats bruyamment. A l'étonnement général, ce n'est pas une maladresse imputée à Madame Kanzaki ou à Monsieur, mais à Akina dont la main tremblante n'avait su supporter le choc de la révélation. Elle qui avait tenté, avec tant de diplomatie, de ménager ses grands-parents. Le domestique s'empresse de venir ramasser les dégâts aux pieds de la jeune femme.
Les yeux scandalisés de la grand-mère sondent Walker, et Akira participe à cette inquisition visuelle.
« - Akina...c'est....vrai ? » articule-t-elle de manière saccadée, horrifiée.
La belle ferme les yeux, réfléchit un moment à toutes les possibilités et finit par céder.
« Oui, il a raison. Nous avons une liaison.
- Sans être mariés ?! »
La vieille dame presse une main contre son coeur, défaillante. Elle a l'impression d'être projetée trente années en arrière, au milieu d'un scandale qui touchait sa propre fille. Aujourd'hui, l'Histoire se répète : en pire, visiblement. Puisqu'on ne parle ni de relation, ni de fiançailles, ni de projets, mais de liaison. Ce gros mot, si libertin. Akiko interpelle son époux en silence, l'implore de ses prunelles vacillantes d'intervenir sur le champ. L'homme croise les jambes et dépose son saké près de lui.
« Monsieur Von Königsberg. Nous sommes au 21ème siècle. Toutefois, il est inadmissible que vous puissiez, coucher avec ma petite fille, qui partage mon sang, mon nom et qui est par conséquent ma seule héritière et vous présentez à la fois décemment à nous. Si vous étiez honnête, et homme d'honneur, vous l'auriez épousé ou seriez venu à tout le moins, demander sa main. »
« - Grand-père !! » s'exclame Akina, mortifiée par cette forme de chantage. « Nous sommes au 21ème siècle comme vous l'avez... »
« - Silence ! N'as-tu pas honte....Akina. Admettons même, que vous soyez mariés ! N'as-tu pas vu où ce genre d'inepties à mener ta mère ?! Dois-je encore m'attendre à être l'arrière-grand parent d'un bâtard ?! Ou d'UNE bâtarde, comme si le sort ne m'avait pas assez infligé. Akiko, emmène-la à l'étage et restez-y. J'enverrai Kanji-san vous cherchez. »
La grand-mère agrippe l'étudiante par les épaules, en douceur, et l'invite à venir avec elle. Scarlett aura un dernier regard pour Siegfried. Les portes se refermeront sur son visage blême et ses yeux implorant qui lui crient : « Pardonne-moi. »
Seuls, maintenant. Akira ferme les yeux, prend le temps de songer au problème.
« Je ne suis pas un homme facilement manipulable, Monsieur Von Königsberg. Toutefois, vos mots ont su trouvé écho. Je désapprouve toute relation que vous pourrez entreprendre avec ma petite-fille, dans le péché. »
Une notion somme toute discutable, puisque Akira est shintoïste et non catholique. Mais la société japonaise, a fortiori traditionnelle possède ses codes moraux.
« Je ne vous chasserai pas de ma maison, parce que je tiens à Akina. Elle m'a terriblement déçu, mais c'est mon sang, et tout ce qu'il me reste sur cette Terre. Sachez également que je lui cherche un prétendant, et que j'aurais les arguments nécessaires pour le lui faire accepter. Je vous l'ai dit, je milite pour l'ordre et le maintien des traditions. C'est ce qui me fait moi, c'est ce qui fait ma famille et mon pays. C'est encore le seul front où je peux me battre, sans encaisser trop de pertes. »
L'ombre d'un sourire agite ses lèvres sévères. Il se permet une gorgée de saké, et après un long silence.
« Considérez-vous comme mon invité, Monsieur. Mais ne nourrissez pas trop d'espoirs concernant Akina, elle saura se montrer raisonnable et renoncez à vous. »
Une fois la discussion terminée, Akira prend congé de Siegfried non sans rappeler que le souper sera servi dans une heure trente. Il s'est montré poli, digne : du début à la fin, malgré sa voix autoritaire. L'intendant le remplace alors pour expliquer au germanique le fonctionnement de la maison Kanzaki et le plan du manoir. Sur ce, il s'excuse en expliquant qu'il doit chercher sa maîtresse et sa jeune maîtresse sur ordre de Monsieur.
« Ma chérie, pourquoi pleures-tu ?
- Je ne pleure pas...soupire Scarlett, après avoir essuyé ses yeux humides. »
Toutes deux assises sur une terrasse, avec une vue imprenable sur les reliefs verdoyants, elles discutent par intermittence. Si Akiko est encore choquée par l'annonce, si brute, elle a de la compassion pour sa petite-fille, mais également beaucoup d'inquiétude.
« - Il est plutôt bel homme. »
Le compliment réussit à lui arracher un sourire, et Akina opine lentement.
« - Ton grand-père s'y fera et moi aussi, je suppose. Comme nous nous sommes faits à l'idée que ta mère...épouse ton père. C'était plutôt courageux de l'avoir amené ici, je reconnais là le même caractère que Seika, mais tu n'aurais pas dû mentir. Même si c'était pour nous épargner. »
Un brève mot d'excuse et Walker repart dans la contemplation du paysage estival. Par chance, à cette altitude, il ne fait pas très chaud. Le soleil brille encore. Le silence s'installe de longues minutes entre elles, jusqu'à ce que l'intendant viennent les prévenir que Kanzaki-sama a terminé et qu'elles sont libres de redescendre.
« Merci, Kanji-san. Ma chérie, je te laisse, je vais devoir polir la fureur de ton grand-père. Le souper sera servi bientôt, tu pourrais peut-être faire visiter le jardin et les dépendances à ton...ami. Ne soyez pas trop familiers l'un envers l'autre»
Akina patiente que ses larmes soient définitivement éloignées pour descendre les escaliers et revenir dans le Hall, espérant y trouver Siegfried.
-
-Je ne m'opposerai jamais à la moindre décision d'Akina concernant ces affaires. Vous avez ma parole.
Il a bien parlé de décision d'Akina. Il n'empêche, il est là encore sincère, et le regardera s'éloigner avec le vague sentiment d'avoir remporté une victoire, ou quelque chose du genre. Un mal de tête poind. Il écoutera néanmoins sans faillir le larbin dans ses explications, quoiqu'il sera un peu distrait par une pensée qui le traverse de nouveau.
C'est son anniversaire dans quelques quatre heures. Il sera là, dans un endroit où il n'est visiblement pas désiré, dans un monde qu'il n'a pas désiré. Et il s'en fout. Enfin... Ca l'affecte. Mais il passera outre, haussera les épaules, et ça lui glissera sur les plumes, comme l'éternité et les affres du monde l'ont fait avant.
Il se voit soudain seul. Sans Akina, sans chaperon, sans japo vénère. Il sait où se trouve les salles de bain, les toilettes et les chambres, mais ignore où trouver ce qu'il cherche : Ses souvenirs. Ca le taraude, et il veut savoir pourquoi.
Ses pieds déjà débarrassés de ses chaussures depuis l'entrée filent à l'étage. Il prend l'air naturel et évite les domestiques et leurs éventuelles questions, comme si il n'avait aucun doute sur où il allait. En vérité, ses yeux fuyants cherchent quelque chose de précis. Il trouve enfin, poussant portes après portes, un genre de bureau à la japonaise, avec quelques vieilles photos en noir et blanc. L'une d'elle est éloquente : L'hôte du lieu dans un uniforme. Il devait avoir à peine la vingtaine là-dessus, peut-être un peu plus. Une cloche sonne dans sa tête. Ca n'arrange pas sa migraine, mais au moins, il a compris pourquoi le visage lui est familier.
Freud, ou un quelconque psychologue à la con, dirait bien quelque chose sur le fait qu'il baise Akina, même si la petite a bien peu de ressemblance avec le grand-père.
Il fouillera encore un peu, et, entendant du bruit, préférera sortir en vitesse, descendre les escaliers. D'un autre, adjacent, c'est Akina qui apparaît. Cette petite robe noir jure dans le paysage, mais lui va si bien. Non-loin, déjà au rez-de-chaussée, Akiko les observe. Elle sourit. Sans doute a-t-elle remarqué comment Siegfried la regardait. Pense-t-elle qu'il l'aime, qu'il est réellement son petit copain ? Il ne se déporte pas vers Akina, préfère s'approcher de l'hôtesse, pour lui laisser un mot en vitesse, après s'être incliné avec respect.
-Je peux vous assurer que mes intentions sont louables, et que nullement je ne chercherai à semer la discorde. Je n'ai pas à espérer, je vous prouverai que vous pouvez avoir confiance en moi.
Il se reculera, tête baissée, pour tendre le bras à Akina après lui avoir fait un discret clin d'oeil.
-Admet que c'était osé.
Il en semble fier, en plus. Le SS sourit en observant le paysage. Dire que tout cela est potentiellement à celle de qui il tient le bras. Il l'observe. Sa robe. Ses cheveux. Son domaine.
-Ma baronne...
Oh. Stop. Pourquoi a-t-il dit ça ? Il est pris de regret. Non, elle va se faire des films, bon sang. Même pendant le sexe, il n'oserait pas prononcer cette appellation. Il arrête la progression de ses pas. Changer de sujet serait une bonne idée. Oui, il a une bonne idée. Il n'a que ça, des bonnes idées.
-Nous devrions nous marier.
Il la regarde. Elle est perplexe.
-... Quoi ?
-Oui ! Marions-nous.
-Anton, nous sommes déjà mariés.
-Je sais... Mais je ne vous aimais pas à notre mariage. Maintenant si.
Elle rit, attrapant un cavalier traînant sur le côté de la table pour le lancer sur Siegfried. La pièce de bois laquée de noir frappe son buste et tombe dans l'herbe. Il la ramasse aussitôt.
-Vous voulez refaire une cérémonie ?
-Pourquoi pas ? Juste nous. Et nos gens.
-Sans la famille ? Ca ferait trop faux. Vous n'aimez pas quand c'est faux.
-C'est quand il n'y a pas ma femme que c'est faux.
Elle rit encore et lui attrape la main. Son sourire s'estompe soudain, comme le soleil serait masqué par la masse cotonneuse d'une tempête.
-Vous voyez toujours des filles.
Au tour du SS de ne plus rire. Il a beau être dans son bel uniforme, galonné et médaillé, il n'en mène pas large ici.
-Quand il n'y a pas ma femme, c'est faux.
-Non. C'est avec elles que c'est vrai, Mein Herr.
Elle a raison. Elle le sait, il sait qu'elle sait. Il se mord la lèvre, avance un fou. Maria, plus rapide et plus habile que lui à ce jeu, répond aussitôt.
-Laissez-moi un peu de répit, bon sang...
Il doit réfléchir une bonne vingtaine de secondes pour replanifier son jeu, essayer de « prévoir » les choses, puis reprend la discussion qu'elle a entamée.
-Trois mois sur le front, Maria. Je deviens violent si je n'ai pas... enfin... il faut mieux que je décharge ma violence ainsi qu'autrement.
-Front ou pas. Vous dormirez avec moi ce soir, mais demain ou après-demain ?... Vous allez chercher à voir cette...
-... Angéle.
Il a l'impression de capituler face à un adversaire plus fort que lui. Elle bouge un pion sans regarder de jeu, il avance son cavalier restant, elle fait glisser sa reine sur le côté, il voit l'échec poindre, elle est trop rapide pour lui.
-Pardonnez-moi. Meine Dame... J'ai toujours dit que vous ne me méritiez pas.
-Non, Anton. Ne dites pas ça. Ma seule déception, c'est de ne pas pouvoir être ce que vous cherchez. Vous voulez qu'on aille monter un peu ?
-Nous n'avons pas fini la partie.
Maria anticipe : Levée, elle se penche sur le jeu. Avance un cavalier blanc, recule un fou noir, avance un pion blanc, échec, avance un cavalier noir, fait traverser le terrain à sa reine blanche, échec et mat.
-Ca se serait passer ainsi. Venez, je vais vous montrer comme Gnade a fait du progrès. Même en course, votre Trotze n'y pourra rien.
Elle filait, l'air gai, faisant voleter sa robe en sautillant. L'âge n'a aucune prise sur elle, lui commence à se sentir vieillir. Il regarde le jeu d'échec. Aurait-il joué ainsi ? Si elle le dit, alors oui. Elle le connaît mieux que quiconque, à son grand désarroi. Il voit qu'elle l'attend.
-Oui ?
-J'arrive, Meine Dame.
Sa Dame. Pas juste une simple femme, le Dame est l'équivalente de la Lady britannique. Et, à voir Akina, il ne pense qu'à ça.
-Tu me fais de plus en plus penser à Maria. C'est terrible, Akina. Tu me replonges à quand j'avais ton âge. Tu ne devrais pas tant lui ressembler...
Arrive le gros compliment.
-Tu as ce qu'elle n'avait pas.
… Et la désillusion.
-Elle aussi, avait des choses que tu n'as pas. Mais toi au moins, tu es encore en vie pour apprendre.
Il reprendra sa marche. Il a faim, et sans doute va-t-il être l'heure de prendre son injection. Peut-être la dose de ce matin était-elle trop basse, ce qui expliquerait son vague mal-être.
-Ne t'inquiètes pas, je te promet qu'on domptera ton grand-père. Il va m'adorer. Je ferais tout pour.
-
Alors qu'elle sourit à sa grand-mère qui s'éloigne, Akina prend délicatement le bras de l'allemand, en passant le sien dessous. Ils se dirigent vers le parc du domaine, immense et vide. Osé ? C'est un euphémisme. Suicidaire serait un mot bien plus approprié. La remarqua aura, au moins, déclenché un faible rire chez elle. Bien sûr qu'elle ne lui en veut pas ; après tout, elle a menti. Elle va pour répliquer, s'excuser peut-être ou lui expliquer à quoi est du le comportement réactionnaire d'Akira Kanzaki, mais il la devance.
Baronne ? S'étonne-t-elle en son for intérieur. Sa conscience, elle, aura tiqué sur l'autre mot. « Ma ? ». Elle demeure un instant interloqué, les yeux dirigés vers le ruisseau qui scinde les jardins en deux parties. Un instant, Akina croit mal entendre. Au milieu de la verdure, du chant des oiseaux et sous le soleil bienveillant, elle remarque bien qu'il est ailleurs. Elle n'ose pas relever, de peur qu'il regrette de l'avoir ainsi nommée.
Elle a un petit sursaut lorsqu'il s'adresse de nouveau à elle. Son coeur jubile à l'idée d'être confondue avec Maria Von Königsberg. Toutefois, la comparaison soulève plus d'interrogations qu'elle n'apporte de satisfaction. Apprendre ? Oui, mais apprendre quoi ? Qu'avait-elle qu'elle ne pourrait posséder ? Son esprit s'échauffe, elle se hâte de changer le sujet.
« Merci...concernant mon grand-père et bien. Je suis certaine qu'il vous appréciera. Vous êtes différent de Jack Walker, après tout. »
Ils marchent encore un peu à travers le paysage typiquement japonais, atteignent au bout de quinze minutes les dépendances du manoir dont une écurie : vide. Fut un temps où elle abritait des montures, quand Akira avait la capacité de monter. En vieillissant, les bêtes avaient été vendues à divers haras de la région. Par cet amour équestre, le vieux Kanzaki avait payé des cours d'équitation à une très jeune Akina. Elle sait monter, mais ne s'est jamais vraiment sentie très à l'aise quand il s'agit de murmurer à l'oreille des cheveux.
« De toute manière, il devra se rendre à l'évidence que le monde a changé. Vous, vous l'avez bien reconnu. » sourit-elle en rebroussant chemin avec lui. Sur le trajet, Kanji-san vient poliment les avertir que le souper est servi.
Encore une fois, Akiko a souhaité rendre le séjour de Siegfried confortable. Ils dîneront dans une salle à manger occidentale, avec une table et des chaises de très bonnes factures. Le mobilier date du 19ème siècle, vernis et lustré chaque semaine, il conserve toute sa splendeur. Elle aurait pu faire servir le repas dans la partie traditionnelle, où son mari et elle ont l'habitude de manger, mais elle préfère que les deux invités ne soient pas mis mal à l'aise. En revanche, la nourriture est typiquement japonaise ; parmi les plats qui se succèdent aucun met européen et les baguettes sont de rigueur. Kanji-san effectue le service, aidé d'un domestique. Tous deux sont habillés d'un haori et d'un yukata sombre aux insignes du clan Kanzaki : le Wata, symbole de bon augure.
« Nous sommes encore dirigés par des démocrates» soupire Akira en repliant le journal. Puis, il se tourne vers son épouse et l'accule d'une oeillade sévère. « J'ai apporté mon soutien financier pour la future campagne de Ishihara. Je sais que les Hiranuma feront de même. »
« - Essayons de ne pas ennuyer nos invités avec ces considérations politiques, mon chéri. »
Elle leur offre à tous deux, un sourire délicat. Le vieillard se racle la gorge, et se sert une gorgée de soupe. Face à son mutisme, Akiko reprend les devants. Elle est placée entre Siegfried et Akina, faisant face à son compagnon.
« Que diriez-vous de rester dormir cette nuit ? Et pourquoi pas la suivante ? Monsieur Von Königsberg, nous pourrions vous préparer une chambre dans l'aile Sud. Elle dipose d'un balcon, vous aurez une vue magnifique sur les reliefs du pays. » déclare-t-elle en consultant le grand-père, histoire d'avoir son approbation. Il émet une légère onomatopée, qui ne semble pas négative. La vieille femme opine, soulagée.
« Merci, grand-maman. » répond simplement Akina.
« Mais, c'est normal. Ta chambre est déjà prête. »
« Et pourquoi ne pourrions-nous pas partager la même chambre ? » demande finalement l'étudiante, l'air très sérieux. Akira manque d'avaler son potage de travers. Il tousse, prend une serviette pour essuyer sa bouche.
« Parce que vous couchez ensemble. » Le mot coucher a été craché avec mépris. « Je n'autoriserai pas de telles indécences sous mon toit. »
Le ton est monté. Akina rejette son essuie sur la table, manquant de renverser son verre de saké.
« Nous sommes en 2014, grand-père. Les filles couchent avec qui bon leur semble. Et choisissent également leur époux, d'ailleurs elles ne sont pas obligées de se marier. »
« Mais toi si, tu es une Kanzaki. Ta grand-mère et moi-même, ne nous sommes pas choisis. L'amour vient après. Les projets pour sauvegarder la famille sont une priorité.
« - Akira-sama, nous avons tous été jeunes, même nous, je pense qu'ils pourraient.... » intervient Akiko.
« - C'est non. » tranche-t-il « Kanji-san ? »
L’interpellé accourt auprès de son maître et se penche pour accueillir ses ordres.
« Le fils Hiranuma vient partager notre petit-déjeuner demain matin, vers 9h. J'apprécierai que vous alliez le chercher à la gare.
- Bien Kanzaki-Sama. »
Satisfait, le patriarche pioche ses baguettes dans un plat de viande.
« - C'est un bon garçon, ce Hiranuma-san. Il étudie le droit. Et il a effectué son service militaire. De plus, il a une carte au Parti de l'Association pour la restauration du Japon. Il ira loin. Akina, Monsieur Von Königsberg, j'espère que vous serez là à neuf heures. »
Et la fin du souper s'achève sur ces considérations. Avant, le chef de clan aura pris l'allemand à partie sur des sujets d'ordres historiques ou philosophiques. Il ne saurait se l'expliquer, mais la dégaine du SS lui plaît bien. Il n'en est pas encore à lui pardonner de baiser sa petite-fille. Il lui proposera même un cigare, autour d'un verre de bourbon, dans la bibliothèque : entre hommes, afin de poursuivre la conversation démarrée à table. Au grand damne d'Akina qui n'aura pas le loisir de reparler à un Siegfried accaparé par son grand-père. Les deux parentes ne dérangeront les hommes que pour annoncer leur départ au lit et leur souhaiter bonne nuit. La métisse n'e peut s'empêcher de déposer un baiser tendre sur la joue du prussien, caressant de ses lèvres tièdes le derme masculin. Elle hume une ultime fois son odeur familière et s'en retourne.
« Akina semble vous appréciez plus que de raison, » constate Akira après le départ de sa femme « Est-ce réciproque ? Il n'est pas très moral qu'un professeur abuse de son autorité pour séduire une étudiante. Mais je serai curieux de connaître vos motivations. J'ai la vague impression de vous connaître, de vous avoir déjà vu quelque part. J'ai rencontré quelques allemands vers la fin de la Guerre, vous devez ressembler à l'un d'eux. Enfin, je suis vieux. Ma mémoire me fait sans doute défaut »
Il inspire longuement une bouffée de son cigare, fera passer le goût à l'aide d'un fond de Bourbon.
« Bonne nuit, ma chère petite-fille »
Akiko embrasse sa progéniture sur les deux joues, flatte ses épaules nues dans une étreinte maternelle.
« Et ne t'en fais pas pour Hiranuma-san. C'est un jeune homme aussi, je suis certaine qu'il trouvera les manigances de ton grand-père aussi ridicules et odieuses. »
Scarlett remercie son aïeule d'un sourire reconnaissant. Sur le seuil de sa chambre, elle interpelle néanmoins Madame Kanzaki.
« Tu pourrais...me parler de ton mariage avec grand-père ?
- Pardon ?
- Et bien, il a dit qu'il ne t'avait pas choisi, comment as-tu fait pour qu'il t'apprécie ? »
En posant cette question, c'est à Anton et Maria qu'elle pense. A ces choses qu'elle n'a pas, qu'Akiko pourrait peut-être lui enseigner, elle qui avait vécu dans ce siècle de politiques matrimoniales complètement dénuées du moindre romantisme.
« - Je n'ai jamais abandonné. Mais, nous pourrons en parler demain. Repose-toi pour l'instant. »
La chambre d'Akina est le seul endroit du manoir où l'on trouve des photographies de Jack Walker, figure bannie à jamais des affaires Kanzaki. Toutefois, elle a insisté. Avant de s'endormir, elle a toujours pris l'habitude d'admirer les clichés de sa mère accompagnée de son père, et d'elle-même – beaucoup plus jeune. Peut-être qu'au final, elle qui se targue de vivre dans le présent, l'ère du progrès sociétal, est également prisonnière du passée et des regrets. Ses affaires ont été montées dès son arrivée, elle s'agenouille près du futon : téléphone portable en main
-
Différent de Jack, disait-elle ? Le prussien en doutait. La fracture fondamentale était celle de l'éducation, sans doute, gravée au fer dans le cœur et le cerveau de Siegfried, et qui le faisait agir comme une personne « civilisée » plutôt que comme une bête. Il était maniéré, même quand il baisait comme un monstre, là où Jack était un porc américain comme un autre. Les valeurs enseignées n'ont pas été les mêmes. Mais sinon, ils restent deux animaux, qui se laissent aller à leurs instincts plutôt qu'à les réfréner comme le font la plupart des hommes. Tous deux, ils auraient dû être en prison depuis longtemps pour avoir enfreint trop de fois le contrat social, mais chacun avait ses passes-droits. Ce n'était que temporaire : Tôt ou tard, on doit payer pour ces crimes, c'est une loi immuable de la nature. Leur seule chance, c'est de se racheter une conduite, ce que Siegfried ne semble pas enclin à faire.
Quoique. Le contact prolongé d'Akina a tendance à le changer. Il trouve en elle un support moral à sa barbarie. Si seulement il pouvait la tuer sans qu'elle ne meurt réellement, ce serait le paradis.
Et ainsi il y pense : L'étrangler jusqu'à ce qu'elle meurt. Qu'utiliserait-il ? Peut-être une corde, pour avoir vraiment l'impression de tenir sa vie entre ses mains, serrant et desserrant à sa guise, bloquant net en la regardant étouffer. Les regards ancrés l'un dans l'autre, sans doute y aura-t-il une muette détresse dans les yeux de l'étudiante, mais chez le SS, il n'y aura que de l'amour – le plus pur, le plus beau.
Ce n'est pas le moment d'avoir ce genre d'idées. Le cadre est idéal, la compagnie l'est tout autant. Les heures futures s'annoncent moins brillantes, mais il saura gérer.
Il ne dira pas grand-chose de tout le repas. Comme à la maison quand il était jeune, il remerciera le personne pour le service, la cuisine, la table. Complimentera les hôtes pour leur évident bon goût, en rajoutera sur l'accueil, et le fait qu'il soit content d'être avec eux. Il marque des points, il le sait, mais si la démarche est intéressé, le fond est véritablement sincère. Un petit mot sur le fait que la démocratie n'a apporté que du mal aux pays, qu'elle donne à nourrir des illusions au peuple, et c'est tout.
Lorsqu'elle évoque le sujet du lit, Siegfried baisse les yeux. Mauvaise idée. Il aurait dû le faire. Il comptait sortir le grandiloquent sujet de l'honneur et du respect, promettant qu'il ne touchera pas Akina et qu'il veut juste être près d'elle lorsqu'il dort, surtout vu qu'il est dans un environnement notoirement non-familier. Erreur stratégique : En tant que femme, tu n'as pas droit au chapitre. Il fallait laisser parler l'homme, même étranger.
De la même façon, il laissera Kanzaki-Sama marcher allègrement sur son honneur en annonçant que demain, en sa présence, il cherchera à faire connaître un prétendant à son amante. Siegfried pliera encore, sans broncher, avec même un petit sourire. Qu'il balancerait un « Fameuse idée ! » que ça passerait aussi bien.
Il acceptera le cigare à reculons, mais le bourbon avec plaisir. Le whiskey, sa grande passion. Dommage, ils boiront de l'américain – les japos s'en sortent en single malt d'orge, pas en maïs.
-C'est elle qui m'a convaincu. J'étais réticent à tenter quelque chose, justement pour ne pas outrepasser mon rôle. Vous savez ce que c'est, quand elles vous regardent dans les yeux, et vous parlent de choses et d'autres... C'est difficile de ne pas perdre ses moyens.
Il marque une pause, fronçant ses sourcils.
-Pour être honnête, c'est ma faute. Je me suis dressé contre son père alors même que je n'étais que son professeur. Je crois qu'elle m'a un peu vu comme un héros sur le coup... J'essaie de tenir mon rôle. Vous savez que les grandes passions naissent parfois d'un claquement de doigt...
Le grand-père semble perplexe. Deux trois mots supplémentaires, et il change de sujet. Siegfried semble hésiter.
-Mon... grand-père était dans la Waffen-SS. Il a supervisé des fouilles ici. Sans doute l'avez-vous croisé. Peut-être est-ce pour ça que vous me dites quelque chose. Une photo dans un album de guerre, ou quelque chose du genre.
Il complimentera le bourbon, en redemandera poliment. Il lui promettra de lui faire parvenir une bouteille de son meilleur Gin, directement importé d'Allemagne, ainsi que son malt préféré, un Sherry Oak des distilleries Macallan, de 25 ans d'âge, meilleur que le 30, dans une impeccable lalique. Quand on aime, on ne compte pas.
Ils commencent à parler de colonies quand le téléphone de Siegfried vibre dans sa poche. Il s'excuse platement, prétextant des affaires. C'est Akina. Il devra user de son prodigieux talent à pouvoir tenir une discussion dans un japonais soutenu tout en tapant un message en anglais sur son téléphone. L'ancien explique avoir perdu une colonie en Mandchourie ; Siegfried expliquera le domaine de Königsberg, tombé aux mains des soviétiques et récupérés par les russes après eux, jamais libéré. La blessure de sa famille, qui rend son titre sans effet. Titre ? Ah, oui. Autour d'un troisième bourbon et d'une cigarette pour Siegfried, ils s'expliqueront chacun leur tour leur titre de noblesse, et leurs désillusions à ce sujet. Ils sont les représentants d'un autre temps, et même si Siegfried paraît 30 ans, il est plus vieux qu'Akira ; il ne s'est jamais senti aussi proche d'un nippon.
Il finira par le quitter à regret. C'était une bonne soirée néanmoins. Siegfried aura précisé qu'il ne prétend toujours pas posséder Akina, et que sa volonté est souveraine à ses yeux. Il remerciera encore pour l'hospitalité, tiendra à trouver Akiko pour la saluer à travers une porte, et ira se coucher accompagné par un serviteur.
Premier mouchoir sali.
Deuxième mouchoir sali.
L'échange de SMS durera jusque 2h du matin, où il cherchera à explorer les fantasmes d'Akina. Celle-ci est plus créative qu'il ne l'imaginait. Il est excité comme rarement. Marre de devoir se masturber comme un adolescent. Il voudrait la sauter salement, maintenant. Elle propose de se faufiler jusqu'à sa chambre. Il refuse. Il refuse de faire cet affront à son hôte.
Il sera pas fatigué avant 4h. Grosse solitude. Il en aura profité pour écrire un peu dans son carnet. A-t-il eu raison de lui envoyer ce message où il lui disait qu'elle pouvait se considérer comme sa petite amie ? Il doit le redire : Il n'est pas amoureux d'elle. Ils ne sont pas « un couple ». Mais au vu de la fidélité promis, et de la façon dont les choses évoluent, ils en sont un ersatz. Lui préfère la relation brute de Maître et d'Esclave, mais fera cette concession. Il pense pouvoir faire confiance à Akina pour qu'elle ne dépasse pas les bornes.
Il se demande aussi s'il devrait lui dire qu'il l'aime. Il pense soudain de nouveau à la tuer. Le poignard est une bonne idée. Lui transpercer le ventre, lentement, pendant qu'il la baise, avant de l'égorger pour atténuer ses souffrances. Toujours de face, toujours avec l'honneur du tueur. Il est sûr qu'elle aimerait cette mort. D'accord, mourir c'est pas tip-top-tendance, mais quitte à perdre la vie, autant le faire dans un orgasme, tué de la main de son Maître.
Il s'endormira sur ces pensées.
Quand il se réveille, poids sur la tête. Peut-être l'alcool, mais ça lui étonnerait. Il a besoin de manger, et de sa drogue. Piqûre. Il ne lui en reste que pour deux jours. C'est son anniversaire. Il a cent ans aujourd'hui. Cent années de vie. Nostalgie de merde.
Il remet son costume après une rapide toilette, et se présentera en avance au rez-de-chaussée, prêt au combat.
-
Peu avant deux heures du matin, Akina est pantoise au milieu de sa couche défaite. Elle respire vite et fort, les joues rougies par un effort indécent. Son bras droit repose lâchement au bord du lit et de ses longs doigts manucurés s'écoule une cyprine brûlante. Au creux de son autre main repose son téléphone qui ne cessera de vibre jusqu'à exactement 02:48, heure à laquelle elle sombre dans un sommeil précaire.
A six heures trente, elle est éveillée à cause des premiers rayons du Soleil. Le temps de se rappeler où elle est, et la jeune métisse sonnera à la gouvernante. Mademoiselle Hachiko est vieille fille, et toute sa vie : elle l'a passée aux côtés d'Akiko en tant que dame de compagnie. L'étudiante déteste faire appel aux domestiques, mais dans cette maison d'un autre âge, le cours du temps semble être suspendu et elle n'a pas le choix que de se plier aux règles.
"Hachiko?
"
- Oui, Mademoiselle Akina? La coiffure ne vous plaît pas?
-Si bien sûr...sourit l'intéressée en ajustant les pans de son peignoir soyeux. Seulement, je ne pensais pas rester pour accueillir un invité de marque. Et je ne souhaite pas remettre...la robe d'hier. Pourriez-vous prévenir Grand-Maman?
-Bien sûr, Mademoiselle Akina. Mais...
-Mh?"
Tout en se parfumant délicatement, elle dresse ses prunelles mordorées vers la domestique pour l'encourager à poursuivre.
"- Nous devrons sans doute chercher parmi les affaires de votre mère."
Blanc; puis un soupir de contrariété auquel succède une moue conciliante. Depuis la disparation de Seika, une règle tacite a été instaurée par le maître des lieux : interdiction de prononcer son nom. Ses affaires ont été préservées dans une chambre désormais scellée. Seule l'intendante et l'intendant possèdent les clefs afin d'y faire le ménage.
"-Parfait."
Neuf heures. Le petit nombre de servants s'activent, en cuisine comme à l'étage. Le chauffeur arrive à l'heure, et dépose Monsieur Hiranuma à la porte principale où l'accueillent Akiko et Akira Kanzaki. Aucune poignée de main n'est échangé, de simples sourires et quelques courbettes font l'affaire. Le patriarche répète à quel point, il est honoré de recevoir le fils d'un vieil ami et tous se dirigent vers la salle à manger occidentale où sera servi un petit déjeuner à l'anglaise. Ils y trouvent Siegfried, amené par l'un des serviteurs et chacun prend place.
"Akina n'est pas encore descendue? J'avais dit neuf heures," reproche le grand-père à l'adresse de son épouse.
- Elle n'a pas exactement fini de se préparer, petit contre-temps. Je crois qu'elle a passé une nuit difficile. Veuillez l'excuser."
Le noble japonais grimace, visiblement contrarié par cette explication. Il est placé en bout de table. A sa droite son épouse et Von Königsberg; à sa gauche, Hiranuma et une chaise vide sensée accueillir la présence réconfortante d'Akina. Kanji-san démarre le servivce.
" - Alors, Hiramuna-san, avez-vous fait bon voyage?
-Oui, je suis à vrai dire, heureux de retrouver le Japon. Hélas, je ne reste pas longtemps, répond le prétendant avec un sourire amusé.
- Pourtant, ce sont les vacances scolaires en Angleterre également?
- Je crois qu'il y a méprise, Kanzaki-sama. Je suis doctorant, j'ai terminé ma formation, j'exerce et j'enseigne en marge de ma thèse.
- Ah, bien, bien. Monsieur Von Konigsberg ici présent est un ami de notre gendre, il enseigne également le droit à la Seikusu Université, présente sobrement le vieillard.
- Ahm, je ne connais pas. "
Le ton de Hiranuma-san est un peu arrogant, tout comme son rictus. On le sent jeune et intrépide, malgré une très bonne éducation. Si l'allemand voulait répliquer, il serait empêché par l'arrivée impromptue de Miss Walker. Elle apparaît dans l'encadrement de la porte, les courbes flattée par la couture d'une robe immaculée; une tresse blonde couronne son visage angélique. L'invité du jour s'est immédiatement lever, presque au garde à vous, afin de rendre hommage à la petite-fille de son hôte. A vrai dire, il ne sait que dire, frappé par le physique exotique de la jeune femme.
" - Mademoiselle Akina", souffle-t-il en s'inclinant.
La demoiselle lui accorde un sourire charmant et réplique en les saluant tous poliment.
" - Tu es en retard. Affirme l'aïeul.
- Désolée, grand-papa. Je n'arrivais pas à me décider pour ma tenue."
Elle dépose un baiser sur la joue frippé de son grand-père en guise d'excuse et regagne sa place non sans un regard complice vers Siegfried.
" - Et l'attente aura valu le coup, Mademoiselle Akina, devance Hiranuma, Vous êtes radieuse."
Encore un sourire, trop confuse quant à ce qu'elle doit lui répondre. Elle a pénétré cette pièce avec la ferme intention de repousser clairement le prétendant et la voilà face à un jeune homme grand, à la carrure athlétique et aux yeux ravageurs. Rien à voir avec le japonais moyen. Afin de se préserver d'un mauvais coup du sort, elle garde loyalement ses prunelles sur Siegfried en face d'elle.
" - Vous disiez donc que vous exerciez, en Angleterre?
- Vous n'êtes pas sans savoir que votre ami, mon père, est consul diplomatique là-bas, j'ai grandi et j'ai fait mes études en Angleterre. Je me suis spécialisé dans le droit notarial. Je me passionne pour les affaires de succession et d'héritage. Je travaille d'ailleurs pour quelques Lords. J'ai passé une équivalence dans le même domaine, ici au Japon.
- Et bien, Hiranuma-san, combien d'années ce CV vous fait-il? S'amuse Akina en déviant ses prunelles vers lui.
- 28 longues années, Mademoiselle Akina. Je suppose que poser la question à un homme n'est pas impoli. Et je vous en prie, appelez-moi Takeshi."
Alors qu'ils conversent, Akiko se penche discrètement à l'oreille d'Anton.
-Je vous trouve plus bel homme que lui, murmure-t-elle honnêtement.
Malgré la subtilité du commentaire, Akina semble avoir remarqué l'attention de sa grand-mère pour le prussien auquel elle adressera un nouveau sourire. Il lui aurait sans doute renvoyer un clin d'oeil, l'air sérieux puis déclare à son hôtesse :
"- J'aurais été ravi qu'Akina ait vos traits. Elle aurait été exceptionnellement élégante à votre âge. Et j'apprécie, merci pour le compliment."
Entre deux coups de fourchettes, Kanzaki-sama balance ses questions, autoritaire et froid.
-Que pensez-vous des prochaines élections?
-Ciel...si j'avais su que je venais à interrogatoire, j'aurais apporté mon avocat.
La remarque audacieuse arrache un rire à Scarlett. Elle prend sa serviette et se cache derrière afin de laisser aller son hilarité en toute discrétion, aussitôt secondée par Takeshi que l'expression outrée du grand-père n'a pas manqué d'amuser. Sentant venir la tempête, la charmante Akiko décide de changer de sujet :
-Cette mousse de fruit est exquise. Kanji-san, vous ferez nos compliments à la cuisinière.
-En effet, se rembrunit Akira, je suppose que vos employeurs sont satisfaits de vous.
-Oui, Kanzaki-sama. Lord Flintshire me recommande auprès de ses paires et la noblesse paie bien pour ses affaires de patrimoine. Mais il m'arrive d'officier pour des particuliers. Très riches, et simples roturiers. Les plus intelligents à ne point en douter. Ils s'empressent de venir nous chercher quand ils marient leur unique fille à des nobles déchus. Pour protéger leur fortune s'assurer que le nom bleu servira l'intérêt de leur capital.
-"Moi, je défends des victimes qui n'ont pas assez d'argent ou de courage pour affronter leurs agresseurs. Moins glamour, je sais. Je reprendrais bien du boeuf, je vous prie."
Le domestique s'empresse d'accourir vers Siegfried, et lui tend le plateau de boeuf fumé pour qu'il se serve à sa convenance. Tous les regards sont dirigés sur l'allemand maintenant, y compris celui de Scarlett – troublée par la réplique cinglante de son amant. Elle cligne des yeux, se sert une portion d'oeuf au plat.
- Ahm. Monsieur Von Königsberg? Je suis étonné, qu'avec un pareil nom, vous ne preniez pas plutôt la défense du sang bleu, intervient l'expatrié.
- Königsberg a été créé pour défendre l'Empire des envahisseurs. Tous mes ancêtres, sans exception, ont servi dans l'armée et ont versé leur sang pour la patrie. Nous sommes des guerriers, une couronne sur la tête et les pieds dans la boue. L'honneur avant tout. Et il n'y a pas de plus grand honneur que de défendre ceux qui n'ont pas de quoi se défendre.
-Merci pour la leçon d'Histoire, vous ne semblez pas avoir quitté le 19ème siècle, tranche sèchement le prétendant.
-Si seulement.
Silence. Même le vieil Akira paraît dépassé face à ce combat de coqs. Il se contente d'une oeillade sévère à l'attention d'Akina, la prenant pour responsable de cette tension.
-Vous devriez venir ici, au Japon, souligne Akiko dans un sourire de façade en espérant sauver le petit-déjeuner.
-Si c'est pour m'occuper de votre héritage, à savoir de Mademoiselle Akina, je n'hésiterai pas une seule seconde.
-Voyons c'est ridicule....se lance désespéremment Walker après avoir ramené sa serviette sur ses genoux dénudés, Herr Von Königsberg est mon...
-Est un ami de ton père, la coupe Kanzaki, menaçant. Et il est très aimable de sa part de te chaperonner à cette rencontre.
- Oui très aimable, se force à affirmer la métisse.
- .. Et un ami d'Akina. Comprenez que je sois pointilleux sur qui l'approche.
-Alors nous serons deux à être pointilleux sur la question désormais.
Siegfried redresse la figure et regarde enfin son homologue pour la première fois depuis le début du repas. On devinerait presque un sourire sur ses lèvres fines.
-Avec grand plaisir.
Et la discussion se poursuit à propos de l'actualité. Les Kanzaki réclament des nouvelles de la famille Hiranuma et le fils les rassure avec moultes explications. Durant cette interlude et ce répit, Akina essaie de trouver le courage d'ingurgiter le reste de son assiette. Elle sentira soudainement une caresse au niveau de sa cuisse, tandis que Takeshi dépose son souffle contre son oreille : "Je vous en prie, acceptez de venir visiter Londres avec moi." Si personne ne les entend, chacun aura remarqué cette proximité. Le poil de Kanzaki s'hérisse légèrement, mais il se félicite. Quand Siegfried guette la réaction d'Akiko, c'est pour y déceler une moue déçue et terriblement inquiète. Elle lui confiera d'ailleurs sur le même ton bas : "C'est ce que souhaite son grand-père".
L'héritière Kanzaki ignore la proposition de Hiranuma, et se hâte de rajouter à voix haute :
" - Nous partons tout de suite après le petit-déjeuner. Des affaires nous retiennent à Seikusu.Veuillez m'excuser."
Sur ce, elle repousse sa chaise et quitte la table pour s'éloigner à grandes enjambées, complètement confuse, le souffle écourté. Hiranuma esquisse un geste, prêt à la suivre. Toutefois Akira s'y oppose.
" - Laissez-la, elle a besoin de temps. Elle s'y fera. En attendant, je vous invite à passer dans la bibliothèque."
Dans les couloirs, Akina intercepte Hachiko.
" -Pourriez-vous dire au chauffeur de ramener ma voiture, je pars dans l'heure. Si on me cherche, je suis dans ma chambre, mais je ne souhaite pas être dérangée. Faîtes-leur passer le message, s'il vous plaît."
-
Il faudra, une nouvelle fois, encaisser une humiliation, celle du repas. Il n'aura pas pu s'empêcher de faire le chevalier, en rajoutant un peu dans les paroles pour gonfler son orgueil. C'est une manie chez lui, de vouloir faire le paon. En même temps, on vient lui piquer son esclave, allait-il se laisser faire ? Il est ravi de voir que la grand-mère d'Akina semble de son côté. Peut-être devrait-il s'appuyer sur elle. Néanmoins, il comprend l'acharnement du grand-père dans ses traditions. Il ne peut lui en vouloir, au final, d'avoir organisé cette petite réunion où le sujet masqué était de bastonner Siegfried avec un bât moral.
Au final, il s'en sortira bien. Le bellâtre nippon n'est pas à la hauteur, il le sait déjà. Néanmoins, il a comme... un doute. Ca ne s'est pas assez mal passé entre Akina et son prétendant. Il lui en veut presque de ne pas l'avoir repoussé avec plus de véhémence, mais au vu de l'ambiance familiale, elle a bien fait de ne pas avoir braqué le grand-père.
Siegfried fera l'affront de rester avec eux, discuter de tout et de rien, l'air absent. Le type fini par demander où est Akina. Le serviteur précise qu'elle veut rester seule dans sa chambre.
-Il faut aller la chercher.
Blanc. Le serviteur dit qu'elle ne veut pas être dérangée. Siegfried regarde Hiranuma.
-Croyez-moi : Vous devriez aller frapper à sa porte. Elle a besoin qu'on la tire. Qu'on la tire vers soi, vous comprenez. Si vous restez immobile... Elle ne viendra pas vous chercher. Allez-y seul, sans personnel, entre quatre yeux. Vous verrez.
Il semble hésiter, puis concède, et se lève, prenant les escaliers. Siegfried attend quelques secondes et fait de même, s'excusant auprès des autres, disant qu'il doit réunir les quelques affaires laissées dans sa chambre.
Devant la chambre d'Akina, Hiranuma rajuste sa tenue, et s'apprête à se signaler à la porte coulissante. Il est soudain saisi par le col, et collé contre le mur opposé.
-Ecoute-moi bien. Tu pourras courir tant que tu veux après elle. Tu pourras même te marier avec un jour, si tu as du bol. Mais je ne la laisserais pas m'échapper. Elle te détestera toute ta vie de l'avoir éloigné de moi, et moi de même. Un jour, c'est ta réputation que je ruinerais. Puis tes comptes en banque, asséchés. Et je finirais par te tuer. Maintenant, fais jouer tes relations, ta réputation et ces conneries. Mais je te jure que le jour où tu la touches... Tu auras un rapace au-dessus de ta tête qui cherchera à t'arracher la gorge.
Son langage est soutenu, bien que difficile à tenir. Il le jette dans le couloir, le faisant vaciller sur quelques pas.
-Dégage de là. Un seul mot à Kanzaki-Sama, et je te castre.
Siegfried partira dans l'autre sens, dans sa chambre, rassemblera ses affaires avant de revenir dans la bibliothèque. Le prétendant est blanc comme un linge, mais le vieux sourit.
Quand il sera l'heure d'y aller, il suivra, après des salutations et des remerciements sincères. Oh que oui, il les reverra, sans faute.
Il ruminera son semblant de défaite face aux vieux sur le trajet du retour. Une idée lui vient, se souvenant d'un SMS d'Akina de cette nuit. Il la fait s'arrêter sur une aire d'autoroute, lui fait porter son collier et sa laisse, sans la tenir toutefois. Après un rapide café, il la traînera aux toilettes – pas celles de la boutique, trop propres à son goût, mais d'autres, plus éloignées, plus sales, simple bloc de béton avec des cabines individuelles dedans. En plein milieu de ces chiottes dégradantes, il lui ordonnera de le sucer, et elle s'exécutera presque à reculons. Il lui rappelle qui est son Maître, à qui elle appartient. Un homme passe, puis un autre, et deux adolescents ; les quatre seront arrêtés par Siegfried, puis par Akina, pour qu'ils s'arrêtent, et la regardent. Se touchent, même. Quatre branleurs en train de mater une pauvre esclave au bord des larmes tailler une queue à son tortionnaire. Après avoir joui dans sa gorge, il la prend, la mettant face à eux, qu'ils voient sa face extatiques. L'un d'eux tentera de se faire sucer : Siegfried l'arrêtera net. Ils n'auront rien d'autre qu'une branlette. Ils n'ont pas à aborder les orifices de sa belle esclave, et leur sale foutre ne la touchera pas plus. Ils jouiront piteusement au sol grâce à ses caresses, tandis qu'elle sera saisie par un violent orgasme. Sans jouir une fois de plus, Siegfried raccompagne son esclave à sa voiture après une courte toilette. Il ne s'y est pas trompé : Elle a adoré. Elle est toujours à elle. Il avait besoin de ça, sans doute.
Rien d'autre de tout le voyage. Il ne tentera même pas de la toucher, bien qu'il en meurt d'envie. Ils arrivent chez Siegfried peu avant midi. Il pose son sac dans sa chambre, allume son PC pour y consulter ses mails, puis passe dans la cuisine.
-Je vais faire à manger. J'ai de l'agneau en réserve, si tu aimes ça. Avec quelques petits légumes.
Veste abandonnée, mains lavées, et il sort le tout du réfrigérateur.
-
« Vous devriez vous reposer, Mademoiselle Akina. Reprendre la route dans cet état...Comment avez-vous trouvé Hiranuma-san ?» déplore Hachiko en défaisant la coiffure de sa protégée dont la dignité est intacte face au miroir de la coiffeuse.
« Cela ira...et bien, il est très charmant. Oui, bel homme et il paraît intelligent, si sûr de lui. Mais je ne crois pas que....cela fonctionnera. » Une courte pause fait flotter les derniers mots dans l'air, comme une sentence prise à regret. Puis, la métisse se reprend rapidement. « Hachiko, j'aurais un service à vous demander en revanche. »
Elle se retourne vers l'intendante, et hésite quelques secondes avant de lui faire part d'un souhait pour le moins original.
« - Pourriez-vous me prêter des affaires ayant appartenu à Grand-maman, dans les années 30 ? Je sais qu'elle conserve tout précieusement. J'aimerais une tenue occidentale et son fer à crêper. Je sais que cette demande paraît étrange, mais s'il vous plaît.
-Je...je vais faire de mon mieux Mademoiselle Akina, je vous les apporte. »
La vieille fille ramasse des affaires qui traînent et prend congé. Walker en profite pour se rendre dans la salle de bain privative afin de s'administrer une ou deux aspirines. La matinée a mal commencé. Alors qu'elle fait coulisser la porte, l'intendante remarque des sons de voix et deux silhouettes contre le mur du couloir, à plusieurs mètres ce qui ne l'empêche pas distinctement d'entendre ce que l'un dit à l'autre. Le profil bas, elle se faufile à l'ombre de la coursive, inaperçue pour emprunter l'escalier de service.
Choqué, Takesi Hiranuma ravale d'abord son orgueil tout juste foulé aux pieds. Il rumine, réarrange tenue et coiffure, tout en pestant à l'égard du germain. Il s'assure d'ailleurs que ce dernier ait bien fichu le camp avant de s'annoncer auprès d'Akina qui lui permettra de rentrer du bout des lèvres, assise sur un fauteuil près d'une grande fenêtre. L'apercevoir semble lui redonner un peu de vigueur et il déclare.
« -Je sais que vous devez trouver tout ça ridicule, enfin que tu dois trouver cela ridicule.
-C'est le cas, souffle-t-elle en l'admirant sans gêne qu'il en devient déconcerté.
-Mais je te demande d'y réfléchir. Tu ne manqueras de rien à Londres, de plus l'Angleterre possède de très bonnes universités, et je veillerai à...oh Akina... »
Il se rapproche et elle se tend dans son siège, s'y enfonçant comme si elle veut se fondre à sa texture. Lui, dépose genou à terre et s'empare de l'une de ses mains, qui traînait là sur un accoudoir.
« - Promets-moi que tu y réfléchiras.
-Mais je....commence-t-elle tandis que ses yeux cherchent en vain une issue à cette situation embarrassante.
-Juste d'accepter de venir visiter Londres. Rien de plus. Et sans ce....cet espèce de...
-C'est mon petit ami, rectifie-t-elle sans se soucier de l'interrompre.
-Alors tant mieux, rien ne vous lie....ou ne vous engage. »
Face à l'impertinente insistance du prétendant, elle finit par céder – au moins pour avoir la paix.
« -J'y réfléchirai. »
Il patiente. Puis, excédée, elle rajoute.
« -Je le promets. »
Satisfait, quoiqu'encore touché par les affres des menaces allemandes proférées à son encontre, il quitte la pièce et redescend, vaguement satisfait. Arrivé au salon, Akira le questionnera sur sa soudaine pâleur. Akina aurait-elle été désobligeante ? Non, pas du tout, Kanzaki-sama, au contraire. Et il aura un petit sourire jaune vers Siegfried. Une nouvelle fois, Akiko tente d'apaiser l'atmosphère. Echec critique. Battant en retraite, elle signifiera son inquiétude que l'étudiante mette beaucoup de temps à se remettre et ira la voir. Au passage, elle est alpaguée par sa dame de compagnie, la vieille Hachiko, qui lui contera tout de la scène dont elle a été le malheureux témoin. Paradoxalement soulagée et mortifiée, Madame Kanzaki la remercie et s'engouffre dans la chambre de sa petite-fille. Cette dernière finit tout juste de refermer son sac de voyage, qui paraît déborder d'affaires.
« - Alors tu as fait ton choix ?
-Oui, je ne peux pas rester une nuit de plus.
-Je veux dire au niveau des...
-C'est plus compliqué que ça Grand-Maman, s'agace la métisse en se redressant. A mon âge aujourd'hui, plus aucun jeune fille ne se...soucie de ça. J'aimerais finir mes études, être engagée à la NASA, pourquoi pas. En fait, oui, c'est ce que je voudrais. Ou bien, devenir une vedette. »
Le discours attendrit la grand-mère qui lui accorde un sourire bienveillant.
« - Bien. S'il ne te faut rien d'autre.
-Hachiko m'a fourni tout ce qu'il me fallait merci.
-Tu m'as posé une question sur mon mariage avec ton grand-père. J'étais fataliste, je ne te souhaite pas de l'être. Tu as raison. Aujourd'hui, on enseigne aux jeunes filles à être autre chose que des poupées. Et...occupe-toi bien de ton père.»
« Si seulement tu savais, grand-maman » se plaint sa conscience.
Elles regagnent la Bibliothèque sur ces mots entendus. Hiranuma est le premier a quitté les lieux. Il aura salué tout le monde à l'exception de Siegfried. Vient ensuite le tour des deux amants. Akira Kanzaki, bien que rancunier, n'avait pas d'aversion pour le SS. Avant le départ de ce dernier, il fait venir Kanji-san, armé d'un long paquet. C'est une boîte laquée, reluisante, à la facture ancienne. XIXème siècle pour qui s'y connaître : peintes de motifs sobres avec pour seule inscription quelques idéogrammes.
« - Pour vous, Monsieur Von Königsberg. En remerciement de votre amitié et de vos valeurs. Il appartenait à mon arrière-grand père et date de l'ère Edo. » Il fait signe à son valet et Kanji ouvre délicatement le contenant. Une lame de katana dont la qualité s'admire à vue d'oeil, même pour le profane. « Je suis vieux, je doute qu'Akina en est l'utilité un jour. Je préfère le léguer au petit-fils d'un défunt ami de notre Empire. Il sera chargé dans votre voiture. Bien que je sois satisfait d'Hiranuma-san, je dois concéder que si j'avais eu un fils, j'aurais apprécié qu'il soit de votre trempe.»
Totalement surprise par ce revirement de situation, Akina envoie un sourire de félicitation au baron. Akiko s'en réjouit plus modestement, mais opine avec vigueur la décision de son époux.
« Toutefois, vous n'avez toujours pas mon accord pour coucher avec ma petite-fille. » annonce-t-il en s' amusant de la mine soudainement déconfite de l'intéressée.
Et les adieux se font sur une bonne note, avec promesse de revenir visiter le curieux domaine des Kanzaki.
Malgré l'imprévu du voyage retour, Akina se sent en bonne forme.
« Ah oui, oui de l'agneau....c'est bien... » répond-elle distraitement, sac de voyage à bout de bras et court s'enfermer dans la salle de bain. Elle sort d'abord le fer à friser qu'elle branche sur une prise, Hachiko a eu l'intelligence de lui fournir un adaptateur, les prises des années 30 n'étant pas adaptée à l'évolution technologie les ayant succédé. En attendant que le fer chauffe, elle se déshabille et sort une tenue élégante, typiquement en adéquation avec ce temps là. Petit chemisier de soie blanche et sa jupe grise. Le plus dur aura été d'enfiler le corset, les bas avec porte-jarretelles. A croire que c'était une torture d'être femme en ce temps-là. Enfin, elle s'occupe de sa coiffure en fonction des souvenirs qu'elle a gardé de Maria Von Königsberg sur cette photographie en noir et blanc et place sur son chignon travaillé un chapeau sombre. Dernière touche, le maquillage avec un rouge tonique pour ses lèvres pulpeuses.
Elle ressort en coup de vent, passe dans la cuisine pour attraper le poignet de Siegfried et l'amener dans le salon. Au passage, elle s'accapare une chaise qu'elle dispose au milieu et l'invite à s'y asseoir gentiment, passant un index sensuel sur les lippes adorées de son maître. « Ce ne sera pas long, » promet-elle malicieuse avant de se diriger vers l'ordinateur pour y lancer une musique âprement réfléchie : Whatever Lola Wants interprétée par Natasha Atlas. Dès les premières notes, elle se dirige vers son unique spectateur du jour, se déhanchant à coups d'enjambées sulfureuses, tournant autour de lui. Une main délicate glisse contre les épaules de l'officier et elle poursuit son manège, étonnamment féminine au rythme des percussions exotiques. Pas de vulgarité, mais un érotisme sans précédent ponctue son manège, à l'image d'une pin-up, elle se présente sous des angles compromettant sa pudeur. Minutes après minutes, elle s'effeuille au rythme de la voix suave de Mlle Atlas, le chemisier rend l'âme au sol, et plus tard, c'est sa jupe qui déclare forfait. Son petit cul s'en extirpe sous les yeux de l'allemand, qu'à quelques centimètres de lui. Il ne reste plus que son corset, semblable à ceux qu'ont dû porter les femmes qui ont forgé son éducation sexuelle, lors de ses jeunes années. Semblable à celui que devait porter Maria, tout comme les bas et les jarretelles. Authentiques en tout point, si l'on omet les détails. Et elle appuie le sens des paroles de la chanson par un jeu d'actrice provocant. Elle passe ses jambes fuselées dans leur lingerie fines de chaque côté des cuisses d'Anton et se penche sur lui, bien cambrée, tout en défaisant sa chevelure à moitié. Des vagues blondes heurtent en délicatesse la figure de l'ancien nazi.
Mais à chaque approche et ce jusqu'à la dernière note, elle ne fait que le frôler. Comme s'il n'avait été qu'un client potentiel qui n'aurait pas encore payé. Peut-être souhaite-t-elle le frustré ? En tous les cas, elle espère que la manière dont la blondeur de ses cheveux illumine son visage lui rappelle encore une fois Maria, qu'il puisse passer son centième anniversaire aussi en compagnie de la seule femme qu'il n'aurait jamais aimé.
-
Le couteau était en train de séparer des petits disques du corps d'une carotte, bourreau qu'il est, il ne rate pas une occasion de faire souffrir un pauvre légume. Un mouvement, il se doute que c'est elle. Collant une rondelle dans sa propre bouche, il allait lui demander quels légumes elle n'aime pas en particulier, avant d'être emporté vers le salon. Vif, il aura saisi une serviette pour s'essuyer rapidement les mains histoire d'être présentable.
Subjugué. Il ne savait plus quoi dire devant tant de... de quoi ? De beauté ? D'élégance ? Ou tout simplement de souvenirs. Il a vite compris où elle voulait en venir, ses atours datés ne faisant sonner qu'un seul son cloche dans sa tête, celui de ses jeunes années, de la cathédrale de Königsberg, son orgue et son architecture, avant que ne se fasse entendre à son oreille celle de la grande église de Berlin, sur la Museuminsel, avec son pont sur la Spree menant directement à une maison close, tenue par Frau Tiyi, tenancière âgée à la peau mate prétendant venir d'Egypte, et dont le bordel était réputé pour proposer de la marchandise exclusivement aléatoire, peu de fixes, beaucoup de filles qui venaient pour se faire payer pour une fois, certaines pour une dette ponctuelle, d'autres pour le fantasme. Mais plus Akina se déshabille, le fixant dans les yeux, et plus il en revient à sa terre natale, se remémorant des épisodes qui, comme beaucoup de souvenirs, sont à la fois douloureux et plaisant : La nuit de noce, où Siegfried fut presque plus timide que sa nouvelle épouse, le retour d'Asie, où, en manque, il lui avait fait l'amour comme jamais auparavant ; et surtout, apparaît à son regard troublé la fois où, comme pour le reconquérir ou simplement le conquérir, elle avait joué les envoûtantes, comme l'une de ces traînées qu'il ramassait chez l'Athénée et chez Tiyi, où elle n'avait pas démérité dans l'effort, mais il était néanmoins convaincu qu'il préférait sa femme telle qu'elle était vraiment, et non pas comme elle voudrait être à ses yeux.
Soutiens son regard jusqu'au bout, Akina. Si tu as le malheur de le lâcher, ton ensorcellement risque de s'effondrer. Il faut que la frontière entre le présent et le passé continue d'être floue, pour que ses sens soient entièrement tournés vers la perception plutôt que la réflexion.
Et quand enfin elle s'assied sur elle, il a l'impression d'avoir vécu une expérience hors du temps. C'est seulement à cet instant que sa raison revient. Fini de baver. Il ne sourit plus du tout.
-Sais-tu seulement ce que tu es en train de faire, Scarlett ?
Ca sonne comme un reproche. Ça a sérieusement l'air d'un reproche. Oh, ses yeux disent que c'est un reproche.
-Willst du, dass ich dich Maria nenne ?
Son accent allemand est poétique, romantique, plus hautain que l'allemand classique, et que tout ce qu'elle pourra entendre un jour.
-Je ne te comprends pas totalement... Aber, ich versuche, hoffnungslos... Du wunchst, dass ich dich liebe ? Dass ich... weniger allein bin ? Sie... Sie brauchen nicht, ganz das zu machen. Mein geliebter, mein Maria...
Il l'embrasse. Tendrement. Elle aura le baiser le plus amoureux qu'elle n'ait jamais eu. La main s'empare de sa nuque. Gêné par le collier, il prend la douloureuse décision de lui ôter. Un clic, et le cuir file au sol.
-Nicht mehr.
Il embrasse son cou mis à nu, conscient de la sensibilité de sa peau à cet endroit du fait de l'entrave qui y est restée.
-J'hésite entre te détruire comme la pute que tu es de m'infliger cette torture, ou te faire l'amour comme à ma femme, en récompense... Mais je sais, Scarlett, je sais que si je devais te récompenser, le mieux pour toi serait que je te détruise.
Lentement, la poigne s'enferme sur son souffle et le capture. Il rit doucement entre ses dents.
-Tu veux que je te dégrade et t'humilie en imaginant que je le fais sur elle... C'est ça, mon cadeau, en fait ?
Il se lève. Son bras puissant la suspend en l'air. Si elle souhaite, d'aventure, ne pas mourir pendue, ou décapitée, il faudra qu'elle reste accrochée à lui, jambes et bras indifféremment, de toute façon, elle sentira quand même le tiraillement de son pauvre petit cou. Elle subit ensuite l'emprisonnement contre un mur. Presque une délivrance, vu qu'elle peut tenter de s'y appuyer, supporter un poids moins conséquent. Le SS l'embrasse encore.
-Mein Maria... So schön waren Sie noch nie... Mon amour, mon esclave...
L'allemand et l'anglais se mêlent, confondants, mais ce trouble traduit l'état d'esprit dans lequel il est, sans trop savoir s'il doit jouer le jeu ou rester dans la réalité, sans non plus savoir où veulent l'emmener ses sentiments : Il a envie de baiser Maria, oui, encore une fois, c'est peut-être la dernière fois qu'elle acceptera ce genre de choses ; mais il ne veut pas blesser Scarlett, elle qui, si dévouée, ne se rend pas compte que cette comédie pourrait lui la blesser au plus profond de son orgueil.
-Vergib mir, Maria, vergib mir...
Dit-il tout en l'embrassant intensément, mélangeant les paroles et les baisers, flanchant dans la luxure sans pouvoir tenir plus longtemps dans sa décence.
-Scarlett... Je veux que tu te laisses aller. Peu importe ta langue ou ton comportement... Laisse-moi profiter de ce moment avec toi autant qu'avec elle.
Elle trouvera grâce dans ces doigts cherchent le chemin de son entrejambe pour s'y enfoncer lentement, grâce à cette paume qui paraît être un réconfort à la torture qu'il lui inflige, son bras qui la suspend ne semblant pas fatiguer.
-Das ist es was Sie immer wollten, ja? Nutte...
Il la relâche, lentement, qu'elle comprenne qu'elle peut maintenant se reposer au sol. Lui ordonne de le déshabiller. Il lui montre la marche à suivre : La chemise, d'abord, ses pieds ensuite, ceinture et pantalon, prend-ton temps, ne jette pas tout, pose ça calmement, le boxer finalement, d'où s'extrait une érection franchement visible, dépassant presque de son écrin tant elle était massive. Akina attrapée par les cheveux pour être violemment traînée, poussée à genoux.
-Sie siehen aus wie eine... Schlampe, mein Liebe Maria. Schämen Sie sich nicht !? Willen Sie eine Sklavin behandelt werden...
Son ton se hausse, plus sévère, presque colérique. Il lui inflige une puissante fessée, et tiens aussitôt à lui remettre son collier. Serré d'un cran au-dessus. Plus de possibilité d'y glisser la main, et une franche sensation d'étouffement permanent. De ses doigts, il vient cueillir une abondante masse de cyprine qui s'échappe de ses chairs pour l'étaler sur son cul, et y presser sa queue.
-Haben Sie es niemals gemacht, hm ? Machen Sie es ! Jetzt !
-
Scarlett, Maria ? Les deux à la fois. Dès le premier reproche, la métisse est perdue. Elle le fixe toujours dans les yeux, mais sa prunelle vacille sous le vent du doute. Il a raison, est-elle sûre de vouloir ça ? Attends, Anton, laisse-moi réfléchir. Quelques mots en allemand dont elle comprend vaguement le sens et il l'embrasse comme jamais. Elle aurait souhaité que ce baiser n'ai jamais de fin et qu'il se poursuive jusqu'à ce qu'elle y abandonne tout son souffle et crève d'amour pour lui. Elle est galvanisée, soulagée aussi que cela ai fonctionné, et ses mains féminines se croisent à l'arrière du crâne allemand, caresse ses cheveux pendant qu'il abandonne sa bouche pour son cou délivré. Ciel. Elle en gémirait presque.
La playlist a changé et les hauts-parleurs de l'ordinateur déverse un Man's, man's, man's world à la voix féminine sensuelle. Cela n'a plus d'importance, l'excitation lui monte comme la moutarde au nez. Entre le satin de ses jarretelles, elle mouille allégrement, tâche sûrement le pantalon du SS. Une poigne virile remplace les lèvres du mâle sur sa gorge et elle se sent étouffée, perdre pied progressivement.
Détruis-moi, Anton, s'entend-elle penser avec horreur.
Quand il se redresse, ses jambes s'agitent faiblement dans l'air, à la recherche d'un appui salvateur. Elle n'arrive plus à respirer. Etre heurtée contre le mur la ramène presque à la vie. Il scelle une nouvelle fois leurs lèvres et la voilà consciente. N'a-t-il donc aucune pitié ? Les baisers se succèdent, la poésie prussienne aussi. Avec l'accent, difficile de saisir la signification de toutes les phrases. Elle essaie de remettre les pièces du puzzle grammatical allemand en place : impossible, elle a trop envie de baiser, n'est plus capable d'une seule réflexion.
Elle se tend lorsqu'il introduit ses doigts en elle, cherche un échappatoire et soupire le souffle précaire qui la maintient en vie. Enfin, ses pieds frôlent le sol et elle prend une grande inspiration, s’attelle à le déshabiller lentement, de ses mains manucurées et propres quoique tremblantes. Bien sûr, elle ne saura plus trop comment elle se sera retrouvée soudainement à quatre pattes et lui derrière elle. Sans doute à cause de sa chevelure : qui se prête volontiers comme une prise de choix pour la traîner à l'instar d'une esclave. Contre l'entrée interdite, elle sent son chibre tambouriner un droit de pénétration. Et elle enfonce les portes elle-même, d'un coup de hanche violent qui envoie directement son fondement s'empaler sur la queue de Monsieur. Il manque encore plusieurs centimètres et elle force, au bord des larmes. C'est douloureux, même si l’érection enfile parfaitement cet écrin de chair brûlante. Pourquoi s'inflige-t-elle ça ? Parce qu'elle aime la douleur, elle adore ce mal qui lui arrache les veines. Pourtant, elle est persuadée que Maria Von Königsberg ne se serait jamais abaissée à une telle dégradation. Et elle ne fait que l'envier encore plus.
Encule-moi, Anton, veut-elle crier de toutes ses forces, mais le collier presse sur ses cordes vocales. C'est à peine si elle peut râler sa satisfaction.
Toutefois, prise dans une telle position, avec cette extrême qui caractérise tant l'officier, elle a peur de jouir trop vite. Tant bien que mal, elle lui échappe – se retourne avec souplesse et profite qu'il soit à genou pour presser sur son torse et le monter en cavalière. Ses gestes ne visent pas à dominer son étalon, mais à se mettre en scelle pour le surplomber de sa silhouette sulfureuse. En contre-plongée, son visage angélique est occulté de moitié pour un jeu d'ombres et de lumières. On pourrait croire à Maria.
L'index joueur de la demoiselle passe le long des lippes du SS, dont elle redessine la courbe, acculant sa beauté.
« Je t'aime....Anton... » réussit-elle à susurrer en amorçant une première ondulation du bassin. Elle le confie en anglais, bien évidemment. Un second coup de bassin, puis un troisième. Elle est brusque, s'embroche sur lui et ses mains filent contre son torse. Et de là où il est, ses yeux, semblable au ciel nocturne, peuvent apercevoir la crinière blonde flotter plusieurs secondes dans l'air, auréolant son amante avant de retomber sur lui. Elle n'a pas menti quand elle lui a assuré savoir chevaucher.
«Han...Anton...Je...suis ta pute... » avoue-t-elle du bout des lèvres.
Elle n'a pas utilisé le mot bitch, mais celui de slut : tellement plus cinglant.
« Et...je vais jouir grâce à toi, parce que j'adore ta...queue... »
Un orgasme menace, qu'elle retient de justesse, se redresse, toujours en chaleur – la gorge éprouvée par son collier et recule lentement jusqu'à cogner ses fesses contre la table de la salle à manger. Il la suivrait, sans doute, car les yeux des demoiselles Scarlett et Maria crient famine. Elle hisse son cul sur la table, balaye de la main ce qui s'y trouve pouvant la gêner. Le bruit d'un objet qui se brise au sol. Oups, elle espère qu'il n'est pas précieux. Il s'est jeté sur elle et elle l'a accueilli entre ses cuisses comme une bonne soumise. Il y a tant de passion et il est tant impitoyable que ses omoplates manquent de se briser quand il la plaque complètement sur la table.
Si elle ne compte pas les coups de trique qui suivent, elle les pressent nombreux. Au départ en pleine chatte, et puis malgré l'inconfort de la position, en pleine croupe. A force de gémir, elle s'étrangle plusieurs fois à cause du collier et il la voit se cambrer, se débattre pour avoir un peu d'air tandis qu'il la pilonne indifféremment de sa queue. Inconsciemment, dans un réflexe rapide, ses mains se seront enfoncées dans la poitrine de l'allemand et elle l'aura griffé jusqu'à en marquer sa chair de trois longs traits vermeilles. Ca s'est passé une seconde avant qu'il ne jouisse, et pendant qu'elle-même éclatait de plaisir. Il s'est retiré avec empressement afin de souiller la table impunément et admirant sa chienne manger sa semence à même le bois du meuble, sortir sa langue, lécher, avaler, il n'aura pas encore remarqué cette légère blessure. A l'image d'une bonne pute, elle s'est mise à quatre pattes sur cette table pour finir son repas protéiné, la bouche barbouillée de foutre.
Sa seconde erreur est peut-être de retirer son collier, pour mieux respirer. Elle rabat timidement l'une des bretelles en dentelle de son corsage, le relace vaguement. Et elle s'adresse à lui d'une voix raillée, agenouillée sur son perchoir, face à lui.
« Dîtes-moi que vous m'aimez...Anton. Bitte sagen Sie mir »
Ce genre de chose ne se réclame pas, mais elle en a tellement besoin. Que tout cela ait un sens : le goût du sperme dans sa bouche, la douleur anale, la faible sensation de déchirure dans son vagin : tous les endroits où était passée la fougueuse queue du SS.
-
Elle l'aime.
Ainsi, c'est tout ce qu'elle a à dire. Le baron est aux anges, baignant dans un plaisir inouï. Il encule sa belle Maria, quand bien même c'est son esclave sous le masque, sa Scarlett qui a l'habitude d'être visitée à cet endroit, il signe le pacte et remet sa crédulité entre les mains de l'actrice, qui réussit une prouesse comédienne remarquable. Elle l'aime, probablement autant qu'il la désire, et cette confession pour une fois ne le rebute pas, bien au contraire : Elle lui donne du cœur supplémentaire à l'ouvrage, et il n'a qu'une envie, c'est de la détruire comme elle le souhaite, justement parce qu'elle l'aime, parce qu'elle le prononce en anglais et que ce sont les mots d'Akina, mais que les yeux qui le regardent sont ceux de sa femme, et il oublie la réalité, se laissant emporter.
Elle ose lui monter dessus. Là encore, c'est presque inédit, autant pour l'une que pour l'autre. Il adore. Être dans son cul alors qu'elle se démène pour s'empaler sur lui, encore et encore, son corps si parfait emporté dans sa jolie danse pleine de stupre, il ne peut que capituler. Il capitule. Il n'a plus envie de lui dire quoi faire et comment, juste de se laisser aller. Elle n'a pas menti, elle sait monter.
Il voudrait jouir, mais ne peut se permettre de s'arrêter là. Il se fout qu'elle ait mal ou qu'elle étouffe, il vit un rêve, qu'il ne pensait jamais vivre autrement que dans d'éventuels fantasmes nocturnes. Il tiendra. Il recommencera, s'il le faut vraiment. Il veut faire durer cette journée éternellement.
Il suit Akina partout où elle ira, et quand de nouveau elle lui laisse le contrôle, il ne se privera pas d'être violent, presque jusqu'à la folie, dispensant ses fessées avec hargne, l'insultant dans des termes barbares qu'elle ne comprendra pas, appuyant sur son corps pour qu'elle éprouve son poids, quelques claques, parce qu'il adore ça, et n'aura pas besoin cette fois de lui dire quand elle peut jouir ou non, elle se laissera aller et ne lui en tiendra pas compte, fera de même lorsque la pression était trop dure. Cette chienne aura de nouveau à récupérer tout son foutre là où elle l'a laissé, et en salope dévouée qu'elle est, elle se mettra dans la position qu'il désirait, et fera ce qu'il veut qu'elle fasse. Il lui caresse même la tête pendant que son souffle récupère, son esprit avec, qu'il la contemple, affamée, manger le présent qu'il lui a laissé.
Maria... Ma chienne...
Elle outrepasse clairement les règles en se redressant. Comment... Comment peut-elle se permettre un tel comportement, et un tel ordre!? La politesse qui suit ne rattrape rien. Siegfried est fidèle à lui-même, et il va aussitôt la remettre à sa place, quitte à ce que ce soit une grave erreur.
-Pour mon anniversaire, c'est toi qui obtient un cadeau ?
Il sourit. Dégage ses lèvres de son pouce, et l'embrasse doucement.
-Ich... liebe... dich. Je t'aime, Scarlett.
Pas Maria. Il n'est pas totalement dérangé, et sait que rien n'était réel. Néanmoins...
-Merci. Je ne devrais peut-être pas le dire mais c'était... enfin, j'ai adoré. Je suis content de voir que tu consens à tel sacrifice pour moi... Ca me va droit au cœur. Vraiment. Tu es merveilleuse.. Hm. Je vais faire un brin de toilettes.
Il a besoin de se passer de l'eau sur le visage. Elle le suit. Au-dessus du lavabo, devant le miroir, il remarque trois traînées rouges, assez légère. Son sang coule, ou plutôt, a coulé. Dessous, la blessure s'est déjà refermée. Il saisit immédiatement le poignet d'Akina, pour constater sous ses ongles une légère teinte carmin. On le sent sur le point de déchaîner sa haine, mais il n'en fera rien. Au lieu de ça, il se contente de récupérer avec son doigt un rail de sang pour le porter aux lèvres de son amante, qui, après hésitation, consentira à ouvrir les lèvres pour l'accueillir. Siegfried récupère un deuxième trait rubis, et le mélange cette fois-ci à une goutte de semence au coin du menton de la blondinette pour lui faire ingurgiter le cocktail, de même. Quant à la dernière ligne de sang, c'est lui qui la mangera. Après quoi il la tourne vers lui, pour la regarder.
-Est-ce trop te demander si... enfin, j'aimerais bien recommencer. Tu es très belle comme ça.
Wao. Il demande. Il est presque gêné. Mais il le fait bien en anglais, il n'y a plus de jeu de rôle. C'est vraiment lui, Siegfried, baron de Königsberg, Hauptsturmführer dans la Waffen-SS, Kommandant aux services spéciaux allemands, avocat, professeur respecté, qui demande à sa chose, son esclave, sa pute attitrée, son sac à foutre, son accro à la queue, s'ils peuvent éventuellement faire l'amour. Et après qu'elle ait acquiescé, il sourit, de soulagement semblerait-il, avant de la baiser à nouveau. Il aura pris soin d'éteindre la musique avant, avoir nettoyé sommairement sa belle Akina, avant de la traîner dans son lit pour remettre le couvert le temps d'un orgasme, d'un très long orgasme, puis, après une pause où il aura abandonné l'idée de faire la cuisine, et préféré commander indien, il lui aura fait l'amour une nouvelle fois dans ce salon. Elle est nue depuis longtemps maintenant, il aura bien joué avec son corset et ses bas, fétichiste qu'il est, mais les aura enlevé pour qu'elle ne soit qu'un corps nu contre son corps nu à lui.
15h venaient de passer. Il s'était allongé sur le plancher pour se refroidir. « Je pue la sueur », commente-t-il. Après une courte douche, ils se seront installés devant la télé. Grosse flemme de sortir. Choix de films sur la VOD. Il n'a pas envie de sortir. Quelques caresses appuyées ne mèneront à rien, il prétexte avoir des papiers à faire qu'il espère poster au plus tôt demain. « Prend mon PC, appelle Ekaterina pour voir si tout va bien, tu es chez toi. ». Il se dépêchera de faire un peu de ménage (les fluides...) et se lancera dans son travail administratif intense.
Alors qu'elle a l'attention ailleurs, il la regarde. Une vie de couple normale. La rentrée approche, et il s'imagine rentrer le soir, la trouver là. Il fini très vite par être lassé de ses « choses », combien de temps cela prendra-t-il avant qu'une nouvelle hirondelle ne vienne voler le nid de la précédente, et qu'il ait envie d'en soumettre une ? Comment va-t-il lui annoncer ? A-t-il été trop loin avec Akina ?...
… Et s'il n'avait pas besoin d'une autre, au final ?...
Il en retourne à son travail.
-
Au bas de la douche, elle récupère la chemise que portait Siegfried à leur arrivée. Elle est obligée de retrousser les manches afin que ses mains puissent être utilisées et profitant qu'il se douche encore, elle ira dans la chambre récupérer son sac de voyage pour y chercher des bas résilles qu'elle enfile sous le chemisier trop large. Elle n'aura pas l'idée de fouiller où que ce soit. Après tout, peut-il cacher pire que....ses révélations ? Non. Ses cheveux mouillés semblent moins blonds, le charme cesse : elle redevient Akina Scarlett Walker à part entière. Lorsqu'elle le rejoint dans le salon, il est devant la télévision et elle le rejoint sans hésiter, souriante, épanouie. Et si les pans de la chemise l'agacent à glisser sur son épaule menue, elle se résoudra bien à arrêter de les replacer inutilement ; dévoilant une partie de son tatouage dorsale qu'il a pu admirer des milliers de fois lorsqu'il la possédait en levrette .
« Vous savez ce que ça veut dire ? » demande-t-elle vaguement, en se penchant sur la petite table pour grappiller un peu de restes de leur repas indien. « Enfin,vous vous doutez que c'est une constellation. » Elle s'interrompe pour rire deux secondes à une publicité débile qui vient de passer à l'écran et se retourne de nouveau vers lui. « Celle du Grand Chien Canis Major. Avec les étoiles Sirius. Je me suis toujours demander....ce qu'il y avait autour d'elle. J'ai d'autres constellation en fait, je voulais être une véritable carte de l'espace ambulante. »
Mais vous, vous pouvez simplement vous contentez d'envoyer votre foutre sur Sirius a, et Omicron pour féconder des mondes inconnus. Faillit-elle rajouter, mais elle s'en abstient et opte aussi pour le film au terme duquel, il invoque du travail administratif. Elle ne s'y oppose pas. Non, après tout, elle a besoin de souffler aussi et lui signifie simplement qu'elle reste à disposition si de l'aide est nécessaire.
Elle attrape son téléphone, l'ordinateur portable, et s'installe sur le divan en tailleur. Consulter ses mails d'abord. Ell a l'impression d'avoir été coupée du monde ces deux derniers jours. Un premier mail est de Sô, qui s'est visiblement rétabli, mais qui a remis sa démission car il a été engagé aux Etats-Unis, par un studio célèbre. Elle lui répond immédiatement tous ses vœux de réussite. Il a du talent, et cette offre est méritée. Ils se reverront, sans aucun doute. Le second mail est de Chris Reuters annonçant qu'elle n'aurait pas le poste d'assistante cette année, ce dernier ayant été attribué à Mlle Wadamoto. Comment ?! Elle voit rouge l'espace d'une seconde, se jette sur son téléphone pour composer le numéro du professeur. Elle murmure pour ne pas déranger Anton.
« Allô ?
-Professeur Reuters, j'aimerais...j'aimerais comprendre pourquoi je n'ai pas eu le poste.
-Ah...Akina, tu...tu tombes mal...je pensais que mon mail...
-Non, il ne suffit pas. J'avais toutes les chances pour, vous me l'aviez dit.
-Je suis désolée, Akina, les choses ont changé, on en reparlera à la rentrée. »
Et il raccroche. Elle demeure pantoise devant l'écran de son iPhone puis secoue la tête, indignée. Le prochain appel est pour Ekaterina et pendant qu'elles conversent de leur expérience respective, une boîte de dialogue surgit sur l'écran de ses mails. Marisol vient aux nouvelles. Elle s'excuse auprès de la russe, lui assure qu'elle rentrera bientôt pour s'intéresser à son amie d'outre-pacifique.
Marisol>Coucou Aki, je suis passée au ranch hier, il paraît que ton père rentre après-demain.
Me>Salut Mari. Su-per nouvelle.
Marisol>Quelque chose ne va pas ?
Me>Je ne suis pas chez moi, je tenterai de te reprendre plus tard.
Marisol>Ne me dis pas que tu es avec ton...nazi....:(
Me>Il n'est pas nazi, et oui je suis avec. Comment ça se passe de ton côté ?
Marisol>Oh, ne le prends pas comme ça. Ca va bien, Franz et moi comptions faire un tour au Japon. Ce sera l'occasion de se revoir ma belle.
Me>Vous êtes les bienvenus.
Et à peine ferme-t-elle cette conversation qu'une autre notification lui explose à la figure. Cette fois sur la page du réseau social qu'elle utilise périodiquement. Elle lit le message groupé qu'elle vient de recevoir, plusieurs fois et détourne son regard vers Siegfried plus loin. Pourquoi pas ?
Elle referme tout sans prendre la peine de se déconnecter des diverses boîtes de messageries et autres comptes sociaux.
« Vous avez bientôt fini ? » soupire-t-elle à l'oreille de son petit ami. Oui, mais oui parfaitement : on vouvoie son petit ami. Parce qu'il est avant tout ton maître. « J'aurais quelque chose pour finir votre anniversaire en beauté. Vous ne méritez pas de gérer la paperasse pendant ce jour spécial. Alors, vous embarquerez avec moi ? »
Il hésite, elle le sent, mais quand il finit par accepter, elle saute de joie dans un immense sourire et dépose un long baiser sur les lèvres allemandes.
« Un conseil. Ne mettez pas de costume. »
Un clin d'oeil et elle disparaît dans la chambre pour se changer. Elle extirper du fond de son sac, une petite jupe à imprimés slaves, une brassière noire et un haut sombre transparent aux motifs fleuris. La jupe est trop courte, le haut laisse voir trop de peau et sa brassière deviner trop de courbes. Toutefois elle ne paraît pas s'en préoccuper devant le miroir de la salle de bain tandis qu'elle se maquille.
Une heure plus tard, ils descendent de voiture. Pourtant, la soirée ne fait que commencer quand ils approchent d'une grande maison de la banlieue éloignée de Seikusu. La musique qui en provient semble faire trembler les murs. Avant que le germain ne se rétracte, elle lui saisi le poignet et l'invite à la suivre. Les portes s'ouvrent immédiatement sur la silhouette du jeune Yamata, qui un verre d'alcool à la main les accueille en hurlant, au son de 50cts.
« Akina-chan ! T'es venue AUSSI ! Ca fait longtemps ! »
Elle lui renvoie un sourire timoré. Yamata est étudiant en médecine à Seikusu et il est réputé pour organiser les fêtes étudiantes les plus prisées du campus. Néanmoins, il en a toujours réservé le droit d'entrée aux scientifiques et futurs médecins. Selon lui, les autres facultés avaient leur propre confrérie. Il coule une oeillade vitreuse sur Siegfried.
« Et lui c'est QUI ? »
-Mon petit-ami, il fête son anniversaire aujourd'hui.
Tu t'appelles COMMENT MON POTE ?
-Lyosha ! Le devance Akina. Il est russe...il passe son doctorat chez nous !
-Ah ouais ! BEN tu te fais pas chier à te taper Akina. EH AKINA.
-Quoi ?!
-Fais gaffe, Kenneth est là, je l'ai vu avec Wadamoto, ils traînent dans les chambres en haut.
-Merci, je saurais donc OU NE PAS aller. »
Et ils entrent dans la foule étudiante, sous les feux de projecteur faits maison. Lyosha, sans déconner. C'est la faute à Ekaterina qui lui avait raconté que son petit frère s'appelle Aleksei mais qu'ils ont tous l'habitude de le nommer Lyosha, le diminutif du prénom en question. L'alcool coule à flot, la drogue passe de main en main. Admettons que Siegfried ait eu à interroger des étudiants présents ce soir, aucun ne serait en mesure de se remémorer du professeur. Sitôt injecté dans la masse festive, l'allemand est alpagué par une groupe de jeunes femmes japonaises.
« - Hey salut mon beau !
-Ca te dit de venir danser avec nous ? »
Elles sont encore moins vêtues que ne l'est Scarlett et provoquent des gestes suggestifs à l'aide de leur langue en espérant faire flancher leur proie. Sur des canapés, des couples s'embrassent langoureusement. D'autres fument, le bar est plus loin tout près de l'escalier menant à l'étage. Akina s'apprête à intervenir, mais les sirènes sont déjà en train de passer leurs mains sur le torse du juriste. Elle fronce les sourcils, s'avance avant d'être bousculé par un étudiant un peu ivre qui lui saisit le poignet en lui proposant de venir danser.
-
Non. Il ne se fait pas chier à se taper Akina.
C’est qui ce connard ? Et pourquoi est-il là, au juste ?
Siegfried a fait l’effort de mettre un jean et une chemise blanche. Ca va, correct ? Tant mieux. Une fois entré dans la jungle étudiante, il retrouve tout ce qu’il n’aime pas : Le bruit, l’oisiveté, les substances, et la connerie. Il ne se sent pas dans son élément, pas du tout.
... Et ça lui plaît. On ne choisit pas ses champs de bataille, et c’est pour cela qu’il est nécessaire de savoir se battre. Il ne lui en veut pas, non. Même si c’est son anniversaire. Elle veut s’amuser, et lui faire partager ces moments. Il ne peut qu’accepter. Non, en fait, il pourrait refuser, mais il ne le veut pas.
Alors, YOLO. Siegfried se laisse emporter par l’ambiance. Un dernier regard à Akina, presque plaintif, inquiet, et il l’oublie.
-Tu t’appelles comment ?
-Lyosha, apparemment. Et toi ?
-Riosha ? Moi c’est Masako. Elle c’est Tomomi.
Masako, Tomomi. Il aura oublié demain.
-Et vous venez pour quoi ?
-Et toi ?
L’une d’elle lui retire le premier bouton de sa chemise. Elle rit, puis s’éloigne de quelques centimètres, dansant de nouveau. Il sait qu’en tant qu’européen, plutôt vieux par rapport à la moyenne d’âge, et pas trop mal fichu, il a une valeur marchande considérable. La deuxième fille, plus jolie, et moins vive, reparaît à ses yeux. Plus tactile, aussi. Elle tient d’abord son bras, puis son torse. Il a du mal à être détendu.
-Je viens pour baiser.
-Quoi ?
-Pour baiser !
Il hurle pour se faire comprendre. La fille rigole à son tour.
-T’es trop rapide !
-Je suis pressé.
Il pense l’avoir perdue, repoussée net. ... Mais non. Alors qu’elle se retourne, dos à lui, une main se lève pour tenir Siegfried à l’omoplate. Son cul, dans sa mini-jupe très courte, balance exagérément contre le bassin de l’allemand. Booon sang. Salope. Sa copine se rapproche et lui roule une méchante pelle. SalopeS, corrige-t-il. Il ne peut retenir une légère érection, se mord la lèvre.
Akina l’a traînée ici.
Il passe une main devant elle, relevant le peu de tissu qu’elle a pour la toucher à travers ses collants. Surprise, elle se retourne, et enlève sa main pour l’embrasser à pleine bouche. L’autre se colle à eux, portant ses lèvres sur la nuque de la jeune femme.
-Où est-ce qu’on peut être tranquille ?
La seconde tire la première jusqu’aux escaliers. Siegfried passe non-loin d’Aki en montant. Clin d’oeil, sourire. Elle a confiance, non ?
Passant à côté d’une chambre, il y voit Kenneth, assis à un bureau, une nana à ses côtés, quelque chose dans la main. Il ne reconnaît pas la demoiselle, même si elle lui dit quelque chose. Marchant entre les murs, le lien est vite fait : Elle est passée en oral avec lui. De mémoire, il lui a mis une bonne note.
Ils entrent dans une chambre. Deux lits, un couple est déjà sur l’un d’eux. L’une s’y jette, l’autre roule une nouvelle pelle à Sieg en commençant à le déshabiller. Il la repousse, la jette vers sa pote.
-Je vais chercher de quoi nous amuser. Occupez-vous.
Elles ne le reverront plus.
Passant à côté de la chambre de Kenneth, il hésitera à descendre immédiatement ou à chercher le contact. Il s’en tiendra à un simple regard que l’irlandais captera. Pas plus. Il redescend, ne trouve pas Akina. Fendra la foule. Un type tout juste descendu es escaliers comme lui l’arrête.
-Aloha !
-Salut.
-On m’a dit que tu étais le copain d’Akina ?
-On va dire ça, ouai.
-Tu connais du monde ici ?
Où voulait-il en venir ? Un simple non de la tête.
-OK ! T’as de la thune sur toi ? On cherche quelqu’un pour un poker. Tu sais jouer ?
Le japo avait une sale gueule. D’instinct, il ne lui ferait pas confiance. Sieg’ acquiesce. L’étudiant l’amène dans une salle au fond, les murs et la porte couvrant l’électro assourdissante. 5 autres jeunes sont autour d’une table, deux nanas au fond sont en train de discuter chiffon et maquillage. Les hommes aux affaires sérieuses, les femmes aux futilités ? OK, tranquille.
OK, il a dû tricher. Après avoir perdu près des trois quarts de ses jetons de départ, il a dû changer de stratégie. Il a discrètement fait disparaître un as, puis un autre. Deux parties plus tard, les deux ressortent dans la main d’un yakuza-like de bac à sable. Ils se foutent de sa gueule. Il a été le pigeon utile, probablement n’est-il pas le premier ni le dernier.
Il ne sait plus qui a frappé en premier. Probablement était-ce lui, mais c’est flou. Il se souvient surtout avoir saisi le col du croupier pour récupérer sa mise. Après, des pains furent distribués. Deux types ont tenu Siegfried, dont la joue chauffait, tandis que le troisième reculait, le nez en sang. Le SS se dégage de ses entraves et donne mandale sur mandale au croupier. Quelques os ont craqué, peut-être ceux de son poing. Il est de nouveau séparé. Il devra en soulever un, de quelques centimètres seulement, pour le jeter sur la table. Gros calme dans la salle. Il a du sang plein les doigts.
-Salle de bain ?
Ils ne répondent pas. Tant pis. Parmi les nombreux billets à terre, il se sert abondamment, un peu plus que ce avec quoi il est venu. Puis s’en ira.
Une porte mène vers la sortie. Siegfried l’emprunte. La musique est différente. Une piscine ?... Les jeunes sont affreux. Ils sont une demi-douzaine à se rouler des pelles dans l’eau, d’autres sur l’herbe alentour, deux mecs sur un transat se tripotent comme des chiens, même Sieg est dépassé. Les soirées orgiaques de la SS étaient peut-être plus bizarres, mais moins débauchées. Une hispanique topless passe devant lui et crie un «WOUUUU» strident. Elle lui balance de l’eau au visage. Il la chope par le poignet, comme s’il allait lui en coller une. Elle sourit, pleine de défi... Et le tire pour le lâcher dans l’eau.
Sa première pensée a été pour son portable. Non, je l’ai laissé chez moi. Ouf. Plouf. Alors qu’il allait remonter, les remous secouent l’eau, un corps se colle à lui. Quand il regagne l’air libre, impossible de reprendre son souffle : La fille l’embrasse à pleine bouche. Vodka pomme, au goût, le bon truc de fillette. Il cherche à peine à la repousser. L’eau s’engouffre contre son sexe, qu’elle a découvert. Elle est en train de le branler dans la piscine, personne ne voit rien, ou alors tout le monde s’en fout, même lui, le niveau de libido ambiant dépasse ce qu’il a pu voir dans toute sa vie.
-Tu t'appelles comment ?
-Je te suce ?
Wo. Aussi rapide que lui, celle-ci. Elle a parlé en anglais, avec un accent approximatif. Il n'admettra pas avoir été une nouvelle fois pris au dépourvu, se contente de sourire en coin.
-T'es une rapide, toi aussi. Tu fais ça à beaucoup de mecs ?
Elle fait non de la tête, accélère sa branlette. D'accord, il commence à réellement piger le concept de soirée étudiante.
-Et moi, je peux te lécher ?
-Tu fais ça à beaucoup de nanas ?
-Oui. Je fais ça bien. Tu me laisses te montrer ?
-Dans un endroit tranquille.
-Je te suis.
Il faudra sortir de la piscine. L'allemand n'a aucun complexe à sortir queue à l'air, se rhabillant tranquillement une fois debout, avant de suivre la nana dans un coin de la cour. Il prend les devants, la chope pour la faire s'asseoir sur un genre de table abandonnée contre un genre de haie.
Elle a hâte. Elle veut prendre son pied, se faire bouffer la chatte par un beau gosse européen, pas un nippon à la con.
Il la caresse à peine, l'embrasse exagérément, caresse ses seins nus, retire lentement son monokini... Et s'éloigne.
-Hey !
La nana bondit sur ses pieds pour le rattraper. Complètement nue. Il brandit la culotte haut, et elle a beau sauter, tirer sur son bras, et même le frapper, il n'en fera rien. Elle lutte. Il la prend, la pose sur son épaule, et la jette dans la piscine. Au revoir.
Un genre de bar est disposé, avec un barman improvisé. Jeune trou de balle dans une tenue vaguement classe. Il n'y a que de l'alcool cheap devant lui.
-Tu sais faire un Dillinger ?
-C'est une boisson pour fille, mon gars !
Sieg le regarde étonné. Depuis quand ?
-T'as chopé combien de nanas ?
-Pourquoi ?
-Parce que j'en suis à quatre. Fais-moi mon Dillinger avant de me traiter de fille et me casse pas les couilles.
L'autre ne bouge pas. Siegfried improvisera, avec un gobelet, et aligne trois doses d'alcool zavec un peu de menthe, s'enfile le tout d'une traite, et balance le plastique dans l'herbe. Que des cons.
On lui tape sur l'épaule. Il se retourne. Un poing jaillit. Un réflexe inouï lui permet d'esquiver en se tordant presque le cou, mais un second coup arrive et écrase son ventre. Titubant puis atterrissant sur son cul, il n'a pas reconnu son agresseur. Lorsqu'il relève le visage, c'est une tête inconnue qui le contemple. Un cube. Une masse. En position de combat. Autour, les étudiants se sont calmés.
-C'est toi le connard qui a frappé Anju ?
Anju ? C'est quoi ce nom de merde ? Oui, c'est probablement lui, il a son sang sur le poignet. L'armoire à glace se rapproche, mais un rouquin l'en empêche immédiatement, et le pousse sur le côté. Accent irlandais inside.
-Qu'est ce que tu fous ?
-Lâche-le, toi.
Siegfried prend le temps de se relever, et alors que son agresseur se porte de nouveau vers lui, Kenneth l'arrête encore par le bras.
-Lâche-le, j'ai dis !
Alors que le type se tourne vers l'irlandais, Siegfried lui décoche un direct du droit qui envoie le lutteur au tapis. Il ressent instantanément une vive douleur à la main. Un autre étudiant l'alpague avec un « C'est quoi ton problème, le russe ? » Siegfried le défie d'approcher. « C'est ta gueule mon problème. T'en veux une aussi ? » OK. Le boxeur ne se relève pas. Il a les yeux ouverts, mais est un peu K.O. . L'allemand craint d'avoir provoqué une commotion cérébrale. « Appelez les urgences, vite. ». Puis, se tourne vers Kenneth. « Merci. » Seule réponse de l'irlandais, un crachat au pied de Sieg'. Très bien. Bon. C'était sympathique quand même.
Bilan de la soirée : En plus d'une heure, il s'est battu deux fois, a mis deux mecs au tapis, s'est fait tripoter par trois nanas, n'a pas bu ce qu'il voulait boire, est complètement trempé.
Il sourit. Franchement, il s'est bien amusé.
Il ne sait pas où aller, mais il veut continuer.
-
Elle a perdu Siegfried de vue.
Ok, pas de panique. Tout va bien se passer. Ce garçon qui l'a invité à danser devient encombrant. Il la bouscule encore une fois, la presse de tous côtés – essaie de stimuler une érection contre les courbes alléchantes de sa cavalière improvisée. Elle décide de le planter-là après une énième tentative de lui soulever sa jupe. Au moins, elle aura cette décence totalement déplacée de s'excuser et flane sur la piste de danse à la recherche de son amant. Elle ne va quand même pas passer une annonce : Perdu JH 100aire. Lourd passif. Accroc au sexe.
Merde, merde, merde.
Elle joue de ses frêles épaules, sépare à regret des couples ultras chauds. Elle n'a pas encore ingurgité une goutte d'alcool que la tête lui tourne : la musique, les projecteurs, les cris. On renverse une bière sur elle, puis deux en riant. Les fautifs sont déjà loin. Ses petites mains essorent sa chevelure avant d'essuyer son visage sali. De mauvais souvenirs lui remontent au cerveau : Tsoukanov, la vodka froide qui coule sur elle, l'arme sur sa tempe. Quelle bande de cons.
Bam. Bousculée, une nouvelle fois : par une étudiante cette fois-ci.
« Déso... » commence Akina, mais la fautive ne lui laisse pas le temps de culpabiliser, lui attrape les deux joues et la force à un baiser passionné et violent. Putain. Elle est plaquée à un mur, la minette passe une cuisse entre les siennes sans rompre le contact de leurs lippes. Elle va suffoquer. Confuse, elle répond à la pelle féminine, et chacune barbouille l'autre de rouge à lèvre. C'est sensuel et torride. Un étudiant se sera rapproché, caressant la crinière brune de la japonaise tentatrice que Scarlett finit par repousser.
« Non ! ».
La métisse a un rire nerveux, mais elle est au bord des larmes. Pourtant, ce n'est pas la première fois qu'elle assiste à une soirée chez Yamata. Toutefois, elle est habituellement accompagnée de Kenneth qui ne la lâchait jamais d'une semelle. Là, elle est tout simplement livrée à elle-même : la peur l'envahit. On lui propose un verre de bière, déjà entamé d'ailleurs sans que cela ne semble gêné. Elle prend le gobelet, souriante : « De la bière japonaise?
-Non, américaine ma beauté ! Comment tu t'appelles ?
-Akina ! A ta santé ! »
Il a déjà une bière dans l'autre main et trinque avec elle. Elle avale la moitié du contenu d'une traite : c'est encore frais, ca lui fait un bien fou, les idées se remettraient presque en place.
« -Moi c'est Tom !
-Tom ?! Crie-t-elle étonnée bien qu'elle ne devrait pas. Il est blond comme les blés et ses yeux sont aussi pâles qu'un ciel d'hiver. Il a un accent anglais, typiquement britannique. Et de fil en aiguille, elle apprend qu'il étudie la médecine avec Yamata et que ses parents travaillent pour une entreprise à Tokyo. Magnifique, entre expatriés on se comprend ? Sauf qu'elle est japonaise à moitié. Pour ça qu'elle est si jolie ? Sans doute. Pendant qu'ils discutent autour de leur bière, à l'écart de la piste de danse, elle aperçoit la silhouette de Siegfried grimper les grands escaliers escorté de ses trois harpies. Elle fronce les sourcils, capte le clin d'oeil.
Vite, le rattraper. Cependant Tom l'agrippe à la taille et la plaque dos contre une table. Les verres vides et pleins se renversent, il lui écarte les cuisses comme un vrai gentleman et grimpe sur elle. Sonnée, elle le repousse une première fois sans succès. Qu'est-ce qu'il pèse lourd sur son corps. Elle se cambre, cherche un peu d'air en entrouvrant les lèvres et il en profite pour recracher une gorgée de bière dans la bouche d'Akina. Après le choc arrive le goût de l'alcool chaud dans sa gorge, suivi d'un baiser. La belle accroche une main dans la chevelure de l'anglais, et tire vers l'arrière jusqu'à ce qu'il déclare forfait, incommodé par la douleur.
« Lâche-moi Tom ! »
Et il se redresse. Elle peut enfin respirer, régurgite un peu de bière mais rien de grave. D'ailleurs, elle croit sentir quelques gouttes de cyprine lui filer entre les jambes, légèrement excitée. Les escaliers ne sont pas loin.
« - Ton numéro ma belle ! » s'exclame l'européen en la voyant filer à l'étage. Si la musique s'atténue une fois arrivée au premier, elle agresse encor les oreilles de Scarlett. Elle alpague en vain plusieurs personnes, leur décrit Siegfried : Un russe plutôt grand, brun, chemise blanche. On la regarde bizarrement, on rigole : complètement défoncés ou ivres, on essaie de lui répondre approximativement et de lui mettre la main au cul en même temps. Agacée, elle prendra le risque d'ouvrir les portes des chambres une à une. Sans succès. En revanche, elle tombe sur Wadamoto.
« Ah tiens. La petite Walker » raille la japonaise.
-Comment t'as obtenu le poste ?
Autant rentrer dans le tas. La bière commence à lui chauffer les veines et le souvenir d'avoir été devancée par Shiori Wadamoto l'énerve.
-Certainement pas comme toi.
-Comme moi quoi ?
-Tout le monde sait que t'es une pute à professeurs, Akina. Fais pas genre derrière tes airs de bourgeoise première de classe. Kenneth m'a tout dit. Tu te tapes un prof de droit, viens pas me faire la morale.
Une pute à...quoi ?!
Le premier coup est enligné directement dans la figure de Wadamoto. Pour l'honneur, et parce qu'elle en a vachement envie. Peut-être qu'au final l'alcool rend tous les Walker violents, peut-être pas. La petite jap' se met à rire, massant sa pommette heurtée.
« Reuters il était fou amoureux de toi, quelle déception quand je lui ai annoncé que tu préférais te faire enculer par un autre senseï ! »
La métisse hurle et se précipite sur Shiori. Les deux se heurtent brutalement, s'agrippent les cheveux. Déjà dans le couloir, on s'amasse : deux filles se battent ! Dans la mêlée, Wadamoto parvient à récupérer une seringue usagée à terre et menace la carotide de son adversaire. L'américaine bloque le poignet armé, serre les dents, l'effort est douloureux mais elle tient bon. Au seuil de la porte, on les encourage, les galvanise et prend des paris sur l'une ou l'autre. Retenant la seringue d'une main, Shiori au-dessus d'elle, Akina tâte de l'autre le parquet alentour espérant y trouver....une bouteille de bière japonaise ! Qui est expédiée sur le crâne de Wadamoto. Sombrant dans l'inconscience, cette dernière s'effondre ;
Walker finira par quitter la chambre en titubant sous les acclamations de quelques-uns. Encore une fois, on lui tend un gobelet. Elle ne regard pas qui a proposé, goûte et grimace : de la tequila. Dans les escaliers, elle croise Kenneth. Ce dernier, remarquant son état chancelant l'attrape par les épaules : inquiet qu'il est.
« Akina ?! Ca va ?!
-Je vais.....vomir.... »
Deux secondes plus tard ils sont aux toilettes et l'irlandais lui tient les cheveux alors qu'elle rejette le contenu de son estomac. Elle lui réclame son verre de Tequila, s'envoie une bonne rasade, éreintée et à moitié appuyée sur la cuvette des WC.
« - J'ai vu cet enfoiré, t'es venue avec ? Putain, il t'a lâché ?
-Je sais pas, merde ! Pourquoi t'as tout raconté à Wadamoto ! »
Pris au dépourvu, il pâlit soudainement et commence à balbutier.
« -Non, attends je vais t'expliquer....j'avais trop bu et...
-J'aime cet homme, tu comprends ça ?! Il ne m'aurait jamais trahi lui ! S'écrie-t-elle en le fixant avec fureur. Mauvaise idée, ce regard colérique, ce caractère bouillant : Kenneth sent l'érection venir, le besoin imminent de la retourner et...il secoue la tête.
-En attendant, il t'a laissé dans la merde ici.
-Je m'en fous. Laisse-moi ! »
Allons, allons : s'en fout-elle vraiment ? Nooon pas du tout. Toutefois, plutôt crevée que de laisser l'impression d'avoir été touchée par le remarque. Simple question de fierté. Elle veut partir, il la retient par le bras afin de la coincer contre le mur carrelé et de l'embrasser. Lui, il n'a carburé qu'à la bière, c'est ce que lui transmet le goût de ses lèvres sur les siennes. Son coeur bat fort. Non, vite. Il glisse sa main virile sur l'un de ses seins.
« Aki, merde...juste...une fois... » la presse-t-il, collé à elle.
On cogne vivement à la porte. Scarlett sursaute.
« Y'en a qui veulent chier putain !! »
A regret, il se détache. Elle en profite pour lui administrer une dernière œillade : toujours aussi furieuse contre lui. Et l'abandonne. Elle a envie de pleurer. Une fois le gobelet de Tequila vidé, elle va en réclamer un autre au bar. Cul sec. Encore.
« Et bah, t'as une sacrée descente ! » commente Yamata qui passe par là, les yeux injectés de sang. Il s'est drogué, elle le sait et elle le voit ; « Lyosha est plus avec toi ? »
« NON ! »
« Ca va, ca va...t'énerve pas ma belle. Allez, bois encore un peu. Ryu, rajoute-lui. Double-dose, elle en a besoin. »
Sous les bons conseils du futur docteur Yamata, elle noie sa gorge d'alcool divers. Au troisième verre, elle le jette – encore plein, à la tête du barman improvisé pour la soirée et s'en va. Elle n'a plus les idées très claires, mais après un bref test se remémore encore son nom et ce qu'elle veut ou non. Non. Ca va, elle est toujours en état de prononcer ce mot. S'excusant auprès du maître des lieux, elle va s'effondrer sur un des canapés à disposition, le temps de se reprendre complètement. Elle n'aurait pas dû boire, accepter tous ces verres : en espérant qu'on ne l'ait pas drogué. A sa droite, sur le même divan une étudiante pratique une fellation à un occidental de type italien, peut-être espagnol. Ce dernier croise le regard d'Akina, un petit sourire en coin et lui fait signe qu'il est au Paradis. Elle s'empresse de détourner son attention vers autre chose.
Anton, où es-tu ?
« C'est toi la petite copine du russe ?
-Hein ? »
Elle cligne des yeux, lève son minois vers l'homme qui s'adresse à elle. Oula, en mauvais état le type.
« -C'est toi ou pas ?
-Viens, on te conduit à lui, il te cherche. »
Enfin ! L'occasion est trop belle. Elle espère seulement qu'il va bien. Elle suit l'inconnu et son camarade. A mi-chemin, ils échangent quelques mots à voix basse puis l'un quitte l'autre. Elle talonne toujours le premier, ils serpentent à travers la foule, de plus en plus nombreuse. La musique lui arrache les tympans. Cette soirée n'est plus qu'une masse informe : un mélange de corps d'hommes et de femmes. Rapidement, elle trouve un peu de tranquillité dans une arrière-salle de la maison, un salon plus petit. Une table est à terre, et des cartes de poker jonchent le sol. Le type referme la porte sèchement.
« -Où est Lyosha ? Demande-t-elle, en fronçant les sourcils.
-T'inquiète pas poulette, il va vite ramener son cul. Enfin....il a intérêt...
-Sinon, c'est le tien qu'on démonte, intervint une seconde voix.
Ils sont plusieurs dans la salle, la plupart encore marqués d'ecchymoses. Il y a du sang par terre. Ni d'un, ni de deux, elle tente une fuite.
-Attrapez-la.
Le second acolyte parvient enfin à identifier le slave. Il a mis K.O ce bâtard de Honda, le lutteur attitré du département de technologie. Un petit rouquin vient de lui cracher aux pieds. Ils sont encore à l'extérieur, au bar non loin de la piscine. Il cri pour se faire entendre :
« - Eh, Staline. » raille-t-il. « On a ta gonzesse. Alors viens, régler tes comptes comme un homme. »
Kenneth, toujours dans les parages aura tout entendu et démarre au quart de tour.
« -Quoi ?!
-C'est pas à toi que je parle, mais à ton pote le russe. Il a envoyé Anju à l'hôpital, putain. S'il veut pas qu'on envoie sa meuf dans la chambre d'hosto juste à côté, il a intérêt à revenir sagement. On t'attend à la salle de poker. Pour une autre petite partie. Entre amis, tu vois. En tout cas, que tu sois là ou pas. On va parier la chatte de ta nana. »
Elle est tenue fermement, les bras croisés dans son dos par un étudiant, tandis que deux autres remettent en place la table et le contenu du jeu d'argent. Elle a bien tenté de réclamer des explications, ce genre de choses. Mais rien y a fait. Puis, vient le moment d revenir maladroitement sur sa déclaration. Elle ? Avoir un russe pour petit ami ? Ja-mais. Elle a mal entendu, oui c'est cela. Pour seule réponse, on la fait s'asseoir sur un fauteuil. Qu'elle la ferme un peu. En retour, Akina aura eu la merveilleuse idée de cracher à la figure du meneur. Une gifle, deux gifles la décoiffent sèchement.
« -T'es pas mon genre de femme, ma puce. Mais à défaut de ma bite, je peux t'enfoncer tout un tas de trucs dans le cul, alors recommence pas. Surtout recommence pas. »
Dans sa confusion, elle croit en avoir reconnu deux. Ils font tous partie de l'équipe de base-ball de Seikusu et ils étudient la chimie. Le premier est tatoué comme une bête. Il appartient sans aucun doute à un clan Yakuza. Elle finit par lever les yeux au ciel.
-
Staline. OK, ça commence mal. « Ne m'appelle pas Staline », murmure-t-il pour lui-même sans être entendu par personne. Oui, apparemment, le fait qu'ils tiennent Akina le dérange un poil moins que l'offense faite par le soviétique sobriquet (ou, pour éviter les répétitions : Le briquet viétique).
La chatte de sa copine, donc ? Il suit tranquillement, faisant au passage signe à Kenneth de le suivre. S'il a un brin d'honneur, il acceptera. Faire gaffe où on marche, personne dans son dos. Il y a de quoi être parano. Une fois dans la salle, il se met presque contre un mur, pour avoir toute la salle en vue. D'accord... Il n'est pas en terrain conquis. Le long regard à Akina sera sans reproche, il tient juste à la rassurer.
-OK. Déjà, le prochain qui m'appelle Staline, je lui fait bouffer les cartes. Ensuite... Deux équipes de deux. Je propose qu'on joue torse nu, les mains restent sur les tables. Si vous gagnez, je vous laisse Akina, l'argent, et je vous laisse même me casser la gueule. Si je gagne, je baise vos meufs devant vous.
Ils rigolent. OK, un jeu d'honneur, « comme des hommes » et toutes ces conneries. Ils prennent place, Kenneth en face,deux japos de chaque côté. Enlever sa chemise sera une partie de plaisir. Contrairement au Yak' de la bande, il n'a qu'un seul et unique tatouage, assez discret, un petit « A » à l'intérieur du biceps. Il remarque qu'on le regarde.
-Groupe sanguin. Je suis A+. En opération extérieure on n'a pas le droit d'avoir nos plaques. La seule chose qui importe, c'est la transfusion sanguine.
Clin d'oeil. Personne ne fera remarquer qu'il y a normalement le rhésus qui l'accompagne, même si ça traîne dans toutes les têtes qu'il est étrange que celui-ci soit absent de son bras. Bref. Il a laissé sous-entendre qu'il était des forces spéciales, ou du moins militaire, et ça suffira à laisser planer un doute. Il précisera qu'il ne veut personne derrière lui, ou Kenneth, pour éviter qu'on ne lise les cartes. En vérité, comme d'habitude, il craint une attaque.
-Je suis désolé.
On sera étonné de l'entendre parler anglais. Il s'adresse à Kenneth tandis que les cartes sont distribuées.
-Je ne voulais pas te blesser. C'était rien de personnel. Je maintiens ce que j'ai dit, et si je ne l'ai pas dit, je l'ai pensé : Si un jour je ne suis plus là, je veux que tu prennes soin d'elle. Pas pour la baiser, mais pour qu'elle aille mieux. Je te fais confiance pour ça.
Zou, il regarde ses cartes. Mauvaise main. On fait remarquer qu'il manque les mises pour les deux européens : Siegfried sort la somme demandée pour lui, et une nouvelle fois pour Kenneth. Pour l'honneur, il rajoute les derniers billets qui restent, mis directement dans le pot de départ.
La partie se passera mieux pour lui que pour Kenneth. L'irlandais est plus intelligent qu'il n'y pensait : Il cherche les signes discrets que l'allemand lui adresse, les comprend visiblement, et cherche à brouiller les pistes au niveau des autres qui les surveillent. Quelques fois, ils échoueront. Peu importe. Il réussit à sauvegarder plus ou moins son niveau de finance, fera bien durer le plaisir, tandis que Kenneth commence à sérieusement s'appauvrir.
Sur un coup de bluff, il récupère un max ; sur un suivant, le roux se fait salement dépouiller. Le moins riche des deux japo sera foutu à poil (métaphoriquement!) grâce à la main du destin. Siegfried croyait à peine à son coup de poker (c'est le cas de le dire), et soupire de soulagement. Boom, un en moins.
Kenneth fera l'effort du sacrifice : Il fait tapis, aligne tous ses billets, ayant cru comprendre que Siegfried avait une bonne main ; le japonais n'a d'autre choix que de suivre, pensant qu'il bluffait, ce qui était le cas : Sieg' aligne trois dames, comme plus tôt dans la soirée, et récupère le tout. Il a plus de deux fois plus d'argent que son dernier adversaire en jeu.
Ils se mettent face à face. Les cartes défilent, les parties s'accélèrent, moins de rigueur et de mindgame, plus d'impulsivité. Les autres spectateurs les entourent, et il doit jouer carte retournée, soulevant juste les coins. Trop dangereux de les retourner plus. Ce qui le conduit à moins visualiser, « compter » moins facilement, tandis que son adversaire joue plus à l'aise, souriant même à chaque partie, même quand il doit laisser filer quelques yens. Siegfried est tendu. Il ne doit pas perdre, et même s'il a désormais un considérable avantage en terme de somme, il n'a rien d'autre de son côté.
Le type mise gros. Siegfried n'a qu'une paire, et même si elle est importante, il n'est pas sûr de pouvoir faire mieux. La redistribution ne donnera rien, tandis que l'adversaire en remet une sacrée couche. Il choisit de suivre. Il gagne. L'autre n'avait rien. Il va pour récupérer tout le pot.
C'est le gros d'Akina, et dans le même temps, celui de Kenneth, qui le prévient. Il n'a pas le choix, se jette à terre. Il entend simplement un gros coup sur la table, la chaise tombe à terre. Lorsqu'il se relève, on se jette sur lui. Putain. Pas d'honneur, ces mecs. Il esquive un coup de poing, se rapproche immédiatement, et le côté de sa tête défonce la mâchoire de l'agresseur.
-Je vais baiser vos pétasses ! Je vous jure que je vais LES BAISER !!
Il n'est pas sûr de son japonais, dans la bataille ; se prend un coup de poing en pleine face venu d'un angle mort, puis un coup de pied dans le genou. À terre, il roule, se redresse, se trouve face à un chétif avec un cran d'arrêt, qu'il maîtrise sans mal grâce à sa Krav Maga, récupère habilement la lame pour son compte, et le retourne pour s'en faire un bouclier qu'il menace.
Calme relatif.
Kenneth est aux prises avec un autre gars. Immobiles, ils se tiennent les vêtements, prêts à frapper. Mais ils regardent ailleurs, vers le coin de la salle.
Akina a un couteau sous la gorge.
-Qu'est ce que tu crois ? Mais t'es qui, putain ?
-Ecoute, toi. Je l'ai tirée d'un mafieux russe pote de Putin. C'est pas toi qui me fait peur. Tu la lâches.
-On te retrouvera ! À la fac ! On trouvera ta classe !
-Je change de fac cette année. Rien à foutre. Lâche-la.
-On va la vendre à des macs. Elle sera une belle pute à yakuza... Elle va se faire enfiler par des gros porcs, trou à f...
Siegfried serre les dents. Il n'écoute plus. Il doit trouver une solution. Quelque chose de plus viable que de juste foncer dans le tas. Un éclair de génie. Il n'a pas de flingue, pas de portable, pas de chemise.
Ils peuvent la tuer. On voit la détresse sans les yeux de Kenneth. La folie dans le mafieux en herbe qui tient Aki. Il refuse qu'elle soit ainsi en danger de mort. Il a de la drogue dans le sang, il est capable de le faire. Les tremblements dans son bras sont dangereux.
Un éclair de génie, un éclair de génie. Qu'est ce qu'ils craignent ? Tu ne peux pas te permettre de commettre un meurtre maintenant. Mets-toi à leur place. Tu dois leur faire abandonner toute velléité guerrière.
Clochette dans la tête.
-Stop. OK.
Il relâche le type qu'il tient, qui s'éloigne immédiatement.
Son dernier regard sera pour Akina.
Il se tranche la gorge.
Net.
Ca ne gicle pas. Ca se contente de couler sur son torse, et sur le sol lorsqu'il s'écrase.
Il voit que la tâche de sang qu'il a provoqué tout à l'heure n'est pas si loin. Comme quoi.
Ca ne s'agite pas assez autour de lui, tout du moins au début. Il entend tout ce qui se dit. Ca commence à bouger
Il se contente de penser que ça a marché, et ferme les yeux.
-Injection.
Il murmure ça. Une fois, deux fois, trois fois. Il n'arrive pas à faire plus. Il espère qu'elle l'a entendu. Il croit sentir son odeur, peut-être est-ce elle qui le touche nerveusement.
Peut-être.
-
Il se réveillera à l'hôpital. Dans le coaltar. Une infirmière, après une bonne demie-heure, passe et voit ses yeux éveillés. Elle semble ravi. Ses examens sanguins ne sont pas terrible, explique-t-elle, mais il va bien.
Il a remarqué sa perfusion. A+.
Il se sent faible, mais ne se sent pas en manque. Une marque pas discrète sur sa peau témoigne d'une piqûre faite à la barbare, loin de sa précision chirurgicale.
Le médecin qui passera en fin d'après-midi lui dira la même chose : Il a de sacrés carences étranges. Siegfried explique qu'il suit un régime spécial et qu'il prend des médicaments pour diverses maladies. Le pro veut savoir lequel. Siegfried dit qu'il ne dit rien. Il veut sortir. Il leur signe tout ce qu'il veut, il doit rentrer.
Une nuit de plus, lui dit-on. La législation. Il se résigne.
Il ne sait pas si Akina va bien. Il espère.
Pour fêter sa naissance, il est mort une troisième fois.
-
En le voyant arriver, ou plutôt en les voyant arriver, Akina souhaite se redresser. Le chef de la bande lui presse l'épaule afin de la garder assise. Elle ne cherchera pas à résister, de peur de les mettre en danger. Kenneth est là aussi, et Siegfried apparaît plus resplendissant qu'à son habitude ou bien est-ce juste l'amour qu'elle lui porte qui auréole son physique d'une beauté singulière. Ils s'installent, la partie débute. Elle entend à peine ce que l'un dit à l'autre, trop nerveuse. L'alcool inhibe encore une partie de son cerveau.
Toutefois, elle reconnaît tout de suite la victoire allemande, pour une fois qu'il y en a une. Et elle témoigne également du premier coup porté.
« ANTON ! »
Elle n'a pas réfléchi en hurlant son prénom. La voix bientôt couverte par une exclamation de l'irlandais et le fracas des chaises et des poings qui semblent pleuvoir par tous côtés. Elle-même cherche de quoi se défendre ou aider. Il n'est pas question de regarder Kenneth et Siegfried se démener sans lever le petit doigt. Elle a peur pour l'un, mais aussi pour l'autre. Elle aura beau sursauter, couvrir sa bouche stupéfaite de ses mains délicates, la baston ne s'arrête pas.
« Viens par là toi ! » lui intime son ravisseur, nichant la lame glacial d'un couteau sous sa mâchoire. C'est le meneur, et son geste peu héroïque fait cesser les hostilités. Chacun est suspendu à la future audace de son adversaire respectif. Qui osera ? Oui, qui osera faire couler le sang adverse en premier ? Elle manque de vaciller, mais son agresseur la retient fermement contre lui. Hors de question qu'elle s'effondre. Et en croisant le regard anxieux d'O'Connell, elle regrette terriblement d'être ici, en ce jour. Prête à mourir une nouvelle fois, ce serait plus douloureux qu'une balle dans le crâne. Elle se met à envier sa situation passée avec Tsoukanov ;
Second regard pour Anton. Un regard amoureux et complètement paniqué à la fois en le remarquant retourner le cran d'arrêt contre lui-même.
« Non....non... » soupire-t-elle en se débattant dans les bras de l'apprenti Yakuza : « NON ! »
Puis, elle n'aperçoit plus que le sang, le rouge blasphématoire, l'écarlate rivière qui se forme depuis la gorge tranchée. Les petites frappes sont immédiatement saisies. Elles sentent les emmerdes arriver. Kenneth, abasourdi a relâché son japonais. Tous prennent la fuite, dépassés par l'ampleur de la catastrophe – le chef de la bande y compris. Ils ne s'attendaient pas à être témoin, voire complice indirectement d'un meurtre. Dès que le couteau quitte sa gorge, elle se précipite vers Von Königsberg. Penchée sur lui, les pointes de sa crinière blonde trempent dans son sang. Elle le palpe au torse, essaie de faire quelque chose – déjà en larmes. Elle pense à l'horreur de le perdre, au deuil, elle ne pourrait pas.
« Anton...
-Injection... »
Quoi ? Quoi ? Elle pose son oreille tout près des lèvres de son amant : Injection. Subitement, ses prunelles inondées de pleurs s'adressent à Kenneth, elle fouille dans la poche de sa jupe et lui tend les clefs de sa voiture.
« Mon sac....va me chercher mon sac ! Et...trouve une seringue, y'a plein de camés ici, même usagée JE M'EN FOUS ! VITE ! » hurle-t-elle, complètement hystérique.
« Attends, Akina...je vais appeler les.... »
« Fais ce que je te dis ! »
Devant la détermination et la détresse de son ex petite-amie, l'irlandais s'empare des clefs et court vers la sortie. Durant les quelques minutes le séparant de son retour, Scarlett veillera précieusement son maître ; lui caressant le visage, rabattant plusieurs mèches brunes en arrière pour dégager son front pâle. Oui, une injection. Avant de partir chez ses grands-parents, elle a rangé les échantillons donnés par Siegfried dans un tiroir de chevet à l'exception d'un seul. Par simple mesure de précaution.
« Anton...je t'aime, s'il te plaît....ne me laisse pas. Tu ne peux pas me laisser... » balbutie-t-elle entre deux sanglots. Ses bras fins passent autour des épaules du prussien, elle le soulève un peu pour l'étreindre avec tendresse. Elle veut le garder contre elle, préserver sa chaleur.
Elle est terrifiée.
Kenneth revient vingt minutes plus tard. Seringue stérilisée en main, sac à main dans l'autre. Il jette tout aux pieds d'Akina et prise d'un sursaut de lucidité, elle se dépêche.
« Relève-lui sa manche... »
L'échantillon est au fond de son sac, elle y parvient, en place le contenu dans la seringue. Ses mains tremblent, ses doigts tremblent, ses prunelles aussi tremblent. L'aiguille s'enfonce avec brutalité. Il y aurait un ecchymose, car elle n'est pas infirmière. Elle pratique l'injection sans se soucier de savoir si elle a bien atteint une veine. Que ce foutu truc fasse son cheminement dans le métabolisme du SS, c'est tout ce qu'elle demande. Au loin, on entend déjà des sirènes de police et d'ambulances. Yamata arrive à l'entrée de la salle, tout blême.
« Bordel....C'est QUOI CA ? »
Il est trois heures du matin, la fête se termine. La Police fait sa descente, quelques drogués sont arrêtés, des bagarreurs. Deux inspecteurs de la brigade criminelle entrent avec un médecin et des infirmiers dans la pièce de jeux. Kenneth est obligé d'user de force pour détacher Akina de l'allemand. Elle refuse, crispée.
« Non...où vous l'emmenez ?!
-Il a besoin de soins, Mademoiselle ! La raisonne le toubib, extrêmement inquiet.
-Je veux l'accompagner !
-Non. Tranche-t-il alors que les brancardiers emportent le corps meurtri de l'officier. Puis, il s'adresse à Kenneth qui lui paraît avoir gardé la tête froide. Nous serons à la clinique de Seikusu -Est. »
Les policiers s'approchent du couple restant, décidés à faire la lumière sur l'affaire. Ils n'ont pas l'air aimables, deux japonais coincés dans un uniforme impeccable.
« Mademoiselle, Monsieur, nous allons vous demander de nous accompagner au poste.
-Je...je viens, s'avance l'irlandais. Elle, elle vient d'arriver, elle n'a rien vu, rien fait. Je vais tout vous expliquer. »
Il envoie une œillade navrée vers la métisse qui recommence à paniquer. Perdre Siegfried et Kenneth ? Dans la même soirée ? Non. Hors de question. Pourtant, il ne lui laisse pas le choix ; soucieux qu'il est de lui éviter un pénible interrogatoire. Lui, son casier est déjà bien rempli, une croix blanche de plus n'y changera rien. Les inspecteurs semblent convaincus et entraînent O'Connell à leur suite.
Elle se penche, récupère clefs de voiture et sac, avant de courir à l'extérieur. La voiture démarre au quart de tour, GPS allumé. Clinique Seikusu-Est. A l'accueil de l'hôpital, elle frôle la crise d'hystérie une nouvelle fois, fond en larmes, explique que son petit ami a été amené ici. Une infirmière la prend en compassion et l'escorte jusqu'à la salle de soin intensifs. A travers une vitre, elle assiste – totalement impuissante à l'opération que pratique un chirurgien afin de sauver Siegfried Von Königsberg. Un membre du personnel administratif l'aura dérangée pour des questions d'identité.
« Siegfried. » répond-elle, la gorge nouée, incapable de supporter le spectacle. « Siegfried Von Königsberg. »
« Ne vous inquiétez pas, Madame Von Königsberg. Il va s'en sortir. On en a vu des moins coriaces. »
Elle ne sait pas ce qui est le plus risible : d'avoir été nommée Madame Von Königsberg par mésinterprétation de la situation, ou d'être condamnée à être spectatrice du sort qui se joue. Elle aimerait corriger l'aide-soignant, préciser qu'elle n'est pas Madame, mais Mademoiselle. Trop tard, il a disparu. Et elle demeure face à la vitrine, massant nerveusement son cou, seule au milieu d'un couloir terne aux néons grésillant.
Deux heures passent. Le verdict tombe. Il est hors de danger, mais doit être hospitalisé deux jours afin de surveiller son rétablissement. Elle échange encore des paroles avec le médecin, le remercie à plusieurs reprises et regagne la chambre d'Anton. Sa main recueille celle du SS, et elle sourit même s'il ne peut pas la voir. Nouvelle crise de larmes au chevet du rescapé.
«Je sais que...tu ne peux pas m'entendre....et que tu supportes mal le tutoiement mais....»
Et elle lui confie toutes ces choses qu'elle n'a jamais eu le courage de lui dire clairement. Répète qu'elle l'aime, d'un amour sincère. Qu'elle ne se voit pas vivre sans lui, ferait n'importe quoi pour échanger leur place en ce moment même. C'est un long monologue, déposé au creux d'une oreille sourde dans la pénombre d'une pièce impersonnelle. Elle rajoutera l'erreur de l'aide-soignant, mais qu'elle a aimé être appelée Madame Von Königsberg, que peut-être, elle espère l'être un jour.
A midi, Kenneth réapparaît. Il rassure Akina qui ne semble pas avoir dormi pour veiller son amant, malgré les infirmières payée pour ça. Il a déclaré à la police, que Siegfried était en manque de drogue, qu'il a bad-tripé, et a voulu se suicider. Aucune mention des autres étudiants, ni de la partie de poker. C'est mieux ainsi.
« Va te reposer, Akina. Il est 12:00, les infirmières m'ont dit que tu n'as pas dormi. Je crois pas qu'il apprécierait tu sais.
-Mais....
-Je vais prendre le relais. Il ne lui arrivera rien, je te le promets.»
Il lui dépose un baiser sur le front et l'enjoint un nouvelle fois à rentrer ; ce qu'elle fera. Elle se rendra compte que Siegfried a laissé les clefs de son appartement dans sa Honda, et elle s'en servira. Une bonne douche, la chemise masculine de la veille et Scarlett s'effondre sur le lit de son maître, vaincu par l'épuisement.
Ainsi, quand Anton se réveille, après l'entretien avec le médecin, c'est Kenneth qui apparaît à son chevet. Deux gobelets de café en main. Il lui en tend un, sourire amical aux lèvres.
« -Le toubib a dit que tu pouvais. Akina est....rentrée, elle t'a veillé toute la nuit et toute la matinée, j'ai préféré qu'elle aille se reposer. Comment tu te sens, mon pote ? »
Aucune trace d'ironie dans le ton de l'irlandais, mais une sincérité à toute épreuve.
-
Disons qu'il ne s'attendait pas à le voir lui en premier. Tant pis. La présence de quelqu'un lui fait plaisir, et il est étrangement étonné de voir le comportement de celui-ci à son égard.
Le café sera accueilli avec un certain plaisir. S'il pouvait avoir une cigarette avec ça, ce serait parfait. Puisqu'on lui a enlevé sa perfusion plus tôt, il se déplace librement dans la chambre, le cou raide. Il lui montre un scotch dans sa nuque et lui demande de l'ôter. Après quoi il trouvera un miroir, dans la salle de bain, et écarte son gros pansement pour constater sa blessure.
Il a coupé droit. Il peut espérer une cicatrisation correcte. Le venin dans ses veines fait du bon travail.
-C'est con, un étudiant japonais...
Il le remet en place aussi proprement qu'il le peut, avant de revenir pour prendre son café.
-Et toi aussi, t'es con. T'es vraiment stupide, mon pauvre garçon. T'es là à être sympa avec moi, et c'est la deuxième fois, alors que je t'ai pris ta nana et d'une façon assez sale en plus. Putain...
Il va vers la fenêtre. N'ose pas tellement le regarder. Un « Merci » est murmuré, puis enfin, ses yeux se portent vers l'irlandais.
-Que ça ne se reproduise pas. Je suis un enculé, tu dois probablement te le répéter depuis des jours, change pas d'avis comme ça. Je sais ce que tu vas me dire, j'ai risqué ma vie pour sauver Akina, et puis elle m'apprécie, je dois être un type bien... Mais ce sont des conneries. Je ne suis pas un type bien. Tu devrais... garder cette idée fixe de rêver de me casser la gueule... D'ailleurs, je suis même sûr que tu as espéré que je meures, mais que t'as trouvé ça pas moral. Putain de... putain.
Il ne supporte pas qu'on puisse ainsi l'apprécier tout ça à cause d'un geste héroïque. C'est un cruel manque de raison, et sans rationnalité, le monde s'écroule. Akina marche aux sentiments elle aussi, malgré tout ce qu'elle pourra prétendre ou non, elle a plus de mal que Siegfried a être rationnel. Le café est un poil trop chaud. Il boira néanmoins, puis se rassied sur son lit.
-Ce n'était pas personnel. Je me sens obligé de le répéter mais... Je suis un prédateur né. Elle est venue à moi, probablement par ma faute. Ce que j'ai fait ce jour-là était... particulièrement moche. Je suis vraiment désolé, Kenneth. Je suis comme ça.
Long soupir. La pathéticité de son personnage lui revient, comme ça, comme un sale boomerang bien vicieux, et qu'il doit s'empresser de rejeter le plus fort possible pour ne plus en entendre parler un certain moment.
-Je me ferais pardonner. Le jour où tu as besoin de moi, n'hésite pas. Tu veux bien m'offrir une cigarette ? Je te la rendrais.
Ils discuteront dans le parc un moment. Il voudra en savoir plus sur son rival d'Irlande, sa vie, comment ça se passe depuis, ses aspirations, etc. L'autre lui demandera son parcours avant d'être professeur, et Siegfried allongera un tas de mensonge. Ils parleront un peu d'Akina. « Elle va bien, je crois. » dira-t-il. Il lui demandera de veiller sur elle avant de partir, parce qu'il est particulièrement inquiet. Il lui grattera même un peu de thunes, histoire de se payer des réserves de nourriture. Sans sa drogue quotidienne, il sait qu'il va passer une nuit difficile, autant avoir de quoi se donner de l'énergie.
Ses vêtements sales étaient dans l'armoire. Une bonne âme lui avait laissé, et c'était tant mieux. Il revêtira donc son jean et sa chemise blanche, sur la manche quelques tâches rouges, sans doute. Il prendra le bus, en fraude d'ailleurs. Arrive devant chez lui, avec son immonde pansement autour du cou, et des consignes pour s'en refaire un propre de la part de l'infirmière.
Sa porte est fermée. Il n'a pas les clés, évidemment. Il croit entendre du bruit à l'intérieur. À tout hasard, il frappe.
-C'est qui ?
Une voix féminine. Et connue.
-Un baron qui en a marre de voir des étrangers vivre chez lui.
La porte s'ouvre. Elle se jette sur lui. Il ne pensait pas être si content de la revoir. En fait... Il n'attendait probablement que ça, sans vouloir l'admettre consciemment.
Son premier réflexe est d'aller se regarder dans la salle de bain. Il se débarrasse du pansement. Il devrait être chirurgien dans la vie. Puis, tremblant pas mal, il file dans sa chambre pour se piquer au plus vite.
-Tu m'as sauvé la vie. Enfin... On s'est sauvé la vie. Je suppose que c'était bien joué de notre part...
Le poison se mêle à son sang, se diffuse dans son corps, et la sensation de bien-être est comparable à un petit orgasme. L'abstinence, même d'un seul jour, a du bon. Les prochaines minutes vont être difficile, traversé par plusieurs sentiments contraires. Il se recroqueville sur son lit, prenant garde de ne pas trop plier le cou. Il lui demande gentiment un thé – ça l'occupera le temps que sa phase de délire passe.
-Tu m'avais demandé si tu pouvais emménager ici.
La chose tombe aussi nettement qu'un coup de fouet. Il parcourt ses nombreux CD, saisit du Haendl, le met dans sa hi-fi, baisse le volume pour que ce ne soit qu'un bruit de fond, et laisse les violons commencer. Paaaarfait.
-Nous devrions reconsidérer la question. Mes exigences sont les mêmes qu'auparavant : L'accord de ton père. La nécessité pour toi d'accepter ce que tu verras ici. Et... Ecoute, je veux juste que tu y réfléchisses sérieusement. Vraiment. D'accord ? Quand ce sera fait, tu pourras me dire ta réponse.
-
Clinique de Seikusu-Est, la veille, 18:00
« Ne t'en fais pas. Je rêve toujours de te péter les dents. Mais je veux un combat loyal. » rétorque Kenneth en tirant sur sa cigarette. Il est cerné comme pas possible, épuisé à son tour. Toutefois, il aura été touché par le discours du SS. « Je suis peut-être jeune, mais j'ai encore un peu d'honneur, merde. Je ne frappe pas les hommes à terre. »
Il passe une main nerveuse dans sa crinière échevelée.
« Tu ne me l'as pas piqué. Nous n'étions plus ensemble. » avoue-t-il entre ses dents serrées, un brin agacé. « Mais je veux la récupérer loyalement. Je n'en ai rien à foutre de comment tu as fait. T'as raison, nous sommes des mâles. C'est biologique. L'instinct de reproduction, la violence, et toutes ces putains de choses. »
Il rejette son mégot à terre et l'écrase du talon, terriblement contrarié. Au final, il est reconnaissant à Siegfried d'avoir sauvé Akina, mais jaloux et furieux de le savoir son rival. En d'autres circonstances, ils auraient pu mieux s'entendre. Aussi, ne s'étend-il pas trop sur sa vie en Irlande. Il explique tout de même qu'il était activiste politique, fervent défenseur d'une Irlande unie, et d'un rattachement du Nord au reste de l'île – défiant le joug britannique. Il a mené ci et là divers petits attentats. Assez pour être inquiété par les services de sécurité royaux. Ses parents l'ont envoyé ici, au Japon afin de fuir une possible arrestation. Depuis, il a calmé ses ardeurs politiques bien que la braise couve toujours sous la cendre du regret. A travers son discours discousu, on devine une idéologie socialiste allant dans le sens du communisme ; un mépris pour la bourgeoisie mondaine et un respect profond pour le prolétaire lambda.
« Je vais simplement rentrer chez moi, » conclut-il. « C'est à toi de prendre soin d'elle. Tu le vois comme tu veux, mais en prenant soin de toi, j'ai pris soin d'elle. Je reste persuadé que tu ne la mérites pas. Que tu fais ça pour te donner un genre, te taper des étudiantes. Je me suis rendu compte à quel point je l'aimais qu'une fois que je l'avais perdue. »
Il balance ensuite quelques yens à Siegfried, le salue d'une poignée de main virile et lui souhaite un bon rétablissement.
« Que la bataille commence mon pote. Mais entre nous, j'espère que tu abandonneras avant de mordre la poussière.» seront ses derniers mots.
Domicile de Jack Walker, 8:30.
Un mauvais pressentiment surprend Jack lorsque sa clef tourne dans le vide. La porte est déjà ouverte. Il s'engouffre dans le vestibule, dépose ses bagages et avance le long du couloir sombre. Ses oreilles perçoivent des bruits de lutte en provenance du salon. D'un pas de loup, il jette un coup d'oeil pour constater qu'une femme blonde, à terre, est battue par un inconnu en costume sombre. Ce dernier s'exclame dans un mauvais anglais, aux relents de russe.
« Dis-moi où est la fille, salope ! »
Puis, il vocifère uniquement en russe sous les cris étouffés de la victime dont les bras se lèvent pour se protéger des coups. Elle est à terre, pleure et répond de manière incohérente aux menaces. Jack fait marche arrière, fouille derrière le porte manteau du vestibule et extirpe d'une cachette un Remington à double-canon, le fusil à pompe par excellence. Il charge d'un geste sec et se précipite dans le salon. Il veut la peau de ce connard qui s'est introduit chez lui.
« T'es sur une propriété privée CONNARD, » hurle l'américain en pointant son canon en direction du slave. La réaction est immédiate, ce dernier se retourne, porte une main dans son veston qui cache un holster.
« Je te déconseille. T'es en territoire américain ici. Je te jure que je vais te plomber la gueule le cul, le bide, la bite. TOUT. Eloigne-toi d'elle, et dégage d'ici. »
L'étranger remarque l'uniforme de cérémonie porté par le propriétaire des lieux. Depuis son retour, les épaules de Jack se sont alourdies de quelques galons. Cpt. J. Walker peut-on lire sur le bleu marine aux nombreuses étoiles. Merde.
« Ca me dérange pas de retapisser les murs de ma baraque avec ton sang et ta cervelle. J'ai eu une fille pour nettoyer tout ça, ce sera pas la première fois pour elle. Et si tu la cherches, va voir profond dans le cul de Poutine si elle y est. Sale communiste de merde. »
Jack Walker était revenu, et il a l'air de très mauvaise humeur. Si le droit de propriété est un concept abstrait en Russie, pour le Yankee c'est presque un sacrement. Inviolable. Une loi immuable. L'intrus déguerpit en silence, très lentement, soutenant le regard fatigué du Capitaine. Ce dernier semble avoir perdu du poids et sobre, pour une fois. Sitôt le constat du départ définitif de l'agresseur, il accourt vers la toute blonde. Elle repose à terre, le souffle court et les yeux choqués. Immédiatement, il la trouve belle, malgré son oeil au beurre noir et le sang qui coule de ses lèvres. Il ne cherche pas à savoir ce qu'elle fait chez lui, ni pourquoi elle porte l'une de ses chemises fétiches. Elle le lui expliquera plus tard, après avoir été soignée. Et étrangement, il ne la renverra pas, mais prolongera le contrat passée avec sa fille. Ekaterina Vodianova peut rester sous son toit, bénéficier de sa protection. Il en fait la promesse.
Une première bière est ouverte, et ils discuteront. Enfin, elle l'écoutera poliment ; Lui, au fil des bières, il se plaint de sa réaffectation à Seikusu. Son frère a réussi à le grader, en échange de sa soumission à cette décision arbitraire. Il est réaffecté oui, mais ne peut plus piloter. Son accident passé aurait laissé des lésions trop graves selon les médecins. Qu'il fasse de la paperasse à la base, ça l'occupera.
Appartement Von Königsberg, 13:20.
Dès l'ouverture de la porte, elle s'est ruée contre lui, pour se pendre à ses épaules l'étreindre et l'embrasser à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'il la fasse reculer, se sépare d'elle afin de regagner la salle de bain. Elle le suit avec empressement, à la fois inquiète et soulagée. Son corps est recouvert de la blancheur d'une chemise de costume et elle porte les jarretelles de soie prêtées par son aïeule. L'ensemble est assez surprenant, mais souligne ses courbes occidentales dans un pudeur permise par l'ampleur du chemisier. Dans la chambre, elle le suit également – chamboulée par son arrivée. Elle s'apprêtait à retourner à l'hôpital. Sous ses yeux émus, il s'injecte et réclame un thé. Akina se penche sur lui, à l'image d'une infirmière dévouée et caresse son front.
« Je vais vous apporter ça, Mein Herr. Reposez-vous. »
Elle ouvre plusieurs placards et cherche le thé en vain. En réalité, depuis son arrivée la veille, elle n'a touché à rien – prostrée dans le lit, entre somnolence et rêverie. D'ailleurs, de retour dans sa couche, il devait certainement sentir l'odeur de Scarlett qui a imprégné les draps et l'oreiller. Enfin, elle met la main sur du thé, fait chauffer de l'eau et prépare une tasse. Tasse apportée dans le salon, dix minutes plus tard où il la rejoint. Le mug fume sur la table, la belle est assise sur le sofa en train de lire un magazine scientifique. Durant les moments de stress, elle a besoin de s'occuper l'esprit. Un article sur la physique quantique lui paraît être le leurre parfait pour sa raison effilochée.
« Vous aurez l'accord de mon père, » répond-elle vivement en déposant la revue pour se tourner vers lui. Elle est si enjouée que ses grands yeux irradient de bonheur. «Et j'accepterai tout. Comme une baronne le ferait. »
Inutile de préciser que sa décision est prise, qu'elle y a mûrement réfléchi avant d'aborder ce sujet-là.
« J'ai eu tellement peur pour vous. » confie-t-elle enfin, alors qu'elle se redresse pour lui offrir un baiser langoureux, au goût de pêche – chimiquement synthétisé par son gloss. Ca y est. Elle recommence à le chauffer. C'est plus fort qu'elle : ce manque dans ses veines, cette nécessité de l'avoir contre elle. Elle enchaîne leurs lèvres au creux d'un contact brûlant comme l'est son ventre. Elle aura l'audace d capturer les mains d'Anton, de les diriger sur son cul et ses cuisses, froissant au passage la chemise qu'elle porte.
L'iPhone de Siegfried vibre discrètement, un message vient d'arriver de la part d'Ekaterina : « Jack home. » signifiant le retour de Walker au Japon. Un second sms suit aussitôt. « Im with him. » Puis un autre : « He wants to see the girl. » Et encore un autre : « Where are U ? »
-
Un tel contact lui avait manqué... sa peau, particulièrement celle de son fessier, électrise sa main, lui donne envie de plus. Beaucoup plus.
Que son iPhone vibre lui rappelle quelque chose. Quelque chose de très important. Primordial. Vital.
- … Le 6 est sorti non ? Je devrais me le procurer.
En bon hipster, il lui faut toujours le dernier joujou. Il réfléchira aux nouveaux paramètres de confidentialité sur la bestiole avant de cracher la thune.
Il tend la main pour attraper l'appareil, mais alors qu'il lit, on frappe à la porte. Police de Seikusu, s'annonce un homme à la voix grave. Ow. Il ouvre sur deux agents, de corpulence franchement divergente, qui cherchent à entrer. Ils disent être passés à l'hôpital, qu'on leur avait dit qu'il devait rester bien plus longtemps, mais la blessure était apparemment plus superficielle que les premiers examens vu qu'il a recouvré bien vite, etc, etc. Donc, ils viennent le voir chez lui.
Il les fait entrer. À savoir si Scarlett peut rester, l'agent dit qu'il ne vaut mieux pas, mais Siegfried précise que si, tout va bien, malgré sa tenue évocatrice. Il les fait s'asseoir, demande à la jeune fille de leur faire un café ou un thé, selon leur convenance, et embrasse sa joue au passage.
-Que s'est-il passé ?
-Bête accident.
-Vous avez consommé de la drogue ?
-Hmm.. Pas le souvenir, mais c'est possible.
-Une personne présente à la fête nous a expliqué que vous avez fait ça tout seul. Sans aide extérieure.
-C'est la vérité. De ma main.
-Vous êtes sûr que personne ne vous y a « aidé » ?
-Non. Pourquoi ? Des indices laissent penser ça ?
-Non, non, au contraire... Mais nous devons être sûr.
-Vous avez des photos dans votre dossier, là ?
-Oui. Vous voulez les voir ?
Il acquiesce. On lui sort notamment une photo prise dans l'ambulance, montrant les éclats de sang ayant jailli sur sa main lors de la tranche, et les même sur le cran d'arrêt. Une bête reconstitution du puzzle des tâches montre bien que c'est sa propre main qui l'a fait. C'est donc cette photo qu'il montre, et, froidement, leur démontre. Ils disent qu'ils avaient compris ça.
-... Mais il est des facteurs qui auraient pu vous pousser à faire ça. N'était-ce pas un bizutage ? Ou... peut-être subissiez-vous une contrainte physique ? Des menaces ?
-Non. J'ai pété un câble, c'est tout.
-Un témoin nous a dit que vous aviez fait un bad trip consécutif à une prise de stupéfiants.
-C'est possible. Ca expliquerait que je n'ai des souvenirs que vague. Mais je me souviens très bien de l'avoir fait seul. On a dû m'en faire ingérer par erreur. C'est courant. Je me souviens avoir bu quelque chose venant d'un type louche. Oui... Ce doit être ça.
-Désirez-vous porter plainte ?
-Non. Si je le voulais, ce serait déjà fait. Ce sont des fêtes étudiantes, j'aurais dû savoir à quoi m'attendre. Je veux laisser ça derrière moi, et que tout le monde oublie.
-Je peux voir votre cou ?
-Oui, bien sûr.
Siegfried ôte son épais pansement pour faire démonstration de la taille. On voit clairement que le mouvement n'a pas réussi à aller jusqu'à la droite, que la force de la lame s'estompe, parce qu'il n'a pas pu aller au bout.
Ils le remercient. Lui font signer un papier que Siegfried lira à peine. Saluent Akina, et sortent.
C'est donc avec un sacré retard qu'Ekaterina aura sa réponse, en russe phonétique, ne disposant pas du clavier adéquat : « Chez moi. J'essaie de venir avec elle. Essaie de t'en sortir. ». Il prétextera ensuite à Akina qu'elle devrait commencer à préparer ses affaires chez elle. Et il insiste avec le plus de subtilité possible. Il faut s'habiller convenablement, nettoyer un peu sa blessure, éteindre la sonate en trio de Haendel, et partir.
La chevrolet de Jack sera garée devant chez lui. Akina comprendra donc qu'il est revenu, naturellement. Sieg semble s'en étonner. Sur le chemin, il aura prévenu Kat de leur arrivée. Une fois à l'arrêt, il attrape le poignet de sa soumise.
-Kenneth est un type bien.
Il y a un genre de rédemption, peut-être, dans ces mots. Cependant...
-Mais je ne le laisserais pas t'avoir. Tout ton être m'appartient. Ton âme m'appartient, et ton corps aussi. Je dispose des deux de la façon dont je le souhaite. Je lui ai dis que j'étais désolé de ce que je lui avais infligé la première fois. Mais sache que je n'hésiterais pas à recommencer. Et rien que la pensée de ce moment où il te regardait alors que tu avais le cul ouvert, le corps comblé de mon foutre, et le cerveau encore embrumé du premier vrai orgasme de ta vie... Franchement... Ca me donne juste envie de recommencer.
Il l'embrasse, puis il indique la maison, précisant qu'il faudrait se dépêcher avant de devoir enterrer le cadavre d'une russe violée et démembrée.
-
D'abord le téléphone, ensuite les policiers. A regret, la métisse se résigne à s'éloigner de Siegfried. Les affaires courantes reprennent leurs droits. A la moitié de leur conversation, elle ramènera un peu de café sur un plateau et restera silencieuse. Elle va même faire l'effort du service, déposant les tasses devant chacun - en espérant qu'elle ne sera pas interrogée, car elle a bien remarqué le regard insistant d'un des inspecteurs. Sa tenue sans doute, et le jugement qui va derrière : Une pute à camé, peut-être. Encore un européen excentrique qui se croit tout permis. Le plus âgé des deux grimaces quand elle s'approche avec la boisson chaude et se dépêche de reprendre la discussion.
Au final, ce ne sera qu'une formalité et elle s'en réjouit. Elle aura peut-être jeté un coup d'oeil aux photos avec une soudaine envie de vomir. Non pas qu'elle est sensible à la vue du sang, mais les récents événements la chamboulent. Au revoir, au revoir. L'affaire est classée, soi-disant.
Alors qu'elle pense passer un peu de temps ici, il lui prétexte l'importance de commencer à faire ses valises. Dubitative, elle émet quelques doutes avant de se laisser convaincre. Parce que l'idée qu'il soit si impatient de la voir emménager chez lui, écrase toute raison. Pour le pansement, elle insiste afin de prendre les soins en charge. Qu'il se contente de la guider. Elle aura ensuite remis sa petite robe noire et coiffer ses cheveux de manière présentable. Un peu d'anticernes pour masquer les difficultés de ces dernières heures, et son manque de sommeil réparateur.
Dans la voiture, elle est plutôt de bonne humeur, lance des coups d'oeil furtifs à Siegfried en s'assurant ainsi de son état. L'inquiétude devient un sentiment vicieux, qui ne la lâche plus. Elle ne veut plus jamais revivre la presque mort de son maître. Jamais. Devant la maison, elle remarque la Chevrolet rouillée de Jack Walker et s'en étonne gravement. Merde, papa est rentré. Putain. Fait chier. On ne l'aurait jamais vu plus heureuse. En manœuvrant pour se garer, elle se trouve idiote. Marisol l'a prévenu deux jours plus tôt, mais distraite par les catastrophes qui se sont succédé, elle a relayé l'information au mauvais endroit de son cerveau. Réfléchis. Réfléchis bien à ce que tu vas dire à ton père, ma petite. Pour Ekaterina. Pour Siegfried.
Merde, encore.
C'est la prise de l'allemand autour de son poignet qui la sort de son angoisse. Elle adore quand il lui saisit la main pour la retenir. Un geste qu'elle interprète empreint de possessivité et dont elle savoure à chaque fois la fermeté. Puis, elle l'écoutera au sujet de Kenneth sans répondre. Qu'y a-t-il à rétorquer ? La honte lui revient en même temps que le souvenir de leur premier coït. La face décomposée de l'irlandais, sa culpabilité à elle qui se faisait bouffer par les vestiges d'un orgasme terrassant. Non, décidément :
« Et j'apprécierai. » commente-t-elle dans un sourire provocateur. « Que vous recommenciez. »
Grande inspiration. La portière claque, et elle remonte l'allée en compagnie du prussien. La porte est déjà ouverte. Dès le vestibule, on entend des sons lointains : l'écho d'une télé et quelques éclats de voix. C'est Jack qui les accueille en premier. Il est debout derrière le bar de la cuisine américaine, le Remington posé devant lui. L'uniforme lui va bien, et sa coupe rangée également. Akina en est même stupéfaite un court moment.
« Salut. » fait-il avant de se diriger vers Siegfried. Il tend sa main, accole fraternellement l'ancien nazi et va embrasser sa fille sur le front. Un baiser paternel, dénué de tendresse toutefois. « J'aimerais vous rouler des patins plus longtemps MAIS on doit causer je crois. »
Et Ekaterina émerge de la véranda, dont l'accès se fait par la cuisine. Aussitôt, Scarlett émet un petit cri d'horreur en découvrant la figure martyrisée de sa collègue. Il y a bien des pansements ci et là pour dire de rabibocher les plaies.
« Bonjour, Akina.
- Te casse pas la tête avec des bonjours, Kitty. Parce que putain, ca va chier. »
Il leur fait signe de s'asseoir sagement sur les tabourets réhaussés du bar. Ils ont intérêt. Il garde la russe près de lui. D'ailleurs, il la prend par le bras et pointe de l'index son visage marqué par les coups.
« Explique-moi, Akina, ouais explique-moi pourquoi tu as des connards de communistes au cul HEIN ? T'es encore allée faire la pute ? »
Ca débute mal. En fait, elle ne sait pas ce qu'Ekaterina a dit à ce sujet et n'ose pas se compromettre davantage. Elle envoie une oeillade à Siegfried, lui signifiant peut-être de ne pas intervenir pour l'instant.
« Et toi, le boche. Merde, mon pote. Je croyais que t'arriverais à baiser ma fille de manière assez satisfaisante pour l'empêcher de donner son cul à des russes. Des russes MERDE ! » reproche-t-il en tonnant légèrement. Puis il soupire, éloigne le fusil en guise de pacification de la situation. Derrière lui, sur le plan de travail, trône une caisse de Balmores, ce whiskey au rapport qualité/prix indéniable, mais tout de même coûteux, produit au Texas et une seconde de bière japonaise. « Mais il paraît que t'as sauvé la gueule de ma progéniture, et que l'alcool c'est une attention de ta part. »
L'américain se penche par-dessus le bar et tapote l'épaule du baron, d'un air entendu.
« Toi, t'as servi dans l'armée du pays, ca se voit.. Kitty m'a dit que t'avais défoncé un ou deux russes. »
La concernée se confond dans un regard d'excuses vers Siegfried, mimant des lèvres qu'elle n'y est pour rien. Elle a dû faire pour un mieux, raconter qu'il a été héroïque, mentir en somme. Moins cool, Jack se détourne vers Akina et la pointe du doigt.
« Quant à toi, je suis déçu. Je t'ai appris à te défendre, non ? T'es quand même une Walker OUI OU NON ? »
Akina garde le silence.
« J'ai pas entendu.
-Oui, papa.
- Je te préviens, je vois encore un communiste dans ma baraque et je le renvoie en pièces détachées chez ces clochards de bolcheviques et tu seras dans le paquet COMPRIS ?
- Oui.
-Mais c'est pas tout....je vois que vous vous êtes bien éclatés en mon absence putain. T'es allé voir tes vieux il paraît. Il veut quoi ce pété de thunes d'Akira ?
-Comme d'habitude, Papa. »
Le militaire explose alors de rire. C'est bien le seul. Il mord dans un sandwich laissé pour compter sur le bar, et s'adresse à Siegfried une nouvelle fois :
« -Tu vois, des connards de niak, qui ont pas le concept de propriété aussi. C'est MA fille, je te l'ai donnée donc c'est TA nana. Qu'ils viennent pas péter les couilles avec leur magouille de mariage à deux balles. »
Il est énervé. Son sang boue. Il a un peu bu, c'est indéniable. Mélanger la bière et le whiskey. Et comme son mariage, le mix des deux n'a rien donné de concluant. Il attrape son fusil, laissant penser qu'il allait s'en servir et le fait glisser vers Von Königsberg.
« -Tu troues le premier qui s'approche d'elle. Prends ça. J'ai été promu Capitaine, tu t'en rends compte. Et on m'a encore enterré ici. » Il indique approximativement son grade sur l'épaule, cynique : « Pour service rendu à la Patrie. Mon dossier est bien, tout ça. Mais ils vont jamais me renvoyer sur le terrain des opérations. Je suis qu'un putain d'handicapé il paraît. »
Enfin, il abandonne Anton pour Akina dont le faciès est barré d'un sourire pour le moins fade. Elle est contente de la promotion reçue par son père. Cela signifie donc qu'il reprend son travail, qu'il passera moins de temps à boire, qu'il ramènera plus d'argent. Elle saisit aussi que c'est John qui a dû faire pression à l'Etat-Major.
« A ce propos. Ton grand-père veut te voir. Et ton boche aussi. Je lui ai parlé vite fait de vous deux. Vous allez là-bas pour Noël.
-Il ne peut pas. »
Oups. C'est sorti tout seul.
« Quoi ?
- Il ne peut pas aller aux USA.
- Mais bien sûr qu'il peut putain, il a servi dans l'armée ! »
Les carottes sont cuites, comme on dit. C'est Ekaterina qui vient à leur secours en proposant une bière japonaise à Jack. Elle lui flatte l'épaule, sensuelle : une habitude de prostituée et elle s'y prend terriblement bien.
« On pourrait parler de ça, plus tard non ? Fêtons ton retour, Jack. » susurre-t-elle à son oreille ce qui semble l'apaiser un brin. Il grogne vaguement son accord.
-
Aaaah, retrouver Jack. Un bonheur sans fin.
Le texan brut de décoffrage n'avait pas tellement changé. Enfin... Si, peut-être paraissait-il un poil plus civilisé qu'avant, mais vraiment, un poil. Ses galons de capitaine, peut-être, ou le changement d'air. Moins dégueu, moins agressif, mais toujours aussi grossier. Et purée, cette arme... Siegfried lui a ôté une fois, il pourrait le faire une deuxième fois. Il se contente de refuser le cadeau poliment, de balancer un « félicitations », d'opiner du chef et de sourire à ses vannes. Merde, il se rend compte que Jack lui a manqué. Peut-être parce que, comme il le remarquait auparavant, il a bien des points communs avec lui. Rien de freudien, je le répète, Akina n'est PAS à la recherche du père.
-Elle veut dire qu'avec ce qui m'est arrivé... Tu sais, Obama... Ces chiens m'ont un peu baisé au niveau administratif. Si je veux entrer, je vais devoir ruser. Mais ne t'inquiètes pas, je m'occupe de ça. Je m'occupe de tout. Je sais me démerder.
On en vient à Akina. Il faut qu'elle reste dans les grâces de son géniteur.
-Akina a juste cherché à gagner de la thune, pour pas me coûter plus cher qu'elle ne me rapporte. J'apprécie. Je gère, Jack. Akina ne s'est jamais porté aussi bien. Kitty non plus. Ta maison n'a pas brûlé, j'ai découragé le prétendant de ta fille. J'suis un grand garçon. Et je sors armé.
Wink. Puis un regard interrogatif à la jeune métisse, avant d'en revenir au pur américain.
-Justement. Puisque c'est ma propriété, et qu'elle le reconnaît volontiers, je voudrais qu'elle habite chez moi. En tout cas, à titre plus ou moins fixe. Ca l'empêche pas de revenir ici de temps en temps. Ca reste ta fille, mec. Je reviens, j'vais faire un tour aux toilettes. Discutes-en avec elle.
Il fera un signe discret à Kitty pour que celle-ci le suive alors qu'il file aux toilettes. Elle prétexte devoir aller chercher quelque chose pour lâcher, après quelques secondes, Jack et Akina.
Juste devant les chiottes, il l'attendait. Ils parleront bas, en russe, malgré le (relatif) manque de pratique de Siegfried.
-Tout va bien ?
-J'ai vu pire. Il est gentil.
-Va falloir que tu t'en occupes si Akina vient avec moi.
-Je peux faire.
-Non, attends, tu ne l'as pas vu dans ses mauvais moments.
-Tu crois que c'est pire qu'un Nikolai bourré ?
Très sérieusement, il a du mal à faire cette concession. Les deux sont également affreux à ses yeux. Il table l'affaire d'un geste de la main.
-Comme tu le vois, tu es en... sécurité avec lui.
-J'espère.
-Si ce n'est pas le cas, tu sais où venir.
-Ca va mieux avec la petite ?
-Ca n'a jamais été mal.
Mouai.
-Je veux pas rester ici éternellement.
-Akina t'a rendu un service. Tu dois faire de même.
-C'est à toi que je rend service.
-Je fais ça pour elle. Uniquement pour elle.
-Tu mourrais pour elle, toi aussi ? Comme tous les mecs tant qu'on se laisse frapper et baiser.
-Baisse d'un ton.
Elle regarde le sol un instant. Elle les connaît, tous les même.
-Je dois baiser avec lui ?
-Tu es toujours une pute ?
Elle hausse des épaules.
-Si ça me permet de rester en vie, autant que je fasse ce que je sais faire.
-Écoute. Tu ne dois pas faire quelque chose si tu n'en as pas envie.
-Nécessite fait loi.
On entend du bruit. Il l'embrasse sur le front en vitesse.
-Merci. Il faut vraiment que j'aille aux toilettes, par contre.
Après s'être lavé les mains, c'est dans la chambre d'Akina qu'il s'était rendu. Il n'avait jeté qu'un regard à la demoiselle en passant. Coucou. Une fois dans son espace privé, il ne sait pas trop ce qu'il cherche. Les tiroirs sont ouverts au hasard, précautionneusement. Il saisit des objets et les regarde. Il voudrait saisir son essence, plutôt. Quelque chose qui en dise long sur elle.
La médaille de l'ancêtre attire son regard. Entre ses mains, il y voit là encore tout un symbole. La médaille de l'ennemi. Des vainqueurs. Il a envie de la tordre entre ses mains, mais sait qu'il risque d'y perdre une phalange plutôt que de réussir dans son entreprise purement dictée par la rancoeur. Il fourre l'objet dans sa poche. Le garde pour plus tard.
Il y a des choses qu'elle a caché, pour que son père ne les voit pas. Des vidéos d'elle, par exemple. Ce qu'il ne donnerait pas pour pouvoir faire comme Jack, et se branler devant. Une fois assis sur le lit, une photo d'Akina en main, quelque peu plus jeune, il l'imagine devant lui, agenouillée, en train de le sucer. Dans cet endroit où elle a grandit. Il la dégraderait en règle, parce qu'il faut marquer le coup dans cet endroit où il ne l'a fait qu'une fois, et « normalement ».
Il va falloir contenir ton excitation, Siegfried. Il est temps de redescendre.
-
« Ton mec...il est un peu snob non ? « Qu'elle le reconnaît volontiers ». »
Elle lève les yeux au ciel. Si seulement il savait : la noblesse de Siegfried, ces cent années à errer dans un siècle plein de mutations sociales, politiques et scientifiques. Mais il ne comprendrait pas.
« Vivre avec lui ?! Et vous me préparez quoi après hein ? Le mariage, les petits-enfants ? »
Malgré le ton bourru, il la gratifie de plusieurs clins d'oeil assez mal placés. Elle s'en offusque brièvement.
« Papa ! Arrête. Tu as retrouvé du travail, et j'ai besoin de partir maintenant.
Wo, wo, wo comment tu me parles ? »
Il fait le tour du bar, l'attrape par le bras et va la plaquer contre le frigo. Tout à coup, la peur lui explose au cerveau. Elle se remémore les coups passés, les blessures avenirs. Le regard brûlant de Jack qui la dévore crue. Elle veut crier à l'aide, sans doute. Toutefois, Anton en a assez fait pour elle. La métisse fronce les sourcils, prête à rendre la moindre gifle, la moindre égratignure. L'haleine chargé d'alcool du militaire lui caresse la figure. Il porte son souffle rauque à l'oreille de sa gamine, murmure avec empressement :
« Comment il te baise, hein ? Dis-moi... »
Il lui flatte le crâne, ses doigts viriles traversant sa crinière de lumière. Progressivement, ses muscles se fondent contre les courbes. Elle suffoque, stupéfaite.
« Arrête...s'il te plaît... » le supplie-t-elle en détournant son minois.
« - Tu peux le dire à ton vieux père, tu sais.... »
« Et pourquoi pas. » intervient sa conscience, perchée sur un étalon à l'armure flamboyante. « Tu as vu dans quel monde on est tombé ? Tu crois que tu vas t'en sortir ? Vas-y, balance qu'on rigole. » Elle serre les poings et articule à voix basse, pleine d'amertume :
« - Il m'a sodomisée.
Quoi ? »
Le mot est trop sophistiqué pour Walker, elle le comprend aisément et rectifie avec difficulté :
« - Enculée. »
Ce qu'elle sent, là, plus bas, contre son ventre : c'est une érection brutale, étriquée dans le pantalon d'uniforme. Il la presse davantage au frigo, lui attrape la gorge avec délicatesse et l'embrasse sauvagement. Akina panique, ses pieds patinent au sol quand elle souhaite le repousser. Ses mains griffent la veste du militaire. Elle est dégoûtée, s'apprête même à vomir tant la situation lui semble répugnante. Enfin, au terme de secondes éprouvantes, il libère ses lèvres.
« Salope. »
Il s'éloigne, titube un peu et se retient au bar d'une main ferme. Il est sur le point de perdre la tête. Cette envie de baiser sa propre fille ; c'est mal, il le sait. Au final, qu'elle aille vivre chez l'autre boche est une solution acceptable. On éloigne la tentation, on limite la casse. Boulot ou pas, il aurait craqué, il le sait.
« Ca va. Tu peux habiter avec cet enfoiré. »
Enfoiré parce qu'il encule sa gamine. Et que, merde, Jack le jalouse.
« Tu reviens ici quand tu veux.
-Merci, souffle-t-elle avant de déguerpir à l'étage. »
Dans les escaliers, elle croise Ekaterina qui redescend. Cette dernière n'a pas l'air d'être en point. Sans doute les nombreux coups sur son visage. Les deux se font face, l'une sourit à l'autre. Et c'est Scarlett qui débute en premier.
« Je suis navrée qu'ils soient revenus jusqu'ici.
Ecoute murmure Kitty en surveillant les alentours, méfiante, Je ne l'ai pas dit à ton père, ni à ton copain mais.... »
Pour achever sa phrase, Vodianova lâche les dernières paroles dans le creux de l'oreille d'Akina.
Ils vont encore revenir. Pour toi. Et j'espère qu'ils vont te prendre. Parce que j'ai peur, Akina. Ils vont me tuer s'ils ne te prennent pas.»
Et elle la plante ici, dévalant le reste des marches afin de rejoindre Jack. La métisse, elle, poursuivra son ascension à la recherche de Siegfried. Elle tourne d'abord en rond dans le couloir, espérant calmer le tremblement de ses mains et retrouver un peu de couleur. Une fois prête, elle souhaite s'annoncer à la porte de la salle de bain, mais c'est l'entrée de sa chambre qui s'ouvre lentement. Siegfried en émerge.
« Anton ? Que... »
Cela n'a pas d'importance. Elle se ressaisit rapidement.
« Mon père a donné son accord. Nous avons sa bénédiction. Je devrais...préparer mes affaires, m'aidez-vous ? »
La question est là pour la forme. Elle recueille doucement la main du prussien et le guide dans sa chambre dont elle referme soigneusement la porte. Elle le relâche, récupère une valise de voyage qu'elle jette au milieu de son lit. L'ouverture est dézippée et la métisse retourne à son dressing dont elle examine le contenu. Est-elle obligée de faire ça maintenant ? Si vite ? Oui. Il va falloir l'expliquer sans compromettre le comportement de son père.
« Je suis...enfin, j'ai hâte. Papa aussi il a hâte. Mon Dieu, il y a tellement de choses à prendre. »
Entre ses vêtements, ses effets personnels, ses cours, le contenu de son bureau. La tête lui en tourne.EN fait, elle n'arrive toujours pas à digérer le goût des lèvres paternelles sur les siennes. Et faire ses valises ne la calme pas.
« Un minimum, pour débuter. Je ne voudrais pas être trop...intrusive. Ou encombrante. »
-
Au final, il s’arrêtait net pour retourner dans sa chambre, et, assis sur le lit, semblait perplexe. Akina n’était pas... normale. Il préférait se taire. Sans doute s’était-elle engueulée avec son père... Il hésite à la questionner, ou à se taire, et préférera la deuxième solution. Il se contente de l’observer, avant de sortir le papier du russe.
-Tu me caches encore des choses.
Elle le regarde. Il ne rit plus, se contente de le ranger de nouveau. Lui fait signe d’approcher. Non, pas sur le lit : Au sol. À sa place, n'est-ce pas ? Elle doit le garder en tête, quoiqu'il arrive : Elle est son inférieure, et il la traitera longtemps ainsi. Même si elle devait devenir sa petite amie, ou sa femme, elle restera sa petite chose, à vie avilie.
-Tu es libre, maintenant. Tu t'es peut-être enchaînée à moi, mais tu m'as choisi. Tu as su briser tes liens précédents. Tu as su te battre toute ta vie. Tu t'es battue contre moi aussi. Tu as vaincu. C'est fini, tu n'as plus à subir ton père. Juste moi. Et quand je te deviendrais pesant, tu sauras te défaire de mon emprise aussi. Je te fais confiance.
Il la prend alors dans ses bras. Oh, tant d'amour, tant d'affection.
Si seulement il ne bandait pas, le tableau serait d'un pur romantisme.
Parce qu'il ne peut pas contenir son excitation. C'était latent auparavant, mais lui avoir donné un ordre a vite réveillé son instinct dominateur, et les idées qu'il avait lui reviennent. Cette chambre, ces années passées, les mecs qu'elle y a peut-être ramené, ses masturbations, ces moments de solitude où ils s'envoyaient des SMS, ici, dans cette petite pièce où elle a toujours vécu sans doute.
Il se relève. Sa tenue montre, sans la moindre équivoque, le trouble dont il est saisi. Il caresse la tête pour qu'elle reste au sol, et cherche dans l'armoire qu'elle a laissé ouverte. Il n'a aucun mal à trouver un foulard, genre tissu fin et léger, le bon truc de pétasse occidentale dira-t-il, et l'enroule pour en faire une bande opaque qu'il applique sur ses yeux, le nouant à l'arrière de son crâne. Au tour de sa propre ceinture, qu'elle entendra être débouclée, puis nouée autour du cou de l'étudiante, serrée jusqu'à son cou. Cette ceinture-là, comme les autres, a un unique trou supplémentaire creusé par Siegfried, permettant de bloquer le cuir comme un collier. D'une poussée sur son crâne, il la fait se mettre à quatre pattes.
« Jolie petite chienne », lui murmure-t-il alors qu'il tire sur la laisse improvisée pour la faire marcher après lui. Il parcourt la chambre, l'observe avec attention. « Imagine que quelqu'un rentre à ce moment-là... » Clac, une petite fessée il est offerte. Il s'assure qu'elle ne percute rien, la fait s'arrêter, demi-tour. « Ton cul me fait tellement envie... Il est normal pour les sales chiennes de se faire enculer. Comme une bête. » Il s'arrête, se met face à elle, juste à côté de la porte. Il l'ouvre d'ailleurs pour regarder dans le couloir qu'il n'y ait personne, et le referme « Fais la belle. La petite chienne a très envie d'une sucrerie. » Il la regarde se dresser, mains sur les cuisses, et si elle n'ouvre pas la gueule elle-même, il lui fera faire. Il veut voir cette langue sortie, tirée. Son souffle court et intense par l'excitation. « Reste comme ça », murmure-t-il. Il lui met autour du cou le collier se trouvant dans sa poche, avec la médaille du héros de la famille. Lui-même se sent obligé de sortir la croix de fer, et d'accrocher le ruban par l'agrafe autour de son propre cou. Il se sent mieux avec.
Sans même le moindre bruit avant-coureur, le moindre avertissement, elle sent sa grosse queue s'engouffrer dans son étroite mâchoire. Intrusive et conquérante, sa hampe ne s'encombre pas de la délicatesse propre à toute introduction, et s'affaire déjà à la massacrer. Ainsi, lui debout et elle à genoux, il veut la posséder dans ce lieu tout symbolique. Suce, et suce bien, petite Scarlett. Il dirige sa tête d'une main autoritaire sur son crâne ses mouvements, variant la vitesse, sa position. Elle aura à supporter un nouveau genre d'intromission : Son corps a été abaissé, sa tête bien penchée en arrière, nuque douloureuse, il s'empale loin, lentement, intensément dans sa gorge, au-dessus d'elle, sa face tournée vers le plafond comme on implore le seigneur, subissant ses coups comme un marteau-piqueur qu'une patience inouïe.
-Les bonnes chiennes gardent la langue tirée.
Froide, sa phrase est jetée alors même qu'il venait de s'enfoncer au plus profond d'elle, lui faisant avaler tout ce qu'elle peut prendre, et attendra, sans bouger, un long moment, profitant de l'étroitesse de sa gorge, des légers mouvements qu'elle fait pour arranger sa position, supporter cette domination, et peut-être même y prendre du plaisir.
Fini. Les pachas doivent pouvoir être dans leur petit confort. Il la fait se traîner, toujours à quatre pattes, jusqu'à son lit. Lui s'y assied. Elle devra se retourner, dos à lui, et se pencher en arrière, supporter son corps sur ses bras, et l'encaisser tandis qu'il utilise encore son corps à l'envie, tenant sa nuque, dénudant ses seins pour les gifler, se penchant même pour frapper sa chatte couverte après avoir remonté sa robe. Il la traite de pute, de suceuse hors-pair, est ravi de lui infliger un nouveau traitement, gagne en hardiesse, s'amuse de voir son cou se déformer lorsque sa queue lui écartèle. Il ne sait plus où donner de la tête, s'il doit continuer à caresser et maltraiter cette poitrine parfaite, s'occuper de son minou trempé et envieux ou juste se concentrer sur ces lèvres d'avaleuses de queue, comme il vient de la complimenter, jusqu'à ce qu'elle n'en puisse plus.
Il lui saisit les cheveux pour la retourner violemment. Face à lui, il lui fait ouvrir de nouveau la bouche de force. Elle a compris la consigne, à force, et tire la langue, sa respiration hachée, le maquillage désordonné, le visage sale de sa propre salive et des fluides de son Maître. Il la frappe, plusieurs fois, s'assurant qu'entre chaque coup, elle reste la gueule grande ouverte, comme le réclamant.
-Scarlett.
Cette façon de l'appeler lui manque, à force de trop l'appeler Akina devant les autres. La suite de ses mots, laissés à son oreille, murmurés avec le ton de l'affection profonde, auront néanmoins le ton impératif qui sied à son rôle.
La confession finie, il l'embrasse avec passion, et reprendra vite ce qu'il avait commencé, faisant plonger la face de son esclave sur son imposant mandrin pour qu'elle le bouffe comme l'affamée qu'elle est à ses yeux, sa pute, sa traînée, lui infligeant le singulier traitement de la dégradation, une raide déchéance ponctuée des bruits de sa gorge, et des gémissements de son propriétaire.
Il n'y tient plus. Il se retire, se relève.
-Ouvre grand la gueule, sale chienne !
Il capte au dernier moment cette médaille qu'il lui a mise. Il serre les dents, sent poindre la colère. Elle était fière de le porter, cette chienne. Il n'a aucune limite, aucun respect. Dans ce gouffre qu'elle lui offre, il y glisse la récompense militaire. Prend le bras d'Akina et lui remonte, pour qu'elle le branle. Retire enfin son foulard. En quelques coups de poignet, le SS se lâche avec intensité. Même elle pourra témoigner qu'elle avait rarement vu autant de foutre en une fois. Il lui repeint littéralement la face, souille abondamment la médaille, remplit sa bouche, gouttera jusqu'au sol, inutile de parler de sa robe.
Il s'écroule finalement sur le lit. Il murmure son prénom. Une première fois. Et...
-MA Scarlett... J'aime que tu m'appelles Anton. Et je suis heureux d'être ton Maître.
-
Lorsque ses yeux entrent en contact avec la carte expédiée par Aleksei Tsoukanov, ils s'écarquillent de terreur. Merde, encore une fois. Elle n'a pas prévu qu'il tomberait sur l'invitation ouverte de l'officier russe. Toutefois, pas le temps de justifier. Il la prend de vitesse, anticipe les excuses fumeuses : Oui, elle le lui a caché. Il n'y a pas à nier. Aussi, elle accepte la punition à venir, bien qu'elle l'appréhende. Sa conscience panique complètement.
Le discours sur sa liberté lui laisse un goût d'inachevé à l'esprit. Elle prend tout de même le constat avec un certain soulagement, en pleurerait presque de joie. Akina ne s'est jamais rendue compte à quel point, elle courait un grand danger sous le toit de son propre père. Si elle n'avait pas croisé Siegfried ce jour d'examen, s'il n'avait pas eu l'audace de l'inviter à boire ce café, elle n'en serait pas là aujourd'hui. Les souvenirs de ces deux derniers mois s'empilent au fil de ses pensées et l'étreinte qu'il lui offre fait tout exploser. Elle a découvert un monde qui lui était totalement inconnu. Ce fameux angle, ce fameux jour : l'impossibilité de faire marche arrière. Et sa conscience avait beau résister, elle est faite pour assouvir les fantasmes de l'allemand. Elle chute encore, le sommet de la falaise est déjà loin – plus haut, mais le sol et l'impact semblent inexistants. Ses derniers retranchements tremblent une nouvelle fois. Inutile de planifier une contre-attaque. Elle va se livrer.
Toute entière.
Ses prunelles mordorées aperçoivent fugacement l'excitation du prussien et elle lève son minois vers lui, dans tous ses états. Elle reconnaît le foulard avant d'être aveuglée. Il vient du Texas, un cadeau de Marisol. La belle suspend son souffle une fois plongée dans le noir de l'incertitude. Ses autres sens sont soudainement décuplés : elle entend son pouls cogner au creux de ses veines, l'odeur familière de sa chambre et le moindre contact avec Siegfried. Elle se mord la lèvre inférieure et son portrait est affolant. Le regard occulté par le tissu coûteux, elle s'apparente à une pute embourgeoisée, purement occidentale. Ses cheveux sont un peu dérangés par la pose du bandeau.
Le son de la ceinture qui quitte les hanches de son partenaire, et elle est terrassée par le désir. Discrètement, ses doigts fins filent contre son corps, palpe ses chairs humides et dressent le bilan de son excitation. Le cuir enlace ensuite sa gorge gracile dans une rude morsure. Elle sursaute, gémit sa satisfaction avant de gérer sa respiration du mieux qu'elle peut. L'exercice s'avère moins périlleux que lors des premières fois. L'expérience lui enseigne à se détendre, et apprécier le châtiment du manque d'oxygène. Il l'étrangle par procuration et elle adore ça.
Ses mains heurtent le sol, sa croupe est déjà relevée : sa cambrure trace une courbe parfaite. Il tire, elle marche : traînant sa dignité dans la poussière de sa chambre, incapable de concevoir qu'il abuse de son dernier sanctuaire. Celui où elle a grandi, où elle a toujours été protégée de tout. Elle a un mouvement de recul quand elle entend la porte s'ouvrir. Non, elle n'ouvrira pas la gueule au départ, trop perturbée par les battements de son coeur. Si Jack entre ? Ou Ekaterina ? Elle repense à Kenneth qui l'avait trouvée agenouillée et farcie de sperme.
Elle se met à haïr furieusement Siegfried. Lui faire prendre des risques aussi inutiles, laminer son honneur de femme. Sa conscience a un regain de motivation. Toutefois, cette rage est usée à un autre escient que celui de la résistance. Elle a envie de lui prouver qu'elle est capable d'être la pute de sa vie.
Sa langue sort dès qu'elle écarte les mâchoires. Leurs souffles lui paraissent bruyants, surtout le sien à demi-étouffé. Puis entre ses seins, l'éclat du métal froid. Elle reconnaît sans peine le poids de la médaille familiale, qui se niche contre sa peau de pêche.
« Nein... » commence-t-elle à supplier en allemand. « Aus Mitleid ....Anton... »
Il fait preuve de pitié. D'ailleurs c'est le second nom de sa queue, sans doute : pitié. Et il lui dispense sa pitié à foison, dans la bouche d'abord, au fond de la gorge ensuite. C'est plongée dans les ténèbres qu'elle déguste le chibre conquérant. Si elle tente de prendre la mesure des intrusions en suçant la raideur du noble, il ne tardera pas à maîtriser la cadence. Premièrement, il y a sa salive qui va couler en abondance à la commissure de ses lippes torturées, lubrifier le phallus. En second viennent ses larmes muettes, qui imbibent le foulard d’humidité et coulent le long de ses joues pâles. Ben oui, suce Scarlett, c'est tout l'amour qu'il te donne. Bouffes-en jusqu'à t'étouffer avec.
Elle devient le réceptacle de sa jouissance, à bout. Le foutre gicle dans son œsophage. La souillure atteint son ventre de l'intérieur. Elle est allemande, au moins de cette manière. Son rouge à lèvres a dérapé salement sur sa figure et son mascara a été emporté par ses pleurs silencieux. De la salive brille sur son menton, bientôt rejointe par de légères traces de semence. Mais par dessus-tout, il y a cette mouille qui irrigue l'intérieur de ses cuisses, traîtresse à sa raison et gage de son plaisir.
Le reste est assez flou pour elle. Encore à quatre pattes, elle reçoit des caresses fermes et viriles. Elle aura plusieurs supplications : des gémissements flous, sonores entre deux respirations saccadées. Beaucoup d'allemand, un peu d'anglais. Ses scrupules se font la malle. Elle atteint le point de retour. Aouch, quand la crinière est reprise par la main du mâle. Non, pas encore. Il force. D'accord, elle ouvre lentement la bouche. Ses muscles faciaux lui font un mal de chien. A chaque geste trop brusque, elle émet une plainte sonore. Alors qu'elle s'attend au goût familier de la queue de son maître, c'est une gifle qui percute sa joue. Putain. Elle ne l'a pas vue venir. Bam, une autre Tant mieux, celle-ci aussi était imprévisible. Les claques manquent de la renverser. Si elle ne voyait pas déjà noir, elle aurait pensé sombrer dans l'inconscience.
« Schon Wieder Anton !! » s'écrie-t-elle en pleurs, parce qu'elle en veut davantage. Elle n'a pas assez mal. A travers lui, c'est elle-même qui se frappe.
Trois autres coups, au moins, s'abattent sur sa figure, puis l'accalmie. Elle soupire de douleur tandis qu'il panse ses plaies à l'aide de quelques murmures.
« Ja... » répond-elle, essoufflée.
Aux lèvres de son amant se succèdent sa queue imposante qu'elle accueille avec une ferveur presque religieuse. Elle s'abandonne finalement. Son corps n'oppose plus la moindre résistance et il devient aisé pour lui de glisser dans sa gorge : le passage est grand ouvert, le territoire conquis. Il en a l'absolu contrôle, et elle sacrifie sa bouche brûlante aux avancées de cette virilité excitée.
Ouvre grand la gueule. Elle ouvre grand la gueule. De toute manière, elle n'aurait pas su la referme, c'est trop douloureux. Elle préfère restée comme ça. Alors qu'elle déglutit, tremblante, l'acier de la médaille heurte l'intérieur de ses joues et ses dents. Bordel, elle va jouir dans ce dernier acte d'humiliation. Elle image facilement son père assister à la scène son grand-père paternel également : tous deux forcés d'admirer la revanche brutale d'un rescapé. Ses doigts fins enserrent la grosseur du chibre, sa vue est libérée et il expédie une quantité surprenante de sperme sur elle. Il l’arrose copieusement pendant qu'elle souffre d'un premier orgasme. A chaque jet qui heurte sa peau, c'est un spasme de jouissance qu'elle ressent, particulièrement sensible aux fantasmes que génère Siegfried.
Lui s'effondre, elle se redresse.
« Anton, Mein Herr.... » murmure-t-elle en grimpant sur le lit, au-dessus de lui. Elle a la médaille en main, couverte de semence. Elle nettoie le bijou à l'aide de sa langue. Quelques gouttes échouent par inadvertance sur la joue allemande, elle ira effacer la maladresse d'un baiser où elle aspire le liquide blanc, déviant ensuite ses lèvres pour embrasser celles de son Maître. « Noch einmal... »
Akina est déjà en train de le masturber.
De sa main libre, elle retire la ceinture qui lui cintre le cou et la passe entre ses dents, soulignant sa position de chienne. Le message paraît clair. Il suffirait à l'allemand de saisir chaque extrémité de l'accessoire, de l'improviser en brides : lui qui est si bon cavalier et de s'installer derrière elle. S'il est assez dur, notamment à l'idée de transformer sa chienne en jument, elle sera pénétrée d'un coup, la nuque pliée par le mors, les reins creusés par cette pression charnelle. Première poussée : un peu de sperme sur son visage est éjecté en l'air. Et elle mord le cuir, encore affamée : sa mâchoire l'élance, mais elle continue de mordre et de s'infliger la douleur qui en résulte.
Il enchaînerait par le cul, l'enfilerait sans crier gare : les parois font pression, résistent un peu et cèdent progressivement pour aspirer la queue du SS.
T'es qu'une sale pute, pense-t-elle en fixant droit devant elle. Elle encaisse rudement. Le cuir de la ceinture lui glisse entre les dents. Elle reprend son souffle, heureusement car elle le perd la seconde suivante quand il la fouette une fois au dos. Sa peau délicate est vite marquée d'une trace rouge. Elle crie pitié. En allemand. Il recommencerait peut-être tandis qu'il lui élargit le fondement. Il finit par déchirer sa robe. Le crac significatif des coutures sera le déclic pour elle. Nouvelle jouissance, autre extase. Un dernier coup de ceinture, sur le cul et c'est lui qui inonde le conduit étroit de son esclave.
Vingt minutes plus tard, ils descendent. Une valise pend au bout du bras de Scarlett. Elle s'est vêtue d'une jupe courte et d'un débardeur foncé ; Ce qui lui est tombé sous la main somme toute. Elle aurait d'autres affaires à venir rechercher, mais rien d'urgent. Au salon, ils ne croisent personne et tant mieux. Elle n'a pas de douche. Le sperme de Siegfried brille sur son visage et son décolleté. Elle presse le pas, mais en atteignant la porte :
« Vous partez déjà ? »
Oui, au revoir Papa, je reviens bientôt. Elle ouvre, lance un dernier regard au paternel qui découvre avec stupeur l'état de sa progéniture. Il écarquille les yeux, marmonne un faible adieu et envoie une oeillade volontaire à Anton.
« Oublie pas le courrier, » rappelle Jack. Et elle s'en empare en sortant.
Elle ne l'ouvrira qu'une fois chez le prussien, après le confort d'une bonne douche et avoir enfilé une robe légère. Installée sur le divan, comme à son habitude, elle parcourt avec attention la première lettre et s'exclame vers son maître, étonnée :
« Monsieur Takagi me propose un poste d'assistante ! »
Elle relit pour être sûre.
« Il dit que Reuters a insisté et qu'il veut bien accéder à sa requête. Ah, ca me gêne. Takagi est spécialisé en génétique et en éthique de la science. Je suis davantage centrée sur la nanobiologie. Tant pis. » soupire-t-elle après avoir froncé les sourcils. « Je vais accepter. ».
Elle grimace ensuite, à cause de son dos meurtri par les coups de ceinture. Le reste du courrier se partage entre les papiers de pré-rentrée, et des publicités divers. Elle fait le tri, jette ce qui doit l'être et porte son attention sur son amant.
« Vous êtes prêt ? »
Elle ménage une pause, puis.
« A vivre avec moi ? »
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Il était heureux pour elle. Une nouvelle opportunité qui s'offrait, et il n'avait pas eu à intervenir. Peut-être les événements derniers en avaient été la cause, ou peut-être pas. Peu importe. Il était ravi de voir qu'elle savait toujours être indépendante, et n'avait pas besoin de lui.
S'il était prêt ? Il avale sa salive, puis acquiesce. Bien sûr. Il en sourit même, sincèrement. Il se traîne vers elle, pieds nus comme à son habitude chez lui, pour choper la lettre de Takagi. Un type bien.
-Bioéthique. Les expérimentations sur personnes non-volontaires. Auschwitz. Toi. Un long fil étrange... Comme si... Hm. Je ne crois pas au destin, de toute façon.
Il embrasse son front en tenant sa nuque, puis s'éloigne de nouveau, pour rallumer Haendel. Ah, oui, la sonate. La troisième, il croit, mais il n'est pas sûr.
-Je vais tout de suite te faire une place dans mon armoire.
La cohabitation se passe... fort normalement. Siegfried s'absente de temps en temps pour des réunions. Il reçoit une fois quelques professeurs, auquel cas il demande à Akina de sortir ; hormis cela, il se montre adorable, bien loin du portrait qu'il a bien voulu décrire de lui. Les premiers jours, peu avant sa rentrée, il est souvent à son appartement, travaillant sur la petite table de la salle à manger ; de longs moments passés sur ses cours et quelques fiches, de nombreux livres empruntés autour de lui, une collation jamais loin. À heure régulière, matin et soir, il s'injecte ce dont il a besoin pour tenir le coup ; il expliquera à Akina que selon ce qu'on lui a dit, il pourrait mourir d'un jour à l'autre si il s'en privait trop longtemps. Il lui expliquera aussi que chaque piqûre est une torture mentale, à laquelle il ne s'est jamais vraiment fait. Le réveil de ses pulsions est comparable à une éruption volcanique, et dans ces moments-là, pour ne rien craindre, il valait mieux se tenir loin.
Il faisait du sport, souvent, pas tant pour se muscler que pour tuer l'ennui et bouger un peu. Il lui arrivait, lorsqu'il était réveillé très tôt par un léger mal-être, d'aller courir dans la rue. Midi et soir, il s'évertuait à faire la cuisine. À 5h, il n'était pas rare de le voir préparer une sucrerie. Maniaque, il se montrait sévère dans ses mots (mais clément dans l'attitude néanmoins) lorsqu'elle laissait traîner quelque chose, ou faisait une saleté. Une fois, un bruit la réveilla en pleine nuit. Il était trois heures du matin, Siegfried ne dormait déjà plus, il astiquait compulsivement le sol.
Il avait ses psychoses, comme ça. Il lui arrivait de chanter, en allemand, lorsqu'il travaillait, alors même qu'il rédigeait des notes en japonais. Il s'énervait toujours en écartant ses cols, lorsqu'il faisait chaud. Parfois, ses ongles battaient une mesure sur la table, des minutes durant, comme pour marquer un tempo sans la moindre musique. Il semblait mécanique quand il cuisinait : Les lamelles de légume avaient toujours le même gabarit, les doses étaient millimétrées, il se servait de la musique pour calculer des temps de cuisson. Ah, la musique. Souvent tournait en sourdine Bach, Beethoven, Schubert. Il n'était pas fan de Mozart, y préférait nettement Tchaikovsky. Un peu de musique française. Jamais du neuf, que du centenaire, au moins. Il lui précise que, le jour où ça la dérange, il mettra volontiers des écouteurs.
Il s'astreint à parler simplement allemand avec elle, la corrige parfois, et lui intime de ne pas attraper son accent noble, qui fait franchement méprisant en société. Il lui aura montré où sont ses armes, qu'elle puisse s'en servir en cas de problème.
C'est le deuxième jour que l'incident arriva. Enfin, l'incident. Le sermon. Ils n'avaient pas fait l'amour depuis qu'ils étaient partis de chez Jack. Siegfried revenait d'une réunion au lycée qui s'était éternisé, sur les programmes d'histoire.
-Cet après-midi j'ai eu envie de toi. J'ai cherché à me réfugier dans les toilettes du lycée pour m'y soulager et je me suis rendu compte que je n'avais toujours pas la vidéo que je t'ai demandé. J'ai dû faire marcher mon imagination. Je me suis branlé en pensant à la façon dont j'allais te punir. Encore.
Abstinence. Pour Akina sonne le glas. Sept jours à compter d'aujourd'hui. Le repentir devra être consommé au bout, mais peu importe toute la bonne volonté qu'elle pourra y mettre, il précise volontiers qu'elle n'aura rien d'ici-là. Lui non plus, du coup... Sauf qu'elle est bien sûr astreinte à la non-masturbation. Lui peut se le permettre en revanche.
Hormis ça, tout se passera relativement bien. Ils sortiront quelque fois, lorsque le besoin de s'aérer après manger se faisait sentir, pour aller voir un cinéma ou gérer l'exception d'un petit restaurant loin du centre.
Il s'était complu à marquer sur le calendrier accroché dans la cuisine « J-... » suivi du nombre de jours restant pour sa sanction. Au « jour J », un dimanche, elle sera réveillée sur le coup des dix heures après une longue nuit où ils étaient sortis dans un club.
-Debout. Ta journée sera consacrée à ta punition.
Oh-oh. Elle ne l'avait pas vu aussi autoritaire depuis un bail. Il la prend violemment par le collier, qu'elle porte désormais en permanence, et la traîne nue (et si elle ne l'est pas, pyjama ou nuisette, il se fera un devoir de l'en débarrasser) pour la mettre au milieu du salon, à genoux. Un coussin soutient ses genoux. Deux menottes en cuir entraveront ses poignets dans son dos. Il lui ordonne ainsi de ne plus bouger. Elle a contrevenu à un ordre, ordre qu'il a répété et qu'il n'a pas puni pour autant. Il lui explique qu'il doit marquer le coup. Si elle n'est pas capable d'exécuter quelque chose de si simple, il est contraint (contraint!) d'en venir à une telle extrémité.
Là, elle ne bouge pas. Il fera des crêpes, la pâte ayant été préparée la veille. Délicat fumet qui émane de la cuisine. Il mange à sa faim, dans le salon, non-loin d'elle. Il lui ordonne de regarder devant elle, et de se taire, de ne pas bouger quoi qu'il arrive.
Il lui raconte ensuite à quel point il a envie d'elle. Il ira jusqu'à s'agenouiller, lui aussi nu par ailleurs, devant elle, une fort belle érection déformant (ou, au contraire, donnant toute sa forme à) sa queue. Il caresse sa joue, lui dit que la baiser lui manque, que c'est une torture pour lui. Ainsi, tout en lui racontant ça, il se masturbe. Fourre deux doigts dans sa bouche, la frappe quelque peu. Il ne lui faudra pas longtemps pour jouir sur le plancher, juste devant elle. Il lui précise qu'il lui est toujours interdit de bouger. Il va prendre une douche.
Vers 13h, il se prépare une assiette. Elle-même en aura une, petite, sa faim doit le tirailler, ainsi qu'un verre d'eau. Il pose le tout au sol. Il lui ordonne de manger. Elle n'a d'autre choix, comme une chienne, de pencher son corps en avant jusqu'à y basculer, s'appuyant sur son menton et ses épaules pour parvenir à enfourner la nourriture entre ses lèvres. Siegfried lui colle alors un plug en métal, acquisition toute neuve, entre les fesses, après l'avoir largement lubrifiée et préparée. Il lui dit qu'elle le gardera, même si elle a mal, même si c'est désagréable.
Il travaillera ensuite. Les cours reprennent le lendemain, il doit être prêt. Dans son dos, elle ne peut le voir, mais lui la voit parfaitement lorsqu'il lève l'oeil de sa copie. Il voit qu'elle fatigue, et lui dit d'ailleurs. Il sait qu'elle a envie d'aller aux toilettes, qu'elle a peut-être faim, qu'elle voudrait bouger. Il sait d'ailleurs qu'elle détend ses muscles et ses articulations dès qu'il a le dos tourné, mais il s'en fout : Elle n'a jamais été réellement punie. Si elle veut rester dans cet appartement, autant qu'elle sache à quoi s'attendre. Il finira même par lui bander les yeux, lui entraver la bouche avec sa ceinture, resserrer son collier.
Il aura fait des allers-retours dans sa chambre, aux toilettes, dans la cuisine, de quoi permettre à Akina de tenir le coup dans son humiliation. L'alarme de son téléphone sonne, passé 17h. Il l'arrête, vient défaire ses menottes. Son calvaire est terminé.
-Frei.
Il ne se contente pas de la laisser, il la prend dans ses bras et la soulève, par les genoux et la nuque. Il va ainsi la poser sur le lit. Il s'absente dans la cuisine, et en revient avec une copieuse assiette de crêpes et d'un thé.
-Mange. Restaure-toi. Tu en as besoin.
Il lui caresse les cheveux à maintes reprises, collé à elle. Cette affection particulière lui semble nécessaire.
-Je veux cette vidéo. Je veux te voir te déshabiller pour moi. J'en veux d'autres, beaucoup d'autres. Je veux te voir te toucher en prononçant mon nom, je veux me voir te baiser, encore et encore, de toutes les façons possibles. Quand j'aurais envie de toi, quel que soit l'endroit où le moment, je saurais quoi regarder.
Il s'assurera qu'elle va bien. Ils feront l'amour. Presque normalement, bien qu'il fasse preuve d'un peu de colère dans l'acte. Il a terriblement besoin d'elle, et lui dit qu'il ne veut pas recommencer ça. Il lui dit qu'il l'aime, aussi, et que c'était difficile de la voir ainsi, même s'il trouvait terriblement excitant qu'elle souffre ainsi. Il la baisera une fois, puis une deuxième après un léger temps de repos. Exténué, il se serrera un long moment avec elle, l'embrassera compulsivement, et finira par s'échapper pour retourner travailler. Il a du retard.
Il espère qu'elle a compris la punition – sa nécessité, son but, et qu'elle ne recommencera pas.
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Il a d'abord eu la punition par l'abstinence. Elle s'en serait mordue les doigts, à défaut elle n'a fait que ronger son frein. Sept jours anormalement long, une semaine presque éternelle. Dormir près de lui, le frôler, sentir son odeur et ne rien pouvoir en tirer lui paraît être un cauchemar. Alors elle s'occupe du mieux qu'elle peut. Un matin, elle quitte l'appartement de bonne heure. Takagi lui a organisé une entrevue avec l'équipe de recherche du département de Génétique et Biotechnique. Il compte l'introduire aux chercheurs et doctorants. Elle serait la seule mémorante. A ce sujet, il lui rappelle qu'il est souhaitable qu'elle présente un projet de mémoire concluant, qu'il piloterait ses études pour les deux années à venir. Elle tente d'y penser. Depuis qu'elle s'est installée ici, elle déménage peu à peu sa bibliothèque scientifique, bourre les étagères allemandes, se prend des remarques désobligeantes sur le bordel. Arrivée devant Takagi, elle n'a toujours pas de sujet à lui présenter ; Et il la presse un peu et la briefera sur ses nouvelles tâches d'assistante. Elle donnerait quelques cours magistraux à des premières années, en alternance avec lui, corrigerait les examens dans la matière enseignée, s'occuperait de l'agenda du Dr. Takagi et enfin, l'accompagnerait à tous les colloques possibles et divers. Entre temps, il lui sera bien sûr indispensable de suivre les cours prévus par son cursus et que ces derniers seront toujours prioritaires sur ses responsabilités d'assistante. Enfin, au terme de déblatérations infinies, il lui remet un trousseau de clefs : classes et laboratoires dont le très réputé laboratoire de génomique situé dans l'aile est de la Faculté de Sciences. Un ultime avertissement concerne le matériel à manipuler : la technologie est de dernière pointe, l'université a beaucoup investi et il serait très dommageable qu'elle abîme les machines en ne sachant pas les manipuler. « Je devrais m'en sortir, » le rassure-t-elle avant de le saluer. Sur le chemin du retour, elle profite des rayons du soleil qui s'abattent avec clémence sur le campus.
Le soir, il lui proposera une sortie en boîte de nuit. Elle hésite, se remémore les catastrophes passées chez Yamata, redoute les élans de violence, l'alcool et les provocations puis finit par céder. Le réveil du lendemain est difficile, comme la nuit a été courte.
« Pas maintenant Anton.... » marmonne-t-elle au creux des draps.
Erreur. Elle est arrachée du lit par son collier de chienne, étrangle une protestation. Elle a oublié à quel point il peut être autoritaire et arbitraire. Depuis 7 jours qu'elle est sevrée de sexe et de rudesse, elle redevenait une jeune fille normale. En deux mouvements, sa nuisette lui est retirée d'une poigne ferme. Akina ne comprend pas, son esprit se voile d'une multitude de doutes ; elle n'écarte même pas l'éventualité qu'il puisse la tuer. Non, c'est ridicule. Alors quoi ? A genou. Elle s'excuse, bien sûr, pour la vidéo, rétorque qu'elle a tout simplement omis de la tourner. Ce ne sera pas suffisant.
La première heure, elle tient correctement sa position, le dos bien droit et le regard fixé devant elle. Son souffle est régulier, lent et elle garde les lèvres entrouvertes. Il faut qu'elle combatte plusieurs fois l'envie de se retourner, d'appeler Siegfried, de le supplier l'arrêt de sa punition. Akina a conscience que dans ces moments-là, son pire ennemi est elle-même. Enfin, il revient près d'elle. Ses grands yeux féminins l'implorent en silence, mais l'allemand se contente d'une nouvelle humiliation. Elle détourne un peu la figure quand il lui dispense ses aveux et se mord violemment la lèvre pour échapper à ses propres pulsions. Les doigts dans la bouche, les coups qui suivent la contraignent à gémir son plaisir. Elle ravale péniblement sa salive en l'admirant se masturber, toute retournée de savoir qu'elle lui procure cet effet, qu'il pense salement à elle. Elle en perd la raison, et laisse sa mouille brûlante tâcher le carrelage. Dans son dos, ses doigts s'agitent lentement, espèrent en vain se libérer afin de regagner le creux ardent de ses cuisses mouillées. Se surprenant à le haïr, elle se promet de lui faire regretter cette torture. Le sperme jaillit sans l'atteindre et elle se contente d'en admirer les longues traînées pâles au sol. Quel gâchis. Akina sort sa langue et humecte ses lèvres sèches.
L'attente reprend. Le petit repas manquera d'achever son honneur, mais elle se résigne à mettre la gueule dans cette gamelle improvisée. Elle aura du mal, manque de perdre l'équilibre et s'étale de l'eau ainsi que de la nourriture tout autour des lèvres. Et pendant qu'elle a le visage bas, il s'occupe de son cul où s'insère un jouet anal dont la présence relève de l'inconfort bien qu'elle n'ose pas lui confier son plaisir. Ensuite laissée pour compte, elle met à profit ce châtiment afin de réfléchir à sa situation. Ses muscles s'épuisent après plusieurs heures dans la même position. Ses fesses, qui reposaient sur ses talons, se posent à terre entre ses pieds légèrement écartés. Ainsi, ses genoux n'ont plus à supporter tout le poids de son corps. Du coup, elle est moins élégante, moins droite.
« Anton...bitte... » gémit-elle, sur le point d'éclater en sanglot. Ses résistances mentales viennent de tomber l'une après l'autre. « Bitte... »
Dire qu'elle ne supplie pas après une délivrance. Non, c'est bitte Défoncez-moi Mein Herr, ne me laissez pas sur ma faim. Je veux votre queue. Peut-être qu'elle couine trop. En tous les cas, le bâillon de cuir dans sa bouche l'empêche de poursuivre ses plaintes.
Au terme de son calvaire ; une alarme qu'elle entend à peine.
Assise sur le lit, elle goûtera à peine aux crêpes par petites bouchées. Elle qui avait si faim durant ces dernières heures semble désormais vidée de son appétit. L'assiette sera finalement repoussée sur chevet. Son minois est encore marqué d'une pâleur choquante. Elle n'ose pas le regarder, se contente de hocher du chef pour approuver au sujet de cette video. Qu'aurait-elle pensé ? Qu'ici, plus que toute autre part, elle aurait échappé à sa condition de chose ?
Elle s'offrira ensuite à lui, fervente et dévouée. Sept jours d'abstinence avaient effacé de sa mémoire l'intensité d'une pénétration, le plaisir d'une caresse, l'honneur d'être souillée et ensemencée par tous côtés. Et il peut l'entendre crier, supplier, encourager et la voir se mordre le poing, agripper les draps à chaque fois qu'il l'enfile. Deux fois qui se concluent respectivement par deux orgasmes facilement gagnés.
Il repart travailler, et elle s'endort dans leurs sueurs mêlées.
Trois jours plus tard, il découvre deux vidéos nouvellement téléchargées sur son PC. La première est un stip-tease intégrale de sa soumise ; cadré de manière amateur – certes, mais réalisé avec professionnalisme. La seconde s'avère simplement en être la continuité, avec les images d'une masturbation solitaire pratiquée sur le lit de son maître. Scarlett ne fera aucune mention orale de ces deux médias. Elle a obéi, l'incident s'arrête là. Il pourra toujours transférer les deux films sur son téléphone.
Dès le retour du prussien, vers 20:00, ce même jour. Elle émerge dans le salon parée d'une robe rétrograde, encore une fois. Inutile de préciser où elle se sera procurée le vêtement. La dentelle semble datée d'une époque révolue, tout comme sa longue coiffure aux boucles modelées à l'aide d'un fer. Elle lui offre un de ses sourires les plus ravissants, qui jure avec le brassard rouge, blanc, noir frappé d'une croix gammée et qu'elle porte indifféremment au bras. Et le bijou niché entre ses seins n'est rien d'autre que l'aigle impérial allemand. Elle s'approche de l'ordinateur, effleure une touche de ses doigts et le génie de Johann Strauss résonne. C'est une valse : Vienna Blood.
Sa main menue est tendue vers son amant qu'elle embrasse du regard, folle amoureuse :
« Wollen Sie tanzen, Freiherr ? » demande-t-elle en s'efforçant d'adopter un accent prussien.
Pour elle, peut-être pour lui également, le décor s'effondre. Un autre se bâtit autour de leur silhouette, des grands halls de marbres et de bois, des lumières qui étincellent, des uniformes galonnés, des dames à la haute naissance. Et s'il hésite, pour une raison ou l'autre, elle prendra sa main dans la sienne, déposera l'autre sur épaule : les prunelles ancrées à celle de l'allemand.
« Unterrichten Sie mir , bitte schön. Ich sein will eine baronin. »
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Il avait juste envie d'une douche. Descendant du bus, exténué par sa journée, il s'allume une clope. Il devait arrêter. Akina ne supporte pas. Il outrepassera ce qui est pourtant une règle élémentaire de politesse, éviter de fumer dans l'appartement où elle se trouve, et rentrera chez lui.
Ah, oui. Sa journée. Il retrouvait une classe qu'il avait déjà eu l'année dernière, au niveau supérieure. Deux élèves dedans avaient déjà été ses proies, autant dire que ses ardeurs n'allaient pas se reposer en ce jour. Bond à l'université ensuite, pour une commission disciplinaire. Un élève soupçonné de triche aux examens précédents, il faut statuer sur son sort. C'est une véritable cour martiale. Accompagné d'un délégué des étudiants, le présumé fautif restait prostré, peu loquace, même pour répondre aux questions des professeurs. Pour Siegfried, il était coupable, rien qu'à son comportement. Après l'audition, le président de la commission réclamait une pause. Siegfried avait un nouveau dilemme moral. Il se réfugiait aux toilettes. 17H approchait. L'aile était presque vide pourtant. Consultation de ses mails récents. Une idée le traverse. Ces vidéos, qu'il n'a pas encore regardé, parce qu'il attendait le bon moment. Ca lui semble l'être. La porte d'une cabine verrouillée, il commence par la première vidéo. Celle qu'il avait tant demandé. Elle est parfaite, comme il le désirait. Mieux, même. Ses talents de danseuse sont à la hauteur de son désir. Dès les premières secondes, il bande comme un cheval. Une tension sexuelle accumulée, inassouvie depuis la veille où il a dormi avec elle en restant chaste, la vue de ses étudiantes, et d'une professeure particulièrement attirante et dont il n'a jamais su distinguer si elle flirtait ou si c'était un comportement naturel, tout cela sert de réservoir à son stupre, mais c'est en la regardant elle qu'il veut jouir, ceinture débouclée, pantalon ouvert, il se touche, le poing tenant le téléphone s'appuyant sur le mur, il semble pressé, passe à la suivante sans avoir assez savouré la première, et même sans le son, il croit distinguer ce qu'elle prononce. Son prénom. Son titre. Il voudrait sortir ses écouteurs pour entendre sa voix, mais trop compliqué, trop pressé, il finit par jouir dans une fulgurance silencieuse, jouit lamentablement dans les toilettes, pense à tout ce foutre gâché qu'elle aurait pu prendre sur sa jolie petite gueule...
Le temps de redescendre, il retournera à la commission. Dans le couloir, il chope l'élève, lui fait signe de s'éloigner avec lui. Il fait pression sur lui pour qu'il avoue. Il nie une fois, deux fois. La troisième, du bout des lèvres, intimidé, il admet avoir triché. Lorsque les professeurs se réunissent de nouveau, il plaidera l'absence de preuve : Après tout, il est en effet possible que l'étudiant ait appris des bouts de cours sur internet par cœur, et en l'absence de flagrance, il n'est pas possible de ruiner ainsi sa vie. C'est une décision trop lourde à prendre. L'occidental se montrera convaincant auprès des indigènes, bien qu'ils restent dubitatifs.
Relaxe prononcée. Siegfried fera un clin d'oeil à l'étudiant lors du prononcé du délibéré. Un de plus qui a une dette envers lui. Toujours utile.
En sortant, un professeur lui demande la rédaction d'un document pour les troisième année. Il accepte, naturellement, même s'il sait qu'il va être débordé. Pas le temps. Heureusement qu'il se shoote.
C'est pour cela que sa première clope de la journée le relâchera d'une certaine tension, mais ne remplacera pas le baiser qu'il donnera à Akina, ni la douche qu'il va prendre.
Poussant la porte, il n'a pas fini sa cigarette qu'il fouille déjà dans sa poche pour en tirer un chewing-gum.
-Il y a un...
Il s'arrête net en l'apercevant. Qu'elle est belle. Comme d'habitude. Il a ce problème avec les jeunes filles d'aujourd'hui : Même à 22 ans, elles font encore trop jeunes, pas assez femmes. Le problème se pose un peu moins chez certaines, les juristes par exemple qui se la jouent un peu trop « sérieux », mais en général, ils tendent systématiquement à vouloir être plus proche de leur passé adolescent que de leur avenir adulte. Ils sont insouciants. Beaucoup trop. La fête de Yamata en est l'exemple.
Akina lui apparaît de moins en moins comme ça. Grosse résurgence du passé, où, même à 15 ans, il fallait être un homme et se comporter comme tel. Il n'y a même pas de comparaison avec Maria, même si son inconscient fait volontiers l'amalgame. Non, c'est sa Scarlett, habillée comme une duchesse.
Il tire une dernière fois sur sa clope, l'écrase en vitesse sur le meuble à l'entrée, s'enfile son chewing-gum et se débarrasse du sac et de la veste. Tout cela sans la lâcher du regard. Elle l'attire à lui, et lui, hypnotisé, s'approche pour la saisir.
-Trois choses. Première : « Ich will ein Baronin sein ».
Il l'écoute répéter, lui fait la remarque de ne pas bêtement manger le « i » de Baronin comme lui le fait.
-À Königsberg, nous préférions dire « Freiherr » et « Freifrau ». Suite à 1918, le terme a changé, et en fonction des gens, certains disaient Baron, ou Freiherr. Tu sais faire ? Ouvre, demi-tour, ferme. En arrière pour toi sur le premier pas. Le sens me semble évident vu la pièce.
Il dresse la tête. Prend sa hanche, plus bas que ne le recommande la tradition. Il respire, attend la bonne mesure, et la pousse doucement pour qu'elle se lance en même temps qu'elle. Il garde un tempo lent pour ne pas la brusquer, remarque qu'elle suit parfaitement le mouvement. Il sourit.
Elle ne s'y est pas trompé. L'appartement a disparu et le Japon aussi. Il voit autour de lui la salle de bal du château. Dans les années 20 à 40, il était plus rare de folâtrer comme ils le faisaient avant, mais il est arrivé à la famille de donner quelques fêtes, auquel il participait, de gré ou de force. Voilà, il baigne en pleine Allemagne, 80 ans auparavant. Il voit des gens – sa femme, évidemment, mais auparavant, il dansait avec sa génitrice, avec des dames de bonnes compagnies, et même une princesse de sang royal. Il croit voir le regard de son père un peu plus loin qui le fixe, entouré d'officiers de la Wehrmacht. Peut-être parlent-ils de lui, de son avenir. L'oncle est là, sans doute, aussi. Il lui fait un signe. Il sait ce qu'il pense : Tu t'es dégottée une jolie partenaire, neveu, et Siegfried jette un coup d'oeil à cette partenaire, avant de saluer à son tour son parent. La musique... Strauss ? Non, on ne jouait pas du Strauss à la maison. Il distingue un relan de Waldteufel, ou de Liszt.
-Mon père détestait danser. Pur militaire. Ma mère m'a appris. Les Von Hartnung avaient leur propre style... Laisse-moi te montrer.
Il s'arrête, et décrit d'abord à l'oral. Les deux premiers temps sont normaux, les deux suivants sont des chassés. Nécessité d'un tour complet au 9ème temps au lieu d'un demi-tour pour revenir sur la ligne normale. Démonstration. Akina doit se calquer sur lui lors des variations, et exécute les pas donnés avec Maestria. En accélérant quelque peu, la danse devient plus vive, moins raide que l'originale.
-À leur mariage ils ont dansé devant l'Empereur. Wilhelm. Mon père l'appréciait beaucoup. Himmel, pourquoi est-ce que je ressasse ainsi...
Il s'arrêtera de danser. Il semble perplexe.
-Tu permets, je vais me débarrasser de ces oripeaux civils.
Lorsqu'il reviendra de sa chambre, il portera son uniforme. Le gris foncé. Il lui va toujours aussi bien. Impeccable, comme figé dans le temps. Brassard du SD sur le bras. Il hésite à le retirer, la connotation étant trop forte. Peu importe. Il avance vers elle, sur de lui. La casquette, sous son bras, est abandonnée sur le canapé. Il fonce sur elle pour l'embrasser.
-J'espère que ça ne te dérange pas.
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Elle ne peut s'empêcher un sourire quand il corrige son allemand et répète volontiers l'exercice. Et elle le dévore toujours du regard, suspendue à ses lèvres, transite et complètement conquise par la beauté du prussien. Enfin, il se décide à danser. La main sur sa hanche, flirtant avec les limites de la décence, son port hautain, son pas maîtrisé. Elle chavire en pensant qu'elle n'a jamais eu meilleur cavalier.
Quelques années auparavant, alors qu'elle allait sur sa dix-huitième année, sa mère l'avait préparé à l'équivalence d'un bal des Débutantes dans la haute-société japonaise, sous l'insistance des grands-parents. Si le Kazoku avait été aboli par la Nouvelle constitution en 1947, la noblesse avait continué de perdurer dans les affaires et autour de la famille impériale. Cette dernière organisait donc, à une saison régulière, un gala à l'attention de cette noblesse devenue officieuse. Les traditions, même nouvelles, étaient tenaces au Japon. Akiko s'était démenée pour trouver une tenue convenable à sa petite fille et Seika ferait elle-même la présentation devant le couple impérial ; comme des centaines d'autres héritières.
Si Akina, se souvient à peine de son court passage devant leurs Altesse, tant elle était intimidée, le bal qui a suivi fut mémorable. Elle avait retrouvé ses grands-parents emplis de fierté. Quoiqu'elle avait eu un regret ce jour-là, l'absence de son père. Il ne comprenait pas les us d'une vieille aristocratie en plein 21ème siècle, lui l'américain – frère des parvenus. Et la mère, seule, avait brillé autant que la fille auprès de ses pairs. Ravissant le regard de ses anciens prétendants, déçus que son choix se soit porté sur un étranger.
- Mademoiselle Seika, quel ravissement de vous revoir à nouveau.
La doctoresse s'inclina très poliment, étriquée dans son kimono au brocard coûteux. Les filles venaient habillées à l'occidentale, comme des princesses mais les parents et ascendants conservaient le vêtement traditionnel. Son interlocuteur lui avait apporté un verre de saké, de très bonne qualité par ailleurs.
-Votre...
Alors qu'elle s'apprêtait à le nommer comme l'exigeait son rang, il l'interrompit discrètement pour lui rappeler qu'elle pouvait l'appeler Fumihito. Il lui fit quelques éloges polies sur sa fille, constatant tout de même que son métissage gâchait une partie de sa beauté et qu'il eût préféré qu'elle lui ressemble.
- Je ne suis plus Mademoiselle, mais Madame. Et détrompez-vous Akina, me ressemble en tout point. Si elle est là ce soir, c'est uniquement pour éviter à son grand-père de mourir de regrets en sachant qu'elle n'aurait pas été présentée à votre père.
- Votre familiarité m'a toujours surpris, Madame comment déjà ? Sawyer ? .
- Walker. Allons, c'est vous qui la réclamez, cette familiarité, soutint-elle dans un dernier sourire, une ultime courbette et s'en va rejoindre ses parents.
Akira se pencha discrètement vers elle, pendant que son épouse gardait un oeil sur les danses d'Akina. Le Prince et sa fille avaient étudié à la même université où il les soupçonnait d'avoir entretenu une brève idylle.
- Que te voulait le Prince Fumihito ?
- Savoir comment je me portais, je suppose, répond-elle évasive tout en sirotant son saké.
- Il ne t'en a jamais voulu d'avoir épousé un américain ?
- Papa. Je n'aurais jamais été d'assez bonne naissance pour lui. Tu aurais voulu quoi ? Que j'empoche un statut de maîtresse ? Je suis médecin, je vis avec mon temps et je mérite mieux que ça. Jack ne m'aurait jamais parlé comme ça, lui.
- Je te rappelle que sa femme est une roturière. Tu vaux mieux que ça oui.
- Preuve que même la maison impériale fait preuve de plus d'ouverture d'esprit que toi. Je te laisse, j'ai ma fille à aller féliciter. Et surtout à sauver de tous ces prétendants aux dents longues qui espèrent qu'elle touchera votre fortune à votre mort et à la mienne.
« Votre mère... » revient-elle à la réalité, l'ayant brièvement écouté au sujet de la danse. En réalité, elle est surprise qu'il s'adresse à elle avec tant de sincérité. « C'est la première fois que vous me parlez de vos parents, j'aurais beaucoup aimé les connaître. » Même si elle doute que le rigide Dieter Von Königsberg l'aurait appréciée.
Parler en dansant est une chose aisée. L'oreille est à proximité, la musique porte les paroles de chacun et une tension intime s'installe. Confidences contre confidences.
« Je suis passée devant l'Empereur aussi, mais pas le même que... » Et elle se coupe quand il parle de se changer. Elle le consulte du regard pour approuver son éphémère départ avant de patienter dans l salon, seule avec Strauss fils. La métisse répète quelques pas de danse, amusée, aperçoit son reflet dans la vitre d'une fenêtre et s'y contemple avec tout autant d'amusement. La vie est étrangement faite, pense-t-elle tandis qu'elle se remet à danser seule. La musique change, Strauss remet les rennes à Brahms et sa danse hongroise. Le tempo convient davantage à la demoiselle. Elle tourne sur elle-même, fait des révérences à d'imaginaires cavaliers jusqu'au moment où il réapparaît au seuil du séjour.
En uniforme.
L'étudiante se fige brusquement, son sang ne fait qu'un tour puis se glace lui arrachant un léger frisson. C'est tout l'effet que Siegfried fera sur elle. Elle mettra un peu de temps avant de reprendre ses esprits, réveillée par le baiser ardent.
« Non...non ça ne me dérange pas...»
Elle essaie désespérément de se rappeler de son grande, elle l'a lu dans le carnet : un mot long et très compliqué.
« Hauptsturmführer. » se souvient-elle finalement, et elle l'embrasse à son tour au son des altos agressif de la danse hongroise. Brahms a un avantage considérable sur Strauss : il est allemand. Elle imprègne ses lèvres à celles de l'officier, fidèle au tempo qui se déverse à leurs oreilles. « Ich möchte noch tanzen, Anton. »
Akina se presse contre lui, confuse et troublée. Ses mains délicates remontent la nuque du SS, ses doigts parcourent sa crinière brune avec passion.
« In einem Bett. » achève-t-elle.
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Il lui signifia qu'il voulait danser de nouveau à son tour, pour de vrai. Il la mena ainsi jusqu'à sa chambre. Leur avancée se fit parmi la foule d'invités des Königsberg. La nuit est effacée par les nombreux lustres de la salle de bail. Brahms ? Etrange choix de l'orchestre, fait remarquer Christian, l'oncle de Siegfried. Il y a autour d'eux trop de monde au goût de la demoiselle, mais elle ne s'en formalise pas. Dans le cercle central, ils dansent ensemble de nouveau. Il l'appelle sa baronne esclave, elle est gênée de ses gestes suggestifs et de ses paroles. Il y a la famille de Siegfried, mais apparemment, cela ne l'empêche pas de toucher exagérément son postérieur. Elle le corrige, il la punit. La claque réaffirmera la domination qu'il a sur lui. Il veut qu'elle le suce. Ici, maintenant. Elle craint l'humiliation, veut s'en échapper. Un officier de la Wehrmacht, plus gradé que Siegfried vient demander la permission de l'emprunter. Le SS se complaît à faire une remarque sexuelle, et à dégager le prétendant.
Réfugié contre un mur, il lui ordonne de le sucer. Elle s'exécute avec plaisir. La torpeur de la foule se réveille sérieusement. Certains trouvent ça scandaleux, d'autres franchement intéressant. Une tension sexuelle générale s'installe. L'oncle de Siegfried l'imite volontiers, se montre plus entreprenant avec les deux demoiselles qui l'accompagnent ; une duchesse se touche discrètement en les observant ; une fille de bonne famille commence à chauffer ses prétendants ; pressé d'intervenir, le vieux Dieter, chef Königsberg, se fera attraper par sa femme qui elle aussi a vu ses instincts se réveiller.
Ca vire à l'orgie générale : Tandis qu'Akina demande à son bel amant de la prendre, ce qu'il fera violemment en lui plaquant la face contre le mur, Christian commence à baiser sur la table avec ses deux amies, Helena se fait tringler par son mari dans la chambre conjugale, l'officier de la Wehrmacht s'est trouvé une partenaire à trousser derrière un rideau, la donzelle bien-née est à genoux en train de sucer quatre queues ; ça baise à tout va, Scarlett pleure de douleur, de plaisir et de honte, le mélange l'excite à mort, elle se sent déjà jouir, mais Siegfried l'arrête juste avant, s'allonge sur la table du buffet à trois mètres de son parent pour qu'elle le chevauche. La duchesse se joint à eux pour chercher à caresser Siegfried tandis que son amante est sur elle, mais, jalouse, refuse, et prétend pour cela vouloir être caressée et embrassée. Elle veut jouir sur ses lèvres, et la duchesse, pas lesbienne pour autant, se laisse noyer dans la concupiscence et roule une galoche à l'américaine se faisant passer pour une autrichienne, et le baron, n'en pouvant déjà plus de voir son esclave s'empaler sur lui, est achevé par ce sauvage baiser saphique, jouit en elle, en même temps qu'elle. Christian gicle sur le ventre de sa première partenaire, ainsi que sur la face de la seconde, la tête posée sur le buste de l'autre ; la fille de bonne famille se prend faciale sur faciale, se touche salement et jouit comme une pute d'être ainsi arrosée ; Helena subit la fougue de son mari, redécouvre sa puissance toute prussienne, n'en finit plus de couvrir le plancher de ses larmes d'orgasme ; tout le monde connaît le plaisir en même temps qu'eux. Siegfried est assommé par la puissance du foudroiement qui l'a traversé, et s'éteint quelques secondes en fixant un haut lustre dont le rayonnement l'aveugle.
Lorsqu'il rouvre les yeux, il sent le poids d'Akina sur son corps. Il rabat le drap sur eux pour qu'elle n'ait pas froid, trouvant le temps frais. Il est toujours en elle. Cette sensation de confort, particulièrement post-orgasme, est plus qu'agréable. Il lui caresse la nuque, prononçant son nom d'esclave. Il croit lui avoir dit qu'il l'aimait alors qu'elle était sur elle, dans la salle de réception, mais il n'est pas sûr que ce soit réel.
-Je veux que tu me rendes encore un service.
Il lui fait lever la tête pour qu'elle le regarde.
-Oublie toutes ces conneries de contraception. Je m'en fous.
Elle est sa baronne. Il ne devrait pas avoir ce genre de considérations avec elle.
Ils resteront un long moment ensemble, grignoteront un peu, il souhaitera danser encore, même nus. Et iront dormir enfin.
Il s'était donné rendez-vous après les cours. Siegfried finissait à 18h30, Akina avait fini plus tôt. Par leurs rôles respectifs, ils disposaient des accès nécessaires et pouvaient rester aussi longtemps qu'ils le désiraient dans l'université.
En arrivant, il dépose ce qu'il a préparé à midi : Un sandwich pour elle, un autre pour lui. Ca leur permettrait de se sustenter si ça s'éternise. Deux canettes posés à côté.
Sur le planning, le labo est libre. Personne n'est censé passer, et si quelqu'un le fait néanmoins, trouver une excuse ne sera pas dure à trouver. Des recherches pour la thèse d'Akina ?
Il retire sa veste, retrousse haut sa manche, serre lui-même son garrot. Elle veut lui prendre un peu de sang. Bras droit, s'il vous plaît : Le gauche est réservé à ses injections.
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Sur le chemin de la chambre, elle s'est arrêtée au niveau de la cuisine pour subtiliser un baiser fugace à son amant. Elle se détache de lui à regret, disparaît dans la cuisine et leur apporte deux verres à vins ainsi qu'un blanc alsacien que l'on peut facilement dégoter chez des épiciers occidentaux. Ce n'est pas le plus vieux, prévient-elle, mais il se boit bien. Le bouchon est retiré, la liqueur versée au creux des verres. Ils boiront plusieurs de ces derniers entre deux étreintes ardentes, une danse relancée et de nombreuses paroles chuchotées. Puis, elle ne sait plus trop comment ça a dérapé. Il l'a pressé, à moins que ce ne soit qui l'ait allumé. En tous les cas, ses pensées se sont confondues durant leur énième acte charnel. Ils n'étaient plus seuls, enfin parfois si, mais d'autres fois, brillaient les lumières, s'élevaient des éclats de voix et tous ces regards qu'échangeaient des étrangers à leur propos. La confusion et l'illusion perdurent après les préliminaires, se meuvent sous les divers angles d'une pénétration virile. Quand elle explose en millier d'éclats de jouissance, elle reçoit du foutre allemand en récompense. La souillure est profonde, elle la sent bouillir dans sa matrice et retomber en une longue coulée.
Contre lui, elle reprend son souffle, étendue sur son corps aux muscles secs, flattant son torse de nombreuses caresses. Ses paupières luttent afin de rester ouverte, et le sommeil la menace, mais il agrippera son minois pour que leurs regards se croisent. Les dernières paroles de son maître la prennent de cours. Son esprit s'éveille, agacé par des centaines de questions. Puis elle soupire , reposant sa joue sur l'épaule du prussien.
« Parfait, mein Freiherr. » sourit-elle en fermant les yeux, soulagée. « Je ferai de mon mieux. »
De son mieux à quel propos, en fait ? C'est sa conscience qui demande. Et bien, pour être une baronne. Ce ne doit pas être si compliqué, au fond. Sauf, quand il n'y a pas de baronnie où pavaner. Mais est-ce vraiment important ? Une Première Guerre avait déjà tout changé, une Seconde avait achevé d'effacer tous les anciens codes. La défaite de l'Axe avait annoncé le règne d'une société nouvelle, jusqu'ici au Japon. Cela pourrait rester leur secret à tous les deux.
Le cours a duré un peu plus longtemps que prévu. Le professeur s'est éternisé sur les aspects moléculaires inhérents à la nanobiologie. Elle a dû clore deux équations sur le tas, rendre une fiche de synthèse sur un exercice de signalisation cellulaire. Son retard est évalué à cinq minutes, et elle s'en excuse auprès de son amant.
« - Certains profs n'ont pas la notion du temps, désolée. » souffle-t-elle en enfilant une blouse blanche à son nom et matricule par-dessus une petite robe rouge en dentelle, laissant transparaît son soutien-gorge aux teintes similaires. Elle introduit le pass électronique dans un petit boîtier qui commande l'ouverture des portes du laboratoire dit de génomique, bien que les machines à disposition aient d'autres capacités que le séquençage ADN. Elle installe Siegfried sur un fauteuil médical, au milieu de cet univers aseptisé, blanc et désert. Habituellement, ce sont des auxiliaires de santé qui se chargent des prélèvements. Toutefois, la nature de ses recherches ne permettant pas à d'autres d'être dans la confidence, Scarlett prend le tout en charge : dégotte des seringues, des tubes et du désinfectant.
« Détendez-vous, Mein Herr. » conseille-t-elle alors qu'elle passe une main délicate le long du visage de l'allemand.
Le garot est déjà en place, tant mieux. Elle déchire l'emballage de la seringue, s'assoit sur un tabouret proche du siège où il est mis et pique une veine apparente. Le sang remonte le long d'un fin tuyau, remplit le tube. 150Ml exactement. L'opération se déroule avec succès, et le visage de Mademoiselle est frappé de concentration, l'air grave.
« Je vais tout de suite procéder à une analyse ADN. Cela peut nous révéler plein de choses....comme l'effet que pourrait avoir un tel produit sur vos gènes depuis...toutes ces décennies. »
Elle se relève. A une table, elle ira marquer plusieurs gouttes de son sang de traces fluorescentes avant de mettre en route le séquenceur automatique. Ses gestes sont millimétrés. Derrière son masque chirurgical, elle ne cille pas une seule fois. Pendant que l'ordinateur travaille à la lecture des données génétiques, la métisse s'occupe des échantillons d'injection. Elle les place d'abord sur une lamelle afin de les observer au microscope.
« Vous savez... » dit-elle soudainement. « Pour la carte de Tsoukanov, j'aurais dû vous en parler. ».
Elle lève son regard sur lui, brièvement, le retourne à son analyse microscopique.
« Kitty a dit qu'ils...cherchaient toujours à m'atteindre. Je crois que....nous devrions organiser une rencontre avec lui, en parler... que... »
Elle se coupe et fronce les sourcils pour se précipiter à l'autre bout du laboratoire, échantillon en main et l'insérer dans l'un des appareils de mesures et analyse. Akina retire son masque, pianote sur l'ordinateur de commande, en scrute l'écran, toute pâle.
« Je suis assez impressionnée....est-ce les naz....je veux dire, les vôtres qui ont créé cette substance ? Si c'est le cas, je ne comprends pas. Il y a cent ans...c'est incroyable. Je devrais pouvoir...l'améliorer, grâce à des nanoparticules découvertes récemment et synthétisées en laboratoire. Cela prendra des mois voire des années, mais...vous ne seriez plus obligé de subir des injections ou plus à intervalles si réguliers. Je vais conserver votre échantillon de sang, le congeler et le faire analyser dans un laboratoire américain spécialisé. Dès que j'aurais les résultats....je commencerai. »
Ses yeux l'auscultent, elle a une petite mine. Peut-être ne lui dit-elle pas tout, et c'est fort probable. Elle n'ose pas lui annoncer le niveau de toxicité de produit qu'il s'injecte, en particulier au niveau des cellules cérébrales. Il doit peut-être le savoir. Elle aimerait lui vulgariser la situation, et le topo des quelques réponses qu'elle vient d'avoir, mais n'ose pas. Ce n'est qu'une toute petite partie du tableau, il faudrait des références de comparaison, des analyses plus poussées et l'étude génomique pour espérer apporter une solution concrète. Des milliers d'heures de travail, somme toute.
« Le produit a l'air facile à synthétiser avec les moyens modernes. D'après ce que je lis sur l'écran, il pourrait presque réveiller un mort. Désolée... »
Pour la petite blague sur le, réveiller un mort. L'injection faisait ça tous les jours : réveiller le mort en sursis qu'est Siegfried. Elle ne préfère pas y penser.
-
Ca faisait longtemps.
Longtemps qu'il ne s'était pas senti comme un simple sujet de laboratoire. Un cobaye. Un numéro de dossier.
Bon, il ne s'en formalise pas : Il n'a pas de traumatisme par rapport à son traitement passé. Becker était patient avec lui.
-Attachez-moi.
Le docteur stoppe son mouvement, perplexe. Doit-il prendre cette précaution ? Il regarde la vitre brisée derrière lui, puis le regard craintif de son auxiliaire médical. Bon. Peut-être en effet vaut-il mieux faire l'effort de sortir les sangles. Infirmière et médecin attraperont les gros liens de cuir pour les nouer autour des poignets du SS, puis ses mollets. Remontant ses lunettes pour examiner son patient, il a même l'idée d'attraper un mors en bois entouré de corde, qu'il calera entre les dents du soldat.
-D'autant que Winthrop a souhaité durcir la dose...
-Et 'ous 'ous é'o'nné 'e 'er'ains meurent ?
Il n'a pas compris. L'infirmière en vient même à rire. Siegfried ose enfin la regarder, ce qu'il n'avait pas fait depuis le début, tandis que l'aiguille injecte le liquide froid dans ses veines.
-Ents'ul'igung 'ie mir.
-Je vous en prie.
Il sent les battements de son cœur s'accélérer. Il respire, tente de se détendre. Il a l'impression d'être secoué de l'intérieur. Ca devient difficile de se contenir. Becker parle de ses impressionnants résultats physiques. Siegfried grogne un « La ferme » malgré le bâillon improvisé. Le docteur veut lui faire répéter, parce qu'il n'a pas compris, et le SS rétorque avec plus de véhémence. Il est énervé. Il se demande pourquoi il a demandé à être attaché. Il tire violemment sur le cuir pour se libérer. Un sursaut de conscience le calme, lui fait dire que c'est pour son bien. La vue de la vitre complètement fissurée, avec un gros trou au milieu, ne l'apaisera pas, bien au contraire. Il se dit qu'il a été con de faire ça. Et sursaute une nouvelle fois. Il demande à ce que l'on le lâche, il veut partir. Il insulte la mère de Becker, heureusement que celui-ci ne comprend pas. Il bande. Pas à fond, mais il se sent durcir. Sa jambe droite est prise de fourmillement. Il voudrait le dire, mais impossible. Cracher le mors serait une solution, mais il trouve ça plus sain de serrer les dents autour... Jusqu'à ce que sa mâchoire commence à devenir douloureuse.
Il le crache enfin.
-MA JAMBE !
L'infirmière, inquiète depuis le départ, s'approche, touche sa cuisse.
-L'AUTRE, PUTAIN !
Elle tente de garder son calme, change, le masse.
-Plus haut. Plus haut.
Elle remonte. Il bande encore plus. Ça commence à se voir. Il s'astreint à une respiration courte et intense pour garder son calme. Un léger chant s'élève dans la pièce. C'est l'infirmière. Un chant d'enfant.
-La ferme... La ferme, la ferme...
Elle s'arrête. Le docteur Becker s'inquiète de la persistance des symptômes. À ce stade-là, c'est censé être terminé, même en évaluant la dose supplémentaire injectée. Il demande si Siegfried veut un calmant, ce qu'il refuse. Puis il se met à chanter à son tour. L'infirmière reprend avec lui. Sa jambe commence à se calmer, particulièrement où passe sa bienfaitrice. Ses deux mains tapent un rythme rapide sur les accoudoirs, sans rapport avec le tempo de la chanson.
Cinq bonnes minutes, on le détache. Il a l'impression de se réveiller d'une longue torpeur.
-Nazis, oui. Tu peux le dire. Becker et Weingart étaient des SS. Wanka était plus nazi que nous tous, et ce n'était qu'un civil. Ils avaient tous leurs cartes au parti, sans exception.
Il semble avoir zappé la question de Tsoukanov. L'évocation de Wanka lui ramène un autre souvenir. Il lui a collé un pain. Remarque désagréable sur son manque de volontarisme juste après des tests physiques. Deux dents en moins. Même pas de sanction disciplinaire.
-Pas « presque ». Il réveille les morts. J'en ai fait l'expérience. Enfin... Je crois. Quand Dreiheide a présenté le projet à Heydrich, il disait que nous avions cinquante ans d'avance. Et très honnêtement, je crois qu'il s'est trompé. Je pense sérieusement que nous n'avions que vingt ans d'avance, mais que les scientifiques d'après n'ont pas su où chercher, et ne savent toujours pas.
Il la laisse à ses considérations scientifiques. Tout ce temps, il se sera occupé d'une manière ou d'une autre, jouant sur son téléphone, répondant à des mails, visitant le labo pour en examiner les nombreux instruments. Peu de choses ont changé...
-Pour Tsoukanov, je ne sais pas quoi faire. Seul, avec une arme, je sais que je peux faire des miracles, mais... S'ils me traînent sur d'autres terrains plus raisonnables, je ne sais pas jusqu'où je pourrais aller.
Et quelque chose le frappe. Il ne s'en était pas rendu compte avant, ou alors l'impact n'est arrivé qu'en retard. Le russe a quelque chose que Siegfried veut, et inversement. Une baronne contre une baronnie. Non, un type comme ça n'échangerait jamais une fille, même aussi merveilleuse, contre une terre. Surréaliste. Mais peut-être que ça le mettrait dans de bonnes dispositions... Non, oublie ça.
Quoique.
Tu la connais depuis quelques semaines, presque quelques mois. Elle est affectueuse, certes, mais pour combien de temps ? Tu sais qu'un jour elle n'en pourra plus de toi. Tu es quelqu'un de remarquablement insupportable. Tu ne cherche pas à être supportable. Tu regardes son dos, elle, penchée sur son ordinateur pour vérifier quelque chose. Ta baronnie, tu la transmettras à tes enfants. Mais Siegfried... Tu n'as pas d'enfants, ou alors tu ne le sais pas. La question de la fertilité, tu te la poses souvent. Ta descendance est morte. La branche des Königsberg s'est éteinte avec toi. Celle qui reprend le flambeau n'est pas légitime. Ta petite-petite-(...)-cousine sera baronne, mais est-ce que tu y gagnes au change ? Tout ça parce que vous avez le même nom ?
Les deux feux s'opposent remarquablement, et Siegfried n'en tire qu'une conclusion : Tout est vain. Scarlett et sa baronnie. Sa vie, qui a trop longtemps existée, et son œuvre, inexistant. Elle fait une remarque sur un certain taux. Il n'a pas écouté, parce que ce n'était pas important. Comme souvent, l'arme qu'il porte dans sa serviette devient soudain très séduisante. Il soupire pour lui-même. Il se déteste quand il pense ainsi.
-Entre nous, je ne veux pas que mon sang fasse le tour des labos. Je te l'ai confié, il doit rester entre tes mains. Je sais que les médecins tirent la gueule quand je dois subir des examens, parce que mes résultats crèvent systématiquement tous les normales. Si ça fini entre les mains d'un fouineur, ça va devenir gênant. Et je ne veux pas non plus que tu y passes trop de temps. Tu as tes études et ton travail. Laisse-moi mes propres considérations. Ne t'embête pas tant avec ça.
« Ça ». Sa survie. Et puisqu'il n'a pas envie d'entendre des conneries comme quoi ce serait important pour elle, il tente de changer de sujet.
-Tu veux sortir quelque part ce soir ? Je t'invite.
Il n'a pas envie de rester dans ce labo. Et cette université, désormais plus ou moins vide à cette heure, ne l'attire pas non plus.
-
Toutes ces histoires de nazis, ces noms qu'il répète comme si c'est encore hier qu'il les a prononcé. Aurait-il été cobaye ? L'idée lui effleure l'esprit et la terrifie. Etait-ce la raison de son sujt sur l'expérimentation scientifique sur des humains non-volontaires ? Ses lèvres brûlant de lui poser la question, mais par décence elle se ravise et lui oppose un simple sourire.
« Un moment ou l'autre, Anton. Il va falloir confronter Tsoukanov, je préfère que ce soit officiellement que dans la chambre d'un hôtel avec....avec une arme sur la tempe. Vous comprenez ? Plus jamais. »
Elle enregistre les données du génome, range les lamelles dans un sachet qu'elle fourre dans son sac à la va vite.
« Ils menacent de tuer Kitty. A cause de moi. Il va falloir trouver une solution. Et si vous ne le faîtes pas, je le ferai. » souffle-t-elle à la hâte en passant la lanière du sac à son épaule. Elle en a oublié la convenance, la place de chacun, mais honnêtement : cela lui est égal à cet instant précis, car elle ne tarderait pas à redevenir sa petite chienne. Elle le redevient toujours, c'est elle qui le choisit. Néanmoins, Akina a besoin de lui dire ce qu'elle a sur le coeur.
« Pour votre sang, il sera envoyé de manière anonyme. Le laboratoire n'est pas public, mais privé. Il n'y a que l'argent qui le fait parler ou taire. Vous ne risquez rien. Et je comprends les médecins. »
Une pause, un silence oppressant laisse deviner que sa phrase est en suspens. Elle prend sur elle, mais n'y tient plus et achève avec désespoir.
« Enfin, moi je vous ai vu agoniser au sol. La plaie n'était PAS superficielle. Sans les injections....les médecins préfèrent ne pas trop poser de questions aujourd'hui. Mais qu'auriez-vous fait si la Police les avait mariné un peu plus que ça ? »
Les résultats qu'elle a entre les mains sont tout bonnement incroyables. Elle a tout fait imprimé et se rend compte soudainement de ce qui arriverait s'ils étaient dévoilés au public. On enfermerait Siegfried ? Qui ? L'armée américaine ? On lui ferait encore subir des expériences, comme un cobaye ? Ne vaut-il pas mieux que ce soit elle qui garde l'emprise sur ces données scientifiques. Peut-être qu'il ne comprenait pas que plus le temps passait, moins il avait de chances d'échapper aux mailles du filet. Les liens se reserrent et quoiqu'il en dise, il est moins entouré qu'il n'y paraît.
« Désolée, Anton. Je...je n'ai tout simplement pas envie de vous perdre. »
D'un pas rapide, elle est à ses côtés. Ses paumes douces attrapent la figure du prussien dont elle flatte les joues blêmes.
« Anton. Vous n'êtes pas mort. Et...il y a encore de la vie en vous. Les molécules de ce...enfin peu importe, affectent votre activité cérébrale, mais pas le reste. Enfin, je ne sais pas pourquoi je vous dis ça. Pardonnez-moi, vous avez raison, allons quelque part. »
Et elle le relâche doucement. Ils quittent le laboratoire, puis le bâtiment des Sciences. Elle aura conservé sa blouse blanche en prétextant que l'air se rafraîchit avec la venue de la nuit. Non,pas la voiture, elle la récupérera demain, elle préfère marcher, pendue à son bras ; comme le font toutes les petites amies. Ils croisent peu de monde aux abords du campus, un lundi soir : c'est normal. Avec toutes ses pensées contradictoires, elle n'a pas encore arrêté son choix sur un lieu où souper. Elle s'apprête à lui dire qu'au final, elle préfère rentrer quand son téléphone émet une sonnerie peu discrète. Un regard d'excuse vers son maître et elle décroche, embêtée.
« -Allô ?
....
Ah ! Mais euhm...déjà ? Par quel avion êtes-vous arrivés ?
....
Au Mandarin ? Ton Franz aime le luxe dis-moi...
....
Oui, j'arrive, je suis accompagnée ca ne te dérange pas ?
.....
Il n'est pas nazi arrête avec ça. Très bien, nous y serons dans une demi-heure »
Ils prendront un taxi finalement, la voiture était trop loin. Le Mandarin Oriental est un hôtel luxueux aux abords de Seikusu. Non loin de l'aéroport, proche des grands axes de la ville. Sa situation géographique est accessible facilement, mais sa fréquentation a un coût. Au sommet du bâtiment existe un restaurant dont la cuisine est raffinée et réputée. Elle se mord la lèvre rien qu'à penser au prix d'une telle soirée. Toutefois, revoir Marisol l'enchante. La petite robe rouge, le costume de Siegfried trouvent parfaitement leur place dans le décor embourgeoisé de l'établissement. Ils seront guidés par un lobby boy jusqu'à la salle de restauration où ils retrouveront la charmante Marisol, en compagnie de l'autrichien.
Au téléphone, elle lui a vaguement signifié qu'ils sont arrivés dans la matinée, de manière imprévisible suite à un remplacement que Franz doit effectuer à la mission économique de Tokyo pour l'Autriche. Ils repartent d'ici trois jours pour la Capitale.
Si la latina s'empresse de serrer sa meilleure amie dans ses bras, le reste des salutations se fera selon un usage plus froid. Elle n'hésite pas à jauger Anton d'un petit regard méprisant. La texane est bien plus grande que sa compatriote, élancée, peu de forme – il est aisé de constater qu'elle doit travailler dans le mannequinat d'élite. Son corps frôle parfois l'anorexie. Sa chevelure s'enroule autour de ses épaules dénudées, à la peau caramel et ses grandes prunelles noisettes ont tendance à être trop directes.
Dès qu'ils s'installent autour de la table, elle se penche doucement vers la métisse.
- Il est plutôt bel homme, je te l'accorde. Mais...je le sens pas.
Franz et l'allemand seront côte à côte, face à leur compagne respective. On sent le diplomate autrichien crispé, et peu à l'aise : toutefois, sa jeunesse lui permet de trouver l'audace nécessaire pour surmonter la gêne passagère. Un serveur apporte les menus qui n'intéresseront personne sur le moment.
- En fait, je voulais que tu sois l'une des premières à le savoir, Akina. Parce que c'est grâce à toi et un peu à...Siegmund aussi....reprend Marisol à l'attention de tous
- Siegfried, corrige Scarlett en s'humectant les lèvres.
- C'est étrangement similaire, non ? S'agace la brune.
- Et donc ?
- Depuis que nous nous sommes retrouvés...nous ne nous sommes plus quittés.
Elle rit, un peu comme une pimbêche, déesse de l'artifice et de la beauté avant d'avancer sa main gauche au centre de la table. A son annulaire trône une bague de fiançailles qui étincelle sous les lumières du restaurant. Scarlett se met à blêmir.
- Je l'ai demandé en mariage il y a deux semaines, précise Franz, d'un ton très froid qui doit trahir soit un manque de motivation dans la démarche, soit une éducation particulièrement rigide. Il a un accent autrichien affreux quand il parle anglais, si bien qu'Akina se demande bien ce qu'il fout dans une ambassade aux USA.
- Non mais...Attendez...vous n'allez un peu vite ? Je veux dire...Mari, c'était ton plan cul.
- J'ai voulu plus, réplique sèchement le diplomate en fusillant Walker de ses yeux bleus.
- Plus....c'est un euphémisme là....rajoute-t-elle avec une oeillade réprobatrice vers Marisol.
- Je veux que tu sois ma demoiselle d'honneur, je suis venue te le demander personnellement.
C'en est trop. Scarlett s'excuse auprès de ces Messieurs, agrippe son amie par le bras pour l'éloigner en direction des toilettes. Elle claque la porte derrière elle, offre un sourire de façade à une cliente qui quitte puis :
- Non mais....Marisol, tu ne peux pas faire ça....
- Je t'en prie Akina, comprends-moi. Les mecs n'en veulent qu'à mon cul, je n'aurais peut-être jamais la possibilité de me marier avec le métier que je fais. S'il te plaît, soutiens-moi.
- Mais enfin...que disent tes parents ?
- Ce n'est pas important...
- Dis-moi ce qu'il se passe, Marisol, parce que ce n'est pas ton genre de te marier au premier venu. Tu as toujours rêvé de prendre ton temps, de trouver le bon.
La brunette n'en mène pas large. Son sourire se fissure, tout comme son expression et elle manque d'éclater en sanglot.
- Je suis enceinte de lui.
Et la métisse comprend tout. Marisol est issue d'une famille extrêmement catholique. Elle-même a cette ferveur. Inutile de lui en expliquer davantage. Elle devine la pression de ses parents, le chantage qui a dû être fait au père. Ou peut-être est-ce ce dernier qui a fait pression sur Marisol pour qu'elle garder le bébé et l'épouse dans la foulée? Elle qui ose lui faire des leçons de morale sur Siegfried, son autrichien ne semble pas très clair non plus.
Pendant ce temps, Franz aura pris le pli de commander du vin rouge, c'est coupe en main qu'il juge visuellement son compagnon de table. Ils doivent avoir le même âge à peu près, entre la fin de la vingtaine et le début de la décade suivante.
-Alors, Herr Von Königsberg. Comment vous portez-vous ? Marisol m'a parlé de vos petits problèmes à gagner les Etats-Unis. C'est fort dommage. Je compatis.
Politesse et ironie se mêlent dans la voix de l'autrichien.
Lorsqu'elles reviennent à table, chacune à retrouver un semblant de paraître. Akina ne proteste plus et félicitera même le couple. Il est temps de choisir ce qu'ils mangeront.
-
« Il n'est pas nazi ». Bon. Pas au sens propre, d'accord : Il ne s'est jamais senti plus nazi qu'un autre. L'uniforme noir est cependant un indice correct pour éprouver la nazitude d'une personne, mais ce n'est pas absolu. Il faut juger de l'âme. Un baron ne peut pas se permettre d'être totalement national-socialiste.
Le Mandarin, il ne connaît que vaguement. Il sera donc naturellement méfiant. Il s'attendait à faire preuve de chaleur, quitte à surjouer un peu. Il n'aura même pas besoin. Les salutations ont cette cordialité qui sied lorsque deux étrangers se rencontre. Bon Dieu qu'il déteste ça. Il a passé son enfance à feindre la politesse raide, ce n'est pas pour se l'imposer lorsqu'il croise l'une des meilleures amies de son amante. Putain. Merde. Aussi con que ça puisse paraître, il est déjà énervé. Il n'aime pas bien la gueule de l'autrichien, et, comme souvent avec Akina, il se demande ce qu'il fout là.
Mais il ne regrette pas. Parce que comme chaque fois avec Akina, rester est toujours la meilleure idée s'il a envie de s'amuser. Il fera donc l'effort, sourit, bonne figure, avenant. Respire, Siegfried. Ta belle gueule et ta voix peuvent conquérir le monde.
Il comprendra bien ce qui secoue Akina, et ne se formalisera pas lorsqu'elle disparaîtra avec son ami. Rester seul avec un camarade de sang devrait être une balade.
… Ou pas.
Il est piqué au vif par la remarque, et le ton employé. Tout va bien. Respire. Tu as encaissé des balles, c'est pas un connard hautain qui va te faire tomber de ta chaise.
-Hm. Il faut croire que c'est difficile pour les descendants de criminels de guerre d'arriver à faire entendre leur cause. Enfin... Disons que certains ont plus de chance que d'autres à ce niveau-là. Que faisaient vos grands-parents ?...
Il retient un sourire tandis qu'arrive le vin. Il claque des doigts pour faire comprendre que c'est lui qu'on sert en premier. Il fait le bonhomme, goûte. Affreux, voudrait-il prétendre, juste pour le faire chier. En vérité, il est plus que correct. Il demande à être servi. Et...
-Vous avez quoi en Whisky ?
-Un excellent Taketsuru, si vous êtes...
-Non, pas de japonais. Single malt ?
-Du japonais aussi. Le Yamazaki à 25 ans d'âge est remarquable. En irlandais, nous avons...
-Liqueur ?
-Un Speyside de 40...
Il tape sur le torse de son serveur.
-Parfait. Pur. Merci beaucoup.
Il en revient à son interlocuteur, qu'il a superbement ignoré pendant quelques secondes. Pas de réponse à la question posée, plz. Il reprendra en allemand à son cher opposant.
-Alors. En quoi consiste votre travail ?
-Je dois m'assurer des bonnes relations entre mon pays et celui où je suis installé. Principalement sur les volets commercial, et, dans une moindre mesure, financier.
-Et, hm... Ca vous plaît ? Je veux dire... Les relations économiques entre l'Autriche et les Etats-Unis, c'est... quelque chose.
-Vous vous moquez ?
-Pas mon genre.
-Ecoutez...
-Entre germains, on se soutient, non ? Surtout face à ces belles Yankees qui veulent voler notre cœur.
-Hm.
Franz se taira à l'arrivée de la commande de l'allemand. Ce n'est pas ce vulgaire verre rond et plat généralement imaginé lorsqu'il est évoqué le terme de Whisky, mais bien un verre à pied, aux bords plus étroits que le reste. Paaaarfait. Il penchera le verre, le sentira. Une merveille. Il remercie le serveur.
-Vous connaissez un peu ?...
-Pas mon genre de boisson.
-Dommage. L'un des derniers alcools nobles.
Blam. Il ne souhaite pas pourrir ses papilles en commençant par le vin, alors c'est le Speyside qui passe en premier. Une unique gorgée. Hmf. Le paradis. Il n'avait pas encore eu l'occasion de goûter à celui-ci.
-Et vous, vous êtes juriste ?
-Je suis d'abord un professeur. Enfin, non : Je suis d'abord juriste, mais je ne fais quasiment que de l'enseignement ces temps-ci.
-C'est ainsi que vous avez rencontré Akina ?
-En effet. Elle avait besoin d'aide.
-Vous aviez l'autorité nécessaire, sans doute.
Aheum. Chacun son tour de s'en prendre dans la gueule. Siegfried voit Akina et et Marisol revenir.
-Vous payez le repas ou chacun sa part ? Pour savoir si je reprends un Glen Grant à 2000 dollars la bouteille ou non.
Dès la fin de sa phrase qu'elles n'auront pas entendu, elles prennent le temps de s'asseoir. Silence instauré. Sans que personne ne s'y attende (pas même Siegfried), dans ce temps de battement avant que qui que ce soit n'ose prendre la parole, il prend la main d'Akina.
-Peut-être un jour nous serons aussi... heureux qu'eux. En attendant, soyons humble devant leur bonheur.
Il en retourne à la carte. Le naturel dans ses gestes et sa voix, et la candeur presque naïve sur sa face donnent le change. Comme si rien n'est calculé. Il murmure « Canard... canard... Oh, là. Hmm. Non. » et cherche autre chose. Finalement, il y reviendra lors de la commande. Parfait. Il s'éloigne à son tour, prétextant devoir se laver les mains. Une fois aux toilettes, Akina recevra un SMS.
« Ta culotte. Retire-la et donne-la moi. »
Il se réfugiera ensuite dans une cabine de toilettes pour se faire son injection. Le coup de barre après la rude journée arrive. Il patientera un petit moment sur ses toilettes, et quand ses idées seront de nouveau claires, il retourne s'asseoir avec eux.
Il sera un ange le reste du repas. Pro-mis.
-
Le rictus d’apparat qui adoucit le minois de Scarlett s'estompe progressivement. Plus elle admire son amie, moins elle espère que les choses redeviennent comme elles l'ont été dans le passé. Finies les soirées à poser du vernis, les discussions interminables, jusqu'à l'aube, devant des films à l'eau de rose. Franz, un étranger, lui vole Marisol à jamais. Il est tellement différent des hommes que la mannequin à fréquenter : plus pédant, au faciès émacié. Oh, il dégage un charme ténébreux, mais ne ressemble pas aux footballeurs américains que la latina avait l'habitude de s'envoyer entre deux verres de Tequilla.
Avec diplomatie, le serveur la presse de faire son choix. Ses yeux parcourent la carte, tout le monde attend son choix. Et elle lâche un simple :
« Je n'ai pas faim.
- Non, non pas à moi....sourit Marisol avant de s'adresser au garçon, Une autre salade de Gésier aux framboises alors, merci beaucoup.
- C'est inutile, Mari...j'ai juste l'estomac un peu retourné. J'ai fait beaucoup de labo, de dissection, tu connais....
- Non, se targue la brune en lançant des oeillades de plus en plus insistantes à Siegfried, mais je veux bien imaginer. »
Elle se mord sensuellement la lèvre sans quitter l'allemand des yeux puis avise son verre d'alcool, intriguée.
« - Qu'est-ce que vous buvez... »
Il va répondre, peut-être le ferait-il. Toutefois, il annonce devoir se laver les mains : hygiène oblige. Akina ignore leur regard interloqué quand Anton s'éloigne. Elle se contentera d'un petit sourire à l'égard de sa meilleure amie. Franz, pour sa part, est plus rigide que jamais. Les dispositions amicales dont vient de faire monstre Marisol pour l'allemand l'agacent et il se tourne naturellement vers Walker.
« - Il m'a dit que....vous vous étiez rencontré à l'université.
- Y'a-t-il histoire moins originale ? souffle-t-elle alors qu'elle sirote une gorgée de vin rouge.
- Plus originale que de rencontrer sa future épouse dans les toilettes d'un aéroport.
- Franz....je t'en prie, se mine la texane, visiblement piquée au vif par la remarque.
- Au contraire, affirme Scarlett, je trouve que c'est très spontané. »
Marisol lui murmure toute sa reconnaissance.
« -Je me disais, Herr Von Königsberg a-t-il pu régler ses histoires de visa ?
-Et bien.... »
Interrompue par le bip caractéristique d'une réception de SMS. Elle s'excuse auprès de l'autrichien, donne la priorité au message qu'elle lit et relit, troublée.
« -Miss Walker, tout va bien ? S'enquit-le diplomate.
-Oui... »
En réalité pas du tout. Elle manque d'air, s'évente brièvement de la main sous l'attention perplexe de son ancienne camarade qui dépose une paume douce sur son bras.
« -Tu es sûre ?
-Oui, un petit contre-temps sur mon planning de demain. Sa voix tremble, ses yeux sont fuyants, mais elle fait l'effort de mentir avec classe. C'est contrariant, simplement. Pourquoi ne pas trinquer à votre union ? »
Elle lève son verre de vin d'une main, tandis que l'autre file sous la table, remonte discrètement l'ourlet de sa robe afin d'attraper du pouce l'élastique de sa culotte.
« -Nous n'attendons pas Siegfried ? »
Tiens, elle a retenu son prénom maintenant.
« -Il ne va pas tarder. »
Un côté de la culotte a été baissée à mi-cuisse, elle a dû soulever un peu son bassin en prétextant se repositionner sur son siège. Elle constate que l'autrichien l'ausculte de manière inconvenante ; il l'admire s'agiter sur sa chaise, sans se douter un seul instant qu'elle abaisse l'autre côté de sa lingerie qu'elle fera rapidement glisser le long de ses jambes, jusqu'aux chevilles.
« Oups, j'ai fait tomber mon sac.. »
Elle se penche, à moitié sous la table pour récupérer sa culotte pourpre. La dentelle se coince dans un talon, elle jure entre ses dents, finit par repêcher la pièce de vêtement pile au moment où Anton revient.
« Récupérée ! Lance-t-elle d'un air triomphant. Les autres pensent au sac, le prussien saura qu'elle fait allusion au sous-vêtement qu'elle lui glisse dans le poing sans ménagement au moment où il passe près d'elle. Il est allé se laver les mains ? Tant pis pour lui, la culotte en resalira au moins une, car elle est trempée de cyprine.
« Alors ? Santé ? » reprend-elle soudainement en entrechoquant son verre contre celui de Franz puis de Marisol. « Un beau mariage. Et bien évidemment, Mari je serai ravie d'être ta demoiselle d'honneur. Où aura lieu la cérémonie ?
- A Dallas.
- Vienne. »
Gros blanc. Ils ont parlé tous les deux, en même temps. On ne peut pas dire qu'ils soient sur la même longueur d'onde. Scarlett lève les yeux au ciel, embarrassée d'avoir été à l'origine de ce silence et espère se rattraper :
« -Vous avez le temps de choisir. Pour quand est-ce prévu ?
-Mai prochain.
-Dans trois semaines. »
Non, vraiment Akina. Arrête avec tes putains de questions. Marisol n'en peut plus, le sang bouillant du sud explose dans ses veines et elle adresse à son fiancé, un regard meurtrier.
« -Franz, nous en avons déjà parlé. A Dallas, en mai prochain.
-Ma chérie. »
Et le ton employé est assez menaçant, malgré la charmante et romantique appellation.
« -Dans trois semaines, à Vienne. »
Elle s'apprête à répliquer, mais il lève une main autoritaire pour mettre fin à la polémique. Il se penche ensuite à l'oreille de son camarade germain pour murmurer : « Pour la note, je ne regarde pas à la dépense, Herr Von Königsberg. Ma famille ayant conservé son domaine après la guerre, l'argent n'est pas un problème. Je réglerai la note. Au passage, votre amie est charmante, je n'ai pas eu l'occasion de vous le dire. Mais la mienne vous dévore un peu trop du regard à mon goût. »
Et il n'a pas tort, tandis que la latina papote avec Scarlett au sujet des dates, de la cérémonie, du traiteur, elle fait plusieurs fois de l'oeil à l'ancien nazi, et enchaîne les mimiques suggestives, une pointe de langue à la commissure des lèvres, un doigt trempé dans le vin puis avaler en bouche : une vraie salope. Si Akina ne le remarque pas, trop soucieuse d'épargner à sa copine de nouvelles tristesses, se forçant à la soutenir, Franz lui a clairement compris le petit jeu de sa future femme. Après tout, il ne la connaît que trop bien.
« Heureusement pour moi, je sais chapitrer une femme. Pour chaque regard qu'elle vous vouera, c'est autant de gifles qu'elle recevra. Quand pensez-vous Herr Von Königsberg ? Est-ce de bonne guerre ? »
« - J'ai eu tort, » avoue Marisol pendant ce temps à sa confidente. « Ton Siegfried, il est vraiment...excitant. Je serai prête à oublier qu'il est nazi s'il accepte de passer entre mes jambes. »
Si Walker ne connaissait pas aussi bien sa comparse, elle l'aurait déjà sermonnée. A la place, elle approuve le compliment sur son petit ami, serre son poing le temps que la colère passe puis soupire.
-
Il avait posé une délicate main sur son épaule en revenant, sans même s'attendre à ce qu'elle lui offre sa demande sur le coup. Il réagira rapidement, attrapant le dû de dentelle, le serre dans sa main en détournant l'attention sur sa face, se penchant pour embrasser sa chevelure. « Slut », murmure-t-il alors qu'il lui adresse un sourire en se rasseyant, puis un clin d'oeil.
-Pardonnez-moi. Un contretemps sur le chemin. Santé à vous. Puissiez-vous être ensemble longtemps, et dans la joie.
En allemand, ça donne mieux, se dit-il. Bon sang, ses manières. Il aura levé son verre de vin, pour suivre les autres, par respect. Puis se taira, écoutant la conversation tendue. De nombreuses oeillades à Akina signifient... signifient quoi ? Bon, on peut relever son stupre, déjà. Lorsqu'elle le regarde, il baisse rapidement les yeux vers le bas, pour qu'elle sache à quoi il pense. Toi, sans culotte, en public. Mais il n'y a pas que ça. Ses regards sont autant de remarques silencieuses faites par rapport à cette conversation singulière qui anime la table, qu'on pourrait penser quelque peu déplacé par rapport au lieu, et pourtant... Non, non. Probablement que de nombreuses disputes de ce genre ont eu lieu entre ces murs, et séparés par le secret de l'espace entre les gens, il n'y a véritablement que les serveurs qui s'intéressent à ce qu'il se passe ici.
… Et bon sang. Oui, elle lui fait du gringue. Il pense s'être trompé quand il a capté un clin d'oeil ; mais ces battements de cil, ces sourires, typique. Vantardise à plein : Il voit ça souvent, surtout quand il voit des étudiantes en-dehors du cadre scolaire. Chaque fois qu'il décroche l'attention de sa jolie blonde, c'est pour voir la brune exercer son charme sur lui. Non, il n'en est pas imperméable. Au contraire. Ce genre de petits signes le touchent droit au cœur – et au pantalon.
Pantalon dans lequel il aura habilement fourré le sous-vêtement d'Akina, calé contre son propre sexe, en prétextant s'assurer de la bonne tenue de sa ceinture.
Lui feint l'indifférence. Il sera poli, la resservira sans qu'il n'y ait particulièrement de geste déplacé. Soudain, l'autrichien se penche vers lui. Il ne s'attendait pas à l'offensive, mais se place sur ses gardes immédiatement.
-Ca dépend. Elle aime les gifles ? Si oui, il serait judicieux de passer à un autre traitement. Cela dit, entre nous... frapper sa partenaire est passé de mode.
Il lui adresse un clin d'oeil, le ressert d'ailleurs à son tour – pas chien, l'allemand, et reprend vers lui.
-Entre nous : Je suis d'une fidélité à toute épreuve. Je ne sais pour vous, ni pour elle... Mais tout va bien. Si vous pouvez avoir confiance en moi sur un sujet, c'est bien celui-ci. Votre petite amie n'est pas mon genre de toute façon. Et, pour être honnête, le sexe ne m'intéresse pas tant que ça.
Oh, la dernière phrase a été prononcé un peu fort, tandis qu'il reprenait son verre de liqueur de whisky. Le quarantenaire écossais aux reflets de miel était une œuvre d'art en bouche.
… Ment-il ? Bien sûr. Et sur toute la ligne. Depuis le premier mot. Même quand il disait qu'elle ne l'intéressait pas.
Car Siegfried est un pragmatique. Il met cinq minutes ses sentiments de côté et réfléchis au dilemme qui le tiraille. D'un côté, il y a cette loyauté à avoir, envers Scarlett bien évidemment, mais aussi envers Franz. Allons, entre hommes d'honneur, un code éthique règne : On ne touche pas à la copine des autres. C'est entendu, dès la première poignée de main. Voilà. Le monde des bisounours.
De l'autre côté. Il chope Marisol. Il la baise. Bien comme il faut. Salement. Il ramène du monde. Il filme. Il envoie à Franz. Il a sa vengeance de merde. Il se dédouane auprès d'Akina. Elle, il peut la gérer, il s'en fiche.
Non, ce ne serait pas bien. Envers Akina.
Mais oh, il regarde Franz. Puis l'autre pute de Marisol. Puis Franz.
Il reprend une gorgée de son précieux breuvage doré, et se dit que ce serait tellement bon.
-Vienne, ce serait bien.
Il fallait bien faire un choix. Même en disant ça, il sait que ses chances avec l'hispanique restent grandes. Elle en veut à son physique. Il lui suffit de rester beau et de lui faire du charme. Elle craquera. Elles craquent toutes.
-Et dans trois semaines, c'est arrangeant. En mai ce sont les examens. Je ne crois pas qu'Akina soit disponible. Ni moi, d'ailleurs. Enfin... Pardonnez-moi d'être cavalier en faisant comme si j'avais été invité. Mais Vienne est une ville pour les amoureux, le timing nous conviendra mieux, et lorsqu'on s'aime, il ne sert à rien d'attendre. Il faut se jeter à l'eau.
Son naturel déconcertant donne l'illusion qu'il n'y a pas de stratégie. Il inspecte son verre. « Fascinant... » murmure-t-il en voyant la traînée que laisse le malt sur les bords.
-Envoyez par message une date précise, j'achèterai ce soir nos billets d'avion. Et, entre nous, mein Herr, je paie toujours moi-même ce que je bois. Même si je n'ai plus mon domaine. Je voulais juste voir... si vous aviez du répondant.
Le clin d'oeil entendu sera effacé par un claquement de doigt. Il demande au serveur un fond de Speyside dans un autre verre, and make it quick. Il s'exécutera. Siegfried fait signe que le verre est pour Mademoiselle à ses côtés. Il lui laisse le prendre.
-« Neat ». Jamais de glaçon, jamais d'eau, et encore moins du cola ou toutes ces hérésies. Ce Speyside en particulier est très spécial. On commence par regarder sa couleur. A demi-ombre, puis dans la lumière. Levez-le. Comme ça.
Il n'hésite pas à toucher son poignet pour la guider
-Voyez ces reflets ? Vous rayonnez d'or sous eux. On dirait qu'il a été imbibé par des diamants. Mais il a de nombreuses tâches d'ombre. Typique. Sentez. L'odeur est forte, il faut le tenir à une petite distance. Le col du verre concentre les arômes. Penchez-le, doucement... Il ne sent pas pareil. N'est-ce pas ?
Il n'est pas sûr qu'elle soit sensible à toutes ces subtilités, mais n'hésite pas à continuer.
-Coupez un instant votre respiration, comme si vous arrêtiez le temps, et buvez.
Elle s'exécute, et grimace. Woooo. C'est plus fort que ce à quoi elle s'attendait. Il sourit.
-Cannelle. Amande. Miel. Girofle. Cardamome. Et le chêne, mais celui-ci est plus perceptible à l'odeur qu'au goût. Il y en a d'autre, mais c'est ce qui ressort le mieux.
Elle le regarde, et goûte une deuxième gorgée, le finissant au passage. Ca passe mieux au deuxième coup. Siegfried lui reprend délicatement le verre, effleurant sa main, pour le reposer sur la table.
-Vous venez d'ingurgiter 20 dollars. J'espère que ça valait le coup.
Il lui sourit, puis se tourne vers Akina. Un clin d'oeil, que les deux autres ne capteront pas. Même, il rajoute un mordillement de lèvre plus qu'équivoque. Parce que Marisol a réveillé sa luxure, il a envie d'elle. Maintenant, s'il le faut.
Voilà. Il avait raison de se dire que ça allait être une super soirée.
-
Vienne ? S'étonne Marisol en papillonnant des cils, confuse par la suggestion. Voilà qui n'abonde pas en son sens, mais elle se remémore qu'il est dans l'incapacité de fouler le sol américain. Si elle veut avoir une chance de le revoir, peut-être qu'elle pourrait céder plus facilement à l'idée de se marier en Europe. «Qu'en pense-tu Aki ? »
La concernée semble prise de court par la question, être ainsi prise à partie la contrarie surtout que la pensée d'une Marisol qui charme Siegfried n'est toujours pas avalée correctement. Pourtant, elle fait l'effort de répondre et avec le sourire, s'il vous plaît. C'est comme ça depuis qu'elle fréquente Anton, elle est drapée d'un peu plus de tenue, de rigidité. Elle renoue peut-être avec ses racines nobles, à l'image de son grand-père et à l'image, aussi, de tout ce que sa mère aurait détesté qu'elle devienne. Il lui faut d'abord un peu de courage, elle agrippe son verre de vin. Une gorgée. Non, deux : c'est mieux.
« -Je ne connais pas bien la ville...en fait, je ne connais pas du tout. Mais je suppose que Siegfried marque des points.
-C'est la ville que tu choisirais, toi, si tu te mariais ? Insiste la douce sudiste. Visiblement l'avis de sa meilleure amie a beaucoup d'importance à ses yeux.
-Voyons...je ne sais pas. Je ne suis pas sûre....de me marier un jour. Ecoute, choisis Vienne, c'est très bien. Siegfried a raison, et puis...il ne sera pas en terrain inconnu. »
Trois personnes autour de cette table comprendront l'allusion au terrain: Franz et Anton. L'Anschluss, la vieille histoire paradoxale : ou le rattachement sans le vouloir. L'américaine, elle, se contente de frapper dans ses mains, ravie. Elle aura un sourire charmant à l'égard de l'allemand.
-Bien, je suis convaincue. Va pour Vienne, dans trois semaines.
-Non mais....c'est quand même incroyable qu'il ait fallu un allemand pour t'aider à prendre cette décision, alors que....je te le demande depuis des jours, marmonne l'autrichien. Il attrape son vin, l'avise d'une oeillade furieuse avant de renoncer à en boire. L'alcool ne ferait pas passer la pilule. Il vient de se prendre un méchant revers, une gifle monumentale. Son orgueil se relève à peine. Il est en train de se dire que le prussien la lui met bien profond dans le cul, comme ses ancêtres en 38. Qu'en réalité, s'il n'en a rien foutre de l'Histoire nationale, du pays, il est homme de fierté. Quelque chose lui dit de se méfier du noble. « Oui bon, bref. Mon secrétaire se chargera de vous communiquer les dates. Contentez-vous de...laisser vos coordonnées. »
-Tu plaisantes, Franz ? Akina est comme une soeur pour moi, il est hors de question que ton secrétaire les prévienne, je le ferai.
-M...merde, Marisol ! Ca y est. Il craque. Si tu veux devenir Madame d'Auersperg, il faut un minimum de compromis.
-Et j'en fais déjà, répond-elle avec dédain. J'ai dit que j'acceptais que l'on se marie à Vienne. Il est très bon au final cet alcool, Siegfried. Les 20 dollars valaient le coup....j'en avalerai tous les jours.
Elle aura succombé à tout : les explications sur la liqueur, les effleurements de leur peau, son regard, sa belle gueule. Il est doué, et Marisol est faite pour tomber dans ses filets. Sur le coup, Scarlett tente de prendre un peu de recul alors qu'on apporte les plats. Elle n'a vraiment pas faim et se voit mal se contraindre à manger sans vomir. Elle saisira la fourchette, touillera dans son assiette, déplaçant inlassablement ses framboises.
« -Aki, » lui chuchote Marisol. « Ma chérie, j'espère que tu ne m'en veux pas. C'est pour jouer, tu me connais....je ne sais pas m'en... »
-Non, ca va Mari. En réalité, tu me rends service. »
Oui, car la métisse se rend compte qu'il lui est plus insupportable que prévu d'être le témoin de ce genre de manège entre une femme et son maître. Enfin, petit ami. C'est sans importance au final, ce sont des termes. Toutefois, elle sait qu'elle ne pourra pas éternellement l'empêcher de voir ailleurs. Si Maria n'y est pas arrivée, si elle devait accepter tout, comme une baronne doit le faire ; alors, Akina sait qu'elle ne pourra pas l'empêcher et qu'il faudra le supporter, avoir confiance.
« -Tu crois qu'il me résisterait... »
Oh, merde. La discussion devient pénible. Un vrai calvaire. Ce ne serait pas la première fois que Marisol l'effacerait devant un homme qu'elle convoite. Elle a l'habitude, c'est presque une hiérarchie tacite entre elles.
« Marisol, quel homme pourrait te résister ? Mais Franz...
-Il n'a pas le choix que de m'épouser. Ses parents sont au courant pour le futur enfant. Ils sont importants en Autriche, ils ne veulent pas de scandale. Ils ont bien proposé de me payer pense-tu, mais non.
-Quelle horreur....comment cela a pu arriver ? Tu...tu te rends compte de ce que tu dis ? Je m'inquiète pour toi Mari.
-Habituellement, ma belle, c'est toujours moi qui ai veillé sur toi et pas l'inverse. Alors, fais-moi confiance. Mange un peu. Tu es toute pâle. »
Le diplomate déguste sa viande saignante en silence. Il passera souvent son regard de Marisol à Siegfried, enfonçant la lame de son couteau dans la chair rouge. Rêvant peut-être que l'un deux se trouve en petits morceaux sous sa fourchette. Car, il n'a pas seulement fait la bête erreur du débutant : engrosser sa petite amie, mais il est aussi tombé amoureux de cette pimbêche sud-américaine. Ou bien est-ce de la possessivité ? Y'a-t-il une grande différence ? Il se le demande.
« Herr Von Königsberg. Je suis un homme, comme vous. Cette petite que je vais épouser, je l'ai baisé dans tous les sens avant. » Il se débarrasse de sa serviette, tamponne avec précaution le coin de ses lèvres. « Et juste...juste avant de lui écarter les jambes, j'avais le même regard que vous. Envers elle. »
Il aurait mal interprété. De biais, comme ça c'est pas évident. Anton aurait lorgné sur Akina, que dans sa méfiance d'autrichien, il pense que c'est sa fiancée qu'il vise de sa lubricité.
« Permettez. » conclut-il. Ensuite, il s'adresse à la tablée, un peu plus fort. « Bon, je pense que le repas était délicieux. Bien servi, comme toujours. »
« - Enfin, Franz, qu'est-ce qu'il t'arrive, on a à peine commencé ?
-Non, non s'il te plaît, Marisol. Pas maintenant. »
Il repousse sa chaise, fait le tour de la table jusqu'à venir près de Scarlett, au passage, il se sera brièvement penché sur sa femme en devenir pour murmurer sèchement : « Je te laisse deux heures avec lui, pas plus. Tu m'entends. Dans deux heures, tu es de retour dans notre chambre. »
Puis, sa main entoure délicatement le bras d'Akina qu'il invite, ou contraint c'est au choix,à se relever. C'est pas demain la veille qu'il se fera baiser par un allemand. Oui, on ne rêve pas, il lui laisse sa fiancée sur un plateau d'argent mais en échange, il emporte Scarlett. Enfin, le jeu des otages – tout ça, Siegfried doit connaître le fonctionnement.
« - Miss Walker, une petite promenade ? Les jardins de l'hôtel sont magnifiques, vous verrez. »
Elle jette une oeillade d'incompréhension vers Siegfried, assez confuse tandis qu'elle est relevée. Marisol s'est tue, elle ne dit plus rien, le visage baissé. Après quelques secondes, elle encouragera sa meilleure amie à visiter ces fameux jardins.
« -Franz se passionne pour la botanique.
-Mais enfin, il fait nuit....
-Alors nous irons boire un verre ailleurs, Miss Walker. Je m'y connais aussi un peu, en alcool. »
Walker a tout juste le temps de prendre son sac, de regarder Marisol et ensuite le prussien, une dernière fois. Dès qu'ils franchissent les portes, la latina se mordille la lèvre inférieure et Von Königsberg peut sentir qu'elle remonte son pied, sous la table, le long de sa jambe dans une caresse appuyée.
« Il sera très gentil avec elle, ne vous inquiétez pas. En revanche...vous....je m'attends à ce que vous le soyez un peu moins avec moi. »
Franz n'aura pas pris l'ascenseur. Alors qu'il dévale les escaliers, traînant l'étudiante à sa suite, il lui pose une série de questions.
« - Vous êtes venus comment ?
-En taxi.
-J'ai une voiture de service qui m'attend, elle peut nous emmener n'importe où.
-Je n'ai pas envie d'aller bien loin vous savez.
-Vous pourrez me parler de Marisol, par exemple. Vous la connaissez mieux que moi. Ecoutez, vous savez que je nous ai éloigné exprès. Pour qu'ils soient tous les deux. »
Scarlett hallucine, complètement. Ils sont bloqués au troisième étage, l'autrichien s'est arrêté et agrippant la demoiselle par les épaules l'aura gentiment accolé contre un mur, afin qu'elle lui parler en toute franchise : les yeux dans les yeux. Elle finit par céder.
« - Oui et je ne vous remercie pas.
-Navré, mais....vous savez....c'est comme ca » Il prend un temps de réflexion. « Mon père était chirurgien et il me disait toujours que la douleur, il fallait l'anticiper. Qu'elle s'envoie en l'air une dernière fois avant d'être enchaînée à moi, pourquoi pas ?
-Vous vous aplatissez toujours comme ça devant...ceux qui veulent enfin, vous ne vous battez pas pour elle ?
-Elle n'est pas amoureuse de moi.
-Oui ca, c'est plutôt évident, mais elle est belle, pas trop fouineuse. Elle fera parfaite dans vos petits galas mondains aux ambassades. »
Il s'éloigne brusquement d'Akina, fait les cent pas, nerveux. Elle se met à éprouver de la pitié pour lui, et sans doute un peu pour elle, mais dans son cas, c'est moins grave.
-
Il ne comprenait pas tout. Il pouvait pourtant se targuer d'avoir une intelligence (ou au moins une sagacité) supérieure à la moyenne. Mais toute la sapience du monde ne pourrait pas assimiler un tel choc. Il... lui laisse sa nana ? Non, il n'est même pas adepte du candaulisme, vu le dégoût manifeste qu'il a à faire ça. C'est sa future femme, et le type se tire. Comme ça. Quand il s'agit d'emporter Scarlett, par contre, il n'est pas d'accord. Non mais... Non. Il allait se lever, mais Marisol le stoppe net, posant sa main sur la sienne. Il veut se dégager. Il a envie de la frapper. Quel est ce monde dans lequel il est tombé ?... Oh, bon sang. Il va la violer et la dépecer, en représailles. Non, il ne peut pas. Lorsqu'Akina le regarde, son seul geste sera d'enserrer son propre cou avec son index et son pouce, pour signifier son collier. Elle est à lui, et, par incidence consentie, il est à elle. Un sourire. Elle disparaît.
Il n'est pas du tout sûr de ce qu'il vient de faire, mais il a confiance en Scarlett pour repousser ses avances. La latine ne l'aide pas à se détendre. La baiser serait peut-être agréable, mais le fait d'imaginer Scarlett ce faire prendre par l'autre enculé d'aryen lui file de sacrés démangeaisons à l'ego.
Il déteste les germaniques, de plus en plus. La remarque de Marisol lui fait oublier cet état de fait. Salope. C'est tout ce qui résonne à son esprit. Il feindra un sourire, lui prend délicatement la main. Amoureux transi. Cette situation l'excite autant qu'elle l'énerve, mais il se gardera bien de le dire.
-Ecoutez, ma chère... Je ne sais pas si je suis quelqu'un pour vous. Honnêtement.
Une fourchette tombe. Le tintement significatif fait se tourner quelques têtes. On entend un rire, à l'autre bout de la salle. Une porte s'ouvre. Et la poigne de Siegfried se ressert soudain, presque douloureuse. Il ne sourit plus. Son regard froid transperce la flirteuse tandis qu'il se penche vers elle.
-Tu veux savoir comment je marche, petite chienne ? Répond simplement et calmement.
-(Un regard appuyé vers lui) Oui.
-Si je t'ordonne de me sucer, ici et maintenant, tu le ferais ?
-Oui.
-Salope.
-(Elle esquisse un geste, prête à glisser sous la table)
-Ne bouge pas. Je n'ai rien demandé. Tu as déjà fais quoi que ce soit avec Akina ?
-Non, jamais avec elle.
-Tu baiserais avec elle ?
-C'est pas mon genre de femme. Et elle est si gentille. C'est comme une soeur.
-(Il fronce les sourcils) Inutile... Donne-moi ta culotte.
-(Elle le fixe dans les yeux, et s'exécute discrètement, ce ne sera pas une culotte mais un string noir qu'elle dépose sur la table) Ca ?
-(Il le porte ostensiblement à ses narines pour le sentir, fermant les yeux. Un murmure équivoque fait vibrer sa gorge.) Tu veux que je te baise ?
-(Elle ose un regard vers les tablées alentours) Oui.
-Passe sous la table. Si tu arrives à prendre ce que j'ai dans mon pantalon avec tes dents, je te laisserais une chance que ça arrive.
Elle obéit, fait tomber sa fourchette, et se baisser pour la ramasser avant de glisser sous la table. Ses mains expertes passent sur les jambes de Siegfried, joue un peu en baisant l'entrejambe de ses lèvres et manoeuvre pour retirer la dentelle rouge à l'aide de ses fines dents. Il s'écarte, prend ses cheveux, lui retire de la gueule. Sans la moindre vergogne, il sort sa queue. Rien à foutre qu'on le voit. Le massif mandrin est posé sur le visage de Marisol, par pure envie de l'humilier.
-Relève-toi.
Elle s'exécute. Lui retrouve sa décence, rangeant la culotte de son amante dans sa poche, le string noir ayant pris sa place, autour de sa queue. Une fois Marisol revenue sur son siège, il reprendra son repas.
-Entre nous, très chère. Si tu veux que je te saute, il va te falloir l'accord expresse d'Akina. Sa présence. Et son action. En attendant, je veux que ce soir, tu baises ton futur mari comme jamais tu ne l'as fait. Et tu penseras à moi. Si tu le veux toujours... On se verra bientôt, n'est-ce pas ?
Un sourire. Il lui tendra son verre de Speyside pour qu'elle le finisse, si elle le désire, puis reprendra avec une discussion d'usage : Ce qu'elle fait dans la vie, ce qu'elle aspire à être. Qu'est ce qu'aime Akina, dans la vie ? Alors qu'il commande un dessert, il lui demande ce qu'elle, Marisol, apprécie côté charnel. Il voudra savoir, avec insistance. Des détails, je te prie.
Quand le repas se terminera, il aura caressé sa joue une fois, ses mains d'autres. Il aura payé. La carte bleue aura pris un coup sévère. Marisol aura protesté en disant que normalement ça se règle en coulisse, avec l'ambassade, mais lui refuse de partir sans payer. Alors qu'ils se dirigent vers la sortie, Sieg repère un petit coin tranquille, près de l'entrée, où il traînera sa potentielle partenaire. D'une main, il la plaque contre le mur en tenant son cou. L'autre file entre ses jambes, les écarte de force, caresse sa fente avec insistance.
-Ta robe de pute me donne très envie de te prendre ici et maintenant, mais je vais me retenir. Je t'interdis de jouer les salopes avec quiconque jusqu'à ce que l'on se revoit. Tu diras à ton fiancé que je ne t'ai pas touché. Que je ne t'ai rien demandé de physique. Par contre, tu pourras lui dire ce que je t'ai dis. C'est compris, chienne ?
Du genou, il lui fait écarter un peu plus sa cuisse, et claque sa chatte un bon coup avant de l'abandonner. Dans la rue, il sera de nouveau courtois. Lors de la bise, qui elle sera soft, il ose lui coller le majeur entre les lèvres, encore légèrement humide de sa propre mouille.
-Fais gaffe à toi.
Une fois sorti, un SMS est envoyé. « Je vais vers l'appartement. J'espère que tu vas bien, mon amour. Je t'attend. - Ton Maître. »
-
-Je ne savais pas qu'ils ouvraient les terrasses en pleine soirée, s'étonne agréablement Scarlett.
Ils boivent un café à la lueur d'une lanterne. Deux bougies parfumées se consument sur la table. Ils sont seuls, ou presque si on ignore les allées et venues d'un garçon de salle. Après un court moment d'hystérie, Franz a décidé de rester digne et l'a invité au café de l'Hôtel, à l'arrière du bâtiment et devant les jardins.
-Ils ne le font pas. Je l'ai expressément demandé. Vous savez, quand on travaille dans la diplomatie
-Mh, mh. Que vouliez-vous savoir sur Marisol ?
Elle souffle sur sa boisson chaude, goûte du bout des lèvres et grimace, car c'est encore trop chaud.
-Vous avez grandi ensemble ?
La question lui pince le coeur et un flot de souvenirs ressurgit en elle. Grandi? Un bien grand-mot. Une partie de son adolescence, quand son père a été muté dans une base au Texas pour quelques années. Le père de Marisol travaillait au Ranch Walker, c'était un genre de cow-boy hispanique. Elles ont fréquenté le même lycée. La latine était moins intelligente, disons moins portée sur les matières scientifiques. Elle préférait le théâtre, les activités où elle pouvait s'engager au corps. De fil en aiguille, malgré leurs différences physiques et caractérielles, les deux adolescentes s'étaient plu. Sa mémoire est douloureuse, et elle croit entendre Marisol qui l'appelle, au milieu des chevaux dont les ancêtres ont fait la Conquête de l'Ouest.
-AKI ! Une course ! Celle qui gagne....emporte Bryant.
Bryant, le capitaine de l'équipe du football du lycée. Alors qu'elle verse un seau d'eau dans l'abreuvoir de l'enclos, Akina fronce les sourcils, amusée. Sa copine sautille déjà partout à l'idée d'être pendue au bras de Bryant pour le bal de fin d'année.
-Qu'est-ce que vous racontez encore, chicas ? La silhouette de Guillermo a fendu le troupeau de bêtes pour les rejoindre. Il tient une scelle sur son bras.
-Papi, por favor....queremos montar a caballo, por favor ! Para echar una carrera ! Supplie la jeune Marisol.
L'hispanique hésite. S'il leur arrivait quelque chose, Abraham Walker lui indiquerait la porte à l'aide de cartouches bien senties dans le derrière. D'un autre côté, il avait été leur instructeur d'équitation durant les étés au Ranch et c'étaient pas des filles bêtes.
-Si mi nina...pero...
N'allez pas trop loin, ne dépassez pas les limites des vergers. Akina pourrait monter Lincoln, un étalon à la robe sombre, mais au caractère tempéré. Quant à sa propre fille, elle aurait les rennes de Patton, un cheval bien plus fougueux. Il aurait préparé les scelles, les mors et les brides, dispensé ses dernières recommandations. Il les guide jusqu'aux vergers et de là, supervisera le départ de la course.
-Prépare-toi à perdre, chérie ! s'exclame Marisol.
-Je ne crois pas !
Et Scarlett lance sa monture au galop avant même le signal du départ, sous les rires de Guillermo.
- Ah la garce ! Carajo !!
Bientôt, au regard du paternel mexicain, elles ne sont plus que deux cavalières en furie qui filent à l'horizon, entre les orangers. Une heure plus tard, elles reviennent couverte de poussières, car elles auraient bien évidemment dépassé les limites imposés par l'hispanique. Elles ont couru encore au-delà des vergers, vers les plantations de coton. Plusieurs ouvriers agricoles reconnaîtront la petite-fille du patron et la couveront d'une oeillade protectrice avant de les saluer. Les chevaux sont épuisés une fois qu'ils rentrent à l'enclos. Qui a gagné ? S'informe le cow-boy. Oh, elles ne savent plus trop, répondent-elles dans un sourire entendu.
-Miss Walker ?
-S'il te plaît. Nous allons pratiquement faire partie de la même famille. Tu peux m'appeler Akina. Je suis contente que Marisol ait rencontré quelqu'un pour prendre soin d'elle.
-Et...tu n'as pas peur qu'elle puisse coucher avec ton...petit ami ?
Petit sourire gêné. Si évidemment, elle est morte de peur à l'idée : horrifiée même. La jalousie est en train de l'étrangler. Vite, une gorgée de café. Elle se calme, bien que nerveuse.
-Si ça doit arriver. Marisol a toujours été comme ça avec mes petits copains.
-Et c'est moi le fataliste ?
- Merci pour les informations. Elle préfère changer de sujet, celui-ci l'irrite un peu. Le pathétisme atteint des sommets. Elle, en compagnie du fiancé de sa meilleure amie qu'elle a laissé là-haut, faire la gringue à Siegfried. Non, elle ne veut pas se justifier.
-Pardon ?
-Quand Marisol t'a parlé des Von Königsberg, merci de lui avoir transmis les informations.
- Oui, enfin. Il se penche vers elle pour lâcher sur le ton de la confidence, tu es quand même au courant que même si un mec est interdit de territoire pour crime de guerre ses enfants sont toujours les bienvenus. Regarde Ben Laden, ou même moi.
-Oui, je sais. Je vais y aller.
-Déjà ?
-Oui, je commence à avoir froid.
-Prends ma veste.
-Non, ce ne sera pas nécessaire. Passez tous les deux à la maison, enfin chez mon père, Marisol a l'adresse. Ne repartez pas sans nous dire au revoir.
Elle sort de la monnaie de son sac, paie les consommations sous les vives protestations de l'autrichien. Et elle quitte avec précipitation, regagne la rue devant l'hôtel. Après une courte vérification dans son porte-feuille, elle remarque qu'il lui reste de quoi prendre un taxi ; Elle en hèle plusieurs sans, résultat. Alors qu'elle se résigne à marcher pour atteindre l'arrêt de bus le plus proche, elle croise Marisol, complètement chose. Face aux portes d'entrée, gênant les rares passant, elles discutent brièvement.
« - Tu repars déjà ? Viens boire du champagne avec nous, suggère la latine. Scarlett vient à peine de remarquer sa robe noire, terriblement sexy grâce à ses dimensions courtes qui laissent suggérer la sculpture du corps de son amie. A côté, sa robe de dentelle rouge, même un brin transparent, la ferait passer pour une bonne soeur.
-Oui, Franz t'attend, je pense. J'espère que tu n'as pas fait de bêtises, c'est un homme bien.
-Je sais. En revanche, ton homme, je suis pas sûre qu'on puisse en dire autant. Tu arrives à le satisfaire ?
-Hein ?
Oui HEIN ? Quoi ? Satisfaire, euh sexuellement ? Bien sûr, pas savoir s'il apprécie ses bons petits plats. Merde. Elle lève les yeux au ciel.
- Oui, je crois...
- Il a l'air demandeur...te connaissant...tu devrais faire attention. Ce genre de mec bouffe les petites filles comme toi.
Hop, une main réconfortante qui passe sur sa joue et Akina abonderait volontiers dans le sens de Marisol. Néanmoins, elle secoue la tête. Finalement, malgré les contradictions, elles s'étreignent avec amour. La distance et le temps, pas plus que la rivalité, n'ont aucun effet sur leur amitié et n'en auront jamais. Walker est contente de la savoir en bonne forme, faisant face à un avenir radieux. Le sien est plus discutable, mais pas si sombre au final. Elles bavardent encore, au sujet de la cérémonie. La blonde lui rappelle qu'elle est invitée chez Jack, avant son départ à Tokyo. Et la brune rétorque qu'elle verrait ce qu'elle peut faire. Un SMS met fin aux prolongations. Dernière étreinte, et elles se quittent.
Sur la route, elle aura le temps de réfléchir. Un peu trop, comme à son habitude. Sa conscience en profite pour battre le fer tant qu'il est chaud. « Marisol n'a pas changé, mais toi en revanche. Ma pauvre fille, t'es à prendre en pitié. Si c'est ça être une baronne et bien, j'ai franchement, mais franchement PAS envie d'en être la conscience. » La ferme, ben tire-toi alors. Un mendiant l'arrête en route, elle lui offrira un petit pécule et attendra le bus une grosse demi-heure. Mince, elle devrait répondre à Anton, lui dire qu'elle est en chemin pour ne pas qu'il s'inquiète. Au passage, juste avant d'écrire le SMS, elle consulte son profil sur un social network lambda. Fait défiler le fil d'actualité.
« Merde ! »
Son pouce presse l'écran sur une photo. C'est un montage d'elle. Enfin, le portrait de sa photo étudiante avec vulgairement écrit dessus : Pute du boche. Le bus arrive. Elle est tellement choquée qu'il repart sans qu'elle n'ait pu faire signe ou réagir. Elle est bonne pour une nouvelle demi-heure d'attente. Ensuite, elle consultera ses mails pour découvrir une note urgente de Takagi.
Walker-san, nous devons parler, j'ai reçu ça ce matin. C'était épinglé sur la porte de mon bureau. Nous nous verrons demain, à mon bureau, à midi pile.
En pièce jointe, le même montage avec une phrase rajoute : Votre assistante couche avec un professeur. Impossible de décrire l'état dans laquelle le mail l'a mise. Un nom lui vient bien sûr : Wadamoto. Cette sale....du calme. Elle aurait dû prévoir. Bon, pas un mot à Siegfried. Le second bus est bondé, elle devra se frayer une place. C'est horrible, elle a l'impression que tout le monde la regarde. Tous ces inconnus. En réalité, personne ne fait attention à elle, mais ses états d'âme lui dictent une méfiance désagréable. Tu n'as rien fait de mal, se persuade-t-elle. Non, évidemment. Mais à la faculté ?
Elle doit sonner, elle n'a pas les clefs. Ni même un double. Elle n'a jamais osé le demander. Ils se sont toujours arrangés avec les horaires de l'autre. Dès qu'il ouvre, elle ne dit rien, reçoit un baiser sur le front, peut-être une étreinte qu'elle ne rendra pas et jettera son sac à terre, se débarrassera de sa blouse blanche. Il se fait un café, elle aussi ? Non, un thé. Non pas un thé, un verre d'eau. Avec une aspirine s'il a.
-
Il l’avait attendu un long moment, dans une certaine angoisse. A lui de flipper. Seul, sans un joli minois pour l’aguicher et lui faire penser à autre chose, il se met à imaginer tout et n’importe quoi. Quand enfin il arrive, c’est un pur soulagement de la voir nette et droite. Elle semble chafouine, mais c’est un détail. Probablement est-elle inquiète de ce qu’il a pu faire.
Il va faire son thé, pour lui un café. Il s’assied près d’elle, se voulant rassurer.
-Je n’ai rien fait avec elle. Enfin... Juste un petit jeu pervers. Je lui ai dis que si elle voulait quoi que ce soit de moi, il faudra ta présence. Je ne tiens pas à t’être infidèle.
Elle sourit vaguement. Est-ce qu’elle ne le croit pas ? Sans doute la soirée a été éprouvante pour elle. Il lui demande si Franz a fait quelque chose : Elle répond que non, il a été plus que correct. Bon. Hem. Moment de flottement. Il lui demande si elle va bien. Elle répond que oui. Il n’y croit pas. La presse. Lui rappelle l’honnêteté qu’ils se doivent l’un envers l’autre. Elle hésite, et cède, en sortant son téléphone.
Il lira tout ce qu’elle lui montre, et lui restera de glace. Il tend sa main.
-Je te l’emprunte.
C’est un ordre. L’appareil est remis dans sa paume. Il se souvient du mot de passe qu’elle avait tapé la première fois qu’ils se sont mêlés l’un à l’autre. Il lui prend ensuite la main.
-Tu t’en fous. Je gère. Dans quelques jours, tout sera oublié. Tu as juste à te laisser aller et me faire confiance. Je te l’impose. Tu as su obéir à tout ce que je t’ai demandé, tu vas devoir continuer. Dans cet appartement, rien ne peut t’arriver. Tu es dans une bulle absolue. Quoiqu’il arrive dans ta vie, je serais là pour te sauver. Tu as juste à te laisser porter. Compris ? Sois normale. Aucune inquiétude.
Il embrasse sa main et se lève pour allumer son PC. Un arrêt brusque en chemin, cependant.
-Tu devrais cependant considérer l’option de ne plus sortir avec moi. J’accepterai volontiers que tu me remettes ton collier si tu penses que ça... assainira ta vie.
Il s’échappera ensuite. Il a des coups de fil à passer, des recherches à faire.
-J’ai besoin de toi.
-Hrmmmgnéquelleheure ?
-Même pas minuit. Tu dors déjà ?
-J’ai pas tes horaires de fonctionnaire.
Touché.
-J’ai besoin de toi.
-Maintenant ?
-Je te paie.
-Je suis crevé Sieg...
-Cher. C’est urgent. Je te le demande en ami.
-T’as pas d’amis.
Deuxième fois.
-Sérieusement. Je te paierai tout ce que tu veux. C’est important pour moi.
-Ca concerne le sexe ?
-Non. L’honneur.
Il marque une pause. Le son crisse dans le téléphone.
-Bon. Tu veux quoi ?
-T’as un papier et un crayon ?
-J’allume mon ordinateur.
Ce qu’il y a de bien avec les organisations criminelles, c’est qu’elles ne dorment pas. Bien au contraire.
Sa montre marquait deux heures du matin. Il avait pris un shoot, par pure nécessité. Il ne comptait pas dormir de si tôt.
Ce club était dans les quartiers bien pourris de Seikusu. La nuit, il valait mieux éviter d’y traîner. Femme ou homme. Forcément, Siegfried ne s’y rendait pas. Il envoyait une «connaissance» du milieu, lui-même accompagné de deux amis. Il rentrait dans le club, chopait la première serveuse venue, demandait où se trouvait Wadamoto. On lui montrait une arche menant vers une autre partie du club. «Tu lui veux quoi ?» «Ta gueule» répondra le japonais. Il la trouvera grâce à une photo chopée sur le réseau social.
-C’est toi, Wadamoto ?
-T’es qui ?
-Me chauffe pas. Tu me suis.
-Non ! Je travaille ! Dégage !
Un employé, yak’ aussi, approche.
-Tu fous quoi là ? T’es pas sur ton territoire.
-On prend la fille.
-Va te faire foutre !
Ca commence à chauffer. Des armes sont montrées. Les trois amis de Siegfried reculent lentement. Ils ne veulent pas faire plus de vague.
Lorsqu’une heure plus tard elle sortira, on vérifiera que la rue est tranquille pour qu’elle puisse partir.
Au détour d’une ruelle, elle se fera attrapée et jetée dans une petite citadine en lambeaux.
Un peu plus tôt, on frappe à son appartement. Une post-adolescente coréenne ouvre. Le japonais montre une photo. Elle dit qu’il est là, l’appelle. La coréenne est menacée d’une arme sur la tempe. Le petit délinquant se fera emmener. Plus que la vie de sa coloc, il ne veut pas se prendre une balle. Il imagine que grâce au code d’honneur des yakuza, il s’en sortira sans mal.
-Vous ne faites plus le fond de la rivière ?
-Non. Le béton reste une valeur sûre. Et toi, tu ne veux pas qu’on l’attache à la grue comme le précédent ?
-Hmm... Non. Ca c’est bon pour le spectaculaire. Moi je veux juste qu’elle en particulier s’en souvienne.
-Oh, d’ailleurs. Tu peux payer maintenant ? Shinbe-sama va me tuer sinon.
-Je peux te payer en deux fois ? J’ai que ça sur moi.
Une petite liasse entourée d’un élastique change de main. Il fait compter par l’un de ses hommes, qui annonce un chiffre.
-C’est pas assez. Il n’y a même pas la moitié.
-Tu me fais confiance ?
-Moi, oui. Shinbe-sama n’a confiance en personne.
-Il a raison. Hm... S’il te plaît. Je ferais ce que je peux. J’en ai besoin.
-Ecoute, je te couvre sur ce coup-là, mais c’est bien la dernière fois. Shinbe-sama n’aime pas les blancs, tu sais.
-Je rappelle qu’il n’a pas payé ses deux dernières procédures pénales grâce à moi.
-Je lui rappellerai.
Le yakuza avait cessé d’hurler. Wadamoto en revanche continuait de pleurer.
-Il est mort ?
-Non non. Il a juste perdu connaissance.
-Foutez-le dans le béton.
Wadamoto hurle. Ils n’ont plus le choix, vu le travail fait.
-Et la fille, finalement ?
-Siegfried ?
L’allemand se lève de sa chaise, demande s’il peut emprunter une arme. Il met un mouchoir sur sa paume pour le prendre, et s’avance vers l’étudiante, qui commence à crier à son tour, et demande pitié. Ses joues sont rouges des pleurs, mais aussi des nombreuses tartes qu’elle s’est prise. Siegfried pointe l’arme sur elle. Elle crie plus fort.
-Tu veux mourir ?
-Non !! Non !!
-Tu vas retirer ces photos.
-D’accord !! Tout ce que vous voulez !!
-Je n’entendrais plus parler de toi. Sauf peut-être pour tes prochains oraux, que je superviserais avec plaisir.
-Oui !!
-Calme-toi.
Elle sanglote toujours, suffoquante. C’est dur quand on est du mauvais côté du canon.
-Quand tes copains se plaindront de la disparition de leur ami, tu diras que tu ne sais rien.
Elle acquiesce nerveusement. De sa main libre, d’une poche, il sort les papiers d’identité de la jeune femme, avec un papier plié, qu’il lève à hauteur de regard.
-Père : Satoshi. Mère : Masako. Ton frère est dans un collège spécialisé à Tokyo. Il a des problèmes ?
-Non... C’est pour les filières d’excellence...
-Oh, un petit génie. Comme toi. Ce serait bête qu’ils finissent au fond de la mer, n’est-ce pas ?
-Non... Je vous en prie...
Elle repart dans ses pleurs. Il lève les yeux au ciel, puis va rendre l’arme au criminel à qui il l’a pris.
-Tu vas lécher les pas d’Akina comme si c’était de l’or, désormais. Je te jure que si elle me rapporte ne serait-ce qu’un regard de travers de ta part, tu files le rejoindre.
Une grosse machine se met à tourner. Le béton à prise rapide coule. Le corps encore vivant est lentement noyé dedans. Le cadre de chantier est idéal : On a une belle vue sur les étoiles. Il regarde le ciel un long moment, discutera de cette poésie particulière avec l’autre yakuza. Typiquement japonais, fait remarquer le germain : Son interlocuteur rigole.
-Je te jure que tu dois tout faire pour que tout le monde oublie cette affaire. Si dans une semaine l’université parle encore de moi et d’elle, je prendrais des sanctions physiques vis à vis de toi.
7 heures du matin passés. Siegfried n’est toujours pas fatigué. Il toque à une porte, dans un quartier résidentiel tranquille.
Une femme, la cinquantaine largement passée, lui ouvre prudemment. Fatiguée.
-Madame Takagi ?
Un occidental. Elle se méfie.
-Que puis-je ?
-Je veux voir votre mari. Je suis un collègue.
-C’est grave ?
-Ca dépendra de lui.
-Vous me décevez...
-Je suis un étranger. Je suis condamné à décevoir les vôtres.
-Ne soyez pas si réducteur.
En peignoir type léopard, Takagi s’asseyait en donnant une tasse à Siegfried, qui le remercie avec dignité et froideur.
-Je vous le demande comme un service. Ne prenez pas de sanction.
-Vous êtes déjà en train d’outrepasser nos règles morales en cherchant à intercéder...
-C’est la seule fois. Je vous le promets. Je vous demande de faire comme s’il n’y avait rien entre elle et moi. Je suis venu devant vous pour vous le dire honnêtement. Je veux faire preuve de bonne foi. Vous pouvez me demander n’importe quoi.
-Elle aurait pu le faire elle-même. Pourquoi venir ?
-Parce que...
il réfléchit.
-Probablement parce que je me sens responsable de tout ça.
Mme Takagi vient s’asseoir avec eux. Elle aussi carbure au café. Les habitudes s’occidentalisent, et Siegfried trouve ça beau et con à la fois.
-Tout ça est une chance pour elle. Elle a tout eu sans moi. Sa note était honnête. J’ai pu juger de ses talents à plusieurs reprises.
-Ses talents...
-Non, je suis sérieux. Elle a envie. Elle mérite d’avoir ce genre d’opportunités. Et vous lui avez proposé parce que vous savez que j’ai raison.
-Siegfried-san...
-Je vous demande d’y réfléchir. Je refuse d’être la cause de son malheur. Je m’en voudrais.
-Pourquoi ne pas la quitter, alors ?
-Vous lui demandez de choisir entre Charybde et Scylla.
-Qui ?
...
-Elle est perdante sur les deux tableaux.
-Il faut faire des sacrifices dans la vie, Siegfried-san. Vous n’en avez jamais fait ?
-Si. Et des gens ont fait des sacrifices pour moi. Je sais que vous savez ce que c’est. Et comme moi, vous voulez éviter de faire subir ça aux gens que vous aimez.
Il soupire. Il dit qu’il y réfléchira. Le café fini, l’allemand rentrera chez lui.
Quand il rentre, elle allait partir. Il ne saura pas si elle a dormi. Il se contente de la serrer dans ses bras.
-Piqûre. Clope. Je vais profiter que tu t’en ailles. Tu sauras t’en sortir aujourd’hui. Je vais appeler ton réseau social pour qu’ils fassent retirer toute trace. Hm...
Il commence par s’allumer une cigarette. Même si elle n’aime pas ça, il a la sale impression d’un avoir besoin. Si le malt est un pur plaisir, la cigarette est sa petite addiction.
-Je ne te dirais pas spontanément ce que j’ai fait cette nuit. Je te le dirais si tu me le demandes, mais tu dois être sûre d’être prête à l’entendre.
On frappe à la porte. Il se saisit de son arme avant d’ouvrir prudemment. C’est son détective préféré.
-Mon paiement.
-Déjà ?
-J’ai des dettes. Et tu me dois deux semaines de travail.
Il porte un costume bon marché, est mal coiffé, mais a l’air tout à fait sympathique. Il sourit à Akina en s’inclinant devant elle.
-C’est vous, la métisse ? Ravi.
-Lui répond pas, Scarlett.
Tonne-t-il depuis la chambre. Il revient avec quelques billets. A vue de pied... On doit dépasser le salaire d’Akina. Le détective aura ri à la remarque.
-Y a combien ?
-Beaucoup plus. Y en a pour 25 heures de travail. Je t’en dois même pas 13, si on compte cette nuit.
-Bon. Ca va.
Ils se font l’accolade. Le japonais sourit à la blonde.
-Au plaisir, mademoiselle.
-Si tu l’approches, je te tue.
L’autre rit, et sort.
-Je vais prendre une douche. J'ai cours bientôt.
-
-Non, non bien sûr. Je sais que vous n'avez rien fait avec elle, Anton, sourit-elle tristement en lui flattant la joue. Malgré son état inquiétant, ses yeux fuyant et sa voix brisée, elle est sincère. Et puis les questions commencent. Elle ne sait pas trop quoi répondre, si ce n'est la vérité au départ. Concernant Franz, il a été correct, un brave homme. Elle goûte au thé, le trouve très bon mais n'ose pas le signaler. Evidemment, avec l'insistance du SS, ses beaux discours sur l'honnêteté, elle ne tient pas longtemps. En fait, elle souhaitait lui épargner cette sordide affaire. Toutefois, il est impliqué au même titre qu'elle. Ce serait malhonnête de lui cacher en espérant l'épargner.
Le téléphone passe de sa main à celle du prussien et elle ne regrettera rien. Il mérite d'être au courant. Elle, elle n'a pas le courage de réagir, pas les moyens non plus. Bien qu'elle ne veuille pas se reposer sur son amant, elle constate que dans cette histoire, c'est elle qui est désignée du doigt. Cependant, elle craint pour lui. Bientôt, elle va fondre en larmes, s'excuser A la place, elle l'écoute avec ferveur, opine de temps à autre : un sourire pâle figé sur ses lèvres. Ciel qu'elle aime cet homme. Aimer n'est peut-être pas assez fort d'ailleurs, elle l'adore. Et c'est pour ce genre de sentiments irraisonnés, ceux qui vous mènent à une guerre sanglante la fleur au fusil, qu'elle n'envisagerait jamais la solution de le quitter. Il doit passer ses coups de fils, partir ensuite. La peur s'immisce en elle. Non, Siegfried attends. Elle le retient par la manche, prend son visage émacié entre ses deux mains de femme pour l'embrasser. Et au travers du baiser sont filtrés plusieurs sentiments : la passion trône au-dessus d'eux tous.
Minuit passé de cinq minutes. Elle fait les cent pas dans l'appartement. Les haut-parleurs de l'ordinateur crachent du Haendel. Elle ne s'y fait pas à cette musique et change pour Brahms. Voilà, c'est plus joyeux, plus vivant. Respire Akina. Que va-t-il faire ? Rien d'inconsidéré, elle espère. La bonne blague. La dernière fois qu'elle lui a demandé de ne rien faire d'inconsidéré, il se l'appropriait contre une télé. Le souvenir lui arrache un faible rire, le seul de la nuit. Elle s'encourage à aller dormir, car elle aurait besoin de courage pour affronter Takagi demain.
La sonnerie du téléphone interrompe ses pensées. Elle hésite à répondre, et décroche à la hâte.
« -Oui ?
-Akina, c'est ton père. »
Oula pas bon. Il ne manquait plus que ça. Elle tente de calmer les chevrotements dans sa voix, et va se caler près d'une fenêtre d'où elle surveille l'activité dans la rue.
-Putain sans déconner, Akina, tu devrais ramener ton cul.
-Et pourquoi ? Je veux dire...il est tard...
-Discute PAS ! Ton....(Il baisse d'un ton.) connard de grand-père est là et il est furieux. Dépêche-toi de venir avant que je lui foute un pain de forain PUTAIN ! T'as 10 min. »
Elle enfile une laine histoire de braver le froid nocturne. L'été indien tire lentement à sa fin, et les nuits se font plus froides, moins accueillantes. Sac pris, clefs de voiture aussi. Elle appuiera sur le champignon, effrayée à l'idée que Jack s'en prenne à son grand-père. D'ailleurs, elle va mourir d'inquiétude. La dernière fois qu'Akira s'était déplacé à Seikusu, c'était pour la disparition de sa fille et le divorce. Qu'on veuille le croire ou non, Kanzaki avait voulu faire pression juridiquement pour annuler le divorce. Que sa fille épouse un étranger, d'accord. Qu'elle reconnaisse son erreur des années plus tard, encore mieux. Mais un divorce dans la famille, c'est un échec et on accepte pas l'échec chez les Kanzaki.
Dix minutes plus tard, elle remonte l'allée de la maison, se dépêche d'entrer sans s'annoncer. Les éclats de voix dans le salon la guident tout de suite. C'est Ekaterina qui l'aperçoit en première et fonce sur elle pour l'isoler dans le couloir. Elles se saluent rapidement.
« - Akina, oh ma pauvre...chérie. Ecoute...tu n'es pas obligée d'y aller. Tu devrais partir, je vais tenter de....régler ça.
-Mais régler quoi ?! »
Elle repousse la russe et émerge soudainement dans le salon. Jack est assis sur le divan, il se tord nerveusement les mains. Frapper le démange. Akira est debout, bien droit, une tasse de thé à la main près de la porte-fenêtre menant au jardin. Elle approche de la table basse, près de son père et découvre la même affiche sur sa liaison avec Siegfried. Elle croit mourir de honte et ferme les yeux. Ils remarquent enfin sa présence.
« - Akina...
-Non, non Akira, putain, c'est ma fille, je règle ça.
-Non ! Et vous savez pourquoi, Walker. Parce que j'ai des relations haut placées dans MON pays. Et que j'ai reçu ca ce matin. A mon bureau, au ministère de la santé où je suis conseiller. Que des....collègues l'ont reçu, qu'il est clairement indiqué que c'est mon héritière. Je vous laisse deviner pour quoi je suis passé. Que mes adversaires politiques vont sortir ça dans la presse.
-On s'en fout....merde !
-Akina, assise. Tout de suite.
-Tu donnes pas d'ordre à ma fille.
-SI ! »
Akira qui hausse le ton, c'est impressionnant. Elle se dépêche de s'asseoir.
« - Je vais devoir intervenir. J'apprécie ton...amant, je t'aime. Mais il y a trop en jeu et ce que je vais faire, je le fais pour vous deux. Pour sa carrière à lui, pour ton avenir. Tu pars pour Londres, ce soir.Tu rejoins Hiranuma-san...
-Quoi....souffle-t-elle, complètement perdue. Elle a une toute petite voix innocente, ose à peine s'indigner. Ca lui paraît surréaliste.
-Non, non écoute-moi, chère héritière. Là-bas, il te demandera en mariage et tu vas accepter. Tu as déjà une place à l'université.
- C'est une BLAGUE ? S'écrie Jack en se redressant. Au passage, il cogne la table du pied pour se dégager un passage vers Akira. Ce dernier est droit, digne : un vrai japonais, un authentique noble. Face à la fureur de Walker il oppose son autorité naturelle et sa prestance. Aucune peur.
-Walker. Demandez-vous ce qui est mieux pour votre fille. Etre...la maîtresse d'un personnage obscur, risquer sa réputation, son avenir. Ou bien, devenir riche, avoir un mari qui pourra....rembourser le prêt de votre maison. Voulez-vous d'une deuxième Seika dans cette famille OUI OU NON ? »
L'américain reste pantois. Pour une fois, il est sobre. Avec Ekaterina dans les parages, la boisson alcoolisée s'amenuise. Il en plein sevrage, c'est difficile, mais la petite russe sait y faire. Et puis le souvenir de Seika. Sa douce Seika, l'amour de sa vie. C'est douloureux. Affreusement. Il préfère abandonner. Oui, qu'ils se démerdent.
« -Non papa....supplie Akina alors qu'elle comprend qu'il n'interviendra pas. Je t'en prie. C'est ridicule...nous sommes américains.
-Non, non Akina, putain, non. Je le suis, pas toi. Ton grand-père a raison, tu es une bâtarde. Tu me fais penser à ta mère. D'ailleurs, t'as fait comme elle, non ?
-Quoi ?
-Tu m'as abandonné pour ton boche. »
Elle ferme les yeux, encaisse comme elle peut ce revirement, cette trahison. Kanzaki approuve sobrement.
« - Je ne renoncerai pas à lui !» s'exclame-t-elle « Vous comprenez ça ?! »
« - Et cette rumeur qui va casser ta carrière ?
- Je m'en FICHE ! J'irai dans une autre université, à Tokyo ! Je suis pas la seule étudiante qui couche avec un prof, merde!
- Mais tu es la seule étudiante assez bête pour que ça se découvre! Tu as perdu la raison, ma pauvre fille, poursuit Akira. Tu te rends compte l'état de ta grand-mère quand on a reçu cette horreur à la maison. »
Ouch, l'argument. Elle est décontenancée, manque de défaillir. Il n'est pas sport.
« - Je t'ai laissé le choix. Maintenant, c'est terminé. Tu seras heureuse avec Hiranuma. Et tu as de la chance que sa famille veuille toujours de toi, malgré cette histoire ! Akina, si ce soir tu n'es pas à l'aéroport, pour ton vol, j'envoie la Police te chercher chez lui. A regret, je lancerai des poursuites contre lui, pour t'avoir séquestrée, je te ferai interner. Une petite-fille folle, c'est toujours moins déshonorant qu'une prostituée. Et ca me ferait de la peine, car c'est un homme que j'admire. Mais vous n'avez pas fait les choses correctement, et vous le payez maintenant. »
Elle n'écoute plus son grand-père et se tourne vers Jack, implorante, les larmes au bord des yeux.
« - Papa...je t'en supplie. C'est...c'est un ancien de l'armée, comme toi. Tu as donné ta bénédiction.
-Bordel, bordel, bordel.... »
Il se relève, prend sa fille par le bras et la traîne dans la cuisine afin de lui parler à voix basse, loin des oreilles d'Akira.
« - Akina. Je suis désolé pour la dernière fois. Ecoute...j'y vois plus clair maintenant. Un peu. Tu vas à Londres, tu attends que les choses se calment ici et tu reviens. Ton boche il t'attendra bien.
-Mais on veut me marier ! Comment tu peux permettre ça, au nom des lois de l'Amérique, du libre-arbitre....
-Moi tu sais, je n'ai jamais été libéral que pour les armes alors, le reste. Plus tu résistes, plus j'ai envie de foutre une trogne à pépé niak. Si je fais ça, c'est la prison directe pour moi, armée américaine ou pas. Alors, laisse-toi faire, reviens quand c'est fini.
-Maman ne te le pardonnera jamais.... »
VLAN, la claque est partie brusquement. Il a rompu le contrat. D'ailleurs, il cogne sa fille une seconde fois. Ekaterina et Akira accourent rapidement pour le séparer d'elle.
« - Ne me parle pas de ta mère BORDEL ! Elle aurait accepté MERDE, FAIT CHIER ! Lâchez-moi !
-Walker, du calme ou j'appelle la Police !
-Laisse-moi Akira ou je t'en colle deux aussi !
-WOW Jack arrête ! Hurle Kitty. »
Il réussit à se libérer de leur poigne, pointe sa fille de l'index.
« - Je t'ai trop laissé faire comme tu voulais, je me suis dit que ça allait te rendre moins ingrate. J'étais pas d'accord pour ce foutu mariage de merde arrangé. Mais putain qu'est-ce que tu le mérites. Je me suis occupé de toi après le départ de ta mère, t'as manqué de rien NON ? REPONDS ? »
Réfugiée contre le plan de travail, elle ne dit rien. Parce que tout est faux, elle a travaille pour se nourrir, payer ses frais d'université, et les factures. Lui, il était trop occupé à boire et maintenant qu'il se réveille, elle se demande si elle ne préfère pas le Jack d'avant, l'alcoolique.
« - Ce soir, tu prends cet avion. Tu dis rien au boche, je m'en occuperai. On lui dira que...tu ne veux plus de lui, que c'est ton choix. Akina, si tu lui dis UN MOT, je te jure que tu ne remettras plus les pieds ni en Amérique, ni au Japon. »
Kanzaki fouille dans la poche intérieure de sa veste et tend un billet aller simple pour Londres. Elle hésite à le prendre, les larmes coulent toutes seules.
« -Je ne peux pas...murmure-t-elle, sous le choc.
-Tu crois que tu lui apporteras quelque chose dans la vie à ce garçon ? Ma fille, il faut te réveiller. Revenir dans le monde réel. »
Il insiste, et elle attrape le billet sèchement, retient un sanglot grave et se précipite vers la sortie. Les deux hommes ennemis se regardent, et Jack finit par sortir dans le jardin en claquant méchamment la porte de la véranda. Vodianova s'est déjà jetée à la suite d'Akina.
« -Attends ! »
La métisse ralentit le pas.
« -Je lui dirai moi. Je lui dirai que tu n'as pas voulu, qu'on t'y oblige. »
Scarlett hésite, la main sur la poignet de porte, effarée.
« - Jack ne te laissera pas faire. Il va surveiller tes déplacements.
-Je lui mettrai des somnifères dans son seul verre autorisé de la journée et j'irai. Je ne pourrais pas avant ce soir, ce serait trop suspect de lui proposer ce verre avant l'heure prévue, moi qui suis intransigeante là-dessus, mais je le ferai. Promis. »
Akina ne répond pas, ouvre la porte.
« -Attends ! Entre nous, ils n'ont peut-être pas tort tu sais. A Londres, Tsoukanov ne te retrouvera pas.
-Tu dis ça pour moi ou pour toi ? »
Et elle repart. Elle mettra du temps avant de démarrer, effondrée sur le volant, pour pleurer de rage. Sur le siège passager, son billet de départ. Elle le range furieusement dans la boîte à gant. Merde. Elle frappe sur le tableau de bord, prend une grande inspiration et allume le contact.
Il est 3h quand elle retrouvera le domicile de Siegfried. Comment va-t-elle faire ? Prendre ses affaires ? Faire ses valises ? Non, elle va tout laisser. Il comprendra peut-être par là qu'elle n'a pas choisi. Elle croit dur comme fer que son grand-père mettra ses menaces à exécution. Et si Jack découvre que Siegfried a menti,qu'il n'a jamais été dans l'armée américaine, ce serait encore plus difficile de revenir. Elle s'assoit sur le lit, pleure encore.
Avant de se coucher, elle vérifiera que les coups de Walker n'ont pas fait de marque. Sa joue est rouge, mais rien qui ne s'estomperait pas avec du maquillage. 7H, le lendemain, elle retrouvera un semblant de sourire. Un faux bien sûr. Elle se doute qu'Anton rentrera bientôt, enfin elle l'espère. Avoir passé la nuit sans lui a été une véritable épreuve. Oh si elle part à Londres, elle va haïr Hiranuma-san, le détester de tout son être. Du calme. Elle se prépare, se maquille, force un peu que d'habitude sur le fond de teint. Elle finit de boutonner son chemisier quand l'allemand revient. Et elle se jette volontiers dans ses bras, l'étreint de ses maigres forces.
« - Tu...tu t'es donné assez de mal...comment vas-tu ? »
Oui, elle le tutoie. Elle est troublée. Confuse. Il faut vire corriger ca avant qu'il se mette à la questionner, la presser comme hier.
« -Evidemment que je veux savoir ce que vous avez fait cette nuit...ce ne sera jamais aussi grave que d'avoir tué des centaines de civils... »
Ca, c'est très malin Akina. C'est peut-être la dernière journée que tu passes avec lui. On s'annonce à la porte. C'est un japonais qui a l'air de connaître Sigfried. Tandis que ce dernier file vers la chambre, elle s'apprête à rendre le salut mais se ravise sous les ordres de son maître. Elle sent bien que l'inconnu la dévore du regard, dans l'encadrement de la porte. Elle se sent affreusement gênée et finit par lui tourner le dos. Ils règlent leurs affaires, elle préfère ne pas écouter, salue poliment quand il faut dire au revoir.
Elle entend le détective rire, voudrait bien savoir pourquoi, mais elle ne se sent pas bien. Sous son maquillage, elle est toute pâle. C'est vrai qu'elle n'a pas mangé la veille, son corps réclame justice. Un nouveau sourire pour Siegfried. Un sourire de baronne. Elle se remémore ce qu'il lui a dit sur l'honnêteté, la confiance. Mais si ces deux-là le mettent,lui, en danger. Si Kanzaki décide d'entrer en guerre contre l'allemand, il a les moyens pour, les relations et s'il s'allie à Jack, c'est pire.
« Bonne douche et bonne journée, mon amour. »
C'est la première fois qu'elle l'appelle ainsi. Sa voix en vibre d'émoi. Elle regrette, au final de ne pas l'avoir appelé ainsi plus souvent.
« Je vois Takagi a 12h et puis...j'ai cours, jusque 18h, si je suis en retard ne m'attendez pas pour souper. »
Elle se rapproche de la porte de la salle de bain.
« - Je vous aime, mein Herr. Je ne vous l'ai jamais dit parce que....ca me paraît bizarre mais, je suis heureuse d'être votre propriété. Votre baronne. D'ailleurs, je porte mon collier aujourd'hui. Prenez soin de vous. »
Arrête, pourquoi tu fais paraître ça comme des adieux, tu es folle ! Elle réajuste le foulard autour de son cou, celui qui dissimule le collier de cuir.
« - Vous comprenez qu'avec tout ça, je ne peux pas vous garder comme assistante. Ce ne serait pas sérieux. Mon laboratoire a eu une réputation à tenir. Les petites coucheries entre étudiants, ça va. Mais un professeur. Et surtout, vous laissez prendre avec lui. »
Elle aurait dû s'en douter. Remarque, ce n'est pas la pire nouvelle de la journée et c'est peut-être mieux ainsi.
« - Vous savez l'amour...
-Entre nous, Walker-san. Siegfried est un professeur doué, un collègue presque irréprochable. Mais il a sa réputation. Etes-vous sûre qu'il est capable d'aimer ? Depuis son arrivée ici je ne l'ai jamais vu fréquenter la même femme. Quoique c'est sa vie, je ne lui reproche rien, mais....vous êtes mon assistante.
-Mais moi je l'aime, c'est suffisant, Takagi-sensei, mais étiez-vous satisfait de mon travail ?
-Oui très, vous êtes encore novice mais. Vous ferez une belle carrière si vous vous reprenez.
- Pourrais-je vous demander un service ?
- Je vous écoute. »
Sa main farfouille dans son sac et elle lui tend une petite farde qui contient la lecture de la séquence ADN de Siegfried.
« - Vous êtes plus grand spécialiste que moi, j'ai eu à analyser des échantillons assez étranges lors de mes recherches, pourriez-vous me dire par mail ce que vous en pensez ?
-Mais absolument, Walker-san, je suis heureux de vous voir toujours aussi impliquée. Bien sûr, j'accepte toujours de superviser votre mémoire. Le professeur Reuters comprendra bien aussi.
-Merci »
Elle s'incline poliment, tourne les talons mais :
« - Une dernière chose. Il est venu me voir. Pour...me convaincre de vous garder.
- Quand cela ?
- Tôt ce matin, très tôt. Je me suis peut-être trompé sur son compte, vous savez. Après tout, on ne peut pas prétendre connaître un homme.
- Non, vous avez raison. Faîtes attention à lui, voulez-vous. »
Le souci étant qu'elle commençait à connaître Anton, que rien ne changeait. Dans les couloirs de la fac, elle marchera d'un pas très lent. Quelques regards se posent sur elle, critiques. Elle s'en fiche, n'a plus le coeur à se soucier des autres. Pour la première fois de sa vie, les cours lui paraîtront n'avoir aucun sens. Elle ne prend pas de note, s'isole dans un coin de l'amphithéâtre. Elle surprend une discussion entre deux étudiantes : « Moi aussi j'ai déjà couché avec un prof, mais il faut juste savoir rester discrète. » En remarquant Akina tout près, elles se taisent. Soupir. Agacement. Colère. Elle devrait prévenir Kenneth de son départ. Mais non, tout est de sa faute, s'il ne t'avait pas balancé à Wadamoto. Oublions l'irlandais alors.
A 18h30. Elle est déjà dans le terminal. Pour bagage, elle n'a qu'un sac à main. Son passeport qui ne la quitte jamais, par mesure de prudence et son billet. Elle observe les enfants courir dans l'espace d'attente, capte les différents messages vocaux qui sont diffusés à l'adresse des voyageurs. Plusieurs fois, elle menace de repartir, de rentrer à la maison. Chez Siegfried. De se déshabiller pour lui, de toute oublier sous la violence de sa passion. Peut-être qu'elle mettrait du Strauss, pour danser encore.
-
Il ira donc en cours. Drogué, évidemment. Son sérum fonctionne à plein dans ses veines. Il se sent un peu sous tension, agressif, nerveux. Sans sommeil pour se purger, il accumule les effets du venin. La fatigue qu'il dissimule sans vraiment la guérir se terre dans un coin, et aggrave son mal. Et les événements de la veille n'aident pas à son calme.
Il enchaînera deux cours le matin, un repas, puis un amphi. Une élève, qu'il n'a pourtant jamais baisé, vient le voir à la pause, et lui parlera sur le ton de la confidence de ce qu'elle a vu. Il l'informe qu'il est au courant. Qu'il n'en parlera pas, ça ne mérite pas. Elle partira pas convaincu. Tant pis.
Le téléphone vibre en plein cours. Sans s'arrêter de parler de l'optimisation fiscale des pays du tiers-monde, il consulte son écran. C'est son détective. S'il se permet d'appeler pendant « ses horaires de fonctionnaire », c'est probablement que c'est plus urgent que pour réclamer quelques billets.
-Deux secondes, les enfants. Oui ?
-Tu fais quoi ?
-Je donne un cours à de charmants étudiants étonnamment attentifs.
-Y a un billet enregistré au nom de ta nana.
-... Un billet ?
-Oui, un billet d'embarquement, un truc d'avion quoi !
-Au nom de... ? Ah !
Gros soupir de soulagement. Siegfried a eu peur. L'ascenseur émotionnel redescend.
-C'est rien. C'est pour l'Europe ?
-Euh. Oui.
-Tout va bien. Un mariage, dans quelques semaines.
-... Quoi ? Non, c'est pour ce soir hein.
-Comment ça ?
-Ce soir. Enfin cette après-midi. 19H et quelques.
Douche froide. Brusque remontée. Dépressurisation. Mesdames et messieurs, notre appareil traverse... etc.
-Qui l'a payé ?
-Euh... Attends, bah, c'est un truc à la con. Rah j'l'ai plus... Le prénom ressemble au sien.
-Merci.
Siegfried a déjà raccroché. Il regarde un moment le sol. Il a oublié où il était l'espace d'un instant.
-... On rentre ainsi pile dans le champ de cette loi. Les recettes fiscales non-déclarées au Japon, mais dans ces pays-là, seront donc désormais... comment dire... Attendez, j'ai mélangé mes phrases. Pardonnez-moi, j'ai changé mes notes récemment. Bon. Hm... OK, on va juste passer au plan. Premier paragraphe, les mécanismes d'action directe.
Akina n'aura qu'à se laisser porter par le fabuleux courant des transports en commun. Une horaire est indiquée, avec un lieu. La foule s'y déplace. Elle suivra, tout simplement, surveillée par le chauffeur de son grand-père. Elle passera les portiques et les vérifications de titre. D'ici-là, elle ne peut plus faire marche arrière. Direction l'avion. Aller simple.
Alors qu'elle marche, un gros éclat de voix derrière. Serait-ce Siegfried qui l'appelle ?... Non. Pas du tout. Il y a juste un début de bagarre entre deux personnes, juste à côté du chauffeur qui, tout raide, alterne son regard entre la rixe et Akina, pour être sûr qu'elle ne fasse pas demi-tour. Petit homme noble et raide, sans grande envergure mais probablement plein d'honneur. Les deux hommes sont vites séparés par des passagers, prennent des chemins différents.
Akina ne doit pas avoir d'espoir. Il faut qu'elle le comprenne maintenant.
…
Derrière le chauffeur, pourtant, un homme dépasse nettement. Un costume noir, des cheveux noirs, et deux têtes de plus. Un blanc. Pas plus blanc que lui dans ce pays. Siegfried est là, juste derrière. Le conducteur ne l'a pas vu. Il croise le regard d'Akina, au loin. Nul besoin de courir. Il ne semble pas vouloir la retenir. Il a compris. Il n'y a rien de plus à dire. Il se contente de lever la main en guise de salut, digne. Juste après, cette même main va s'enfermer sur son cou. Elle sait qu'il signifie son collier. Elle ne sait peut-être pas qu'une nouvelle-fois, il se désigne comme lui-même enchaîné.
Il tourne les talons. Disparaît dans la foule.
Revenu chez lui, il aura cassé une chaise. Pur besoin primaire. Il hurlera, aussi. Sa haine est sans limite. Il n'a pas envie de briquer comme un malade jusqu'à ce qu'on puisse faire un banquet d'aristocrate à même le sol. Il veut tuer, faire mal, encore et encore. Rien ne lui paraît plus bandant. Il sait que si Akina était à portée de main, elle prendrait très cher, se ferait salement dégrader, et finirait avec quelques bleus sans doute. Mais si Akina était là, il n'aurait pas une telle rage. Les larmes coulent sur ses joues, mais ce n'est pas une simple peine : C'est de la haine pure et simple qui déborde. Agenouillé, il porte un coup violent contre le plancher. Le bois craque. Ses doigts avec. Le sang gicle en une petite étoile autour de l'impact, huit points de profondeur divergente. Il hurle encore.
Quand le calme sera revenu, il aura pris le bus. Pas pour aller voir un professionnel des planchers amochés, mais pour débarquer chez Jack. Il tentera de rester le plus calme possible, mais l'américain montera vite en pression. Sieg s'en fout. Il envoie chier le sujet d'Akina après s'être énervé dessus pendant dix bonnes minutes. Il peut le traiter d'enculé de boches qui a humilié sa fille, il s'en carre. Il demande quand était la dernière fois qu'il a vu Seika. … OK, là, Jack le prend comme une attaque personnelle, comme si l'allemand faisait le rapprochement avec Akina. Comme cette dernière en a fait mention juste avant, c'était plausible.
Jack se jette alors sur lui. Le poing levé. Comme dans une scène au ralenti, Siegfried a le temps de le voir arriver. Et il en ressent un profond soulagement. Il ne bouge pas. Ne pare pas. N'esquive pas. Il accepte sciemment de se prendre un pain en pleine gueule.
En fait, c'est sans doute pour ça qu'il est venu ici, en premier lieu.
Le coup l'envoie deux mètres plus loin. Il a de l'impact, ce fils de pute. Ekaterina essaie de retenir Jack. Siegfried se relève et lui demande de s'éloigner. « S'il te plaît. On règle ça entre hommes ».
La suite sera cinq minutes d'une violence inouïe. Tandis qu'il s'amochent salement, visant peu la gueule mais tentant pas mal de s'enfoncer la cage thoracique, le bide, et se tordre les membres, Siegfried lui balance tout. Ouai, tout. Non, j'ai pas été Marine. Armée allemande mon con. J'ai vaguement menti sur mon nom. Tout ce que je voulais c'était t'empêcher de frapper ta fille. Tu sais quoi ? J'me suis même pris d'affection pour toi. J't'aime bien connard d'américain de merde. Et ta fille, je l'aime. Non seulement je l'aime mais en plus, j'en ai la propriété. Et tu me l'as retiré, putain, t'as osé. T'as osé. Je l'aime.
Ca se finira avec une violente clé de bras où Jack fini la gueule au sol, complètement paralysée. Siegfried saigne du nez. Ca coule sur son adversaire. Ekaterina est terrifiée.
-Je veux savoir où et comment tu as vu pour la dernière fois ta femme. Je veux que tu me dises qui, si ce n'est ce vieux con d'Akira, pourrait savoir où elle se trouve. Ne serait-ce qu'un indice.
Siegfried s'écroule au sol. Il en avait tellement besoin. Il se sent mieux. Putain, il a mal aux hanches, au bras gauche et au genou droit. La gueule, ça va. Jack sait y faire. Il peste. Grogne.
Il explique qu'il a baisé l'enculé qui a fait ça à Akina. Qu'il a baisé sa meuf. Qu'il a tué pour elle, qu'il recommencera. S'il faut tuer le grand-père, la grand-mère et le prétendant, il le fera. Même toi, Jack : Si j'ai besoin, je te bute. Mais on va me la rendre.
Il aura le nom d'un avocat. Il passera une bonne demie-heure avec lui. Il était tellement à cran, sur la fin, qu'il était sur le point de sortir son arme pour lui foutre sur la tempe. Mais...
-... Ecoutez. Je vais voir ce que je peux faire. Je vous recontacte dans une semaine, sans faute.
Sans faute ? Sans faute. Il voudrait l'embrasser. Il part.
De la semaine, il aura fait cours. Strictement cours. Il arrive à l'heure pile, il part à l'heure pile. Il ne voit plus grand-monde. Il s'accorde parfois une heure supplémentaire pour ceux qui veulent rester dans l'amphi, lui poser des questions et avoir des précisions sur le cours, comme il lui arrive de le faire souvent. Il rentre ensuite chez lui, se terre avec de la musique, un film, fait la cuisine. Sa vie lui paraît désespérément terne. Mais il n'a rien envie de faire.
C'est en préparant un filet de poisson qu'il se rend compte qu'il revient à sa vie précédente. Celle loin avant Akina. Celle où il était seul. Il faisait un travail alimentaire, se shootait avec des produits récupérés et presque frelatés pour survivre, rentrait, ne voyait personne et ne faisait rien. Du tout où il se demandait ce qu'il était, et pourquoi. Avant qu'il n'essaie d'être normal. Enfin... De donner l'impression au monde entier qu'il était normal.
Quatre mails non-lu. Il saute directement sur l'un d'eux.
Je ne sais pas si...si je suis autorisée à vous écrire. Peut-être, mais quelle importance. Nous sommes loin l'un de l'autre. Je peux vous dire, maintenant, que ce n'était pas ma décision. Je déteste avoir l'impression de me justifier. Toutefois, pardonnez à mon père et à me grand-père. Même si je leur en veux énormément. Je crois que, chacun a voulu faire pour le bien de l'autre. Voilà où mènent les sacrifices.
Anton. Mein Herr. Mon aimé. Vous me manquez terriblement. A mon arrivée, il y a trois jours, je suis tombée malade. Je quitte peu le lit, selon le médecin c'est une mauvaise bronchite. Il fait si froid ici, pour un mois de Septembre.
Hiranuma-san a fait sa demande. Ses parents étaient là. Je crois que j'ai dit oui, je ne me souviens plus. Peut-être que c'est mon défaut au final : d'obéir. A mon grand-père, à vous. Je me sens tellement incomplète sans vous.
Votre Scarlett.
Qui vous adore.
Elle est géniale. Putain. Il en pleurerait de nouveau. Il le lira, encore, et une troisième fois. Et prendra la décision de ne pas lui répondre.
C'est plus dur pour lui que pour elle.
Le téléphone sonne. Il se jette dessus.
-Maître ?
-C'est moi.
-Je suis désolé. Je n'ai rien pu faire.
-Vous n'avez rien pour moi ?
-Rien de ce que je vous ai dis de plus. Elle est probablement aux Etats-Unis. Si vous tenez toujours aux poursuites, il va falloir laisser faire la justice américaine qui se chargera de la retrouver pour nous.
-Justement. Vous avez compris qu'on ne peut pas leur faire confiance, sur cette affaire. Les enjeux sont nationaux. Le gouvernement japonais est impliqué.
Siegfried est désespéré. Purée. Pourquoi. Pourquoi !? Après un long silence, l'avocat, la voix hésitant, le relance.
-Par contre.
-Quoi !?
-J'ai pensé à quelque chose. J'ai été réglé après le divorce. Le virement venait des Etats-Unis.
Lumière dans la nuit.
-Je n'en ai théoriquement pas le droit... Mais j'ai contacté Maître Hirotada. Il m'a dit que vous étiez quelqu'un de confiance.
Oui, putain, oui !
-Je peux vous faire parvenir l'acte.
Le temps était gravement compté.
Le jour même, il avait reçu un autre message, qu'il avait dévoré avec empressement.
Je me suis rétablie, première journée de cours à Londres. J'ai porté votre collier. J'ai eu envie, terriblement envie de vous. Grand-papa m'a dit au téléphone de vous oublier, mais je n'y arrive pas. Hiranuma-san m'a certifié qu'il ne me toucherait pas avant notre mariage, qu'il me laissait du temps. Je vais devenir malade si je dois partager la même couche que lui.
Alors, je me suis dit que le mieux était de penser à vous, à ce que vous me feriez. Je ne sais pas si je devrais vous le dire. Toutefois, je rêve de nous, souvent. Vous me menez à l'autel, dans votre uniforme de SS, je suis en robe de mariée, nous passons devant le pasteur et...devant tous les convives, nous consumons notre union à même la chaire des sermons. Vous m'y besognez si rudement que je me réveille d'un coup, humide d'excitation. Je suis obligée de me masturber pour me soulager, et je gémis votre nom.
Votre Freifrau.
Et il s'était astreint à ne pas répondre, une nouvelle fois.
Le pénal n'était pas sa véritable spécialité. Quand bien même défendait-il souvent sur le terrain du criminel, il avait retrouvé une soudain passion pour le droit bancaire. Huit jours de bataille intensive. Il pressait tous ses interlocuteurs. Au Japon, aux Etats-Unis, en Allemagne. Quand le mail d'un inconnu russe atterrit sur son mail, il exulte.
C'était une banque aux Etats-Unis. Le compte avait changé de main, était désormais domicilié ici. Ce n'était pas celui de Seika, non : Il portait le nom d'un militaire.
Re-coups de téléphone, re-mails, re-déplacements. Le lendemain, il a sa réponse. Une base. On continue à tracer. Il déploie des trésors d'ingéniosité. Les quelques mails reçus l'aident.
J'aimerais savoir que vous allez bien.
J'ai écrit à Takagi-sensei, et il m'a dit ne pas vous avoir vu depuis un moment.
J'ai besoin de vous.
Votre Scarlett.
Une date a été arrêté pour le mariage. Pour dans dans trois mois. Il se fera au Japon. A Tokyo.
Hiranuma m'a embrassé pour l'occasion, j'ai cru que....et puis, j'ai fait comme si c'était vous.
Dîtes-moi,vous savez, un mot de vous et je laisse tout tomber, je prends la fuite. J'ai encore de l'argent de côté. Donnez-moi une ville, et je m'y rendrai.
Votre Scarlett.
Elle est merveilleuse. Il doit tenir.
Le bail d'une maison a changé de main pile deux semaines avant la disparition de Seika. Trop facile.
Il n'y a plus qu'à rentrer aux Etats-Unis. Grosse maladie. Il s'amochera volontairement la mâchoire avant de consulter. Comment fait un prof qui ne peut pas parler ? Il demande deux semaines d'arrêt. Jackpot. Un billet pour le Canada. Quel beau pays, le Canada.
-Bonjour.
L'inconnu était mignon. Probablement pas un américain, au vu de l'accent.
-Excusez-moi de vous déranger. Je cherche, euh...
Il regarde gauchement sur une carte, qui s'envole à cause du léger vent chaud.
-St James.
La personne tenant le volant lui sourit, puis lui fait signe de monter, un peu blasée, elle peut bien faire cette concession. Elle y habite. Coïncidence ! Génial ! Il monte alors dans la voiture. Merci, madame, merci. Sans vous j'aurais continué à marcher... Purée, le Nevada. On ne l'y reprendra pas.
-Vous venez d'où ?
-De loin. Trop loin. Et vous ?
La conductrice fronce les sourcils, se renfrogne visiblement.
-De même.
-Ca se voit. Japonaise ?... J'ai visité le Japon. C'était... quelque chose. On m'y a raconté une histoire. Je peux ?
Elle acquiesce, sans conviction, tandis que l'étranger consulte ses mails. Il en a reçu un il y a quelques temps. Il regarde la date. Merde. Ca presse. Deux secondes, demande-t-il. Il lit le mail... Oh.
Si cela veut dire que je dois arrêter de vous écrire, que vous m'en voulez.
Très bien.
Je vais ai joint dans ce mail, un dernier cadeau. Profitez-en, ca me fera plaisir, j'ai pris plaisir à le confectionner en tout cas. Je ne vous importunerai plus de mails après cela.
Votre(?) Scarlett.
Pièce Jointe : Vidéo004 (Durée, 10 minutes. Décrivant Scarlett dans une chambre d'ancien style, en train de se déshabiller, et de fil en aiguille, danser, se toucher. Elle porte son collier de cuir)
Il voudrait s'arrêter, maintenant, le lire, se branler, peu importe, putain. Il se contient.
-Je disais. C'est l'histoire d'un type qui... enfin, un type, ou une nana, peu importe. Bref. Un jour... Un jour, rien ne va plus dans sa vie. Alors il, ou elle, plaque tout. Presque obligé, vous voyez. Et... Hm. Il doit reconstruire une identité. Et plus cette personne avance dans la vie... Comme moi dans ce désert, 'voyez, et plus la personne se rend compte qu'elle n'arrive pas à ne pas regarder vers le passé. Quoiqu'elle fasse, quoiqu'il lui arrive, c'est son « avant » qui reste gravé. La personne regrette, normal. Elle se dit qu'elle aurait dû se battre plus. Mais... Non, au final, la personne se résigne. C'aurait été inutile de se battre plus. Des choix ont été faits, il faut s'y tenir. Cesser de regarder vers le passé, et se tourner vers l'avenir.
Une pause. Il tapote un peu sur son téléphone, puis la regarde de nouveau. Il lui tend un papier, qu'elle lira nerveusement en tenant son volant, sans prendre en compte la route, une longue ligne droite de toute façon.
« Je suis le petit ami de votre fille. Elle m'a été enlevée. Je veux qu'elle me revienne. Aidez-moi. »
-Hm... Ouai. Enfin. Bon. Je sais pas pour vous... Mais j'ai jamais été fan des histoires à morale.
Quelques secondes avant, Akina avait reçu un mail d'une adresse inconnue. Elle pensera sans doute au Spam, et c'est légitime.
[email protected]
Subject : Where am I born ?
« L'exploit de Magellan a prouvé, une fois de plus, qu'une idée animée par le génie et portée par la passion est plus forte que tous les éléments réunis et que toujours un homme, avec sa petite vie périssable, peut faire de ce qui a paru un rêve à des centaines de générations une réalité et une vérité impérissables. »
- From Wikiquote
-
A la fin de la lecture du message, la conductrice donne un coup de volant brusque, se déporte sur la bande d'arrêt d'urgence et freine brutalement. Décidément, mère et fille aurait bien la même conduite : suicidaire. Elle rejette le mot sur le tableau de bord,passe une main dans son propre dos, au niveau de la ceinture afin d'extirper un Beretta, du calibre de ceux qu'utilisent les militaires américains. Elle le pointe sur Siegfried, alors qu'ils sont toujours dans le véhicule.
« - Descendez. Faîtes semblant de regarder le pneu arrière droit. Au moindre faux geste, je laisse votre cadavre sur le bord de la route. ».
Il se sera exécuté qu'elle le suit en quatrième vitesse. Elle contrôle d'un regard les alentours puis tire dans le pneu. Oups une crevaison, ce charmant autostoppeur peut bien l'aider à réparer. Ils pourront parler. La quarantenaire range l'arme de service dans sa ceinture, sous son chemisier pâle. Elle ne ressemble pas à Akina, enfin si : le regard, clair, grand et quelques mimiques peut-être. Et elle songe à sa fille tandis qu'elle extirpe du coffre, une roue de secours.
« - Je n'ai pas le droit de vous parler, et surtout pas de ça. »
Passons sur le comment l'a-t-il retrouvée. Elle a un devoir de réserve, une interdiction stricte de ne plus retourner à ses affaires passées. Elle a signé, c'est dans le contrat. Propriété du gouvernement américain. Toutefois, merde, il s'agit de sa fille. Dont elle n'a plus aucune nouvelle depuis trois années, bientôt quatre. Et voilà que son petit ami débarque ?
« Que se passe-t-il avec Akina? Elle va bien ? Elle est en danger ? »
L'instinct maternel refait immédiatement surface, elle va mourir d'inquiétude si elle n'a pas d'explication dans les secondes à venir.
Trois semaines plus tôt.
Elle aborde l'Europe pour la première fois de sa vie. Les douaniers sont assez formels, elle passe les portes de sortie avec une foule d'autres voyageurs. C'est Takeshi qui l'attend de l'autre côté, il la reconnaît tout de suite. Elle est belle, radieuse même mais trop peu vêtue pour la saison anglaise. Galant, il se débarrasse de son imperméable et le dépose sur les épaules dénudées d'Akina.
« -Heureux de te voir. Bienvenue à Londres. »
Il n'y tient plus et lui embrasse le front.
« - Tu as fait bon voyage ?
-J'ai faim...
Oui, une voiture nous attend, mais on peut faire un détour par...un fast-food, tu aimes ça ? »
En l'état actuel des choses, elle mangerait n'importe quoi ou presque. La tenant toujours par les épaules, il la guide vers un petit restaurant dans la galerie commerciale de l'aéroport. Elle avale tout ce qu'il aura commandé : le sandwich, les frites, et même un cupcake au chocolat.
« - Grand-papa t'a tout raconté je suppose ?
-C'est pas comme si je ne savais pas que tu couchais avec cet enfoiré.
-Je ne te permets pas de parler de lui comme ça, s'agace-t-elle rapidement.
-Mais tu vas être ma fiancée, maintenant. Ma chérie, il va falloir accepter que l'idée de te partager m'est insupportable. Viens, la voiture nous attend. »
L'air humide et frais du Londres pollué agresse ses poumons. Elle est frigorifiée même dans l'imper' prêté. Hiranuma pressera le pas pour qu'elle puisse se réfugier dans la voiture. Hélas, le mal sera déjà fait. Le soir même, un médecin est dépêché d'urgence dans un hôtel particulier londonien, là où loge Takeshi. Il examine la patiente, lui diagnostique une bronchite, mauvaise acclimatation, rien de grave. Du paracétamol pour la fièvre, du sirop pour la toux. Pas besoin d'antiobiotiques pour le moment, elle va s'en remettre. Mais au lit, pour quatre jours au moins. La température la fait délirer, plusieurs fois elle réclame Anton. Anton ? C'est qui ? Le jeune avocat décide d'ignorer les délires de sa promise, la veille quand il le peut. Comme première arrivée, il espérait mieux.
Deux jours plus tard, elle est pratiquement remise. Acculé par son travail, le japonais a temporairement engagé une infirmière à temps plein pour s'occuper d'Akina. Il y a bien une domestique aussi, une pure anglaise : vieille et rêche qui ne lui parle presque jamais. Le soir même, elle doit rencontrer les parents de Hiranuma-san au cours d'un dîner. On lui aura acheté une robe de soirée afin d'être présentable au Ritz de Londres. Elle a encore un peu de fièvre, mais la gouvernante l'a pressée, coiffée, habillée, forcée à avaler une cuillère de sirop.
Elle sera un peu perdue en demandant la table réservée au Hiranuma. Mais bien sûr, Mademoiselle, par ici je vous prie. Sa robe couleur beige traîne au sol et le serveur l'installe aux côtés de Takeshi, face à ses futurs beaux-parents. Le front d'Akina brille un peu. Elle a chaud.
La demande sera impeccable, genou au sol, discours romantique, bague coûteuse, applaudissement de la haute-bourgeoisie venue souper.
Non.
« Oui... » soupire-t-elle d'une voix tremblante, un sourire contraint aux lèvres avant que le japonais ne lui passe le bijou au doigt.
« -Alors, Akina-san, vous allez reprendre vos études de biologie ici-même ? Demande le père.
-Oui...
-Vous ne mangez rien chère fille, s'inquiète la mère en ayant lorgné sur l'assiette encore pleine et froide.
-Euh...non... »
Walker n'aura pas beaucoup de conversation ce soir-là. Entre l'amertume et la bronchite, elle tousse plusieurs fois dans sa serviette, le plus élégamment possible. Quelle malédiction. Finalement, elle exigera de rentrer à la maison, elle ne se sent pas bien, s'ils veulent bien l'excuser. De retour à l'hôtel particulier, on leur sert du thé qu'ils prennent dans la bibliothèque qui fait également office de bureau à Takeshi. C'est là, explique-t-il, qu'il reçoit ses clients. Il n'a pas voulu remeubler l'endroit de manière moderne, le style victorien rassure les britanniques qui passent s'offrir ses services. Assise sur un fauteuil, toujours en robe de soirée, elle sirote le breuvage en silence, l'écoutant parler.
« - Mais, rajoute-t-il, je vais bientôt acquérir un manoir dans le Yorkshire, nous nous installerons là-bas, loin de la ville et ses tracas.
-Et mon travail ?
-Pardon ?
Une quinte de toux retarde sa réponse, et elle s'exprime d'une voix enrouée :
-Je compte travailler après mes études.
-C'est de cela dont je voulais te parler. Tu n'en auras pas besoin. Tu pourras t'occuper, jardiner dans le parc, être ma secrétaire, nous serons une équipe.
-C'est une plaisanterie ? »
Il ne plaisante pas. Elle dépose la tasse de thé sur une petite table, se redresse afin de prendre congé de lui. Il essaie de la retenir, mais non. Elle en a trop entendu. La porte claque derrière elle, les murs ont tremblé. Puis elle monte les escaliers jusqu'à sa chambre privative, le seul endroit où il n'entre pas, défait son chignon, quitte sa robe coûteuse et s'effondre dans le lit. Siegfried lui manque terriblement. Elle se promet de lui écrire le lendemain, car il est impossible de faire sans. Ces trois derniers jours sont éprouvants. Elle a dû en premier lieu prévenir Marisol qu'un colloque scientifique à Londres l'a empêché d'être présente avant leur départ pour Tokyo. En échange, elle reçoit les dates pour le mariage à Vienne, parfait.
« Je suis le professeur Alfred Miller, spécialiste en nanobiologie et protéomique. J'ai reçu votre dossier de l'université de Seikusu, vous n'avez que d'excellentes recommandations. Je connais bien Chris Reuters, un vieux camarade de fac. Je vous souhaite la bienvenue. Niveau administratif, ce sera compliqué, nous n'avons été prévenus de votre arrivée qu'il y a quatre jours. Il va falloir être patiente... »
Et le discours se poursuit sans qu'elle n'y soit totalement attentive. Elle finira par regagner le haut de l'amphithéâtre et le cours débutera sur les connexions intercellulaires dans l'organisme humain. Deux ou trois camarades vont tenter de l'intégrer, mais elle prétexte avoir du travail ou un rendez-vous chez le médecin ; elle déteste l'Angleterre. Hiranuma n'a pas souhaité qu'elle prenne les transports en commun, elle a un budget pour les taxis et doit s'en servir. Les trajets se résument à la faculté et au domicile du notaire.
« - J''ai parlé à tes grands-parents. Nous nous marierons en hiver, en Janvier après le Nouvel An. »
Ensemble à table, ils prennent leur petit-déjeuner, face à face. L'annonce ne lui fait pas grand-chose ; extérieurement, elle demeure de marbre bien qu'à l'intérieur une foule de sentiments s'agitent. D'un autre côté, Anton ne répond pas à ses mails, elle se sent seule et isolée. Elle se fatigue à lutter.
« -Où donc ?
-Tokyo. Selon les rites shintoïstes, je ne suis pas fervent, mais Akira-sama semble insister.
-Mh. »
Elle est protestante, mais qui s'en préoccupe ? Elle avale une bouchée de toast à la confiture, qu'elle accompagne d'une gorgée de café.
« -Tu ne dis rien ?
-Parce que mon avis intéresse encore quelqu'un ? Rétorque-t-elle de manière assez désagréable.
-Tu devrais changer de ton, Akina. Beaucoup de femmes rêveraient d'être à ta place, tu sais.
-Alors je leur laisse ! S'écrie-t-elle en froissant sa serviette pour la jeter sur la table, excédée. »
La chaise est repoussée et la métisse prend le chemin de la sortie. Toutefois, Takeshi est plus rapide. Il lui saisit fermement le bras pour la retourner face à lui et l'embrasse. Sous le baiser, elle suffoque, le repousse avec un regard consterné avant de fuir dans le salon. Elle a du travail et ne préfère pas être dérangée.
Après une heure de route, ils atteignent le domicile de Seika. Une petite maison à St-James, au porche fleuri. Elle vérifie que l'accès est libre et invite Siegfried à la suivre. Elle referme aussitôt la porte derrière eux, toute pâle. Un verre d'eau est proposé au prussien. Elle s'en excuse, elle n'a qu ça. Elle devait faire les courses ce matin, mais un contre-temps l'en a empêché. L'intérieur de la bâtisse est impeccable, un peu trop : on croirait à une maison témoin.
« -Venez, asseyez-vous. » propose-t-elle en lui indiquant un siège dans le salon. L'ex-femme de Jack, elle, s'installe sur le canapé en face de lui. « Je ne peux pas revenir. Même si, je ne m'attendais pas à ce que....papa puisse aller aussi loin. Pauvre Akina, c'est de ma faute. Je la pensais assez grande pour s'en sortir. Et Jack...» Elle plaque une main contre sa bouche, retient un sanglot d'émoi avant de se reprendre. La japonaise va se pencher pour atteindre la main d'Anton, la serrer dans la sienne.
« - Vous m'avez parlé du mariage de Marisol à Vienne, oui je pourrais y aller. Ici, personne ne fera le rapprochement. C'est moins risqué que si je retournais au Japon. »
« -Akina ?
-Oui, désolée vous disiez Lord Flintshire ? reprend la métisse après avoir délaissé son téléphone de côté. Elle espérait avoir une réponse de Siegfried, à la place, elle n'a reçu qu'un courriel spam, assez étrange d'ailleurs. Elle était sur le point de le supprimer, mais Hiranuma vient de la rappeler à l'ordre. Ils sont en plein souper avec Flintshire, ça peut attendre ses histoires de mails, non ?
-Je disais que l'oeuvre de Zweig est...considérable. Dommage qu'il soit autrichien.
-Pardon, Zweig ?
-Ah vous êtes une scientifique, Lady Hiranuma, vous ne pouvez pas être littéraire....c'est. ;.
-Euh, excusez-moi, mais je ne suis pas encore mariée, mh. Miss Walker suffira. »
Regard noir de Takeshi qui soupire.
« -Oui, pardonnez. Zweig est un auteur de grande renommée. Il est mort à Pétropolis, suicide au Véronal. Ainsi meurent les grands talents je suppose.
-Lord Flintshire est passionné de littérature, complète Hiranuma.
-Ah oui...oui... »
Et la soirée se poursuit sur, ce qui paraît être aux yeux d'Akina, des futilités. Les deux hommes échangent des banalités, parlent affaires. Le décès de la duchesse untel a marqué l'aristocratie britannique, et ses héritiers sont déjà sur les dents. Ce serait un bon contrat. Alors, elle se remémore le petit-déjeuner chez les Kanzaki, quand Siegfried avait rétorqué défendre la veuve et l'orphelin. Elle se surprend à sourire : défendre la veuve et l'orphelin, c'est tellement son genre à Von Königsberg. Peut-être qu'elle n'a jamais pris la peine de le voir sous un autre angle, au final. Qu'elle lui a volontiers prêté plus de vices qu'il n'en possède. Elle se trouve injuste.
Au moment du coucher, après que la gouvernante ait terminé de préparer sa chambre et que Hiranuma lui ait souhaité une bonne nuit à travers la porte, elle relit le mail étrange. La citation est très belle ; l'adresse de l'expéditeur finit par attirer son attention. Veronal, Petropolis. Elle fronce les sourcils, saute hors du lit et effectue une recherche sur le navigateur web de son iPhone. La citation est bien de Zweig. Où suis-je né ? Vienne.
Vienne.
Le mariage de Marisol. Elle écarquille les yeux, puis fond en larmes. C'est lui, Anton. Il lui a écrit le message. A tout le monde, elle veut y croire. Un dernier message lui sera envoyé :
« Es war einmal ein treuer Husar,
Der liebt' sein Mädchen ein ganzes Jahr,
Ein ganzes Jahr und noch viel mehr,
Die Liebe nahm kein Ende mehr.
Der Knab' der fuhr ins fremde Land,
Derweil ward ihm sein Mädchen krank,
Sie ward so krank bis auf den Tod,
Drei Tag, drei Nacht sprach sie kein Wort.
Und als der Knab' die Botschaft kriegt,
Daß sein Herzlieb am Sterben liegt,
Verließ er gleich sein Hab und Gut,
Wollt seh'n, was sein Herzliebchen tut »
Elle fredonne en même temps qu'elle écrit, son accent est un peu trop haché. C'est l'émotion. Elle ne sait pas trop où elle a découvert cette chanson, au détour d'une recherche internet sans doute.
« -Tu sais, Takeshi. Ma meilleure amie, Marisol se marie dans une semaine. Je suis sa demoiselle d'honneur.
-Vraiment ? Quelle bonne nouvelle. Où ça ? »
Il lui parle sans la regarder, les yeux rivés sur le journal quotidien. La table est garnie d'un petit-déjeuner à l'anglaise auquel ils n'ont pas encore touché.
« -Vienne. Répond-elle timidement. Elle compte sur moi.
-Nous réserverons un billet alors.
-Je préfère y aller seule, elle ne te connaît pas et je n'ai pas envie qu'elle soit mal à l'aise. Je serai avec elle.
-Ton grand-père a été clair, tu ne voyages pas seule.
-Je t'en prie, Takeshi. J'en ai besoin, si tu veux m'épouser c'est que tu m'aimes non ? Siegfried aurait fait ça pour moi, lui. »
Et le poisson mord à l'hameçon. L'idée qu'il puisse être comparé à l'allemand frappe son orgueil. Il replie le journal, se sert du café puis sourit à sa promise.
« -Parfait, tu auras un vol demain pour Vienne. Tu pourras passer la semaine avec ta meilleure amie. Mais à ton retour, j'attends un peu plus de reconnaissance et d'enthousiasme de ta part.. »
Sitôt l'accord passé, elle se dépêche de prévenir Marisol. Oh c'est génial, exulte l'hispanique. Tu pourras dormir chez les parents de Franz qui nous accueillent. Et Siegfried ? Merde. Et bien, Siegfried, il la rejoindrait plus tard. Il prendrait un hôtel, enfin bref. La mannequin gobe les explications peut claires, précise à son tour qu'une voiture viendra chercher Akina à l'aéroport. Elle fait bien de venir à l'avance, pour l'essaye des robes des demoiselles d'honneur. Les trois autres sont autant de copines d'enfance qu'elles ont côtoyé. D'anciennes cheerleaders, américaines également.
-
Il aura réussi. Il a eu le malheur de douter. Et pourtant... Pourtant. On lui a toujours inculqué, de tout temps. « Les Von Königsberg n'ont jamais échoué dans les tâches qui leur ont toujours incombé, mon fils ! », « Un prussien, Herr Anton, a la réussite comme unique but. C'est pour cela que nous sommes plus durs, plus exigeants, plus rigides : Pour arriver à tout ce que nous entreprenons. », et, évidemment, « Un SS doit vaincre, ou mourir. Il n'y a pas d'entre deux, Junker. »... Il s'était pris à douter, néanmoins. La culture du succès lui avait échappé un moment, il s'imaginait échouer, ne plus jamais la revoir, devoir échafauder un autre plan, quelque chose de plus sophistiqué. Finalement, à force de sueur, de fatigue, et d'hormones nazies, il aura réussi.
Il lui explique tout. Seika est la seule à pouvoir tout changer, tout réorganiser. Rappeler qu'Akina a une vie propre à elle. Sinon, que lui arrivera-t-il ? Elle finira comme Seika, point. Jack a besoin de Seika, Akira a besoin de Seika, Akina... n'en parlons pas. Par conséquence, Siegfried a besoin de Seika.
Il restera un moment avec elle, lui parlera et l'écoutera. Il se renseigne sur sa vie, elle fait de même. Elle veut savoir si Akina va bien, naturellement, ce que devient Jack, etc. Il ne tarit pas d'éloge sur la première ; il nuancera la vérité pour le second.
Il lui demandera ensuite s'il peut dormir avec elle. Pardon, chez elle. Une correction hâtive d'une faute involontaire, ou presque. Il lui dit qu'il veut faire la cuisine, ce qu'elle refuse évidemment : Elle est son hôte. Non, il a envie, s'il vous plaît.
Evidemment qu'il la drague, même sans le vouloir. C'est la mère d'Akina, ce qu'il y a de plus proche d'elle, et quand bien même elle ne lui ressemble pas, elle est plutôt attirante. L'âge n'est pas une limite. Au contraire... Peut-être répond-elle à cette légende (qui n'est vraiment qu'une légende) comme quoi la quarantaine serait l'âge d'or de la luxure. Et plus il est avec elle, plus la pression inhérente à sa délicate mission redescend... et plus il redevient lui-même. Un clébard à l'affût du moindre cul. La cuisine à deux (puisque c'est le compromis trouvé) sera son prétexte pour de nombreux contacts et allusions. Il parle bien anglais... Mais se débrouille mieux en japonais. Il passera donc dans cette langue. Sans doute Seika sera-t-elle ravie de pratiquer de nouveau, si elle n'en a plus l'habitude.
Son portable vibre pendant qu'il découpe des tomates. Il demande à l'exilée de le sortir de sa poche pour l'examiner. « Un mail », dit-elle en lui montrer l'écran. D'une phalange, il tape son code pour le déverrouiller. Akina. Akina. Akina. Il passe vite ses mains sous l'eau et les essuie pour récupérer son téléphone, et lire le message.
Cette chanson. Il la connaît évidemment. Les chants de soldat se transmettent de générations en générations, et même la Waffen-SS a pu récupérer les rengaines de l'armée régulière, d'autant plus que la première génération de SS avait pour obligation d'avoir servi dans l'uniforme vert avant de prétendre au noir.
Il doit conjurer l'histoire, et la retrouver avant qu'elle ne soit mortellement malade. Il ne sera pas le hussard de cette chanson.
Ils mangent sur un canapé, dans une ambiance plus intimistes qu'à table. Il lui reprécise la date du mariage. Elle dit qu'elle posera des congés en urgence, et qu'au pire, elle prétextera une saturation du travail, un besoin de vacances. Elle lui propose ensuite son lit, pendant qu'elle dormira sur le canapé. Il refuse. Elle insiste. Non. Il lui rappelle qu'il est un ancien soldat, qu'il a galéré depuis le Canada pour venir ici, qu'il a vécu pire. Elle lui dit que c'est justement une bonne raison pour accepter un lit. Il reste catégorique. Il ne bougera pas. Elle non plus. Hm.
Elle a sans doute l'impression de perdre les pédales. Peut-être le frisson de retrouver sa vie passée qu'elle pensait avoir définitivement enfouie. Une joie inhabituelle l'anime en précise d'un étranger complet. Elle est assaillie par le doute, aussi : Et si tout était faux, et que c'était un test de son travail ? Elle panique un instant. Lui dit qu'elle accepte de prendre le lit. Ils regarderont un peu la télé en parlant, et elle ira se coucher. Il est claqué. Elle aussi.
En pleine nuit, une présence le réveille. C'est elle. Elle est dans une nuisette – il est sûr d'avoir déjà vu Akina dans une nuisette similaire. Elle s'assied près d'elle. Pris de court, mal réveillé, il ne trouve que ça à dire. Elle lui sourit, un peu gênée, et lui dit qu'elle l'a mise exprès pour ce soir, et que ce ne peut pas être une coïncidence. Il croit rêver. On dirait une adolescente qui flirte. Elle a perdu la tête. Elle s'allonge, dos à lui, ramène le bras nu du capitaine sur elle. « Comment vous appelle-t-elle ? » Il demande précision. « Dans l'intimité. Comment vous appelle-t-elle ? » Elle s'attend peut-être à un joli qualificatif, bébé, amour, trésor, mais lui ne peut que dire la vérité.
-Mein Herr. Ca signifie « Mon Seigneur ». Plus rarement, elle m'appelle Maître.
Seika est soufflée, mais comprend vite. « Ainsi, vous êtes... » elle ne termine pas sa phrase, se contente de coller son bassin au sien, en le remuant doucement. « Dois-je vous appeler Mein Herr aussi ? » Il répond que non, sans trop de conviction. Elle soupire d'aise, et s'amuse à le taquiner. « Tout va bien, Mein Herr ? » Il ne peut contenir son excitation. La suite sera floue. Il croit se souvenir de l'avoir caressée, puis prise dans la même position. Elle aura ensuite finie en-dessous de lui, complètement allongée, pour subir ses assauts violents, pour il aura continué en lui mettant la face au sol, besognant le reste sur le cuir. Elle aura ensuite été couchée sur le tapis pour prendre son foutre dans la bouche, pendant qu'il la caressait intensément entre ses cuisses grandes écartées.
Elle dira dans ses bras qu'elle n'avait pas fait ça depuis longtemps. Le sexe, parfois, ça lui arrivait. C'était jamais grandiose. Peut-être était-ce parce que ses émotions étaient mises à l'épreuve qu'elle avait été autant excitée. Elle lui redira qu'elle est un amant exceptionnel.
Et il s'était rendormi, assommé.
Réveillé par une main sur son épaule, avec une solide érection par ailleurs.
-Debout, jeune homme.
-Hmmm...
Il est sur le côté, la couverture est en place. Non, il n'a pas couché avec cette nuit. C'était juste un produit de son imagination. Il a fantasmé sur la mère de son esclave. Tout... tout va bien.
-Je peux vous faire confiance pour garder la maison ? Ne touchez pas au téléphone, n'utilisez pas le wifi. Je ferme à clé. Si vous sortez, mieux vaut passer par une fenêtre à l'étage et sauter. Evitez de fouiller.
Il promet. Il saura s'occuper sagement.
-À ce soir, Mein Herr.
Elle rit, puis sort. Lui restera coi un bon moment, essayant de se remémorer ses souvenirs. Il n'a pas pris son injection hier soir, et, comme d'habitude, sa mémoire déconne complètement, et son sens des réalités est altéré. Est-ce qu'il l'a sauté ? Est-ce qu'elle vient vraiment de dire ce qu'elle vient de dire ? Il est temps de se piquer. En vitesse.
Et de regarder cette vidéo qu'Akina lui a envoyé. Il déborde de désir, il faut qu'il se purge.
Il passera une semaine avec elle. Il a vraiment l'impression qu'elle flirte. Lui reste sur ses gardes, jouant avec elle comme elle joue avec lui, sans jamais aller trop loin. Il pense qu'elle veut qu'il se jette sur elle, pour voir. Il refuse de faire quoi que ce soit de déplacé.
Elle lui aura triomphalement annoncé qu'elle avait son congé. Il part au bout de quatre jours. Lui dit qu'il l'attendra dans un lieu précis de Vienne. Si elle peut se permettre un direct Etats-Unis > Europe, lui doit retourner au Canada. Elle lui prêtera de l'argent, il est à court. Il dit qu'il espère la voir au jour prévu. Au moment de partir, il fout son gros sac de voyage sur l'épaule, se rapproche d'elle, et l'embrasse.
Vraiment. Sur les lèvres.
Pur réflexe. Il se recule avec gravité, explique que c'est à cause d'Akina, qu'il ne voulait pas, balbutie comme un gosse. Elle se contente de le fixer, puis se moquera de lui. Il part avec la ferme impression que la mère est un sacré specimen, et que la gamine, au vu de ses deux ascendants, a sérieusement de qui tenir.
Au lieu dit, ils se retrouvent. Il est ravi de la voir. Il a l'invitation transmise par Marisol avant qu'il ne parte. Un trésor, cette nana. Si ce n'est le message quelque peu équivoque qui accompagnait le carton. Ca l'aura au moins amusé.
Il avait gardé dans son sac un costume de circonstance... plus ou moins. Le costume allie l'ancien et le nouveau : Il a la coupe ajusté des productions modernes, allié à quelques éléments franchement datés, tel le plastron old school ou le col à l'ancienne. Il aura raidit sa coupe de cheveux sur le côté. Un chapeau panama gris foncé complète le style années 30.
Il arrivera au mariage. Petite sauterie très enlevée, parfait. Seika a mis une robe magnifique. Il est fier de l'avoir à son bras. Deux heures avant, il avait envoyé un mail de son adresse fantôme :
« Time to leave now, get out of this room, go somewhere, anywhere; sharpen this feeling of happiness and freedom, stretch your limbs, fill your eyes, be awake, wider awake, vividly awake in every sense and every pore – Stefan Zweig. »
Il montre son invitation. Elle est nominative. L'employé lui fait remarquer. Il précise que cette charmante lady est la mère de la demoiselle d'honneur, et que c'est une surprise. L'autre concède et les laisse entrer, précisant qu'il doit prévenir Monsieur. Non. Non, vraiment, non. Un billet aidera à le convaincre. Et ils entreront.
-Nous devons rester discret. Si il y a la famille d'Akina dans le coin... Je me fais tuer. Et j'aimerais bien lui faire la surprise. Je suis un fanatique de la mise en scène. Venez... On va vous trouver un coin tranquille, et je vais m'arranger pour la dénicher.
-
Le lendemain, son avion est à 7:00, elle n'a pas beaucoup dormi. Sa valise est préparée par les bons soins de la gouvernante anglaise qui, toujours sans un mot, l'accompagnera à l'aéroport. Après un vol de quelques heures, l'appareil atterrit enfin à Vienne où un chauffeur la prendra complètement en charge. Il a d'ailleurs fait une faute à Walker sur sa pancarte, en écrivant Valker. Peu importe, elle le remercie tandis qu'il prend ses bagages. Sur le trajet, il annonce que Monsieur et Madame d'Auersperg habitent encore le palais construit par leurs ancêtres. Elle ne s'attend pas à découvrir un château en plein Vienne. En descendant de voiture, son minois se lève sur l'imposante bâtisse qui n'a pas pris une seule ride, témoin du passage inéluctable du temps. Plusieurs véhicules sont garés dans l'allée : principalement des fournisseurs, traiteur, fleuriste et beaucoup d'employés s'activent à décorer l'entrée principale du palais.
Elle arrivera dans leur indifférence générale. Le chauffeur patiente avec elle au milieu du grand hall jusqu'à ce qu'une voix soit émise depuis la galerie de l'étage.
« AKI ! »
C'est Marisol qui dévale les escaliers à grande vitesse, manquant de se rompre le cou. Elle s'engouffre aux creux des bras de sa meilleure amie, soulagée de la voir. Franz et ses parents suivront décemment. Ils saluent la jeune métisse à tour de rôle.
« Mademoiselle Walker, soyez la bienvenue. » introduit la mère Auersperg, dont la blondeur des cheveux – virant au platine, est définitivement plus naturelle que celle d'Akina. Elle porte un tailleur élégant assorti d'un chapeau à larges bords. Son époux paraît plus sévère, comme tous les époux au final et ressemble à son fils. « Nous vous avons préparé la chambre verte au premier étage, dans l'aile des femmes. Ce soir, nous organisons une réception en l'honneur du mariage. Nous ne manquons jamais l'occasion de faire la fête. »
Oh non, par pitié, pas encore une soirée. Elle en a assez soupé à Londres. Walker supplie Marisol d'un regard et cette dernière, comprenant la détresse de son amie hausse les épaules avec un air navré. Elles n'y réchapperont pas.
«Vous serez des nôtres ?
-Mais absolument...soupire-t-elle en souriant. »
Avec le temps, se faire une façade agréable et mentir devient un peu comme une seconde nature.
« -Merveilleux. Bien, nous vous laissons. Un vernissage nous attend. Bonne journée. »
Et la maîtresse des lieux repart avec Monsieur, faisant – au passage, quelques remarques aux ouvriers sur l'emplacement des fleurs. Franz leur fausse élégamment compagnie, sur le prétexte d'une réunion à l'ambassade, embrasse la main de sa fiancée pour disparaître ensuite. Alors celui-là, pense Scarlett, est encore plus louche que d'habitude.
« - J'ai prévu une sortie shopping ! »
Au moins Marisol, elle, ne changerait jamais. Elles passent donc la journée entre filles, comme au bon vieux temps. Les magasins, les restaurants, les rires et les bavardages insouciants. C'est une véritable bouffée d'air pour la métisse. Évidemment, elle évite habilement toutes les questions dont Marisol la presse à propos de Siegfried. Pourquoi ne sont-ils pas venus ensemble ? Et cette bague là, à son doigt, c'est de lui ? Mais non, que va-t-elle s'imaginer, la rassure Akina. C'est une bague de sa grand-mère, offerte à l'occasion d'un anniversaire de famille. D'ailleurs, elle aurait dû enlever cette foutue bague de fiançailles avant de regagner Vienne, mais le risque que Hiranuma s'en aperçoive, ou la gouvernante était trop important. Elle compose avec maintenant.
La salle de bal du palais est bondée ce soir-là. Un buffet a été dressé au fond, les convives se ruent déjà autour. Que l'on soit riche ou pauvre, l'appel du ventre est toujours une constante. Les futurs mariés sont le centre d'attention de tous. On les prend en photos, les questionne:même la presse spécialisée dans les affaires de noblesses est là pour interroger l'héritier d'Auersperg au sujet de sa dame, les circonstances de leur rencontre. Et dans son coin, Scarlett rit à l'idée que Franz puisse enjoliver la version des toilettes de l'aéroport.
« Pourquoi riez-vous, Mademoiselle ? »
La voix vient de s'élever dans son dos. Elle ravale soudainement son rire et se retourne pour découvrir le portrait agréable d'un jeune homme de son âge, blond comme les blés, avec un regard qui lui paraît familier. Elle en rougirait presque si ce n'est son fard à joue qui cache efficacement son trouble. Il parle parfaitement anglais, langue dans laquelle il s'est adressé à elle.
« - Je...je pensais à quelque chose. Rien d'important.
-Moi qui trouvais cette soirée ennuyeuse, j'espérais trouver là une opportunité de....me divertir. »
Il lui tend alors une coupe de champagne qu'elle accepte allègrement, en le remerciant. Ils trinquent sans même savoir le nom de l'autre, entérinent la chose d'une gorgée. Elle avise l'uniforme qu'il porte, sensible à son port. N'étant pas grande connaisseuse des accoutrements militaires, elle pensera tout naturellement à un officier autrichien. Il la complimente poliment sur sa tenue ainsi que sa coiffure valorisée par un diadème brillant. En réalité, il rendra surtout hommage à ce corset rigide dont les baleines compressent outrageusement la poitrine de son interlocutrice. Toutefois, il gardera cette remarque dans ses yeux.
« - Merci, c'est très aimable. »
Franz s'approche alors, enfin libérée de ses devoirs médiatiques. Il aura laissé Marisol s'en charger seule, plus à l'aise que lui devant un objectif photographique. En apercevant l'autrichien, Scarlett et le bel inconnu s'éloignent l'un de l'autre pour l'accueillir.
« - Ah ! » s'adresse-t-il à Scarlett. « Je vois que tu as fait la rencontre du Kapitan Aleksei Tsoukanov. C'est un vieil ami d'université, quand j'étudiais à Moscou. »
Blanc. Froid. Horreur. Elle manque de lâcher son verre de champagne, se rattrape de justesse.
« - Aleksei, tu connais ma convive ?
-Non, du tout Franz. Je m'apprêtais à lui demander son nom. »
Elle n'entend plus, ou plus très bien. Son coeur bat trop fort, ses battements puissants couvrent leur voix masculine.
« - Et bien, je te présente Mademoiselle...
-Scarlett ! Le coupe-t-elle vivement. Scarlett Kanzaki. »
Les bras de Franz lui en tombent. Il fronce les sourcils, s'apprête à lui demander pourquoi, mais son père le réclame. Le hasard fait bien les choses. Le russe en profite pour se rapprocher d'elle, lui cueillir délicatement la main, y déposant un baiser galant.
-Et bien, Mademoiselle, vous ressemblez davantage à Scarlett qu'à Kanzaki. Métissage ?
-Oui...
Enfin, le bal débute. L'orchestre, après avoir accordé ses instruments, débute l'air d'une valse. Akina a une faible impression de déjà vu.
« -Oh. Ecoutez. Du Shostakovich. Me feriez-vous l'honneur ?
-Je...j'aimerais beaucoup, mais je ne sais pas valser, ment-elle en cherchant un échappatoire du regard.
-Un refus est un échec, Scarlett. Et je supporte mal l'échec. »
Sur ce, il l'entraîne : une main sur la taille, l'autre contre la sienne. Dans les yeux. Et elle comprend pourquoi ces prunelles lui semblaient si familières : les même que son père. Tandis qu'ils suivent le rythme, se mêlant aux autres danseurs, elle en profite :
« - Vous êtes venu seul ?
-Est-ce une façon subtile de vous renseigner sur mon état civil, Scarlett ? Sourit-il. »
Et elle se déteste de trouver ce sourire si beau.
« -Non, du tout. J'étais curieuse.
-Oui, je suis venu seul. Mon père devait m'accompagner, mais en tant que gouverneur de Kaliningrad, il avait d'autres chats à fouetter.
-Vous parlez bien l'anglais pour un russe.
-J'ai passé la moitié de ma vie aux Etats-Unis. ».
Ah bon, et bien. A la fin de la danse, elle décline la seconde. Heureusement, elle est sauvée par Franz qui la lui réclame. Et en profitera pour s'éclipser juste après, retourner dans sa chambre. Attendre le lendemain. Merde. Elle ne trouvera pas le sommeil.
« -Debout!!!! lui hurle Marisol.
Elle a investi la chambre avec trois autres connaissances du lycée. Scarlett grogne, quelle heure est-il ? 10H et elles sont déjà en retour. Elles doivent se préparer. Les robes ont été apportées dans sa chambre, pas de coiffeuse ni de maquilleuse. Elles sont américaines voyons, elles sauront parfaitement s'en sortir. D'accord, mais laissez-moi le temps de prendre une douche.
« -Pourquoi du noir ? Demande Ellen, texane aussi, jolie rouquine aux beaux yeux verts.
-Parce que...le noir c'est sexy, mesdemoiselles, justifie Marisol avant de soupirer, et c'est une exigence de ma belle mère.
-Ton père est arrivé ? Il te mènera à l'autel ?
-Oh oui, il est arrivé tôt ce matin. Les parents de Franz s'en sont occupés illico. Il viendra me chercher d'ici une heure, alors mettons les gaz ! »
Sitôt affrétées, les demoiselles ont quartier libre, jusque midi trente, heure à laquelle : elles sont attendues à la chapelle du palais.
« - Surtout, ne disons pas au curé qu'Ellen est juive, Akina protestante et Maddison euhm...athée. Faites semblant de vous signer.
-Oh non....proteste Maddie.
-Les filles, s'il vous plaît. Et ne faîtes pas le signe de la croix à l'envers. Avec un peu de chance, le prêtre ne vous demandera rien. »
Elles promettent, embrassent leur amie sur le front, toutes émues. Les trois américaines préviennent qu'elles profiteront de ce laps de temps pour trouver un cavalier. Scarlett prétexte qu'elle veut prendre un peu l'air. C'est songeuse qu'elle descendra les escaliers du grand hall, foulant de ses escarpins sombres le tapis rouge. De son perchoir, elle avise la silhouette familière de l'allemand. Son coeur s'arrête. Il est là, au milieu des autres invités et il est magnifique. Elle presse un peu le pas, ramasse sa traîne sombre d'une main pour ne pas s'encombrer. Toutefois, alors qu'elle s'apprête à vivre ce dont elle rêve depuis des semaines : les retrouvailles avec son maître, on l'interpelle depuis le haut des marches.
« -Mademoiselle Scarlett ! »
Merde, Tsoukanov. Elle fait semblant de ne pas avoir entendu, attrape le bras de Siegfried. Pas bonjour, pas de baiser, pas d'étreinte. Elle le traîne au sous-sol, dans les cuisines, en espérant semer le Capitaine russe. Les employés de maison s'étonnent de leur présence, mais n'osent pas poser de question. Dans un couloir, entre deux allées et venues de servants, elle finit par embrasser son amant manqué. Doucement, pour ne pas défaire la tenue de son rouge à lèvre, mais avec passion, la main pressée contre sa nuque.
« -Oh...Anton, Mein Herr.
-Ma Scarlett. Je t'avais dit que je ne te laisserais jamais.
-Je sais...je l'ai toujours su.... »
Elle saisit le visage de son allemand entre ses mains tremblantes, flatte ses joues, ses lèvres, enivrée par son image et son parfum. Elle retient ses larmes afin de ne pas abîmer le reste de son maquillage.
« - Ecoute nous avons un problème...
-Plus tard. Avant les ennuis, le plaisir. J'ai quelque chose à te montrer. C'est très important.
-Non...il faut absolu.... »
Il ne l'écoutera pas. A son tour de la traîner par la main qu'elle serre compulsivement. Ils traversent le grand hall, s'aventurent dans un couloir jusqu'à une porte que Siegfried ouvre pour l'inviter à entrer.
- J'ai une surprise. Cette surprise est derrière cette porte. J'espère de tout coeur que tu vas aimer. J'ai remué ciel et terre pour ça. C'est mon cadeau pour... et bien... pour me faire pardonner de t'avoir abandonné si longtemps
C'est une petit boudoir dont les fenêtres donnent sur les jardins. Une femme est postée près des ouvertures, à contre-jour. En les attendant entrer, cette dernière se retourne et se rapproche, dévoilant son identité.
« - Quoi ? S'affole Akina en reculant. Tout vient de se chambouler. Elle fait brusquement volte-face, souhaite se précipiter vers la sortie, mais sa mère la rattrape pour la contraindre à une étreinte.
-Akina-chan, oh...mon Dieu. Tu m'as tellement manquée, souffle-t-elle contre les cheveux brushés de sa progéniture. »
La jeune Walker la repousse sèchement.
« -Ca s'est vachement vu ces dernières années ! Tu m'as abandonnée !
-Non...non c'est faux !
-Tu n'as jamais été là quand....quand j'en avais besoin !
-Mais si ! Si ! Aujourd'hui, tu en as besoin et je suis là. Je vais t'aider, ma puce. »
Scarlett réfléchit, mais pas trop. L'image de sa mère la harcèle. Elle n'a pas changé, ou presque. Toujours aussi belle, élégante, avec cette force de caractère qui la mène où elle veut, quand elle veut. Et la métisse l'a toujours admiré pour ça. Avant la rupture, c'était son modèle. Finalement, la rancoeur d'Akina abdique et elle va serrer sa mère, d'une longue embrassade. De celle qui lui a manqué durant les moments difficiles.
« -Tu es magnifique, Akina. Commente-t-elle en lui caressant la joue. Tu es devenue une vraie belle femme, je suis fière de toi. En revanche, j'espérais rencontrer ton petit-ami dans d'autres circonstances. Je ne comprends pas pourquoi Jack n'a pas empêché ces fiançailles ridicules.
-Papa....a changé, il t'en a voulu. Et puisqu'il ne pouvait pas te le faire payer, il m'a puni à la place.
-Ca va s'arranger, je te le promets. »
La mère embrasse le front de sa fille, lui flatte une dernière fois les cheveux.
« -Tu devrais y aller. Nous nous retrouverons au dîner. »
L'étudiante approuve, se jette contre les lèvres d'Anton en regagnant la sortie.
De retour dans le Hall, elle retrouvent les autres demoiselles d'honneur. Ensemble, elles rejoignent la chapelle. Ellen et Maddison lorgnent déjà vers les témoins du marié. Parmi eux est présent Aleksei, pimpant et tiré à quatre épingles. Il aura l'unanimité de la part des filles, exceptée Akina.
« -Voyons, tu ne lui trouves vraiment rien ?
-Je préfère les bruns, réplique-t-elle assez sèchement. »
La musique débute, au bout de l'allée Franz admire sa promise arriver au bras de Guillermot qui fait un clin d'oeil ému à Scarlett au passage. Marisol est magnifique en blanc même si sa poitrine est un peu trop mise en valeur. Le prêtre débutera son sermon sur le mariage, les responsabilités de chacun, l'amour et la famille. Au premier rang, la mère de l'autrichien est en pleurs. Les voeux sont échangés par des oui exprimés haut et fort, les alliances scellées et le baiser sensationnel sous les applaudissements de tous. Les mariés invitent ensuite les convives à se réunir dans la salle des banquets, guidés par les majordomes. Chaque témoin mâle vient chercher une demoiselle d'honneur, Tsoukanov préférera Scarlett au grand damn de ses collègues.
« -Le noir vous va bien, » lui souffle-t-il à l'oreille, tandis qu'ils redescendent l'allée à la suite du couple. Au passage, elle avisera Anton et sa mère quelque part dans un rang. Si l'allemand ignore l'identité de l'homme qui possède le bras de sa dame, il peut aisément reconnaître que l'uniforme est russe.
Les places sont nominatives lors du banquet.
Marisol viendra rapidement la trouver parmi le flot d'invités.
« -Tu ne m'as pas dit que ta mère venait !!!! Je pensais qu'elle avait disparu !
-Et bien non...Siegfried l'a retrouvée...
-Quel homme celui-là, écoute j'ai demandé à ce qu'elle soit à votre table. Je passerai l'embrasser plus tard.
-Merci Mari, tu es radieuse. »
Anton et Akina seront assis côte à côte. Face à eux, Seika est installée aux côtés d'Aleksei. Entre eux tous, quatre autres invités, autrichiens pour la plupart. La table est grande, il est aisé de communiquer avec son voisin, mais dès que l'on tente de parler à ceux d'en face, ou latéralement plus loin : il faut hausser la voix. Avant le début du repas, chacun des mariés fait un discours, principalement pour dresser un portrait élogieux de l'autre. Ils expriment ensuite leurs remerciements et annoncent qu'après le repas, une réception est prévue.
"-Comment allez-vous Mein Herr? Je veux tout savoir, je me suis tellement inquiétée."
-
Tout se passera... presque comme prévu.
Presque. D'abord, il y aura les retrouvailles avec Akina. C'était parfait. … Si ce n'est qu'il fallu les faire dans une cave. Mais peu importe, bon sang. Trois semaines qu'il n'avait pas goûté à ces lèvres, étreint ce corps, entendu sa voix. C'était un plaisir sans fin. Ca valait la peine, oui, même si ça pourrait ne pas durer. Il voudra savourer chaque moment près d'elle.
Ensuite, les retrouvailles avec sa mère. Parfait aussi. Si ce n'est... qu'il a failli les séparer en se disant qu'il avait fait le pire choix du monde en la retrouvant. Deux tigresses. Hm... La perspective de coucher avec les deux à la fois prend une certaine ampleur, à les voir s'étreindre. Il taira ces basses considérations qui ne sont pas à la hauteur de la belle situation. Il reste avec Seika. Il doit lui tenir compagnie, ce qu'il fera sans fauter.
Le mariage, puis le banquet. C'est avec joie qu'il accompagne la mère de sa soumise, même si ce n'est pas celle qu'il voudrait vraiment à son bras. Tant pis. Elle est ravissante, et fait tourner la tête de quelques hommes. C'est tout ce qui importe. C'est seulement à ce moment-là qu'il repérera le russe. Oui, il connaît l'uniforme. Oui, ce type est un beau gosse. Oui, Siegfried est jaloux. Pour une fois, on regarde un autre homme plus que lui. … Et ce type est avec Scarlett. C'est presque trop.
-Vous me rendriez un service ?
-Ca dépend du service, mon cher.
-Le blond, là. Si vous me l'occupez, je vous serais redevable.
-Dans quoi vous engagez-vous ? Je pourrais vous demander bien des choses.
-Peu m'importe.
Défi relevé. Un jeu d'enfant. Akina est peut-être la plus belle, mais en terme de charme, Seika l'écrase sans doute. Le privilège de l'expérience, c'est de pouvoir palier à la simple apparence.
Et justement, lorsqu'ils s'asseyent, elle sortira le grand jeu. Elle se dira ravie, sourira, rira, ses gestes se feront enjôleur, elle engagera conversation, complimentera, touchera uniforme ; et quand bien même le regard d'Alexei ne peut décemment relâcher son attention de la belle sur laquelle il a jeté son dévolu (qui est en train de se faire draguer par un autre que lui, et qu'il trouve peut-être plus beau que lui à son tour), la mère saura lui faire subtilement oublier.
-Mal. Un connard m'a volé le bien auquel je tenais le plus. Manque de bol pour lui, je l'ai prévenu de ne pas le faire. Et quand je fais une menace, je dois la mettre à exécution. Question d'honneur, vois-tu ?
Et il n'y a pas de Malt à disposition. Il le murmure d'ailleurs, cherchant des yeux quelque chose de plus correct que ce qu'on lui offre à boire.
-J'ai dit que je lui arracherai la gorge. En attendant...
Il la regarde soudain. Un sourire, le premier, étire enfin ses lèvres tandis que ses yeux échouent dans son décolleté franchement osé.
-Je m'étais juré de ne pas te toucher, juste pour te prouver que je ne tiens pas à toi juste pour le sexe. Que tu es autre chose pour moi. Mais... te voir dans cette robe de pute... sophistiquée, certe, mais tout de même... Ma belle Scarlett, je n'ai qu'une envie, c'est de te prendre sur cette table. Même devant ta mère. Tes cris voleraient la vedette au mariage de ton amie, mais je retiens mon excitation depuis trop longtemps pour me retenir maintenant.
Et il a l'air sérieux. Il regarde aux alentours. On entend Seika rire, prononcer un mot en russe. Le blond n'a d'attention que pour elle. Parfait. À la table d'honneur, il repère Marisol et Franz qui viennent de s'installer après leur petit speech de convenance.
-Je reviens. Ce n'est pas dans le code, mais je vais les féliciter maintenant. Qui sait si je les reverrais. Si tu... hm. Disons que tu as le choix d'être assise à cette chaise, ou isolée à l'arrière lorsque je reviendrais. Je me laisserais porter par ton odeur.
Il se lève, et s'arrête en plein mouvement, pour murmurer à son oreille.
-Si tu portais ton collier... Je t'aurais déjà tringlé à même le sol.
On commence par Marisol. Normal. Il se poste derrière elle, sans même qu'elle ne l'ait vu, et lui prend la main entre ses deux paumes affectueuses pour l'embrasser avec chaleur. En anglais.
-Ravissante comme jamais. Tu rayonnes. Tout le bonheur du monde, ma très chère.
Puis, vers Franz. Il lui tend la main. En allemand.
-J'espère que vous considérez comme moi que quand deux personnes versent le sang sur le même champ de bataille, même l'une contre l'autre, un lien indéfectible les unit. Croyez en mon profond et sincère respect malgré l'interlude quelque peu... désagréable que nous avons eu. Tout le bonheur du monde.
La poignée de main sera franche. Il adresse ses respects au parent, et va rejoindre Akina d'un pas calme. Il n'est pas pressé. La marche vers la victoire se savoure toujours.
-
Elle se mordilla la lèvre à plusieurs reprises, nerveuse. C'était l'envie qui revenait bouillonner dans ses veines tenues froides trop longtemps. Tandis qu'il s'éloignait, après lui avoir adressé une dernière remarque. Elle restait sidérée, fixant au loin Franz et Marisol accepter les vœux du prussien. D'ailleurs, elle en avait oublié le manège de sa mère avec Tsoukanov qu'elle appréciait de moins en moins, en dépit de son charme. Elle repoussa sa chaise discrètement, s'excusa auprès de ses voisins de table afin de regagner l'arrière-salle, celle où l'on prévoyait d'organiser la réception. L'attente lui était insupportable, elle tournait en rond, perdait la raison : le souffle saccadé, une main sur le ventre – toute retournée à l'idée de lui ouvrir ses cuisses. Elle était solée, mais les éclats de voix et des couverts engagés lui parvenaient étouffés. Et si quelqu'un entrait, les surprenait. Elle secouait la tête. N'y pense pas, ma fille.
Siegfried arriva dans son dos, pour la surprendre d'une étreinte brutale où il laissa ses mains vagabonder sur les courbes de sa dame. Ses doigts possessifs pressèrent ses seins à travers son décolleté sombre.
« Anton.... » geignit-elle avec l'ardeur d'une jeune vierge. « Allons à l'étage, dans ma chambre... »
Sa paume brûlante de désir atteignit l'une des mains allemandes pour le traîner à sa suite. Ils montèrent les escaliers menant à la galerie, sans croiser âme qui vive. Les employés de la cérémonie se reposaient en bas, les cuisiniers et serveurs étaient surmenés et les convives avaient tous hâte de manger. La porte fut ouverte à la volée, claquée immédiatement à leur suite. La métisse attrapa son amant par la nuque pour l'embrasser à pleine bouche, au Diable le rouge à lèvres. La pièce était bondée de paquets, de vêtements et encombrée d'un bazar laissé par les quatre demoiselles d'honneur. Durant le baiser, elle avait manqué de trébucher et s'était retenue sans scrupule à Von Königsberg dont elle ravissait vulgairement le souffle.
« -Bitte...bitte Mein Herr... » insistait-elle contre les lippes du SS. « Ich hätte jetzt wirklich gern Sex mit Ihnen. »
Jawohl Meine Dame, ou presque. Le mur heurta durement sa jolie gueule de minette. Ou bien était-ce l'inverse ? Le temps qu'elle se remette de la douleur, sonnée par le choc, il avait eu le temps de retrousser sa robe noire. Elle voulait émettre une protestation, commença par un timide « Aber... ». Trop tard, il s'enfonça en elle avec violence. Et sa petite culotte ? Grossièrement écartée sur le côté, afin qu'il l'enfile à l'image d'une bonne pute : vite et bien. Un premier round pour purger le trop plein, et elle siphonnerait le reste.
Et elle n'avait jamais autant hurlé de plaisir que plaquée à ce mur tapissé. Tout se confondait dans son esprit. Elle entendit des mots durs crachés à son oreille : qu'il aurait aimé faire gicler son foutre sur elle, mais qu'il serait dommage de souiller cette belle robe. Qu'à la place, il se contenterait de lui remplir le ventre : de coups de trique d'abord, de sperme ensuite. Il faisait rougir ses cuisses à mesure qu'il imbriquait impitoyablement leur bassin. Puis, elle le sentit s'énerver sur cette histoire de collier, qu'elle avait commis une grave erreur en ne le portant pas. Et elle avait beau supplier après son pardon, il la châtiait par des pénétrations plus bestiales, envoyant la tête blonde frapper le mur. Et elle criait ; parfois de douleur, parfois d'extase jusqu'à déborder de jouissance autour de lui en acclamant le nom de son amant dans un hurlement grave. Lui-même éclata, grogna son orgasme alors qu'il martyrisait sa crinière dorée.
La semence germanique coulait à peine le long de ses cuisses qu'il la contraignit à s'agenouiller. Ta langue. Elle ouvrit la bouche, tira la langue en dehors, les yeux écarquillés aux pieds desquels gisaient des coulées de mascara. L'officier retrouverait une vigueur honorable dans la gorge de sa chienne. Il entrait, il sortait. Garde tes mains dans ton dos.
Enfin, la queue du prussien quitta le fond de son gosier délicat pour être aussitôt remplacée par quatre doigts intrusifs qu'elle devait sucer avec dévotion. De son genou, il pressa la poitrine de la métisse. A terre, complètement. Elle s'allongea, cuisses écartées. Son cul est la prochaine destination de la virilité allemand. Et elle ne pouvait pas crier, bâillonnée par les doigts dans sa bouche. Alors qu'il la besognait au fondement, profitant de l'étroitesse du conduit de chair, il pouvait sentir les cris étouffés de sa belle vibrer contre ses phalanges. Il allait l'étrangler, cette pute, s'il ne retirait pas ses doigts. Toutefois, il fallait qu'elle tienne encore quelques longues minutes qui lui paraîtraient être un calvaire. Elle cherchait l'air là où elle pouvait le trouver : nulle part.
Quand il lui inonda la croupe d'une sale jouissance, il ne savait pas trop s'il était morte ou vivante. Non, sa poitrine se soulevait encore, faiblement. Scarlett était étalée au sol, la respiration hachée. De ses intimités visitées s'écoulait un foutre brûlant.
« Anton... » articula-t-elle. « Anton....Wieder.... »
Quoi ? Encore ? Tu es folle !
Des bruits provenant de la galerie détournèrent l'attention de l'ancien nazi. D'une poigne ferme, il redressa la jeune femme. Il constata qu'elle avait un bleu au niveau de la pommette gauche. Rien de grave. La porte de la chambre s'ouvrit d'un coup, sous les rires et les gloussements de Marisol et les trois autres filles. En remarquant le couple, et surtout l'état de Scarlett, elle blêmirent à tour de rôle.
« -Akina !
-Pas d'inquiétude, elle a fait un petit malaise. Trop de champagne je crois. Elle va mieux maintenant.
-Heureusement que ton beau chevalier blanc est toujours là, Aki ! Sourit finalement Marisol, soulagée. Dehors maintenant. Rejoignez les autres en bas, Siegfried. Nous préparons une petite surprise.
Merde, le dîner était déjà terminé ? Il l'avait prise pendant tout ce temps. L'officier embrassa le front de sa protégée et sortit de la chambre. Sitôt disparu qu'elles entourent Walker.
-Marisol a eu une super idée !
-Oui ! Ecoute, j'en ai marre des valses, des réceptions, tout le tralala. J'ai dit que pour la fête après la cérémonie, JE m'en occupais.
-Ah ?
Attendez, il fallait qu'elle remette ses idées en place. Elle alla s'asseoir sur le bord du lit défait.
-Tu te rappelles...notre performance lors des championnats lycéens ?
-Celle où Bryant a triqué pendant tout son match ! Précisa Ellen, les yeux pétillants.
-J'ai ramené nos costumes. On va refaire la même.
-Quoi ?!
Là, Akina était totalement réveillée. L'annonce venait de lui envoyer une décharge en plein cerveau.
6 années auparavant.
Le bureau de la principal Rivers était peu accueillant. Des tableaux aux gueules hideuses et figées inspectaient d'un regard sévère chaque convoqué. En l’occurrence, derrière son office, la directrice avait demandé la présence des quatre filles responsables et de leur professeur de sport.
« - Vous vous rendez compte ?! C'était quoi ce cirque ? Marisol, franchement, ça ne m'étonne pas de toi. Mais toi, Akina, douée , félicitée pour tes résultats scolaires....te comporter d'une telle façon, je suis extrêmement déçue. Vous recevez toutes un avertissement.
-Mais...
-On ne négocie pas ! »
Elles ressortirent du bureau assez maussades, mais acclamées par leurs camarades. Leur danse aux championnat lycéen avait été accueillie d'une standing ovation, faisant hurler les mâles comme les femelles. Néanmoins, la performance avait été jugée trop explicite, vulgaire par la direction du lycée.
Marisol avait ressorti les tenues de cheerleaders, le costume taillé pour leur prestation aux championnats. A l'image de leurs aînées des Cow-Boy de Dallas, c'était un uniforme bleu et blanc, avec un court veston, une chemise exigue improvisée en brassière et un mini-short immaculé. Maddison avait aidé Scarlett à se remaquiller. En bas, les invités avaient été placés sur des sièges face à une scène montée. On guida Siegfried, Tsoukanov et Seika au premier rang non loin de Franz et ses parents. Après une longue attente apparut enfin l'hispanique, un micro en main et sa voix sensuelle résonna dans les haut-parleurs installés aux quatre coins.
« Mesdames et Messieurs. Franz m'a toujours demandé quel genre de lycéenne j'avais été. Même si le coquin doit bien s'en douter... »
Quelques rires fusèrent.
« Je lui ai promis aujourd'hui de me dévoiler. Sachant que j'ai été le capitaine de l'équipe des Cheerleaders au lycée, j'ai préparé une surprise à mon Franz chéri et mes amies....se feront un plaisir de régaler les autres Messieurs. »
Elle rendit le micro. Applaudissement tandis qu'une musique agressive sature la grande salle. Ellen et Maddison débarquèrent sur scène dans un déhanché sulfureux, un charmant sourire aux lèvres. La mariée, elle, avait disparu du champ de vision pour réapparaître deux secondes plus tard : sous le yeux effarés des convives. La belle latina traînait Scarlett par la chevelure. Entre deux sons de basse, le bruit d'une arme que l'on recharge : les deux filles en retrait mimèrent le geste. Dès que le rappeur cracha les premières paroles, emplies de violence, Marisol jeta sa meilleure amie à genou, face au public. Leur jeu d'actrice était particulièrement convaincant, leurs mouvements brusques empreints d'une lascivité indécente. La brune força la blonde à ouvrir la gueule et lui enfonça deux doigts dans la bouche comme l'on y introduirait le canon d'une arme. PAN explosèrent les baffes. La sudiste avait appuyé sur la gâchette. Walker s'effondra alors que ses copines se dandinaient indécemment.
Mari attrapa la main de la fausse victime la relève dans un pas de danse vif. La note suivante, Akina s'accrocha à sa nuque, passa ses jambes galbées autour des hanches de sa partenaire avant de se pencher lentement en arrière jusqu'à ce que sa chevelure claire balaie le sol. Et là, la belle latine simula une pénétration en rythme avec la musique : deux trois coups imaginaires dans la chatte métissée et elle l'aida à se dresser pour l'embrasser avec brutalité. Elles se séparèrent, écartèrent les jambes pour effectuer un nouveau déhanchement.
Et le spectacle se poursuivit. Certaines femmes de la noblesse se scandalisaient et plusieurs mâles s'étaient levées pour encourager les pompom-girls, dont Franz. Les attitudes explicites se multiplièrent durant la chorégraphie, cinq bonnes minutes jusqu'à la dernière note de musique.
A la fin, elles étaient épuisées et essoufflées, mais radieuses. Marisol roula une dernière pelle à sa meilleure amie pour lui glisser ensuite un mot à l'oreille.
« Nous sommes américaines, ma chérie. Ca doit bien servir à choquer les foules. »
Un majordome apporta un bouquet de fleurs à la troupe de majorettes et elles descendirent de l'estrade pour être félicitées, peut-être houspillées.
-
-On porte une culotte aujourd'hui ?
Le murmure était adressé à Marisol alors qu'il passait derrière elle, abandonnant Akina à ses bons soins. Avoir dû inventer une excuse pour justifier le désordre dans la tenue de sa belle était un déchirement. Comme cette fois où elle est sortie de sa maison avec du foutre sur la gueule, il aurait voulu leur dire : « Désolé. Quand je saute une salope, je n'ai pas l'habitude de prendre des gants. »
Il lui a dit de rejoindre les autres en bas. Il bande encore sous son costume qu'il a dû refroquer en hâte. Qu'elle lui témoigne d'en vouloir encore, c'était toute la motivation dont il avait besoin, et malgré ses nombreux orgasmes, il est frustré de ne pas avoir pu finir dans les règles de l'art. L'humiliation n'a pas été assez forte. Il ronge son frein, s'éloigne dans le couloir. Il n'obéira pas à Mari, ne rejoindra pas tout de suite la salle de réception. Il passe d'abord aux toilettes se rafraîchir. Il faut qu'il décompresse, retrouve sa prestance. Le costume est arrangé. Il se regarde. Tu dérives du plan, mon beau. Le loisir fait dévier de la mission. Il faut se recentrer.
Il ne baise plus jusqu'à avoir récupéré Akina. Il s'en fait le serment silencieux.
Il retrouve Seika en train de discuter avec Tsoukanov. Il l'attrape au vol pour l'éloigner. L'officier l'interpelle, lui faisant remarquer (en anglais) que ça fait deux fois qu'il lui subtilise sa partenaire. Siegfried répond (en allemand) qu'il faut se battre pour garder ce que l'on désire. Et ils le plantent là.
-Tout va bien ? Vous avez l'air... tendu.
-On va dire ça.
-Vous êtes rouge.
-...
Il a l'impression qu'elle sait. Son petit sourire en coin en dit long. Non, ce n'est pas possible, personne ne peut voir aussi clair en lui. Ce n'est pas parce qu'il s'est isolé avec elle qu'il l'a forcément... si ? Si, apparemment.
-Je ne sais toujours pas quoi faire.
-Je pensais que vous étiez du genre à prévoir.
-J'ai prévu de la récupérer. Deux cas de figure.
Il se place face à elle, un peu isolé par rapport au reste. Il ne voit même plus le fils de soviétique dans la foule.
-Soit je la laisse retourner à Londres et on règle ça à l'amiable, avec vous, Akira, votre mari... pardon, ex-mari, et hm. Très honnêtement, je ne pense pas que l'autre fils de pute qui lui sert de fiancé la laissera partir si facilement. Donc je vais devoir le tuer. Soit je la kidnappe, on rentre ensemble, ou on s'échappe... ailleurs, le temps que tout le monde accepte le fait accompli. Et je tue Hiranuma aussi, pour le plaisir.
Alors qu'il semble un brin nerveux, Seika le regarde avec malice. Presque moqueuse. Il commence à mal supporter cette insouciance qu'elle dégage constamment, avec cette note de mépris. Après cette réflexion, comme si elle l'avait compris une nouvelle fois, elle pose une main sur sa joue. Le geste le rassérène aussitôt.
-Que dit votre instinct ?
De vous baiser salement, ma chère.
-De ne plus la lâcher. Plus jamais.
-C'est une idée. Mettez-lui un collier autour du cou et une laisse.
Il aurait juré qu'avant de détourner le regard, elle lui avait encore adressé cette œillade entendue qu'il ne cesse de voir chez elle, comme si elle savait tout.
On leur demande de s'asseoir. Il parlera bas avec elle de ce qui les attend au Japon. Elle se dit sereine, qu'elle peut tout affronter. Elle a rejeté cette éventualité toute sa vie, mais s'y est néanmoins préparé. Au cas où. Tsoukanov s'installe à côté. Siegfried se redresse, avec un « je vous laisse ».
Lorsqu'enfin elles apparaissent, il sera soufflé. Akina, sa douce Akina... traitée comme de la merde par Marisol. Un meurtre factice, une baise factice. Honteux de la voir ainsi offerte en spectacle.
… Et ça l'excite. Dire que Marisol refuse de baiser Scarlett avec lui. Un tel potentiel...
Beaucoup commentent, s'agitent. Lui reste parfaitement immobile. Jambes et bras croisés, il regarde le spectacle avec un plaisir certains. Le désir agite de nouveau son éminence. Qu'est ce qu'il donnerait pour les approcher, les toucher, les prendre. L'idée de le faire sur scène l'amuse encore. Baiser la mariée... Tiens, c'était le plan, se rappelle-t-il. Une légère érection le saisit. Il va finir par avoir mal.
-Elle est douée.
-Si vous saviez.
Il lève les yeux au ciel. Bordel, comment a-t-il pu dire ça. Elle rit doucement, et en retourne à son russe.
Il se dirige vers Akina, fendant la foule des admirateurs, la félicite. Seika intervient, lui disant qu'elle aimerait lui parler un peu en privé. Siegfried laisse son regard se balader, jusqu'à Marisol. La luxure prend le pas sur sa raison. Akina le remarque.
-Vous comptez aller la voir ?
Il fait un non énergique de la tête.
-Vous devriez.
Et elle disparaît avec sa mère. Franz est avec sa compagne désormais. Dos à lui, il n'arrive pas à savoir si il la sermonne ou pas. Elle aperçoit l'allemand juste derrière, qui lui fait un signe de la tête, montrant l'arrière-scène. Elle n'acquiesce pas, se contente d'en retourner à son mari.
Il attendra dix bonnes minutes. De toute façon, il n'a rien d'autre à faire. Il verra passer quelques employés qui débarrassent les tables. C'est une véritable surprise quand l'hispanique apparaît. Il ne s'y attendait plus.
Sans se formaliser des larbins autour d'eux, elle le mène par la main dans une petite salle, du style réserve. Nombreuses chaises et tables en désordre. Elle le fait asseoir sur une chaise, et le chevauche.
-Et si je te dis que je n'ai rien sous mon short, maintenant ?
-Je n'ai pas changé mes conditions.
Elle l'embrasse. Un court instant, il se laisse faire, avant de se reculer brusquement.
-Elle m'a expressément dit qu'elle était d'accord.
-Soit elle est là et participe, soit on ne fait rien.
-Elle ne veut pas être là.
-Alors c'est clair.
Il cherche à se lever. Elle se maintient à lui, cherchant à le faire rester assis. Pour le convaincre, elle donne quelques mouvements souples du bassin, une main sur son épaule, l'autre s'immisçant entre la chemise et le pantalon, assez fine pour se faufiler malgré la ceinture, et attraper sa virilité. Une brève expression d'étonnement en en sentant la dureté, puis un sourire équivoque.
-Laisse-toi faire... Même mon mari est d'accord.
-Etait. Pas sûr que maintenant que tu aies la bague au doigt...
Elle le masturbe lentement. Ses mouvements lascifs trahissent son envie. Elle ne lui répond pas, comme si elle s'en fichait, comme si elle était sûre d'elle, qu'il craquerait, comme les autres, tous les mêmes, elle, la bombasse latine qui en a fait gicler plus d'une. Elle a toujours eu ce qu'elle voulait.
C'en est trop. Il se lève aussitôt. Elle serait tombée en arrière s'il ne l'avait pas retenue par le cou. Elle se sent flotter en l'air, pendue à sa main, ses pieds ne faisant qu'effleurer le sol. Alors même qu'il parle, sa main se dirige entre ses jambes, appuyant exagérément sur le short. Elle ne mentait pas : Elle n'a pas de sous-vêtement. Il arrive à le sentir malgré la relative rigidité du tissu.
-Tu vas devoir comprendre quelque chose. Je baise qui je veux, quand je veux et où je veux. Ce n'est pas une petite chienne infidèle qui trompe son mari le jour même de son mariage qui me fera flancher. Il n'y a qu'Akina qui peut prétendre à outrepasser ma volonté. En attendant, si tu veux quelque chose de ma part, tu devras supplier, la bouche ouverte, la langue sortie, la mouille sur les cuisses. Et prier pour que j'accepte de te porter attention.
Elle découvre peut-être l'étouffement, ou pas. En attendant, elle se voit étonnamment excitée. Elle en a déjà croisé, des comme lui. Le charme particulier de la domination. Il la relâche enfin. Elle peut enfin poser ses talons au sol, respire un bon moment, sous le toisement sévère de Siegfried.
Sa première parole l'étonnera.
-Je... je dois supplier, c'est ça ?
-Non. Pas d'Akina. Désolé.
Il sort alors de la réserve pour tomber sur Akina, juste derrière la porte.
-... On m'espionne ?
-Mein Herr... Pourquoi ?
-Pourquoi quoi ?
Elle montre Marisol. Merde, il a l'impression de devenir fou.
-Je ne veux pas t'être... infidèle.
-Je suis d'accord. Ce n'est pas de l'infidélité
-Non. Non, je veux dire... Si je le fais sans toi, j'en baise une autre. Si tu es là, avec moi, c'est différent. On le fait ensemble.
-Je ne peux pas faire ça !
Elle a un peu haussé le ton. Marisol et lui la regardent, coi.
-Je ne veux pas partager votre amour. Ni le mien.
-Dites... On peut parler de ça ailleurs ?
Pertinent.
Ils s'était réfugié dans la chambre de Marisol. Luxueuse. Plus que luxueuse. Elle avait fermé la porte à clé.
-Pourquoi tiens-tu tellement à que je fasse ça avec elle ?
-J'ai peur... que vous vous sentiez complètement enchaîné. Ou que vous vous lassiez. J'ai compris que vous êtes le genre à avoir toutes les filles que vous voulez. Vous n'avez que moi depuis des mois. Admettez que vous en avez besoin.
-Je n'en ressens pas le besoin.
-Vraiment ?
Son regard réprobateur l'oblige à réfléchir. Il faut qu'il y pense quelques secondes.
-J'ai naturellement envie. Quand je vois une jolie femme, quand certains mots ou gestes me disent qu'il y a possibilité...
-Vous avez envie ?
-Non. Hm... Oui.
Elle le fixe avec cette résignation qui accable Siegfried de culpabilité, puis elle montre Marisol, vers qui l'allemand se retourne un bref instant. L'hispanique ne sait pas trop où se mettre dans cette scène surréaliste.
-Ecoute, Akina.
-"Scarlett".
Il vient de s'en prendre une en pleine gueule. Elle le corrige pour lui rappeler le rôle qu'ils ont. Il en est presque vexé.
-Scarlett. C'est la première fois que je trouve ça aussi difficile d'accepter une telle proposition, je crois.
-Je vous le demande.
-Mais... Ca ne te soulagerait pas que je dise non, et qu'on parte ?
-Je vous aurais pris une opportunité que vous avez gagné à la loyale. Vous y repenserez.
-Tu ne sais pas.
Elle soupire, puis s'avance pour le serrer contre elle. Il n'a d'autre choix que de la prendre dans ses bras à son tour.
-J'ai deux exigences.
-Quoi donc, Mein Herr ?
-Je veux que tu restes. Que tu sois là. Même si tu ne participes pas.
-Anton...
-Au moins, tu sauras. J'aurais mon honnêteté pour moi.
-Et quelle est votre deuxième exigence, au juste ?
-Quand tu voudras quelque chose. Quoique ce soit. Même... quelque chose que je refuserais en temps normal. Je veux que tu me le demande. Pour racheter ma dette.
Elle se détache de lui, cherche à y réfléchir, mais ça reste flou dans sa tête.
-Je ne vais pas supporter de vous voir faire ça... avec elle.
-Alors je ne le ferais pas.
Ils avaient accepté ce compromis. Siegfried péremptoire fait flancher Akina dans son équilibre précaire ; Akina sentimentale laisse les défenses de Siegfried grandes ouvertes.
Elle s'était approché de lui au dernier moment, et d'une main sur sa nuque, l'avait fait se baisser pour lui laisser en un soupir, dans la langue des teutons :
-Pensez à moi.
Il aura balayé la demande par son évidence.
-Imaginer que tu subis à sa place est ma plus grande motivation.
Au final, c'était Marisol qui n'était plus très sûre de le vouloir, mais à voir Siegfried approcher d'elle, elle s'était rappelé pourquoi il lui faisais envie. Il puait le mâle, tout simplement.
Classique : Il avait commencé par la faire mettre à genoux. C'est un indicateur. Il doit jauger de son talent à ce niveau-là, et de son envie. Tout habillé (comme souvent avec lui), elle avait dû sortir sa queue pour s'en occuper. Il lui a nettement précisé de prendre son temps. Aussi, elle s'était retrouvé à longuement la lécher en la branlant doucement.
-Tu aimes son goût, hm ? Profites-en, c'est celui de ton amie...
Cela ne semble pas la rebuter, et même, sous une impulsion de Siegfried, la voilà qui la fourre dans sa bouche avec envie, fait aller et venir ses lèvres sur son mât. Il ne l'aide pas, tient simplement à évaluer à quel point elle en veut. Visiblement, la chose ne semble pas lui être étrangère.
-De toute façon, c'était ton but. Exciter les mecs. Quatre jolies petites traînées qui ne demandent que ça... Il est normal que tu y passes.
Assez. Cessons les plaisanteries, on passe aux choses sérieuses. Il la fait se relever par les cheveux et lui plaque la tête au mur. Les deux mains sur ses seins, à travers le tissu, tandis que la queue s'est plaquée contre son cul. Il lui ordonne de bouger, ce qu'elle fait, roulant du bassin pour exciter un peu plus son homme d'un soir. Ses seins subissent les attentions particulières de Siegfried, mais le tissu est de trop : Le nœud saute donc, découvrir sa poitrine à nu, pas même couverte par un sous-vêtement. Tant mieux pour elle, sans doute. En découvrir un aurait probablement été source de punition. Vient le tour du short : Il en défait la ceinture, le baisse, juste ce qu'il faut pour découvrir son cul, pas plus. Il tire son bassin en arrière, et, tirant ses cheveux, la fesse une fois.
-Qui es-tu ?
-Ah ! M... Marisol.
-Pas ce soir.
Une nouvelle fessée. Sa poigne vaut bien celle de ses précédents amants.
-Je ne sais pas !
-Mauvaise réponse.
-Ah ! Hmf... Qui suis-je ?...
-Ma pute.
-HmAH ! Oui ! Ta pute !
Correction mentale : « Votre pute ». L'anglais lui laisse le champ libre pour imaginer qu'elle le vouvoie. Il s'agenouille, écarte ses fesses, caresse sa petite chatte, la léchera ensuite. Son cul n'est pas exempt d'attention, et subit le même traitement de sa part. Il alterne entre ses deux orifices, montre une dextérité hors pair lorsqu'il s'attarde sur son clitoris, la pénètre doucement, jouant avec ses chairs intimes, l'anus n'étant lui que cajolé en surface.
-Tu veux que je te prenne ?
-Oui !
-Demande.
L'intromission du majeur jusqu'au fond de son minou lui arrache un long gémissement de plaisir.
-Prenez-moi !
-C'est tout ?
Un léger claquement sur son clitoris. La vive douleur lui transmet une sensation étonnamment agréable.
-Prenez-moi, s'il vous plaît !
-Mieux.
L'index rejoint le majeur au fond d'elle, son cul est fessé par deux fois, la langue contre son anneau précieux.
-Mais pas assez.
-Prenez-moi, s'il vous plaît, Maître ! Je vous en supplie !
Elle pense avoir sorti le mot magique. C'est ce qu'il veut, non ? Qu'elle le traite comme son maître ? T-t-t. Ce n'est pas du goût de l'allemand, qui se redresse immédiatement pour prendre ses cheveux et la retourner, qu'elle lui fasse face pendant qu'il la gronde.
-Je ne suis pas ton maître. Les putes n'ont pas de maîtres. C'est un privilège réservé aux vraies femmes qui le méritent réellement.
Elle fini à terre. Il lui demande de répéter une supplication, qu'elle réitère au mot près, avec l'intonation qu'il faut. Siegfried adresse un regard à Scarlett, presque plaintif, puis devra prendre sur lui pour pénétrer une Marisol qui n'attendait plus que ça.
La suite ne sera qu'un long moment de débauche. Il finira par lui ôter ses vêtements si vite qu'il les arrache presque. Il la prend dans tous les sens, allongée sur le sol, debout contre le mur, suspendue à lui, en levrette contre une chaise, il se montre particulièrement fougueux, encouragé par quelques signes de Scarlett. En effet, loin de laisser transparaître son malaise, sa chienne se plaisait à capter chaque regard de Siegfried pour le provoquer. Une fois, c'était la bouche entrouverte qu'elle le regardait, les sourcils légèrement relevés, sa poitrine se soulevant de fortes respirations, comme si c'était elle qui prenait son plaisir. C'était les cris de Marisol qu'il entendait, mais l'effet visuel était encore plus excitant. Lorsqu'il l'avait fait mettre à ses pieds, lui assis sur le lit, pour qu'elle le suce (et cette fois-ci, c'est lui qui avait les rênes), la jolie blonde portait ses doigts à ses lèvres pour les lécher avec vulgarité. Elle sait qu'il a envie d'elle. Baiser avec Marisol est peut-être sympa, mais le désir qui le tiraille, c'est de voir sa Scarlett les rejoindre pour qu'il puisse s'amuser avec elle. Du coup, elle le frustre. Du coup, il s'énerve. Du coup, l'hispanique prend à sa place.
Le paroxysme sera atteint lorsqu'enfin il sodomise Marisol. Après avoir passé tout ce temps à jouer avec son cul, il était temps qu'il le prenne. Mélange d'appréhension et d'envie. La queue de Siegfried n'était pas des moindres, il fallait pouvoir encaisser. Talentueux, il n'eut cependant pas de mal à rentrer en elle, et, la caressant abondamment, sa partenaire était aux anges.
-Oui ! Une grosse bite qui me fourre le cul... Encore !
Cela faisait quelques minutes qu'elle avait perdu toute inhibition déjà. Une certaine folie la gagnait. Il prenait son temps pour l'enculer, réprimant son envie de lui faire vraiment mal, même si elle-même lui demande d'y aller. Elle reçoit une claque. Si elle veut, elle supplie. Elle commence à vraiment aimer se faire frapper par lui. C'est grisant, toute cette violence. Et finalement...
-C'est tout ? Vous me décevez, Mein Herr.
-Tu le trouves comment ?
-Qui ?
-Le mec d'Akina.
-Ah ! Il est pas mal. Je préfère le blond.
-Ah oui ? Pas sûr. L'uniforme, c'est too much. Les costumes, c'est mieux.
-Son costume faisait daté.
-C'est un style. Ca change des autres pingouins.
-Et elle, elle est où ?
-Qui ?
-Akina.
-Ah ! Aucune idée. Euh. Elle a disparu en même temps que Mari.
-... Et lui aussi a disparu.
-Le blond ou le brun ?
-Le brun.
-Tu penses que...
-Ce serait bizarre.
Un temps de réflexion.
-Bon, pas tellement en fait...
Une voix masculine les interrompt.
-Mesdemoiselles ?
-Félicitations, monsieur le marié.
-Merci... Justement, je venais pour savoir si vous aviez vu mon épouse.
Elles se regardent. Hmm.
-Elle est partie faire un tour. Avec Akina. Un dernier moment ensemble. En souvenir du bon vieux temps.
D'Auersperg est perplexe. Il regarde parmi les convives, dans la foule un peu plus loin, eux étant isolés du reste, sur des marches d'escalier.
-Et je ne vois pas Herr von Königsberg.
-Qui ?
-Le brun, Ellen, le brun.
-Aaah !
-Ils se sont engueulés.
-Ah, oui, exact. Ils étaient là, et ils ont hurlé, et Herr machin est parti tout seul, plus loin.
-Vous êtes sûres ?
-Certaines.
On ne remet pas en cause la parole de deux texanes sans en subir les conséquences. L'autrichien le sait. Il acquiesce, les remercie, puis file rejoindre sa famille.
-Moi aussi je veux participer !
-Hein ?
-J'vois pas pourquoi y a qu'elles qui s'amusent.
-Non mais arrête, on se fait des films, ils sont pas en train de baiser à trois.
-Tu crois ?
-Mais oui. Tu vois franchement Akina prêter son mec ? Surtout un comme ça ?
-Hmmmm... Je m'en fous, je préfère le blond.
Les deux amants regardent Scarlett, qui sourit en coin, bras croisés.
-... Quoi ?
-Je vous pensais plus vigoureux que ça... Je suis très, très déçu.
-Je ne te permets pas...
Elle ricane, moqueuse. Siegfried serre les dents. « Salope », lit-on sur ses lèvres. Une main ferme agrippe les hanches de Mari, l'autre ses cheveux. Son cul devra supporter un véritable assaut militaire, démonté, détruit, brisé, devant le sourire amusé de Scarlett. Il n'a d'yeux que pour elle, elle n'a d'yeux que pour lui, et la mariée a beau se casser la voix dans ses hurlements de plaisir, tandis qu'il malmène sa chatte, sa bouche, ses seins, sa chevelure, son cou et sa taille de ses mains, en vérité, c'est Scarlett qu'il encule.
C'est Scarlett qu'il encule.
Elle finira par crier grâce. Après qu'il l'ait repris dans tous les sens. Ils sont sur le lit, elle est allongée sur le dos. Siegfried tient son bassin à deux mains, buste dressé, et la démonte salement. La moitié supérieure du corps de Mari est en-dehors du lit, sa tête au sol, ses mains cherchant des appuis sans en trouver, sa raison s'étant fait la malle. Elle jouit une nouvelle fois. Elle a cessé de compter. Elle hurle stop. Elle le supplie d'arrêter, elle n'en peut plus, elle a l'impression que son cœur, ses poumons et sa chatte vont exploser. Enfin, il consent à arrêter, et la relâche. Sans la moindre tenue, la pauvresse glisse lentement, puis s'écroule sur le plancher. Kaputt. L'allemand a beau être physiquement à bout, l'envie le fait tenir. Un regard à l'horloge lui laisse penser, vu l'estimation, qu'ils sont là depuis presque deux heures.
-Il jouit pas ton mec ou quoi... c'est ça son secret...
Si elle savait.
Car, oui, il ne s'est pas laissé aller au moindre orgasme. C'est au moins une chose qu'il réserve à sa belle.
-Ca ne vous a pas plu... Siegfried ?...
Elle peine à parler, essoufflée. Il s'assied au bord du lit pour la regarder avec ce qu'il faut de condescendance.
-Je garde mon foutre pour ma bien-aimée. Vous m'en voyez navré.
En bonne salope, elle comptait lui demander de se laisser aller, voulait tenter de le finir, ne serait-ce qu'en remerciement. Mais non, elle sait que son corps ne répondra pas au moindre mouvement. Il l'a tuée.
C'est fini, semble-t-il dire d'un regard à celle qu'il aime.
-
Tsoukanov commence à saturer. Seika est bien charmante, quoique quadragénaire et lui fait une gringue plutôt agréable, mais ce n'est pas elle qu'il veut. Durant le spectacle sulfureux de la mariée et ses demoiselles d'honneur, il se promet d'écourter la conversation avec la japonaise : de manière galante, s'il vous plaît. Il l'aura beaucoup laissé parler et sitôt la performance achevée qu'il s'est précipité vers l'estrade ; essayant de devancer ce foutu allemand. Trop tard. Toutefois, il n'est pas le seul à s'être fait griller la priorité. Franz galère à essayer t'atteindre son épouse, entourée d'invités. Ils se retrouvent comme deux perdants sur la touche.
« - Alors, tu ne repartiras pas seul ce soir, Aleksei, commente l'autrichien en désignant du menton Seika.
-Je crois qu'elle se fout de ma gueule. Elle est avec l'allemand.
-Ah, Herr Von Königsberg. Un sacré emmerdeur celui-là. Mais je l'aime bien. Une sacrée paire de couilles.
-Un Königsberg ? Je pensais qu'il ne restait plus que cette salope de Joanna.
-Faut croire que non.
-Et il fout quoi à ton mariage ? Se contrarie le russe.
-J'aimerais te dire que mes parents l'ont convié puisque c'est un Baron, mais non. C'est le petit ami de Miss Walker.
-Pardon ?
-La fille avec qui tu dansais hier, Akina Walker. Ah ! Une ouverture vers ma femme ! Je te laisse ! »
Le jeune marié retrouve sa compagne rayonnante. Il hésite entre l'admonester et la féliciter, il faut dire qu'elles lui ont toute filé une sacrée trique. Ce sera donc des félicitations, au moins pour avoir fait blêmir sa pauvre mère. Tsoukanov, quant à lui, semble perplexe et s'éclipse discrètement en présentant ses excuses à une vieille comtesse qui aurait apprécié s'indigner avec lui sur les moeurs d'une jeunesse décadente.
Isolés à l'abri du boudoir où elles se sont rencontrées, quelques heures plutôt, les deux Walkers conversent. La plus âgée a fait apporter du champagne. Sa fille en aurait besoin autant qu'elle. Les rayons d'un soleil frais percent calmement au travers d'une grande fenêtre.
« -Akina, je ne viendrai pas au Japon. J'ai laissé penser à Siegfried que ce serait le cas mais...
-Tu préfères m'abandonner, crache l'intéressée.
-Merde, Aki ! Je ne t'ai pas éduquée de cette manière ! »
Encore un peu et c'est la gifle qui résonnait sur la joue de l'étudiante. Cependant, la colère de Seika se tarit rapidement au profit d'une tendresse maternelle.
« -Tu le veux, tu te bats pour. Il n'y a que toi qui puisse leur fait changer d'avis.
-J'ai essayé, se défend Scarlett après une gorgée d'alcool.
-Pas assez, visiblement. »
La métisse le prend comme un affront, mais sa mère a terriblement raison sur ce point. Qu'a-t-elle fait pour repousser Hiranuma, pour faire entendre sa voix ? Rien, ou pas grand-chose. Elle se prend d'une culpabilité douloureuse ; un véritable déchirement. Heureusement, la quarantenaire lui saisit la main avec douceur pour l'apaiser.
« -Tu aimes cet homme ? Bien qu'elle se doute de la réponse, elle préfère la poser.
-Oui. Evidemment !
-C'est une erreur, mais....ça, je peux le comprendre. Tu dois te battre, ma fille. La vie ce n'est pas une boîte de chocolats, et l'amour ne résout rien. Tu dois affronter ton grand-père, comme je l'ai fait. Tu dois arrêter de prendre les coups, il faut les rendre. Et je ne te parle pas uniquement de cette situation, mais de la vie en général.
-Et....comment je fais ? Ils le menacent !
-Et bien qu'ils le menacent, je pense que ce jeune homme a des ressources, non ? S'il est venu me trouver, c'est qu'il en a.
-Où étais-tu tout ce temps ?»
Tiens, le sujet se rappelle à elle. Subtilement, elle a oublié les principales questions qu'elle a toujours souhaité poser à sa mère en cas de retrouvailles. Pourquoi ? Où ? Comment ? La figure délicate de Seika se fend d'un sourire malicieux.
« - Loin. Je n'ai pas eu le choix.
-Je croyais qu'il fallait se battre.
-Je me suis battue, parfois on perd. Mais j'ai essayé. Toi tu n'as rien fait. »
Touché. Coulé. La brune jette un coup d'oeil à sa montre, son expression se décompose.
« -Je n'ai plus beaucoup de temps. Ne cherche pas à me recontacter, dis à Siegfried de ne pas essayer non plus.»
Elle se redresse, lui baise le front avec amour et s'éclipse sur un dernier « Je t'aime. » Ne pas pleurer. Commencer à appliquer les conseils maternels. Avant tout, finir cette putain de coupe de champagne, attendre que tout un tas de sentiments contradictoires passent et aller au-devant de la fête, toujours moulée dans son petit uniforme de cheerleader texane. Ses pas la mènent au rez-de-chaussée où elle regagne la salle des festivités. On la salue au passage, et elle campe devant la porte de l'arrière-salle, le coeur battant. « Offrir Marisol sur un plateau d'argent à Anton ? C'est ça te battre ? » Elle ne sait pas ce qu'elle espère. Peut-être qu'il la remplace, que ce soit moins douloureux pour lui. Ou bien pour elle, même si au fond, ce le sera toujours. Elle le vivrait comme un échec, s'en mordrait les doigts toute sa vie, prouvant qu'en 2014, mourir de chagrin est encore possible. Et selon les paroles d'Ekaterina : le temps pour une femme, ca n'existe pas. Sauf quand elle se regarde dans une glace. Le temps n'y changerait rien.
La porte s'ouvre. Elle n'a pas fini de penser. Le beau visage de Siegfried bouffe sa raison, elle sourit. Bêtement, même si c'est joli. Pourquoi rend-il les choses si compliquées ? A la suite atermoiements, ils conviennent d'un compromis qui ne va satisfaire personne à long terme. Elle a vécu trois semaines de cauchemars, et c'est pour qu'en le retrouvant, il s'envoie une autre femme ? Avec sa bénédiction, elle a insisté. Est-ce une punition qu'elle s'inflige à elle-même ?
Elle n'a plus le luxe d'y réfléchir, l'hispanique est plaquée contre un mur. Alors que Scarlett ravale péniblement sa salive, elle s'installe dans un large fauteuil, toute raide. Raide de désir, d'appréhension, de colère. Elle se crispe un peu lors des premières paroles échangées, lorgne vers la porte, pense à quitter mais ce ne serait pas honnête. Il faut qu'elle assiste au spectacle avec la dignité d'une baronne : celle qui absout son époux de tout crime, de tout péché. Ainsi, ses yeux troublés vont fixer la scène. Mieux encore, elle aura cette idée vengeresse, capturer le regard du SS dans le sien, afin de l'éprouver d'un rappel lubrique la concernant. Akina est là, à portée. Toutefois c'est une autre qu'il baise. Oui, elle complique les choses en s'humectant salement les lèvres, la bouche bien ouverte, en suçant son majeur, en écartant les cuisses. Si Marisol est une excellente partenaire sexuelle, une pute innée : elle ne possède pas la candeur naturelle de Walker, ni son audace ou son expression contrite lorsqu'il s'agit de défier toute morale.
Est-ce qu'elle est meilleure que moi ? La question lui brûle les lèvres. A la place, elle préfère « rendre les coups », comme lui a conseillé sa chère mère et articule une remarque désobligeante sur l'endurance de son amant. Elle trouve un certain plaisir à l'énerver, reprendre le dessus et le voir s'atteler à ravager le fondement américaine avec la rage de l'offensé. Décidément, frapper l'orgueil du prussien, c'est plus concluant que lui balancer une gifle. Oh bien sûr, elle a honte. Elle se demande ce qu'elle fait là, mais elle y voit plus clair en s'imaginant à la place de Marisol. Elle mouille, c'est désagréable dans son short cette cyprine brûlante. Alors, elle serre les cuisses en espérant contenir son excitation, sans que cela ne fonctionne.
Anton, pense-t-elle affolée.
Marisol finit par le supplier d'arrêter.
Scarlett, elle, aurait aimé dire la même chose. Stop, arrête, je ne veux plus. Elle ne peut pas, simplement. Suit leur échange final, apprécierait également avoir le courage de dire un mot ou de sortir. Si bien qu'elle se lève comme un automate quand trois puissants coups sont portés à la porte.
En se déplaçant jusqu'à l'entrée, elle fait signe à Siegfried et Marisol de garder le silence, va ensuite ouvrir un entrebâillement pour découvrir le bel Aleksei.
« -Je cherche Marisol, Franz m'envoie. »
Le ton est assez sec.
« - Elle a besoin de repos. Elle va redescendre dans quelques minutes. »
Et Akina s'apprête à refermer la porte. Le militaire oppose son pied, cherche à forcer l'ouverture. Walker résiste.
« -Je peux au moins lui laisser un message ?
-Elle va venir, je vous ai dit. »
Il a de la force, elle va céder. Il risque d'apercevoir l'allemand et la mariée à moitié nue au pied du lit. Elle agit sans réfléchir, sur le coup de l'instinct, sort en embrassant fougueusement le russe. Le prétexte de cette étreinte inattendue est de le pousser dans le couloir, très loin. Rapidement, ça dérape. Il reprend le dessus, la plaque contre un mur pour terminer le baiser.
« -Vous avez commis une grave erreur, Scarlett. Vous m'avez menti. Et vous continuez de le faire. »
Tsoukanov a attrapé le poignet de sa belle et il le tord jusqu'à ce qu'elle en grimace de souffrance.
« -Est-ce que c'était lui ? Königsberg....c'est lui qui était avec vous, ce soir-là ? Qui a tiré sur un de nos hommes ? Menacer mon père ?
-Je...de quoi parlez-vous... ?
-Réponds ! Presse-t-il à son oreille. »
Elle entend son poignet craquer, la douleur vient après. Un cri est retenu. Aleksei comprend que si les putes effectuaient le plus vieux métier du monde, elles en avaient également les vieux réflexes. Le crachat qu'il reçoit en pleine gueule est cinglant.
-
« Donnerwetter », l'entend-on murmurer. Il se redresse, fait signe à Marisol de se plancher, ou quelque chose du genre. Si le type entre, il pourra toujours prétendre être en train de faire l'amour avec Akina, et que, pour le frisson, ils s'étaient réfugié ici. Le type se montre pressant. Il ne s'habille pas, préférant être prêt à bondir pour le repousser vivement, qu'il évite de voir l'hispanique dans ce déplorable état physique.
Et le type se montre franchement pressant. Putain de russe à la con. Enfin, la métisse règle la chose, et Siegfried respire. Il convient cependant de se rendre de nouveau présentable au cas où il chercherait à rentrer de nouveau.
Mais de la porte entrouverte, ce qu'il entend ne lui plaît guère. Il passe un œil inquiet par l'entrebâillement. D'où le connaît-il ?... Et... De quel droit !? Dès la grimace de douleur d'Akina, le sang monte, il se jette sur Marisol.
-Il y a une arme ici !?
-N... Non... Enfin... D'accord, je viens du Texas, mais...
Il l'aura poussé. Peut-être un peu durement. Il enjambe une nouvelle fois le lit, ouvre vite la porte, marche pieds nus dans le couloir. Akina le verra arriver, et son regard fuyant alertera Alexei. Il a tout juste le temps de voir fondre la bête SS sur lui. Crochet du droit, récupération du poignet, clé de bras, balayette. Il l'enchaîne à une vitesse considérable et le russe, malgré des probables talents en systema, la krav maga couplé aux hormones nazies ne peut rien. Il encaisse les chocs un à un jusqu'à finir au sol. Mauvaise réception, gros mal de tête. C'est la faute à Siegfried qui ne l'a pas retenu comme l'exige la pratique honorable d'un art martial. Le genou appuyé sur sa nuque presse affreusement la colonne vertébrale, donnant l'impression qu'elle peut rompre.
-Je devrais te tuer pour ce que tu viens de faire. Te tuer, tu piges ? Akina, c'est qui ce type !?
Il se redresse en tenant ses deux poignets, tordant ses bras en arrière. Même une force herculéenne ne pourrait lutter contre une tenue aussi peu naturelle des articulations, qui répondent à peine aux ordres du russe. Elle lui explique donc toute l'histoire. Les fleurs, etc. Il n'avait pas fait la distinction entre le père et le fils. Tout lui semble soudain clair. … Il est en train de maltraiter le fils du patron de Königsberg, après avoir menacé le père. À chacun d'eux, il leur a volé leur bout de viande.
Il n'y a plus qu'une seule solution viable : Se confondre en excuse. … Et même, lui prêter Akina, pour qu'il assouvisse ses bas instincts, serait une bonne chose. Il est dos au mur. Il sait que toute autre alternative le condamnerait à rester en-dehors de sa chère et bien-aimée baronnie pour les trente années à venir, au moins.
-Ecoute-moi bien, fils de pute. Vous commencez à doucement m'emmerder. Si tu veux Akina, tu la prends à la loyale. Pareil pour ton père. Y a d'autres moyens que de kidnapper, frapper et menacer comme des sauvages. Ton géniteur a failli la tuer, tu comprends ? Est-ce que tu as le moindre sens de l'honneur, du respect ? Vous me... répugnez.
Il se rend compte qu'instinctivement, il a parlé en anglais. Il remplace aussitôt par du russe. Un employé voit le spectacle, et se recule aussitôt pour appeler la cavalerie. Un homme à poil en agresse un autre en uniforme, c'est flippant.
-Met-toi à ma place, maintenant, et demande-toi si tu ne ferais pas comme moi. La prochaine fois, viens discuter calmement avec moi plutôt que d'agresser ma petite amie.
Il le relâche enfin, s'en retourne vers Akina, l'attrape par l'épaule, se réfugie dans la chambre, verrouille la porte à clé. Le temps de se rhabiller, d'embrasser Marisol sur le front, de lui dire qu'il a beaucoup apprécié et qu'il espère qu'elle ne lui en veut pas, mais son plaisir est un cadeau qu'il ne donne qu'à une personne ; et filera vers la sortie. Il faut trouver Seika, et se tirer d'ici.
-
« Argh ! Allemand de merde ! » s'exclame Aleksei, une fois qu'il avise le sol de manière douloureuse. « Va te faire enculer... » poursuit-il en russe en crachant un peu de sang à terre. Le crochet, c'est ravageur parfois. « On va fouiller, enculé de ta race. Y'aura pas un endroit sur Terre, où tu pourras te cacher avec ta pute. »
Relâché, il expie sa souffrance à terre.
Marisol demande ce qu'il se passe, totalement à l'ouest. Elle ne marche pas très droit, titube un peu et offre un sourire béat à son nouvel amant. Peut-être même qu'elle minaude. Toutefois, ils n'ont pas le temps de s'attarder. Scarlett va étreindre sa meilleure amie avant de s'excuser de leur départ précipité, mais qu'elle l'aime et lui souhaite beaucoup de bonheur. L'hispanique tente de les retenir sans comprendre les raisons de leur hâte. On se reverra bientôt, conclut la métisse.
Ils traversent la galerie au pas de course.
« Merde ! » se rappelle-t-elle en le retenant subitement. « Mes affaires. »
Retour à la Chambre Verte, dans l'aile des femmes. En bas, dans le hall, du monde s'agite. Tsoukanov a alerté les estimés parents Auersperg. Le patriarche familial est d'ailleurs déjà au téléphone avec la Police. Oui, il faut faire vite. Une tentative de meurtre et peut-être de viol sur la mariée et une demoiselle d'honneur. C'est bien malheureux de telles allégations, mais à défaut des poings on utilise la langue. Méthode de lâche, se dit le Capitaine russe, mais nécessaire pour se débarrasser des rats. L'esprit délétère a bien marché sous Staline, non ?
Dès que ses affaires sont emballées, ils reprennent leur fuite. Non, pas par là lui fait-elle remarquer au détour d'un couloir. Plutôt par les sous-sols, avec l'activité qui y règne, on ne risque pas de remarquer leur passage.
« Dernier appel pour les passagers du Vol Lufthansa LH2327 à destination de Berlin. »
L'embarquement ferme ses portes dans cinq minutes. Aux toilettes pour hommes, une porte de cabine s'ouvre . Anton en sort calmement avec sur les talons une jeune blonde un peu décoiffée. Elle a encore du foutre au coin des lèvres qu'elle s'empresse d'essuyer du doigt après une œillade dans le miroir. Une chance pour elle, aucun témoin notable si ce n'est un voyageur en pleine conversation avec un urinoir. Ils auront leur vol in extremis. L'hôtesse les sermonne subtilement à propos de la ponctualité, contrôle leur billet et les invite à monter. Durant le trajet, il l'interroge sur ses préférences pour leur court séjour au pays teuton. Plus de luxe, insiste-t-elle, un hôtel miteux ferait l'affaire. C'est en souriant qu'elle lui avoue en avoir marre des richesses étalées, et qu'elle préfère en prendre congé : reprendre une vie normale, faite de tracas financiers, de malbouffe, de soirées débiles. Tout compte fait, il y a plus difficile comme baronne.
Au soir, ils déposent leur maigre bagage dans une chambre modeste du Berolina Hotel, au 35 Rankestrasse à Berlin. Siegfried lui indique qu'ils ne sont pas très loin du célèbre Zoo de la ville, l'information lui tire un petit sourire alors qu'elle admire l'activité urbaine par la seule fenêtre de la pièce. Finalement, avant de sortir à la recherche d'un restaurant, elle lui propose de venir prendre une douche avec elle. Ils ne se laveront pas beaucoup puisqu'elle est prise sous le jet d'eau brûlant, dos contre la céramique humide. L'étudiante ne tarde pas à jouir sous les puissants coups de reins dont son entrecuisse est victime. Elle en aurait hurlé à la mort s'il n'avait pas envahit sa bouche d'un majeur conquérant qu'elle s'était mise à sucer avec zèle. Il la seconde en giclant trivialement à l'intérieur ; c'est parce qu'il sera rapide qu'en ce sera humiliant pour la métisse. Il coupe l'eau, elle souhaite poursuivre sa douche : non. Tu sors ce soir avec mon foutre entre les cuisses, comme une bonne soumise. Oui, Mein Herr. Mettre une culotte n'est pas nécessaire., qu'elle soupera au restaurant sans.
Et quand ils quittent la pièce, vers 21:30, le prussien passe une main autoritaire sous la petite jupe d'Akina,caressant sa croupe afin de vérifier qu'elle ne porte aucun sous vêtement. Ils n'ont pas à aller bien loin et restent dans le quartier de la Gedächtniskirche où ils soupent au Ranke 2, un établissement à la duplicité typiquement berlinoise, aux toilettes mixtes et relativement réputé pour faire un tour d'horizon des mets berlinois. Scarlett s'étonne que la carte propose uniquement la langue allemande : en bonne mondialiste, elle aurait préféré que les lieux touristiques prennent le pli de l'anglophilie. Ainsi, elle sollicite plusieurs fois son maître « Et ça, c'est quoi ? Y'a quoi dedans ? » Pour baiser avec lui, l'allemand devient plutôt simple à parler et comprendre, mais dès qu'on touche à un autre domaine : ca y est, c'est compliqué.
Le serveur arrive, ont-ils choisi ?
« Ja, ja.... Hausgemachte Goulaschuppe, » déclare-t-elle en articulant bien, pour être certaine son doigt pointe les plats en question sur la carte.. « Und ein Rothbarsch filet mit Broccoli. Danke... »
L'employé lui sourit, loue l'effort de l'accent et elle le remercie courtoisement. Elle a un bon professeur, précise-t-elle en allemand avec un clin d'oeil pour Anton. Le garçon de salle prend le temps d'allumer une bougie à leur table et après que Von Königsberg ait fait ses choix, sélectionné un vin peut-être, il s'en retourne transmettre aux cuisines. Entre deux bouchées, ils bavardent, de tout et de rien comme ils avaient l'habitude de le faire à Seikusu. Parfois, elle va complimenter la cuisine. Bourrée de préjugés, elle lui avoue volontiers qu'elle ne pensait pas les allemands capables d'une telle créativité en matière culinaire. Enfin, elle ne s'attendait pas non plus à ce qu'un baron vieux de cent ans apprécie faire le ménage et les repas.
Et puis...
« -J'ai apprécié votre manière de maîtriser Aleksei, Mein Herr. » annonce-t-elle d'un ton sensuel, en léchant sa cuillère à sa soupe sans le quitter du regard. « Votre numéro de grand méchant nazi, ça m'excite toujours. »
A-t-elle vraiment dit ça ? « Oui voyons » vomit sa conscience, « On est plus à une aberration près. » Et ? Elle a férocement envie de lui faire oublier Marisol.
Ils rentrent deux heures plus tard après avoir traîné dans les rues avoisinantes, bras dessus, bras dessous. Un badaud a taxé une clope à Sieg et ils ont repris le chemin de l'hôtel. Avant de se mettre à genou, elle lui déclare combien elle aime cette ville, que l'Allemagne est pays charmant : elle flatte un peu l'ego nationaliste de son amant. Une boucle est défaite, la ceinture claque doucement près de la joue d'Akina au moment où il la retire. Et si la fellation commence bien, elle dérape complètement quand il finit par la coincer contre un mur pour abuser de sa gorge fragile. Pour jouir, il s'assoit au bord du lit, lui ordonne de rester agenouillée à deux mètres de là, se masturbe énergiquement devant la vision de sa baronne docile. Son orgasme soudain le fait grogner. Plusieurs jets de sperme s'épandent à terre, entre lui et elle. A quatre pattes, la belle avance, centimètre par centimètre la langue au plancher afin d'astiquer ce dernier de nombreux coups de langue. Elle lape sans répit, goûte à la semence de son maître, jusqu'à arriver à ses pieds qu'elle embrasse avec une ferveur sincère, remontant vers lui.
Le lendemain, ils décident d'aller visiter l'un ds nombreux musées de la ville. Au petit-déjeuner, ils avaient fait une liste pour convenir qu'ils n'iraient pas dans les lieux mémoriels, voilà qui réduisait franchement les possibilités. Le musée des Beaux-Arts, c'est bien ça. On risque pas d'y parler de la Seconde Guerre. Et si la bâtiment est éloigné de leur hôtel , ils n'auraient qu'à en profiter pour magasiner en chemin. Vendu !
L'accueil au Musée est agréable. Elle ne s'y connaît pas beaucoup en art, mais l'établissement culturel semble doté d'une collection conséquente. Est-ce à cause des nazis ? Faillit-lle demander. Après tout, son pays paternel ne tournait-il pas des films du type Monuments Men, où l'on apprend que la plus grande concentration d'oeuvres d'art a été entre les mains de méchants allemands. Une guide-conférencière leur annonce qu'il y a un vernissage dans la salle des Antiquités avec entrée-libre. La curiosité les pousse à visiter ce lieu en premier.
« Siegfried !- s'exclame une voix féminine dans leur dos. Ils se retournent et leur fait face une quadragénaire bien entretenue, tailleur strict, chignon sophistiqué et rouge à lèvres éclatant. Elle jauge d'abord Akina du regard avant de commenter : « Charmante ta nouvelle acquisition, tu l'as ramassé où cette fois-ci ? Dire que tu oses revenir à Berlin avec la situation. Nous devons parler. » Encore une œillade pour la métisse et précision s'ensuit : « Seuls. »
Siegfried s'éloigne avec la bourgeoise, et Scarlett se retrouve esseulée au milieu du vernissage. Elle fera l'effort de prendre sur elle, admirer une ou deux œuvres – bavarder avec des amateurs d'art ou des professionnels. Toutefois, elle n'est pas rassurée, jette de fréquents regards sur le couple à plusieurs mètres de là. La discussion semble agitée, au moins du côté de l'allemande.
« Non mais tu ne te rends pas compte. J'ai eu l'ambassade russe au téléphone. Toutes nos chances de remettre un seul orteil à Königsberg sont compromises. Ils ne veulent plus parler. Tu aurais agressé le fils du gouverneur ? C'est vrai cette histoire ? Tous....tous les efforts qu'on a fourni pendant des années. »
Scarlett est en pleine contemplation d'un tableau évoquant Prométhée enchaîné quand des exclamations agitent le public. Elle fronce les sourcils, se rapproche de quelques pas du centre d'attention. Joanna Von Königsberg, l'une des bienfaitrices du Musée tient sa joue gauche. Plusieurs témoins ont assisté à la gifle qu'elle vient de recevoir. Sans doute excédé, Anton la saisit par le bras pour s'isoler dans une pièce adjacente avec moins de monde.
« - Je te rappelle que je suis ton aîné et à ce titre, Baron de Königsberg, et chef de famille. Je n'ai pas de leçon à recevoir de toi. Alors baisse d'un ton. »
Il la salue ensuite poliment et va retrouver Walker. Assez d'art pour aujourd'hui.
La fenêtre de la chambre est grande ouverte. Une légère brise automnale soulève les rideaux blancs et les rumeurs de la rue s'élèvent timidement. Ils sont nus, lui allongé sur le dos, elle lovée contre son flanc. Il s'est permis d'allumer une cigarette et fume.
« -Qui était cette femme ?
-C'est elle que j'ai baisé quand j'étais en Allemagne. C'est avec elle que j'ai pensé à toi. Quand elle est revenue, après que tu m'aies dit que tu voulais ma fidélité, je l'ai repoussée. Elle ne me touchera plus. Jamais.
-Je n'ai jamais su ce que vous pensiez de tout cela Mein Herr. Mon départ hâtif, mes fiançailles. C'est peut-être notre dernière nuit ensemble.
-Je n'ai jamais autant lutté pour une femme.”
Il tend le bras, secoue sa clope pour faire tomber quelques cendres sur le chevet.
“-Je ne regrette pas et je continuerai à me battre. Même si ça me prendra des années, je te retrouverai où que tu sois.
-Pourquoi ce revirement? Comment est-on passé du professeur intègre, droit qui repoussait mes avances dans un restaurant à....Anton Von Königsberg se battant pour retrouver sa baronne?”
Elle remarque qu'il a un petit sourire gêné.
-Tu es exceptionnelle. Je veux dire... j'ai envie de t'avoir pour moi seul. Tu combles tout ce que je désires. Et tu es... tu es plus proche de ce que je cherche chez une baronne que beaucoup d'autres. Je ne peux pas te dire que je t'aime. Pas encore. Mais si je devais n'en garder qu'une sur cette Terre, ce serait toi.”
L'américain fronce les sourcils un court instant, comme si elle ne croyait pas à cette version. D'ailleurs, elle a envie de lui dire familièrement : “C'est....pour me faire marcher non?”. Toutefois, s'il pense le moindre mot prononcé ce soir-là, alors c'est une espérance accomplie pour la métisse : mieux qu'une déclaration d'amour. “N'exagérons rien” intervient la conscience. “Disons que c'est juste un peu en-dessous.” Elle s'appuie sur un coude, se penche pour voler à ses lèvres au goût de nicotine un baiser passionnel.
-Heureusement pour vous, Freiherr Anton Von Königsberg, on ne vous demande pas de choisir d'en garder une sur cette Terre. Peut-être que moi, je vous le demande – mais qui suis-je pour commander à l'impétueux Baron maudit.”
Il y a un peu de moquerie, mais beaucoup de tendresse dans sa voix. Elle se permet ensuite de lui ôter la cigarette des doigts et va l'écraser dans le cendrier.
“-Je n'aime pas quand vous fumez. Vous savez, j'ai bien réfléchi.”
Elle quitte le lit, attrape sa lingerie qu'elle enfile sous les beaux yeux du prussien.
“Je ne vous ferai pas l'affront de vous répéter mes sentiments, Mein Herr. Ils demeurent inchangés. Je vais retourner au Japon, avec vous. A Sendai d'abord, voir grand-papa. Il reviendra sur sa décision, il vous acceptera.”
Le sourire en coin, malicieux, qu'elle lui oppose laisse deviner qu'elle a déjà planifié beaucoup. Elle passe ses jambes dans un jean acheté récemment, couvre son buste d'un pull moulant et attrape son trench.
“Je file au chinois du coin, nous chercher à manger. Pas de bêtises.” avertit-elle théâtralement.
Deux jours plus tard, région de Sendai.
“Kanzaki-sama...c'est Mademoiselle Akina, elle est là, sur le péron avec Monsieur Von Königsberg.” se catastrophe Kanj-san qui a pénétré la bibliothèque des Kanzaki pour déranger le couple âgé en plein dégustation de thé et lecture du journal. Akiko se redresse immédiatement, au même titre que son époux dont le soulagement dépeint la figure. Il avait été averti par Hiranuma de la disparition de sa petite-fille qui avait quitté Londres pour un mariage mais n'était jamais revenu. Au passage, il avait sermonné son futur petit-gendre, en lui expliquant qu'il ne pourrait jamais aller bien loin dans les affaires s'il n'arrivait pas à gouverner sa propre femme. Cependant, le vieux dragon s'était quand même mis à éprouver de l'inquiétude pour sa progéniture. Disparue comme sa mère? Akiko en avait pleuré, sans qu'il n'ait de regret.
“-Faîtes-les entrer, Kanji-san.”
Les amants maudits font irruption cinq minutes plus tard, bagages encore en main pour Scarlett. Avant toute chose, elle se précipite sur sa grand-mère pour l'étreindre et la rassurer Mais l'humeur du vieillard n'est pas à la fête. Il adresse un signe de tete assez froid à Siegfried, et paré de sa dignité japonaise annonce :
“-Merci d'avoir retrouvé notre petite-fille, Monsieur Von Königsberg et de nous l'avoir apporté. Nous nous inquiétions et son fiancé aussi. Il vous sera reconnaissant.
-Non! S'exclame Walker en relâchant Akiko. Elle va se placer aux côtés du prussien et lui saisit la main. Je ne retourne plus à Londres. Je reste ici, avec Siegfried.
-Akina, nous en avons...déjà parlé!!
-La donne a changé! Nous allons nous marier. Avec ou sans votre bénédiction. Mais franchement, ce serait mieux avec.”
Consternation. Même l'allemand paraît surpris bien qu'il ne laisse rien transparaître. De toute manière, Akina ne l'a pas mis dans la confidence, de peur qu'il refuse ce mensonge. Selon elle, pourtant, la fin justifiait les moyens.
“-Je suis adulte, majeure, vous ne pouvez rien contre cela.
-Monsieur Von Königsberg, vous...vous êtes un homme raisonnable, commence Akira alors qu'il ignore la révoltée.
-C'est inutile grand-papa! Vous comprenez ça? Nous allons nous marier, et je suis enceinte.”
Stupeur.
Scarlett presse bien fort la main de son maître. Voilà qui avait marché pour Marisol, espérons que l'honneur des Kanzaki saura accepter ce fait établi. Bien sûr, la grossesse n'est pas vraie – ce n'est qu'un prétexte inventé pour faire flancher son grand-père. Mais ça, personne ne peut le savoir, pas même Anton. Le japonais est blême, il lorgne vers son épouse dont le sourire comblé l'énerve davantage.
“-Vous verriez Hiranuma élever un bâtard? Car si vous m'obligez à l'épouser, je lui dirai que l'enfant n'est pas de lui. Le scandale serait plus ravageur pour vous que des simples fiançailles brisées.
-C'est...
-Un vrai bonheur! Termine Akiko en s'approchant du couple pour saisir leurs mains, émue. Akira-sama, vous ne pouvez plus nier, désormais.
-Que pense Monsieur Von Königsberg pour un futur père décidé à épouser la mère de son enfant, il parle bien peu! Reproche Kanzaki.
-Parce qu'il n'était pas au courant pour l'enfant, il vient de l'apprendre avec vous.”
Akira cède enfin. Il demande à Kanji-san de faire monter du thé et prend congé avec son épouse pour décider de ce qui doit être dit à la famille Hiranuma.
-
Retrouver Berlin a quelque chose de particulier. L'ambiance n'a pas changé. Cette ville restera un ravissement personnel... Et une déchirure. Pas tant pour la défaite en elle-même que pour ce qu'elle représente : La capitale du monde allemand, et ce depuis la fondation de son bien-aimé royaume de Prusse. Ce royaume que Königsberg était chargé de défendre contre les hordes de l'est ; sa mission échouée. Berlin, là où il gagna sa gloire, cumula les responsabilités, fut reconnu. Berlin, sa gloire perdue.
Il ne connaissait l'hôtel choisi que pour être déjà passé devant. C'était non-loin du bureau de l'Ahnenerbe où Siegfried n'avait passé qu'une petite semaine, avant d'être envoyé sur le terrain. Etrangement, il n'en toucha pas à un mot à Akina. Peut-être parce ce service de recherche était considéré comme farfelu, ou parce qu'il n'a pas envie de mentionner son passé en ces lieux. De la même façon, lorsqu'ils passèrent là où se trouvait auparavant le siège du sinistre SD, il ne dit rien. Un genre de blessure d'orgueil l'atteint lorsqu'il remarque qu'il n'y avait pas une seule plaque commémorative.
L'Allemagne était son sanctuaire, et à ce titre, il craignait d'y emmener Akina. Comme si elle pénétrait là où elle ne devait pas, là où il pourrait toujours se réfugier si le monde s'écroulait autour de lui. Il se sent étonnamment heureux de l'avoir avec lui. Il ne le dira pas, mais sa joie est sans borne lorsqu'elle prétend apprécier la ville.
Et il laissera déborder sa luxure. Là encore, il pensait qu'il pourrait se tenir, juste... être normal. Mais rester près d'elle l'excitait bien trop. Il l'avait souillée, encore et encore. Et cette chienne avait adoré.
Malgré l'incident avec Joanna, il fut satisfait de cette parenthèse, et regrettait presque de partir. Quitter l'Allemagne était d'habitude un soulagement : Il était content d'arriver, et content de s'en aller. Cette fois-ci, il regardait en arrière, s'imaginant y être resté avec Akina.
L'idée lui traverse l'esprit dans l'avion. Quitter le Japon pour se réinstaller en Allemagne avec elle ? Ici, il aurait du travail. Il pourrait lui en trouver, à elle. Elle devra apprendre la langue, mais était-ce si affreux ? Ils seraient loin des japonais, et pas si proches des russes et des anglais. Il ne lui en touchera pas un mot, gardera l'idée en tête. Siegfried construit des plans, des tas, ce n'en est qu'un de plus. Il le fera dans l'ombre.
Lorsque la plupart de l'avion dormira, il aura infligé à sa douce soumise un cunnilingus, planqué sous une épaisse couverture. Il n'acceptera pas de retour.
-...et je suis enceinte.
-QUOI !?
Il n'avait pas hurlé, ses lèvres étaient restées closes, mais dans sa tête, le cœur y était. Il la toisait, s'en retournait vers le couple d'hôtes. Devait-il feindre de savoir. Aussi, il tentera de rester neutre, pour couvrir le mensonge. Bon sang, c'est ça, sa technique pour tout arranger ? Mais quelle... petite... conne !
-Parce qu'il n'était pas au courant pour l'enfant, il vient de l'apprendre avec vous.
Ouch. Ca, par contre, ça ne le rassure pas. Si auparavant il pouvait croire à une simple stratégie, le fait qu'elle dise ainsi la vérité lui laisser penser que c'est vrai.
Un enfant. Un enfant. Un enfant.
Il se tait. Il sait qu'il a trahit une confiance, quelque chose de sous-jacent. Il leur force la main. Il voudrait balancer qu'il a retrouvé Seika, pour contrebalancer l'affront, mais les laissera sortir, yeux baissés.
Il faut qu'il lui parle, dit-il, et sans son autorisation, il la traîne avec une poigne certaine enfermée sur son bras. Une fois isolés, il la colle contre le mur. Il peine à en rester aux murmures.
-Dis-moi que ce n'est pas vrai.
-Ce n'est pas vrai. J'ai inven...
-Chut, chut, c'est bon.
Il ne sait pas s'il doit être soulagé ou non. Le gros avantage aurait été d'en terminer avec toutes ces histoires. Akina enceinte réglait 50% de leurs problèmes.
-Je refuse de leur mentir. J'ai trop de respect pour eux.
-Il va falloir... Sinon... Il n'acceptera jamais.
Il était dos au mur. ELLE l'avait mis dos au mur. Il ne supportait pas ça. Être obligé de passer outre l'une de ses valeurs était un véritable déchirement. À cause d'elle. Il lui précise qu'il n'en restera pas là, qu'il y aura une punition à la clé.
Ils prendront ensuite le thé ensemble, discuteront de tout et de rien. Akira reste relativement crispé. Siegfried, lui, ne décroche pas un mot, répondant monosyllabiquement lorsque l'on s'adresse à lui. Peut-être les deux japonais prendront-ils ça pour de l'humilité, ou de la honte. Comme quoi, il lui reste un peu de dignité, à ce garçon, hm ?
Lorsqu'il se réveillera en pleine nuit, assis dans son fauteuil, le pistolet sur les cuisses, sa soirée passée lui semble presque floue. Il se souvient avoir mis son costume de SS, s'être armé. Il se souvient qu'elle l'a provoqué. À partir de là, ça se mélange. Lui a-t-il vraiment fourré son canon dans la bouche ? Il n'en est pas sûr. Par contre, il sait qu'il a tiré. Il se souvient du voisin d'au-dessus arrivant chez lui, et lui devant justifier en expliquant que son téléphone avait explosé. Si si, explosé. Vous avez entendu parler de ça aux infos, non ? Presque nu, il ira chercher les débris de son téléphone prépayé, qu'il a acheté en Europe et fracassé contre un mur au retour, pour lui montrer. Il ne l'aura pas laissé rentrer, non : Akina est évanouie sur le canapé, dans une position plutôt dégradante. Voilà. Le voisin s'en va. Ca, c'est net. Il avait fait d'autres
Il se lève, pris d'un doute, et va dans son salon. Au sol, il trouve sa dague. Il y a un impact de balle dans le cuir du sofa, deux grosses entailles dans le plancher. Quelques fines traces de sang. Des fluides. Ah, oui. Elle était à terre, et lui debout au-dessus d'elle, quand il lui avait repeint la face. Le souvenir lui fout la trique. Il va constater la salle de bain, remarque qu'une serviette traîne à terre. Et du sang aussi dessus. Merde.
Il se précipite silencieusement jusqu'à la chambre. Elle est là, dort paisiblement, nue. Il s'approche, constate qu'il l'a bandée où elle s'était blessée. Lorsqu'il soulève un peu trop le drap, elle remue quelque peu. Il le repose. Nombreux hématomes. Merde, oui. Il se souvient lui avoir distribué des claques. Beaucoup. Des coups de ceinture dans le dos. Il l'a fessé, peu cependant.
Elle était dos à lui. Il était en train de la tuer, tirant sur son collier. Elle avait demandé à ce qu'elle lui tire dessus. Béate après avoir joui, dans une folie orgasmique.
« Ca sera notre petit secret. »
Et alors qu'il la prenait de nouveau, le canon était sur sa nuque. Il a tiré. Heureusement, sa main avait dévié bien avant. Elle avait joui de nouveau, s'était évanoui. L'air, le plaisir, la peur, la joie, la mort.
Merde. Il avait été trop loin. Il aurait pu la buter, pour de bon, sans même être en état de pleine conscience.
À cette pensée, il s'assied au sol, pris d'une certaine panique. Il se décoiffe nerveusement, grattant de l'autre main le sang séché sur le plancher.
Il se hait.
Le lendemain, dès le réveil, il l'avait fait manger, boire. La maison était propre et rangée, évidemment. Une fois sustentée, il aura voulu l'examiner. Des pieds à la tête. Constatera les nombreuses atteintes qu'il a commises. Il voudrait s'excuser, mais dans son rôle de Maître, il ne le peut pas. Elle méritait cette punition. Ces motifs était légitimes.
La manipulation était donc purement médicale. Application d'une crème, changement des pansements. Il lui rappelle qu'il l'aime. Qu'il n'y avait aucune véritable haine dans ce qu'il a fait. Il lui dit aussi qu'il n'a pas fini de la punir. C'est ainsi. Il n'a pas eu ce qu'il désirait : Qu'elle se rende compte de ce qu'elle a fait, et qu'elle se repente. Magnanime, il lui dit qu'elle aura le choix du moment. Il suffit qu'elle lui dise quand elle est prête. En attendant, du repos. Et pas de sexe. Il faut qu'elle se ménage un moment.
Il s'occupera d'elle, comme si elle était une princesse, le reste de la journée.
Des tas de messages en attente, sur son téléphone qu'il avait laissé là. Dont trois SMS de Joanna, qui ne s'imaginaient pas qu'elle allait payer un tarif fou, pensant que l'appareil était avec son propriétaire, en Allemagne. Cette pensée l'amuse. Elle l'admoneste un premier temps, s'irrite le deuxième, s'excuse au dernier. Il ne répond pas. Elle aussi a besoin d'une leçon.
-
Avant de quitter le manoir Kanzaki, Akira a insisté pour qu'elle soit suivie par le docteur Mudo ; un ancien collègue – gynécologue de son état et reconnu par ses pairs. Il consulte à Tokyo uniquement, il lui prendrait un rendez-vous pour dans deux semaines, elle n'aurait pas à payer les honoraires et ainsi, les grands-parents seraient rassurés sur la santé de la future mère et de l' enfant. Là, elle comprend qu'elle a vraiment merdé avec ces histoires de grossesses. Si elle se présente devant Mudo, il constaterait bien vite le mensonge, avertirait son grand pote Akira, tout serait fichu. Définitivement fichu.
Elle promet qu'elle ferait de son mieux, les embrasse à tour de rôle. Le patriarche est un peu crispé, mais semble résigné. Il s'incline devant l'allemand, un peu plus bas que d'habitude.
Quelques heures plus tard, ils sont de retour à Seikusu, dans l'appartement de Siegfried. Rien n'a changé, ses affaires à elle sont toujours là comme si elle n'avait jamais quitté. Ce mois passé lui a paru durer une éternité. Il faudrait qu'elle contacte l'université de Seikusu, annule son transfert étudiant à Londres. Oui, d'accord. Ce sera l'une des priorités. Ensuite, appeler le Daily Seikusu, le rédacteur a essayé de la joindre plusieurs fois par mails, téléphone. Il voudrait peut-être encore bien d'elle. Toutes ces préoccupations lui font tourner la tête. Il lui propose du thé, tente de se faire un café. Je dis tente parce que la tasse sensée accueillir le liquide noir finit explosée contre un mur et au sol. C'est le début de l'escalade. Ils ne sont plus d'accord sur rien. Oui, elle a eu raison de mentir. Non, c'était irréfléchi. La tension devient rapidement malsaine, sexuelle et exacerbe leurs sens. Bientôt, ils perdent toute notion de limite et les sentiments qu'ils se vouent mutuellement virent à la poudrière. Elle provoque l'étincelle, il se contentera d'alimenter le brasier. Et elle va s'y consumer lentement, douloureusement : être asphyxiée par les émanations toxiques, sentir sa peau se distendre sous les morsures des flammes.
Après sa perte de conscience, elle sera restée longtemps dans les ténèbres.
Durant la nuit, elle a eu une légère fièvre. Rien d'inquiétant, sûrement le stress et l'angoisse. Au petit matin, elle ouvre enfin les yeux pour découvrir Anton à ses côtés, il tient un plateau de victuailles. Je me souviens de tout, a-t-elle envie de lui dire, il ne faut pas vous en vouloir c'était très bien.
« -Je n'ai pas très faim... »
Sa mâchoire est encore douloureuse, sa lèvre tuméfiée rend déjà tout acte de communication orale pénible, alors mâcher, avaler. Pourtant, il insiste. Elle s'y contraint, parce qu'il a raison : elle doit reprendre des forces, nourrir la maladie comme disait Seika. En réalité, son corps éprouvé est encore sous le choc, même si elle esquisse de nombreux sourires à l'attention du prussien. A de rares reprises, la fourchette échappe de sa main tremblante. Elle a l'impression d'avoir le goût métallique du canon de l'arme en bouche. Elle acquiesce poliment à ce qu'il dit : la punition, enfin le reste du châtiment. Elle choisira le moment.
« J'ai...j'ai très mal au dos, Anton... »soupire-t-elle en fermant les yeux. Se caler contre les deux oreillers dansson dos n'y change pas grand-chose. Elle lui réclame un anti-douleur, n'importe lequel. Son pauvre cou également est marqué des sévices infligés la veille.
Elle se rendormira ensuite, épuisée, mais ne trouvera qu'un sommeil superficiel où les songes se succéderont. Ce n'est plus Siegfried qui tire, mais Nikolaï : lui ne rate pas sa cible. Une autre fois, c'est son père. Elle hurle le nom de son amant, réclame son assistance. Toutefois, elle est désespérément seule.
Bien sûr, pour se lever, faire quelques pas, il faut négocier avec le patron. Dès qu'elle réussit à quitter le lit, elle enfile un peignoir de soie blanche et le rejoint dans le salon. Tiens, elle reconnaît la musique que diffusent les enceintes de l'ordinateur. Du Brahms. Ca la met tout de suite en de bonnes dispositions. Autour de la table, ils souperont ensemble. Après avoir complimenté la cuisine toujours très réussie du baron, elle enchaîne :
« -Vous étiez très beau dans votre uniforme. Oui, ahm...le noir vous va bien. » Promis, elle nettoiera plusieurs fois sa bouche. « Je regrette. Je n'aurais pas dû mentir, même si je n'ai pas vu d'autres solutions. »
Un temps de réflexion, puis :
« Quand j'ai décidé d'apprendre l'allemand, pour vous épater. »
Vous baiser.
« Et bien, j'ai cherché comment on disait couple. Et je suis tombée sur une traduction étrange. Qu'est-ce que c'était déjà...oui, parce que... »
Son discours est un peu décousu, elle ménage de nombreuses pauses à cause de ses lèvres et de sa mâchoire.
« Parce que, je voulais savoir quelle situation d'avenir nous avions. Et je suis tombée sur un mot, euh...Zweisamkeit. Il y avait plusieurs traductions en anglais, mais celle qui m'a paru la plus convaincante à notre cas était : la solitude à deux. »
Le mot anglais est togetherness, soit l'intimité.
« Enfin, je ne suis pas linguiste et encore moins poète. »
Un petit sourire, suivi d'une faible grimace. Elle se remémore les dernières années avec Jack Walker, et la douleur des coups, les descentes dans les hôpitaux, militaires de préférence, les prétextes idiots : une chute, une mauvaise rencontre dans la rue.
« Ils sauront tôt ou tard que j'ai menti. Je me suis dit que...vous savez, cet homme qui était venu vous voir, le jour de mon départ. »
Ils ont échangé de l'argent, l'un a même ri.
« Il semble être votre ami, il pourrait m'héberger quelque temps ? Sinon, je pourrais demander à Kenneth, lui il accepterait. Le premier endroit où on viendra me chercher ce sera ici. Vous me punirez quand la situation se rétablira. »
Ses doigts effleurent le pansement à la commissure de ses lèvres, le bandage à son cou : là où le cuir a trop frotté contre la peau. C'est grisant.
-
Zweisamkeit.
Il aura sourit en l'entendant prononcer ce mot. Typiquement allemand, n'existant que dans très peu de langues. Il lui caresse la joue, éprouvant ses blessures, sentant un déchirement intérieur à la voir ainsi ramer pour des tâches aussi simples, puis pose ses couverts pour les explications.
-Tu as dû voir que l'allemand était une langue... (il rit) ...« Lego ». Nos mots se construisent et se déconstruisent. Nos poètes, ainsi, peuvent créer des mots, dirais-je, bâtards, ainsi que l'est celui-ci. « sam » et « keit » sont deux suffixes qui servent à indiquer l'état, la nature. Einsamkeit, celui qui est seul, qui est un, isolé. Ce qui permet aux allemands de remplacer le Ein par Zwei, et Zweisamkeit. La solitude, mais à deux. C'est précisément nous. Je t'ai déjà dit que cet appartement était une bulle, c'est un peu ce que cela symbolise. Les balades de couple sur la plage, en forêt, dans toutes ces étendues vides. Le sexe. Ces moments où il n'y a que nous qui existons.
Il reprend ses couverts. La question suivante demande un peu plus de sérieux. Retourner chez Kenneth ? Hors de question. Ils ont peut-être enterré la hache de guerre, mais il tient à la tenir loin de lui, autant que faire se peut. Quant à l'autre option... Elle n'est pas plus séduisante que la première, mais sans doute plus sûre.
-Tarô est un détective. Je l'ai engagé il y a longtemps, pour une affaire juridique. Je n'étais pas encore professeur. Depuis, on est resté amis. Il sait rester discret sur mes basses besognes. Toutes. Il a du réseau, il est efficace. Il travaille à n'importe quelle heure tant que je le paie.
Un instant. Il fronce les sourcils.
-Et c'est pour cela que je n'ai aucune confiance en lui. Les opportunistes cupides sont agréables quand vous avez le compte en banque, mais dès qu'en face de vous apparaît quelqu'un de plus riche, là, il y a un problème. Ecoute... Je vais te noter l'adresse et le numéro de Tarô. Si jamais il y a un problème et que même ton père ne peut rien pour toi, tu lui dis que je rembourse ses charges vis-à-vis de toi. Fais le ménage et la cuisine, et range son bordel. Il t'acceptera sans doute. Mais ne compte surtout pas sur lui pour te protéger s'il devait avoir l'occasion de te vendre pour plus cher que je ne le propose.
Il ira trouver papier, crayon, téléphone sorti, il note les coordonnées, lui montre un court instant, puis va lui mettre dans son sac à main, avec pour consigne de le recopier dans son téléphone au plus vite.
-Pour l'instant, je ne souhaite pas que tu partes. Pour le spécialiste de ton grand-père... Temporise. Tu diras que tu n'as pas eu tes règles depuis un mois, et qu'un test t'a donné positive. Il ne trouvera rien, dérèglement passager, tout va bien, et on avisera avec ton grand-père à ce moment-là.
Une pensée pour Seika. Elle ne voulait pas venir. Elle est pourtant la seule à pouvoir tout arranger. Dieu ait pitié d'Akina en son absence.
Il débarrassera la table, lui conseillera d'aller se reposer. Un massage aurait été bienvenue, mais vu l'état de sa peau, il risque de lui faire plus de mal que de bien. Il lui installera tout ce qu'elle veut : Une chaîne, sa console, lui donnera l'utilisation de son PC si elle veut rester au lit. De temps à autre, elle le verra travailler : Son congé n'est pas infini, à son grand dam.
Tuer Hiranuma. L'idée l'obsède. L'éliminer purement et simplement réglerait tout. Mais Siegfried serait le suspect numéro 1... Alors il faut l'atteindre profondément, de manière à ce qu'il comprenne, et ne se rebelle pas. Que lui-même fasse tout pour abandonner.
Mais maintenant qu'il y pense, il n'y a pas que lui. Akira cherchera peut-être un nouvel époux. Le duo de clowns comiques d'ex-URSS échappés du cirque du soleil sera toujours après elle. Et son père... Hmf. Le vieux Jack est imprévisible.
Il se lève pour attraper son téléphone, et envoyer un SMS à Kitty. Il demande des nouvelles, d'elle et de lui. Avec du détail.
En le reposant, il tombe sur l'arme qui traîne sur l'étagère, qu'il n'a pas rangé. Cette même arme avec laquelle il a tiré sur Akina. Il la prend, constate qu'il manque une balle. Il va falloir financer le remplacement du canapé, et du plancher. Et ça coûte cher.
-Si tu étais morte.
Qu'il dise ça avec une arme dans les mains n'est pas très rassurant.
-Si tu étais morte... Et que j'étais le seul à savoir que c'est faux. Ou au moins, si tu avais disparu. Comme ta mère. On n'aurait plus de problèmes. Enfin... On en aurait de nouveaux. Plus ceux-là. On vivrait... caché. Notre relation, nous serons la seule à la connaître. Hm.
Il repose l'arme et retourne s'asseoir.
Zweisamkeit.
-
Base militaire de l'USAAF à Yokata, arrondissement de Tokyo.
« -Capitaine Walker. »
Il a envie de dire : abrège, mais les réflexes militaires ont la vie dure. Le sous-fifre est récompensé par un salut en ordre. Ensuite, ils arpentent les couloirs de l'administration de la base. Walker en tête, l'assistant sur les talons avec une pile de dossiers en main. Leurs pieds foulent allégrement l'insigne de l'Air Force, gravée à même le sol et enjambent leur devise : « Above All. » Jack a toujours dit que c'était vrai, au-dessus de tout : sauf des emmerdes.
« -Vous avez un rendez-vous avec un gars envoyé par le Pentagone.
-Pourquoi ? Et qui ?
-L'ordre de mission ne peut vous être communiqué que par cette personne, question de sécurité. »
Et ils s'arrêtent devant la porte du bureau de Jack, où l'attend le rendez-vous en question. L'officier est intrigué, des consignes de sécurité, ici au Japon ? La bonne blague. Néanmoins, il attend la réponse à sa question suivante :
« -Lieutenant Walker.
-Quoi ? Prénom ? »
Non, parce qu'il n'y a pas de Lieutenant Walker dans la famille. John est Major-Général, dans l'armée de Terre, et le petit dernier, James est encore Sous-lieutenant. Un temps de latence, le soldat de rang se met à lire nerveusement ses petits papiers.
« -Lieutenant Seika Walker de la Tweelth Air Force. »
Il a dû trop boire ce matin. Pas du tout, il est parti à jeun. Kitty l'a bien fait chier à ce sujet, pas une goutte d'alcool avant le service. Ou alors, le troufion est en train de lui raconter des cracs, ouais c'est sûrement ça. Sa poigne féroce saisit son collet.
« -Attends petit con, t'es en train de me dire....qu'il y a ma femme....derrière cette porte ?!
-Je...je ne sais pas, Capitaine...je ne peux pas savoir. »
Le gradé relâche son emprise, fait un signe prompt de dégager et ouvre la porte à la volée.
Elle est là, installée dans l'un des fauteuils rembourrés, mais pas ergonomique pour un sous. Il s'était plusieurs fois plaint de ces sièges atroces : manque de budget pour les remplacer lui avait-on expliqué. Et puis, elle est belle, magnifique, n'a pas pris une ride comme toutes ces salopes de niak. En fait, il ne trouve rien d'autre à dire que :
« -T'es quand même gonflée de te présenter après trois ans, sous mon nom.
C'est pourtant ça qu'il aime le plus chez elle, son audace.
-Jack, Bonjour, sourit-elle en lui suivant du regard. »
A l'image de l'américain, elle porte l'uniforme. Un brassard ceint son biceps, significatif de son appartenance au corps médical. Il lui en veut terriblement. Il voudrait même la congédier tellement sa rancoeur est tenace et lui bouffe les entrailles.
« -Tu m'as manqué, rajoute-t-elle avec ce ton qu'utilisent les femmes amoureuses. Beaucoup.
Toi aussi ma chérie, putain toi aussi.
« -C'est ça, lâche-t-il de manière concise. Alors tu viens prendre le thé ? Réclamer une pension alimentaire. Ah non, c'est moi qui ai la gamine.
-Tu parles de la seule fille qu'on a toi et moi, du symbole de notre amour. De cette merveilleuse petite chose, la meilleure qu'on ait réussi à deux. Et qui va se marier sous la contrainte, avec ta bénédiction ? »
Son sourire persiste sur ses jolies lèvres maquillées. Il a buté sur le mot « amour », se rend compte avec désespoir qu'il en est toujours épris, passionnément. Qu'il lui pardonnerait si elle décidait de revenir vivre avec lui. Cependant, l'orgueil d'un Walker est semblable aux fossiles ancrés dans les roches millénaires.
« -Ecoute Seika. Tu es partie il y a trois ans, sans donner de nouvelles. Tu as détruit tout ce qu'on avait construit, tout ce pour quoi on s'était battu à deux. Je crois pas que tu aies ton mot à dire sur la vie que doit mener la gamine que tu as lâchement abandonnée.
-Tu as raison, mon amour de Jack. Je n'ai pas mon mot à dire, parce qu'Akina.
-Scarlett, corrige-t-il.
-Akina, qu'elle reprend avec insistance, est majeure, adulte et très intelligente.
-Pourquoi t'es partie ? »
Il se relève, ouvre une armoire d'où il extirpe une bouteille de Bourbon et deux petites verres. Il lui en propose, elle refuse poliment et il se sert généreusement.
« -J'ai été réquisitionnée. Pour un projet militaire. Que tu me crois ou non, je n'ai pas eu le choix. Ils ont menacé de réduire ta carrière à néant, de nous enlever Akina, de....
Sa gorge se noue à cause de l'émoi suscitée par le ressassement de tous ces douloureux souvenirs. Un voile de tristesse s'abat sur ses beaux yeux bleus.
« -Ce que j'ai fait était la meilleure solution.
-On dirait que non, ton père est devenu totalement fou.
-Je sais. Enfin, nous savons comment il est. Pourquoi n'as-tu pas donné une chance à Akina et Siegfried de se battre comme nous l'avions fait.
-Tu as vu où ça nous a mené ?! Je vais pas laisser ma fille croire à cette saloperie d'amour. »
Hop, une gorgée d'alcool, il ne tient plus. Si Kitty le surprenait, il finirait découper au hachoir à viande. Seika pousse un léger soupir, elle écarte un pan de sa veste et déloge d'une poche intérieure ce qui ressemble vaguement à une enveloppe qu'elle lui tend.
« -Tu donneras ça à mes parents, veux-tu.
-J'ai la tête d'un postier ? »
Elle insiste du regard et il finit bien par céder, lui arrachant le papier des mains.
« -Tu pourrais réintégrer les cadres d'opération tu sais.
-Impossible, je suis foutu c'est le toubib qui l'a dit.
-Le toubib c'est moi. Je pourrais t'ausculter et transmettre un dossier impeccable à l'Etat-Major. Tu piloterais de nouveau, irais sur le terrain. En échange, je te demande juste d'aider Akina.
-Tu reviendrais à la maison ?
-Jack, s'il te plaît. Etre ici, me complique déjà les choses.
-Il y a quelque chose que tu pourrais faire, ma chérie. »
Il abandonne son verre déjà bien entamé, et contourne le bureau pour se mettre face à elle. Cette dernière, assise, redresse son minois sur la silhouette de son ancien mari, interloquée.
-T'as intérêt à faire ça bien, si tu tiens à l'avenir de notre fille.
Quand il déboucle la ceinture de son uniforme, elle fronce les sourcils.
Cinq minutes plus tard, elle est étendue sur le bureau, échouée au milieu des papiers. Ses cuisses écartées accueillent les assauts furieux de Walker. Elle crie faiblement, gémit de nombreuses fois, le supplie de lui en donner encore, plus vite. C'est bien mieux qu'un parloir conjugal. Et elle se rappelle pourquoi, après toutes ces années, elle avait placé Jack au-dessus de tous.
Résidence Kanzaki, deux jours plus tard.
A l'heure du dîner, Kanji-san avait apporté une lettre sur un plateau d'argent, accompagné d'un coupe-papier élégant. C'était un cadeau de l'ambassadeur allemand à son père, en avril 1943. Il tranche l'enveloppe, libère son contenu et congédie son intendant avant de lire la lettre à voix haute, pour que son épouse puisse en apprendre la teneur.
« -Papa, Maman,
Je sais que je vous ai énormément déçus dans cette vie.
Il y a eu mon engagement dans l'armée américaine, et puis Jack et enfin mon divorce et mon départ, sans explications. Alors que vous m'aviez accordé tous les caprices susmentionnés. J'aimerais vous demander pardon, mais je ne regrette rien. J'aime Jack, j'aime mon métier. Ma disparition est une méprise sur laquelle je peux difficile m'exprimer. Par-dessus tout, j'aime ma fille. Je la veux heureuse, comme je l'ai été.
Monsieur Von Königsberg m'a retrouvé, pour elle. Il y est arrivé là où tout votre amour parental, votre argent et vos vieilles valeurs ont échoué. Il l'a fait pour la sauver d'une vie malheureuse et je suis sûre qu'il a pris des risques.
C'est la dernière chose que je vous demanderai, la dernière qui ira à l'encontre de vos traditions d'un autre âge. Laissez ma fille tranquille. Laissez-la choisir. Lui, c'est un homme très charmant. Je lui donnerai Akina sans hésiter une seule seconde, ils ont ma bénédiction.
Réconciliez-vous avec Jack, il a pris soin de moi toutes ces années durant lesquelles vous avez fait défaut parce que votre orgueil nobiliaire était affecté. Ma disparition n'a en rien été causée par lui, il a souffert de mon départ tout autant que vous.
Enfin, ne punissez pas Akina à ma place. Elle ne le mérite pas.
Je vous aime.
Seika. »
Akira rejette la feuille devant lui, non loin de son assiette et échange un regard avec Akiko dont les yeux pleurent en silence.
Appartement Von Königsberg.
Siegfried.
Nous allons bien. Je veux dire, lui et moi. Il arrête de boire, même si c'est difficile.
Aujourd'hui, il m'a avoué qu'il avait revu sa femme. Il était en pleurs, je ne l'ai jamais vu comme ça. Elle est repartie qu'il m'a dit et il ne risque plus de la revoir un jour. Enfin ce sont ses mots.
Je fais toujours la pute, chez Thompson, au bar où va Jack de temps en temps. L'américain m'a proposé d'y travailler.
Ce n'est plus Radio Londres, mais Radio Moscou décidément. Le SMS est écrit en cyrillique. Elle n'a pas pris la peine de le rédiger en anglais, un message qu'elle fait ainsi subtilement passer à Siegfried. Bien qu'ils ne se doutent pas que l'intervention de Seika les ait sorti d'affaires, presque définitivement, le couple a lâché du leste ces temps-ci. Après quelques jours, la convalescence de Scarlett touche à sa fin. Evidemment, des marques persistent, comme les traces de fouet dans son dos, une ecchymose à sa gorge, et la trace de coupure à sa cuisse. Toutefois, sa mâchoire ne l'élance plus et ses lèvres sont rétablies. Par internet, elle a réussi – au prix de nombreux casse-têtes à se réinscrire à l'université de Seikusu et à quitter celle de Londres. En échangeant plusieurs mails, Alfred Miller et Chris Reuters ont finalement accepté une co-tutelle pour la poursuite de son mémoire. Elle resterait ainsi en partie affiliée à Londres, mais c'est un détail. L'air de rien, Miller est un professeur reconnu qui ferait très bien sur son CV universitaire.
Le plus étonnant demeure la proposition de Reuters pour un poste d'assistante. Wadamoto a donné sa démission et changé de faculté. Elle préfère se consacrer exclusivement à la médecine. Par conséquent, il s'est tourné vers son premier choix. Kenneth a été assez sympathique pour lui transmettre les cours qu'elle aura loupé, et qu'elle s'empressera de potasser au lit durant son repos forcé. Le seul inconvénient étant qu'il a insisté pour la voir et qu'il a fallu le tenir éloigné tout en le rassurant : ils se reverront en cours, il ne doit pas s'inquiéter. Sa longue absence s'explique par un décès dans la famille, etc. Ils ont également échangé au sujet du montage dont elle a presque oublié l'existence.
Enfin, il a été question de sa bague de fiançailles. Elle a préféré la retirer avant que Siegfried finisse par remarquer qu'elle la portait tout le temps au doigt, davantage par habitude que loyauté envers Hiranuma. Au vu de sa valeur, elle ne la jette pas à la poubelle, et la range au fond d'un tiroir de commode où elle prendra la poussière comme sa brève histoire avec l'avocat.
« Berlin me manque, » fait-elle remarquer gentiment alors qu'elle débarrasse la table après un souper commandé chez l'indien. Le blond de ses cheveux a viré au platine, nouvelle coloration, plus blonde que la précédente. Elle met en évidence ses traits occidentaux et la luminosité de ses yeux, tout comme son sourire. « En fait, je ne vous ai jamais dit sur quoi je travaillais pour mon mémoire. Le vieillissement des cellules. C'est vos injections qui m'ont aidé à trouver le sujet. »
Elle consulte ensuite les résultats des tests effectués en laboratoire au sujet de l'allemand.
«Certaines recherches scientifiques ont réussi à inverser le processus de vieillissement de souris. En effet, on a augmenté la dose d’une molécule, le nicotinamide adénine dinucléotide, abrégée NAD, permettant de rajeunir les muscles des cobayes. Selon certains chercheurs, e NAD est un coenzyme qui, lorsqu’il diminue en concentration dans la mitochondrie, la centrale énergétique des cellules permettant de fabriquer de l’ATP, ou adénosine triphosphate, provoque comme un manque d’oxygène chez la cellule. Le mécanisme énergétique s’altérant, la mitochondrie mime le vieillissement. En rajoutant du NAD, vous allez lui redonner sa capacité de reproduire l’énergie nécessaire. Cela équivaut à décrasser le carburateur. Ce mécanisme est très similaire chez l’humain, avec tout de même des différences
Les gens à qui l’on donne du NAD voient leur performance musculaire s’améliorer, de même que, et surtout, leur capacité à récupérer. Et votre génome est altéré par une quantité exceptionnelle de cette molécule. En fait, cette quantité permet de réparer les télomères, ce sont des morceaux d'ADN situés en bout du filament du chromosome de la cellule. Chaque fois que la cellule se divise, un morceau de cette mèche est coupé par une enzyme. Quand il n’en reste plus, le processus s’arrête: la cellule ne se divise plus. Le tissu garde alors les mêmes cellules, il ne se régénère plus, il vieillit »
Elle s'exprime sur le sujet avec une aisance prodigieuse, rappelant ses facultés innées pour le domaine de la biologie. Au terme de ses explications, elle referme le dossier contenant les analyses de Siegfried et rajoute modestement.
« Je dois encore en parler avec Takagi. J'espère que ça ne vous dérange pas d'être mon sujet d'étude ? C'est le meilleur hommage que je puisse vous faire.»
-
La lecture de l'ancienne langue de Constantin est une plus grande peine que son parler. Il traduit comme il le pourra, et lèvera un sourcil. « Sa femme », il a bien lu « Sa femme ». Seika a parlé à Jack. Il sait qu'elle a réglé l'histoire, ou du moins que c'est en chemin. Il imagine donc qu'elle a fait le même travail auprès d'Akira. La moitié de ses problèmes sont donc effacés.
-Tu n'auras pas besoin d'aller chez le gynéco, je crois.
Le téléphone est tendu pour qu'elle puisse lire. Akina ne regarde qu'un instant, avant de rabattre ses yeux vers son maître, l'air plus que blasé, accusateur d'une étourderie confinant presque à la naïveté. Il mettra quelques secondes à comprendre ce qu'elle veut dire : Elle ne parle pas russe. C'est peut-être pour cela qu'elle n'a pas saisi l'impact majeur de ce qui y est écrit. Il lui fait signe de se mettre à-côté d'elle, il va lui lire.
« Il a besoin de toi. Je sais que c'est difficile, mais tu peux l'aider.
J'ai des amis de confiance en Ukraine. La situation n'est pas géniale, mais je t'y trouverais un asile quand tout sera fini. Je te le jure.
Si tu as besoin d'un autre travail, je peux t'aider à chercher. Tu ne devrais plus faire ça. Surtout pas dans ce coin-là. »
En russe, mais en alphabet latin, parce qu'il ne faut pas déconner. Il aura eu besoin d'internet pour deux trois mots, et s'en cachera bien.
Il ne s'y attendait pas, non. C'est un peu comme une claque dans la rue, une tasse qui tombe sur le pied, un ballon de baudruche qui éclate inopinément.
Elle lui donne un cours de science.
D'une traite, comme ça, elle l'abreuve de son sabir qu'il devra s'efforcer de démêler au rythme de l'oraison pour comprendre. Il se demande si les SMS en russe ne sont pas plus simples à avaler. À réfléchir, c'est la première fois qu'elle lui donne à voir cette facette d'elle-même : Il l'avait vue travailler en laboratoire, certes, et l'oral de bioéthique était plus du droit et de la philosophie que de la sciences. Il a de quoi la trouver sexy, à lui raconter ainsi qu'il n'était pas divin, simplement un mortel un peu améliorer. La science a créé l'Untermensch et sa maîtrise permettra à Scarlett de le tuer.
-Il y a d'autres choses. Je sais qu'il n'y avait pas qu'une... molécule. Keller et Wanka étaient sur des projets totalement différents, et je sais qu'ils m'ont tous les deux fait bouffer de leurs merdes... Quoique, on n'a jamais trop su ce qui a marché sur la durée. Niveau respect des protocole, Becker fonctionnait comme un militaire. Enfin, je ne vais pas te parler de cela des heures.
Elle lui a annoncé qu'il était son sujet d'étude, par dérivation. Un hommage ? Mérite-t-il vraiment un hommage ? N'est-elle pas encore bien trop bercée d'illusion, à penser qu'il a fait ça pour elle, et non pour lui, parce que ça lui plaisir de soumettre des biches innocentes ? Qu'il n'avait aucune pitié, aucune tendresse, et qu'au final, elle comprendra un jour qu'elle serait sans doute mieux sans lui ? Dans ces pensées, il fixe le sol un moment, avant de lui sourire. Pour de faux.
-J'en suis honoré.
En vérité, il est surtout triste pour elle. Elle dénie toujours ce qu'il est réellement.
-Professeur !
Siegfried s'arrête dans le couloir quasi-désert, dans l'aile réservée aux enseignants. Le professeur Takagi presse quelque peu le pas pour le rattraper.
-Mes respects.
-Alors... C'est quoi ?
-...Quoi ?
-Votre secret.
-De ?
-Vous avez pris un congé dès la rentrée. Mademoiselle Walker est de retour. Mademoiselle Wadamoto est partie. Les rumeurs sur vous se sont tues, et d'autres, sur plusieurs professeurs, ont jailli. Le directeur de l'université m'a même dit qu'un garçon, extérieur à l'université, était venu le voir pour lui dire qu'il était à l'origine des rumeurs sur vous, qui sont fausses, et qu'il en est désolé. Lui qui cherchait à prendre des sanctions contre vous.
Siegfried en reste coi. Il est peut-être à l'origine d'une moitié de l'histoire, mais l'autre...
-Vous pensez que c'est moi qui ait fait tout ça ?
-Soit c'est vous, c'est le destin vous aime.
L'occidental semble désemparé. Il ne sait pas quoi répondre face à ces accusations.
-Ecoutez... Non, vraiment. J'ai juste fait revenir Akina. Quant au reste...
-Vous avez changé de situation ?
-Avec elle ? Non.
Il soupire, sans doute de désapprobation.
-Elle est intelligente. Elle sait faire la part des choses. Je n'interférerai pas de toute façon dans ses affaires à l'université.
Il y a un silence, pendant lequel le plus jeune des deux regarde ailleurs, gêné, tandis que l'autre le fixe derrière ses petites lunettes.
-Ma femme vous a trouvé charmant.
-Vous la remercierez pour l'accueil.
-Et mes élèves aussi. Les oraux se sont apparemment bien passés.
-Ce sont des bons étudiants, pour la plupart.
-De janvier à juin, vous auriez une plage horaire pour moi ? La bioéthique aux deuxième année. Si je pouvais déléguer, ça m'arrangerait.
-Je me tiens à votre disposition. Quand vous voudrez. Nous planifierons ça si vous êtes sûr de cette décision.
-Monsieur ?
Son chemisier était beaucoup trop serré. Enfin... Non, c'était sa poitrine qui était trop ample pour elle. Un bouton défait montrait un certain côté polisson. La jupe lui semblait plus courte que celle de ses camarades. Et son sourire... Ugh.
-Oui, miss... Je ne sais pas encore votre nom, j'en suis navré.
-Vous pourriez m'aider ce soir ? J'ai du mal avec tout ça.
-Ce soir ?... Je préfère faire ça le mardi.
-Je finis tard mardi... S'il vous plaît. Juste des précisions. J'ai vraiment... vraiment besoin de vous.
-Hm... D'accord. Je serais dans cette salle à 18h. Nous verrons si elle est libre.
Siegfried avait dit qu'il devait rentrer vers 18h30. Il avait promis qu'il ramènerait des pâtisseries d'Europe, faisant un crochet par l'expensif et goûteux boulanger suisse qui avait pignon sur rue dans le quartier blanc, non-loin de chez l'allemand.
Il était 19h quand on frappait à la porte.
L'oeilleton de la porte était masqué. Etrange.
On frappe de nouveau. C'est insistant.
Si elle regarde par les persiennes fermées, l'appartement de Siegfried étant surélevé, elle pourra voir un japonais nerveux qui fait le guet dans la rue, une batte dans le dos.
Un aperçu de ceux qui sont devant la porte. Trois autres types, deux nippons et un blanc massif au visage carré, à l'air patibulaire et avec une braguette toute gonflée – par un flingue.
Troisième fois. « Ouvrez ! C'est urgent ! » crie une voix.
Si dans trois secondes la porte n'est pas ouverte, ils défonceront la serrure pour entrer.
-
A cette heure-ci, la bibliothèque est relativement calme. Les examens n'arrivent que dans deux mois et les étudiants songent davantage aux fêtes d'automnes qu'aux révisions. Voilà qui tombe bien pour Akina. Ayant recouvert un poste d'assistante auprès du professeur Reuters, elle possède de nouveau les badges d'accès aux laboratoires. Elle pourrait y travailler tranquillement, mais préfère l'ambiance studieuse et archaïque d'une bibliothèque ; celle de la Seikusu Université n'a pas été entièrement rénovée et à certains étages, le mobilier date encore d'avant-guerre., et certains livres aussi. Il paraît que le Conseil d'Administration tente de récolter les fonds pour un ravalement de façade et d'intérieur total. Sauf que le financement est lourd, les mécènes rares et que certaines facultés ne deviennent plus rentables, comme celle de sociologie que la fermeture menace. Enfin, ce ne sont pas trois pécores au pull moutarde qui vont se plaindre. Au pire, ils iront à Tokyo.
Sur sa table repose son ordinateur portable, quelques livres de références incontournables comme des dictionnaires scientifiques, des articles de revues et tout le nécessaire à écrire, surligner, dessiner – sans oublier le fameux téléphone qu'elle consulte à brûle-pourpoint quand elle pense à son maître. Du calme, tu ne l'as quitté que ce matin. Certes, mais cela fait quelques heures de trop. Ne pas y songer, se concentrer sur la biométrie, le fameux cours de biométrie dont elle ne sait pas si elle en apprécie le contenu, ou en exècre la teneur. Et puis ensuite. Elle feuillette quelques pages d'un syllabus. L'exposé de biologie moléculaire. Inexorablement, l'exposé la ramène à Kenneth. Le professeur les a fourré ensemble pour d'obscures raisons de timing, de logistique humaine.
« Je savais que je te trouverai ici... »
Quand on parle du loup. L'irlandais jette son sac au sol et s'empresse de s'installer face à la métisse, tout sourire. Elle relève les yeux pour lui sourire, amusée par sa hâte.
« -Prête pour l'exposé ?
-La bioch' comme sujet, ça va, réplique-t-elle en s'attardant sur lui.
-Mais c'est qu'elle n'est pas QUE mignonne, la petite dame. Enfin, tu sais bien que je galère en biochimie. Des cours particuliers ? »
Là, elle roule carrément des yeux, ce qu'il peut être cavalier parfois. Au final, elle se montre hésitante sur la réponse alterne sourire et grimace avant de lâcher en un murmure :
« -Pourquoi pas. Si tu es sage.
-Toujours, Miss Walker ! »
Et sur ce, il déballe ses affaires parmi lesquelles se trouve un PC portable, et quelques syllabus dont Scarlett va vérifier les notes. Il écoute toutes ses explications avec attention, les prunelles figées sur le décolleté de sa camarade et plus rarement, sur son visage angélique. Il se fait même la réflexion qu'elle est terriblement sexy en blonde.
« -Tu te souviens comment on s'est rencontré ?
-Quoi ? Lui souffle-t-elle
-Toi et moi, comment ça a commencé, tu t'en souviens ?
-Ken...pas maintenant....qu'elle supplie en se mordillant la lèvre inférieure, embarrassée
-Ne me dis pas que tu as oublié.
-Non ! C'était....ici même, en première année de biologie...
C'est surtout aussi clair que si était arrivé la veille. Elle était attablée quelque part dans la bibliothèque en compagnie de Wadamoto, elles devaient rendre un rapport en commun sur des manipulations en laboratoire. Parce qu'elle était encore une étudiante studieuse, Walker avait mis des boules quies pour se concentrer plus facilement et Kenneth, depuis longtemps attirée par elle, s'était invité à leur table de façon inappropriée, avait piqué l'un des stylos d'Akina sans sa permission et s'était permis de la draguer ouvertement. Agacée, elle avait fini par l'éconduire en haussant la voix Résultat des courses : ils avaient tous deux été renvoyés de la bibliothèque ce jour-là.
« -Mais...je ne vois pas en quoi ça regarde notre exposé, précise-t-elle d'un ton réprobateur.
-Tu vis plus chez ton père, je sais bien. Quand t'étais...à Londres, je suis passée et y'a la meuf à ton daron qui m'a dit que t'habitais plus là. T'es où maintenant ? Chez ce connard ?
-C'est comme les protéines solubles...
Il fronce les sourcils, son cerveau s'active à toute vitesse.
-Elles sont esclaves de l'eau, oui, déclare-t-il, mais je ne vois pas où tu veux en venir.
-Je vis avec lui, oui.
-Mais enfin, tu es complètement folle !
Un « Shhh » retentit quelque part dans la salle. Il maîtrise ses émotions et s'exprime en chuchotant.
« -Si Reuters l'apprenait ou d'autres....tu ne peux pas !
-Je m'en fiche vraiment, vraiment, vraiment ! »
Sous le coup de la colère, elle casse la pointe de son critérium. Elle a appuyé trop fort sur sa feuille de schéma et jure à voix basse. L'irlandais lui saisit brutalement le poignet et la contraint.
« -Kenneth, arrête.
-Je croyais que t'aimais ça quand c'était brutal, quand on te mettait à genou, c'est ça que tu veux ?!
-Putain, Ken, tu déconnes ! Tu déconnes, merde ! » s'exclame-t-elle en forçant pour se soustraire à son emprise.
L'étudiant ramasse soudainement ses affaires, furieux et la pointe d'un doigt accusateur.
« -Non, c'est toi qui part en couille, Aki. C'est toi. Tu sais que je dirais rien, mais ca finira par se savoir, ENCORE. Et ne compte plus sur moi pour protéger vos culs quand ce moment arrivera, OKAY ? »
Puis il la plante après ces mots incisifs, la laissant en état de choc. Deux autres étudiants, travaillant plus loin, ont les yeux braqués sur elle et elle force un sourire. Elle commencera l'après-midi dans le bureau de Chris Reuters, afin de préparer son premier cours face à des premières années. Il tente de la rassurer, tant bien que mal, qu'elle serait merveilleuse en le secondant sur le chapitre des nanoparticules et des risques cancérigènes. Il lui dit que ce sont des étudiants en médecine, qu'elle devra y aller mollo sur les explications trop théoriques. Il lui suffira simplement de faire correctement le lien avec le milieu médical. Elle va consciencieusement prendre notes de ce qu'il lui raconte, toute pâle.
« -Akina, ça va ? Remarque-t-il.
-O..oui, je suis un peu fatiguée.
-C'est encore cette histoire avec...l'autre professeur ?
-Ce n'était pas très agréable, en effet.....avoue-t-elle.
-Je le comprends, vous savez. Je veux dire, je ne vous blâme pas. Mais....vous devez simplement me dire la vérité, s'il advenait que vous le voyez encore. Je pourrais bien fermer les yeux là-dessus à condition que vous soyez honnête. A contrario, s'il vous a forcé à quoique ce soit.
-Non ! Non, il ne m'a pas forcé, Monsieur Reuters. C'est de ma faute, je veux dire, je l'ai fait en mon âme et conscience, se défend-elle avec ardeur. »
Elle ne lui confiera pas entretenir encore une relation avec Siegfried, car elle a cette impression que le monde entier n'est pas obligé de le savoir et qu'ils ont légitimement droit à leur intimité. De plus, l'allemand ne prenait en charge aucun cours de la faculté de Sciences. Lui aurait-on fait tant de drames si elle couchait avec un professeur de littérature à Kyoto ? Non, et voilà qui la révolte. Ils clôturent sans peine le dossier sur les cours du premier semestre, s'entretiennent au sujet du futur mémoire de Miss Walker, bavardent de son exposé en biologie moléculaire. Enfin, la discussion s'enligne sur des propos convenables et encore une fois, Chris fait preuve d'un paternalisme à toute épreuve. Elle l'aurait embrassé.
Retour à l'appartement aux alentours de 17:30, après une longue heure dans les transports en commun. Sa voiture est tombée en panne, le coût des réparations exhorbitant, elle attendra donc sa première paie de l'université afin de pouvoir s'octroyer le luxe de se déplacer en charrette. Sitôt arrivée, sitôt installée. Ses sacs sont jetés sur le divan, puis ramassés en se rappelant de la crise que lui ferait Siegfried s'il assistait à cette mise en bazar. Elle prend donc soin de les ranger dans un coin. Le temps de prendre une douche, il est 18:55. A peine est-elle sortie de la salle de bain, en sous-vêtements et les cheveux trempés qu'elle entend les coups à la porte. Anton est là ? Il a dit, 18:30, il est en retard. Et s'il y a bien une chose qui est réglée correctement chez le prussien, c'est l'horloge. Par prudence, elle aligne sa pupille dans le judas pour découvrir des visiteurs inopportuns. L'occidental lui fout franchement un coup de panique : un russe ?!
L'étudiante se précipite à la fenêtre. Un trait de lumière, dessiné par les persiennes, illumine son regard qui scrute le bas de la rue Un type louche, avec une batte. Totalement décalé. Okay, elle a compris. Les emmerdes s'annoncent. Il faut qu'elle réfléchisse. L'allemand lui a déjà parlé de ses planques d'armes dans l'appartement. Elle va en retourner une pour dégoter un fusil à pompe. Elle court dans le couloir. Merde, non ! La porte de la chambre. Demi-tour, la porte claque, une clef est tournée dans la serrure puis cachée précipitamment dans un pot d'épices quelque part sur une étagère de la cuisine.
Qu'est-ce que tu fous, ma fille, putain qu'est-ce que tu fous ?
Ouvre que l'autre guignol ordonne, c'est une urgence. Elle vérifie que la chaîne de la porte d'entrée est bien placée et entrebaille l'ouverture. Le russe et ses japonais aperçoivent une partie d'Akina, en sous-vêtement et qui braque un canon sur eux. Bonjour, je suis une Walker, texane d'origine et j'aime franchement pas qu'on m'oblige à ouvrir une foutue porte.
« Laisse-nous entrer ma mignonne. Tu vas pas tirer ici, hein ? Qu'est-ce qu'ils vont dire les voisins ? Et la police ? »
Il a pas tort.
« On veut juste parler, ma chérie.
-Vous êtes qui ?! »
Parce qu'il faudrait savoir. Les japonais parlent japonais, pas de souci. Mais le russe se coltine un accent dégueulasse quand il blablate en anglais.
« -Moi, je suis Lavrov. L'avocat d'Aleksei Tsoukanov
-Un avocat avec un flingue, tu te paies ma tête ? Et eux ? Ce sont quoi des greffiers ?!
-Sale petite...enfoncez-moi la porte vos autres, putain. »
Bam, la chaîne craque. Le retour de porte dans la figure d'Akina lui arrache un petit cri de frayeur. Heureusement, elle garde le fusil en main et recule pour les voir débouler un à un dans le salon. Le dernier referme l'entrée, ils sont maintenant à huis-clos, alignés devant elle tandis qu'elle les tient en joue.
« -Tu vois, pauvre pute. T'es mal tombé avec ce type. Parce qu'il a enchaîné les conneries.
-Ouais PUTAIN, il a buté Poï-Poi ! Et il a massacré la gueule de Wadamoto, merde ! Je vais le défoncer ! S'écrie un yakuza.
-Et il a un peu trop forcé sur les négociations avec le fils du patron. Mais on est pas con, on a compris que peut-être.... »
Les mains de Scarlett tremblent, pas bon ça. L'un des mafieux a commencé à casser du mobilier. Elle le pointe du canon, mais ne sait plus quoi faire. Le russe parle, un autre se rapproche : elle alterne ses cibles, dépassée.
« -Peut-être qu'il a fait toutes ces emmerdes pour toi. Alors on vient faire le procès de ta jolie gueule.
-Sortez !
-On a même pas encore fini d'entrer. Quand on en aura fini ma puce, on sera rentré dans tous tes putains de trous, avertit le russe. Il aimerait rajouter quelque chose, mais s'interrompe.
Elle vient de retourner le canon contre elle-même, sous sa mâchoire et le doigt est sur la détente. Il paraît hésiter. Tsoukanov veut cette salope vivante. Il a été clair là-dessus. L'allemand, les Yakuza en feraient ce qu'ils veulent, mais la gonzesse : vivante.
« - A quoi ça va te servir ? HEIN ? Tu vas te buter, on va partir, la police va débarquer...l'appartement de ton mec, tu t'imagines les emmerdes qu'il va avoir ? En prison, les potes Yakuzas vont bien le recevoir. »
Hop, elle abaisse l'arme.
« -C'est bien, gentille fille. »
Les bruits de fracas continuent. Ils sont deux maintenant à retourner l'appartement de fond en comble. Ils ont par encore terminé le salon. Elle se mordille la lèvre inférieure. Elle pense à la chambre,et à ce que le SS y cache, s'ils arrivent jusque là. Malgré le verrou, ils ont de quoi s'introduire de force dans la pièce. Ca vire au cauchemar. Le slave s'avance encore. Là, elle agite clairement le bout du fusil.
« -Pas un pas de plus où je te bute !On peut parler non ?! Dis à tes gorilles d'arrêter de tout fracasser.
-Parler ?
-Oui, pourquoi Tsoukanov t'envoie ?Y'a aucun rapport avec l'allemand.
-On va le défoncer !
-Non, non ne faîtes rien ! Je ferai tout ce que vous voulez mais ne lui faîtes pas de mal ! On peut régler ça entre nous , panique-t-elle à l'idée de voir Siegfried entré et tombé dans un guet-apens.
-Lâche ce fusil pour commencer. »
Et elle obéit, pour pacifier la situation. Elle dépose son fusil à terre, et immédiatement l'ordre est donné aux deux japonais de la saisir par les bras. Lavrov termine son avancée et lui octroie un bon coup de poing dans l'abdomen ce qui la fait tomber à genou, le souffle coupé.
« -Les femmes, putain. Toujours aussi compliques. »
Il se fait ramener une chaise qu'il installe devant elle et s'assoit.
« -Les japonais veulent le boche, les russes veulent l'américaine. Tu piges ça ?
-Non...
-HEY Lavrov, regarde ce que j'ai trouvé ! »
Elle détourne le regard et constate avec une sourde horreur que l'un des asiatiques a mis la main sur son collier de chienne. Il l'apporte au russe qui examine le bijou, un fin sourire moqueur aux lèvres. Il se penche et l'attache à la jeune femme, jusqu'au dernier cran. Elle sent l'air manqué, les mouvements pour respirer deviennent pénibles et elle voit flou. Une gifle la somme de rester consciente.
« -Pars pas maintenant, salope. Mon patron est venu te soumettre un contrat spécial, ma jolie. »
Il fouille la poche interne de son veston, y retirer des papiers qu'il déplie devant elle. Il y a deux colonnes, une en cyrillique et l'autre en anglais. Elle déchiffre celle dont elle comprend la langue, laborieusement.
« -Tu dois signer, tu signes et tout rentre dans l'ordre. »
L'avocat va jusqu'à se pencher pour chuchoter à son oreille.
« -Tu signes, et hop je bute ces putains de niaks, ton mec est tiré d'affaires.
-Et...et moi dans tout ça... ?
-Tu as pas bien lu le contrat, poupée ? Le château, il sera à toi. »
Hein, quoi ? Nouveau coup d'oeil au papier. Ah le château de Königsberg Tsoukanov lui cède, à elle, si elle accepte de venir en Russie et de « travailler » pour lui. Elle est horrifiée par la double-trahison que cela représenterait. Non seulement, elle rafle la bâtisse à Anton, et en plus elle s'offre à Tsoukanov. Finalement, elle signe : en crachant sur l'exemplaire du contrat ce qui irrite passablement le russe
« -Tu fais une belle salope ingrate tu sais ça ? »
Il froisse les papiers dans sa poche.
« -On te forcera à signer, ma chérie. C'est ton sang que tu vas cracher pour écrire ton accord avec.
Elle a toujours du mal à s'aérer, le collier serre, son ventre est douloureux à cause du coup et sa position agenouillée est plus qu'inconfortable. Il se redresse, semble énervé, fait quelques pas et revient vers elle pour la gifler férocement. Elle en perd l'équilibre et s'étale de tout son long au sol.
« -Putain, Lavrov, j'arrive pas à ouvrir la chambre !
-Va demander à ton connard de pote en bas de nous ramener un pied de biche. »
Rien ne va comme il le veut. Pour passer sa fureur, il expédie un coup de pied dans le ventre de sa victime ; elle en gémit de souffrance. Puis il l'oublie afin de s'entretenir avec ses associés japonais sur la démarche à suivre. Est-ce qu'ils emmènent la fille, ou ils restent là ? Les jap' s'en calent, ils veulent se farcir le pédé qui a tué Poï-Poï. Enfin, s'ils peuvent quand même tirer un coup dans la nana, ils diront pas non. Pendant qu'ils délibèrent à l'image des ogres qui se chamaillent sur la manière de cuisiner leur proie, elle rampe jusqu'au fusil à terre qu'ils auront simplement éloigné du pied quand elle l'a relâché. Elle se dresse sur ses jambes tremblantes, et quand les deux mafieux l'avisent dans le dos du russe, il est trop tard. Elle vient de déposer le canon à l'arrière de son crâne, prête à tirer : la rage au ventre.
-
-On va arrêter là, je pense.
-Vous êtes sûr ?
Son sourire est plus qu'équivoque. Elle n'est décidément pas venue là pour rattraper ses lacunes en fisca', GROSSES lacunes par ailleurs. Il avise la porte, cherche son téléphone dans ses poches. Il ne sait pas où il l'a foutu. Probablement traînant au fond de son sac, ou dans sa veste abandonnée un peu plus loin. Il lui fait signe de se lever : Elle le retient par la manche.
-Monsieur... Vous savez... Je n'osais pas vous le dire mais...
Elle glousse, gênée, puis détourne le regard, son petit poing serré devant sa bouche comme pour se cacher derrière.
-... Vous me plaisez beaucoup...
-Ecoute, je ne touche pas à mes étudiantes.
Oh. Le choc. Pour lui, surtout : Il ne pensait pas dire ça un jour et le penser sérieusement, sans que ce ne soit une manœuvre. La pauvrette semble désemparée, et tandis que Siegfried essaie de s'éloigner, elle réaffirme son emprise sur son bras.
-S'il vous plaît, monsieur !... Je ne le dirais à personne... Vous êtes si beau, si gentil, si intelligent...
-C'est le costume qui fait ça. Je dois y aller, j'ai des obligations.
-Non !
Elle a presque hurlé. Elle aussi s'est levée, et commence à ouvrir son chemisier. Siegfried tente – avec succès – de regarder ailleurs.
-J'ai dit non.
-Je dirais que vous m'avez violé.
D'accord, il ne rigole plus. L'allemand la fixe avec cette tête d'incrédulité qui confine à la sourde colère. Le chemisier est complètement ouvert, avec une vue sur un mignon petit soutien-gorge rose à dentelles et rubans. Elle l'écarte pour qu'il ait pleine vue dessus, et relève quelque peu sa jupe. La culotte, de la même teneur, commence à être baissée.
-Avec tout ce qui se dit sur vous, on me croira.
-Tu rêves.
-Je rêve de votre corps, monsieur... je veux que vous me fassiez l'amour... sinon...
C'est le moment où Siegfried doit avoir un plan. Il se rend compte d'à quel point il est dépendant de son portable au moment où il en élabore deux, qu'il élimine vite parce qu'il ne trouve pas son appareil. Le troisième sera le bon : Il ne nécessite qu'un peu de charme.
Il sourit. Se rapproche. Elle pense avoir gagné. Il la serre contre lui, rajuste sa chevelure avec romantisme.
-Je ne peux pas ce soir. Je suis pressé. En revanche... Si tu m'obéis, je serais ravi de te baiser quand tu le voudras. Donne-moi cette culotte.
-Non.
La réponse est cinglante. Elle le prend par la cravate, murmure qu'elle veut être sautée tout de suite. Il n'y a plus de jeunesse. Elle le répète encore tandis qu'elle s'assied sur le bureau : « Faites-moi l'amour. ».
Elle se touche. Il bande ostensiblement. Un quatrième plan jaillit à son esprit, et nécessite lui aussi l'utilisation d'un téléphone. Merde. Un cinquième, vite...
Dans la cour, on l'appelle. L'étudiante le rattrape, elle s'est visiblement rhabillé en hâte. Elle s'excuse de l'avoir ainsi menacée, lui dit qu'elle le désire bien trop, qu'elle le rend folle. Elle peut flatter son orgueil tant qu'elle veut, il reste inflexible. Elle veut l'inviter à boire le thé chez elle. Il refuse. Elle le traîne néanmoins vers la sortie de l'université, lui disant qu'elle veut traîner avec lui.
À la sortie se trouvent quatre types, qui se raidissent et s'organisent lorsqu'ils voient l'allemand. Vu le peu de gens traînant encore dans le coin à cette heure-ci, il se méfie, et s'arrête. Il a besoin de trouver son téléphone. La fille, pendue à son bras, lui demande pourquoi il s'arrête. Il ne répond pas. Elle regarde le groupe de garçons, puis Sieg, puis les garçons, lui dit de venir. Ca fait tilt dans la tête de l'européen.
Il n'est pas sûr, s'il lui a juste mis une clé de bras pour lui coller la gueule sur le béton, ou s'il n'y a pas eu une gifle dans l'action. Peu importe. Il a emprunté une autre issue, et avait pressé le pas, voire même couru, pour choper un bus.
Il ne s'arrête pas à sa station. Par prudence, il reste dans le transport, passant devant son appartement. Tiens. Un type fait le guet devant, un autre sort de son appartement pour venir lui parler.
Akina. Akina.
Il descend à la prochaine. Il va falloir la jouer fine. Il est fatigué de toutes ces conneries. Il bifurque, remonte sa rue, la tête baissée. Une cigarette pour se motiver. En attrapant le paquet, il capte son iPhone. Tiens, il ne le met jamais là-dedans. Trois mails, deux messages, deux appels manqués. Tarô dans le lot. Il commence à lire.
Un type le croise, et lorsqu'il lève les yeux, il croit reconnaître celui qui faisait le planton devant son appartement. Il marmonnait quelque chose. Il ne l'a pas vu. Il s'arrête et se retourne pour l'interpeller.
-Hep ! T'as pas du feu ?
-Euh ? Nan, nan.
Le japonais allait reprendre la route, puis fronce les sourcils.
-Mais t'es...
La paume pour enfoncer le nez jusqu'aux yeux, puis le mur dans la gueule. Facile. Il aura récupéré la batte que le type avait rangé dans un petit sac en toile. C'est léger comme arme, mais il n'a pas pris son glock aujourd'hui. La parano d'un contrôle inopiné par les flics, vu ce qui lui arrive ces temps-ci. Clope allumée, il prend son temps pour en tirer une bouffée, et la garde entre les lèvres.
La porte est ouverte à la volée, batte brandie.
-NE TIRE PAS !
… Il ne s'attendait pas à ce qu'elle s'en sorte aussi bien. Il sourit.
-Tu es vraiment... vraiment la meilleure. Garde-le en joue.
Il s'approche tranquillement. Les japs sont tendus, sachant très bien qu'ils ont leur cible à quelques mètres d'eux. Ils ne sont que deux, c'est suffisant. L'un d'eux avait la main sur la poignée de sa chambre, et il se rend compte que celle-ci est verrouillée. Encore un regard à sa soumise. Il ne la mérite pas, se dit-il.
Il avise l'arme à la ceinture du russe.
-Prends doucement ton flingue. Au moindre geste brusque, elle te bute. Magne.
Il fait « non » de la tête. Les japonais attendent un moment d'inattention pour attaquer.
-Ecoute. Tu devrais voir ce que j'ai dans ma poche avant de faire quoique ce soit d'imprudent.
Son accent pue la vodka et le marxisme. D'accord, le lien est vite fait. Sixième plan : Déménager de Seikusu. Déménager du Japon. Il va falloir sérieusement considérer la chose.
-T'as quoi dans ta poche ?
-Un contrat. Je suis avocat. Je viens vous offrir quelque chose.
-Ne l'écoutez pas !
C'était de l'allemand. Il n'y en a qu'une qui parle allemand ici, hormis lui. Siegfried la regarde un instant, puis lui fait signe de se taire.
-Tout ce que vous pouvez m'offrir, c'est de nous foutre la paix définitivement.
-C'est le sujet. Prenez.
Il lui montre sa poche. Sieg s'approche prudemment, en retire les documents. Rapide lecture. C'est limpide. Akina pourrait prendre le château... Et elle lui donnerait.
Et il ne l'aurait plus.
On sent parfaitement que l'idée lui traverse l'esprit, lorsqu'il la regarde après avoir fini le survol des lignes abjectes. Le russe en sourit d'ailleurs. L'allemand lui fait ravaler sa sale expression de rat en lui collant les papiers entre les dents. Il le rangera d'une main calme.
-Ecoute. Soit je te tue et je fais passer ça pour de la légitime défense, soit tu m'obéis. Prend. Ton. Arme.
-Quand je l'aurais dans la main, vous pourrez me tuer et faire passer ça pour de la légitime défense.
-Oui. Mais si tu ne l'as pas, je m'arrangerais pour. Dans tous les cas t'es baisé, autant que tu prennes l'option éventuelle où je suis un type honnête et que je ne lui demande pas de te faire sauter le crâne.
Le russe s'exécute après de longues secondes. Le flingue lentement saisi, dirigé vers le bas.
-Tue ces deux guignols.
Il ne bouge pas.
-C'est soit vous trois, soit eux deux. Et nous savons tous les deux que t'iras pas en taule de toute façon.
Le baron dit vrai. L'arme est levée, et malgré les vives et soudaines protestations des petits délinquants de bac à sable, il les abats froidement. L'idée de retourner le canon contre Siegfried, ou Akina, est séduisante, mais il s'y refuse.
-Tu vas tirer deux balles dans le plancher. Et une dans le canapé.
… ?
Moment d'incompréhension. L'allemand répète. L'autre s'exécute. Bam, bam. Puis : Bam.
-Merci. Je cherchais un moyen de faire jouer l'assurance.
Et chtok, la batte dans le crâne.
-Maître ?
-Lieutenant... M'appelez-pas comme ça ici.
-Je ne vous vois qu'en tant qu'avocat d'habitude. Et d'ailleurs, on se voit trop souvent ces temps-ci.
-Hm... Je suppose que défendre des yakuza n'est pas de tout repos.
-Je connais peu d'avocats qui sont autant sous les feux des projecteurs.
Il y a un moment de silence entre eux – relatif, vu la grosse agitation alentour.
-Vous comprenez qu'on va devoir garder votre appartement un moment ?
-Oui. Tant pis.
-Vous avez un endroit où aller ?
-Je pense.
-Vous avez pris des affaires ?
-Je vais le faire.
Avant même que le moindre flic ne se soit pointé, Siegfried avait traîné deux grosses malles qu'il avait laissé dans une ruelle adjacente, puis jetée dans une large poubelle. Alors qu'il discutait sur le perron de la porte, il voyait, quelques mètres plus loin, Tarô, avec un bleu de travail et une casquette, charger avec grand-peine les malles dans sa camionnette, sans que personne ne se doute de rien.
-Toujours seul ?
-Hm. Des filles vont et viennent, parfois.
-Vous avez raison de ne pas être en couple. La famille, ça offre des cibles faciles pour ces gens-là.
Moment de flottement. Un inspecteur arrive, fait signe à Siegfried de le suivre au poste.
-Désolé, les formalités.
-Non, non, c'est normal. Je vais m'y plier. On se reverra sous peu, je suppose.
-Sans doute.
Retourne chez ton père, lui avait-il dit, avant de l'embrasser une dernière fois, et de la faire courir pour qu'elle ne soit pas là lorsque les forces de l'ordre arrivent. Il inventerait un scénario où elle ne serait pas là. Elle n'a pas à supporter cette charge.
-
Elle s'est rhabillée en quatrième vitesse en passant ses jambes nues dans un jean et son buste dans un pull à col roulé Pour le reste, elle a à peine eu le temps de prendre ses affaires : son sac à main et son PC. Un dernier baiser volé aux lèvres de son amant et elle s'est empressée de rejoindre la rue, les cheveux au vent. Dans sa hâte, elle emprunte la mauvaise ligne de bus et perd une heure de trajet à rectifier son erreur.
C'est tout emmêlée qu'elle arrive devant le pavillon américain, les bras tremblant autant que les jambes. Elle frappe plusieurs fois, sans réponse puis pousse la porte. Déverrouillée. Ses affaires sont lâchées avec soulagement et Akina se dirige vers le salon où elle rencontre son père à moitié affalée sur le sofa, une bouteille de bourbon à la main et le regard vitreux. Il est ivre, comme il l'a rarement été ces temps-ci, et elle se met à avoir peur ; à craindre le retour des coups, des cris, des horreurs du quotidien.
« Akina..C'EST TOI ??! Fais-moi de la bouffe », braille-t-il alors que ses doigts suant pressent plusieurs boutons sur la télécommande. « Kitty est partie, cette grosse pute. Et j'ai faim ! »
Les mauvaises habitudes font un retour fulgurant sur le devant de la scène. Encore sonnée par les événements arrivé au domicile du prussien, elle met du temps à comprendre ce que lui veut son paternel. Finalement, elle prend le partie d'ignorer son ordre, troublée par l'annonce du départ d'Ekaterina. Partie où ? Elle va revenir ? Oui ? Non ? En grimpant les marches de l'escalier, elle est abasourdie. De nouveau seule avec son père. Un véritable cauchemar se constitue autour d'elle et elle regagne sa chambre avec en bouche, l'amer goût de l'ironie du sort. Elle claque la porte derrière elle, enclenche le verrou flambant neuf et s'étale au milieu de son lit afin de se dépressuriser l'esprit. Trop d'émois, enchaînés trop vites. Il faut qu'elle digère. Oui, c'est ça, sinon elle risque l'indigestion.
Une heure plus tard, elle a son PC sur les cuisses, et travaille soigneusement sa biochimie à travers différents logiciels. Parfois, elle se laisse distraire par une annonce sur son réseau social, ou par la vidéo totalement inutiles de chatons rigolos. Ca lui fait oublier Tsoukanov, la mafia et tout le reste. De temps en temps, elle capte un bruit provenant du rez-de-chaussée. Son père s'est fait la malle dans l'allée devant la maison. Elle l'a aperçu crier et s'agiter dans la rue avant qu'un voisin ne tente de le calmer. Du coup, elle n'osera pas sortir de l'espace restreint qu'offre sa chambre. Et aux alentours de 22:30, elle y est toujours : à se rompre le cou sur sa biométrie. Le programme de simulation plante à tour de bras, épuise ses nerfs déjà mis à rude épreuve au cours de la soirée. Elle passera bien un coup de fil à Kenneth,qui excelle dans la matière mais tombera désespérément sur sa messagerie. Qu'il ne décroche pas, ça la vexe.
Le capot de l'ordinateur claque sèchement. Elle en a marre. Sa patience vient de s'user jusqu'à disparaître complètement. Tant pis, elle expliquera à Okamura qu'elle a eu un mauvais rhume et qu'elle attraperait cet exercice un autre jour Que de toute manière, l'homme n'était pas prêt à abandonner sa carte bancaire au profit d'un paiement par signaux bioélectriques.
Sur le chevet, son téléphone s'agite. Elle se jette dessus pour lire avec soulagement des nouvelles d'Anton.
Siegfried : 22h37
Je ne vais pas rentrer ce soir. Ne m'attend pas. Excuse-moi auprès de ton père et de Kat
Ah misère. Son père n'est pas en état de recevoir des excuses et Ekaterina a mis les voiles. Décidément, la soirée vire au drame absolu. Et s'il était toujours poursuivi par les russes, ou les japonais ? La panique lui déchire les tripes, et ses doigts vont et viennent frénétiquement sur le clavier tactile :
Akina: 22:40
Pourquoi? Vous êtes où? Vous allez bien? Ou irez-vous? Je suis morte d'inquiétude
Les minutes s'écoulent sans qu'elle ne réussisse à calmer son angoisse. Puis, elle se rend compte qu'elle lui pose souvent trop de questions et qu'elle a toujours peu de réponses. Perdue au milieu d'un déchaînement de réflexions contradictoires, elle n'entend pas tout de suite l'alerte SMS de son iPhone.
Siegfried: 22h45
Tout va bien. Tu sais que je suis invincible.
Ne parle jamais de cette soirée par SMS. Compris ?
Alors, ils parleront d'autre chose et la conversation dérape bien rapidement sur une pente libidineuse. Du moins, la concernant. Sa petite culotte est souillée vers 23:34 lorsqu'il lui ordonne de se masturber ; elle hésite à obéir. Enfin, elle hésite toujours quand il n'est pas là. Et cette hésitation l'excite davantage, car elle a le temps de peser le pour et le contre : d'imaginer ce qu'il lui ferait subir si elle se désavoue devant l'un de ses commandement, et ce qu'il lui offrirait en récompense de son dévouement total. Il monte d'un ton, sa raison flanche.
Siegfried: 23h40
Et toi tu m'as défié. Mon âme prussienne tiendra bon.
Tu comprendras maintenant qu'il ne suffit pas de quelques mots pour que je tombe. Considère-toi comme punie. Plus de SMS jusqu'à nouvel ordre.
Je te souhaite une bonne nuit, ma Scarlett.
Il faut obéir, elle sait bien le plaisir incroyable que lui apporterait l'obéissance et la soumission. Toutefois, elle finit par conclure la conversation sur une note amère, typique des femmes vexées ou des chiennes délaissées à qui l'on retire toute attention.
Akina: 23:41
Mauvais joueur
Et mauvais perdant.
Je vous souhaite donc une bien mauvaise nuit, Anton.
Et encore, elle aurait pu le tutoyer. Elle espère franchement que cela serve de leçon à l'allemand. Une âme prussienne ? Pff, rectifie-t-elle, un orgueil prussien oui. Le téléphone est éteint et elle s'arme de courage pour quitter sa chambre car elle est torturée par la soif et la faim. Dès la porte ouverte, elle tombe nez à nez avec le paternel. Jack Walker se tient difficilement dressé sur ses deux jambes. Avant même de parler, il la gratifie d'une claque cinglante. Il grogne quelques mots :
« Et ma bouffe, petite conne ?!
-Non mais ça va pas ?! S'écrie-t-elle, une main plaquée sur son visage douloureux. »
Oui, on l'a bien entendue. Elle n'est plus prête à se laisser faire. Ces derniers mois sans être battue par l'autorité d'un père alcoolique ont été une virée au Paradis, elle ne veut plus céder, ni rétrograder. Elle tient méchamment à ses nouveaux acquis. Peu habitué au droit de réponse de sa fille, Walker cligne des yeux à plusieurs reprises, stupéfait. C'est le calme avant la tempête. La seconde suivante, il entre dans une rage folle :
« -TU OSES ?! TU OSES répondre à ton père putain ?!
-Laisse-moi ! Je vais appeler la Police ! »
C'est la menace de trop. Il jette sa bouteille d'alcool à la figure d'Akina qui esquive de justesse. Elle entend distinctement le bruit du verre qui éclate en dizaine de morceaux contre le mur derrière elle. Pas le temps d'être distraite, l'américain a déjà fondu sur elle. Malgré ses réflexes malmenés par l'éthanol, il réussit à lui attraper fermement la chevelure. Elle aura eu le temps d'une dernière réplique, un coup de poing expédié directement dans le nez de Jack. Le sang jaillit, éclabousse son joli minois. La fureur du militaire est décuplée. Il va la traîner dans les escaliers, sans se soucier des marches qui cognent le dos fragile de Scarlett, et profère des insultes.
« -Je vais te buter, merde. Te buter. Tu m'entends ?! »
Arrivés au bas de l'escalier, il la contraint à s'agenouiller face aux premiers degrés et la tenant toujours par les cheveux, il heurte le visage angélique de sa fille contre l'arête d'une marche. Trois longues et puissantes fois. A la deuxième, elle est assommée salement et gît sans conscience. A travers sa vision floue, il distingue le sang s'écouler lentement du front de l'étudiante. Ensuite, ses yeux tombent sur le décolleté et les jambes faiblement écartées. Ca le rend dingue. Il se met à genou également, débraguette son jeans. Ses mains tremblent. Il a vaguement idée que ce qu'il s'apprête à faire des doublement mal : le coup de l'inceste, et du viol. Cependant son cerveau n'alimente plus sa raison, ou par bribes désordonnées. Il baisse rageusement le pantalon de sa victime, écarte sa lingerie.
« Dis quelque chose... » ordonne-t-il les dents serrées.
Ses doigts caressent l'entrejambe dénudée, dérapent à l'intérieur pour une partie. Il râle de satisfaction. L'attouchement prohibé lui tire un gémissement. Douloureusement, elle émerge. Sa tête l'élance. Elle est allongée au sol, le buste calé entre deux marches d'escaliers. Elle voit et sent l'hémoglobine. Sur ses joues. Pas à elle. A son front, et sa tempe. A elle. Par terre, sur l'escalier. A elle, celui-là aussi. Elle se sent étonnamment détachée de la situation quand elle comprend qu'elle pourra pas s'échapper. Elle subi le va-et-vient sans trop broncher; ça ne fait plus mal. De toute façon, elle a échoué à résister, alors aussi bien accepter son sort. Elle parcourt le ciel des yeux – visible au travers d'un velux ouvert au plafond de l'étage, et n'y trouve nul réconfort. Si au moins il avait plu, elle se serait permis des larmes pour ses rêves brisés. Mais le ciel était sec. Comme ses yeux. De temps en temps, elle perd encore conscience, puis se réveille. Il n'a pas fini. Elle entend ses râles de plaisir, et quand elle n'entend plus : elle sent les pénétrations expéditives lancées entre ses cuisses. Elle ne lui fait pas le cadeau de crier, de pleurer ou de supplier ce qui énerve davantage Walker. Elle est là, inhumaine jusqu'à ce qu'il s'achève cruellement en elle. Pour simple consolation, il flatte son crâne blond d'une caresse appuyée et se relève.
« Je vais t'amener à l'hôpital. T'avise pas d'en parler. »
L'Hôpital : c'est la base militaire d'Atsugi. Le docteur Dawson étant un bon ami des Walkers, il ne posera aucune question et se contentera de coudre la plaie au front. Il n'y aurait pas de cicatrices, mais mieux valait qu'elle reste la journée à se reposer ici. En revanche, il se sent obligé de parler à Jack au sujet des anciennes marques de coups dans le dos et le cou de sa patiente.
« -Je sais que t'es un bon gars Jack, mais ta gamine, elle se fait cogner.
-Ouais, c'est son petit ami. Je vais lui en toucher deux mots. »
Sur le trajet retour, assise à l'arrière de la vieille Chevrolet familiale, elle ne pipe mot, enterrée dans un mutisme glacial. Il tente bien de faire la conversation, comme pour se dédouaner, mais elle l'écoute à peine, le regard plongé au travers de la vitre où un paysage urbain, celui de la banlieue de Tokyo, défile sans arrêt jusqu'à Seiksu. Il répète sans cesse qu'elle doit « fermer sa gueule » à propos de l'incident, que de toute manière, elle avait aimé ça mais refusait de le dire. Si elle avait eu un flingue à portée ? Oui, elle aurait tiré:sans hésitation. Cet homme n'est plus son père. Et elle s'en veut terriblement d'en faire le constat que bien trop tard. Son père est mort, deux années auparavant. Toutes les Seika, les Kitty et les Siegfried du monde entier ne pourront le ramener.
« Monte dans ta chambre. »
16:25, elle découvre un SMS. Son téléphone n'a presque plus de batterie, elle est obligée de le brancher afin de pouvoir faire plusieurs relectures. Elle est morte de honte, de douleur, de remords.
Siegfried: 15h43
Tiens le coup. J'ai renvoyé Kitty chez toi.
Akina: 16:25
Désolée pour le délai, je viens de sortir.
Ah? C'est bien...comment allez-vous?
Répondre, ce fut difficile. Elle n'a le coeur à rien, l'esprit vide. Toutefois, il y a un certain réconfort à savoir qu'Anton ne l'a pas oubliée. Finalement, elle cède et raconte l'hôpital, les points de suture. Un accident. Il n'y croit pas évident. Oui, Jack l'a frappé : elle finit par le reconnaître.Juste ça. En fait, elle n'était pas au courant qu'il existait pire que les coups. Elle passe la soirée dans son lit, encore une fois. Jack est sorti, elle a perçu le bruit de la porte d'entrée qui claque. Entre deux SMS échangés avec son maître, elle termine enfin sa biométrie. Progressivement, elle relègue le viol aux tréfonds de son cerveau, hors d'atteinte de sa mémoire. Se persuade même que ce n'est jamais arrivé. Plusieurs fois, le scénario est reconstruit dans sa tête : c'était une soirée ordinaire, il a trop bu, il a cogné.
Oui, c'est mieux.
Elle se détend enfin
Les messages avec Siegfried s'enchaîne. Elle goûte de nouveau au manque de ne pas l'avoir près d'elle et se soumet, peut-être pour se faire pardonner son impertinence passée.
Siegfried: 21h54
Satisfais-toi seule. Sois heureuse que je ne sois pas d'humeur à te priver de ça, même si tu le mérites.
Merci. Quand il sera 22h, tu t'enfermeras et resteras deux heures dans la même position que l'autre fois. Que rien ne te fasse bouger, hormis ton père.
Reprends-moi à minuit. Et ne failli pas, je compte sur toi.
Elle n'aura jamais la force de se soumettre à un plaisir solitaire. Le téléphone est déposé, et elle quitte la chambre pour la salle de bain où elle prend une douche brûlante. Sa peau rougit, elle se frotte, particulièrement entre les cuisses, s'impose une toilette intime brutale pour chasser la souillure de la veille. Qu'elle disparaisse avec les souvenirs, délavée dans une eau sale qui périrait au creux des égouts et finirait noyés dans la mer. Une fois propre, elle consent à obéir à son propriétaire. Face au miroir, appuyée d'une main sur le lavabo, elle pratique une masturbation lente : redécouvre le plaisir d'une sensation pleinement consentie. Éprouve des remords à en tirer tant d'extase alors qu'elle songe à l'allemand, à sa manière de la prendre, à ses cent années d'expérience dont il la remplit à chaque intromission. Et elle s'entend lui dire oui, d'accord Mein Herr. Encore. Hélas, elle s'arrête avant le coup fatal de l'orgasme.
Puis, entièrement nue, elle regarde sa chambre et s'astreint à la discipline ordonnée. Elle s'agenouille, comme lorsqu'il l'avait puni à l'appartement, deux heures durant. Sitôt le glas de minuit, qu'elle rapport consciencieusement à son maître, son obéissance :
Akina: 00:10
J'ai obéi, Mein Herr. Je suis restée agenouillée deux heures. J'ai imaginé que vous me fixiez comme la dernière fois, mes cuisses étaient humides, car je m'étais masturbée. Mais je me suis empêchée de jouir, je n'ai lu que vous m'y avez autorisé.
Siegfried: 00h24
Je t'autorise à jouir.
En public uniquement. Si tu veux un orgasme, des gens doivent pouvoir te voir ou t'entendre. Attend demain. J'ai hâte de savoir ce que tu vas en faire.
Si, on pourra, peut-être pas demain, mais on pourra. Le lieutenant m'a promis qu'ils feraient ça vite.
Elle se penche à son chevet, agrippe un crayon à papier et griffonne une note sur un petit calepin. « Jouir en public pour son maître. » Et retombe ensuite contre ses oreillers, soupirant d'aise. Plus tard, alors que leur conversation sms atermoie, elle bloque sur un simple message. Son échine se glace :
Siegfried: 00h35
C'est une question de survie.
Si tu veux rester longtemps avec moi, il va falloir te hisser à un certain niveau. Ca veut dire écraser tout ce qui te dépassera, ne serait-ce que d'une tête.
Et moi, je crois que tu en es capable
Ecraser les autres ? Impossible, elle le sait. Son échec d'hier le prouve. Non, il n'y a pas eu d'échec hier. Les mots d'Anton lui font l'effet d'une bombe amorcée en plein cerveau. Son coeur palpite.
Il a raison.
En écrivant une réponse, c'est son corps entier qui tremble de colère.
Bon sang, il a raison.
Quand elle finit par s'endormir, follement éprise de son SS, c'est avec un sourire aux lèvres. Malgré la blessure à son front, elle paraît toujours aussi angélique grâce à la pâleur de sa peau et à la blondeur de sa crinière. Un sommeil sans rêve l'accueille. Morphée lui fait grâce d'une nuit courte, mais aux ténèbres reposant.
Akina: 13:02
Je suis au poste de Police.
Atteinte aux bonnes moeurs, il paraît.
Siegfried: 13h04
Je trouve ça drôle, et je suis désolé que ce soit ma faute.
Les risques de la chose.
Abandonne ton téléphone, il ne vaut mieux pas que tu l'utilises. Eteins-le. Ils n'ont pas le droit d'y toucher.
Reprends-moi quand tu es sortie.
Je t'aime, mon esclave.
Siegfried: 13h05
Et essaie de trouver Wadara, dis-lui que je suis ton avocat.
Je ne suis plus à ça près
« Miss Walker ? Nous allons devoir vous séparer de votre téléphone.
-Vous pouvez.
-Et de toutes vos affaires personnelles, votre sac, vos poches, poursuit le brigadier en tendant une petite boîte dans laquelle, elle se résigne à tout déposer. »
La garde à vue est une épreuve assez désagréable. Elle partage la cellule avec deux autres femmes ramassées sur le trottoir. Elles dorment, comme ont l'habitude de faire celles qui travaillent toute la nuit. Plusieurs fois, à travers les barreaux, elle tente d'appréhender un gardien pour réclamer Wadara – sans succès. Deux heures s'écoulent dans une attente pénible. Quand on vient la chercher, c'est pour la mener directement au bureau du Lieutenant. Comme quoi, il était inutile de s'être tuée à le voir. Il la fait encore patienter, lui réclame les coordonnées de son tuteur légal. Je suis majeure. Oui, mais vous êtes une femme semble penser trop fort Wadara. Il corrige plutôt le terme tuteur pour garant. Car il faut payer une caution.
« -Akira Kanzaki, il est joignable au....
-C'est un numéro du ministère, s'étonne le policier.
-Oui..de la Santé. »
Il compose le numéro devant elle.
« -Kanzaki-sama, excusez-moi de vous déranger. Ici le Lieutenant Wadara, de la police de Seikusu. J'ai en face de moi votre petite-fille...
....
-Non, non rien de grave. Elle est poursuivie pour attentat à la pudeur. Elle m'assure que vous pourrez la caution.
...
-Mh, mh....mh, mh...d'accord, merci Kanzaki-sama. Désolé pour le dérangement, oui à bientôt. »
Aouch. Akira doit être furieux. Enfin, en l'état, c'est le dernier de ses soucis. Il a accepté de payer, évidemment. Wadara lui explique la procédure. Elle sera libérée, mais devra comparaître suite à un courrier envoyé à l'adresse. Quelle adresse ? Pas celle de Jack, pas celle de Siegfried. Chez les Kanzaki, oui. Trèèèèèès bien ! Donc, le courrier lui sera adressé là-bas, et elle devra se présenter devant un juge. Pure formalité. Il consulte ensuite son casier judiciaire.
« -Ah, une habituée des fêtes chez Yamata. Ah ?
-Oui ?
-Votre nom apparaît dans l'affaire de la tentative de suicide de Maître Siegfried. Vous le connaissez ?
-Bof, pas plus que ça. »
Elle essaie de paraître très naturelle, avec un sourire de potiche en prime.
« -Enfin Mademoiselle, ne recommencez plus hein. Signez ici, et ici. »
18:15, enfin de sortie. Elle meurt de faim, de soif et sitôt ses effets personnels récupérés, se précipite au premier fast-food venu. Elle commande pour un régime et s'installe à une table isolée afin de consulter ses SMS.
Akina: 18:15
Je suis enfin sortie, je meurs de faim!
Ils m'ont demandé qui ils devaient appeler, et j'ai donné le numéro de mon grand-père, je crois
qu'il a réglé ma sortie. J'ai parlé au Lieutenant Wadara, mais pas de vous. Ils ont changé les
charges, Attentat à la pudeur. . Argh. Je vais quand même comparaître, par pure formalité, mais
merde. Ils m'ont commis un avocat d'office. Et il est moins mignon que vous.
Siegfried: 18h17
Tu me donneras son numéro. Je me fais une spécialité de faire sauter les charges, je te passe les
détails.
Comment était-ce ?
Akina: 18:20
Parfait.
Euhm, j'ai réussi à jouir avant l'arrivée des flics. J'étais dans un magasin et...je me suis ruée
dans une cabine d'essayage, j'ai retiré ma culotte, au départ j'ai voulu la mettre dans ma bouche
mais....je me suis rappelée que vous souhaitiez qu'on m'entende, alors j'ai gémi tout en me
touchant
Akina: 18:21
Et puis, j'ai crié un "Mein Herr", non plusieurs. Je crois qu'une vendeuse a alerté la police à ce
moment-là, ca m'a excité davantage. Et j'ai joui.
Un morceau de sandwich est avalé en même temps qu'elle tape sur son téléphone, amusée au souvenir de son shopping qui a viré au drame. Les flics sont arrivés pour l'embarquer gentiment, ramassant sa petite culotte encore à terre. Maintenant qu'elle y pense, le sous-vêtement est encore chez eux et elle se balade en jupe sans rien dessous.
Magnifique.
L'agacement s'efface vite au profit de l'intérêt pour leur échange de SMS. Elle le chauffe sciemment, elle a soif de pouvoir sur lui. Elle lui en veut terriblement d'être éloigné, et se venge sous la bénédiction d'une Némésis inspirante. Sauf qu'il n'a pas l'air joueur. A côté, une table de jeunes écervelé s'esclaffe, la déconcentrant. Elle leur envoie un regard noir et expédie enfin son message auquel succès une réponse.
Siegfried: 18h32
Je crois que je vais te laisser, ce serait mieux pour mon intégrité sociale.
Akina: 18:32
Laissez-moi Mein Herr, mais vous le faîtes, je vous promets. Non, je vous jure, que vous ne me toucherez pas avant des semaines.
Siegfried: 18h33
Tu outrepasses tes droits.
Je prendrais ce que je désire. Ne m'oblige pas aux menaces.
Elle n'a plus faim. Du tout. Pas de pain du moins, mais d'autre chose. Maudit soit-il. Il est temps de quitter le restaurant. Tout le long du trajet, elle ne quitte pas l'écran des yeux. Sur son minois s'alternent sourire, et micro-expressions de type contrariété, colère ou amusement.
De retour chez Jack, elle découvre Kitty qui s'affaire dans la cuisine. Elle coupe des légumes. Jack, assis sur le fauteuil du salon, devant la télé paraît bien silencieux. Il ne prend pas la peine de la saluer. La russe, en revanche, se précipite dans les bras de son ancienne collègue pour la réconforter d'une immense étreinte, presque maternelle.
« -Ah, Akina ! Je suis désolée d'être partie si longtemps. Ton WE s'est bien passé ? Viens, raconte-moi. »
Et elles montent dans la chambre où elles papotent de longues minutes. En fait, elles ne se disent rien d'intéressant. Chacune blessée, chacune soucieuse de ne pas ennuyer l'autre. Elles sont assises au bord du lit.
« -J'ai appris pour Lavrov.
-Ah
-Ecoute, Aki. J'ai un truc. Tu sais, Tsoukanov n'a pas que des amis. Y'a un russe qui cherche à régler ses comptes avec lui depuis longtemps. Il pourrait t'aider. Il m'a aidé à venir au Japon, raconte Vodianova sur le ton de la confidence.
-Je ne crois pas que Siegfried... »
D'ailleurs, elle répond à Kitty tout en SMSant à Anton. Un exercice périlleux, où elle manque de concentration à l'oral. L'autre blonde fronce les sourcils en observant le téléphone.
« -C'est lui ? »
Siegfried: 22h09
La demoiselle trois sièges devant moi est très jolie. Elle a l'air seule
Quoiiii ?! Quelle demoiselle ?! Elle panique, s'énerve. Si bien qu'elle oublie la question de sa camarade.
« -Akina !
-Oui ! C'est lui !
-Allez, viens au Casino, il sera content de te rencontrer. Les ennemis de Tsoukanov sont ses amis ! Insiste Ekaterina, de manière assez étrange. Pourquoi ne lui a-t-elle jamais parlé de ce soi-disant....et puis il y a Siegfried, qui ne serait pas d'accord. Siegfried qui commence à l'énerver avec ses histoires de coeur solitaire, de demoiselle appétissante. Bon, elle cède à Kitty. Tant pis pour lui. »
Akina: 22:16
Je vais au Casino avec Kitty
« -Très bien, Kitty, allons-y.
-Prépare ta plus belle tenue, ma chérie. »
Siegfried: 22h23
Je veux quelque chose de nouveau. Ne serait-ce qu'un petit bonus.
J'aime beaucoup quand tu fais marcher ton imagination.
Je t'abandonne. Je vais me reposer un peu avant l'arrêt.
On se voit demain.
Elle reçoit cette dernière réponse alors qu'elle se maquille dans la salle de bain sous l'oeil inquisiteur d'Ekaterina. Non, mets plus de khôl, plus de rouge à lèvres. Le blush, c'est un peu trop. Qu'est-ce qu'il te dit encore ?
« -Il veut que je l'impressionne.
-Au lit ? Sourit la slave.
-Oui...je ne sais pas quoi faire, j'ai l'impression d'avoir tout essayé.
-Si tu acceptes d'entendre ce que mon ami te dira, jusqu'au bout. Alors, je t'aiderai à faire en sorte que Siegfried soit totalement soufflée. »
Marché conclu.
-
22h21
Je peux squatter chez toi ?
22h32
Ce soir ?
22h33
Pour la nuit.
22h34
Il y a du monde chez moi, mais si tu veux venir, je t'héberge.
22h35
J'arrive.
En arrivant, il tombait sur un match. Ils étaient 5, trois garçons et deux filles. Le plus vieux de la bande, la trentaine pas passée, faisait entrer Siegfried, tandis que sa nana lui prenait sa veste pour l'accrocher sur un cintre qu'elle suspendra à l'entrée. Il les salue tous les deux, puis s'avance vers le salon.
-C'est quoi ?
Tous se retournent. Tous allemands. Ils sont étonnés d'en voir un qu'ils ne connaissent pas.
-Wolfsburg contre Augsburg. C'est une rediff de tout à l'heure. On s'est assuré qu'aucun de nous n'avait vu le résultat encore.
-Y a des paris ?
-Si t'as un billet de 5000 à faire tomber, la mise est par là.
-5000, sur Wolfsburg.
-Bonus si t'as le score exact.
-2-0.
L'hôte écrivait le résultat sur l'ardoise non-loin de l'entrée, puis amenait une chaise pliante pour que Siegfried puisse s'asseoir à côté du fauteuil où lui-même trônait. Ils s'asseyaient tous. On lui désigne les cochonneries pour apéritif, il se servira volontiers dans les cacahuètes. Il n'a rien mangé encore, tout juste pris son shoot avant d'arriver. À boire ? Il cherche. Il n'y a pas de malt. Il prendra du jus d'orange, donc.
-Alors, les affaires habituelles ?
-Ouai. Il faudra que je m'occupe de ça sérieusement.
-On en parlera.
Ils suivront le match assidûment. Sur les 6, seuls Siegfried ainsi que le couple d'hôtes se réjouirent lorsque Jung sert un ballon maladroit à Naldo, qui récupère et marque. Soulagement, après que l'équipe noire ait mené tout le long, particulièrement le redoutable Werner et sa magnifique frappe, un poil trop haute. Ils en resteront jusqu'à la fin du match sur ce 1-0. Siegfried ne récupère que 7 500, la compagne de Matt récupère 15 000, et Matt 7 500 de même. Ils finiront à discuter de ce qu'il se passe en Allemagne ces temps-ci, Siegfried cherchant à se tenir au courant. Il reste consciencieusement accroché à son téléphone, répondant aux messages d'Akina. Ils cherchent ensuite à sortir, les invitent. Siegfried décline, ses deux hôtes aussi. Ils resteront tous les trois.
-Alors ?
-Alors... Je vais peut-être bientôt bouger. Disparaître. Je sais pas.
-Tu veux qu'on te file de la réserve ?
-Je repasserais pour ça, si tu veux bien. Je vais devoir monter un peu dans le pays, je repasse demain ou après-demain. Ces temps-ci je me fais traquer par des russes.
-Des russes ?
Il jurerait que la demoiselle qui vient lui resservir à boire n'avait pas un décolleté aussi plongeant tout à l'heure. Il détourne le regard vers la télévision, mise en sourdine, qui diffuse les 4 buts que le Bayern a infligé à son adversaire.
-Toujours premier du classement ?
-Ouaip.
-Qui est deuxième ?
Il grimace.
-Hoffenheim. Ils ont battu Schalke.
-Wo. Et Dortmund ?
-13ème du classement. Perdu contre Hamburger, les tout-derniers.
Gros soupir. Comme quoi, même les meilleurs peuvent plonger au fond.
-Il faut le temps à Kagawa de se remettre dans le bain.
-Hm. Il me faut une arme.
-Bien sûr. Tu veux quoi ?
-Ce que tu auras à me donner.
-Tu peux aller chercher un Beretta mon cœur ? Et quelques munitions.
Elle acquiesce, se lève, s'éloigne.
-Tu restes dormir ?
-Si ça ne te dérange pas.
-Bah. C'est petit ici. Je vais te déployer le canapé, si ça te convient encore.
-Pas de problème, Matt. Pas de problème.
Il sera réveillé peu après. Pas par son téléphone, ou un mauvais rêve... Mais une sirène s'approche de lui.
Elle portait un débardeur et une culotte, rien d'autre. Prudemment, elle s'approche, et vient s'allonger près de lui. Il pense immédiatement à Seika. Est-il encore à cheval entre le délire et la réalité ?
-Ca fait longtemps.
-Tu t'es mise avec lui, depuis. J'ai besoin de dormir, Zina.
Elle caresse sa joue, embrasse doucement son menton.
-Tu me manques.
-S'il te trouve là, on se fait tuer tous les deux. J'ai besoin de lui.
-Tu diras que je t'ai forcé. Tu veux que je t'attache ?...
Elle lui monte dessus, les deux mains sur son torse. Bon dieu, il DETESTE qu'on le tutoie dans ces moments-là. Il voudrait la remettre à sa place, rien que pour cette erreur. Elle s'allonge, ondule contre lui. Elle reste prude néanmoins. Le SS, dormant habituellement nu, a fait l'effort du caleçon vu qu'il découchait. Il a bien fait.
-Ecoute, t'es la quatrième qui tente de me baiser aujourd'hui, je suis fatigué. J'ai dû repousser les trois autres, ce sera pareil pour toi.
-Pourquoi ?
-J'ai quelqu'un.
Elle se redresse soudain, d'abord visiblement irritée, puis ricane, prise par l'incrédulité. « Toi !? » s'exclame-t-elle, puis s'aperçoit que le son de sa voix est bien trop haut. Elle se rapproche de nouveau de lui.
-Personne ne sera au courant. Tu aimais bien quand je t'embrassais là.
Elle s'obstine à enfouir ses lèvres dans son cou, caressant son torse puissant avec envie. Bordel. Il a une frustration accumulée qui commence à devenir difficilement soutenable. Il aurait dû emmener son innocente amante avec lui, pour décharger le trop plein de luxure qui met à mal sa raison.
Il devrait l'avoir constamment avec lui, en fait, en guise d'assistante de vie. Il pourrait baiser quand il veut.
-Zina, si tu ne me lâches pas, je vais devoir être méchant.
Elle dégage son emprise après l'avoir fusillé du regard. Bon sang, il déteste ça. Maintenant, il est en porte-à-faux avec elle. Il n'a d'autre choix que d'attraper sa main lorsqu'elle tente de s'éloigner.
-Attends. Reste.
Il lui avait fait promettre de ne rien dire. Il avait rajouté que si elle voulait plus, elle irait voir son mec et lui offrirait la baise de sa vie. Cuirassant son esprit de toute pensée déplacée, tentant d'agir avec le mental d'un chirurgien, il s'était appliqué à la caresser et l'embrasser de haut en bas. Il avait failli lui arracher un orgasme rien qu'avec ses doigts, mais s'était arrêté avant. Il lui avait dit de filer, et de ne pas regretter. Elle aura d'autres occasions, il le promet. Elle veut le soulager de la tenace érection qu'il tient depuis un quart d'heure. Il refuse, embrasse sa chevelure. Elle disparaît avec une frustration solide qu'elle va immédiatement faire passer dans la chambre à côté. Siegfried entendra tout. Sa masturbation, en regardant la vidéo d'Akina, l'énervera encore plus. Il veut la baiser. Il a une envie féroce de baiser son esclave. C'est tout. Il s'arrête avant de jouir, contenant sa rage. Il tentera ensuite de s'endormir.
Le lendemain, il avait convoqué Kitty. Il avait pour ce faire retardé son départ. Ce n’était qu’un billet de train. La russe, selon Akina, avait quitté le domicile de Jack, le laissant dans son état de loque humaine. Triste. Lui qui était en train de reprendre un chemin correct, le revoilà sur la mauvaise pente.
Dans un Kawai Café dégueulant de rose et de chatons, il l’avait convaincu de rester auprès de l’américain, moyennant rémunération. Il l’avait même convaincu de baiser avec lui, après qu’elle lui ait dit qu’il eut tenté de se la faire. Jack a besoin de ça, probablement. Kitty doit être un peu plus qu’une pute à ses yeux, il faut en profiter.
«Tu sais qu'il bande sur sa propre gamine? Qu'il se branle le soir en murmurant son nom,tu le sais? Ce type est foutu.»
Hmm. Ouai. Il se souviendra probablement toujours de cette première fois où il l’a vu, le pantalon tâché de blanc, devant une vidéo d’elle faisant un strip-tease. Il avait tout de suite vu le profil. Néanmoins, malgré les coups, il l’avait jamais été plus loin, du moins pas à sa connaissance. Le type est déglingué, comme le serait Sieg s’il avait eu une autre éducation. Jack lui ressemble beaucoup trop pour qu’il se contente de l’abandonner.
Kitty est abandonnée. Elle promet de rentrer à Seikusu. Quant à Sieg, il prend le train dans l’autre sens, vers le nord du pays. Il a rendez-vous avec d’autres personnes.
C’était cosy, japanisant, sans doute un peu trop. A vouloir en revenir aux sources, on verse dans le cliché. Il avait l’impression de rentrer dans le temple de l’Empereur, il y a cinq-cent ans. Même la maison du traditionaliste Akira était moins chargée de préjugés.
Il avait attendu une bonne demie-heure dans un genre de petit salon d’attente, avec un employé assis en face qui lui parlait de tout et de rien - politique, sport, impôts, et deux autres qui gardaient une porte. Arrivera finalement le gros Sugegasa, accompagné d’un homme de main. Il s’arrête à hauteur de Sieg, qui se lève pour s’incliner avec respect.
-Voilà le sale petit blanc.
Regard blasé. Soupir.
-Où avez-vous mis vos trente kilos ? Il a fallu retailler tous les costumes ?
-Aaaah ! T'as vu ça ? C’est comment ? Vingt-trois kilos, en fait. J’en ai sué. Viens, suis-moi.
Tous se pressent dans le bureau du patron, dont la baie vitrée donnait sur la mer. Du neuvième étage, la vue était grandiose. Siegfried s’y attardera un court instant avant d’aller s’asseoir sur une chaise, en face du bureau. Les larbins autour s’activent, vont et viennent avec quelques papiers.
-J’ai appris que Miku t’avait fait crédit. Il a été sanctionné pour ça.
-... J’en suis désolé. Je n’avais juste pas ce qu’il faut sur moi, et un aller-retour chez moi aurait été risqué.
-Peu importe. Tu lui présenteras tes excuses si tu en as envie. Bon... T’es venu demander quelque chose ?
-Oui. J’ai un problème avec des russes.
-J’ai appris ça. Ils sont pas avec moi. Je traite pas avec les russes. Les européens ça va, mais les russes, c’est une sale race.
-Je sais, chef Sugegasa. Je venais vous demander si vous pouviez faire quelque chose.
Son cul est posé sur une chaise, enfin, alors qu’il ouvre un magazine de motos pour le feuilleter tout en parlant. Siegfried remarque au passage ses trois doigts manquants : Deux à une main, le troisième à l’autre.
-Ecoute. Je vais pas faire le larbin pour ton cul de blanc alors que j’ai d’autres problèmes à régler avec les autres clans.
-Justement. J’ai pensé à quelque chose qui pourrait vous aider.
-Tu te fous de ma gueule ? Tu comptes être celui qui m’aide à écraser les autres syndicats ?
-Non. Mais je peux vous aider à trouver un statu quo avec eux, ne serait-ce qu’un temps.
Il s’arrête sur une Yamaha de luxe. Le moteur a été revu à la hausse. Les caractéristiques font rêver. Il voudrait se le payer, mais, même riche à millions, il n’a pas envie de dépenser dans un objet futile, qu’il n’utilisera jamais.
-C’est quoi ton miracle ?
-Liguez-vous contre les russes.
Il recevra en guise de réponse un rire sonore.
-Essayez de m’écouter : Le russe qui s’était allié avec eux, c’est lui qui a buté les deux yakuza avec lui. Pas moi. Si vous fouillez dans l’enquête des flics, vous verrez que c’est clair et limpide. Il suffit ensuite de dire que je suis juste un type qui a des embrouilles mais à qui il faut foutre la paix. Avec cette information, vous faites en sorte que l’autre clan se retourne contre les russes. Vous pouvez même réunir les autres clans pour faire en sorte que les soviet’ soient évincés du coin. Un peu comme Le Parrain, quand son fils meurt. V’voyez ? Du coup vous arrêtez de vous battre avec eux, vous me protégez, et je vous offre six mois de contrat en plus.
-Six mois ?
-Hm hm.
-Et un transit en Europe en plus.
-OK.
Siegfried avait dit oui sans même réfléchir. Il est prêt à tout. Sugegasa semble perplexe.
-Tu sais, je ne crois pas que les autres vont faire la paix, même temporaire, pour une broutille pareille.
-Et si vous mettez tous les morts à mon actif sur le dos des russes ?
-Pas possible. Crois-moi.
Il réfléchit.
-Donnez-moi l’adresse d’un serviteur d’un clan tiers. Je l’abattrai moi-même. Vous direz que c’est un russe. Vous n’avez qu’à inventer deux des vôtres qui sont morts aussi. Un ennemi commun, les russes sont des traîtres, etc. Une sale race, pas vrai ?
-Ouai. Une sale race.
Sugegasa avait demandé à ce que les services de Siegfried soient dressés contractuellement ; en attendant, ils iraient prendre un hammam dans une source chaude factice, non-loin. Un rendez-vous pour les criminels et les notables du coin.
Et Akina s’amusait à l’exciter un peu plus. Sale chienne. Il sentait particulièrement son manque de sexe lors de ses injections, où ses pensées se tournaient exclusivement vers la purge de sa luxure.
La convention signée, il repasse en urgence chez Matt et Zina, prendre quelques boîtes de seringue et rendre le Beretta dont il n'a pas eu besoin. Il rentre à Seikusu vers une heure du matin, demande à squatter chez Tarô. Il lui dira où se trouvent ses affaires, avec la clé du garage qu’il a loué pour les stocker. Puis l’allemand s’endormira comme une masse dans son salon.
-C'est quoi, votre secret ?
Deuxième fois qu'il entendait cette question. Wadara bâillait, et un autre flic avant lui venait de le faire. Sale contagion.
-Secret pour ?
-Être en forme. Je ne vous ai jamais vu fatigué. Même levé à 3h du matin pour une rixe entre bandes, tard le soir, ou là comme ça le matin... Vous vous droguez ? Il va falloir que j'enquête.
-Jamais pris de stupéfiant.
S'il savait ce qui coule dans les veines du propre et bien mis juriste.
Le lieutenant rentrait encore quelque chose. Un auxiliaire lui apportait un café, et un second pour Siegfried. Remerciement cordiaux. Trois jours qu'il n'en a pas vu. Trois jours qu'il n'a pas baisé.
-Bon... J'étais censé vous montrer quelque chose mais... J'ai eu une note de la hiérarchie. L'enquête va peut-être prendre un peu de temps.
-Pas trop, j'espère. J'ai besoin de mon appartement.
-Je ne peux pas vous dire en l'état actuel des choses.
Il se gratte doucement l'oreille, tapote lentement sur son clavier, d'une main, soulève une chemise verte avec quelques kanjis écrits dessus que Siegfried n'arrive pas à lire tant il a été vite, avant de lever les yeux vers l'allemand.
-Akina Walker, ça vous parle ?
-Une étudiante. Pourquoi ?
-Hmmm... Pour rien.
Il sait pourquoi la question, mais se taira. Il ne souhaite pas parler des faits d'exhibition avec le flic, ça pourrait élever des soupçons. Et Akina lui en parlera mieux.
-Vous maintenez votre version précédente des faits ?
-Vous savez que la question est superflue.
-Hm hm.
Siegfried regarde le mur, le plafond, le sol, les papiers. Son inactivité rythmée par les claquements des touches de l'ordinateur.
-Le fait qu'il y ait eu deux morts dans votre appartement ne semble pas tant vous affecter que ça.
-Rien à en redire. Les gens meurent. Particulièrement les criminels.
-Oui. Mais dans votre appartement.
-Ici ou ailleurs.
Quelques tapes de plus sur ce foutu clavier. Siegfried a l'impression de perdre son temps, et le flic aussi.
-Vous pensez toujours que le motif de l'intrusion est une embrouille avec les yakuzas, par rapport à votre métier ?
-C'est vous qui avez pensé ça. Je n'ai rien dit.
-Evidemment...
Une pause, il se gratte encore l'oreille, feuillette son dossier.
-Il semblerait que vous ayez fâché le gouvernement russe.
Remarquable et fulgurant haussement tranquille d'épaule du juriste.
-Mafia et gouvernement, pour moi...
-Vous êtes avocat, oui, je sais, je connais le couplet.
Il croyait être libre lorsqu'enfin le lieutenant refermait le dossier.... mais c'est pour mieux en ouvrir un autre, chemise violette cette fois-ci, et recommencer à taper sur son clavier.
Il n'a pas pu retenir son soupir, cette fois.
C'était Kitty qui venait lui ouvrir. Il entendait un « Qui c'est !? » très masculin venant du fauteuil. « Siegfried », répond la russe. Pas de réponse de la part de l'américain. L'allemand ne peut que sourire, amusé par la situation. Rien ne change ici, murmure-t-il à son espionne.
Il voit que celle-ci a préparé des pancakes, qui sont déjà froids. Elle propose de les lui réchauffer. Il refuse, en prendra un en l'état. Akina ? Pas descendue. Elle est rentrée tard. Il sort de sa poche quelques billets, qui changent de main. L'acompte. Lorsqu'elle se saisit de l'argent, il lui rattrape le poignet. Sa face a changé d'expression. Cachés dans la cuisine, elle commence à sentir un frisson familier la parcourir.
-Je sais ce que tu es en train de te dire. Tous les mêmes. Tous violents. Tous à vouloir le pouvoir. Je m'en fous. Tu es libre de partir, d'accord ? Je ne t'obligerais jamais à rester contre ton accord, ou à t'imposer de faire quelque chose qui te répugne. Mais si tu te tires encore une fois comme ça, sans même me prévenir, alors que j'ai confiance en toi... Hm. Je n'aimerais pas avoir à te faire des menaces.
Seulement après, il la relâche. Elle est crispée. Elle ne sait pas vraiment quoi penser du speech, et il ne lui en laisse pas le temps.
-Que tu ne le supportes plus, je comprendrais. Mais je vais te dire. J'ai laissé Akina ici en pensant que tu serais là. J'ai appris que Jack l'avait frappé en mon absence. Je t'en tiens pour responsable. Si j'avais su, je lui aurais trouvé un autre refuge. T'as merdé.
Il la plante là, sans lui laisser dire un mot de plus. Tout juste glissera-t-il « Je ne t'en veux pas » avant de disparaître. « Salut Jack » abandonné dans le salon. Il prend le sac de voyage, grimpe ensuite les marches.
Sa jolie soumise est dans son lit, paisible. Il n'ose pas la réveiller... Mais il en a besoin. La colère qui bout en lui depuis qu'il est sorti du poste de police, sachant qu'il allait se trouver sur le toit de ce connard, demande à être libérée. Il s'assied près d'elle, elle bouge, ouvre difficilement un œil. D'une main sur son crâne, il constate les points de suture. Sa mâchoire se serre. Putain. Il va faire un malaise. Sérieusement, ses nerfs sont sur le point de craquer. Le manque de sexe n'aide pas, vraiment pas. Elle tente de se redresser, il l'en empêche.
-Tu vas tout me raconter. Dans les moindres détails. C'est lui le fautif, pas toi. C'est lui qui doit payer.
-
« -On prend la voiture de ton père ?
-Oui. »
Jack s'est endormi devant un talk-show débile d'une chaîne américaine renommée. Elle en a profité pour lui subtiliser les clefs de la chevrolet. De toute manière, demain est son dernier jour de congé. Il en profitera pour dormir très tard, avant d'enchaîner les gardes sans fin à la base. Si Ekaterina lui a emprunté une tenue sobre, composée d'une robe courte à dos nu, Akina a conservé sa tenue offerte à Londres par Hiranuma. La traîne brillante va la gêner pour conduire, mais une fois ses escarpins retirés, elle traverse Seikusu sans problème malgré le caractère capricieux de la vieille voiture.
Le Casino du Quartier de la Toussaint est assez réputé. En raison de ses fréquentations à la fois douteuses et influentes. Même les flics viennent y parier entre deux services. La pègre s'approprie l'arrière-fond qui occulte sans doute un commerce de blanchiment d'argent. On spécule toujours sur le propriétaire : qui assure que c'est un magnat chinois, qui renchérit que c'est un sud-américain obscur. En réalité, on ne saura jamais. Les chiens de garde à l'entrée accueillent les deux demoiselles avec un sourire aux lèvres et un signe de tête. Pas japonais, non plus, ceux-là. Plutôt type caucasien. Kitty la tient par la main pour lui faire traverser le hall grandiloquent, monter des escaliers de faux marbres et appréhender la salle de jeux. Elles se rendent à une table, proche du bar au son des machins à sous, des cris de croupiers.
A ladite table siège une dame, brune aux yeux si clairs qu'ils s'apparentent à du cristal. Akina lui offrirait bien la cinquantaine passée, malgré son maquillage criard et les pattes d'oie qui ornent ses yeux. Elle est surtout attifée à la mode du siècle passé. A ses flancs, deux hommes costumés : grands, européens, l'un blond l'autre brun, confortablement installés sur une banquette.
« -Ah...ah ! Ma belle Ekaterina, assieds-toi, assieds-toi ! Tu as ramené ton amie, comme elle est charmante. Une vraie petite tsarine. » salue l'inconnue, dans un anglais presque parfait. Les deux femmes s'installent sur des chaises en face de leur interlocutrice. Scarlett cache mal son étonnement, elle s'attendait à faire la rencontre d'un énième mafieux viril et se retrouve confronté à une dame élégante.
« -Qu'est-ce qu'on vous sert ? Du Gin ? Du Malt ? »
Vodianova accule Walker d'une œillade insistante. A elle de répondre en premier.
« -Euhm...ahm, un Coca ? » réplique-t-elle timidement ce qui semble étonnée l'étrangère.
-Et...une Vodka pour moi s'il vous plaît, Miss Feodora.
-On ne change pas les filles du pays, décidément. Est-ce qu tu as dit à ton amie qui j'étais ?
-Non, Miss. Je me disais que vous préféreriez le faire vous-même.»
Petit soupir chez Feodora qui s'évente grossièrement à l'aide d'une main aux doigts boudinés. Elle est en surpoids, et sa poitrine gonflée à bloc cherche désespérément à s'échapper de son décolleté étriqué.
« -Ivan, va nous chercher un coca, et deux vodkas. » ordonne-t-elle en russe à l'homme de droite, puis en anglais vers Akina. « Je suis Miss Feodora. En fait, je suis l'ex-femme de Nikolaï Tsoukanov. Ahaha, je dis cela mais ça remonte au siècle dernier, vraiment. Quand il n'était encore qu'un petit con. Maintenant, c'est devenu un gros connard. Tout ce qu'il a, le pétrole, l'argent, il me le doit. A moi et à ma famille. LES VODKAS CA ARRIVE ? » finit-elle par hurler vers son sbire. Surprise à cause du revirement de ton, Scarlett sursaute. Kitty la rassure en lui pressant la main.
« -Quand j'ai envoyé Ekaterina ici, ma petite Katyusha. C'était pour qu'elle espionne les activités de Tsoukanov au Japon.
-Vous êtes la mère de d'Aleksei ? »
Oups, la question a fusé en même temps que sa pensée. Un silence pensant s'installe, brisé par l'arrivée des boissons. Feodora esquisse un sourire carnassier, admirant le joli visage de l'américaine.
« -Non. C'est le fils d'une pute. Le seul bâtard que Nikolaï ait reconnu, allez savoir pourquoi. Enfin. Je ne vous ai pas faites venir pour que vous dressiez ma biographie.»
Une insulte en russe fuse. Akina s'empresse de noyer son trouble dans plusieurs gorgées de soda.
« -Et ahm...que voulez-vous de moi ?
-Que tu tues Tsoukanov, évidemment. Mon frère cadet cherche la gouvernance de Kaliningrad, mais les Tsoukanov ont une main mise importante. Tu auras tout ce que tu veux pour ça, tout ce qu'il te faut après. Réfléchis-y bien. Et ahm, retrouvons-nous dans trois mois. Je te contacterai. »
Les deux hommes se relèvent pour escorter leur diva jusqu'à la sortie. Au passage, elle en profitera pour embrasser maternellement Vodianova dont les muscles sont légèrement crispés. Walker, elle, demeure sur le cul avec ses questions que l'on juge visiblement trop secondaires. Pourquoi ELLE devrait le tuer ? Cette Feodora n'a-t-elle pas des hommes de mains ? Des tueurs à gage professionnels ? Et Kitty ?
« -Tsoukanov ne se méfierait pas de toi.
-C'est de la pure folie, je refuse.
-Tu as trois mois pour te décider. Feodora a le bras le long, elle te récompensera.
-Pas assez long pour le tuer elle-même.
-Allons jouer un peu.... »
Le ton d'Ekaterina n'est pas empli d'entrain, mais à défaut tant s'amuser. Elles finiront la nuit entre la table de Black Jack et une machine à sous, dépenseront moins que ce qu'elles remporteront Pour le retour, c'est la russe au volant, car Akina dort déjà. Son ancienne collègue l'aidera à monter jusqu'à sa chambre où elle la bordera après l'avoir déshabillée. C'est aux petites heures du matin, et elle décide finalement qu'elle dormira plus tard, le temps d'accueillir Jack à son réveil.
« Mhh.. ? » gémit Scarlett lorsque l'intrus s'assit près d'elle, se retourne encore enchevêtrée dans un sommeil léger. Ses paupières se soulèvent paresseusement, elle croit deviner vaguement la silhouette d'Anton. Une main passe sur son crâne, dégage les cheveux de son front. Le contact l'électrise, elle souhaite se redresser pour embrasser son amant : ou se jeter dessus afin de le couvrir de sa chaleur, de sa frustration. Toutefois, elle en est rapidement empêchée.
Hein ? Pense-t-elle, l'esprit encore embué de confusion. Etendue sur son lit, son souffle s'écourte à l'idée de devoir tout raconter. Ses yeux fuient l'allemand, vont se fixer au plafond quelque part comme si elle assiste à la scène, de nouveau, extérieure à la douleur, à la détresse et à l'horreur.
« -Anton...je ne peux pas... »
Sa voix est enrouée à cause du réveil, mais aussi parce que sa gorge se noue solidement à l'approche des souvenirs. Le verrou de sécurité saute, sa mémoire est envahie.
« -Il m'a....frappé... » narre-t-elle d'un ton monotone, exprimant un détachement au moins aussi horrible que l'acte en lui-même. « Je l'ai frappé en retour. Il était encore....plus énervé. Il m'a pris par les cheveux...traînée en bas des escaliers.... »
Elle s'arrête. Pause. Elle a besoin de respirer. Elle veut hurler aussi, courir loin.
« Il a...cogné ma tête contre une marche, très fort. »
Le son de sa voix n'est plus qu'un murmure, une confidence péniblement expirée. Il doit se pencher sur elle s'il veut l'entendre correctement.
« J'ai perdu connaissance, mais..;je me suis réveillée et il..il.. »
Ses mains fines attrapent le col du chemisier allemand, et elle tire pour que l'oreille de Siegfied se colle à ses lèvres tièdes qui articulent faiblement la sentence passée :
« M'a baisé. C'était comme ça qu'il a fait. Même quand je perdais connaissance, il continuait. J'ai détesté. »
-
« Il m'a violé ».
Les mots sont distinctement entendus, sans avoir été prononcés. Quand elle raconte les coups, déjà, c'était difficilement supportable. La violence particulière de ce qu'il a osé faire était déjà trop pour lui. Quand elle mentionne le sexe, en revanche, son corps se vide entièrement. Ses organes se sont fait la malle, son sang se vide complètement. Il n'a plus l'impression de penser. Corps mort. Regard vide. Lorsqu'il se redresse, lentement, une vague grimace peu significative anime son visage. Il l'observe et se demande si ça aurait été pire si elle s'était volontairement tapé un autre. La douleur aurait simplement été différente, se dit-il. Un moment de flottement. Elle dit quelque chose, il n'écoute pas. La veste est calmement enlevée. Du sac de voyage, il retire son glock. Il compte les balles. Seize balles dans le chargeur, une dans la chambre. Il a bien compté. L'arme est fourré à la ceinture.
-Retrouve-moi en bas.
Il descend les escaliers. En bas, il s'arrête pour se retourner. Tiens... L'une des marches porte quelques marques. Ici. Ce fut bien nettoyé. Lorsqu'il se redresse, il dépasse Kitty qui l'observe, perplexe. Elle capte l'arme. Elle l'arrête par le bras. Il se dégage de son emprise.
-Il m'en restera pour toi, t'en fais pas, petite pute.
Jack. Jack. Jack. Ce putain de nom tonne dans sa tête, au rythme des battements de son cœur. Ses tempes lui font mal. Il doit desserrer les dents avant de se péter la mâchoire. Face à lui, l'américain prend un temps avant de le regarder.
-Quoi ?
Quoi, quoi, connard !? Il sait ce qu'il y a. Rien qu'à le regarder, il sait qu'Akina a tout balancé. Il voudrait l'insulter, mais il sait que ce n'est pas le moment. Sieg se déporte sur le côté, saisit une chaise, et l'envoie violemment dans la télé. L'annonce du talk-show de ce soir est interrompu, l'appareil explose, on aura entendu quelques grésillements, le verre s'envole, le plastique se brise, le cadre heurte le mur puis tombe au sol, renversant quelques autres objets au passage. Le militaire balance quelques insultes un peu général, putain de bordel, il essaie de se lever, mais Siegfried lui a déjà pris le col, et le fait rasseoir.
-TA PROPRE FILLE, ENCULE !?
Quelques minutes plus tard, il ne saura pas dire s'il a parlé anglais ou allemand. Peu importe : Les poings n'ont pas de dialecte, et le sien fini sur la gueule de Jack. Pourtant, aujourd'hui, il est clean. C'est dommage. Son nez se brise, une dent part, et le corps fini inerte au fond du siège. Pendant quelques secondes, plus rien d'activité cérébrale dans sa carcasse.
-REVEILLE-TOI, FILS DE PUTE ! T'OSES FAIRE CA A TA FILLE !?
Le coup de poing – modéré – sur ses burnes lui fera l'effet d'une décharge. Jack est de nouveau parmi nous. Sans attendre, une nouvelle claque. Siegfried s'en fera mal à la main, mais Jack encore plus. Il n'a même pas le temps de se débattre qu'on le frappe encore. Puis sa gorge est saisie, il est soulevé, malgré son poids considérable, soulevé comme une brindille et jeté sur une table basse. Prochaine cible : Une armoire. Bon, elle était trop près de toute façon, tant pis pour elle. Le coup de poing que lui met Siegfried brise l'un de ses côtés en deux. Les os de sa main sont probablement dans une piteux état aussi. Tant pis. Il tente de calmer sa respiration, puis, voyant bien que c'est inutile, il retourne défoncer la gueule de l'américain.
Il lui fera bouffer son sang, d'abord, traînant son poing sur sa bouche, répétant nerveusement ses « mange, mange, mange » avant de lui recoller un pain. Terrassé, il ne peut que subir.
Siegfried se rend soudain compte qu'il a cessé de réfléchir il y a quelques secondes. Il n'avait plus été aussi violent depuis des semaines. Il a l'impression de subir cette fureur sexuelle, la même qu'avait déchaîné chez lui Akina. Il relève d'ailleurs les yeux et la voit, aux côtés de Kitty. Non, ça ne suffit pas comme punition. Il voudrait lui briser les membres, le pendre, le remettre à terre, le re-pendre, le traîner partout, lui fait bouffer son sang jusqu'à la nausée, arracher ses dents, ses ongles, le dépecer, le castrer, foutre de l'acide dans ses yeux, puis écraser sa gueule avec ses poings. Putain, il a mal à la main droite, ça commence seulement à l'élancer.
-Je te fais retrouver ta femme... Je t'offre une bonniche... Je te file ta putain de télé, je fais tout pour toi, ET TU VIOLES TA PROPRE FILLE, FILS DE PUTE !? CELLE QUI T'A TOUJOURS AIDE !? QUI T'A SUPPORTE DANS TOUS LES MOMENTS, PAUVRE CON !? DIRE QU'ELLE A ESSAYE DE TE DEFENDRE !
L'infarctus n'est pas si loin. Il le sent poindre. Il faut qu'il se libère. Main gauche, donc, qu'il assène nerveusement contre son bide, son torse, une nouvelle fois sur sa gueule. Jack n'a même pas la décence d'essayer de se défendre, il est à la limite du coma. Pourtant, un sursaut de conscience le saisit lorsqu'on le force à ouvrir grand la mâchoire pour accueillir le canon d'une arme.
Et c'est beaucoup moins bandant que la dernière fois qu'il l'a fait.
Sa main tremble. On sent les dents claquer sur le polymère et le métal. Jack se surprend à vouloir qu'il tire. C'en serait fini. Il sait qu'il est une pauvre merde, il n'est plus très sûr d'avoir envie de vivre. C'est aussi ce que se dit Siegfried, de toute façon. Dans leurs regards, il y a comme cette acceptation mutuelle. Le flingue continue de glisser, lentement.
-Le monde va être débarrassé de toi, sale con. Akina va enfin pouvoir vivre une belle vie loin de toi. Abruti, putain. Merde. Dire que je voulais changer ta vie. Te rendre ta femme. Dire que....
Il sait qu'Akina regarde. Il n'est pas sûr qu'il veut qu'elle ait cette image de lui. Ca reste son père. C'est une plaie. Sauf que là, c'est son arme, chez lui, avec des témoins. Ce n'est pas un meurtre habituelle où il peut masquer les preuves. Il y a ses empreintes partout, son sang partout, il a un travail, s'il ne s'y pointe pas on va s'inquiéter, on va finir, la raison revient progressivement dans la tête de Sieg. Le canon s'est un peu trop enfoncé. Jack a un haut-le-coeur, repousse faiblement Sieg, qui s'écarte, et il gerbe sur le sol, parmi les débris de verre, de bois, de plastoc, de métal.
L'arme est pourtant reposée sur son front, près d'une blessure.
-Je vais faire mieux que ça. Je vais baiser ton ex-femme, baiser ta mère, buter ton père. Toi, t'iras en taule. Et pendant ce temps-là je vivrais une longue et belle vie à défoncer ta fille par tous les trous en me disant que t'auras jamais eu quoique ce soit d'elle. T'auras jamais été capable d'avoir été autre chose qu'une larve, Jack. Tu sens la merde, tu ressembles à de la merde, t'es qu'une merde. Tu me dégoûtes.
Il utilise le -shirt du quasi-cadavre pour essuyer le canon de son arme, puis la range. Vile odeur d'urine. Il s'en fout. Il tente de s'éloigner, mais la russe et la métisse sont sur son chemin. À la première, il saisit la mâchoire.
-Je te libère de tes obligations envers lui. Toutes. Mais crois-moi, je n'oublierai jamais. Si tu m'avais prévenu...
Il voudrait lui cracher à la gueule. Un trop-plein de salive et de haine qui veut s'extérioriser. Il en retournera à Jack pour lui balancer son mollard à la gueule. Par la suite, une bouteille de bourbon, dont il jette quelques traits sur ses vêtements.
-Appelle l'ambulance. J'ai pas envie qu'il crève. Je veux qu'il soit en vie quand il recevra les flics pour le viol de sa fille. Et je veux plus aucune arme dans cette maison. Aucune. Vous me les faites disparaître. Hors de question qu'il se tire une balle. Il me faut un café.
Et une clope. Merde, celles-ci sont dans sa veste. Bon motif pour prendre une assiette qui traîne dans l'évier et l'y briser violemment. C'était gratuit. Il fout du sang partout, prendra une serviette pour éviter de tâcher plus le mobilier. L'eau chauffe ensuite. Il attend tranquillement, immobile, devant, sa tasse avec le fond de poudre lyophilisée dedans.
Il n'a pas mentionné sa possession, sa propriété. Ce n'est même pas ça qui lui a fait le plus mal. Ce n'est pas la propre atteinte à ses biens. Juste celle d'Akina.
Il verse l'eau. Un pancake. Rien de ce qui se passe autour de ne peut le distraire de son petit moment.
-
L'automne est déjà bien entamé. Sur le trajet de l'université, les arbres s'effeuillent de leurs couleurs flamboyantes. Les pas d'Akina sont francs, rapides : elle craint d'arriver au premier cours qu'elle dispensera à une amphithéâtre plein de futurs docteurs. Bien sûr, ce n'est qu'un cours où elle assiste Chris Reuters, mais c'est elle qui s'exprimera face au public étudiant. Elle est partie catastrophée de la maison ce matin, n'a presque pas dormi de la nuit et a relu ses notes des centaines de fois afin d'être certaine de bien expliquer les nanoparticules.
A la faculté de médecine, dont les locaux resplendissent de neuf. Dans le bâtiment principal, l'architecte a prévu un simulacre d'atrium romain avec un puits de lumière qui donne sur une fontaine. Le carrelage est en damier noir et blanc. Elle n'y avait mis les pieds qu'à l'occasion d'un examen de biologie moléculaire il y a deux ans. Pour bien faire, elle a enfilé une blouse blanche avec son nom et matricule. Une fois arrivée à l'amphithéâtre où son cours se déroulerait, cinq minutes à l'avance, elle est accueillie par le professeur Reuters qui lui délivre les dernières recommandations. Surtout, elle doit bien parler dans le micro, qu'elle n'hésite pas à lire ses notes (on ne peut pas improviser tout le temps.) Il fait une remarque anodine sur son décolleté, comme quoi elle a été avisée de mettre en avant ses atouts. Cela aiderait sans doute quelques étudiants distraits à se concentrer sur le cours.
Progressivement, la salle se remplit. Les badauds arrivent par petits groupes, dix minutes plus tard et un brouaha relatif s'élève parmi les rangs La métisse tapote le micro du bout des doigts ; le bruit assourdit les jeunes gens dont le silence devient exemplaire.
« Bonjour, je suis l'assistante du professeur Chris Reuters, Akina Walker. Je m'occuperai du cours de nanobiologie ce semestre et de vos examens. »
Quelle étrange sensation d'entendre l'écho de sa voix résonner dans tout l'amphithéâtre et d'apercevoir des centaines de paires d'yeux suspendues à ses lèvres.
« -Nous allons débuter en commentant la définition de la nanoparticule.... »
Et le cours s'achève une heure trente plus tard. Avant même que Reuters ne puisse entamer un débriefing, lui qui était assis au fond de l'estrade, sous l'écran du projecteur, quelques étudiants viennent solliciter des précisions auprès de Walker. Principalement des questions bêtes sur les dates d'examen, la matière exacte à connaître, si des lectures sont obligatoires. La métisse tente de se dépêtrer maladroitement. Heureusement, Chris lui vient en aide et chasse d'un ton autoritaire les curieux et autres angoissés : Ils recevront toutes les informations nécessaires par le biais du secrétariat.
« -Félicitation Akina, il y a eu deux ou trois petites coquilles, mais rien de très grave. Vous auriez juste dû insister davantage sur l'échelle nanométrique et les dispositifs liant la vie à une machine. Mais, vous excellez toujours autant dans la matière.
-Puis-je vous déranger ? Intervient une vois familière dans leur dos. »
C'est avec surprise que l'assistante reconnaît son grand-père, tiré à quatre épingle dans un costume surmesure. Reuters s'incline avec respect.
« -Docteur Kanzaki, je ne pensais pas vous voir à l'un de mes cours, vous avez passé l'âge d'étudier, non ?
-Sachez, Monsieur Reuters, qu'on apprend toujours. Surtout quand c'est ma petite fille qui dispense le cours.
-Oh, Akina, le docteur Kanzaki est votre grand-père ? Quelle surprise, s'étonne le professeur européen en alternant son attention de l'un à l'autre pour chercher en vain une ressemblance.
-Ahm oui...bonjour Grand-Papa, vous connaissez le Professeur Reuters ? »
Comme quoi, le monde est petit. Akira opine modestement.
« -Oui, nous nous sommes croisés lors de plusieurs congrès sur la recherche médicale. Quand j'ai appris que tu donnerais ce cours, je suis venu par curiosité. Je suis satisfait que tu fasses enfin honneur à ta famille. »
Malaise sur les derniers mots. Chris se racle la gorge et prétend une urgence afin de s'éclipser définitivement. Grand-père et petite-fille sont désormais seuls. Akina en profite pour ramasser ses effets personnels, ranger son ordinateur portable tandis que le vieux dragon lui propose d'aller boire un café. Oui, à la cafétéria étudiante. Une fois n'est pas coutume. Ils se dirigent donc au réfectoire, relativement désert à cette heure de l'après-midi. A l'aide de quelques pièces, Scarlett commandera deux cafés à la machine et invitera son aïeul à s'asseoir autour d'une table près d'une immense baie vitrée donnant sur les jardins du campus.
« La blouse blanche ta va très bien, commente-t-il.
-Merci... »
Elle s'exprime avec parcimonie, ne sachant pas encore ce qu'Akira avait en tête. Il est rare que le patriarche du clan se déplace seul, de manière si familière. Surtout pas à Seikusu.
« -Pour la caution....reprend-elle.
-C'est payé et oublié.
-Ah.... »
Silence.
« -Et comment va Hiranuma-san ? Qu'elle s'enquit par simple curiosité, bien que le tout soit déplacé.
-Bien. Mais je ne suis pas venu parler de ça. Je viens te donner ma bénédiction à propos de ta relation avec Monsieur Von Königsberg.
-Même si....nous ne faisons pas les choses correctement ?
-Même si vous ne faîtes pas les choses telles qu'elles devraient l'être. insiste-t-il froidement. »
L'étudiante remarque aisément le coût infligé à Kanzaki-sama d'accepter le couple atypique qu'elle forme avec l'allemand. Elle lui rétorque un sourire reconnaissant qu'il finit par admirer.
« -Tu restes ma petite-fille Akina, ma seule héritière quand...je m'éteindrai, j'emporterai tout un siècle révolu avec moi. Tu auras le manoir, ma fortune, mais surtout le nom. J'aurais aimé qu'il ne s'éteigne pas, ne serait-ce qu'en perpétuant son sang mais, je suppose que toutes les grandes familles ont une fin. » explique-t-il ensuite avec un ton très solennelle, résigné et empreint de noblesse.
Alors, elle songe immédiatement à Anton. A son centenaire stérile, aux terres des Von Königsberg, à la splendeur passée qui s'effrite et tombe en poussière. Et elle regrette qu'il en soit ainsi, malgré sa soif de progrès et de modernisme, elle se surprend à croire qu'il y a du bon dans certaines traditions. Ils terminent l'après-midi avec leur café, sur des sujets de discussions finalement divers et variés : de la politique au domaine de la science, ils vont se redécouvrir au fil des mots, parfois prononcés à couvert. Parce qu'Akira demeure un homme très réticent à exprimer la moindre affection, toujours dans la retenue infligée par son éducation. Ils se quittent sur une étreinte toute raide, Kanzaki lui rappelle qu'à l'occasion Anton et elle sont les bienvenus au domaine familiale, que sa grand-mère a hâte de la revoir. Elle lui promet qu'ils passeront dès qu'ils en auront l'occasion.
Sur le chemin du retour, elle fait un crochet par l'hôpital de la ville. Jack y est toujours entre la vie et la mort, bien que son pronostic vital ne soit pas engagé. Elle a pris l'habitude, presque chaque jour, de se recueillir devant la fenêtre de la chambre sans jamais oser y entrer. C'est un peu se recueillir devant une tombe, pense-t-elle et au fond, ne préfère-t-elle pas ce brave Jack Walker dans cet état ? Cinq minutes après, elle redescend dans la rue d'où elle regagne le domicile familial : à pied. Sa Honda Civic est définitivement foutue selon le garagiste, la courroie a pété. Misère, investir dans une autre voiture va lui demander beaucoup d'économie. En attendant, elle se contente du bus et à de rares moments, emprunte la vieille américaine du paternel.
« Bonjour ! » salue-t-elle en entrant. Kitty l'accueille la première, sourire aux lèvres, toujours bien habillée et bien parfumée qui l'escorte jusqu'au salon, rangé et remeublé depuis le drame passé.
« -J'ai préparé du goulash au boeuf pour ce soir.
-Merci, tu sais bien que je suis nulle en cuisine.! Comment avancent les auditions ?
-Pas trop mal....soupire-t-elle. »
Car la belle russe a décidé de se réinscrire au Conservatoire de Musique et chant. Scarlett lui a assuré son soutien moral et financier dans cette reprise de quête. Celui de Seikusu offre de belles possibilités, mais mieux vaut viser Tokyo. Après Moscou, c'est faisable non ? Et puis, elle améliorerait son japonais, qu'elle travaille avec Akina dès qu'elles sont une plage horaire disponible.
-Siegfried est rentré ?
-Non, il a laissé un message je crois, comme quoi, il avait un cours de remédiation ou quelque chose comme ça ? Qui le ferait finir tard.
En passant devant la porte-fenêtre menant à la terrasse, Akina remarque que le jardin à l'arrière de la maison a été modifié. Les mauvaises plantes arrachées, la terre retournée.
« -Tu jardines, Kitty ?
-J'essaie, un peu. On pourrait faire pousser un potager, qu'en pense-tu ?
-Excellente idée ! Je crois que Maman a conservé des graines à la cave, tu pourras toujours jeter un coup d'oeil ! »
Puis, elle se précipite à l'étage sous le son d'un « Où vas-tu ? » auquel elle répond en écho « Je sors ! »
Arrivée dans sa chambre. Enfin leur chambre. L'effluve d'Anton y est encore tenace. Ses affaires sont bien pliées alors que les siennes, typiquement féminines, traînent ci et là exprimant sa précipitation matinale. Elle fouille dans son dressing, parmi ses costumes surtout : ceux qui la propulsaient sur scène quand elle était encore cheerleader. Elle les a tous conservé soigneusement.
Au lycée Mishima, vers 18:00, c'est la sortie des derniers cours. Elle croise les lycéennes et les lycéens en sens inverse, beaucoup sont attirés par son accoutrement. Si elle porte une veste en cuir pour endurer la fraîcheur de l'automne, sa courte jupe bleue et or plissée, ses mi-bas de la même couleur déclenchent des commentaires tantôt admiratifs, tantôt curieux. On la confond même avec l'une des cheerleaders du lycée, et si c'est le cas on déclare que les nouveaux uniformes sont clairement craquants. Akina va même apostropher gentiment un groupe d'étudiants.
« -Le cours de remédiation en Histoire ?
-Classe 1-A, deuxième étage aile gauche. Mais habillée comme ça, tu devrais plus aller à celui de sport non ?
-Han, mh, mh.
-Ca ne commence pas avant 30 hein ?»
Elle dépose son blouson sur un porte-manteau dans le couloir et frappe trois petits coups avant de s'engouffrer dans la classe. Il est à son bureau, préparant sans doute la séance de remédiation et se serait tourné vers elle, un paquet de copies encore en main. D'une démarche chaloupée, avec ses jolis rubans dans ses cheveux coiffés en couette, elle se rapproche de son amant.
« -J'ai appris que c'était ici qu'on comblait ses lacunes en Histoire, Professeur ? Et j'ai beaucoup, beaucoup de lacunes à combler. » articule-t-elle en se mordant la lèvre.
Les élèves en difficulté arriveraient d'ici une demie heure. Autant profiter qu'ils soient seuls, comme au premier jour de leur rencontre, à un instant proche du crépuscule. Une de ses mains délicates échoue le long du torse allemand qu'elle flatte, froissant le tissu à chaque passage. Elle plaque ses lippes glossées à l'oreille du professeur, souffle chaudement : « Je suis davantage habituée aux vestiaires mixtes qu'aux cours d'Histoire, si vous voyez ce que je veux dire. »
Son autre main, habile, masse déjà la braguette tandis qu'elle poursuit, le souffle faiblement haché : « Histoire américaine. Conquête de l'Ouest. Vous ferez le Cow-boy et moi l'indienne ? »
-
Plusieurs jours étaient passés. Sa rage était vite redescendue, puis évanouie lorsque la dernière plaie s'était éteinte sur sa peau. Les joies de sa vive cicatrisation. Les os continuaient, eux, à faire un peu mal. Pas ambidextre, il avait dû se faire aux tâches de la vie quotidienne de la main gauche.
Il avait la vague impression de vivre dans un ménage à trois, si ce n'est qu'il ne dormait qu'avec l'une des deux. Lorsqu'il rentrait, après un bref repos, il mangeait ce qu'avait préparé la russe ; ils regardaient parfois tous les trois un programme télé via l'ordinateur, puisque la télé était de toute façon en morceau. Le plus souvent, la fausse blonde ne restait pas, du travail à faire, et il restait à commenter ce qui était diffusé avec l'ancienne prostituée. Il avait promis de la soutenir aussi, si elle avait besoin, ce qu'il a déjà promis auparavant, sans faillir. Elle s'était méfié de lui de nouveau les premiers temps, à cause de ses menaces, avant de se rendre compte qu'il disait beaucoup de choses sur le coup de la colère, sans forcément qu'il n'y ait véritable assurance d'exécution. Il tenait à elle, et c'est tout.
Il s'était montré réticent au sexe. Pas par dégoût, comme elle pourrait évidemment le croire, et se sentir rejetée, non... Il voulait juste prendre son temps. Lui qui ne rêvait que de ça en entrant... Il avait prétendu avec poésie, un soir, qu'il lui fallait un peu le temps de reconstruire son sanctuaire, de ne pas y replonger par dépit, par précipitation. Elle avait répondu que le sanctuaire était déjà debout de nouveau ; ce à quoi il rétorquera qu'il voulait être sûr de ne pas le briser en mille ruines en mettant un trop maladroit coup de pied dedans. Il ne se le pardonnerait pas. Il ne demande qu'un peu de temps, et rajoute que ce sera bon pour elle.
Kitty s'en étonne d'ailleurs. Lorsqu'elle se couche, grand silence dans la maison, soir après soir. Elle ne fait que supputer sur ce qu'il se passe.
Le sujet de Jack sera un peu tabou, tout au plus parfois se demandent-ils quand il va rentrer. Le week-end suivant, alors qu'il s'était astreint – avec Akina comme petite assistante dévouée, elle a des cours à prendre après tout – à la cuisine, il avait fait la réflexion devant elles qu'ils étaient tous les trois mieux dans cette maison sans lui. S'était ensuivi un court silence dans la pièce, brisé par la demande de l'allemand d'aller chercher une sauce dans le réfrigérateur. Si les flots sont calmes, la rancune reste.
On le trouvera à l'hôpital. Il avait appelé pour qu'on le prévienne en priorité lors de son prochain moment de conscience, disant que c'était affaire de justice, donc primordial. L'employée de l'accueil ne demandera même pas s'ils sont de la même famille, se disant qu'un blanc demandant à en voir un autre doit nécessairement avoir un lien avec lui : Pas de hasard. À l'étage en revanche, lorsqu'on lui demande pour le laisser entrer s'il est de la famille, il rétorquera juste qu'il est son avocat, et montrera pour cela sa carte. On le conduit jusqu'à la chambre.
Là, il constate qu'une infirmière s'occupe de lui. Ses yeux sont quelque peu ouverts, il fixe la fonctionnaire, puis la fenêtre. Siegfried reste devant, attendant qu'elle ait fini pour entrer, mais il n'en aura pas le temps : Sa contemplation est interrompue par l'arrivée d'une autre femme en blouse doctorale cette fois-ci. Elle lui sert la main. Elle est plus jeune que lui, se dit-il, avant de se faire la réflexion qu'ils sont tous plus jeunes que lui. Non, disons qu'elle a l'air plus jeune que lui, et elle est déjà médecin. Tant mieux pour elle.
Elle lui explique que c'est sérieux. Qu'il a depuis deux jours quelques moments d'éveil mais que les calmants le terrassent vite. Il a de longues périodes d'inconsciences, et que sa conscience reste de toute façon assez morne. Elle ne saurait dire s'il est déprimé ou juste amorphe. Elle dit que les papiers d'admission mentionnent qu'il s'est fait ça tout seul, très imbibé d'alcool, et demande si c'est pour cela qu'il est là : Elle comprend assez peu comment il peut en venir à un tel état sans un coup de poing main extérieur. Il rétorque qu'en effet, il veut tirer ça au clair. Elle demande si elle doit appeler la représentante légale, sa fille. Siegfried dit qu'il n'est ici qu'en tant que conseil de l'hospitalisé, et de personne d'autre.
Pronostic correct. Ils sont en contact avec l'hôpital militaire, savoir s'ils veulent le prendre. Ils ont besoin de l'autorisation d'Akina, de toute façon, et Siegfried dit que c'est tant mieux ainsi. Lorsqu'enfin l'infirmière va sortir, la docteur demande à rentrer avant lui pour essayer de lui parler. Jack ne dira que cinq mots en tout, faiblement. Elle finira par sortir en lui disant que son avocat est là. Il aurait volontiers dit qu'il n'avait pas d'avocat, avant d'apercevoir l'allemand à la porte.
Il rentre enfin, s'assied. Les bras croisés, un long silence s'installe, que Siegfried, fidèle à ses habitudes, brisera.
-Je me demande ce que dirait Seika.
Jack le fusille du regard, enfin, c'est probablement ce qui doit vouloir, c'est difficile à distinguer. Grattage de sourcil de l'allemand.
-Et Akira. Lui, il n'hésiterait pas à te coller en taule. Pas comme moi. Je suis trop faible, j'ai réussi à t'apprécier.
Regard vers la fenêtre. Vers le couloir. Vers Jack. Sourire.
-Et tu ne comprendras jamais pourquoi.
Il rajuste sa serviette en cuir, qui allait tomber au sol.
-Je me fous de la justice. Et je n'ai pas envie de te buter, ça me serait plus préjudiciable qu'autre chose. Mais... Hm. Le truc, c'est que... aussi intelligente puisse-t-elle être, Scarlett... je crois qu'elle t'aime encore. Ne serait-ce qu'un peu. Malgré tout ce que tu lui as fait, malgré le fait que tu aies été... probablement ce qu'une enfant pouvait espérer de pire chez un père. Un vrai cauchemar de plusieurs années.
Il se frotte les yeux. Jack bouge à peine, bandé de partout, perfusé à mort. Son regard reste cependant sur Siegfried. Ce dernier ne saura pas dire si l'américain le maudit ou se maudit, ce qui démontrerait un brin de lucidité. Si seulement son regard était expressif...
-Je pense qu'elle se souvient de quand c'était bien, tout de même. C'est uniquement pour ça que je ne t'ai pas tué. Parce que... j'aurais pas été un héros à ses yeux. J'aurais été celui qui tue son violeur, son bourreau, le type qui l'a torturé et humilié pendant des mois et des mois et qui l'a traitée comme une esclave... Mais j'aurais aussi été celui qui a tué son père. Le mari de sa mère. Le géniteur qu'elle a apprécié, qui lui a appris à être forte, qui l'a élevé. Qui lui a transmis des valeurs, mine de rien.
Sa poche a vibré pendant le discours, un SMS. Il va devoir appeler, ça semble urgent.
-Je crois en la rédemption, Jack. Un jour, je me suis pris une balle dans la tête. Je n'avais plus rien. J'étais mort. Je n'existais plus. Et... Je me suis reconstruit. Akina m'aime, vraiment, je crois. Plus qu'elle ne devrait aimer des hommes comme nous. Je pense que tu t'es pris ta balle dans la tête aussi. À toi de voir pour le reste. Je te laisse, connard.
Une main sur sa jambe, et même un petit sourire.
-Sors de là en état, et redeviens un homme.
La fin des cours avait sonné, mais aucun étudiant ne bougeait. Respectueux, ils savaient pertinemment que ce qui comptait, ce n'était pas le dring de la sonnette, mais le moment où le professeur disait qu'ils pouvaient tous partir.
-En fait, la question de la responsabilité de la guerre c'est assez épineux. J'entends par là que, quel que soit le clan, et d'ailleurs peu importe le conflit, même la seconde guerre mondiale, la responsabilité n'incombe pas à celui qui a déclaré la guerre, ni même à celui qui l'a déclenchée. Directement ou indirectement. Prenez deux clans qui se préparent à la guerre pendant quinze années, et qui attendent patiemment qu'un soldat de l'un meurt sur le territoire de l'autre, par pure erreur, pour enfin entrer en conflit. Il faut creuser un peu pour reconnaître les responsabilités. Bref. Je vous relâche. Essayez de réviser pour la semaine prochaine, y a pas de contrôle mais ça fait pas de mal.
De toute façon, il a besoin d'un café. On lui dit au revoir, certains le remercient pour le cours. Il restera quelques minutes à ranger ses affaires, faire le point sur ses notes. Vu qu'il récompense l'oral, il doit régler maintenant ce genre de formalités.
La porte s'ouvre, dérangeant sa tranquillité. Il ne s'attendait pas à la voir, et surtout pas dans cet accoutrement. C'est une surprise plutôt agréable. Il se lève pour l'accueillir, avec un baiser, et, bien vite, elle se montre entreprenante. Hmmm... Oui, elle est sa jolie amante, sa clandestine qui vient dans un endroit des plus dangereux pour commettre son crime, et il ne peut mentir : Il adore ça.
-Je préfère l'histoire allemande. Plus d'un millénaire d'invasions, de haine et d'amour avec ses voisins, un Etat créé par une succession de corps à corps sauvages...
Aussitôt, elle est maîtrisée. Pauvre, pauvre Akina, saisie par la nuque et tenue en respect à une distance raisonnable.
-Ma Princesse. Tu viens ici en semblant oublier que je te devais encore une punition. Tu as une chance de ne pas être venue habillée normalement : Je vais tenter de faire attention de ne pas déchirer ta tenue.
Il captera qu'elle a fait l'erreur de venir avec des sous-vêtements. Une pure hérésie, une insulte prétend-il même. Pour ceux-ci il n'aura aucune pitié : Tandis que le corps d'Akina est plaqué sur le bureau, il lui baisse si violemment la culotte qu'on aurait cru entendre une couture craquer. Une fessée est distribuée, en guise de préambule, et il l'abandonne là. En l'absence de clé, une table bloquera la porte.
Il revient vers elle pour lui rappeler la position qu'elle doit adopter, frappe ses fesses de nouveau, ordonne de les remuer pour lui. Après tout, c'était une danseuse, non ? Qu'elle danse ! Il lui fourre deux méchants doigts dans la chatte pendant qu'elle s'exécute, qui iront de plus en plus profondément, le pouce caressant son anus au passage. Son érection est plus que visible, il se caresse à travers ses vêtements. Cessant, il met index et majeur dans la bouche d'Akina. « Que tu aies quelque chose à sucer », s'amuse-t-il. Transpercée de toute part, elle subit ses intromissions de plus en plus pressantes... qui cessent tout à coup. Il regarde sa montre.
-J'ai cours dans vingt minutes. Il faut que je me dépêche. J'ai besoin d'un café. Ne bouge pas.
Et le voilà parti.
-Professeur.
-Ah ! Kenneth.
Et un geste qu'il ne se permet avec aucun étudiant, mais la situation s'y prête tellement : Il lui tend la main. L'irlandais est étonné, mais accepte. Siegfried tient une vengeance de plus dans cette poignée. Puis il récupère le café à la machine.
-Qu'est ce que tu fais ici ?
-Je donne des cours de soutien en anglais.
-Oh. Intéressant. C'est bien payé ?
-Non, c'est pour un projet universitaire. Ca donne des crédits, etc.
-Je vois, je vois.
-Akina va bien ?
-Je crois, oui. Elle aimerait peut-être que tu passes la voir. Pas maintenant, évidemment, mais... à l'occasion.
-J'ai des doutes là-dessus.
Moment de silence.
-Bon, j'y vais. J'ai cours.
-Moi aussi. Je vous laisse.
-Attends. Je te dois quelque chose.
Et il lui tendait quelques billets soigneusement comptés. C'est ce qu'il lui devait. L'irlandais refuse ; Siegfried insiste. L'échange est fait, la dette est remboursée, puis ils se quittent. Le ton était cordial, quoique froid. L'allemand ne peut pas s'empêcher de garder la banane jusqu'à la salle de classe.
En entrant, il bloque de nouveau la porte avec la table. Akina n'a pas bougé. Parfait. Il lui relève la jupette, cueille un peu de cyprine, enfonce ses doigts dans son joli petit cul. « Bonne chienne ». Il lui dit qu'il ne s'est jamais tapé une Cheerleader (Marisol, ça ne compte pas), qu'il les a toujours vu comme des salopes qui n'avaient que pour hobby de faire bander les mecs, et qu'il n'allait pas se gêner. Gorgée de café. Trop chaud. Il le pose sur le bureau, loin d'elle, sort sa queue, et prend sa chatte.
Pas le temps, bordel. Elle est prise à la sauvage, violemment. Cowboy, hm ? Elle a un cavalier à la hauteur. La jument se fait démonter jusqu'à l'os. Une frustration accumulée qui enfin se libère. Il ne contrôle pas grand-chose : Il ne voit que ce cul de métisse, parfaitement formé, à moitié couvert par une jupe plissée, puis, plus haut, des reins à se damner, et une belle chevelure, blonde à souhait, comme il l'aime. Les cris de plaisir finissent d'achever sa raison. Une main la prend par la tignasse pour la soulever, de sorte que seul son bassin ne touche véritablement le bureau. « Tes mains derrière le dos, ma belle pute ». Elle obéit. Elle est disciplinée. Le bras entier passe sous sa gorge, et l'enserre, la maintiennent en position pendant qu'elle se fait défoncer violemment. Ses seins sont découverts. Pour le haut, pas de problème, mais le soutien-gorge en-dessous est vraiment massacré. Tant pis pour elle, elle saura qu'il ne supporte pas ça, surtout quand il n'a pas le temps. Ainsi, il peut la caresser à l'envie, compresser ses seins dans sa main, ou contre son bras. Il la frappera même à cet endroit.
Lorsqu'il sort d'elle, c'est seulement pour la traîner par les cheveux jusqu'à la fenêtre. Une chaise l'aura accompagnée, par simple convenance. Il plaque le buste de la donzelle contre la fenêtre, ses seins offerts à la vue de ceux qui sont encore dans la cour et s'en vont. Dos au bâtiment pour la plupart, ils ne remarquent rien. Siegfried est agenouillé derrière elle. Les minutes défilent trop vite. Tant pis, elle va douiller, mais il en a trop envie, et lui signifie verbalement. Quelques coups de langue entre ses fesses, ses doigts feront le travail. Puis il l'enculent. Doucement, il n'est pas une bête... Cependant, ce constat ne sera valable que pour la première minute : Après, elle sera salement sodomisée, parce qu'au fond, admettons que c'est un monstre, et rien d'autre.
On frappe à la porte, puis celle-ci est poussée. La table crisse, arrête le mouvement. Il regarde l'heure : 18h25. En effet, il va être l'heure.
-Fermez la porte, je finis de ranger. J'arrive !
Quant à savoir comment elle va sortir... Ohohoh. Rien à foutre. Il a juste envie de jouir avec sa belle esclave.
-
Au début, il a ce doigté de virtuose. Malgré l'ardeur impitoyable dont il a usé pour faire valser sa culotte le long de ses jambes, il utilise ensuite ses doigts à bons escients. Des doigts qui, malgré leur brutalité toute relative, la font vibrer : fins et virils ; des doigts de noble, puis des doigts d'officier et enfin ceux d'un juriste. Jamais habitués au travail manuel si ce n'est celui d'envahir les fentes et les orifices de ces dames. Et dès la gifle sur son fessier, elle émet un premier cri. Elle a oublié à quel point c'est douloureux et jouissif à la fois d'être manipulée par l'envie de son maître.
Remue ton cul de salope pour moi. Et elle s'exécute. Sa croupe rebondit au rythme du balancement de ses hanches, et il en profite pour lui faire goûter la raideur de ses doigts. Elle perd la tête, peine à remuer sans risquer de l'enfoncer elle-même plus profondément. Aucun souci, il s'en charge très bien. Sa longue crinière dorée s'est rabattue devant son beau visage et s'étale sur le bureau, recouvrant les documents divers.
« Han...Maître.. » a-t-elle à peine le temps de gémir avant qu'il immisce index et majeur dans sa gueule ouverte. Et elle suce comme si sa vie en dépendait, terriblement excitée. De ses cuisses écartées coule une cyprine brûlante qui, avant de goutter lentement sur le plancher de l'estrade, lubrifie abondamment les phalanges fichées dans ses intimités étroites.
Tandis qu'il part, elle tente de reprendre son souffle, toujours à moitié allongée sur l'office, la poitrine écrasée sur les cours de Monsieur Von Königsberg. Seconde Guerre Mondiale parvient-elle à lire rapidement l'intitulé du chapitre, ce qui lui tire un sourire plein d'ironie. Elle entend soudainement la porte s'ouvrir et prend peur, inutilement : ce n'est que son amant qui vient finir le travail. Quelques doigts dans son cul, une insulte bien placée et elle est aux anges. Plus de raison, plus de remords, plus de honte ou de culpabilité. Encore, merde : juste encore.
Et elle en aura. De deux coups de pieds dans ses chevilles délicates, il lui écarte un peu plus les jambes. Braguette baissée, hampe dégainée et il la pénètre à plusieurs reprises.
« Aah ! » crie-t-elle, remplie d'extase. Ses mains tremblantes froissent sèchement les papiers qui traînent, tant pis : elle doit se raccrocher à quelque chose si elle ne veut pas perdre définitivement pied parmi ce déluge de coups de queue qui vont la secouer comme une vulgaire poupée. Elle n'a même pas la décence de se mordre les lèvres pour retenir ses exclamations de plaisir. Le son de sa voix ravie déferle aux oreilles du prussien. C'est lui qui mène la musique. Quand il va trop loin, trop puissamment, elle hoquette et semble perdue. Puis il lui saisit les couettes afin de la redresser. La position est moins confortable, plus contraignante : son excitation à son comble.
Tes mains derrière le dos, ma belle petite pute.Tout de suite, ses poignets se croisent au bas de ses reins, obéissante qu'elle est. Privée de ses appuis, elle ne repose plus que sur ce bras cruel qui dérobe son souffle et ses va et vient impérieux qui plaquent son bassin contre le bureau. En revanche, elle ne comprend pas encore pourquoi un tel acharnement à l'égard de sa lingerie. Son soutien-gorge est déchiré. Elle n'imagine pas la force qu'il a dû mettre dans sa poigne enragée pour détruite les agrafes, défaire les bretelles.
« Dou...doucement. » soupire-t-elle, la figure levé vers le plafond, dont les traits déformés par le plaisir trahissent simultanément douleur et satisfaction.
Sa première lacune est entièrement comblée. La grosseur du chibre épouse parfaitement ses parois intimes, à force de la défoncer : sa queue a creusé un passage à sa mesure.
Je vais jouir, putain, pense-t-elle, déraillant totalement. Elle fait l'immense de se retenir, parce qu'elle sait parfaitement qu'elle se prendrait une autre punition si elle explose sur lui sans permission.
Contre la vitre d'une grande fenêtre, elle se plie dans une cambrure osée. Akina comprend qu'il s'apprête à lui casser le cul, et avant qu'elle ne puisse répliquer, il promène déjà sa langue autour de l'entrée interdite. Et elle en gémit longuement. Comme à chaque fois qu'il abuse de l'étroitesse de sa croupe, elle souffre des premiers centimètres, remue sans savoir si c'est pour lui échapper ou l'aider à la pénétrer. Durant deux ou trois minutes, elle ne sera plus qu'un trou. Du moins, entre deux secondes de lucidité, c'est l'impression que les méchants coups de reins du boche lui renvoie. Elle est usée, abusée, utilisée et en sens interdit. Elle a beau griffer les carreaux, supplier pour qu'il décélère : elle se complaît dans la douleur d'une violente sodomie. Et quand ses pupilles ne sont pas dilatées par le désir atroce, ses yeux se révulsent tant elle agonise d'extase sous des pénétrations qui lui brisent les reins. Durant un court instant, elle réussit à capter leur reflet dans la fenêtre. La nuit est tombée comme un couperet et l'obscurité permet à la vitre de se transformer en véritable miroir qu'elle s'efforce d'admirer pour se voir être baisée et elle l'aperçoit, lui. Allemand jusqu'au bout de la queue.
Elle remarque une nouvelle fois sa beauté virile, ses yeux obscurs, son teint pâle et ses cheveux si bien coiffés. Mais surtout, elle fond à la vision de son expression rageuse, de ses dents serrées tandis qu'il jette impitoyablement toute sa virilité au fond de sa soumise.
Elle arrête de crier uniquement quand elle saisit l'arrivée des élèves. Siegfried qui temporise : des airs de déjà vu. Scarlett espère qu'ils ne l'ont pas entendu hurler. Que la pièce est bien insonorisée.
18:25.
A 29 pile, il jouit en elle.
Durant ces quatre minutes, elle a manqué de flancher:ses jambes ne la supportant plus. A chaque fois, il la ressaisit par les hanches, la force à se remettre sur pied, lui attrape les cheveux ou la gorge.
« Je vous en prie, Maître.... » murmure-t-elle d'un ton implorant. « S'il vous plaît..videz-vous en moi. Salissez-moi, Maître. »
Et elle ferme les yeux, le temps de recevoir ce qu'elle mérite. Ce qui est à la fois une punition et une récompense. Le foutre l'humilie et la comble, elle se lâche également, jouissant contre lui avant de glisser lentement à genou, exténuée. Dans son dos, elle l'entend se rebraguetter et rattacher la bouche de sa ceinture.
Debout.
Elle s'appuie au rebord de la fenêtre et se redresse, les jambes tremblantes. In extremis, elle remonte sa culotte sombre, rabat son pull sur sa poitrine et les premiers élèves entrent. Par chance, son maquillage n'a pas coulé, et mis à part ses joues rougies par ses émotions charnelles, aucune trace du round précédent, si ce n'est cette semence qu'elle conserve précieusement dans ses entrailles.
« Bonsoir MONSIEUR » s'exclament les cancres et les défaillants tout en s'installant à leur place respective. Akina en dénombre une quinzaine. Une dizaine de garçons, certains assez âgés, ayant sans doute redoublé plus d'une année Et cinq ou six filles, dont une ou deux matures à l'image de leur homologue masculin. Leurs yeux s'attardent sur elle, surprise de rencontrer une « occidentale » en uniforme de pompom girl en plein cours d'Histoire. Scarlett se dirige vers l'estrade, souhaite récupérer son sac à main. Quand elle se penche pour le ramasser, tous les visages mâles se penchent en même temps pour admirer sa petite jupe se soulever.
« - Vous êtes cheerleader? » demande une fille dans le fond. C'est une lycéenne japonaise typique, sans doute en dernière année, déjà bien formée et au ton timide. Sa frange lui donne des airs innocents, tout comme le port de l'uniforme scolaire.
« -Euh...ahm, oui ?
-Vous pouvez nous faire une démonstration, s'il vous plaît ?
-Je ne crois pas que.....votre professeur apprécierait et puis....bredouille la métisse.
-Oh Monsieur s'il vous plaît ! Renchérit une autre étudiante. »
Et tout à coup, c'est le branle-bas de combat. Les étudiants s'y mettent aussi Juste cinq minutes. Ils promettent d'être sages en retour, juste après la performance. Avant qu'il ne décide quoique ce soit, Akina cède.
« -D'accord, mais il me faut de la musique.
-Rina, elle a ça dans son téléphone !
-Ouais, confirme ladite Rina en sortant son iPhone.
-Vous n'avez pas de pompoms ? S'étonne la première élève.
-Non, ahm...pour les sports en plein air comme le football américain, on en utilise mais les cheerleaders au Basket par exemple n'en utilisent pas, explique-t-elle très sérieusement.
-Bang bang, ca vous va ?
-Je vais tenter d'improviser là-dessus. »
Premières notes. Elle reconnaît la musique, elle la connaît. Un truc récent mais qui est déjà passé plusieurs fois dans sa playlist, assez pour qu'elle connaisse les paroles et le rythme. Décidément l'impérialisme américain est tenace, et la jeunesse a toujours aussi mauvais goût. Tout sourire, elle s'improvise un espace entre l'estrade et les premiers rangs avant d'agiter son derrière.
Au son des basses, elle improvise des pas, recule jusqu'à l'estrade, plaquant son bassin contre celui d'Anton que l'on juge être resté debout. Elle se penche en avant, remuant son buste pour mettre en valeur sa poitrine et se redresse vivement. Sous la force du mouvement, ses rubans précaires se défont et l'allemand reçoit la chevelure soyeuse en plein visage alors que les élèves applaudissent de concert. Les mèches lumineuses glissent doucement le long des traits prussiens
«See anybody could be bad to you, you need a good girl to blow your... » Et elle balance ses hanches de gauche à droite, toujours contre le professeur et maîtrise ses gestes de la tête pour faire bouger sa crinière blonde en rythme. Puis elle se détache enfin, souple et agile. Entre deux rangées de table, elle effectue trois roues avant d'atterrir à genou et de se retourner à terre pour remonter l'allée dans un nouveau déhanché, droit vers Siegfried.
« Bang, bang all over you...I'll let you have it. »
Et elle réinvestit l'espace, met en valeur ses courbes sulfureux grâce à des gestes précis. Et la jeune japonaise qui avait commandé cette prestation comprend maintenant pourquoi toutes les cheerleaders n'ont pas besoin de pompom, les cheveux colorés qui sont secoués font largement office d'accessoire. Les garçons sont cois, les filles admiratives et à la fin de la chanson, c'est un peu essoufflée que Walker les salue sous leurs acclamations.
« Mademoiselle ! Mademoiselle ! » l'interpelle soudainement l'étudiante. « Je suis dans l'équipe des cheerleaders du lycée et euhm....on a été un peu pitoyables au championnat ces dernières années. Même les joueurs de l'équipe de basket ne veulent plus de nos performances lors des matches et AHM..nos entraîneuses nous lâchent toujours. Vous viendrez pas nous entraîner s'il vous plaît ?! Juste nous apprendre comment vous faîtes ! »
« Mais...
-Allez s'il vous plaît, supplie Rina. »
Tout le monde approuve et face à la pression, l'américaine cède une nouvelle fois.
« D'accord, que diriez-vous de....demain...à la pause de midi ? Au Gymnase ? Maintenant, je crois que vous devriez écouter votre cours.
-Vous êtes la petite amie de Monsieur ? Interroge un élève, curieux.
-Euuuuuh.....» Intense moment de réflexion. « Non ! »
-Dommage, vous feriez un beau couple ! »
-
Il fallait reprendre contenance en un temps record ; déjà, perdre cette méchante et tenace érection dont il était saisie, afin de ne rien laisser paraître ; à cet effet, il se sera immédiatement bougé vers les tables, les aura réorganisé de sorte de les laisser deux par deux, continuant lorsque les élèves prennent place, leur demande de l’aide. L’afflux de sang dans ses membres fera perdre celui de son membre. Il se dirige ensuite vers son propre bureau, ravi de voir qu’Akina est revenue à la normale. Un discret sourire et il se presse pour effacer le tableau.
La discussion lui fait froncer les sourcils. Sages en échange ? Il allait émettre une légère réserve, mais sa belle lui coupe l’herbe sous le pied. Il dépose le tampon, croise les bras.
Et elle commence par venir frotter son cul à lui. Non, non, non ! Il lui faut un effort surhumain pour ne repartir au quart de tour. Sachant qu’il était en elle, dans cette même position, même pas dix minutes auparavant, l’idée fait vite son chemin. Et elle sait que, lancé, il est une machine de guerre, et qu’un orgasme ne lui suffit pas. Ses cheveux, sa jupe, ses fesses, ses mains, et ses yeux qu’il capte à l’occasion d’un pivot. Il filera calmement s’asseoir pour masquer toute nouvelle manifestation physique désagréable, mais se dit qu’au fond, personne ne le regarde, tous ont le regard sur elle. Il pourrait se toucher sur l’estrade qu’aucun ne réagirait.
Assis, pendant qu’ils discutent, il se saisit d’une feuille et griffonne quelques lignes. Lorsque la question pas gênée est posée, il garde le regard baissé. Probablement qu’un regard d’aigle braqué sur lui aurait pu capter le léger roidissement de ses traits froids.
-Votre attestation, mademoiselle Walker. Sachez par ailleurs que dans «bioéthique», il y a «éthique». On ne danse pas ainsi dans une salle de classe, surtout pour me faire perdre du temps de cours.
Après la paraphe, suivie d’un point qui sera allongé sur le côté, on se demande pourquoi, il tend le papier.
-Et au vu de vos précédents résultats, vous devriez vous concentrer sur vos activités scolaires avant le périscolaire. Je serais intraitable la prochaine fois. Sortez.
Tout dans son ton, dans son attitude ou ses gestes, prouvent que l’impitoyable Siegfried reste impitoyable ; mais le long regard qu’il lui adresse alors qu’elle s’approche pour saisir le document trahit Anton.
Elle ne sera pas partie qu’il aura déjà commencé, ayant repris son café désormais franchement tiède.
-Aujourd’hui, nous allons faire des exercices par deux. Si vous savez rester sérieux, on avancera vite. Je vais vous distribuer des documents que vous étudierez, et chaque groupe...
«S’il n’y avait pas eu ces élèves, je t’aurais prise de nouveau sur le sol même. Ma jolie pute, ma baronne. Pense à la semence que ton Maître a dispensé dans ton cul. Une masturbation et un orgasme t’attendent maintenant dans les toilettes. J’essaie de rentrer tôt. Prend garde à toi.
Anton.»
Un peu plus d’une heure plus tard, il rentrait à la maison. Kitty sera la première personne croisée. Il l’avait déjà vue plus tôt, mais elle aura quand même le droit au petit bisou sur la joue. Oh... La scène lui semble soudain tout à fait étrange. Doucement, Siegfried, tu n’as pas deux femmes.
Il aura mangé vite, puis s’était remis au travail dans la chambre d’Akina, à l’écart. Il y a trois jours, il a reçu un petit dossier dans une grosse enveloppe en recommané, avec ce qu’il faut dedans pour préparer un cas au tribunal. Ca n’avait pas semblé l’enchanter, mais peu importe : Il avait bossé dur dessus dès son temps libre.
Il s’agissait selon lui de remplacer au pied levé un autre avocat indisposé. Il avait expliqué en privé à Akina (Honnêteté oblige) qu’il s’agissait en fait de plaider pour un yakuza, son conseil commençant à être de plus en plus connu des tribunaux pour être crédible. Peu importe. Pourquoi faisait-il ça ? Un service rendu aux mafieux était toujours retourné, tant qu’ils y avaient intérêt. Il avait renoncé, en revanche, à lui expliquer de quoi il s’agissait ; simplement que sur le fond, il était déjà perdant, et dans ce cas, foutu pour foutu, on traque les erreurs de procédure jusqu’à trouver la fatale. Il va néanmoins se battre sur les faits, peu importe. Elle l’avait entendu répéter plusieurs fois dans la salle de bain, et ce, en chantant. Le son couvert par l’eau, elle n’aura pas compris grand-chose.
Et donc, ce soir, comme les soirs précédents, il bossait dessus, tandis qu’elle était sur son ordinateur.
-Demain, 14h30. Tu dois faire en sorte de venir. Je dois te montrer ce que je disais quand je parlais d’écraser les autres.
Il promettait du grand spectacle. Le stylo sera vite abandonné, le PC éteint. Akina était libérée du sien, et il s’était allongé sur elle.
Pour la première fois depuis un bout de temps, Kitty aura entendu des cris de plaisir dans cette maison.
Lui-même ratait une heure d’enseignement pour être au tribunal. En entrant, après avoir passé les portiques, son téléphone sonne.
-Von Königserg.
-...
-Non, je ne suis pas à l’université, Lieutenant. J’ai une audience.
-...
-Si je vous dis qui, cela ne vous étonnera pas.
-...
-Je commence dans un petit quart d’heure, normalement.
Le kenji était arrivé en dernier, ce qui étonna Siegfried, habitué à voir le ministère public ponctuel. Les juges prennent ensuite place, assistés de leurs assesseurs. Il remarque que le président du tribunal fait franchement jeune, il ne le connaît pas. En revanche, le proc’, oui. Et il lui fait un petit clin d’oeil de loin.
On commence par l’audition du témoin, en l’absence de partie civile. Les faits reprochés sont moches, sans être exceptionnels. Il se borne à répondre court, et calmement. On lui pose quelques questions, mais tous savent qu’ils obtiendront peu de lui. Beaucoup s’en foutent, de toute façon. Ils veulent torcher l’affaire vite et bien.
On appelle ensuite le kenji. A son tour de pérorer. Il fait le travail, prendra cinq bonnes minutes pour charger le prévenu, expliquer que c’est moche d’être un yakuza, que les syndicats du crime sont la plaie du Japon, que les familles vivent dans une terreur permanente. Il demande cinq ans, une grosse amende («que je saurais payée dans l’heure par son boss») et se rassied, drapé dans sa superbe.
On appelle Siegfried. Le juge bute sur le nom, l’allemand le corrige haut et fort. Première bravade. Il se dresse, rajuste la cravate, s’avance.
S’ensuivent douze minutes de pur bonheur pour lui. Il s’amuse, comme en 40, et on le sent. Tous les poncifs y passeront, mais lancés avec brio : Le criminel est d’abord une victime, et regardez celui-ci : Une vie de famille, un besoin de se reconstruire, une promesse de se réinsérer dans une légale stabilité, preuve en est de sa récente recherche de logement près des côtes - Siegfried a obtenu un transfert loin de Seikusu de la part de Sugegasa - puis on passe au procureur, auprès de qui on frôle l’injure vu les termes plus que méprisants. Il fera une remarque sur ses cheveux, se fait rabrouer par le président du tribunal. Peu importe, le mal est fait. Puis, envers les spectateurs, c’est à eux d’être accusés : Vous êtes tous des délinquants en puissance. Le jeu, le sexe, le chômage, vous ne savez pas ce qui peut vous pousser à commettre un méfait, puis un autre, pour survivre. Le monde est sauvage, c’est une question d’instinct. Il faut protéger ceux que l’on aime, et ne jamais les décevoir. Quitte à enfreindre la loi. Le pathos dans le discours. L’accent allemand et le teint d’occidental fini de charmer ces dames et ces messieurs. Par choix, il garde les nombreuses erreurs de procédure pour la fin. Par feinte, il fait semblant de comprendre : La pression des gradés, la répression à tout prix, la politique du chiffre, là où la justice pénale mérite d’être plus grande d’esprit, plus ciblé. Il termine en disant qu’il faudrait être insensible, voire fou pour condamner un homme ainsi, d’autant plus que les preuves sont bancales. Conclusion sur le fait qu’il n’était qu’un blanc qui venait défendre un innocent «coupable du seul fait d’être ici», mais qu’il avait confiance en la justice japonaise. Un mot à rajouter, kenji ? Non. On sort.
Il discute une petite minute avec son client, puis s’éloigne. Il croise Akina, et le Lieutenant Wadara, assis non-loin d’elle. Ils sortent tous les deux.
-Grandiose.
-Merci.
-Vous savez combien il faut de temps de travail, et combien d’hommes, pour arrêter un type comme ça, j’espère ?
-Probablement autant de temps que j’ai passé sur ce dossier. Match nul.
Akina est avisée du regard. Il lui fait signe d’approcher sans crainte.
-Vous vouliez me parler ?
-En privé. Ca concerne notre affaire.
-Je vous en prie, faites.
-Je ne suis pas sûr...
-Si.
-Bon. Comment vous dire... il n’y a plus d’affaire.
-Plus du tout ?
-Du tout. Votre type n’a rien rajouté de plus, l’Etat Russe a fini par nous le réclamer avec un genre de statut diplomatique bidon. Le commissaire de Seikusu n’est pas le commissaire de Tokyo, c’est pas la peine de protester devant le ministre.
-Et donc ?
-Donc... Vous m’en voyez navré, mais il n’y a rien à faire. Enfin, vous savez peut-être quoi faire, attaquer l’Etat japonais pour entrave à la bonne marche de la justice peut-être, mais moi je n’ai rien à faire.
-Merde.
Ouf.
-Vous comptez faire quelque chose ?
-Et lutter contre l’Etat russe ? Je ne suis pas suicidaire.
-Justement... J’ai des questions à vous poser. Pure formalité.
-J’écoute.
-L’analyse de l’un des tirs dans le canapé ne correspond pas à la situation décrite. Des traces dans le plancher non plus. Et... on a trouvé du .45 ACP dans votre appartement, caché. Le russe est venu avec un GSh18, chambré en 9mm.
-Quelle est la question ?
-Vous pouvez m’en dire plus ?
Siegfried hausse les épaules. Le lieutenant sourit.
-Evidemment. De toute façon, toutes les observations ont été emportées par ma hiérarchie, et probablement détruites.
-C’est malheureux.
-Oui... Malheureux.
Le regard entendu qu’ils s’adressent en disent long sur ce qu’ils pensent tous les deux. Puis le lieutenant regarde Akina, et, là encore, parce qu’il n’est pas con, Siegfried comprend que certains mécanismes se mettent en route dans sa tête.
-Bonne journée, Maître.
-Bonne journée, Lieutenant. Bon courage. Je reste à votre disposition.
-Je sais.
Il salue les deux, et disparaît. Siegfried s’enfonce dans le tribunal de district, vers un genre de cafétéria où on entre sans peine. Il va se prendre un café, et s’isole dans un coin de l’endroit, quelque peu occupé à cette heure-ci.
-Tu vois ? Ils ne savent pas qu’ils ont déjà perdus. Le procureur, le juge, le flic. Ils se rendent compte de ce qui leur arrive quand ça leur atteint la gueule. Même mon client a perdu, il finira probablement par se faire éliminer quand il deviendra gênant, s’il est libéré. Mais il ne le sait pas, il espère encore. C’est pathétique. C’est ça, écraser les gens. Ouvrir sa gueule sert à faire fermer celle des autres.
Avocat s’approche, salue Siegfried, demande comment ça va ; fera de même pour Akina, disparaîtra. Un regard sur sa montre. 16h approche. La pause va être plus courte que prévu, le café va devoir être avalé au plus vite.
-A partir de maintenant et jusque minuit, ce soir, tu es ma maîtresse et je suis à toi. Toutes les fantaisies te sont permises. Rien de ce que tu ne pourras faire ne donnera lieu à sanction de ma part. Il est important que tu apprennes ton pouvoir. Tu es ma baronne, d’accord ? Je t’appellerais de la manière que tu souhaiteras.
Il embrasse chastement sa joue en se levant.
-J’ai encore trois heures de cours à l’université, je rentrerai vite. Je consulte mes messages, vous pouvez m’envoyer ce que vous voulez, Lady Scarlett. My Lady ? Milady ? Ca vous convient ? N’hésitez pas à trouver autre chose.
Il glisse à ses oreilles un «Je vous aime, ma baronne», et marche d’un pas rapide, serviette pendue à sa main, jusqu’à la sortie du tribunal.
-
Le petit mot est signé Anton, à défaut de la surprendre : la nuance lui aura tiré un sourire radieux alors qu'elle trouvait des toilettes. Sitôt isolée dans une cabine, sitôt contentée à la seule agilité de ses doigts, motivée par une imagination débordante à la relecture de la note.
Et puis, plus tard, Kitty l'a accueilli avec une légère réprimande. Le goulash est froid et elle s'est inquiétée. A partir de la fameuse crise qui a expédié Jack Walker à l'hôpital, la russe redouble d'effort pour couver Akina, et faire en sorte qu'il ne lui arrive rien. Elle joue sur deux tableaux évidemment. Le premier consiste à éviter les colères potentielles du prussien et le second à conserver la confiance de la métisse afin de la convaincre du bien fondé de servir les intérêts de Feodora.
« Pardonne-moi, Kitty. » déclare l'étudiante en se mettant à table. Le plat slave lui semble délicieux, mais elle n'en mangera pas plus que deux bouchées. Pas faim.
« -Je serai obligée de dire à Siegfried que tu ne manges rien, il se fâchera.
-Tu n'es pas obligée de lui faire un rapport détaillé non ? S'agace-t-elle soudainement, vexée par cet esprit délétère.
-C'est pour ton bien. »
Mon cul, songe-t-elle avant de quitter la table. Elle prend la peine de débarrasser la table, félicite du bout des lèvres la cuisinière et part s'enfermer dans sa chambre où elle rédiger un énième rapport scientifique pour Takagi, cette fois-ci qui a expressément réclamer l'analyse de résultats observés en laboratoire. L'exposé de bioch' attendra, de toute manière elle a les pieds et les mains liés sans Kenneth. Comme à son habitude, elle délaisse le bureau – encombré d'affaires pour s'installer confortablement dans leur lit, défait. Le PC repose sur ses cuisses nues, et elle compose très concentrée, jusqu'au retour de son amant.
Le discours sur le tribunal l'intéresse. Il lui parle si peu de son métier d'avocat. Défendre des Yakuzas ? Pourquoi pas. Après tout, il exerce une profession avec un minimum de rigueur déontologique, au même titre qu'un médecin. Et d'ailleurs, quand on sait qu'il a embrassé les valeurs du National-socialisme allemand, qu'il s'est engagé dans la Waffen-SS et qu'il a, de ce fait, exécuté des centaines de civils dont le seul crime était d'exister, défendre un yakuza, excusez-moi mais ça passe pour du pipi de chat, voire un chemin de rédemption ! Franchement, elle n'en fait pas grand cas, le soutient même d'un sourire charmant bien qu'inutile. Il est courageux, lui dit-elle, de travailler si dur pour une raclure. Elle l'admire pour ça. C'est de l'abnégation. Oui, oui. Scarlett admirative, les yeux brillants devant son héros allemand.
Elle aurait bien aimé lui rendre la pareille. Vous savez, la génétique, c'est passionnant. Mais non. Les chromosomes sont définitivement moins romanesques qu'un procès de Yakuza. Alors, elle explique vaguement qu'elle traite des données de génomes. Exercice ô combien rébarbatif, qui permet de comparer deux échantillons d'ADN, tout ça vous voyez ? Oui, vaguement. Elle le laisse finalement travailler et complète ses tableaux. Aussi, lorsqu'il lui retire son ordinateur des mains, elle va pour protester mais se ravise, ouvrant immédiatement les cuisses.
Après une moitié de nuit passée à être férocement prise, et l'autre à dormir, elle se réveille in extremis pour son premier cours à huit heures. Pour ne rien changer aux habitudes tenaces, elle sera partie en quatrième vitesse, sans avaler le moindre petit déjeuner et sous le regard réprobateur de Kitty. Une fois n'est pas coutume, elle emprunte la Chevrolet capricieuse afin d'arriver dans les délais impartis. Arrivée à la faculté, elle aura juste le temps d'enfiler une blouse blanche et d'accéder aux laboratoires dirigés par la sévère Madame Okamura.
« Aujourd'hui, » annonce-t-elle de sa voix très aiguë, « On va disséquer un cerveau humain. Mettez-vous par trois. »
Heureusement, on lui épargne l'équipe avec Kenneth. Et elle se retrouve à collaborer avec deux jeunes hommes, supervisés habituellement par Takagi. Elles les connaît donc vaguement pour les avoir déjà croisés au détour du bureau de Monsieur Takagi. Ils lui offrent des sourires mal à l'aise, sans doute que l'affaire avec l'allemand n'a pas encore été oubliée de tous, mais elle réussit à s'affirmer en manipulant le cerveau et ses résultats avec un brio qui les impressionne. Leur groupe obtient d'ailleurs la meilleure note du TD ce jour-là et la polémique prend fin.
Montre en main, elle arrive au lycée de Mishima pile poil pour l'heure de midi. Au Gymnase, elle rencontre l'équipe décimée des cheerleaders. Rina, la première étudiante de l'autre soir et quatre autres jeunes filles. Ce ne serait pas aisé, car dans un squad de pompom girl, il faut au moins une dizaine si ce n'est une quinzaine de figurante. Tout d'abord, elle se présente : Akina. Elle invente qu'elle fait partie d'une classe préparatoire ici, il faut bien puisque Anton a prétexté qu'elle était son élève. Enfin, cela a peu d'importance : elle ne compte pas endosser la veste d'entraîneuse ad vitam aeternam. Chacune à leur tour, elles font le choix de la présentation sommaire : Rina, en dernière année, Moeki, en dernière année aussi, Sayuri, cinquième année, Ema, dernière année, Reira en cinquième année et Hachi, en dernière année.
« C'est pas assez, » qu'elle répète en marmonnant.
« - Je sais Akina-senpai, s'explique Rina, toute penaude, mais.....elles ont déserté les unes après les autres.
-Il va falloir organiser un nouveau recrutement.
-La saison commence bientôt....se plaint Ema.
-Alors il va falloir se dépêcher. Débrouillez-vous pour que les auditions se passent samedi prochain, ici-même. Je superviserai et euh.... »
Rapide coup d'oeil sur leur uniforme : dégueulasse.
« -On va également commander des nouveaux uniformes. »
Autre regard pour elles, cette fois-ci et leur physique de baguette. Elles ont peu de formes, comme la majorité des japonaises et leurs cheveux désespérément lisses et sombres.
« -Ecoutez, il va falloir faire des efforts. Et vous musclez pour développer un peu vos courbes, okay ? Quant aux cheveux, teignez-les et une petite permanente ne serait pas de refus. Ne devenez pas toutes blondes hein, mais c'est pour qu'il y ait un peu de diversité. Concernant les entraînements, vous venez toujours en tenue et les cheveux attachés. Compris ?
-Oui, Akina-senpai, confirment-elles en choeur.
-Allez vous échauffer un peu. »
Et elle les surveille lors des exercices d'échauffement avant d'enchaîner sur une première chorégraphie. Elle aura choisi, de concert avec elles, une chanson japonaise interprétée par les Teriyaki Boyz.. Le truc kéké à souhait, selon Scarlett, mais autant que ce soit les futures vedettes du show qui décident.
Merde, déjà 14:00. Le tribunal. Siegfried. Elle ramasse à la hâte ses affaires, ne prend pas la peine de se changer et cours vers le parking du lycée pour grimper dans sa Chevrolet. Tout au plus aura-t-elle indiqué aux filles qu'elle reviendrait après-demain. Même heure. En ville, elle appuie sur le champignon, désespère à trouver une place non loin du Palais de Justice, et s'énerve rapidement. Au final, elle avise une place libre, mais n'arrive pas à maîtriser son créneau et préfère s'échouer.
L'agent d'accueil l'aperçoit d'un oeil dubitatif. Et lui fait passer trèèèèès lentement les contrôles de sécurité. Elle en profite pour détacher ses cheveux auxquels elle donne un relatif volume. Elle ne se sent pas vraiment à sa place au milieu de ces cols blancs et ces tailleurs alors qu'elle porte des bas noirs, un mini-short de la même couleur et un justaucorps blanc. Le tout trop près du corps, évidemment. Et l'autre qui s'y met : « Pourquoi venez-vous au tribunal ? » Après dix minutes de tergiversation, elle finit par accéder à la salle d'audience, trouvée totalement par hasard malgré les indications qu'Anton lui avait fourni la veille. Elle se taille une place à travers le public, en nombre ce jour-là Beaucoup de journaliste surtout, D'autres ont de sales têtes, des Yakuzas ? Des curieux, ou encore de la famille. Elle croit même repérer un groupe d'étudiants en droit avec leur professeur. Siegfried a du succès décidément. Franchement, ce n'est pas la seule à être en retard. Alors qu'elle découvre une petite place à l'arrière, le Lieutenant Wadara la talonne et s'installe non loin. Échange de regards, petit sourire. La salle n'est pas grande, et malgré sa relégation aux derniers rangs, elle aperçoit clairement les juges, le kenji, son bel amant et le prévenu.
Pendant que le ministère public s'exprime dans un réquisitoire somme toute banal, elle pianote sur son téléphone : distraite. Le droit ne la passionne pas, et puis le ton du procureur japonais de lui plaît pas. Ce n'est que quand Anton prend la parole qu'elle se décide à suivre, les yeux pétillant d'admiration. Il est dans son élément, comme un requin dans l'océan : il a flairé le sang, il piste, il chasse et il exécute d'un coup de mâchoire cinglant. Aucune chance pour les gros poissons. La remarque sur la coupe de cheveux lui tire un rire franc, ce qui lui vaut des regards noirs autour d'elle. Enfin, les étudiants plus loin AUSSI ont ri, bien qu'ils aient été rappelés à l'ordre par leur professeur.
Un rang devant, deux journalistes commentent : « Il est plutôt mignon cet avocat» dit l'une. « Mh, mh, le juge aussi est pas mal. » Akina lève les yeux au plafond dans une prière silencieuse. Toutefois, on devine bien le public acquis à la cause de Maître Von Königsberg. La séance se termine, les juges se retirent, le kenji également, affaire à suivre. Le temps que tout le monde sorte, elle et le Lieutenant Wadara restent assis jusqu'à ce qu'Anton s'approchent d'eux. Direction le hall. D'abord les deux gentlemen, puis elle qui ne sait plus très bien ce qu'elle fait ici et patiente comme une gentille fille, le sac en bandoulière lâchement placé sur son épaule. Elle capte un signe de Siegfried et ose venir près d'eux :
« Lieutenant, » salue-t-elle poliment, en se faisant toute petite.
Bien sûr, elle est très attentive au discours sur Lavrov. Il s'en sort bien et elle le déplore. En fait, elle boue de l'intérieur de savoir que les Tsoukanov et consorts se tirent systématiquement d'affaire. Elle repense à la proposition de Feodora : tuer ce connard, avoir la paix, et peut-être négocier par là une ouverture pour Königsberg. Ca y est, elle perd le fil de la discussion et le policier s'en va déjà.
A la cafétéria, l'annonce lui fait l'effet d'une bombe.
Comment ? Cinq minutes après le départ de l'avocat, elle reste figée à sa table à l'image d'une Vénus de marbre. Le baiser qu'il a délaissé sur sa joue commence à refroidir, comme son café inentamé. Soudainement, elle a l'impression que tous les regards sont figés sur elle, que tout le monde connaît leur petite secret. Elle en rougit et se dépêche de quitter les lieux.
Elle aura du mal à conduire. Ses mains tremblent sur le volant, elle grille une priorité, se fait rabrouer par un coup de klaxon. On l'arrêtera deux rues plus loin pour un contrôle de routine. Et elle sera rentrée, les jambes en coton. Kitty a laissé un mot, elle ne sera pas de retour avant demain matin, elle est à Tokyo pour les dernières sélections. De tout son coeur, la métisse lui souhaite bonne chance. La maison est entièrement vide. Pas un bruit. Les yeux de l'étudiante croisent leur reflet dans un miroir accroché au mur.
Un premier message arrive sur le téléphone d'Anton lors de sa deuxième heure de cours.
« Ce sera Prinzessin. Pas de Meine, ni aucune marque de propriété. Je ne t'appartiens pas ce soir. En revanche, l'inverse est vrai, mein husar.»
Elle en éprouve de vifs remords, avant de réussir à se détendre. Le rôle commence progressivement à lui plaire. Elle aura écrit le message devant sa coiffeuse, alors qu'elle se maquille lentement. Posé non loin de ses produits cosmétiques, le vieux fer à friser de sa grand-mère qui a, encore une fois, manqué de faire sauter les plombs. Elle aura enfilé une tenue de soirée brillante, assortie de gants lui arrivant jusqu'aux coudes. Elle n'hésite pas à parer ses poignets, ses oreilles et son cou gracile de bijoux étincelants, bien qu'ils ne valent pas grand-chose : c'est pour l'illusion. Une ultime fois, elle s'admire dans la glace, et se satisfait de sa ressemblance presque parfaite avec feu Madame Von Königsberg à qui elle demande sincèrement pardon pour ces fréquentes usurpations d'identité.
« Quand tu rentreras, mon beau soldat. Je ne veux pas un mot, pas un geste. Il faudra être un bon petit serviteur. Ayant perdu la guerre, je suppose que tu sais bien courber l'échine, désormais. Tu iras t'agenouiller au milieu du salon. Les mains derrière la tête, comme lorsque tu aurais dû te rendre lors de la défaite du Reich.»
Elle a failli rajouter un « Je vous aime, c'est pour rire hein. » Mais sa conscience l'en a empêché : 'Putain tu rigoles ma petite, TU RIGOLES. Dégage la nymphomane et laisse-moi gérer. Il va payer mes nombreux décès. » Depuis l'étage, elle tend l'oreille, minute après minute jusqu'à entendre le bruit singulier de la porte d'entrée. Et enfin, les pas du prussien résonnent sur le plancher, il se déplace.
Plus rien.
Oh.
Mon.
Dieu.
A-t-il vraiment obéi ? Elle meurt d'envie d'aller vérifier. Et si ce n'est pas le cas ? Elle devrait prévoir une punition. Alors qu'elle s'apprête à descendre, elle se ravise afin de vérifier si sa lingerie est bien en palce sous sa robe traînante au décolleté plongeant et au dos découvert. Ses jarretelles sont apparentes, mais peu importe, le fait qu'il lui soit vassal ne signifie pas qu'il n'aurait pas le droit d'être excité.
Scarlett rejoint son amant quelques minutes après le retour de ce dernier. Ses escarpins pourpres battent le sol en rythme avec sa démarche. C'est pleine de surprise qu'elle constate le reddition de l'ancien SS. Elle s'en mord violemment la lèvre inférieure, partagée entre fierté et tristesse. La belle se positionne devant lui. Les yeux de l'allemand arrivent pile à hauteur du bassin féminin. Ils peuvent décrire la soierie rouge pimpante, la dentelle de ses bas.
« Anton.... » soupire-t-elle comme une femme transis. « Anton, je ne vous pardonne pas. »
Elle conserve le vouvoiement pour coller au plus près du personnage de Maria. La douce Maria, aussi douce que le ton employé par Akina. Elle y rajoute cependant un soupçon de douleur et de colère, dose en bonne actrice qu'elle est. Et elle va s'exprimer en allemand, avec un accent prussien, quasi parfaitement, comme si elle avait répété son texte tout l'après-midi. (La joueuse a dit fuck à reverso, alors...vous allez lire en français).
« Vous m'avez abandonnée. Vous avez abandonné notre fille. Vous avez rendu ma vie difficile. On m'a imposé à vous, moi qui étais si jeune, qui rêvais d'amour. De votre vivant, j'ai dû supporter les coups de l'infidélité, votre absence, les affres de la grossesse, la gestion d'un domaine, la douleur de l'accouchement. »
Sa main se balade sur la figure occidentale, et elle capture entre le pouce et l'index la mâchoire du centenaire pour lui faire relever le regard. Ainsi croise-t-il les prunelles accusatrice de sa femme, ou presque femme. Les mots cruels doivent maintenir la frontière floue entre la réalité et le souvenir.
« Même quand vous étiez présent, vous n'étiez pas là. Même si nous avions été en vie, vous n'auriez jamais été là pour moi, ni pour elle. Vous faisiez dès le départ un si mauvais père. Et je parie que vous ne vous souvenez même pas de son prénom. Oh, Anton....je me suis sentie si seule au château, si peu en sécurité. Je vous ai haï, de toutes mes forces. Et je suis partie avec cette haine, le souffle de la bombe m'a brisé la nuque avec cette haine, cette profonde déception. Les flammes ont fini de consommer mon corps froid, que vous ne réchauffiez plus. Et de ma mort, j'entendais les rires des soldats russes. Pauvre femme, qu'ils se moquaient. Et vous avez perdu la guerre, je suis morte pour rien, vous m'avez abandonnée pour rien.
Tout était faux avec vous, Anton. »
Ca, c'est la première gifle. Bien sûr, la conscience d'Akina a tout inventé. Elle a présumé, supputé sur les aléas de la femme d'un officier SS, condamnée à la mort par une guerre impitoyable. La métisse devine bien qu'avec le temps, l'allemand a dû faire face à toute sorte d'épreuve physique et morale. Alors, elle essaie de percer l'abcès qui fait mal.
La seconde gifle, est bien physique, elle. Cinglante et sèche pour le sortir de son cauchemar, s'il avait eu la malchance d'y tomber. Et s'il avait été insensible à ce ressassement de souvenirs, et bien la claque octroyée aurait au moins eu le mérite d'exister pour le punir de son insensibilité.
« Debout. » ordonne-t-elle froidement. « Suis-moi. »
Elle lui indique la table et grimpe sur le bord, face à une chaise où il est prié de s'asseoir. Un coup d'oeil à la montre, par formalité.. Et elle ne sait pas pour qui ce petit jeu sera le plus long : elle ou lui. Elle dépose ses pieds sur les cuisses de Siegfried, écarte ensuite ses propres jambes pour qu'il ait une vue plongeante sur sa petite culotte de satin sombre.
« Pas d'injection avant minuit. » prévient-elle dans un petit sourire. « Tu me diras quel manque est le plus grand, celui du cocktail qu'on t'impose dans les veines, ou celui de ne pas pouvoir abuser de moi. »
Puis, elle se penche pour l'embrasser tendrement. Un baiser comme en dispensent des milliers de petites amies à travers le monde. Et un baiser durant lequel, elle rabat les bras d'Anton derrière le dos de la chaise. Elle les y maintient d'une main, tandis que de l'autre, elle déniche du colson de son décolleté. Elle ira entraver les poignets de l'homme avec ce lien.
« J'aime le goût de tes lèvres, Anton. » commente Scarlett. «Sans doute plus que ne devait l'aimer Maria. Je reviens, mais pour te faire patienter... »
Ah ce tutoiement. Elle adore. Une situation normale, somme toute. Tutoyer son petit ami, quoi de meilleur ?
Elle ramène le PC portable devant lui, sur la table et lance une des vidéos qu'elle a tourné spécialement pour lui, celle qu'il apprécie regarder pour se purger. Toutefois, les mains liées dans le dos, il devra se contenter de ses yeux. Le son est monté, il l'entendra clairement gémir « Maître ». Oui, sa petite pute est là, virtuellement, à porté ou presque, et il n'a que son impuissance pour le constater
Quant à Scarlett, elle remonte dans sa chambre où elle se débarrasse du costume de Maria. Elle enfile celui offert par Tsoukanov, le petit bikini rouge et la tenue d'officier russe terriblement courte par-dessus. Elle finit de zipper ses cuissardes, et attrape une kalachnikov qu'elle est allée chercher dans l'armurerie à la cave. Souvenir d'Afghanistan rapporté par Jack. Elle a ostensiblement agrandi le décolleté pour qu'on distingue les insignes de l'Union soviétique sur ses seins. Elle a attaché ses cheveux et rangé sous une chapka , et ne redescend qu'après de longues minutes.
Son premier réflexe en approchant d'Anton est de lui asséner un coup de crosse, directement sur le visage. Oups, elle y est peut-être allée un peu trop fort. Hop, elle dégage l'ordinateur, prend sa place, face à son prisonnier, surélevée et elle adore cette position de supériorité où il est obligé de lever les yeux pour la voir.
« Le coup, c'était pour tous les commissaires que tu as tué. Alors, qu'as-tu à dire pour ta défense, sale petit boche ? »
-
-... Au final, la pratique même du droit d'accise est paradoxale. Pour la plupart, on parle parfois de « taxe incitative », puisqu'elles sont censées inciter à la réduction de la consommation sur un produit, alors même que la pratique de la taxe n'a aucun intérêt à voir diminuer son assiette.
Son téléphone vibre. Il s'arrête pour le consulter. C'était la deuxième fois qu'il l'attrapait, presque nerveusement, pendant ce cours. Il avait été déçu par la première fois : Une alerte d'info. Cette fois-ci, c'est la bonne. Il sourit à la lecture. Elle semble décidée à agir comme elle le doit, et ça le réjouit.
-Le droit d'accise nous ramène une nouvelle fois à l'externalité négative... Celle-là même qui... Attendez. Paragraphe 3, l'externalité négative. Comme ça, on ne reviendra pas dessus.
Le téléphone vibre une nouvelle fois un peu plus tard, l'interrompant de nouveau. Il prétexte un jugement attendu au tribunal pour se justifier. Cette fois-ci, il ne sourira pas en lisant.
De. Quel. Droit.
On le voit serrer les dents, perdu dans la contemplation de son écran. Quelqu'un chuchote à son voisin « Vingt ans de prison pour prévarication, la plaidoirie devait pas être bonne », et l'autre sourit. Siegfried rumine sa haine. Mentionner le Reich. C'est bas. Mais il aurait dû s'y attendre. Elle compte jouer sur la défaite de l'Allemagne ? On lui a tellement déjà fait sans réellement savoir qu'il y avait participé, pour une fois, ce sera justifié.
Le cours sera repris, moins animé, plus raide, le temps qu'il se calme et relativise le pouvoir qu'il lui a donné.
« Jawohl, Prinzessin. »
Il ne fera pas remarquer qu'elle a oublié la majuscule à son premier « Husar », comme il serait naturel de le faire pour un nom commun. Soit elle a oublié, soit elle l'a fait à dessein ; dans les deux cas, il n'a qu'à fermer sa gueule.
Il aura une légère appréhension en rentrant chez Akina, craignant le regard qu'elle aura sur lui quand tout sera fini, craignant de ne pas arriver à se contenir, craignant de ne pas y arriver, craignant qu'Ekaterina ne les surprenne... Et puis finalement, une cigarette fumée vite-fait avant de rentrer lui fera tout oublier. Un chewing-gum, un dernier regard sur le téléphone, il rentre.
C'est vide. Pas d'odeur de bouffe, pas d'électricité qui tourne : ni télé, ni four, ni lumière superflue malgré le sombre soleil au-dehors. Il laisse tomber sa serviette, retire sa veste. Il n'ôte pas sa cravate, de peur de faire une erreur fatale, pensant qu'elle aimera sans doute s'en servir pour le manipuler ou l'humilier, le défait juste de quelques centimètres. Il pense à Karkhov, il pense à la piste d'atterrissage à cinq kilomètres de Moscou incidemment, il repense à Karkhov et sa basse soumission face à l'autorité. Il va s'en manger, il le sait. Douce nostalgie qui l'étreint une dernière fois, avant que, dans un soupir, il ne pose ses genoux au sol. Il fait craquer ses doigts en s'étirant en avant, puis plaque ses deux mains jointes derrière la nuque.
Et attend.
Lorsqu'elle arrive, il ne bougera pas. Pas un sourire, par un regard. Il va lui montrer, par défi, qu'il sait être un meilleur esclave qu'elle. Le bootkamp-SS te fait ingurgiter toute la discipline du monde.
Maria. Pourquoi elle ? Pourquoi lui fait-elle cet affront ? Merde, il se prend à regretter d'avoir organisé ça. Il se force de ne pas réagir, c'est au prix d'un effort surhumain – ça tombe bien, il l'est. Mettre ses émotions au placard, sa dignité dans la fosse à purin, ça va, facile. Nuremberg l'a fait pour lui auparavant.
Plus elle parle, plus il se maudit de lui avoir épargné d'avance toute sanction par rapport à ce qu'elle pourra faire. Il veut la punir, maintenant ou plus tard, pour le rôle qu'elle usurpe et les insultes qui lui sont faites. Sa fille, sa femme, la famille qu'il avait fondé, l'Empire qu'il a aidé à construire, envolés. Morts. Un messager avec un papier pour les deux premiers ; le journal pour le dernier, en guise d'annonce. Son éternelle blessure de laquelle il ne s'est jamais vraiment remis. Il lui avait dit qu'il avait fait son deuil, mais il faut apparemment reconnaître qu'on ne le fait jamais vraiment... d'autant plus quand les cercueils sont déterrés, profanés à grands coups de talons qui défoncent le bois moulu et pourrie, et les tissus rongés par le temps et les champignons s'écartant pour faire place à deux squelettes, celui d'une auparavant fort belle aryenne et celui d'une enfant en bas-âge, leurs os noircis du temps passés sous terre, si fragiles, ne résistant pas aux chocs qu'ils encaissent, s'écrasant un à un dans d'affreux craquements qui réjouissent l'hilare américaine.
La frappe picotera à peine. Il avait gardé un regard neutre et inexpressif pour la regarder, soutenant ses yeux lors de ses paroles sans rien manifester de ce qu'il pensait ; alors, qu'elle le tape enfin, au visage par ailleurs, sera comme une délivrance, lui permettant d'émettre une léger grognement, de faire une grimace, comme s'il en souffrait, mais c'est faux : C'est son cœur qui lui fait affreusement mal.
Il obéit, se levant, regardant droit devant lui, se rassied, fera de même. Les yeux au niveau du buste, parce qu'il n'est pas autorisé à regarder quelque part en particulier. Qu'elle écarte les jambes, et sa vision périphérique fait le reste pour lui rappeler ce qu'il manque.
Fais-le, Siegfried. Rien ne t'en empêche. C'est ta chienne, ta soumise. Tu te lèves, tu la frappes, tu la prends, tu la défonces méchamment à même cette table après lui avoir arraché sa culotte, tu te venges, tu déverses toute ta haine quitte à lui faire perdre connaissance. Montre-lui qui est le patron. Elle a déjà dépassé les bornes. Si elle fait un seul pas de plus, déchaîne-toi une bonne fois-pour toute.
-Pas d'injection avant minuit.
-Jawohl, Prinzessin.
Jawohl, jawohl, jawohl... Reprends-toi putain !
-Je sais déjà quel manque sera le plus grand.
Ce n'était même pas du courage. Une simple prévision faite à froid. Il sait – et ELLE devrait le savoir – qu'il peut bien se retenir 4 heures de se piquer, mais pas de la baiser.
Elle l'embrasse, l'entrave, et lui impose un spectacle des plus plaisants. Ce pourrait être un réconfort, s'il ne devait pas s'empêcher toute érection. Salope.
Lorsqu'elle revient, le coup de crosse dans la gueule le réveille enfin. Il redevient lui-même, arrache les colliers de serrage (peu importe la déchirure de sa peau au passage), lui aura collé une violente mandale. La chapka virée, elle est prise par les cheveux, collée violemment sur la table. Il tapera par trois fois sa tête dessus, rageur. Akina est sonnée, se contentant de tenir sur ses jambes molles. Pendant ce temps-là, il défait sa ceinture, sa braguette. Sort sa queue bien bandée, excitée par la vidéo qu'il a regardé.
-Le jeu ne tient plus, sale petite conne.
C'est son cul qu'il investira avec une violence rare, quitte à la blesser grièvement. Il voulait faire passer sa haine pour de bon.
Des pas dans l'escalier. Tout scénario de rébellion s'évapore. Il n'a pas d'érection, peut-être un très léger début. Il a à peine bouger. Elle ne remarquera pas que sa chemise, à l'épaule gauche, a un point d'humidité qui ne se trouvait pas là en remontant. Une larme qui a coulé, rien de grave. Il avait déjà éventualisé qu'elle se ramènerait avec un cosplay de l'armée maudite. L'impact au visage, par contre, il ne s'y attendait pas.
C'était soudain, violent, le privait de ses sens pendant deux secondes. Son oreille droite sifflait, sa mâchoire l'élançait salement. Il n'avait pu retenir un grognement. La tête baissée et penchée sur le côté, il constate une, deux, trois gouttes de sang qui lentement viennent tâcher son pantalon noir. Le pressing, ça va encore douiller.
Probablement moins que la douleur.
Elle s'adresse à lui, il la regarde pour lui répondre, s'étant efforcé de redevenir neutre.
-J'ai servi mon pays, obéit aux ordres et aux lois, Prinzessin. Je vous demande de m'excuser d'avoir cru en un idéal vain.
Elle voulait qu'il se plie, « comme il aurait dû le faire à la défaite », elle était servie. La reddition était faite en bonne et due forme. Il baisse les yeux.
-Je ne suis que votre esclave, votre Husar. Je n'ai plus désormais que vous comme idéal.
-
Son idéal. Elle est son....idéal ?
Tout à coup, elle hésite, abaisse la Kalach' et se mordille la lèvre inférieure. Oh, oh : Akina revient au galop. Elle aimerait tant le libérer, le flatter : Pardonnez-moi Mein Herr, je suis à vous, prenez-moi. « Non, mais tu rêves » veille encore sa conscience revancharde. « J'ai jusqu'à minuit, je compte bien utilisée jusqu'à la dernière minute pour te faire retrouver ta putain de dignité. D'ailleurs, regarde-le, il fait le malin, mais tu as lu cette étincelle rebelle dans les yeux ? »
Doucement, la métisse se laisse polir par sa conscience, et sa soif de pouvoir. Elle redevient une femme libre et surtout, supérieure.
Bam. Deuxième coup de crosse dans la figure. De l'autre côté cette fois-ci, pour ne pas risquer de lui briser la mâchoire. Le sang jaillit jusqu'à elle. Elle a encore frappé sans se mesurer. Non pas qu'elle possède une force surhumaine, mais une crosse en bois de Kalachnikov, ça doit claquer. Et si elle s'en veut particulièrement d'abîmer la belle gueule de l'avocat, elle se remémore soudainement le pourquoi du second coup :
« Mein husar, si tu souhaites te révolter, si tu penses une seule seconde à me maîtriser. Je te brise les doigts un à un, compris ? Ca sera difficile ensuite d'espérer t'en sortir. Je ne veux plus voir cette expression au fond de tes yeux. »
En fait, c'est l'explication superficielle. Au fond d'elle, l'étudiante commence à avoir peur. Peur de se venger, de rendre Justice à des mois d'un amour plein de désillusion, de lui faire payer pour ne jamais l'avoir aimé comme elle l'aurait souhaité. Elle relève son arme, prête à asséner un troisième coup : vise le front, mais renonce finalement, le cœur fendu. Elle ne pourrait pas. C'est au-dessus de ses forces.
« Excuses acceptées. »
Le ton s'est radouci, sans toutefois qu'il puisse se considérer sorti d'affaire. Finalement, elle dépose son fusil d'assaut sur la table, et redescend afin de s'éclipser, sans un mot de plus. Qu'il en profiter pour recracher le sang qu'il a dans la bouche et se remettre de la douleur. Ses jambes galbées gravissent les marches d'escaliers lentement et elle ouvre la porte de leur chambre avant de se diriger vers la partie du dressing qu'elle a généreusement octroyée à Siegfried. Elle commence par faire les poches de tous ses costumes, pantalon et veste au départ. Elle trouve enfin après plusieurs minutes d'investigation, bien rangée dans la poche intérieure d'un veston qu'il a porté hier. Il n'aura pas eu le temps de la transférer, ou aurait oublié ? Personne n'est infaillible Quel dommage, car elle repose tranquillement entre les plis d'un mouchoir en tissu brodé.
La Croix de Fer.
(http://img15.hostingpics.net/pics/544375croix.jpg)
Lorsqu'elle regagne le salon, elle triture la médaille entre ses doigts fins. Elle va même s'asseoir sur les genoux de son amant entravé, prenant bien soin à ce que son fessier épouse parfaitement le bassin du mâle. Et là, à la seconde où elle prend place, il peut constater la distinction manipuler grossièrement.
« C'est pour ce petit bout de métal que vous m'avez abandonnée, Anton ? » minaude-t-elle en allemand, sur un ton caricatural ce qui fait revenir Maria durant un court instant. « C'est pour ce petit bout de métal que... tu as tué des centaines de camarades ? » change-t-elle brusquement d'intonation, recouvrant son rôle d'officier soviétique. « Ce sera donc à ce petit bout de métal de payer, non ? »
Elle se redresse, fait quelques pas comme si elle cherchait un moyen.
« Mh....que devrais-je en faire d'après toi ?»
Elle tire la langue et la médaille reçoit une longue lèche, bien appuyé. La question est rhétorique, elle n'attend aucune réponse, et n'en veut aucune. Puis, elle laisse tomber l'objet avec mépris. Le métal résonne lourdement contre le carrelage. La chute est immédiatement accompagnée du talon de sa botte qui écrase le cœur de la Croix, sans pour autant l'abîmer. D'un coup du pied, elle l'envoie glisser plus loin où elle restera à terre, comme un vulgaire déchet. Elle retire ensuite sa petite culotte qui échoue le long de ses jambes enserrées de cuir sombre, puis grimpe sur la table, toujours face à lui.
« Mon beau soldat, il est l'heure du repas. »
Elle soulève sa tenue, il suffit d'un rien, pour dévoiler son intimité et elle se penche pour chercher le visage de son allemand, l'attrapant par les cheveux pour qu'il s'exécute. La position est inconfortable, à cause des mains dans le dos, et l'exercice périlleux car les coups de Kalach' doivent encore résonner dans sa mâchoire, mais peu importe le sang, la douleur, elle le fera aller jusqu'au bout. Et elle ne comprend pas pourquoi elle ne lui a jamais réclamé, puisqu'il réussit à la mener jusqu'à un orgasme terrassant qu'il en devient douloureux. Les coups de langue se succèdent sans qu'elle ne puisse contrôler l'arrivée de sa jouissance
« Han...Anton....je vais...non, Anton....»
Finis les surnoms rabaissant, parce que : putain, il mérite. Elle renverse sa propre tête en arrière et hurle d'extase échouant sur le dos, complètement allongée sur la table. Elle cligne plusieurs fois des yeux, essoufflée par le plaisir, et les prunelles brillantes. Elle ne sait même plus où elle est. Et elle le déteste davantage, d'avoir réussi à la soumettre malgré son statut d'esclave. Toutefois, elle ne peut rien lui reprocher : il a obéi. Finalement, elle se relève et quitte la table.
« Merci d'avoir préparé le terrain » sourit-elle en lui tapotant la joue, comme on flatte un chien.
Et elle retrouve la Croix de Fer qu'elle ramasse à terre. Entre ses cuisses, sa cyprine coule abondamment et elle profite de ce lubrifiant naturel pour enfoncer la médaille dans ses chairs intimes. Les branches la coupent un peu, elle grimace de douleur, mais elle réussit à tout rentrer, le plus profondément qu'elle peut. Marcher est une vraie torture avec ça dans le con.
« Tu viendras la récupérer à minuit. Espérons qu'elle ne rouille pas. »
La culotte est également récupérée et remise, au cas où la distinction décide de se faire la malle, bien qu'elle soit coincée entre ses parois féminines. Après avoir cherché un couteau dans la cuisine, elle libère les mains de son serviteur.
« Tu as été très sage. Je vais te soigner, va t'asseoir sur le canapé. »
Pour sa part, elle se dirige dans la cuisine, où elle prépare un verre de soda frais, et fouille l'armoire à pharmacie pour trouver compresse et alcool. Quand elle revient pour s'asseoir près de lui, elle dépose le verre sur la table basse et entreprend de nettoyer les plaies occasionnées par les coups. Ses gestes sont très doux, elle prend soin de ne pas lui faire mal, réellement inquiète en voyant les blessures malgré leur superficialité.
« Bois un peu, s'il te plaît. » dit-elle en désignant le verre. Sitôt qu'il termine sa gorgée, ou qu'il décline s'il n'aime pas le soda, elle glisse sa main dans le pantalon tâché de sang. Ceinture et braguette ne sont pas défaites, et elle masturbe le professeur à travers le tissu de son sous-vêtement par pressions régulières, puissantes, son coup de poignet est efficace. Elle branle comme les putes, et on aurait dit que, comme pour la fellation, elle s'est astreinte à cette pratique toute sa foutue vie. Toutefois, elle arrête avant qu'il ne jouisse de ce traitement.
« Nous n'avons pas fini notre petit tour d'horizon, reste-la. »
Encore une fois, elle disparaît à l'étage, non sans avoir ramassé la Kalach. Entre les murs de la chambre, elle abandonne complètement l'uniforme rouge et enfile l’ersatz d'uniforme de la Waffen-SS que Honda lui avait fait mettre pour un show, et qu'elle a tout de même repris. Il y a les jarretelles noires, le porte-jarretelles de la même couleur, les cuissardes toujours présentes, un mini-short gris, un corsage noir par-dessus lequel, elle enfile une veste d'uniforme gris au col bardé de la tête de mort d'un côté, d'un galon de l'autre. Bien sûr, le brassard est enfilé.
Il est toujours sur le canapé, il a intérêt à l'être au moment où elle réapparaît.
« Alors, Hauptsturmfürher. Vous comprenez pourquoi on vous a retiré votre médaille ? Vous êtes en soi, la honte de la Waffen-SS....vous avez échoué sur le front russe. Alors que vous auriez PU avoir cette victoire ! »
Elle s'accroupit face à lui, tout en retenant une petite grimace d'inconfort à cause de son sextoy improvisé qui commence franchement à la blesser.
« Regardez-moi bien quand je vous parle, abruti. Il n'y a jamais eu d'ordre de retraite, JAMAIS. C'est une excuse que vous vous êtes inventé pour couvrir votre lâcheté et votre incompétence. »
VLAN, une gifle expédiée du revers de la main. Tiens, pour la retraite. La belle se redresse, sa longue crinière blonde s'agite faiblement quand elle entame les cent pas devant lui. VLAN, second claque.
« Dire que vous n'êtes même pas aryen. On aurait jamais dû vous engager. »
Troisième claque ? Non, elle lui crache à la figure. Ah ouais, carrément. C'est vite fait envoyé. La salive, rejoint feu les traces de sang, les ecchymoses, etc. Puis, elle le charge pour le prendre en cou et l'embrasser férocement : déclarant entre deux souffles : « Vous auriez dû rester dans votre petite baronnie, à engrosser votre pute de baronne, et à parodier dans la Werhmacht.. » Nouveau baiser méprisant. Un déclic se fait entendre. C'est une arme, calibre 9mm. Le canon froid presse la tempe du prussien tandis qu'elle continue d'abuser de ses lippes.
En se dégageant finalement de lui, elle prend place sur un fauteuil en face, le pistolet posé sur ses cuisses.
« Je vais devoir éponger votre incompétence, soldat. Retourner au front à votre place, récupérer Königsberg. Tuer du russe. »
Elle reprend le 9mm, inspecte le canon, presque professionnelle.
«Si ça vous plaît de jouer les avocats d'opérette et d'enseigner loin de la Patrie. Vous ne méritez plus de porter l'uniforme, vous ne l'avez jamais mérité. Méditez là-dessus. »
Soudain, la grande horloge du salon sonne le premier coup de minuit. Elle dépose un regard surprise sur Anton, et se précipite à l'étage au pas de course, malgré les talons, referme la porte de sa chambre derrière elle, sans enclencher le verrou. En bas, le dernier coup de minuit vient de sonner. Elle lâche un petit cri de souffrance, entre ses jambe, deux minces filets de sang s'écoule, c'est la Croix de Fer qui venge son maître. A force de marcher, s'agiter avec ça dans la chatte, elle a fini par se blesser. Elle doit serrer les dents.
-
Se faire frapper par son esclave, c'est ce qu'il déteste le plus au monde. Bon, il garde néanmoins en tête que c'est lui l'esclave présentement, qu'il n'a qu'à se taire, encaisser. Ca fout un coup à son ego néanmoins, parce qu'il ne peut pas s'empêcher de la penser intrinsèquement autrement qu'à ses pieds. Tout cela n'est qu'un rôle, qu'il doit assumer, qu'il a voulu assumer même, ça n'en reste pas moins difficile. Elle peut bien l'embrasser, lui dire des mots doux, ça reste sa belle petite chose qui lui met un coup dans la gueule, et plus elle frappe, plus ça fait mal.
Elle s'absente de nouveau. Même pas le temps de profiter de ce qu'elle lui offre. Une nouvelle attente lui est imposée, et bien évidemment, elle sera encore plus difficile que la précédente. Il osera un regard vers l'ordinateur, toujours ouvert, la vidéo figée sur la dernière seconde : Akina, nue, la main tendue vers l'objet qui la filme, probablement pile au moment où elle éteint le logiciel caméra. Terriblement belle, même si il ne peut toujours pas se permettre une érection. Il a mal, il tâche encore plus sa chemise et son froc de sang, il avise l'AK-74 et se dit qu'il pourrait se détacher, la manipuler et lui faire fermer sa gueule.
Et encore une fois, l'idée s'évapore dès sa réapparition.
Elle n'a pas changé de tenue, alors il y a autre chose. La question n'était probablement pas de le faire poireauter avec son désir et sa douleur. Lorsqu'elle s'assied, il comprend.
Là, il y a motif de protestation. Sa bouche s'est même ouverte, puis il a serré les dents. Non, pas ça... Les mots, OK, ça va, mais les choses restent. Si elle l'abîme, l'atteinte continuera post-jeu, et il lui fera payer, oh oui, putain, non, pas les souvenirs, pas l'honneur, pas la gloire, pas le passé, on ne touche pas à sa croix !
Elle le sentira peut-être nerveux, agité. S'il elle voulait le faire réagir, c'est gagné. Il s'impatiente. Le temps ne passe décemment pas assez vite. Elle s'amuse de lui, le menace. Sa colère grimpe, il ferme sa gueule. Que faire de la croix ? REPOSE-LA, SALOPE !
-Ce que vous voudrez, Prinzessin. Je n'ai pas mon mot à dire.
Et il regrette dès la chute. La chaise sur laquelle il se trouve a bougé, emporté par lui, de quelques centimètres. Elle l'écrase ensuite. Il ferme les paupières. Brusque expiration nerveuse. Il essaie de reprendre sa contenance, mais il n'y arrive pas, quelque chose creuse son buste, tiraille ses tripes. Dans ses chaussures, ses orteils remuent, puisqu'ils sont cachés, à eux de supporter tous ces sentiments pendant que le reste ne peut pas se permettre de manifester la moindre émotion.
L'heure du repas ? Ce sera sa revanche. Étonnamment, il ne trouvera rien d'autre comme idée pour se venger que de lui bouffer la chatte comme jamais il ne l'a fait – comme jamais personne ne lui a fait. Et merde, il voudrait être détaché pour pouvoir faire ça dans les règles de l'art. Tant pis, elle aura un serviteur dévoué et vorace, à sa hauteur donc : La gueule plaquée entre ses jambes, manipulant de sa langue et de ses lèvres toute son intimité sans se permettre la moindre pause, malgré la douleur qui tiraille sa mâchoire du côté droit particulièrement, il prendra bien soin d'elle jusqu'au terrassement final, se rendant compte que sa chaise tient sur deux pieds, l'ayant un peu basculé pour bien la servir. Il se rassied tout droit lorsqu'elle bouge. Sa colère est redescendue. Par contre, c'est fini : Il ne peut plus s'empêcher de bander comme un cheval.
-Jawohl, Prinzessin.
Dans sa chatte. Il ne sait pas si c'est véritablement une humiliation ou si il adore ça. Il n'arrive pas à juger. Il a couvert de foutre la médaille du papy, ça valait bien ça.
Lorsque ce sera au tour de Mademoiselle de prendre soin de lui, il n'en revient pas. Il sait qu'elle va revenir à la charge avec son cortège de violences, mais il profite néanmoins de ces moments. Ne dira mot lorsqu'elle fera l'infirmière ; boira ; bandera encore. Ses mains sont efficaces, lui donnent envie de venir sur-le-champ. Il sait que sans ordre, il doit se retenir. Il ne pourra empêcher un léger gémissement, la regardant droit dans les yeux. Pas de défi. Il a juste envie de plus.
Tout cela laisse place à la frustration – encore plus pendant la longue attente qu'elle lui inflige de nouveau, puis son retour. Toujours aussi excitante. Peu importe ce qu'elle porte, de toute façon, il aura toujours envie de la sauter.
Et elle en revient à l'humiliation. Pourquoi ? Pourquoi lui rappeler Karkhov, Prokhorovka ? Pourquoi le harceler avec ça ? Il peine à respirer normalement, tant il sait qu'elle a raison. Il se dit assez ces choses-là chaque jour. Qu'elle le frappe, qu'elle le souille, ce sera toujours moins douloureux que d'imaginer ce moment où il a tout simplement accepté son ordre de repli. Même ses plaies à vif qu'elle réveille à chaque coup, oui, lui font moins mal.
Pute de baronne, petite baronnie, parodie de Wehrmacht. Tout y passe. Il va gerber tout le contenu du calice, à fort. Jusqu'à l'arme. Là, on ne décolle plus. Et pas n'importe où : Pile à l'endroit où lui-même a tiré, il y a quelques décennies. Pérennes tels la roche et l'eau, les souvenirs remontent violemment à la surface. Dire qu'il n'y avait pas encore pensé. Même ses lèvres n'arrivent pas à l'apaiser.
Et tout est terminé. Il est censé redevenir autre, celui qui est au-dessus, imperméable aux sentiments. Il la regarde partir et ne parvient pas à bouger. Finalement, ça aura été plus dur pour lui que pour elle. Il se dirige calmement vers la salle de bain, se lave sommairement le visage, avant de monter sans impatience les escaliers, pour l'y trouver. Il reste dans l'entrée un court moment avant d'enfin constater le sang sur ses cuisses, qu'elle n'avait pas en partant. Il n'en est pas sûr. Puis comprend. Du soulagement, il passe à l'exaspération.
-Qu'est ce que tu as fait, bon sang...
Il fond sur elle, la fait s'asseoir au bord du lit, la fait s'agenouiller au sol. Elle doit s'en remettre à lui et n'a pas d'autres solutions. Il lui fait ôter calmement ses vêtements pour être libre de tout mouvement, puis ses cuisses sont écartées. Il salive abondamment sur ses doigts pour les plonger doucement en elle. Il sent le métal. Il voit le sang. Bordel... Comme un hameçon, il a peur que ce soit pire à retirer qu'à mettre. La seule idée qui lui vient est de lécher son clitoris. Quitte à bouffer le sang. Il lui donnera même l'autre main à lécher, histoire qu'elle ait quelque chose en bouche, avant de plonger deux de ses doigts de l'autre main avec les premiers. Ils emprisonnent la croix. Pas assez gros. Il continue de la lécher, de la pénétrer doucement. Espère qu'elle ne souffre pas trop. Essaie de rendre le moment correct. Il rentre ensuite les deux annulaires en plus. La croix est plaquée entre ses doigts, elle ne la sent même plus. La retirer est maintenant un jeu d'enfant.
Il constate maintenant le sang sur ses doigts, sur ses fesses. C'est léger, ça ne semble pas grave.
-Tu es folle.
Il lui fourre les doigts de l'une de ses mains en bouche, qu'elle goûte à ses fluides. Il nettoiera l'autre main de la même manière, mais entre ses propres lèvres.
-Je reviens. Ne bouge pas, ma baronne.
Un tour dans la salle de bain pour nettoyer la médaille, puis il prendra le matériel de soins laissé en bas pour essuyer le sang qui la tâche honteusement, puis il RE-nettoie sa décoration, par sécurité. Elle va devoir doubler ses sous-vêtements avec du coton si elle ne veut pas avoir l'impression d'avoir ses règles en permanence, dit-il.
Parce que le manque commence à se faire sentir, il se piquera ensuite.
Pour finir, il lui demandera très gentiment de le sucer. Et la prendra dans ses bras, en lui disant que les commentaires attendront. Il se contentera d'un « Tu aurais pu faire pire, mais tu as été formidable quand même », peu avant de dormir.
Le lendemain, il était parti tôt. Il voulait récupérer son appartement. Il avait passé des coups de fil aux assureurs. Pour le plancher, pas de problème ; pour le canapé, ça allait être un peu plus long. Il se demande quelle est cette étrangeté, probablement des règles administratives différentes au sein des entreprises, balaiera l'absurdité sur le chemin des cours.
Un élève plus brave que les autres demandera pourquoi les pansements au visage. Siegfried dira sur le ton de la plaisanterie que les procureurs sont parfois très virulents quand on empêche des innocents d'aller en prison, sur quoi on lui demande si c'est une blague. Il se contentera de commencer le cours.
Un œil sur ses comptes. Il a pas mal dépensé ces temps-ci. Il n'a pas envie de toucher au pactole récupéré en 46, la seule solution pour avoir un peu d'argent de côté serait de rendre plus de services aux yakuza... Ou de faire l'avocat, un petit peu, pour de bon. Il sort un fichier très usé, plastifié, une liste de tableaux. Certains sont barrés au marqueur indélébile. Il consulte via Tor des estimations de prix de certains. Le troisième sera le bon. Il le note sur un post-it, l'accroche sur son PC, y pensera sous peu.
Il demande finalement à ces demoiselles ce qu'elles ont de prévu ce week-end. Départ de la nuit de vendredi à samedi, destination la Thaïlande.
Siegfried dit avoir « des affaires à y faire », il est donc naturellement heureux d'emmener la Russe se dépayser ne serait-ce que deux jours, elle pourra tenir compagnie à sa bien-aimée Akina lorsqu'il sera occupé. Levés à 3h du matin, partis à 4 ; vers midi, on les déposait dans un somptueux hôtel dont chaque nuit valait probablement la peau des rouleaux du roi Fahd, où ils déposeront leurs maigres bagages. Il leur laissera passer l'après-midi seules dans Bangkok, leur disant qu'elles pouvaient se reposer ou sortir tout de suite, leur abandonnant de l'argent à dépenser. Consigne : Dans le restaurant de l'hôtel à 20h. Puis disparaîtra.
Elles ne le reverront qu'à l'heure dite, et même un peu en retard. Il arrive d'un pas pressé, s'assied, appelle nerveusement le serveur. Il y a comme un léger sourire qui peine à quitter ses lèvres malgré ses efforts. Il fait le tour des malts, jusqu'à ce que l'asiatique prononce le nom d'un Balvenie de trente balais, ce qui convient tout à fait à l'amateur de qualité. La bouffe, on verra après.
-Dites-vous qu'on a commencé à mettre cette boisson en fût avant votre naissance. Et encore, sachant que l'âge d'un whisky est celle du dernier sorti, il est encore plus vieux que ce qui est annoncé. Une fois j'ai goûté un Glendronach de 19... 67, ou 68, probablement 68. Une merveille. Même si l'âge ne fait pas tout... les texans l'ont mieux compris que quiconque.
Plus un mot sur son péché mignon, promis, il se contentera de manger tranquillement, de les écouter parler de la ville, leurs découvertes, ce qu'elles ont acheté. Lui dira qu'il s'est « baladé, a fait deux trois petites affaires », et rien de plus. Évasif, ça lui correspond.
Après le dessert, il demande à la russe si elle peut les laisser un instant. Celle-ci comprend, accepte, file dans leur chambre – ils la partagent, en effet. Il prend la main d'Akina, de sa belle Scarlett, regarde le sol.
-Ich... liebe... dich.
Seule parole en allemand. Il reprend en anglais, le plus sérieusement du monde, parlant avec difficulté, comme écrasé par le poids de la gravité de ce qu'il raconte.
-Puisque tu as accepté que je te forme pour être ma baronne, je veux bien être ton petit-ami. Pour de vrai. Voire... ton mari. Hm.
Un serveur passe, délivrance, il l'intercepte et lui demande un café, ça lui permet de décompresser, juste deux secondes, avant de reprendre.
-Je n'ai pas de bague, pas eu l'idée ces temps-ci. En rentrant, ce sera fait. Enfin, l'idée, je veux dire, j'ai pas réussi à trouver ce qui serait bien pour toi. Conceptuellement, pas physiquement. Mais... Bon... Voilà...
C'est là qu'il se rend compte qu'il n'est pas doué pour ce genre de choses. Il la relâche, se concentre sur le fond de crème de fraise vivotant tranquillement au fond de son assiette ovale.
-Ecoute, dans ces conditions, dans l'absolu, je ne peux pas t'imposer de continuer à être ma chienne. Mais en même temps... Enfin, bon. Je suppose qu'il faut faire des sacrifices. Si tu ne veux plus que je te considère ainsi... Ainsi soit-il.
On sent la tristesse, dans son ton, dans son regard fuyant. Ou peut-être est-ce juste de l'appréhension. Quoiqu'il en soit, le café est déjà là. Il aime quand les larbins sont rapides.
Un sucre. Il soupire d'un oppressant soulagement.
-Dire que j'ai cent ans et que... Bon, j'ai fait d'autres choses plus étranges dans ma vie.
-
Ce fameux soir, quand la Croix de Fer lui aura été retirée de sa matrice, comme si elle accouchait du Reich entier, elle aura eu l'impression d'une relative victoire. Il ne l'aura pas punie, aura tout juste réclamé une fellation qu'elle s'est empressée de lui offrir avec dévotion et amour, parce qu'elle devait se faire pardonner son attitude antérieure : malgré le contrat passée, malgré la légitimité qu'il avait donné à ses actes. Et puis, en soi, tout ce sang déversé entre ses cuisses, et la douleur palpitante, sont autant de punitions.
S'endormir dans ses bras, en revanche, a été son seul véritable triomphe, accompagné de réconfort. Le lendemain, pour une fois, il part avant elle. Ce jour-là, elle n'a pas cour : il faut bien, si elle espère avancer, sur son mémoire que l'université aménage des temps de repos propices aux recherches. Direction le laboratoire du professeur Reuters donc, afin de poursuivre des manipulations sur des cellules de souris. Elle aurait bien demandé un nouvel échantillon de sang à Siegfried, mais préfère pour le moment temporiser. Elle travaillerait sur des cellules animales à qui elle injecterait du produit miracle. Dans la petite bibliothèque du laboratoire, elle s'isole loin des autres mémorants et chercheurs pour finir de taper ses notes, un gros mug de thé vert dormant aux côtés de son ordinateur.
A midi, elle retrouve les filles de Mishima, au Gymnase. Elle aura été obligée de se présenter à la direction , toutefois et expliquer qu'elle reprend peu ou prou le club des cheerleaders en main. Le directeur lui octroie un feu vert par pure formalité, d'ailleurs est-il seulement au courant qu'un tel club existe dans son établissement ?! Rina l'accueille avec son empressement habituel. Elles ont changé depuis hier. On remarque que Moeki s'est teinte en blonde et Reira en rousse avec une permanente en prime. Les conseils ont été suivis à la lettre et elles sont toutes en tenue d'entraînement, cheveux attachés et concentrées. Merveilleux. Deux heures de chorégraphie durant lesquelles, elles vont suivre les mouvements d'Akina en plein gymnase.
Le reste de l'après-midi, elle regagne la maison familiale. Kitty jardine bien que l'automne avance, elle sème quelques graines. La métisse a un petit pincement au coeur en remarquant qu'elle a emprunté le tablier et les gants de jardinages ayant appartenu à sa mère. Les souvenirs sont encore tenaces, du temps de sa jeunesse où Seika s'occupait de ses fleurs et de son potager à l'arrière de la maison, sous un soleil d'été brûlant. A ces mémoires précieux où elle se revoyait cueillir les fraises, ramasser un escargot, ou simplement bronzer en lisant un bouquin sous les éclats de rires familiers de sa mère.
Au soir, ils sont tous réunis dans la pièce de vie, sur le sofa. Scarlett se fend la poire devant une revue scientifique, Kitty vernit ses ongles et Anton, fidèle à lui-même travaille entre les deux. Au fur et à mesure que l'étudiante tourne les pages du magazine, elle désespère et finit par le rejeter sur la table basse, excédée. L'allemand perçoit son désespoir du coin de l'oeil et s'adresse à elles au sujet du WE. Heiiin ? Ca intéresse tout de suite Walker ! Un départ ? Pour ? Voyage ? Où ? Suuuper ! Elle supplie Ekaterina de dire oui. Vendu.
Mais attendez, Vendredi, c'est demain ! Elle agite ses jambes de joie, et s'empresse de quitter le divan pour choper Kitty et la faire monter à l'étage. Un WE ? Peu de bagages ? C'est mal connaître Akina. Ensemble, elles choisiront quoi mettre dans leur valise, à l'abri du regard prussien. Toutefois, la russe doit reconnaître, avec la sagesse qu'ont les aînées, que la métisse compte emporter un peu trop d'habits pour juste une fin de semaine. D'accord, d'accord.
A Bangkok, l'hôtel est somptueux et émerveille toute de suite les yeux d'Ekaterina. Walker s'en sort avec une remarque agréable, elle a eu sa dose de luxe durant ces derniers mois entre les fantaisies de Hiranuma et celles du mari de Marisol, elle a été servie. Kitty, elle, a beau avoir endossé le rôle de catin luxueuse auprès de Tsoukanov qu'elle a le sentiment de vivre un conte de fée. Tout ça elle peut en profiter librement. En découvrant la piscine, sur les pas d'Anton, elles sautent toutes les deux joie. Finalement, elles ont bien fait de prendre leur maillot de bain. La Thaïlande est un pays exotique, impossible de ne pas s'y balader à moitié nues !
En fait, elles s'expriment à peine quand il annonce devoir s'absenter. Elles sont DEJA en train d'enfiler leur bikinis derrière un paravent typiquement Thaïlandais et tandis qu'il les prévient au sujet des modalités (l'argent qu'il leur laisse, le souper à 20h), il peut admirer leur silhouette féline se déshabiller. D'ailleurs, en redescendant dans le Grand Hall, il se mangera sans doute une remarque grivoise sur les deux charmantes demoiselles qui bardaient ses flancs quelques minutes plus tôt, de la part d'un autre client. Un jeune russe pour changer, mais celui-là est gentil. Enfin, c'est juste un touriste. Et il lancera même « Vous êtes un genre de James Bond allemand ? » Peut-être, ayant servi dans le SD, PEUT-ETRE.
Le Soleil rayonne peu après midi, et les deux inséparables femmes grillent sous ses rayons : lunettes de soleil, chapeau à larges bords, cocktail posé sur une petite table entre leur deux transats. Les rumeurs de l'agglomération bouillant de Bangkok leur parviennent lointainement, car elles profitent de ce moment exquis presque au sommet d'une tour. Quand l'un des membres du personnel les prévient sur les points d'intéret à proximité, elles s'enthousiasment à l'idée du Centre Commercial Siam Paragon, il leur suffirait d'emprunter le train aérien et cinq minutes plus tard, elles y seraient. Gé-nial.
« On prend l'argent de Siegfried ? Demande Ekaterina.
-Non, nooon ! J'ai été payée, on va prendre le mien. J'ai un peu de scrupules à lui prendre son argent pour faire du shopping, tu sais. Tiens, remets-le dans ses bagages et pas un mot hein ? ! »
Promis, miment les lèvres de la jolie russe. Et deux minutes après, elles courent sur le parvis de l'hôtel, carte douteuse à la main. Finalement, la station de train sera rapidement trouvée et les voilà embarquée pour le rste de la journée au Centre Commercial. Juré, demain elles feront du tourisme culturel, pour alléger leur conscience. En attendant, à elles les talons hauts, les parfums, les bijoux, le maquillage. Elles ne reviennent que quatre heures plus tard, exténuées, des paquets pendus aux poignets. Un groom propose gentiment de les aider, mais il est court-circuité par le russe qui attrape instantanément les affaires d'Ekaterina, tout en s'adressant à elle en russe :
« -Laissez-moi vous aider... »
Elle se braque doucement, n'étant pas à l'aise avec les russes et loin d'être rassurée par l'emploi de sa langue maternelle, elle se met à la craindre. Le jeune homme, d'un blond clair, et aux yeux d'airain dévore l'ancienne prostituée du regard.. Scarlett, elle, pressent immédiatement le coup de foudre et donne un coup de coude discret à son aînée pour la réveiller de sa torpeur méfiante.
« -Oh ! Euh ! Ah, merci ! Sourit-elle.
-Je m'appelle Boris, et toi ?
-Ekaterina, répond-elle alors que Boris s'occupe poliment des affaires d'Akina.
-Joli prénom, ça sonne comme le pays. D'où tu viens? »
Il veut dire, d'où en Russie.
« -Je viens de Koursk à la base et toi ?
-St-Petersbourg. Je travaille dans la Police là-bas.J'y suis inspecteur.»
Magnifique. Est-ce à son tour de dévoiler sa profession ? Enchantée, moi j'étais une pute. Ahm, ahm, non. Bien que Scarlett ne comprenne rien à la discussion, elle la sauve de ce mauvais pas.
« -C'est à la résidence Yama. » Et en anglais s'il vous plaît. Le policier approuve dans un sourire et les escorte jusqu'à la porte de la grande suite.
« -Merci, précise Kitty.
-Ce n'est rien, Ekaterina. Si jamais tu as besoin de quelque chose, je suis à la chambre 123. »
Dès que les portes se referment, la slave chute dans un fauteuil, toute troublée.
« Wouaaah ! Il te mangeait des yeux, s'amuse Walker.
-Avec mon horrible cicatrice à la joue ? Tu plaisantes. Et puis, c'est peut-être un espion de Tsoukanov
-Il est inspecteur de Police ! Ca m'a l'air d'être une honnête profession. Mon radar a mafieux ne s'est pas manifesté en tout cas !
-Parce que tu as un radar à mafieux ? Soulève la blonde, moqueuse.
-Tout à faaait ! »
Toutes les deux, elles font ensuite le tour de leurs achats. La plus jeune ne s'est pas ruinée, et elles ont fait de bonnes affaires.
« -Et puis relativise, poursuit Akina, depuis quand tu ne t'es pas envoyée en l'air avec un homme ? Je veux dire hors....relation tarifée..
-Trop longtemps, et puis je préfère les femmes.
-Vraiment ? »
Scarlett devient toute rouge. Elle repense à Marisol et Siegfried, et à son inactivité ce jour-là. L'homosexualité est tabou chez elle, bien qu'elle ne s'y soit jamais penchée. Enfin, elle a bien échangé un baiser ou deux avec Marisol, comme toutes les adolescentes en quête de sensations fortes, mais coucher avec une fille...
« -Mh, mh, tu aurais été à mon goût d'ailleurs, provoque la russe en jouant sur la confusion de sa comparse.
-Tu penses que ça plairait à Siegfried ? Déglutit l'autre, les mains fébriles
-Quoi donc ?
-Bien....coucher avec moi, pendant que je couche avec toi ? Déballe rapidement la scientifique, le regard fuyant tant elle a honte. »
Eclat de rire du côté d'Ekaterina.
« -Je crois que ça lui plairait.
-On pourrait essayer ce soir ? »
Sitôt, elles échangent un regard. La mi-japonaise est rouge pivoine, ce qui lui donne un petit air innocent qui plaît à Kitty. Cette dernière comprend aisément pourquoi l'allemand a succombé aux charmes de sa métisse. Bien évidemment, entre Tsoukanov, Jack et les problèmes récents, la russe n'a jamais pris le temps de songer à une éventuelle relation charnelle avec son ancienne collègue. Soudainement, elle détourne ses pensées vers autre chose, elle vient de tremper sa culotte.
Le souper se déroule le plus normalement du monde, et Akina en profite pour goûter à la cuisine Thailandaise la plus raffinée. La remarque sur le Malt lui aura tiré un sourire poli, mais avenant. Elle adore quand Siegfried explique des choses, et elle se rend compte qu'il doit faire un excellent professeur. Elle regrette même de ne l'avoir eu qu'en examen. Bon sang, ce jour lui semble si lointain avec sa pauvre figure brisée, son sujet de merde, les notes qu'il écrivait en allemand, les cent pas qu'il effectuait alors qu'elle tentait de se concentrer. Et le café proposé selon un stratagème digne d'un Jupiter en pleine chasse à la femelle. Cette pensée fait qu'elle conserve longtemps son sourire.
Puis, Ekaterina est congédiée après le dessert. Euh, pourquoi ? Que se passe-t-il ?
Sa main est prise et Akina ouvre grand ses yeux de biche pour les braquer sur son amant. Elle décèle ainsi son trouble et s'inquiète, peu habituée à le voir ainsi.
La déclaration d'amour, la première en allemand, suspend le temps autour d'elle. Les bruits de couverts, les discussions alentours, les éclats de rires sont occultés. Il ne reste plus que lui. La suite, c'est vague pour elle. Elle aura même le réflexe tout pourri de regard à gauche et à droite, l'air de dire : Ai-je bien entendu ? Minute, elle ne sent même plus les battements de son coeur. Ils se sont accélérés un temps et puis maintenant, plus rien. Non, ils sont simplement suspendus aux lèvres de Siegfried qu'elle vient d'embrasser comme une forcenée, se penchant sur la table jusqu'à s'y allonger sans songer à la vaisselle et aux regards des autres clients.
Toujours à moitié allongée sur sa table, salie de toute part par les desserts inachevés, elle attrape la figure du prussien entre ses mains tremblantes. Les yeux dans les yeux, comme la première fois qu'il l'a baisée sur ce plan de travail dans la cuisine des Walker.
« -Oui....pour tout. Je veux être votre femme, et je veux surtout continuer d'être à vous, votre chose, votre propriété. Le premier n'aurait pas de sens sans l'autre. Alors ne soyez pas triste. Vous me rendez heureuse, Mein Herr.»
Ces histoires de bague attendront. La demande en soi est un énorme choc émotionnel qu'elle encaisse avec facilité, aux anges. Etre demandée en mariage, par un ancien SS de cent années à Bangkok ? Rien. de. Plus. Normal. Pour une jeune fille de 22 ans. Elle goûte au café, mais n'a plus du tout le coeur au repas. Il l'avertit alors qu'il finit son Malt et qu'il la rejoint dans la chambre. Un ultime baiser volé aux lippes allemandes et elle remonte.
« -Siegfried n'est pas avec toi ?
-Au bar, je crois....
-Mais...Mon Dieu, Akina, tu pleures ! Il y a eu un problème ?»
Non,elle aurait voulu lui dire que NON, que c'était le plus beau jour de sa vie mais à la place, ses pleurs redoublent. Ils ont commencé dans le Grand Hall, puis se sont intensifiés dans l’ascenseur. Elle laisse aller toutes ses émotions, c'est comme une délivrance, un verrou qui saute, une grande bouffée d'air. Elle pleure et se sent invincible.
Cinq minutes plus tard, elle est calmée. La pression est redescendue, elle profite pour prendre un bon bain qu'Ekaterina aura eu l'amabilité de faire couler pour elle et au terme duquel, elle propose à sa protégée :
« -Tu veux essayer ?
-Mh ?
-Avant qu'il revienne, voir si ça te plaît ? »
Alors qu'elle termine d'attacher ses bas de dentelle brune et d'agrafer son soutien-gorge de la même matière, la slave s'approche dangereusement et ravit sa bouche dans un baiser passionnel. La pure occidentale à de l'ascendance, chaque main sur une accoudoir, encadrant Walker qui est calée au fond du fauteuil, prise au piège de l'appétit charnelle d'une déesse blonde. Elle se cambre, irrémédiablement appelée par le corps sulfureux de la russe et lui rend son étreinte, tout aussi affamée. Akina se rend vite compte que Vodianova est aussi dominatrice que ne peut l'être Siegfried. Elle a déjà l'une de ses mains vernis dans la chevelure métissée, la maîtrisant d'une poigne d'acier.
La porte se serait ouverte, Anton aurait pénétré la suite qu'il tomberait directement sur le spectacle. C'est Kitty qui le remarque en premier. Elle en profite pour faire mettre Scarlett à genou, les doigts toujours ancrés dans sa crinière lumineuse, et guidée par la douleur de son cuir chevelu, l'étudiante n'a pas le choix que de suivre la progression de sa dompteuse, à quatre pattes. Devant les jambes de l'allemand, elle est relevée, à genou de nouveau.
« Tu vas être très gentille, Aki. » exige Kitty en embrassant l'oreille de son ancienne collègue.
La concernée opine deux fois du chef, les yeux relevés sur son Maître. Ses paumes échouent contre la braguette et la ceinture. Ekaterina la gifle sèchement : Aouch.
« Et la politesse ? Demande la permission.
-Est....est-ce que je peux, Mein Herr ? »
Dès l'autorisation accordée, la belle chienne montre à son propriétaire tous ses talents oraux, sous les yeux inquisiteurs de la slave qui flatte sa chevelure durant la fellation. Peu importe qu'il soit encore debout, encore habillé, au milieu de la chambre. Elle savoure la queue germanique à pleine bouche, en salive abondamment, et bientôt Kitty apporte sa pierre à l'édifice lubrique et force la tête de la japonaise à des mouvements plus secs qui lui empalent littéralement la gorge sur la hampe dure. De l'autre main, elle est déjà en train d'investir l'intimité trempée de sa cadette à l'aide de deux doigt ; un regard entendu est envoyé vers le germain.
Qu'il prenne ça pour un enterrement de vie de garçon.
-
-Je vais juste goûter une dernière fois à leur Balvenie.
En vérité, ses mots sont : « Je vais m'isoler histoire de digérer ce que j'ai réussi à faire », mais il ne peut pas le dire ainsi. Ils s'embrassent et il file dans une salle annexe, au bar de l'hôtel. Ambiance jazzy, loin d'être thaïlandaise. La plupart des clients ont néanmoins l'air d'être des natifs ; probablement n'ont-ils pas de chambre ici, se contentent-ils de boire dans un endroit hype.
Sur le zinc, il redemande donc le verre qu'il venait chercher. Séparée de lui par deux hommes en costume débraillé qui discutent à voix basse de swaps et de warrants, se trouve une jolie jeune femme, sans aucun doute thai, dans une robe franchement osée, bleue marine, ras la salle de jeu, pas grand-chose dans le décolleté mais c'est assez plongeant pour y piquer une tête. Rabattant délicatement la mèche qui glisse sur son front, elle regarde autour d'elle, capte Siegfried, s'en approche, s'assied à ses côtés.
-Vous m'offrez quelque chose ?
-Ca dépend. Vous êtes chère ?
On aurait pu s'attendre à ce qu'elle s'étrangle d'être si vite découverte, et pourtant, pleine d'assurance, elle se contente de sourire et de se pencher vers lui.
-Si vous êtes ici, c'est que vous pouvez vous le permettre.
Siegfried sourit, prend une gorgée de malt. Celui-ci lui semble particulièrement puissant, comme whisky, il ne regrette pas son choix passée. Elle se rapproche quelque peu, tente d'être charmeuse.
-Venu seul ?
-Non. J'ai ma fiancée et une pute avec moi. Elles m'attendent là-haut.
La nana est refroidie. Le comprenant, l'allemand sourit et tourne enfin son visage vers elle pour la regarder de haut en bas, comme on le ferait d'un bout de viande. Elle est une marchandise qui se met à disposition, et il en profite.
-Baisable.
-Viens essayer.
Il fini le verre d'une traite, ce qui lui arrache un soupir rugueux, mélange de douleur et de satisfaction. Tape pour appeler le barman.
-On peut en avoir une bouteille ? Ca me fera un souvenir local.
-Désolé, monsieur, il faut voir ça à la réception.
-Evidemment...
Il paie sa conso, clin d'oeil à la pute, et partira sans se presser.
Il vient de demander une fille en mariage, pense-t-il en remontant le couloir. C'était inédit. C'était mal fait, aussi, niveau formalisme on a vu mieux. À cent ans, un ancien soldat de l'armée nazie prie une américano-japonaise encore étudiante à s'unir avec lui. Il profite qu'il n'y ait personne dans le corridor pour s'arrêter et s'appuyer contre un mur. Est-ce qu'il ne fait pas une erreur ? Il sait que s'engager est dangereux. Il veille soigneusement, partout où il passe, à pouvoir partir quand il le souhaite. Il sait, pourtant, qu'il n'est pas un homme pour lui, mais c'est elle qui reste aveuglée par une vision idéalisée qu'elle a du SS. C'est les débuts, ça. Ca finira par lui passer. Elle finira d'elle-même par rompre les fiançailles. Si elle ne le fait pas, alors probablement qu'il vivra heureux quelques années de plus.
C'est sur ces pensées pessimistes qu'il ouvre la porte, et tombe sur elles. Sa mâchoire manque de se décrocher. Il oscille entre la joie excessive d'être spectateur d'une scène si excitante, et la ferme envie de se foutre dans l'une de ses colères du siècle à hurler des mots comme « salopes », « infidèles » et « sacs à foutre pour dégénérés rouges ». Pas le temps de réfléchir, Akina est foutue au sol comme une bonne chienne. Il pense comprendre.
Veste calmement enlevée, abandonnée sur un meuble tandis qu'on la fait approcher. La pute est dans un rôle de dominatrice. Il ne sait plus bien s'il a déjà touché un mot de tout cela à Akina, mais si ce n'est pas le cas, elle a visé en plein cœur de ses désirs.
Seul problème : Il n'a rien dit, pas une permission. Quand Kitty se mettra à ravager l'esclave sur sa queue, il est peut-être aux anges – en fait, pour dire la vérité, il bande comme rarement ça n'a été le cas, et il voudrait déjà lui remplir la face de sa semence – mais il ne tolère pas longtemps ce traitement. L'une de ses mains emprisonne celle de la Russe, tandis que l'autre saisit sa gorge. Le temps se fige dans un de ces moments de flottement entre la violence et la violence, et où tout pourrait méchamment basculer dans le sanglant. Dans un pesant silence de quelques secondes, boche et ruskov se toisent mutuellement. On entendra juste au bout d'un moment une toux douloureuse, suivie d'une large expulsion de salive. Akina supporte sans faillir la grosse queue de Siegfried dans sa gorge depuis qu'ils se sont arrêtés, et trois poignes l'empêchent de s'en défaire : Les deux d'Ekaterina et l'une de son Maître.
-Tu es au courant que tu touches à ma propriété sans ma permission, petite slave ?
-Tu veux que je supplies ?
-Tu ne me tutoies pas.
De nouveau, silence. Akina pourra reculer de quelques centimètres sa tête, reprendre son souffle par le nez quelques instants, faire redescendre sa nausée. Puis les forces conjointes de ses bourreaux la font s'empaler de nouveau sur sa queue, plus loin qu'avant encore. « Ta langue », l'entend-on murmurer en sa direction.
-Tu veux...
Elle s'interrompt. Akina devinera, par un son d'étranglement, que l'allemand a refermé sa main sur sa gorge en guise de menace.
-Vous voulez que je me soumette à vous ?
Elle est prête à tout arrêter. Marre d'être le jouet des hommes, oui. Etrangement, Siegfried parlera en russe cette fois-ci, ne se faisant pas comprendre de l'américaine. Kitty déporte son regard vers Akina, et sur ce bras puissant qui mène à un allemand, sans aucun doute séduisant selon les critères hétérosexuels. Elle lâche la chevelure d'Akina d'une seule main pour prendre le poignet du SS.
-Laissez-moi dresser votre chienne pour vous... « Mein Herr ». Laissez-moi vous servir, et l'utiliser pour qu'elle vous serve. Je vous en prie.
Quelques secondes, et enfin, Siegfried relâche les deux femmes, Ekaterina fait de même, Scarlett peut enfin libérer sa bouche de cette imposante verge, se reposer une instant en arrière, récupérer son souffle. À celle qui est debout, il pose une tendre main sur son cou, pour la mener doucement à lui. Il veut visiblement l'embrasser. Réticente, elle accepte néanmoins. Il l'embrasse pas si mal, et malgré ses gestes de bourrin, ses lèvres restent douces. Quelques baisers sur sa joue, filant jusqu'à son oreille. Il lui murmure un « Merci. » des plus sincères, et la relâche.
-Punis cette salope pour avoir osé fermer la bouche en ma présence.
En effet, la jolie blonde avait les lèvres closes en les observant, grave erreur. Alors que Siegfried défait calmement les boutons de ses manches pour les redresser jusqu'à ses avant-bras, Ekaterina se met face à elle, lui demande de se dresser face à elle, et lui assène une violente claque.
-Demande-lui pardon.
-Pardon, Mein Herr...
Seconde claque.
-Mieux que ça, petite chienne.
-Je suis désolé, Mein Herr, je ne voulais pas fauter, je serais exemplaire ce soir, par pitié...
La dominatrice avise Siegfried, qui soupire.
-Tu ne portes pas ton collier.
-Je n'ai pas pensé, Mein Herr. C'est dans mon bagage.
Il fait une grimace entendue à Vodiavona en s'éloignant, tandis qu'il enlève sa montre, et entendra ce bruit si particulier d'une main s'abattant sur une joue, qui ne fait que gonfler sa trique. Tandis qu'il fouille, la russe remplit son rôle.
-Qu'est ce qu'on dit ?
-Pardonnez-moi, je suis étourdie mais je suis votre chienne... fidèle... je vous servirai toujours... Mettez-moi mon collier, utilisez-moi, je ferais tout pour vous...
-Encore une, pour qu'elle comprenne.
Quatrième baffe, à revers, comme la seconde. Chaque joue d'Akina brûle, et ses pensées doivent être brouillées. Siegfried sourit enfin. Bingo. Il s'approche, Ekat soulève la chevelure blonde, de quoi lui accrocher aisément le collier, sans la moindre gêne.
-Je devrais t'avoir plus souvent comme assistante.
Ils se regardent, l'un l'autre,grosse proximité, tout sourire, et hop, dernier cran de serrage, le seuil critique, celui qui manque de tuer Akina à chaque fois.
Aussitôt, il plongera de nouveau dans sa gueule. C'est plus qu'une simple envie : C'est une nécessité impérative. Il explique à sa chose qu'il doit jouir en elle, qu'elle lui fait trop envie, comme à chaque fois. Qu'il veut se purger une première fois pour être un peu plus libre de toute cette luxure qui l'étouffe. Il ordonnera à Ekaterina d'être plus perverse. « Humilie-la », rajoute-t-il. Alors elle n'hésite plus : Elle la fait s'empaler, la fesse, lui crache même dans sa gueule ouverte lorsqu'elle ne suce plus, et osera même – prise dans le feu de l'action – emprisonner la base de la queue de Siegfried pour la branler dans sa bouche.
L'orgasme sera foudroyant. Siegfried perdra conscience quelques secondes, se répandra sur sa langue, dans ses joues, sur son palet par litres. Interdiction d'avaler, parvient-il à murmurer dans sa salvation divine. Kitty n'arrête pas ses mouvements, Akina encaisse tout le foutre, doit tout garder en bouche. Un ange passe. Siegfried parvient à récupérer son âme après un long silence, rouvrant les yeux. Il semble redécouvrir les lieux, et les visages qui l'observent.
-Tu avaleras quand je te le dirais. Quand à toi, tu me prépares son cul pour la suite. Sa chatte... On verra si elle est prête pour ça.
-Tout de suite.
Akina est alors menée sur le siège, y monte, agenouillée. L'autre se met derrière elle pour un échauffement en règle. Siegfried allait s'allumer une clope, quand on frappe à la porte.
Moment de flottement. Il regarde ses deux soumises, et, d'un ton impératif, leur indique qu'elles n'ont pas reçu l'ordre de s'arrête. Il se refroque, et ouvre la porte en grand. L'employé de l'hôtel est stupéfait. Siegfried, lui, fait l'air de rien.
-Oui ?
-... Vous avez demandé une...
-Balvenie, trente ans d'âge, ainsi que des coupelles de votre dessert à la pomegranate dont j'ai totalement zappé le nom.
Du plateau, il lui offre une boîte en bois finement gravée, que Sieg prend avec un grand sourire, puis le plateau est pris, et menée sur une petite table. Fouillant dans sa veste, il lui tend un bon billet. Clin d'oeil. Signe de garder le silence. Et il ferme la porte.
-À nous.
-
Akina est renversée au sol, et il écarte ses jambes pour lui manger la chatte. C'est juste le temps de reprendre ses esprits, être sûr qu'il peut repartir, et la repréparer. Peu importe ce qui coule autour de son cul. Il vire le foutre du doigt, récupère le sang de la langue. La russe se voit ordonnée de chevaucher son visage, ce qu'elle fera, se plaçant au-dessus d'elle. Pas de répit pour Scarlett. La gueule tartinée de foutre, elle doit encore plaquer sa gueule sur de la cyprine, et y mettre de la dévotion.
-Puisque tu vas être ma femme, salope... Tu porteras... mon enfant !
Et, violemment, il pénètre sa matrice. Les deux paumes tenant fermement ses hanches, il la bourre avec
violence. Elle est prête, de toute façon. Quant à Ekaterina, ça ne lui convient pas non plus. Il fait renverser celle-ci en avant, qu'elle soit à quatre pattes, et l'oblige à appuyer fortement son bassin sur Akina. Plus fort, plus fort ! grogne-t-il. Il profite de cette vue pour lui fourrer deux doigts dans la chatte. C'est cadeau. Puis ces deux-même tenteront de prendre son cul, tandis qu'annulaire et auriculaire de la même main retrouve son con. Et il la fesse, de temps en temps, sort d'elle pour l'obliger à étouffer Akina avec sa chatte, la sodomise à trois doigts, claque la métisse, lui fait manger ses doigts, et retourne s'occuper de la belle pute.
Sa sauvagerie, que ce soit celle de son bassin, de ses doigts ou de ses mots, trouve son paroxysme lors d'un putain d'orgasme qu'il s'arrache au prix d'un effort physique surhumain. Il leur ordonne de jouir, à elles aussi, ce qu'elle n'auront aucun mal à faire, l'une après l'autre. Trois morts instantanées.
Pendant un long moment, ce sera le calme plat dans la chambre. Les trois nus (presque, quant à Kitty) gisent au sol. Il trouve la force de se lever en premier. Il a besoin d'une douche, rapide. Lorsqu'il revient, elles sont redressées aussi, un peu groggy. Un besoin urgent de se coucher. Mais il propose ses desserts. Akina est réticente, son estomac étant toujours secoué, avant de penser à ce qui l'attend. Kitty accepte. Tous trois s'assied en rond au sol, Siegfried avec une serviette autour de la taille. Il regarde Akina manger.
... Merde, l'envie le reprend.
Elle savoure la glace du bout des lèvres. Du sperme suinte encore de sa chatte et de son cul, voilà maintenant qu'avec le dessert, c'est sa bouche qui en est remplie. Elle n'ose pas dire un mot, le visage souillé par les divers crachats, le maquillage défait, le rouge de l'effort. On y décèle vraiment que ses grands yeux, doux et sages, qui temps à autre fixent Anton.
Yeux de chienne.
Enfin... Elle ne s'en rend pas compte, sans doute. Mais ce regard innocent est propice à réveiller ses instincts, les plus bas, ceux qui se trouvent dessous la ceinture. Et sous une serviette, assis en tailleur, il est très difficile de masquer son érection naissante. Il rajuste ses cheveux mouillés, soupire.
-Ca te plaît de manger mon foutre, mon amour ?
La question est loin d'être innocente. Il lui sourit, puis se redresse. La serviette montre une bosse qui ne cesse de vouloir s'imposer un peu plus. Il vire donc le tissu-éponge.
-Une dernière fois. Je vous laisse pour les six mois à venir, après ça.
« Oui..ca me plaît...beaucoup. Merci, Mein Herr.»
Oh, on retrouve Akina des toutes premières pages, comme si ce déchaînement de violence l'avait remise à zéro. Elle ressent de nouveau la honte, la culpabilité. Sa conscience tonne, bien sûr. Toutefois, elle continue de manger le foutre mêlé à la glace fondue, jusqu'à la dernière cuillère. Aussitôt, lorsqu'elle constate l'érection, et qu'elle comprend qu'il souhaite remettre ça, elle déglutit.
Elle va mourir.
C'est à son tour, à elle, de péter un câble. Foutue pour foutue, de toute manière. Elle fond sur Ekaterina et l'embrasse, reprend le dessus un court instant. On entend la slave gémir, et se plaindre au moment où Akina la mord violemment. Elle finit par repousser la métisse, énervée en remarquant que sa lèvre saigne.
« Sale garce ? Tu en veux encore ?! »
Oui, Siegfried ne rêve pas. Elles se battent littéralement, à moitié nues. S'empoignent les cheveux, roulent l'une sur l'autre. Ce sont deux tigresses à ses pieds. Par expérience et force, Vodianova remporte rapidement la victoire et présente sa prise à l'allemand, comme un chat ramène le fruit de sa chasse. Elle déniche la ceinture de Siegfried, non loin et alors qu'elle jette Scarlett face contre sol, elle lui octroie deux coups de ceinture dans le dos, du côté de la boucle. La vaincue hurle sa douleur avant de se faire ligoter les poignets aux creux de ses reins. Prise par la tignasse, elle est dressée à genou, face à l'érection de son Maître.
« Je vais t'étouffer avec sa queue. Essaye de le mordre, lui, pétasse. »
La russe la contraint d'une main à ouvrir la mâchoire et bam, elle cogne salement la tête d'Akina contre
le bassin du mâle présent. La queue s'enfonce d'une traite. Et une nouvelle fellation forcée débute.
« Fais. Le. Jouir. » ordonne froidement Kitty tandis qu'elle maîtrise la cadence.
La métisse n'est plus qu'une poupée désincarnée qui se fait ravager la gorge. On pourrait même la croire morte, simple marionnette entre les mains de la slave. Mais elle est bien vivante comme en témoigne son regard de chienne battue dirigé sur Anton. Pressentant la jouissance du professeur, Kitty retire la face de sa protégée et prend l'allemand en bouche pour qu'il se finisse sciemment entre ses lèvres. Coup dur pour Akina à qui on a retiré sa crème favorite. Pas d'inquiétude néanmoins, car Ekat revient lui renverser la tête en arrière et lui commande d'ouvrir encore la bouche. Le spectacle est mis en évidence, Scarlett reçoit sa récompense car Vodianova relâche lentement et doucement une partie du foutre reçu sur la langue tirée de la soumise. La semence coule vers sa gorge. Mais, l'aînée en garde la moitié pour la cracher au sol et plaque soudainement le minois de l'étudiante à terre.
« Lèche. »
Et elle s'exécute en léchant comme une forcenée le plancher, nettoyer le sperme, l'avalant sitôt récolté. Une fois la dernière goutte ingurgitée, la jeune japonaise s'effondre, éreintée. Ekaterina échange une œillade avec Siegfried et ce dernier ira porter sa fiancée au lit où elle trouvera un sommeil de plomb, sans rêves, ni cauchemars. Son corps se remet de cette activité sexuelle intense.
Étrangement, elle est levée la première. Aux petites heures du matin, elle s'extirpe des bras d'Anton et file à la salle de bain sur la pointe des pieds. Là-bas, elle recouvre ses esprits, ses souvenirs de la veille, et ses bras en tremblent franchement alors que l'eau de la douche glisse sur ses courbes. Son cou est marqué d'un ecchymose violacé, comme si on a cherché à la stranguler ; le moindre mouvement de tête lui fait connaître une douleur éphémère. Elle tresse ses cheveux encore humides, et enfile une robe d'été achetée hier, moulante et assez courte qu'elle agrémentera de sandales compensées qui lui font gagner cinq centimètres de plus.
Elle crève de faim, aussi. Un coup d'oeil à l'horloge : 9:00. Parfait, le petit-déjeuner est encore servi. Et elle va se dépêcher. A l'accueil du restaurant, elle annonce le nom de leur suite, et elle sera dirigée vers la table attitrée. Merci – bon appétit, parfait. Elle avale d'abord une immense tartine de confiture aux fruits locaux. Magique. Ca lui remplit le ventre, à défaut du foutre de la veille. Pour boisson, elle choisit un jus de fruit frais, puis change d'avis quand elle apprend que c'est du coco. NON. Elle va vomir, un simple jus d'orange fera l'affaire.
« -Bonjour ! »
C'est Boris. Il est pimpant dans un costume à la tenue décontractée, manches relevées sur les coudes, négligence du port de la cravate, quelques boutons de chemise ouverte. Elle remarque un tatouage qui recouvre son avant-bras gauche, et se demande ce que c'est. Il s'installe, pas gêné.
« Euh....bonjour... » souffle-t-elle.
-Ekaterina n'est pas avec toi ? Demande-t-il dans un anglais approximatif.
-Je vais bien, merci. Corrige Scarlett, avec une petite moue dubitative.
-Oula...qu'est-ce qu'il t'est arrivé ? Fait soudainement le russe en observant la gorge blessée de son interlocutrice.
-Ekaterina ne va pas tarder.
Et elle prie pour avoir raison. Le destin semble être de son côté aujourd'hui, la belle Vodianova apparaît rayonnante aux côtés de Siegfried. A les voir tous les deux, la métisse éprouve un pénible sentiment de jalousie qui va lui étreindre le cœur. Elle repense à hier, sa tête lui fait mal. Pendant qu'ils s'installent, Ekaterina se sent obligée de faire les présentations entre Boris et Anton qui se sont vaguement croisés la veille.
« -Hey, James Bond, lance-t-il vers l'allemand, assortissant le tout d'une bonne poignée de main, bien franche, bien occidentale.
-Nous l'avons rencontré hier, poursuit Kitty, un peu mal à l'aise.
-De vraies croqueuses de diamants, elles avaient des paquets à ne plus en finir, plaisante-t-il.
-Oui bon....s'agace Walker. » En quoi ça le concernait ? Elle dispose de son argent comme elle l'entend.
En fait, le trouble-fête compte bien s'inviter toute la durée du petit déjeuner. Il n'a d'yeux que pour la blonde de son pays, fait peu cas des deux autres si ce n'est pour sortir une petite blague ou une anecdte croustillante sur son métier du policier. La plupart du temps, il parle russe quand il s'adresse à la slave. Siegfried comprendrait sûrement, mais l'américaine est totalement larguée. Entre deux gorgées de café, Vodianova se détend et rit même à certaines calembours du jeune homme. Tout compte fait, quand il lui propose de visiter la ville avec elle, en tête à tête, elle n'a pas le coeur à refuser.
« -Promis, je vous la ramène avant le coucher du Soleil, ici même. » vers le prussien, un large sourire aux lèvres.
Il n'y a plus qu'à espérer que Von Königsberg ne soit pas déçu de passer le reste de la journée seul avec sa protégée. Cette dernière a d'ailleurs pris soin de réclamer l'un des dépliants de l'Office du Tourisme afin de passer en revue les potentiels centres d'intérêts de la Ville. Et il y en existent beaucoup trop, des choix devront être faits. Elle en sélectionne donc trois et ira courir les rues de Bangkok pendue au bras de son amant.
Tout d'abord, ils visitent le Marché aux amulettes, très célèbres pour ses petites étales pressées les unes contre les autres. Ils y flânent parmi les touristes et les bonzes venus chercher des décorations pour leur Temple. Le Marché s'étend à l'extérieur du notoire Wat Mahathat qui est le principal centre d'études bouddhiques de l'Asie du Sud-Est, avec en son cœur une université bouddhique où se forment des moines laotiens, cambodgiens et Vietnamiens. Les pièces présentées que le couple peut admirer, s'apparentent à de véritables bijoux de collection ce qui explique leur prix coûteux. Ils y passent une bonne heure trente, à commenter telle ou telle amulette, à tenter de communiquer avec les vendeurs.
Ensuite, Akina le guide jusqu'à un autre marché, celui de Pahurat en plein coeur de l'agglomération thaïlandaise. Il est situé dans le quartier indien, et transporte les deux occidentaux au sommet de la culture indienne et pakistanaise. Au travers des étoffes colorées et soyeuses, des montagnes d'épices odorantes, ils poursuivent leur ballade : main dans la main. Quelques marchands à la sauvette tenteront bien de leur refiler des babioles Made in China à grands renforts de sourires, de blabla approximatifs, mais seront tous déclinés poliment sous les yeux amusés d'Akina. Cette dernière fait tout de même halte devant un stand de henné où une vieille dame tatoue les mains des passantes en échange d'une modique somme. Elle accueille la belle métisse avec un sourire authentique et lui demande de tendre ses mains sur un petit coussin de soie. La faiseuse de motif avise ensuite Siegfried du regard et commence son ouvrage, utilisant une seringue (propre, on espère) pour injecter la texture végétale sur la peau blanche. Dix minutes plus tard, Scarlett repart avec du coton entre les doigts et sur le dos de la main, car il faut laisser sécher et retirer ensuite la croûte verdâtre de henné pour en dévoiler la rougeur agréable.
Enfin, ils terminent leur journée en sirotant un verre sur une terrasse où un saltimbanque comme il s'en trouve des milliers dans les rues de Bangkok, leur présente son petit singe. Et l'animal se fait un malin plaisir d'escalader les épaules du prussien dont il se lie d'affection pour de courtes minutes.
A l'hôtel, ils retrouvent Ekaterina et Boris qui discutent dans le Hall, en russe évidemment.
« -Je passerai à St-Petersbourg, promet-elle d'une voix douce en relâchant immédiatement la main du policier dès qu'elle aperçoit ses deux amis.
-Que ce ne soit pas trop long, où je serai obligé de venir au Japon te chercher, sourit-il, moqueur avant de saluer les autres. Comme promis, Katyusha en un seul morceau. Prenez soin de ma petite amie. »
Il dépose un baiser sur les lèvres de sa douce, empressé et se dépêche de rejoindre un groupe de russes réunis vers l'accueil. Kitty leur expliquera bien que ce soit d'autres policiers, comme lui, et qu'ils ont organisé ce voyage pour décompresser.
« Eh ben..commente Walker, hyper surprise.
-Non. Non, pas de commentaire. »
Ils se dépêchent de réunir leurs affaires et Siegfried découvrira à quel point, elles ont eu la main lourde sur les achats de la veille. Elles lui font un sourire angélique, comme deux petites filles innocentes à qui on ne doit rien reprocher. Akina aura quand même le culot de demander à ce qu'il puisse porter le surplus. Les deux femmes se changent rapidement, prévoyant qu'à leur arrivée au Japon, le temps automnal serait moins clément que le soleil équatorial. Les jeans sont enfilés à la hâte, les pulls aussi et on fait appeler un taxi pour l'aéroport où l'attente sera indéfiniment longue.
Vodianova profite d'un aller de l'allemand aux toilettes pour questionner sa comparse.
« -Vous allez vous marier ?
-Hein ? Émerge Scarlett, perdue dans la lecture d'un magazine passionnant sur les nouvelles technologies.
-Hier, il a dit que tu allais devenir sa femme, c'est pas le genre de chose qu'on dit sur le coup de l'excitation....
-Et avec Boris ?
-Ca va, j'ai compris. »
En fait, l'étudiante aurait adoré lui raconter la demande en mariage un peu étrange, certes, mais elle préfère qu'Anton se charge de l'officialisation, lui qui aime tellement tout contrôler.
Le retour à Seikusu s'effectue sous la pluie,glaciale en cette presque fin du mois d'Octobre. Les bagages sont chargés dans la vieille Chevrolet Akina les reconduit jusqu'à la maison des Walker.
-
C'était un dimanche, et le téléphone avait sonné au manoir des Hiranuma. Peu réveillé vu l'heure précoce, il s'extrayait difficilement de son sommeil, mais au vu du nom qui apparaissait sur l'écran, il semblait électrisé, tout de suite prêt au service.
-Hiranuma.
-C'est Henriet.
-Sir Henriet... Que puis-je pour vous ? Une urgence ?
Évidemment, crétin, on ne réveille pas les gens à 8h un dimanche pour leur parler de la pluie et du beau temps. Il lui demandait de venir, en personne. Ca ne peut pas être fait au téléphone ? Non, venez. Très bien.
Lorsqu'Hiranuma se pointait dans l'austère demeure londonienne de monsieur et madame Henriet, il était accueilli plutôt froidement. Une lettre lui était tendue.
-Vous m'expliquez pourquoi c'est un coursier qui m'apprend ça plutôt que mon conseil ?
La lettre faisait état d'une impossibilité d'acquisition, quelque chose qu'Hiranuma comprenait sans vouloir comprendre.
-Donc ?
-Il semblerait que quelqu'un bloque notre opération...
-Ca, je sais. Mais vous m'aviez assuré qu'à la fermeture de vendredi, c'était fait, et que le changement de propriétaire serait acté à la réouverture de demain matin.
-Oui, hm... C'est plus compliqué que ça.
-En quoi ?
-Il y a plein de possibilités...
-Ecoutez. Je vous ai confié mes actifs parce qu'on m'a dit que je pouvais vous faire confiance. Tachez de vous en rendre digne.
-Je vais régler cette histoire maintenant.
C'était une erreur de dire ça. Un dimanche, il était peu probable de régler quoique ce soit. Un tour au bureau, une chance que certains avocats travaillent même le jour du Seigneur, dont plusieurs personnes dans son cabinet. Il avait fait lever sa secrétaire exprès. Elle avait pour consigne de trouver d'où ça venait, comment, pourquoi. Le cabinet dudit Coupland, responsable du courrier, ne répondait qu'à partir de 9h. À cette même heure, il n'était pas disponible, il était en repos. En cas d'urgence, il était possible de le trouver aux environs de dix heures près de l'église St Bartholomew the Great. Hiranuma dit qu'il y a sera à 10h, la secrétaire lui rétorque qu'elle transmet instamment.
10h12, sort du lieu de culte un vieil avocat, bonne soixantaine, petit bide mais forme olympique. Il salue son confrère, qui attaque directement avec la lettre.
-Oh. Ca. Et bien... L'acquisition est impossible.
-Pourquoi ?
-Nous avons acquis 5,7 % des parts de l'entreprise de Lord Oakworth. C'est plus qu'il n'en faut pour un veto visant à empêcher le rachat.
Après avoir fait quelques pas dans la cour avant de l'église, il s'assied sur un banc, sous un peuplier perdant ses feuilles, allume une cigarette. L'anglo-nippon reste debout face à lui.
-Mon client est prêt à négocier votre vote.
-Pas le mien.
Ca sentait mauvais. Hiranuma le savait : Il n'était de toute façon pas dans son élément. L'achat de l'entreprise était censé être une formalité. Il savait, il savait qu'il aurait dû refiler le bébé à l'un de ses confrères.
-Dites à votre client que mon client peut proposer le rachat de ses parts avec une marge substantielle.
-Je vous ai dit : Non. Mon client ne veut pas vendre ses parts.
-Attendez... C'est juste pour bloquer l'acquisition ?
L'autre avocat ne dit rien, se contente de fourrer la cigarette dans sa bouche et de lui sourire sous son épaisse moustache grisâtre, dont les pointes jaunissent quelque peu par l'effet de la clope. Les petites lunettes rondes sont rajustées.
-Vous avez l'obligation de transmettre à votre client ma proposition.
-Je sais. Je lui dirais. Et je sais aussi qu'il sera péremptoire à ce sujet.
Hiranuma allait partir, quand, soudain, quelque chose le frappait.
-Vous les avez acheté quand ?
-Lundi.
-Pourquoi je n'ai pas été prévenu en premier ?
-Ce n'était pas nécessaire.
-Tous les actionnaires cédant leurs parts doivent en avertir les co-actionnaires dans les trois jours ouvrés. C'est dans les statuts de la société.
-Il n'y a qu'une personne qui peut se permettre d'éviter les formalités de publicité immédiate, et de reporter celles-ci à un délai discrétionnaire. Il le fera quand il le souhaite.
Lord Oakworth, créateur et principal actionnaire de la société.
Il était 18h quand, enfin, Oakworth pouvait recevoir. Il fallait aller en bordure de Londres pour le trouver dans un manoir fort mal éclairé. Une tempête s'était déclaré.
-Vous buvez ?
-Non, merci.
-Vous faites une erreur. Macallan, 25 ans d'âge. Un cadeau récent.
Le vieux s'en servait un verre avant de s'asseoir dans son fauteuil. Hiranuma était invité à prendre place sur l'autre, à ses côtés, face à la cheminée.
-Vous avez vendu 5,7 % de vos parts ?
-En effet.
-Pourquoi ? Vous étiez d'accord pour l'acquisition globale de vos magasins. Vos parts devaient finir dans les fonds du...
-Je me suis bien renseigné et je n'ai rien fait d'illégal.
-Si. Vous rompez des négociations bien avancées, déjà.
-Faites-moi condamner pour ça. Je n'ai rien signé, uniquement donné des accords de principe.
Et on ne peut pas poursuivre son propre client face à un autre. Il se sentait bloqué.
-Pourquoi... pourquoi avez-vous fait ça ?
-Qu'allez-vous faire de mes magasins ?
-Cela... n'est plus de votre ressort, une fois la vente actée.
-Oui, vous me l'avez déjà dit. Un homme est venu ici. Il m'a demandé quels étaient mes rêves quand j'ai repris l'entreprise à mon père. Il m'a fait réaliser que ce n'est pas parce que je ne suis pas en état de m'en occuper, et que je n'ai personne parmi mes héritiers qui peut la reprendre, que je dois la laisser se faire dépecer par des charognards.
-Sir Henriet n'est pas un charognard.
-Si. Et vous aussi. Mais... pas du même genre. Votre côté japonaise, sans doute. Enfin bref. C'est fini, je ne vends plus. Je vais trouver un successeur. Je lui donnerais les fonds nécessaires pour racheter les parts des autres. Il fera ce qu'il faut, lui.
-Vous n'êtes plus rentable. Vous n'avez pas d'autre choix que de tout abandonner pour qu'on recrée de nouvelles choses, sur des fondations stables.
-Je crois que je préfère me ruiner en tentant de ne pas faire souffrir mes idéaux. Encore moins ceux de mon père. Nous en avons fini, je ne reviendrais pas dessus.
Lendemain, 7h. Comme annoncé, la vente avait été annoncée nulle pour bloquage. Trois appels de Sir Henriet, qui avait mal dormi. Il avait acheté des parts dans une société qui perdait de l'argent, il ne savait pas qu'en faire, et s'il n'y avait pas acquisition, il changerait d'avocat. Mais la secrétaire avait aussi une bonne nouvelle : Elle avait trouvé qui avait acheté les parts ; du moins, elle pensait avoir visé juste. Les fonds provenait d'Allemagne. Un laboratoire pharmaceutique allemand. C'était à n'y rien comprendre. Aussitôt, le japonais pensait que c'était Siegfried qui le torturait, et puis, se disant qu'il était idiot de faire de telles corrélations, il se remettait au travail.
Mauvaise journée. Quatre clients, parmi les plus riches, appelèrent ce jour pour signifier une demande de renégociation de contrat. Hiranuma était mis « en test », cela signifiait qu'il était mis en concurrence par rapport aux autres avocats, qui allaient devoir présenter des clauses plus favorables. Il savait que le déluge n'était pas anodin. Il y avait quelqu'un là-dessus.
Mardi, deux autres firent de même. Ils eurent enfin une réponse dudit laboratoire pharmaceutique allemand, réponse en allemand d'ailleurs : Ils refusent de répondre à leurs questions. Le japonais fait remarquer qu'ils auraient pu répondre en anglais, au moins, ce à quoi un associé fait remarquer « Tu leur as envoyé ton courrier en anglais, après tout, c'est normal qu'ils te répondent dans leur langue. Ce sont des allemands, il ne faut pas se voiler la face. Peuple fier. »
Une septième personne mettait Hiranuma en tant qu'avocat sur la sellette. Il s'empressait de le prendre au téléphone, celui-là, lui demandant pourquoi il faisait ça. L'autre disait que c'était courant, ce à quoi Hiranuma répond qu'il est le septième en deux jours. L'autre balbutie qu'il a « eu des offres plus intéressantes et qu'il est bon de ne pas se reposer sur quelques lauriers ».
-Ce ne serait pas un certain Coupland qui vous a fait des propositions ?
C'était une idée lancée comme ça, au hasard.
Touché.
Il fonçait dans sa Ford pour se faire conduire jusqu'au cabinet Coupland & Landau, occupant les quatrième et cinquième étages d'une tour de bureau à la City. Il débarque furieux dans le bureau du premier.
-Vous débauchez mes clients !?
-Non.
-Non !? Oh que si ! Certains m'ont donné votre nom !
-Oh oh oh. Vous vous méprenez, mon cher. Vous ne venez pas en demandant si je débauche vos clients. Vous venez en demandant si je débauche vos clients parce qu'ils sont vos clients. Comme si c'était personnel. Ce à quoi je répond : Non. Vous voyez, nos activités comprennent la gestion de patrimoine, et il est intéressant de relancer notre carnet clientèle. Nos atouts sont nombreux. Je suppose qu'ils sont intelligents et savent ce qu'ils font.
-C'est illégal !
L'autre perd son sourire avenant, et se penche sur son bureau.
-Ecoutez, jeune poussin. Je fais ce travail depuis plus de trente ans. Jamais je n'ai été en-dehors des clous. J'ai toujours rempli mes obligations dans la plus grande déontologie, et ce n'est pas un gamin sans envergure ni talent dans l'exercice de la loi qui me fera la leçon. Portez encore une fois une accusation envers moi, et nous reparlerons de cela devant des personnes plus compétentes. Sortez.
Il ne sortait pas, restait planté là, presque abasourdi, sa rage ne se taisant pas.
-Il y a quelqu'un derrière tout cela, qui vous donne des directives, je le sais.
-Et maintenant, vous accusez mes clients. Je ne tolérerai pas un mot de plus de votre part. J'appelle la sécurité si vous ne vous en allez pas.
-Le feu était ?
-Vert pour nous.
Gros sac de glace sur la tête. Hiranuma, au poste de police, déposait sa plainte contre la voiture qui lui était rentrée dedans. Il avait un peu de sang sur son costume : Son oreille droite avait morflé. Un flic passait dans le bureau déposer quelques papiers.
-Dites, ils sont en cellule ?
-Qui ça ? Ceux qui vous sont rentrés dedans ? Ah... Non, pas possible. Voiture diplomatique. L'ambassade allemande.
En entendant la nationalité, Hiranuma se sentait toute vie quitter son corps. Le policier dans son bureau a dû s'en apercevoir, puisqu'il tente de le rassurer immédiatement.
-Non mais ne vous inquiétez pas, généralement les allemands n'hésitent pas à faire un petit chèque de dédommagement. Ils sont conciliants, vous devriez leur faire confiance, nous avons de bonnes relations avec eux.
Skype sonnait. C'était rare, chez Siegfried, vu le peu de contacts qu'il avait. Et pourtant.
-Vous voulez que je vous laisse, Mein Herr ?
-Non, tu peux rester, ça te concerne. Salut, Coupland.
-Bonjour, von Königsberg.
-C'est le soir chez nous. Alors, vous venez me donner des nouvelles de notre client ?
-Il semblerait qu'il ait eu un accident, hier. Vous êtes au courant ?
-Du tout. C'est grave ?
-Apparemment non.
-Bon... Tant mieux. Alors, sa clientèle, dites-moi tout.
Jamais il ne sera mentionné le nom d'Hiranuma, mais Akina pourra peut-être s'en douter. Kitty, passant derrière, abandonne une petite assiette avec quelques gâteaux et un café à Sieg, faisant de même pour Aki. Elle s'enquiert du sujet de la conversation auprès d'Akina, celle-ci répondant que l'interlocuteur était un avocat, anglais au vue de l'accent, et qu'elle n'en savait pas plus. Mensonge ou pas, peu importe. En tant cas, Siegfried semblait très content de tout ce qui se disait.
PC éteint. On verra le travail plus tard.
-On mange quoi ce soir ?
-Aucune idée. Il y a des restes à faire chauffer. Peut-être reste-t-il quelques légumes au frais...
-Commandez ce que vous voulez. Chinois, indien. Je paie. Akina, je suis libre à partir de 15h30 demain. J'aimerais qu'on aille trouver une bague, si tu peux.
Il prétendait ensuite aller se dégourdir les jambes dehors. Il serait de retour dans un petit quart d'heure. Il laisse quelques billets, au cas où.
De plus en plus, marcher seul dans la rue le soir lui semblait plaisant. C'était typiquement son genre d'occupation après une dure journée de travail, à Berlin.
Sa vie lui apparaissait comme de moins en moins étrange. Et c'est en cela qu'il la trouvait plus étrange encore.
-
Elle ne sait plus trop pourquoi elle a acheté des fleurs. En souvenir du bon vieux temps sans doute, passé au Ranch quand Jack apprenait à Akina comment tirer au 22 Long Rifle dans l'immensité du désert texan, sous l'oeil avisé du vieux Abraham. A ce dernier, on avait fait comprendre que la bâtarde était sa seule descendance pour le moment, qu'il fallait faire avec. Elle est protestante au moins ? Avait été sa seule question. Trois garçons vigoureux, pour en arriver à une unique petite fille. C'était à en pleurer. Oui, Scarlett souhaite rendre hommage à ce père-là, fils de la patrie américaine, époux épris et soldat irréprochable ou presque.
L'hôpital l'a personnellement contacté pour lui signifier le réveil du paternel. Bien sûr, elle a préféré conserver l'exclusivité et ne pas en toucher mot à Siegfried, de peur qu'il réagisse mal, ou bien. Toutefois, le comité d'accueil devant la chambre du patient se montre à la hauteur. Deux soldats de l'armée américaine encadrent la porte et osent même exiger l'identité de la jeune femme.
« -Akina Walker....soupire-t-elle, mécontente en tendant un passeport américain.
-Excusez-nous, Miss Walker, mais le protocole....
-Ouais, ouais.. »
Elle les bouscule un peu pour entrer dans la pièce. Loin d'être intimidée par un uniforme qu'elle a côtoyé depuis sa naissance, elle impose sa présence avant de la regretter. Au chevet du blessé, elle reconnaît vaguement John et James Walker, respectivement le cadet et la benjamin de la portée texane. Le premier en uniforme de cérémonie, galonné jusqu'aux yeux, le second en simple treillis et une cigarette au bec malgré l'interdiction expresse mentionnée par un panneau indicateur. A la différence de leur aîné, ils ont tous les deux hérité de la blondeur de leur mère, Scarlett Walker. Le premier est veuf, femme assassinée dans une sordide affaire de moeurs. Le second, on ne sait pas trop. Il approche de la quarantaine et ne semble pas vouloir s'engager autrement que pour son pays.
« -Aki ?
-Oncle John, salut. Que...
-On a été prévenu par le commandement de la base. On a pas pu venir plus tôt désolé, mais pourquoi tu nous as rien dit putain ?!
-Je...je comptais le faire....balbutie-t-elle, soudainement paniquée.
-Quatre semaines après, bordel....renâcle James en tirant une bonne taffe sur sa clope. Il a bien morflé le frérot. T'as vu l'enculé qui lui a fait ça ? »
Okay Akina, respire. Par le nez, voilà Souris maintenant, fais l'innocente, tu es la gentille petite nièce. Merde.
« -Arrêtez d'emmerder ma fille, les gars. Je vais bien.
-Papa....sourit-elle, un peu gênée alors qu'elle avise son chevet où elle dépose les fleurs.
-Merci pour les roses, dit-il d'un ton un peu bourru, les médicaments sûrement dont on le gave à longueur de journée par perfusion.
-C'est rien....comment te sens-tu ?
-Ca va, le toubib a dit que je serai dehors demain.
-Il est réaffecté en Irak, précise John, la casquette sous le bras, très sérieux.
-Quoi ?
-Je pars pour Diego Garcia dans deux jours oui.
-Ah...c'est soudain.... »
Puis, elle n'entend plus le reste. Les trois frères échangent quelques mots, des banalités sans doute ou des choses importantes. Elle demeure scotchée dans ses souvenirs d'enfance, quand sa mère restait auprès d'elle durant les longues missions du père. A ce jour d'anniversaire où papa était revenu dans un paquet cadeau exprès pour fêter ce jour spécial avec sa progéniture adorée. Mais aujourd'hui, le meilleur cadeau qu'il peut lui faire est de partir, loin vers des terrains inconnus et dangereux d'où il ne reviendrait peut-être jamais.
« -La Police va retrouver cet enfoiré, brotha, t'inquiète pas, rappelle James après avoir jeté son mégot dans le vase de fleurs rempli d'eau. Enfin, pas la Police niak, tu vois. La nôtre.
-C'est pas nécessaire, mec. Je l'ai eu je te dis, insiste Jack un brin irrité. Alors, ferme-là, okay. Eh bien, gamine, tu racontes quoi ? Il a dû s'en passer des choses durant ma convalescence.
-Oui..
-Ton boche va bien ? »
Étonnant comme question. Elle hoche vivement la tête, toute émue.
« -Oui...nous allons nous marier....
-Quoi ?! Putain l'emmerdeur de première, il aurait pu me demander avant.
-Tu vas te marier, petite ? S'étonne James, un sourire moqueur en coin.
-Ouais....je vous en ai parlé l'été dernier nan ? Elle est avec un boche, il a fait l'armée aussi.
-Laquelle ? Demande John, dubitatif.
-Aucune idée, bordel.
-On vient d'arriver, on peut pioncer chez toi ? Ils ont plus de place à la base.
-Non ! »
Oups.
« -Non, je veux dire il y a eu une fuite...inondation. Mais je connais un super hôtel.
-Aki, putain fais un effort, s'agace le père en fronçant les sourcils. »
Un petit coup d'oeil à sa montre, 15:15. Elle a rendez-vous à 35 au quartier marchand de Seikusu, dans la galerie des joailliers pour cette histoire de bague. Et vu le temps qu'il faudra pour braver les embouteillages, elle est déjà en retard. D'où la nécessité d'expédier le dossier rapidement :
« -D'accord, d'accord, venez à...19:00, mais pas avant. Kitty vous accueillera, si elle est là.
-Kitty ?
-Laisse, c'est une copine. Pas de connerie avec elle James, avertit Jack.
-Hm.
-James, putain
-Okay, okay, je le jure sur la tête de maman. »
Elle embrasse son père sur la joue, ses oncles lui baiseront tendrement le front et elle se précipite en courant vers la sortie sous la demande des infirmières de ne pas courir dans les couloirs. Trop tard, elle grimpe dans sa vieille Chevrolet qui hésite à démarrer. Merde, merde, fais un effort, supplie-t-elle au moment où le moteur se met enfin à rugir. Marche arrière, manœuvre faite à l'arrache et la voilà qui file en excès de vitesse sur les grands axes de la ville. Sortant de ses cours du matin, elle n'a pas eu le temps de se changer et a même conservé sa blouse blanche ayant omis de la quitter. Dessous, elle traîne un un jean sombre, moulant, et un pull à col roulé, sans parler de sa petite culotte Hello Kitty et de son soutien-gorge rose fluo. Elle espère franchement que Siegfried lui pardonnera cet aspect trop casual pour le choix d'une bague de fiançailles. Au moins, elle aura fait l'effort d'un maquillage qui met ses traits occidentaux en valeur et d'un chignon bien attaché.
Elle déniche une place royale au sein d'un parking souterrain un peu miteux, entre une voiture tunée et une petite citadine. Elle éteint le moteur et vérifie l'heure. 15:31. Elle s'octroie encore quelques secondes pour poser le front contre le volant et soupirer. Soudain, elle retire les clefs du contact et prend une grande inspiration. Elle contrôle sa figure face au miroir de courtoisie, troublée. Le sac à main est rattrapé, la blouse retirée et elle s'élance.
Il est là. Elle a deux minutes d retard. Deux minutes, c'est largement suffisant pour allumer une cigarette et la fumer en toute nervosité. Dès qu'elle l'aperçoit, la belle métisse accélère le pas, jusqu'au trot et se jette dans les bras de son Maître sans se soucier qu'il puisse être déséquilibré. Elle l'embrasse à en perdre le souffle, faisant fi du goût de nicotine. L'amour, sûrement. L'insouciance, peut-être.
La minute d'après, ils visitent une première bijouterie. La seule en fait, car ni lui, ni elle ne se montrent véritablement à l'aise. Malgré la joie, le bonheur qui illumine les grands yeux d'Akina, la bague ne sera pas choisie durant de longues heures de tergiversation. La bijoutière leur propose plusieurs modèles, s'évertue à vanter les qualités d'un style sobre, apprécié de la jeunesse. Première bague. Non. Deuxième non plus Troisième, ça ne va pas.
« -Je crains que nous avions fait le tour....se catastrophe la vendeuse, une fois le catalogue passé en revue.
-Et bien.... »
Ils s'apprêtent à sortir, sans doute en espérant contracter meilleure chance auprès d'une autre boutique quand le regard d'Akina tombe sur des bijoux de seconde main, présentés dans un coin d'ombre à l'arrière de la vitrine. Sur un écrin de velours vieilli, elle remarque la brillance d'un anneau d'or blanc serti d'une pierre rougeâtre, un rubis poli. Ancien style.
« -Celle-là.
-Mais Mademoiselle, c'est un bijou qui date de plusieurs dizaines de décennies. Il fait partie des bijoux anciens, ce n'est....
-Je veux celle-là, insiste clairement Scarlett.
-1930, style Art Deco....mais le prix.... »
A voir avec Siegfried. La bijoutière commence à justifier le prix coûteux. Le rubis est pur, il est serti de diamants et l'or blanc est authentique. C'est une bague ayant appartenu à la femme d'un riche industriel allemand des années 30 qui avait fait affaire au Japon. Ca suffit. C'est bon, il paiera, mais qu'Akina la porte tout de suite, puisqu'elle l'a tant désirée. Quand ils quittent enfin le magasin, il s'est mis à pleuvoir. La moitié d'américaine escorte Siegfried jusqu'à la Chevrolet et lui annonce la couleur. Ses oncles sont de passage, il va falloir serrer les dents. Toutefois, elle promet qu'ils ne créeront aucun problème, mais la famille c'est sacrée chez les Walker.
17:30, enfin à la maison. Kitty est absente, elle a encore laissé un mot. Une audition l'attend dans un club de Jazz afin d'être interprète de quelques chansons trois soirs par semaine. Heureusement, le ménage est fait, et la baraque impeccable. Seulement, il va falloir contenter le ventre des américains. Elle s'essaie péniblement à la recette d'un gratin et d'une dinde farcie. Thanksgiving approche à grand pas après tout. Les ingrédients sont là, mais pas le talent hélas. Elle jure, s'essouffle et finit par abandonner préférant expliquer à Anton le caractère des deux hommes. Elle a davantage connu John, un type bien avant la disparition de son aimée. Le chagrin l'a brisé, et contrairement à Jack, il a noyé sa peine dans le travail et la politique. Pur républicain. James, lui, est un peu le sauvageon de la famille. Abraham a fondé de grands espoirs pour que le benjamin reprenne les affaires familiales. Seulement, James est un têtu, il aime faire la guerre. Certaines mauvaises langues diront qu'il aime surtout côtoyer des hommes, malgré son succès auprès de la gente féminine. Ah, il a fait un peu de prison aussi. Toutefois, elle n'a jamais su pourquoi.
Parler l'a requinqué, et elle se remet à dépecer la volaille, un sourire aux lèvres.
« - James a peur de mon père. John est plutôt solitaire, mais c'est le plus raisonnable des trois. Ils risquent de vous provoquer un peu, mais ne prenez rien au pied de la lettre, surtout s'ils boivent »
Elle arrête, passe le revers de sa main sur son front en sueur, dégageant plusieurs mèches et se remet au travail en découpant les légumes pour l'accompagnement.
« Je leur préparerai l'ancienne chambre d'amis. Elle est condamnée depuis le départ de ma mère, mon père y a enfermé tous les souvenirs qu'il n'a pas eu la force de détruire. La clef doit être quelque part. »
Et elle termine sa tâche en fredonnant un air, songeuse. Et plutôt optimiste.
James Walker ne connaît pas l'utilité d'une sonnette. Il annonce leur arrivée à grands coups de poing dans la porte. La nièce, qui avait profité d'un moment d'accalmie pour offrir une fellation dévouée à son Maître, agenouillée entre ses jambes, son collier de cuir lui cintrant la gorge et les cheveux défaits par une poigne impitoyable est obligée de s'arrêter net. Elle se dégage manu militari de la pression qu'il exerce sur son crâne, rajuste le pull qu'il a relevé pour dévoiler sa poitrine et attrape une étole afin de couvrir son collier de chienne. Elle se frustre de ne pas savoir goûter à la jouissance de son fiancé, elle qui a prévu le coup pour le remercier de la bague.
« Désolée, Mein Herr. Ils...ils seraient capables de... »
Bam. La porte, qui heureusement était déverrouillée, douille sous le coup de pied de James.
« Forcer l'entrée. »
« -C'est comme ça qu'on accueille son tonton, gamine ! » crie-t-il en remontant le couloir jusqu'au salon où le couple se trouve.
« -Calme-toi James, modère son aîné alors qu'il dépose leur bagage à l'entrée du salon.
-Je suis calme, OKAY ? Alors, il est où mon futur beau-neveu ? J'ai apporté du whiskey pour fêter ça ! Putain, on est en territoire américain ici! J'allais pas apporter du saké de merde.»
-
Le prix énoncé est exorbitant, atteint presque le million. Un million ; c'est précisément ce que Siegfried a pris en liquide. Ca évite les formalités relatives aux autres moyens de paiements. La vendeuse est ravie de voir les billets : Comptabilité direct, pourvu qu'ils soient vrais.
Dans ses poches intérieures de veste, deux liasses, cent billets avec la face d'Ichiyo Higuchi dessus. Le premier paquet est posé directement sur le comptoir ; quant à l'autre, il faut compter minutieusement les billets de 5000 un à un jusqu'aux prix exact.
Il allait balancer un « gardez la monnaie », bon prince, avant de faire preuve de son légendaire pragmatisme : Il se retrouve avec une cargaison de billets de 5000 à écouler. Non, finalement, je veux bien la monnaie, c'est moins suspect à écouler.
Il aura été distant, presque froid pendant toute l'inspection. Pas de quoi décourager Akina d'avoir fait son choix. Tout cela est trop... étrange, pour lui. Et étranger, aussi. Pas un monde qu'il connaît, non... Et pas un monde qu'il souhaiterait connaître. L'achat de bijou a une fonction matérielle habituellement, et n'a rien à voir avec un engagement prétendument sacré.
Il lui fallait s'arrêter sous un porche, en fait, le toit de tissu déployé pour couvrir les étalages du fleuriste de la pluie. C'était nécessaire à l'allemand, impératif, et immédiat ; d'une main, il saisissait Scarlett, et la stoppait net.
-Écoute.
Le genre de « écoute » qui ne sent pas bon. D'autant qu'il n'a pas l'air de rayonner, le boche. Tout chafouin, il peine à trouver ses mots. On sent un effort considérable pour parvenir à matérialiser oralement sa réflexion confuse. Lui-même n'est pas sûr de ce qu'il veut exprimer.
-Je suis désolé, d'accord ?
Pourquoi « d'accord » ? Est-ce nécessaire lorsque l'on s'excuse ? Niveau rhétorique, on repassera. Il s'exprime comme un enfant ; cent balais, et il doit reprendre des cours d'expression.
-Je t'ai manipulé, c'est tout. Je veux dire... Bien sûr que je voulais te sauter depuis le début.
Bon, ça, c'était au cas où elle ne s'en doutait pas, qu'elle pensait encore que l'allemand avait des pensées pures.
-Je veux dire, oui, j'ai voulu faire le chevalier servant, j'étais sincère quand je disais que je voulais te tirer des griffes de ton père, dès que je t'ai vu. Et j'ai fait ça sans but. Mais ça n'empêchait pas que je voulais te baiser depuis la première seconde. Je suis comme ça.
Un passant, nippon, fera les gros yeux et baissera la tête en les contournant. Il a entendu distinctement « I wanted to fuck you », et il est choqué. Putain d'occidentaux. Siegfried le remarque, bien entendu : Son regard est fuyant, il fait tout pour ne pas rester ancré dans celui d'Akina, alors il parcourt nerveusement les alentours entre deux oeillades qui lui sont adressées, capte des tas de détails, parce que son cerveau tourne à plein régime dans les moments de stress, merci les hormones SS, et c'est aussi pour ça qu'il n'arrive pas à parler normalement : Son corps est en situation de combat.
-Et je suis désolé de t'avoir... transformé... en une esclave sexuelle... C'est pitoyable de ma part. J'ai profité de ta détresse, de ton besoin, de mon aura. Je ne sais faire que ça. Je le fais tout le temps. Je ne suis pas humain, d'accord ?... Je suis une création. Je devrais être mort, comme tous les autres.
On leur demande d'aller plus loin pour discuter, s'ils ne veulent pas acheter. Siegfried va se coller contre le mur, à peine protégé de la pluie, à deux mètres de là.
-Ecoute, je te dis tout ça parce qu'un jour tu seras malheureuse. C'est immuable. Tu te rendras compte de tout ça, tu me haïras pour ce que j'ai fait. Je suis désolé d'avance. Vraiment. Essaie de ne pas trop m'en vouloir. Souviens-toi ce jour-là que c'est ma nature.
Plissant les yeux, il lève son visage au ciel. Les gouttes frappe son front, ses joues, ses paupières. Il la fera taire avant qu'elle ne parle de nouveau.
-Il y a quelque chose que je ne pardonne pas, c'est la superficialité. Je veux dire... Je suis superficiel aussi. Mais j'ai été élevé dans une sobriété presque... ascétique ? Au final, je t'ai cassé tous tes petits rêves de princesse. Les gamines de ton âge veulent qu'un homme les aiment, leurs tiennent la main dans la rue, leur offre des cadeaux simples, qui viennent du cœur... elles veulent quelqu'un de leur âge, elles veulent... je ne sais pas, du sexe normal, elles veulent des demandes en mariage solennelles... Elles veulent être tranquilles, paisibles... Elles veulent tutoyer leur petit ami, je suppose, aussi. Et non seulement je n'ai pas eu de scrupules à t'enlever ces choses, mais en plus, je ne crois pas... pouvoir... te les donner. Enfin... Je ne me comprendrais pas. Tu vois.
Il voudrait parler allemand, pour éviter d'avoir à brider son langage par la traduction. Si son anglais est parfait, c'est parce que ses mots sont choisis. Mais il sent que tout n'arrive pas à l'oreille d'Akina de la façon qu'il voudrait le dire, et c'est une véritable douleur.
-Donne-la moi, donne moi ça.
Il lui prendra la main pour enlever soigneusement la bague. Elle prend peur – c'est naturel. Lorsqu'il s'éloigne du mur, il se rend compte que la pluie tombe plus dru à l'écart. Elle s'est intensifiée. Le béton au sol porte cette fine couche humide qui soulève des brumes épaisses lorsque les voitures passent. Sur l'avenue, face au centre commercial où se sont massés sous les colonnes de nombreuses personnes, il attend avant de traverser la rue. Se ravise, se précipite vers le fleuriste qui les a gentiment rabroué auparavant. Il sort de la liasse bien ordonnée dans sa poche un billet, qu'il tend. Gardez la monnaie. Point d'ikebana sur l'échantillon choisi : Simplement un assemblage de fleurs, à deux teintes dominantes, rouges et blanches, avec quelques discrètes nuances. Il le tend alors à Akina, puis retourne sur son bord de trottoir, sous la pluie. Il laisse passer une voiture beige, et s'engouffre sur l'asphalte. Traverse-t-il ? Non. Il s'arrête en plein milieu de la voies, et se retourne vers elle. Le genou est posé (à regret, propret qu'il est) sur le bitume trempé ; Lanneau est levé, bien haut, de sorte qu'elle y engouffre son doigt si l'envie lui en prend ; la voix est haussée, et muée en japonais.
-Je suis la pire personne que tu n'aies jamais connu de ta vie. Tu veux m'épouser ?
Deux étudiantes passent en uniforme. Département littérature, elles n'ont jamais vu Siegfried de leurs vies, le jeu des répartitions des spécialités dans les ailes sans doute. Elles s'arrêtent, remarquent devant quoi elles passent. Des dizaines d'yeux rivés sur une demande en mariage sous la pluie, un mois frais d'octobre. Et l'une d'elle de remarquer Akina, sur le trottoir, à quelques mètres de son prétendant.
-Si vous dites non, j'accepte de prendre votre place.
-Je te dois une autre confession, au fait.
Il la regardait cuisiner en souriant, mangeant gâteau de riz en pot d'aluminium, assis sur le plan de travail.
-Tu dois savoir comment j'ai payé ta bague. Et pourquoi je t'ai emmené en Thaïlande. Hm... En 1931 dorment dans la réserve d'une galerie de Prague trois tableaux non-identifiés. Du temps où les allemands étaient encore amis avec leurs voisins. Bref. Un expert allemand passe par-là, il fait le tour de ce qu'il pourrait acheter pour ramener à Düsseldorf, et il voit ces tableaux. Il achète pour une misère. De retour chez lui, il expose gaiement ces trois œuvres, non-signées mais identifiées comme étant des originales de Horst Liopold, romantique autrichien dont presque tout le travail a disparu. Il ne nous reste, encore aujourd'hui, que 20% de ses tableaux : Les 80 autres sont des croquis préparatoires ou observatoires, réalisés après, donc, et on attend patiemment d'en retrouver les peintures. Bref.
Il prend une gorgée de jus de pomme, et enchaîne dans son histoire, visiblement amusé.
-Bon, tu t'y attends peut-être : Les trois tableaux sont saisis en 35. L'expert qui a exposé était juif, bête pour lui. On rafle tout, et on questionne au passage. Le juif dit l'avoir acheté à Prague, et il dit que le praguois dit les avoir acquis avec des dizaines d'autres tableaux d'auteurs inconnus à un négociant norvégien, lui-même disant l'avoir acquis de bourgeois russes qui vendaient leurs biens dans les années 20. Impossible de remonter plus loin, dit le juif. On se demande ce que foutent les œuvres de Liopold en Russie, sachant qu'il n'a passé sa vie entre Wiesbaden et Strassburg. Bref, peu importe ces considérations. Les tableaux finissent dans un coffre, un gradé ou un fonctionnaire passe par là, ratisse, entrepose. Il meurt, un autre prend tout. Ca fini dans un coffre du Reich. Je sais où était ce coffre, vu que l'Anhenerbe auquel j'appartenais en a eu temporairement la garde, à but d'inspection des nombreuses pièces qui s'y trouvaient. J'ai tout pris à mon tour, j'ai mis de côté, sous bonne garde, entretenu. En Thaïlande, un type m'a acheté les trois pièces de Liopold 160 000 euros le tout. En euro, oui. Plus avantageux que le dollar pour lui, et pour moi aussi, ça tombe bien. Je t'expliquerai un de ces quatre les joies des divergences entre valeurs monétaires. Oublie tout ça. J'ai renfloué mes comptes pour les mois à venir.
Il murmure en s'éloignant qu'il savait que ce n'était pas moral, mais il s'en fichait. Il n'y a plus de propriétaire, autant que ça serve à quelqu'un. Ca paie le sang versé, la vie brisé, la famille déchirée. Ca paie pour le bonheur d'Akina, de Kitty aussi, mais surtout d'Akina ; et rien d'autre ne compte.
Vous voulez crisper Siegfried ? Bon. Prétendez être communiste. Pourquoi pas, bonne idée. On peut insulter l'Allemagne aussi, souligner sa décadence, sa défaite, accumuler les clichés sur la bière et les saucisses. Ah, ça marche bien, les saucisses.
Et lui interrompre ses petits plaisirs.
Voir Akina se dégager lui donnait des envies de violence soudaine, alors qu'il était si calme depuis qu'ils étaient rentrés. Il se refroquait nerveusement, et se rasseyait aussitôt. Pas envie. Gamin boudeur à qui on a pris la sucette – pour de vrai. Hmf. Il reste renfrogné un moment, avant de descendre. Il faut se forcer à être sympathique, souriant, avenant. Il se l'est promis : Il paraîtra être l'époux I-DE-AL.
-Bonsoir. Siegfried.
Une main tendue à chacun, le regard à peine soutenu. Oui bon ben c'est foiré, il va faire la gueule. Déjà que se taper deux Jack mais en pas pareil, donc en moins gérables, c'était pas cool, mais si en plus il devait supporter sa frustration sexuelle par-dessus... C'était tendu. Il n'a pas envie de les voir, en plus. Il voudrait balancer cash le crime commis par Jack, rajouter que c'est lui qui lui a pété la gueule, et voir le mélange détonnant que ça ferait. Cette idée le fait se bidonner – intérieurement, uniquement.
Akina fait remarquer la bouteille. Siegfried hausse un sourcil, tend la main, avec un « j'peux voir ? » dans l'expression. Ni cher, ni trop bon marché. Approuvé.
-Vous savez me parler.
Ils les font s'installer dans le salon. Tiens, y a pas de télé ?... Pourtant, ce grand emplacement devant les fauteuils... Ah, non, fait remarquer Siegfried. Elle a explosé. Camelote jap', fabriquée en Chine de surcroît, rien à en tirer. Il connaît le genre de discours qu'ils veulent entendre. Ils allaient chercher à connaître le fiancé, lui poser des questions, tout ça, mais lorsqu'Akina propose de manger maintenant, et qu'elle s'éloigne vers la cuisine, il ne peut s'empêcher de la suivre. Trois verres à whisky sont posés sur la la table basse qu'il a ramené de chez lui (vu qu'il a brisé l'ancienne avec le corps de Jack), leur demande de se servir, leur dit qu'il arrive dès qu'il peut.
Hop, dans la cuisine.
-Vous m'aid...
Non. Il lui fait poser autoritairement le plat qu'elle vient de sortir du four, coupe l'appareil. Akina est saisie par les cheveux, mise à terre, la tête contre le meuble. Il sort immédiatement sa queue, qui n'a visiblement pas fini de débander.
-J'aurais dû t'empêcher de t'arrêter tout à l'heure. Ils auraient vu la salope que tu étais, aurait probablement demandé leur part. Je leur aurais obligé à regarder sans te toucher. Peut-être se serait-ils branlés. Je m'en fous. La prochaine fois que tu arrêtes sans demander la permission comme une gentille chienne, je te punis, et ce devant eux. Rattrape-toi. Si tu es trop longue, c'est sous leurs yeux que tu en subiras les conséquences, sale traînée.
Et elle ne se fait pas prier pour prendre sa queue en bouche : Elle n'a pas le choix. Pas le temps pour une protestation, « oui mais ils pourraient entrer », « on n'a pas le temps », « ils vont se douter de quelque chose » « ils vont vous tuer ! » Non, la ferme, mange, pute avide, jusqu'à la garde, rien à battre, sinon son visage, martelé de coups de bassin entre deux séances de gentil suçage, enfin, gentil n'est pas le terme, vu l'ardeur avec laquelle elle s'applique à bouffer sa queue, on parle plutôt de sauvage pipe, elle en mouille, presque à jouir, et lui se permet tranquillement, appuyé sur le plan de travail, de saisir une fourchette propre pour goûter le gratin, dans un coin, le délit discrètement recouvert en rabattant doucement le fromage fondu par-dessus le petit trou créé. Il inspire, expire pour éliminer la chaleur qui envahit sa bouche.
-Sois une bonne épouse et dépêche-toi d'avaler mon foutre.
-Jack nous a dit que tu avais servi ?
-Oui. Armée allemande. Je lui ai dit que j'avais été un marine, mais j'ai menti pour éviter qu'il me colle une balle.
Gros blanc. Akina regarde ses deux oncles, sentant l'orage arriver.
-Il a fait ça pour me protéger. An... Siegfried, tu ne devrais pas dire ça...
-Pourquoi pas ? Au moins, eux ne vont pas t'en coller une si tu dis un mot de travers.
Le repas commençait très, très mal.
-Vous connaissez le KSK ?
-Non.
-Les forces spéciales allemandes. J'ai servi dans un équivalent, avant sa création.
-Jack est au courant que t'as rien d'américain ?
-Oui et non. Mais j'en reparlerai sérieusement avec lui quand on se reverra. Je lui dirais tout ce qu'il doit savoir. C'est une affaire entre lui et moi. Quant à Akina, elle sait prendre ses propres responsabilités.
L'un allait relancer la chose, l'autre le coupe sans s'en rendre compte.
-Forces spéciales, tu dis ?
-Kommando, oui. Maintenant je suis avocat, et professeur.
-T'as connu Akina à l'université ?
Oui. C'était un peu avant que Jack ne la viole, quand il en était encore au stade de la frapper et d'abuser moralement d'elle.
-J'étais de remplacement pour un examen. Un oral. On s'est revu en-dehors de mes attributions.
-T'es plus vieux qu'elle.
-C'est elle que ça peut déranger, pas moi.
-Tu m'étonnes. T'es sûr que t'as pas déjà une femme qui t'attend dans ton pays ?
Bordel. Ils ressemblent à Jack. Ca l'obsède. Il voudrait leur casser la gueule, pour le plaisir de revivre ce moment de folie pure.
-J'en avais une.
-Elle est partie avec un américain, et tu t'venges, c'est ça ?
-Tuée par des criminels.
Gros blanc, encore.
-Que ce soit clair, je ne suis pas ici pour qu'on me fasse la leçon. J'ai tout fait pour aider et Akina, et Jack. Je voulais qu'ils s'en sortent l'un et l'autre. Et vous ne savez pas ce que j'ai fait pour eux. Et je continuerai. Mais je suis pas autour de cette table pour qu'on me les brise. Parlons d'autre chose que de moi, si vous permettez. Comment va votre frère ?
Bon, la réaction est un peu disproportionnée vu le reste de la conversation, mais au moins les choses étaient dites. Il croit entendre Kitty rentrer. Il se lève pour aller l'accueillir. Il doit lui parler quelques secondes, de toute façon, avant qu'elle n'approche des deux molosses.
-
Les révélations de l'ancien SS ont manqué de lui miner le moral pour le restant de sa vie. En réalité, davantage que la décourager, il l'avait renvoyé au plus grand paradoxe de leur relation. Lui vivrait éternelle, du moins s'il poursuivait le traitement contre-nature, mais pour elle, le temps serait impitoyable : il ravirait sa beauté, puis son physique, puis son mental. Combien d'années avant qu Siegfried ne soit l'époux d'une vieille femme sans avenir ? La pensée lui fout le cafard. Ca ne l'empêchera néanmoins pas de fondre en larmes sur le trottoir face à la demande officielle. Parce qu'elle est amoureuse, qu'au final, elle lui pardonne de l'avoir manipulée puisqu'au fond, c'est ce qu'elle a toujours recherché : son attention. Il est tellement adorable lorsqu'il se montre démuni, et elle aurait souhaité l'aider à parler, mais la requête a tout bousculé. Son « oui » a résonné sous la pluie battante.
En fait, elle aurait compris qu'il ne servait à rien de penser que le Madame devant son prénom changerait quoique soit à sa position dans leur couple. Le sperme est bien passé dans sa gorge brutalisée, et elle a fait de gros efforts pour ne pas gémir ou geindre sa peine. Jusqu'à la garde, c'est cruel et le plan de travail est un traquenard impitoyable. Durant les coups de butoir donnés dans sa bouche, elle a prié pour que ses oncles restent tranquillement attablés. Par chance, ils sont dos à la cuisine américaine et ne semblent pas remarquer l'agitation des futurs mariés. Une fois qu'elle a tout avalé, il l'abandonne pour s'en retourner et elle demeure agenouillée contre le meuble, à reprendre son souffle.
Pendant qu'ils parlent, elle dresse la table, manque de faire renverser les verres au moment où la conversation prend des tournants dangereux.
« - Putain, t'es un connard toi, lâche James en direction du prussien. On te pose des questions si on veut nan ? C'est une Walker que tu baises, c'est pas une promenade de santé hein ?
-James, arrête. Arrête où tu t'en ramasses une. »
Sans doute que l'histoire de l'ex-épouse assassinée aura créé un peu de compassion chez l'officier supérieur, lui qui a perdu la sienne dans les mêmes circonstances ou presque. Enfin, Ekaterina arrive, Akina aussi meurt d'envie de la transformer en prétexte pour échapper à ses oncles. Siegfried l'a devancé et elle ne le remercie pas.
« Aki, Aki t'as merdé avec ce mec putain Il a au moins quinze ans de plus que toi, poursuit le benjamin en retroussant ses manches, Grand-Pa va le détester. Ton irlandais là, que Jack a envoyé à l'hosto, ca c'était un vrai mec.
-Ne l'écoute pas, petite. Ca va bien se passer, puis s'il a fait l'armée, même allemande. »
Et au mot allemande, il donne un regard appuyé à son frère pour bien faire passer un message de TOLERANCE.
« -Abe va l'adorer. Il sait tenir un fusil, se battre, s'il aiment pas les nègres alors ça va. Alors t'as fait quoi ? De la dinde ?
-Je sais que tu aimes ça, oncle John.
-Ouais, on sait surtout que tu sais pas cuisiner, et ça......ça fait peur, renchérit James »
Cette fois, l'autre ne le reprend pas, car il a hélas raison. Le dernier Thanksgiving a viré au drame. Jack, trop bourré, n'a rien su préparer alors il a laissé la gamine faire, puis ils ont tous fini à l'hôpital pour intoxication alimentaire : la dinde n'était pas assez cuite. De fil en aiguille, ils ont compris que l'aîné était un trou à éthanol, qu'il frappait sa fille. Ils avaient vu les marques, mais ils n'allaient rien dire : pas au grand-frère, même si ça leur fendait le coeur.
Quand finalement, allemand et russe viennent dans la salle à manger, la métisse est occupé à apporter le plat principal. Immédiatement, les deux américains se lèvent pour saluer la donzelle. La beauté les a fait se dresser au garde à vous, réflexe typiquement masculin et militaire. James regrette déjà d'avoir juré sur la tête de sa mère qu'il ne ferait rien à cette bombasse. Quoique, maman était déjà morte, il peut bien se permettre de parjurer : qu'est-ce qu'elle risque de plus, la pauvre vieille.
« -Messieurs, dit-elle en anglais avec son fort accent russe. »
Hop, la pression retombe. Une rouge, merde. Elle se penche pour prendre place, gros plan sur son décolleté, le sang ré-afflue immédiatement.
« -Mamzelle....
-Ekaterina, complète-t-elle en avisant de manière suspect la volaille.
-Nous pouvons commencer, bon appétit, se réjouit Akina.
-Bordel, Aki, je te préviens....si ça m'envoie encore à l'hôpital....
-Mais nooon, oncle James....mange ! »
Elle leur découpe à chacun un généreux morceau de dinde farcie. A quoi ? Demandent-ils, on ne sait pas trop. Elle s'est contentée de faire avec ce qu'il restait dans le frigo. Sitôt la première bouchée en bouche, les deux hommes la recrachent. Kitty fera l'effort de l'avaler, mais en souffre comme en témoigne sa grimace de douleur.
« -C'est dégueu putain ! »
Bien sûr, tous auront un regard compatissant pour le futur époux.
Pizza ? Pizza. Scarlett décide d'appeler une pizzeria du coin afin de commander de quoi sustenter le régiment présent chez elle. Plusieurs fois elle s'excuse, peut-être qu'elle a trop salé, ou pas assez.
« -T'as rien compris, c'était pas une histoire de sel ton affaire, rétorque le militaire sans aucun tact. »
Voyant son amie au bord des larmes, Kitty veille à tempérer les choses :
« -Il manquait des épices.
-Ah oui ?
-Mais oui, ma chérie, tu vas t'améliorer.
-Compte pas trop là-dessus le boche, tu vas douiller ou finir au McDo toute ta vie. »
Dès que les pizzas arrivent, ils s'attablent au salon cette fois-ci, entre deux bières, les mets italiens sont avalés. John, le plus respectable sans doute, aura eu la politesse de faire la conversation avec la slave au sujet de son pays principalement, du communisme sûrement. James lui, déjà un peu bourré, tient absolument à montrer ses tatouages à Siegfried.
« -Tu vois, m'fieu, CA, c'est pas un truc de pédé. Irak, 2005. Puis avant Afghanistan 2003. Celui-là, c'était en prison. On m'a accusé d'avoir tué un putain de négro. »
Entre deux dessins douteux trône une croix gammée, sur l'avant-bras droit.
« -Ahaha, » commente-t-il pour celui-là « Petite erreur de jeunesse, enfin erreur, on se comprend. »
Ensuite, il retire son pull afin de laisser les autres admirer son torse et son dos complets. Sur les pectoraux s'étendent deux ailes d'un aigle impérial, sur fond du drapeau américain. On remarquera aussi qu'il est percé aux tétons. Ca aussi, pas un truc de gay : mais oui, mais oui. Il se rassoit, finit sa bouteille de bière japonaise. John a mis le ola direct sur le whiskey.
« - Et....John, putain....tu lui trouves quoi à la communiste ? Elle est mieux gaulée que ta femme, c'est sûr.... »
Silence.
« Répète.
-Atta, mec....on sait tous qu'Anna, elle avait un cul comme une planche à pain.
-Enculé ! »
Et l'aîné se jette sur le cadet poings en avant. Le plus jeune réplique évidemment et le salon se transforme en ring de boxe.. Après les premiers coups échangés, ils se font face, comme des hommes. Malgré la bonne quarantaine de John, il a réussi à faire saigner la lèvre de son frère.
« -He ! He ! He ! S'inquiète Akina, sans s'étonner.
-Ne me parle plus jamais d'Anna, compris ?!
-On sait tous qu'elle s'envoyait Arn.... »
BAM !
« -OH ! Hurle-t-elle en allant les séparer au risque de se prendre des coups. »
-
-Tu veux combien de liasses contre une excuse pour me tirer de là ?
Elle penche la tête au-dessus de son épaule, discrètement, constatant la présence des invités, puis s’éloigne déposer ses affaires.
-Ils n’ont pas l’air si affreux que ça.
-Ce sont des américains, par défaut, ils sont affreux.
Elle rit, et approuve d’un mouvement de tête, avant de nuancer la chose.
-Tous les hommes sont affreux. Même les allemands.
-Les allemands moins que les autres.
-C’est ça...
Il la regarde enlever son manteau, puis l’attention est détournée vers la salle. Il n’entend pas la teneur de ce qui paraissent être des murmures, mais il sait pertinemment ce qu’ils disent : Il n’est pas à la hauteur, il a de la chance que Jack soit à l’hosto pour éviter de lui en coller une, et il a pas l’air super sympa, etc. Akina de le défendre, plus ou moins vivement. Mouai. Kitty le dépasse pour aller rejoindre les autres, mais il l’arrête.
-Il faut qu’on parle de ce qui s’est passé à Bangkok.
Elle regarde sa main sur son bras. Ce que cette emprise physique qu’il prend sur elle à chaque fois l’irrite. Elle ne dit rien, réprime les remarques qui brûlent sa langue.
-Il n’y a rien à dire. C’est mon travail, de base. On va dire que je rend service.
-Tu n’as pas fait ça comme un travail.
Là, elle rit, et l’éclat s’entendra jusqu’aux convives.
-Tu rêves. Tu es comme tous les autres, aveuglé. Vous croyez tous qu’on adore ça. C’est ce que vous aimeriez, mais non. Même toi, tu t’y laisses prendre ? Tu me déçois.
Plein coeur. Ce n’est pas de ça qu’il voulait parler, mais peu importe, ils n’ont pas le temps, et il n’a plus l’envie. Son ego vient d’en prendre un coup. Oui, elle n’est qu’une pute, et lui un genre de client. Pas d’illusions.
A l’arrivée du plat, grand silence de sa part. Il laisse faire les autres d’abord, et les voit tous surréagir fort négativement à la goûtée du plat. Lui reste perplexe. Doit-il s’y aventurer ? Alors que les remarques fusent, il se tait, se sert. Pendant que chacun parle, lui avale bouchée après bouchée la dinde servie. Une bonne moitié de tranche avalée comme si de rien n’était, avec sa fierté de baron, droit et maniéré comme à la table de l’Empereur. Lorsqu’il abandonne ses couverts, Kitty constate jusqu’où il a été. Regard d’admiration.
-J’ai un estomac à toute épreuve.
La suite lui semblera ennuyeuse à mourir. Les tatouages de James ? Pas intéressé. Il voudrait disparaître avec sa fiancée, peut-être avec Kitty pour éviter qu’elle ne se fasse troncher de force par ces deux immondices partageant le sang de l’autre enculé. Il voudrait que la maison s’écroule, qu’une voiture défonce la façade pour rentrer dans le salon, une invasion de sauterelles, un missile nucléaire iranien, peu importe pourvu qu’il ne soit plus dans la même pièce qu’eux.
Il dira que non, il n’a pas de tatouage. Il ment évidemment. Le «A» à l’intérieur de son biceps est une preuve à charge, d’autant plus que le rhésus n’apparaît pas. Avec un livre d’histoire, on fait vite le rapprochement. D’ailleurs, même la croix gammée ne lui fait ni chaud, ni froid.
Au final, l’un d’eux se montre plus agréable que l’autre. Dans ses yeux luit la flamme des SS, celle des vrais hommes qui se battent en vrais soldats, et non celle des bourrins sans manière qui ont envahi l’Allemagne.
Quand le ton se durcit, il ne peut s’empêcher de sourire. Bien calé au fond du canapé, un verre presque vide de whisky en main, il semble visiblement amusé, attend impatiemment la suite... Et quand enfin ça pète, il est aux anges. C’est vers Ekaterina qu’il se tourne.
-On rigole bien avec les ricains.
Il prendra donc son temps, regardera les autres se débattre, avant qu’Akina ne lui jette un regard appelant à sa pitié. Il se décide à se lever, enfin, et ira choper James pour l’éloigner de l’autre. Choix stratégique : Il laisse le plus raisonné et le moins alcoolisé à sa donzelle, qui risque moins de s’en prendre une.
-Lâche-moi, Jerry !
Et le coude part. Presque involontaire. Tant et si bien qu’il n’aura pas senti grand-chose, sinon un picotement à l’intérieur de la bouche. Mais il faut réparer l’affront, et il n’attendait que ça. Le militaire est donc retourné, et le poing de Siegfried, violent au possible, s’abat sur son ventre, le pliant en deux. Il le pousse ensuite, et l’étranger va s’écrouler dans le canapé.
Aussitôt, son col est saisi. John est sur lui, le poing levé.
-C’est le moment où je suis censé t’en coller une. You hit my brother.
Pause.
-Brothers.
Ow ow ow. Akina lui attrape le bras, mais ça ne suffira pas.
Un miroir de poche en main, il tamponne doucement sa blessure sur le côté de la mâchoire. Il est content de savoir que ce sera refermé demain : Le rasage aurait été une foutue galère, sinon.
John se présente à la porte, fait un signe à la jolie jeune femme, qui vient l’embrasser.
-Bonne nuit, gamine. Sieg’.
Il le salue de loin, sans un sourire. Akina demande où est l’autre, on lui répond qu’il est déjà au pieu. Et il part. Enfin au calme. Il n’est pas tard, l’allemand veut travailler avant de se coucher.
Et pourtant.
-Tu sais qui va avoir pour ordre d’user ses poumons à hurler son plaisir ce soir ?
-
Au final, la bagarre a tout de même mal tourné, John a été capable d'atteindre Siegfried en plein visage. Il a fallu que Kitty et elle-même retiennent l'américain, profèrent des menaces au sujet de la Police, etc. Enfin, la petite Walker a décidé que tout le monde irait se coucher. L'aîné soutient son cadet pour le mener à l'étage. La russe préfère sortir prendre l'air, fumer un peu. Elle a repris cette mauvaise habitude, ce changement de vie l'a complètement soufflé.
Puis les deux fiancés regagnent leur chambre. Des bonnes nuits échangés plus tard, Akina se retourne vers Anton et sourit tout en retirant le châle qui cache son collier de chienne.
« C'est moi. »
Et elle tombe à genou, avant de ramper à quatre pattes jusqu'au siège où est installé son maître. Elle penche sa figure d'ange à la hauteur du pied droit, laisse courir son nez sur le cuir de la chaussure, hume et remonte sa joue contre le tissu du pantalon de costume. Arrivée au-delà du genou, elle baise délicatement l'intérieur de la cuisse du SS, mordillant par endroit les coutures jusqu'à ce que ses lèvres frôlent la braguette. Ses beaux yeux mordorés se lèvent sur le noble.
« -S'il vous plaît, mein Herr, laissez votre chienne de femme s'occuper de vous, en toute soumission.. »
Et ses petites dents blanches attrapent le bouton du pantalon, sans se soucier de la ceinture. Les poignets de la belle sont immobiles dans son dos, et elle tire sur le bouton pour finir par le délier, peut-être a-t-elle craqué un peu l'étoffe. Entre ses lèvres pulpeuses, c'est la tirette de la braguette qu'elle attrape pour la baisser ainsi et embrasser la forme phallique à travers le sous-vêtement.
« Anton, » soupire-t-elle d'aise.
Son buste remonte et ses seins frottent indécemment contre l'entrejambe allemande puis, elle se penche de nouveau, abaisse l'élastique du boxer toujours à l'aide de sa bouche : assez pour libérer l'érection imposante.
« J'ai faim de votre queue, Mein Herr. »
Elle n'arrêtera pas sa fellation jusqu'à la jouissance inattendue de son amant. Si surprise, qu'elle l'a reçu en pleine face. Le foutre lui dessine d'abord une longue balafre de l'oeil jusqu'au menton, coule sur son décolleté de manière désordonnée et le reste échoue contre ses lèvres qui s'empressent d'aspirer le sperme abandonné.
Le reste, elle ne se l'explique pas. Plus en état de penser, abandonnée au sol, sa petite culotte encore sur les chevilles, à moitié arrachée. Oh, il n'a pas aimé découvrir qu'elle en portait une aujourd'hui. Les claques se sont succédé et elle a crié grâce en s'excusant. Ensuite, il n'a plus répondu de grand chose à vrai dire, pour investir le joli cul de sa fiancée, plusieurs fois, prenant soin d'éviter sa chatte : couverte d'une culotte, cette partie ne méritera rien ce soir. Elle a droit à des Salope, pute, chienne, et une fois à son prénom américain lorsqu'il s'est agi d'avaler tout le foutre qu'il lui a fait lécher au sol. Petite vérification ensuite : « Ouvre grande ta gueule, ma chienne. », exécution et Siegfried jette un oeil afin de constater qu'elle a bien tout avalé. Parfait, « Suce encore. » Et elle n'a pu s'empêcher de sourire béatement en obéissant, bien trop heureuse de reprendre en bouche la virilité de son fiancé.
Plus tard, Il est temps pour lui de se remettre au travail, du moins, de ce qu'elle comprend. Elle quitte le sol, arrange ses cheveux devant la glace de sa coiffeuse . Plus un bruit dans la maison, à l'autre bout du couloir, dans la chambre d'amis John et James dorment déjà à poings fermés : les émotions, le décalage horaire. Ils n'auront pas perçu les cris de souffrances et de jouissance. Kitty a découché chez une ancienne prostituée, russe comme elle mais qui a réussi à s'en sortir. Il faut croire que tout le monde réussit à s'en sortir, sauf elle. Au téléphone, elle est harcelée de message par Feodora qui lui fait comprendre subtilement qu'elle ne doit pas oublier leur petite affaire.
« Dîtes, Anton.... » commence Scarlett, alors qu'elle vernit ses ongles de rouge sur le lit, habillée d'une nuisette. Son expression est très concentrée sur son ouvrage. Elle s'occupe d'abord de ses orteils. « Je ne vous l'ai pas dit mais....Kitty m'a fait rencontrer une amie à elle. L'ex-femme de Tsoukanov. »
Elle angoisse au souvenir, sa main tremble, elle en fout sur sa peau.
« -Merde... » soupire-t-elle avant de reprendre. « Elle...elle voulait, enfin non....elle veut que je tue Tsoukanov. Elle est prête à tout financer, elle souhaite simplement que je le rejoigne et que je le tue pour permettre à son frère de reprendre le gouvernement de Kaliningrad....je dois lui donner une réponse dans trois mois. »
Ouf. Elle peut expirer.
« J'allais vous le dire, je n'ai pris aucune décision enfin si, j'ai dit non. C'est de la folie. Même si j'ai envie de tuer cet...... » Elle mâche ses mots, finit le dernier ongle du pied droit. « Bref, je ne peux pas faire ça. Ne pensez pas que Kitty est responsable.... »
Le pinceau trempe dans la peinture rouge et elle referme le petit flacon avant de se redresser pour se diriger vers son fiancé. Elle n'a pas encore pris de douche et sur son minois métissé le sperme sèche à la commissure de ses lèvres. D'ailleurs, elle est parfumée à l'odeur de foutre et de sexe.
-
L’odeur du vernis est pour lui encore un rappel puissant du passé. Comme beaucoup d’autres odeurs, elle le ramènent à la guerre, aux chars plus précisément. Un parfum de peinture brute, de dissolvant, d’alcool pur, ennivrant, qui monte à la tête. Comme une drogue, il aime baigner dans les vapeurs de vernis lorsque les femmes s’en peignent les ongles, d’autant plus que l’effet psychologique - le partage d’une intimité avec une conscience féminine - reste un vecteur d’allégresse puissant pour lui.
Il flotte dans son petit bonheur olfactif jusqu’à ce qu’elle se rappelle à lui, en se levant. Il n’a pas l’air plus choqué que ça par l’annonce.
-Ca pue le piège, on est d’accord ?
Le constat posé et la question avec, il va pour extraire une cigarette du paquet abandonné au coin du bureau, puis arrête en soupirant, avise sa tasse de café. Il compte s’en refaire un. Elle l’interrompt, pose une main sur son épaule nu, qu’il attrape pour l’embrasser.
-Tu aurais dû m’en parler avant. Je peux le faire.
Il balance ça comme on dirait «ne t’inquiètes pas chéri, j’oublie pas de prendre le pain avant de rentrer».
-Dis à ta Feodora que tu acceptes, mais uniquement quand il vient au Japon. Tu lui diras que les yakuzas ont des troubles avec les russes et qu’il sera aisé de leur faire porter le chapeau. C’est de l’info en or que je te donne là. Et dis-lui bien que c’est toi qui le fait. Ca peut nous être utile, et il faut que je me couvre pendant quelques temps.
Il se redresse, la prenant dans ses bras un instant. Tuer est devenu un acte normal pour lui, ce qui est triste à bien des égards, et sa désinvolture est sidérante.
-Je vais fumer dehors et me refaire une tasse. Tu devrais aller te coucher. J’ai encore beaucoup de travail, j’essaierais de ne pas faire de bruit en tapant.
Il va pour s’éloigner mais s’arrête avant, et la regarde à courte distance. Il lui dit qu’elle est magnifique. Lui prend un nouveau baiser. Lui dit qu’il l’aime, en allemand. Et, l’oeil fatigué, le mug vide en main, il disparaît dans le couloir.
Sous-Acte I : Mein Land.
Le réveil était soudain, et difficile. Elle était saisie, extraite de son lit par deux masses sombres. Elle pouvait hurler, rien n’y faisait. On la plaquait au sol et on la maintenait avec force.
-OLIVER !
L’accent est allemand, sans aucun doute. On hurle encore le nom. Elle parle : On la bâillonne avec un épais chiffon au goût ferreux. Un autre, de la même nature, vient masquer sa vue. Par un genre d’épaisses menottes, on lui noue les poignets dans le dos.
-Oliver arrive.
Ils parlent en allemand. Le verbe est simple, il est naturel qu’elle comprenne.
-Herr Scharführer ?
Le bruit d’une violente claque résonne dans la pièce, puis la grosse voix gueule de nouveau.
-Tu as ramené une pute dans les baraquements !? C’EST INTERDIT !
-Ce n’est pas moi, Scharführer !
-Elle était dans ton lit !
-Je n’ai fait rentrer personne, je n’ai dormi avec personne !
Elle comprend toutes leurs phrases. Ils parlent entièrement teuton sans le moindre accent étranger, et Akina arrive à savoir parfaitement de quoi ils parlent, comme si c’était sa langue maternelle.
-Comment expliques-tu qu’elle soit là !?
-Scharführer...
-Herr Scharführer, je me suis levé avec Oliver ce matin, il n’y avait personne avec lui.
-Posez-lui la question, Scharführer, elle vous dira la vérité.
Il y a un lourd silence, puis des gens sont bousculés, les bottes traînent au sol, désordonnées, et elle entend dans le couloir «Emmenez-la !»
Vingt bonnes minutes plus tard, on lui enlève tout ce qui couvre sa vue. Un gradé SS s’assied à son bureau, juste en face d’où on l’a faite asseoir.
-J’espère qu’ils ne vous ont pas violenté. Mes hommes sont des brutes. On les forme ainsi. De bons guerriers, donc de bons allemands.
Il s’allume négligemment une cigarette, enfile ses petites lunettes, et dépose sa casquette sur son bureau.
-Bien. De ce que j’ai compris, vous êtes une catin. Le soldat nie vous avoir fait entrer, il est donc tout dans votre intérêt de nous dire pour qui vous avez travaillé. Dans le cas où vous nous aidez, la sanction à votre égard sera mineure. A la SS, nous n’aimons pas que nos hommes fassent ce genre de choses dans les locaux. Question d’hygiène... et de discipline.
C’était une pièce de taille moyenne Ils n’étaient pas seuls : Derrière elle, à côtés de hautes fenêtre, il y avait un autre bureau avant ce qui semblait être un sous-grade occupé à taper frénétiquement sur sa machine à écrire. Son bureau déborde de paperasses, contrairement à celui de l’officier auprès de qui elle se trouve. Le plancher craque, un gros tapis quelque peu délavé apaise leurs semelles. Sur l’uniforme de l’interlocuteur d’Akina, de nombreuses médailles ostensibles qui tranchent avec la sobriété du costume. Si Siegfried l’a bien entretenue quant aux instances de la SS, elle est au courant que le «SD» sur la manche est généralement de mauvaise augure.
Portrait d’oncle Adolf au mur, organigramme avec en grosses lettres gothiques les noms de cousin Reinhardt et cousin Heinrich. On y distingue tous les organes de la SS, dont la Waffen, le RSHA et bien d’autres acronymes barbares.
Le drapeau rouge à croix gammée en berne, collé à un autre drapeau noir où l’on distingue le double SS. Ambiance années 40. Rétro.
-
Elle aurait apprécié prendre une douche, mais la volonté n'y est pas. Trop épuisée par l'arrivée de ses oncles, le remue-ménage occasionné et le fait qu'encore une fois elle mette Siegfried dans une panade qu'on aurait bien pu lui épargner. Elle file sous les couvertures de son lit. Le sommeil mettra du temps à venir. Elle tourne et se retourne au sein des draps frais, fronce les sourcils d'inconfort et soupire plusieurs fois. Toutefois, la métisse aura succombé aux bras de Morphée bien avant le retour de Siegfried.
Akina Walker avait déjà connu meilleur réveil. Comme cette fois où Kenneth lui avait apporté un ersatz de petit-déjeuner au lit, avec une rose en prime. C'était un jour de Saint-Valentin, et elle conservait un bon souvenir de cette sortie de nuit.
Au départ, elle avait cru à un mauvais tour de ses oncles. L'un qui la tirait l'autre qui la bâillonnait. Oui, c'était leur genre de blague. Sauf qu'aucun Walker vivant( et même mort, quand on y repense) ne parlait allemand, du moins pas aussi bien. Et si elle avait fait d'incroyable progrès dans la langue de Goethe, elle s'étonna de comprendre clairement le moindre mot. L'adrénaline parcourait ses veines douloureusement, et la victime n'osa pas croire ce qu'ils racontaient. Scharführer ? C'était une plaisanterie de Yamata ? Ou alors, elle rêvait encore, ce n'était qu'un réveil dans le songe. Pourtant, la souffrance engendrée par les liens autour de ses poignets était trop réel, ses nerfs étaient sur le point de craquer. Elle cria à travers le bâillon dont le goût métallique ne la rassurait pas : du sang ?
On la fit s'asseoir sèchement sur une chaise, d'une pression autoritaire sur l'épaule. Le bandeau était arraché, la lumière du bureau agressa de courtes secondes sa rétine fragile. Elle était décoiffée, encore en nuisette rouge et cet odeur de sexe qui ne la quittait pas associé à son maquillage défait. Elle respirait fort, soulevant indécemment sa poitrine visible à travers la mousseline de son habit impudique.
« - Je ne suis pas une pute ! Et qui êtes-vous ? » haleta-t-elle tout en regardant autour d'elle. L'officine de la SD lui apparaissait comme un endroit dangereux, peu accueillant. Le décor était terriblement réaliste. « C'est un coup de Yamata ? Pour Halloween ? »
Ouh, pas bon. Le visage neutre de l'officier se froissa d'un agacement revêche, il s'humecta les lèvres pour répliquer avec froideur :
« -C'est moi qui pose les questions ici. Yamata ? Vous travaillez pour les japonais ? C'est quoi cette histoire ? Ecoutez, Fraulein. Si vous n'y mettez pas du vôtre, je vais devoir vous laisser entre les mains de personnages moins conciliants que moi. Votre nom, et ce que vous faisiez dans nos baraquements. A quel bordel appartenez-vous ?
-Akina...Walker.....soupira-t-elle. Dans dos de la chaise, ses mains attachées s'agitèrent nerveusement.
-Alsacienne ? »
Heureusement pour elle, Walker – avant d'être un patronyme anglo-saxon courant, était également un nom de famille répandu en Lorraine et dans la région du Rhin, aux variantes orthographiques aléatoires Walcher, Walckher et qui venait de l'allemand Walke qui signifiait foulage pouur désigner l'ouvrier des moulins à foulon.
« -Akina ? Votre surnom de prostituée ? »
Finalement, elle finit par lever les yeux au ciel. Mal installée sur le siège rudimentaire, elle creusa ses reins et arrangea le positionnement de ses jambes, en vain. Le type du SD avait bien jeté un coup d'oeil furtif aux cuisses dénudées avant de revenir à ses moutons. Il prit son silence pour un oui.
« -Que faisiez-vous dans les baraquements? répéta-t-il.
-Je ne sais pas, souffla la métisse complètement perdue, vous faîtes erreur... »
Pendant qu'elle parlait, l'allemand s'était levé afin de contourner son bureau. Et les beaux yeux de la demoiselle brillèrent de détresse, leur éclat mordoré terni par l'angoisse. L'ombre de l'homme la recouvrit lentement.
« -Je ne suis pas d'ici...j'ai... »
Vlan. La gifle fut magistrale. Elle résonna de longues minutes dans la mâchoire d'Akina qui avait tourné la tête sous l'impact.
« -Ca suffit, ca suffit, lâcha-t-il, sa patience éreintée. Il se retourna ensuite vers le secrétaire qui continuait son travail sans se soucier de la scène. « Va m'appeler le docteur Költz. On va voir si c'est cette pute est une pure aryenne. Auquel cas, on va la caser dans un Lebensborn. Puisqu'elle aime tant le foutre SS. Dans le cas contraire.... »
Elle n'écouta pas la suite. Son cerveau était en ébullition, c'en devenait douloureux. Les petits détails agressaient ses sens : les médailles sur le costume sobre, le drapeau nazi, le portrait d'Hitler. Elle commençait à avoir les jetons, vraiment. L'homme de seconde ligne allait exécuter l'ordre de son supérieur, mais elle s'écria :
« - Non ! Attendez ! Attendez ! Je travaille pour le Hauptsturmführer..
-Qui ?
-Von Königsberg, Anton Königsberg. Cherchez, vous trouverez...Le Freiherr Von Königsberg, il est dans la Waffen-SS, je suis sa fiancée. »
Grand moment de silence.
« -Herr Schulz, intervint soudainement le sous-gradé, Je connais vaguement le Hauptsturmführer Von Königsberg. Il me semble qu'il est marié. »
L'officier de la SD pousse un lourd soupir. Décidément, ce n'était pas sa journée et traiter un cas de pathologie psychiatrique n'était ni dans ses compétences, ni dans ses envies. La donzelle avait beau être belle à se damner, il restait insensible au malheur enduré par ses charmes féminins. Des catins, il en avait croisé des dizaines au cours de sa vie. Certaines plus belles que d'autres, mais elles restaient toutes des putes ; loin du modèle de la mère allemande, ayant moins de valeur qu'un soldat.
« -Vous essayez de diffamer un Hauptsturmführer ? C'était l'un de vos clients ?
-Je ne suis pas une prostituée, arrêtez !
-Finalement, Hans, tu vas l'emmener chez Költz et m'en débarrasser. Si elle ne convient pas, tu sais quoi en faire. Je ne veux plus entendre parler d'elle.
-Très bien. Venez, Fraulein. »
Le dénommé Hans attrapa délicatement l'un des bras de l'américaine pour la faire se relever. Elle remarqua que contrairement à l'officier, il portait un uniforme de la Waffen-SS. Et comme Anton, il en possédait la prestance, aussi jeune qu'elle : il avait un port altier et un regard d'acier qui s'alliait parfaitement à sa chevelure platine. Elle lut rapidement le nom bardé sur sa veste grise : Von Choltitz. Voilà pourquoi il connaissait Anton, sûrement par le réseau de la noblesse prussienne, car lui-même venait de s'engager. Alors que la porte claquait sur leur départ, l'officier de la SD agrippait le combiné d'un téléphone :
« - Oui, passez-moi la Centrale, j'ai besoin de savoir où se trouve le Hauptsturmführer Von Königsberg.... »
En tant qu'agent du SD et gradé de surcroît, il se voyait obligé d'informer l'officier-baron que son nom se baladait impunément sur les lèvres d'une catin fraîchement cueillie dans un baraquement.
Les couloirs se succédèrent, sans qu'elle ne capte les décors. Les bottes claquaient et les ordres fusaient parfois. Beaucoup d'uniformes, des costumes aussi. Quelques civils aux visages émaciés, qui semblaient porter sur leurs épaules toutes les peines du monde. Pour sa part, elle suivait la cadence imposée par Hans et son pas militaire, il la traînait à ses côtés – toujours par le bras. Ils grimpèrent des escaliers, et après une énième coursive, il bifurqua à sur une porte à droite où une plaque en bronze indiquait le local médical et bureau du Dr. Költz, spécialiste de la question aryenne et eugéniste convaincu. Deux coups furent portés à l'entrée, un bref ordre de rentrer.
Költz était visiblement occupé avec un patient dont il bandait le bras. C'était un homme dans la fleur de l'âge, loin des clichés des vieillards nazillons à la moustache blanchie. Il possédait un début de calvitie et sa blouse blanche était trop grande pour sa carrure fine. Le sous-gradé s'annonça.
« Ah, Unterscharführer Von Choltitz, je suis occupé, repassez plus tard, » grogne le médecin sans même levé un regard sur eux.
-Je suis ici sur ordre de Herr Schulz. Il veut que vous examiniez cette prostituée, savoir si elle est aryenne et si elle peut intégrer un Lebensborn. »
Le médecin termina le pansement et congédia le soldat qui sortit non sans un long regard appuyé sur les formes de Miss Walker. Költz reprend place derrière son bureau, les mains encore tâchées de sang.
-
Siegfried terminait tranquillement sa cigarette, dans le froid de cette nuit. Un calme tout relatif s'était emparé de la ville, du moins, pour lui. Ce petit quartier lui semblait plus calme que celui où il habitait lui. Etrangement, il n'est pas si inquiet que cela par rapport à son habitation. Vivre chez les Walker lui change. Il fume moins, mais fait moins de sport, et mange moins sainement. Niveau travail, aussi, il a une baisse de régime. L'accumulation des cours à préparer et des devoirs à corriger devient difficilement tenable par rapport à d'habitude où il se trouve seul, de longs jours, nu au rez-de-chaussée du petit immeuble à trois étages où il vit depuis quelques petites années maintenant.
Il boit une gorgée de café, puis rentre, ne manquant pas de jeter le mégot à la poubelle et de prendre un chewing-gum avant de remonter. Il la contemple un instant en remontant.
-J'ai rarement tort, Scarlett. Tu seras vite fatiguée de moi.
Elle ne bouge pas, ne répond pas. Tant mieux. Il se rassied à son bureau, et reprend sa synthèse. La coopération juridique asiatique, ce sujet passionnant.
-HAUPT...
Silence. Panntreffe, fidèle second de son capitaine, courait à plein à travers le camp. Il voyait, devant le baraquement principal, le convoi des officiels qui descendaient. L'un d'eux demandait où était le commandant de la division ; un planton, après avoir salué, montrait une petite cabane de fortune. C'est justement là que le Lieutenant se dirigeait. Il esquive les voitures, accélère le pas.
-Hauptsturmführer !
-Hmmm ?
Siegfried se retourne. Clope au bec – pour changer – casquette, manteau. Il plaisante avec un autre officier, assis sur une table. Voyant son bras droit arrivé, il hausse un sourcil. Celui-ci se précipite vers lui.
-Debout, vous deux.
C'est Panni, il parle comme ça à son commandant, ainsi qu'à un autre supérieur qu'il vient seulement de remarquer. Il lui dit « bonjour », suivi de « heil », sans salut, profite que son Herr soit sur ses deux pattes pour arracher la cigarette de ses lèvres et l'écraser vite au sol, sous l'air scandalisé de Siegfried qui proteste à peine. Il se fait rajuster le col, la casquette est remise droite.
-Staf' Simmel. SD. Amt 4.
C'était une murmure glissé à l'oreille. La porte s'ouvre à cet instant, un soldat rentre, accompagné d'un autre officier. Trois paires de bottes – Panntreffe, Siegfried, et l'inconnu – claquent simultanément. Mains en l'air. Le baron adresse ses respects.
-Standartenführer Simmel. Heureux de vous rencontrer.
-Hauptsturmführer von Königsberg. De même. Vous venez pour moi ?
-Oui... Enfin. Pour vous poser des questions.
-À propos de ?
-Oester.
Silence. Siegfried cache son trouble, se contente de montrer la sortie.
-Nous devrions aller dans mon bureau.
-Non, ici, c'est très bien.
Ils prennent deux chaises. Les autres ? Ils peuvent rester, dit le colonel.
-Je n'ai rien à vous dire à son propos.
-Vous l'avez connu en France ?
-Je lui ai parlé quelques fois. J'ai déjà dit tout ça à un autre lieutenant de l'Amt 4.
-Je ne suis pas un lieutenant.
Siegfried reste froid. Il ne dira rien de ce qu'il sait.
-Vous êtes au courant de ce qu'a Oester au-dessus de sa tête ?
-Une guillotine.
-Vous savez qu'il p...
On frappe à la porte, et un planton entre, un papier en main. Après les saluts d'usage, il veut donner son mot à Siegfried, mais Panntreffe l'intercepte au vol pour le lire à sa place.
-On vous demande, Hauptsturmführer. C'est urgent.
-L'Hauptsturmführer von Königsberg attendra. Je suis venu pour lui.
-C'est Heydrich.
Il brandit le papier négligemment, et le nom de la même façon. C'est le mot de passe magique.
-Heydrich ?
-Il a demandé à vous parler.
Après un regard froid vers le Standartenführer, Siegfried se lève, le salue poliment, s'excuse, dit que c'est remis à plus tard, et s'éloigne. Tandis que tous partent, on retient le bras de Panntreffe par le bras.
-Je peux voir ce mot ?
-Nein. Geheim.
-Comme c'est commode... Je suppose que si j'appelle Heydrich pour confirmer l'appel, il n'y aura pas de problème ?
-Il niera. Pas parce que c'est faux, mais parce que cette affaire vous dépasse. Après tout, vous n'êtes que Standartenführer. Au revoir, Mein Herr.
Dehors, il rattrape vite son supérieur, qui l'attend sagement dehors. Ils s'éloigne du reste de la petite foule, vers le poste radio.
-Que me veut Heydrich ?
-C'est pas Heydrich.
-...Quoi ?
Ils s'arrêtent de marcher.
-Vous avez menti à un Staf du SD ?
-Libre à vous d'y retourner.
Siegfried concède la chose. Il a horreur de se faire avoir par son subordonné.
-C'est une affaire importante, tout de même ?
-Oh, oui. Une pute à SS qui dit être votre fiancée.
Et le nom qui vient à son esprit n'est pas celui d'Akina.
-Jawohl ?
-Hauptsturmführer von Königsberg ?
-Lui-même.
-Hauptscharführer Schulz, SD, détaché auprès de la 5ème milice. J'ai trouvé dans le lit de l'un de mes soldats une... catin, qui disait être votre fiancée.
-Si c'est une accusation...
-Loin de là, au contraire. Je cherche à blanchir votre nom.
-Comment s'appelle-t-elle ?
Angéle. Il sait comment elle s'appelle.
-Akina... Walker.
Vague impression de déjà-vu.
-Non, ça ne me dit rien.
-C'est bien ce que je me disais.
Il regarde au-dehors. Par la fenêtre du petit baraquement, le Standartenführer Simmel est toujours là, près de sa voiture, discutant avec ses hommes. Il n'a visiblement pas envie de partir tout de suite. Panntreffe désigne la sortie de la caserne.
-Je vais venir m'assurer de tout cela moi-même. Vous avez dit 5ème milice, Berlin ?
-Asseyez-vous là-bas. Votre nom ?
-Akina. Akina Walker.
-Nationalité ?
-J... Japonaise.
-Hmmm... Prostituée ?
Elle ne répond pas. Il continue de noter, au rythme où elle parle, et même quand elle garde le silence, il trouve de quoi écrire. Probablement sa conviction est-elle déjà faite. Vu sa tenue, ce ne peut-être qu'une pute, de toute façon.
-Allongez-vous.
Il va commencer par sommairement se laver les mains. Le sang ne part pas, il doit donc, à regret, y mettre plus d'application. C'est ainsi, mains nues et encore humide, qu'il s'approche d'elle. Il y a des rideaux qui pourraient la séparer de l'homme à côté, qui fait semblant de ne pas regarder, mais il refuse visiblement de les tirer.
-Je n'ai pas beaucoup de temps. Posez vos pieds ici. Ecartez les jambes.
D'instinct, elle refuse. Normal. Il fronce les sourcils.
-Ecoutez, soit vous le faites de vous-même, soit je demande aux premiers soldats qui passent dans le couloir de venir vous tenir. Je suis médecin, je sais ce que je fais, et j'ai des patients sérieux à traiter. Faites.
Par dépit, et avec dégoût, elle s'exécute enfin, à reculons. Pas gêné, il porte sa main entre ses cuisses. Le rasage est équivoque, selon lui. Il lui écarte les grandes lèvres, examine l'intérieur. Il ne pensait pas devoir aller plus loin, mais...
-Vous avez eu un client, récemment ?
-... Oui.
La réponse est arrachée avec difficulté, et toute trace de bonheur est définitivement anéantie. Elle a les larmes au bord des yeux, son honneur s'est foutu le camp, tout juste pense-t-elle à Siegfried, qui devrait être le seul à avoir le droit de toucher cet endroit-là. Il grommelle, puis elle sent un objet froid s'insérer en elle. Ce n'est pas douloureux, mais c'est plus que désagréable, extrêmement dérangeant. Il devient difficile de retenir ses pleurs. Anton, son "client".
-Pas de maladie vénérienne déclarée ?
-Non... Non.
Le type écarte même ses fesses, inspecte son anus. Puis il se relève, la fait se redresser. Yeux, dents, langue, dessous de bras, coudes. Il cherche quelques signes avant-coureurs d'une maladie. La nuisette est soulevée. Il murmure quelques remarques sur sa taille, ses seins. Elle n'écoute plus. Elle est ailleurs, du moins, le voudrait.
-Japonaise, vous dites ?
-Oui.
-Vos traits sont assez européens...
-Métisse.
-Une demi-race, donc. Oui... Vos yeux sont très germaniques. Votre mâchoire aussi. Pourquoi vous prostituez-vous ?
-Le devoir d'une femme est de satisfaire les bons allemands.
C'était la réponse qui lui avait semblé la plus naturelle. Elle lui donnait ce qu'il voulait entendre. Peut-être s'imaginait-elle s'en sortir plus facilement ainsi.
-Vous n'avez pas de papiers d'identité ?
-Disparue.
-Évidemment...
Il file reprendre des notes, avant de se saisir d'une règle à niveaux, pour prendre des mesures sur son crâne.
Ca existe vraiment.
-Hmm... Hmmm... Hm hm. Fertile ?
-Jamais été enfantée.
-Quel âge avez-vous ?
-22 ans.
-Ca ira. Vos caractéristiques sont acceptables... Mais il faudra vous soigner. C'est fini d'être le jouet des bas instincts de nos hommes, vous allez devenir une mère allemande. Félicitations. Bon, je finis de m'occuper de ce monsieur et je vous rédige votre dossier.
Alors qu'il va pour reprendre ses instruments, on frappe à la porte. Précédé par Panntreffe, Siegfried entre.
Radieux. Légèrement plus jeune qu'Akina ne le connaît, mais la différence est assez mineure. La même expression froide et rigide, voire même pire qu'au XXIème siècle. Elle tente de reprendre de la décence, assise sur sa table d'examen. Honteuse, encore plus maintenant qu'il est là. Mais c'est fini, tout est fini. Il vient la sauver.
-C'est pour ?
-On m'a dit qu'elle disait me connaître.
-... Et donc ?
-Jamais vue.
Jamais.
Vue.
JAMAIS.
Mange ça, en plein dans la face.
-Elle intégrera un Lebensborn. Vous pourrez peut-être la revoir un jour.
-Hm.
Siegfried fait demi-tour, et alors qu'Akina allait lancer un truc, ne serait-ce que son prénom, le nom de sa femme, le nom de son oncle... Le lieutenant parle avant.
-Moi, je la connais.
Dans l'oeil blasé de Siegfried, lorsqu'il se retourne vers lui, on voit très bien l'incrédulité. Mon cul, semble-t-il lui signifier, et sachant très bien qu'il n'est pas cru, alors il ne le regarde pas.
Après quelques discussions, trois mensonges inventés par Panntreffe que s'empressera de confirmer Akina, n'ayant pas envie d'être une vache à SS, elle fini par être entourée du lourd manteau du sous-officier. Siegfried est déjà loin depuis longtemps.
-Vous me racontez votre histoire ou... Attendez. Je ne veux pas vous sauter, d'accord ? Qu'on soit bien clair. Non parce que... Bon, je veux dire, il serait naturel que je vous sorte de là pour ça, mais c'est pas le cas, d'accord ?
Un joli brun clair, plutôt mignon, le sourire avenant et le parler plein d'assurance. Pas spécialement le profil du SS normal, mais sans doute un bon élément du SD. Pourtant, elle peut constater qu'il n'en a pas l'insigne losangé.
Sortis dans la cour, Siegfried fume près de sa Mercedes, chauffeur patientant debout à côté.
-On devrait peut-être la déposer quelque part ?
-Qu'elle retourne là d'où elle vient, peu m'importe.
-Avant que vous ne fassiez la moindre remarque sur mon insubordination et mon manque de discipline, sachez que je n'ai désobéi à aucun de vos ordres. (et, dans un murmure, sur le ton de la plaisanterie : ) Il est raide comme une baïonnette mais c'est un mec bien. Je vous le garantis.
Il la fait monter à l'arrière, derrière le chauffeur, puis monte devant. Siegfried s'assied à côté d'elle. La voiture démarre. Avant même qu'elle n'ait pu parler, lorsqu'ils remontent une grande avenue, il lui attrape le coup de sa main gantée de cuir.
-Ecoutez-moi bien... Si jamais vous recommencez à utiliser mon noble nom pour vous sortir de vos ennuis, je me ferais un plaisir de vous égorger moi-même. Comment me connaissez-vous ?
Panni lui adresse un sourire gêné, que Siegfried captera. Il tape sur la tête du siège, en guise d'avertissement.
-
L'examen fut une véritable torture. Et les instruments flirtant avec ses intimités, une véritable atteinte à sa dignité. Au final, le toubib il est gynécologue ou ? Elle ne savait plus et suffoquait sous les questions. La belle prenait conscience de l'ampleur de cette réalité. Non, ce n'était pas une farce. Elle était bloquée en plein Troisième Reich. Comment ? Aucune idée, son esprit scientifique n'arrivait pas à assimiler, trop indigné par les pratiques douteuses du docteur Költz. Ce dernier finit par lâcher le couperet : Ce sera le Lebensborn. Mieux que le peloton d'exécution, si on voulait se rassurer. Mais être forcée à coucher avec des inconnus, être engrossée et mettre bas secrètement : était-ce plus enviable qu'une balle dans le crâne ? Elle pouvait toujours revenir sur ses déclarations : « Je possède toutes les maladies de ce foutu monde ! », mais savait très bien que le médecin ne la croirait pas. Habituellement, les femmes aryennes étaient arrachées par la contrainte à leur foyer, alors celles qui avaient la possibilité d'y échapper pacifiquement essaieraient. Plutôt le bordel que le Lebensborn.
Akina était effondrée sur la table d'examen, complètement anéantie par la nouvelle. Lorsque les deux hommes entrèrent et qu'elle reconnut l'un d'eux, l'espoir rehaussa la beauté angélique de son visage par un sourire soulagé. Elle suivit l'échange, prête à sauter de la table pour se jeter dans les bras de son fiancé.
« Jamais vue. »
Le rêve implosa avant même de commencer. Non, non, non, Anton. Toutefois, les mots moururent dans sa gorge nouée. La déception l'avait clouée au piloris. Et l'autre qui insistait avec le Lebensborn. Ses prunelles se posèrent furtivement sur l'arme à feu abandonnée au coin du bureau. Költz était officier, mais préférait se faire appeler Docteur. Il lui suffirait de quelques pas. Elle les prendrait par surprise, elle aurait le temps de tirer une balle entre les yeux du toubib, puis de s'infliger le même sort. Ou...
« Moi, je la connais. »
Alors, elle remarqua le second qui accompagnait son Siegfried. L'ascenseur émotionnel se prit une véritable décharge électrique, l'espérance remonta douloureusement à son cerveau. Oui, oui, moi aussi le je connais. Elle confirma toutes les excuses sorties par Panntreffe qu'elle remerciera d'un regard brillant de reconnaissance. Le manteau d'uniforme s'avérera trop large, mais elle ne s'en plaignit pas, se contentant de profiter du parfum rassurant de son sauveur. Oh qu'elle en voulait à Siegfried. Sur le coup, elle l'aurait tué aussi, pour l'avoir abandonnée. Aveuglée par sa rancoeur et les émotions successives, elle n'avait pas encore la présence d'esprit de penser qu'à cette époque, il ne la connaissait pas. Et qu'il ne jouait plus un rôle, c'était lui. Le vrai Siegfried, celui qui avait aidé à façonner le Reich et que le Reich avait façonné en retour.
« Je ne sais pas.... » répondit-elle à l'adresse du lieutenant. « Je vous le jure, je suis innocente, quand je me suis réveillée, ces hommes m'ont attrapé. Je ne suis pas d'ici.... »
Dans la voiture, elle reconnaissait enfin son Maître. La prise sur sa gorge fragile, le ton autoritaire et l colère brute que contenait la froideur de ses yeux sombres. Scarlett pensa à tout lui déballer, la bague, la mort de Maria, les injections, Seikusu, mais le déclic s'actionna enfin. Il ne pourrait pas comprendre. Toutefois, elle devait justifier connaître son nom et son grade. D'un battement de cil, elle redressa ses prunelles claires sur le sourire gêné de Panntreffe ce qui lui redonna un peu de courage.
« - J'ai entendu parler de vous, Mein Herr. Une autre prostituée, j'ai pensé que....je suis navrée... » mentit-elle en s'enfonçant dans le siège, et prit soin de détourner sa figure pour ne pas qu'il puisse deviner ses micro-expressions qui trahissaient son mensonge.
Le chauffeur les interrompit.
« -Où dois-je déposer la femme, Hauptsturmführer ?
-Au Berolina Hotel, le devança Akina.
-Connais pas, s'impatienta le chauffeur, où est-ce ?
-Entre entre la Weydemeyerstraße et Berolinastraße...se souvint-elle. Comment l'oublier ? Berlin avec Siegfried, c'était gravé à jamais et l'avoir à ses côtés sans pouvoir le toucher...
-Impossible, il n'y a pas d'hôtel à cette place-là. »
Silence. Elle sentit le capitaine s'impatienter, prêt à la débarquer ici-même plutôt que perdre davantage son temps.
« - Vous n'habitez pas un bordel ? Demanda le second. »
Pour la énième fois, je ne suis pas une pute ! voulut-elle hurler.
« -Non....
-Vous savez que racoler dans la rue est interdit ? La Police pourrait vous arrêtez, s'inquiéta-t-il ensuite, Bien, continuons à la caserne. Nous vous trouverons bien de la place au Soldatenbordell. Cette caserne en a un.»
En gros, c'était comme le Lebensborn, mais avec les enfants en moins.
Ils arrivèrent après quinze minutes à travers la périphérie de Berlin pour atteindre un ancien château nobiliaire transformé en caserne de la Waffen-SS. Les dépendances avaient été aménagées en bordel afin que les soldats, principalement, puissent assouvir leur plaisir sans réclamer sans cesse des permissions à des fins romantiques. Les officiers préféraient les établissements de luxe à Berlin, mais les années 40 étaient signes d'une recrudescence d'activité, avec la guerre approchant, il fallait crouler sous une pile de travail administratif, se voir rogner les permissions également : alors, on allait au plus près.
Débarquée de la voiture, elle fut escortée par le lieutenant aux portes de la maison close. Sans un adieu à Siegfried qui avait déjà pris le pas vers ses obligations. La seule chose qu'elle pouvait espérer était qu'il fasse un tour chez les putes, qu'il la choisisse. Pourquoi n'avait-elle pas parlé ? Et elle souhaita se rétracter : « Non, Anton ! C'est moi Scarlett.... »
« -Fraulein..il faut y aller, lui annonça Panntreffe. Je n'ai pas énormément de temps, je dois être aux côtés de mon Hauptsturmfuhrer. »
Elle hocha du chef. Sur le chemin, plusieurs soldats sifflèrent, malgré l'épais manteau qui recouvrait la demoiselle. Ils savaient tous où elle allait. Son petit minois plaisait. Certains se feraient une joie de l'y retrouver.
Toc. Toc.
Un judas s'ouvrit sur une paire d'yeux aux prunelles vertes.
« -Pannti ? Tiens, c'est pas souvent qu'on te voit là. Tu connais les heures d'ouverture, et là c'est fermé.»
La voix était féminine, un peu rêche.
« -Je ne viens pas pour ça. Tu as une nouvelle, Grünn. Occupe-toi d'elle veux-tu ?
-Je fais pas dans la charité, elle va se débrouiller, comme nous toutes ici. »
Le verrou se déclencha, la porte s'entrouve. Akina esquissa un geste pour rendre la veste à son propriété.
« -Gardez-la, ca me donnera une raison de venir voir comment vous allez.»
Et il fait demi-tour. L'autre prostituée l'attira rapidement à l'intérieur avant de refermer sèchement la porte et de reverrouiller. Étonnamment, pas de gardes ici. Grünn, qui n'était qu'un surnom, lui expliqua que ce n'était pas une raison d'espérer s'évader. Le chef du bordel, c'était le docteur Hohenheim, le contrôle médical était sévère ici, bien qu'elles ne soient qu'une petites dizaines de prostituées. Cinq volontaires et autant de forcées, ramassées à la frontière avec la Pologne. La plus jeune ? 16 ans. La plus vieille, c'était elle : 35 ans. Heureusement, trop focalisée sur sa personne et le métier, elle ne posa pas trop de questions à Akina.
L'établissement étaient une ancienne ferme, les chambres d'un confort plutôt spartiate : pas de séparation entre privé et professionnel : « Tu dors là où tu te fais baiser, point. » Puis, alors qu'elles s'installèrent dans la cuisine, seule pièce où les catins savaient s'isoler en toute tranquillité, elle poursuivit sur les règles de la Maison. Elles étaient payées symboliquement, est-ce à dire : trois fois rien. On ne refusait rien à un SS, et surtout, on ne faisait pas la fine gueule sur la tête du client.
« -Une cigarette ?
-Non merci...
-C'est quoi ton petit nom...
-Akina...
-Exotique, soupira la pute en allumant sa clope. »
Maintenant qu'elle pouvait l'admirer, la métisse remarqua les traces de coups sur le visage et le cou de son interlocutrice. Malgré tout, Grünn restait une belle femme, brune à la carnation très pâle et aux formes généreuses. L'une des préférées des officiers. Captant son regard, l'allemande s'empressa de justifier :
« -Parfois, ça se passe mal. Il ne faut rien refuser, sinon, c'est pire.
-Je ne pourrais pas...non, je dois me cacher..
-Trop tard, ma chérie. Notre service commence dans trois minutes.Je te montre ta chambre ne la quitte pas. »
Et trois minutes après, alors qu'elle poireautait au milieu d'une pièce sans âme, assise au bord d'un lit, elle entendit une cloche retentir. Des rires féminins et des mots bourrus qui provenaient de la pièce principale. Et elle, elle fixait inlassablement la porte, prête à tuer celui qui la franchirait, à mains nues s'il le fallait.
-
Des pas passaient devant sa chambre, sans jamais s'y arrêter. Elle redoutait ce moment où se rapprochaient les bruits de bottes, et le fait qu'elles finissent par s'éloigner ne la rassurait pas. Quel trafic. Le fait d'entendre une voix féminine accompagner le militaire ne la rassurait. Et si l'une d'elle avait l'idée de la conduire à « la petite nouvelle » ? Elle se fera étriper, elle aussi. Peu importe la cible, elle ne peut imaginer subir sans rendre.
La porte s'ouvre. C'est bien la sienne. Mais elle n'arrive pas à distinguer ce qui apparaît à cette entrée. Pourtant, il y a assez de lumière, du moins le croit-elle. Expérience étrange où elle tente désespérément de voir alors que ses yeux ne le veulent pas. Elle se crispe, bien sur ses gardes.
-Prinzessin ?
Une main est posée sur son épaule. Il n'y a rien qu'elle dans la pièce, absolument rien, alors elle sursaute, s'agite.
-Scarlett.
La prise s'est affirmée. Elle ne peut qu'ouvrir les yeux pour de bon. Au-dessus d'elle, son amant, toujours nu. Il s'agenouille au pied du lit, lui dit qu'il est l'heure de se lever. Son oreiller est enfoncé, témoin du sommeil qu'il a eu cette nuit. Oui, il a bien couché près d'elle. Peu, mais il l'a fait. Elle n'a pas eu un mauvais sommeil, il pourra le jurer : La belle américaine dormait tout à fait paisiblement d'un œil extérieur.
Il lui dit qu'il faut se lever, et s'habiller. Il lui redit qu'elle est belle. L'embrasse sur le front. Il va éteindre le PC resté allumé toute la nuit, et descend dans la pièce commune.
Les américains ont déjà débarqué en cuisine. Hmf. Il se contentera, après un « bonjour » sommaire, de se verser une tasse de café et de constater qu'il reste quelques crêpes slaves, du genre pancake de l'autre côté du mur, plus relevé au goût, préparés la veille par Ekaterina. C'est un bon début. Dans une petite assiette, il met une orange, un bout de fromage, et se dirige avec le tout vers le salon.
-Si tu manges comme une pédale dès le matin, il faut pas s'étonner de perdre la guerre.
Il se sera arrêté pour prendre la remarque, en traître, dans son dos, et tente de vite refroidir ses nerfs.
-Reparlons du Vietnam ou de l'Iraq.
Il est déjà reparti.
Deux heures du matin. Il était deux heures du matin quand on réveillait Hiranuma en trombe.
Le manoir avait pris feu. Il était mineur pour l'instant, mais il se propageait vite. Il fallait sortir.
-Bon, les filles.
C'était Siegfried, un peu avant 11h, qui s'approchait des deux terreurs.
-Dis-moi, t'as pas une autre télé à installer, là ?
-Nan. Si vous voulez une télé ici, payez-la, Jack en sera ravi. Scarlett aussi. Bref. Vous parlez japonais ?
-Nope.
-On a une tête à parler japo ?
-Et moi, j'ai une tête à parler japo ?... Peu importe. Aujourd'hui je bosse, donc vos culs vont devoir se trouver une autre occupation. Par contre, si à 18h vous ne savez pas quoi foutre, il y a les clubs d'arts martiaux qui se réunissent. On a un genre de dojo, séparé en trois salles, à l'université. Si ça vous branche de venir faire une démonstration de l'efficacité des techniques de combat de votre armée chérie, les étudiants seront des adversaires à votre hauteur. Et moi aussi. L'administration m'a donné un accord de principe, je réglerai les détails cette après-midi avec la responsable. Hésitez pas à vous pointer, qu'on rigole un peu.
Il tapote sur l'un des fauteuils, puis se dirige vers la sortie. Il a sorti l'un de ses beaux costumes, a sa serviette en main. À Scarlett, il a glissé avant de partir qu'elle n'oublie pas de voir Feodora pour lui. Dans le bus, il lit un mail rédigé en anglais, d'une adresse informe. Un code pour lui dire qu'Hiranuma en chie des barres. Ca lui collera la banane jusqu'à ce qu'au soir même, où, au dojo, avec quelques judoka, à des exercices à blanc, c'est à dire sans coups portés ni réelles projections. Il tente quelques attaques de systema, et se rend compte que le krav maga reste sa discipline d'or. Il va coller une raclée aux ricains devant ses étudiants.
Il a très bien compris que ce n'est que comme ça qu'il s'imposera à eux.
-
Se cacher n'était pas une option et il était trop tard pour cela. L'activité du bordel s'intensifiait alors qu'elle attendait la rencontre avec son destin. Entre les rires et les échos de jouissances, elle percevait bien malgré elle des cris féminins qui ne s'apparentaient pas à une prise de plaisir. Des hommes vociféraient. Akina avait peur, et tendue au bord du lit, les yeux rivés sur cette porte, elle priait Dieu pour que personne ne la franchisse. Ses épaules étaient encore alourdies du manteau de Panntreffe, que ses doigts resserraient autour d'elle. La chaleur et le parfum qui en émanait suffisait à lui redonner prestance. Elle avait oublié de le remercier, quoiqu'on ne remerciait pas forcément un soldat du IIIème Reich pour nous avoir mené dans un bordel en qualité de prostituée. Toutefois, ce brave homme n'y était pour rien, elle aurait pu lui dire la vérité.
Le bois de la porte grinça et s'entrouvrit sur une silhouette dont elle distingua mal les traits. Le décor s'assombrit, et plus elle cherchait à le voir, moins elle le voyait. Siegfried ? Panntreffe ? Un autre ? Peut-être Grünn qui revenait lui annoncer que tout était fini.
« Prinzessin ? »
Quand enfin, elle ouvre les yeux, sur le coup c'est l'assommoir. Elle avise le visage familier de Siegfried, sa nudité. Sont-ils toujours dans le bordel ? A-t-elle échoué à le repousser ? Mais bientôt, le décor de sa propre chambre lui apparaît comme une évidence. Elle se redresse sur un coude tandis qu'elle reçoit baisé et compliment, encore sonnée par son rêve aux tons réels. D'ailleurs, elle n'ose pas prononcer un mot, de peur d'immédiatement l'épingler pour l'avoir abandonné chez le Docteur.
Au moment où elle reprend enfin ses esprits, il est déjà descendu et elle quitte la couche en quatrième vitesse. Il a raison, il faut se préparer. Elle doit avancer ses recherches au laboratoire. En bas, ils entendent la douche de l'étage, signe que dans sa précipitation, elle n'a pas fermé la porte de la salle de bain. Toujours en hâte, Akina regagne sa chambre où elle déniche une vieille tunique prune qu'elle associe à des bas noirs. On distingue clairement la limite de ses bas à l'ourlet de haut, mais qui s'en souciera ? Sur ce, elle ramasse son sac et saute dans ses bottes brunes. Avant de quitter, elle n'oubliera pas d'emporter deux ou trois échantillons des injections que s'impose Anton. Ce dernier est déjà parti, mais ses oncles eux, bien présents.
« -Putain, comment ton mec me chauffe, s'agace James.
-Je croyais que t'étais pas gay, s'amuse-t-elle en chipant une pomme trop mûre au creux de la corbeille à fruit.
-Sale garce...
-Vous repartez quand ? Cette fois, elle s'adresse à l'aîné qui a enfilé son uniforme d'Etat-Major. Et pour lui, pas question de risquer la tâche ou la déchirure avec une énième rixe, il garde son sang-froid.
-Une voiture officielle passe me chercher, j'irai ensuite prendre Jack.
-Et James ? S'inquiète-t-elle soudainement, alors qu'elle remarque qu'il n'est ni en uniforme, ni en tenue officielle.
-Il reste ici, Jack lui a demandé de veiller sur la maison.
-Quoi ?!
-Ecoute, viens, viens, exhorte John tout en la poussant vers la cuisine pour qu'ils puissent échanger à voix basse. »
Si elle n'était pas certaine de s'être bien réveillée du cauchemar allemand, voilà qui met les choses aux claires. Et le cauchemar américain lui semble pire. Plus loin, le cadet effectue les cent pas dans le salon, le sang bouillant de rage.
« -Aki, tu connais les règles Walker...Pas deux fils à la guerre, c'est comme ça. Si Jack retourne au front, James doit rester.
-Alors qu'il aille chez Grand-Pa.
-Grand-Pa n'en voudrait pas, tu sais que James a un caractère difficile. C'est la décision de ton père, c'est encore chez lui ici. »
Elle pousse un soupir.
« -A ce propos oncle John, je devais te parler. Grand-Pa aimerait me voir à Noël.
-Oui, avec ton fiancé.
-C'est le problème, il est interdit de territoire aux Etats-Unis. »
Grand blanc. La face de l'officier supérieur se referme brusquement. Lui, il a moins le sang chaud que les deux autres, mais la colère ne lui est pas étrangère. Alors, il inspire profondément.
« -Pourquoi ?
-Son grand-père était un criminel de guerre nazi...
-Bon sang... »
Dehors, une voiture klaxonne plusieurs fois.
-Je vais devoir y aller, je vais voir ce que je peux faire. Ca ne devrait pas être difficile de lui obtenir un visa.
Il lui embrasse le front, la salue une dernière fois et se précipite dehors, avec ses bagages. Un véhicule de l'armée américaine l'attendait sous les yeux curieux de quelques passants japonais.
Une heure plus tard, après avoir âprement dealé avec James au sujet de son emploi du temps, elle pénètre le laboratoire de l'équipe du Pr. Reuters. Takagi y est présent en ce jour, il a été dépêché là pour remplacer son collègue. Aussitôt, il remarque la pâleur du faciès d'Akina et s'en inquiète. Elle tentera bien de le rassurer, et lui se contentera de lui rappeler qu'il ne faut pas trop travailler et se ménager quelques pauses. Pourtant, la surcharge n'est pas à l'origine de sa fatigue. Elle a l'impression de ne pas avoir dormi de la nuit. Les images de Költz, Panntreffe et Siegfried l'agressent encore, comme si elles étaient collées à sa rétine. C'est désagréable, elle a du mal à se concentrer. Assise devant son microscope, elle observe une nouvelle fois la substance des seringues de l'allemand. Les motifs biologiques et cellulaires s'entremêlent sous son oeil rompu à l'exercice.
« - Mr. Reuters m'a confirmé que vous travailliez toujours sur le vieillissement des cellules, l'interrompe Takagi.
-Ahm euh, oui et bien oui, réplique-t-elle en délaissant son instrument pour admirer l'un des petits flacons de substance transparente. Ce n'est pas la première fois qu'elle pense à s'en injecter. Si l'expérimentateur est en même temps le cobaye, il n'y a aucun problème éthique, n'est-ce pas ?
-Vous savez, votre obsession pour trouver un moyen qui permettrait l'arrêt du vieillissement est hautement contestable.
-Et pourquoi, cela permettrait de sauver des milliers de vie et par-dessus tout....
Elle marque une pause, et se mordille la lèvre inférieure, nerveuse.
« -Cela nous permettrait de rester plus longtemps aux côtés de ceux que l'on aime. Car partir avant eux ou les voir partir avant nous est....une véritable épreuve....
-Et il en faut, Walker-san, des épreuves. La nature a fait que l'être humain peut procréer, c'est ça la véritable immortalité. Transmettre ses gènes, son nom, insiste-il, le reste c'est de l'égoïsme. »
Finalement, elle finit par le lui accorder dans un sourire pacificateur. Il ne pourrait pas comprendre et soudainement, elle a l'impression que personne ne pourrait jamais comprendre. Elle revoit Siegfried prononcer : « Jamais vue. ». Grimace de confusion, elle se masse la tempe.
« -Tout va bien avec Siegfried-san ? Je ne devrais pas vous poser la question mais...vous êtes quand même une étudiante que j'apprécie.
-Bien, souffle-t-elle, Nous allons nous marier. »
Sur le coup, il ne sait pas trop quoi dire.
« -Et bien, ma foi...félicitations ? A propos des résultats de votre échantillonnage.. »
Et il préfère changer de sujet.
En sortant de la faculté ce jour-là, Scarlett passe un coup de fil à Kitty. D'abord pour savoir où elle est et ensuite pour s'enquérir au sujet de Feodora. Alors qu'elle presse le pas dans la rue, la slave décroche au bout du fil :
« -Aki ?
-Oui, ca va, tu es où ?
-Je pars pour St-Petersbourg, écoute, je voulais te le dire mais si je l'avais annoncé, ton connard de fiancé m'aurait embobiné pour que je reste. Je vais rejoindre Boris.
-Connard ? Non mais attends, tu exagères.....
-Akina. La voix est plutôt froide. Il faut que tu ouvres les yeux sur ce type, vraiment. T'es pas une pute. Au final, je me demande si Siegfried n'est pas aussi horrible que Tsoukanov, voire pire. C'est le même genre... »
Outrée par la remarque, la métisse ne voit pas un passant et le peréute. Il s'excuse et elle reprend sa marche.
« -Arrête, s'il te plaît. Je ne peux pas te laisser parler de lui comme ça....
-Que veux-tu ?
-Dis à Féodora que je vais m'occuper de Tsoukanov, mais à une condition. Il vient ici.
-Tu es la meilleure, à bientôt. »
Tonalité.
A la maison, elle attendra bien sagement le retour d'Anton, assise à la table de la salle à manger. Après la dérouillée que James aura pris au Dojo, il préférera passer la nuit dehors, chez les putes et à se saouler pour sauver sa virilité écrasée. Sitôt que son fiancé rentre, elle va l'accueillir d'un baiser volé à ses lèvres. Sa veste est prise et sa serviette aussi qu'elle prend soin de ranger. Un café ? Quelque chose ? Et elle lui offre un sourire charmant, presque séducteur en se dirigeant vers là cuisine d'où elle l'apostrophe.
« Mein Herr ! Si.... »
Elle se hisse sur la pointe des pieds pour attraper le pot de café et les filtres. A l'ancienne.
« Si vous m'aviez rencontré en 1940, vous m'auriez aimé ? »
Elle aurait préféré dire "Reconnue", mais cela aurait fait trop étrange, n'est-ce pas? De toute manière, c'est débile de poser la question, se dit-elle en versant l'eau dans la cafetière.
-
« Douche » sera le premier mot prononcé. Il n'a pas eu le temps d'en prendre une au dojo, et commence instamment à se déshabiller. À l'offre, il n'a pas cœur à refuser. Après avoir retiré veste, cravate et chaussures, il jette le chewing-gum censé couvrir l'haleine de cigarette.
La question... est plutôt déconcertante. Comme à chaque fois, il se demande s'il doit raconter la vérité nue, ou l'arranger, de sorte à l'embellir. Quelques secondes de silence, visiblement en pleine réflexion. S'il l'aurait aimé ? Hors de question. Il y avait Maria. Même après sa mort, son souvenir était encore tenace. Et puis, il était plus dur, moins affectif, plus sadique. Pur militaire, il ne sacrifiait jamais sa vie martiale au profit de sa vie personnelle. Elle aurait été une amante, peut-être, abandonnée dans une ville, qu'il aurait sailli lors d'une nuit de passage, et rien de plus.
-En 1940, j'étais quelqu'un d'autre. Imagine-moi quand je suis ton Maître. Que je t'ordonne, te dirige et te sanctionne. Ma personnalité publique était plus proche de ça. Je ne pense pas que je t'aurais aimé, non. Baisé, sans doute, tu es magnifique. Mais je n'avais que peu de sentiments. J'ai fait exécuter mon adjoint pour une grave erreur commise en fonction. La désobéissance de trop. Dieu sait que je l'appréciais, mais... C'était un autre temps, différent. On ne compare pas les circonstances.
Sur ce mots, il l'embrasse sur le front, lui dit qu'il va se laver rapidement avant de redescendre et qu'il boira son café après. Des petits gâteaux seraient appréciables, il a besoin de sucre et de graisse.
En redescendant, il demande où est la russe. Partie, répond-elle simplement. Il sort de sa serviette (celle en cuir avec laquelle il va en cours, pas celle qu'il porte autour de la taille) un petit paquet de papier kraft, dans lequel se trouve une épaisse liasse d'argent. Avec une certaine solennité, il annonce qu'il serait temps de se séparer d'Ekaterina, qu'elle doit vivre sa propre vie. Il a extrait la somme de ses finances personnelles (ergo celles pompées du Reich) et demande à Akina de lui donner quand elle reviendra. C'est à ce moment qu'elle lui explique qu'elle ne s'est pas simplement absentée : Elle est partie pour de bon, envolée. Siegfried semble triste. Il lui dit de la rappeler, parce qu'il n'a pas le courage de lui courir après, de sorte qu'elle vienne chercher ça. C'est sa contribution pour tout ce qu'elle a subi avec eux. Elle aura de quoi refaire sa vie confortablement. Benoîtement, il se contente ensuite de prendre son goûter pré-dîner, sans savoir les mots précis qu'a prononcé la russe à son égard.
-Ce week-end, c'est atelier cuisine. J'ai dressé une liste d'ingrédients. Tu vas prendre des cours en accéléré, et bientôt tu épateras toutes tes copines.
Il est comme ça, Siegfried. Il parle de peloton militaire, puis de détournement d'argent déjà détourné, avant d'embrayer sur la popotte et les pétasses.
Siiip, une gorgée de thé, les yeux tourné vers l'espace vide laissé par la destruction de la télé.
Vraiment, quel homme.
Ils feront l'amour dans ce même salon, juste après le repas qu'il aura préparé vite fait. Sans violence, sans grande domination, si ce n'est le risque qu'il lui impose d'être découverte par le tonton qui rentre à l'improviste.
La porte s'ouvre. Akina ouvre brusquement les yeux. Elle est sur ce lit, à moitié endormie. Merde. Un soldat entre. Ses pattes de col ne sont pas nues, il y a des trucs dessus en blanc vif, et si Akina ne s'y trompe pas, ça n'est pas un simple soldat – peut-être un caporal ou quelque chose du genre. En tout cas, trop jeune pour être un gradé. Il dit bonjour. Ni timide, ni assuré, il se contente de se délester de sa ceinture, puis s'approche en ouvrant d'abord son pantalon, puis sa chemise.
-Tu t'appelles comment ?
Akina ne veut pas. Elle ne... veut... PAS. Sa chatte n'est pas au repos, elle a la vague impression d'avoir été baisée. Ah, oui, Siegfried l'a prise juste avant. Enfin... Lequel ? Sieg SS ou Sieg prof ? Ca se mélange un peu dans sa tête. Non, elle n'a pas fait de sexe dans cette chambre encore, ou alors elle ne s'en souvient pas. Et elle se souvient de son Anton comme quelqu'un d'aimant. Pas sûr que ce soit le cas lorsqu'il porte son uniforme.
-Ton nom ? Tu es étrangère ? Tu parles allemand ?
Elle l'observe s'approcher avec des yeux de biche apeurée, craintive, et ne répond pas bien évidemment. Il sourit, puis écarte un peu plus sa braguette, du style « bon ben, si on ne peut pas discuter, autant faire autre chose ».
Mais la porte s'ouvre de nouveau. L'autre salue vaguement de la main le nouvel arrivant.
-Heil, Obersturmführer.
-Il va falloir me laisser la place.
-Aaaah, désolé. J'étais là avant. Mais vous pouvez regarder, ça ne me dérange pas.
L'homme de rang prend la chose sur le ton de la rigolade. Il s'apprête à sortir sa bite face à Akina, quand le lieutenant le prend par le col, puis violemment le plaquer contre un mur. Voir Panntreffe énervé était un peu comme la pleine lune : On savait que ça arrivait parfois, mais on le ratait souvent, ce qui faisait qu'on ne le voyait qu'une fois tous les six mois.
-« Herr Obersturmführer ».
-Ja, Herr Obersturmführer.
-J'ai dit que vous alliez me laisser la place.
-Jawohl, Herr Obersturmführer.
-Allez vous en trouver une autre.
-Sans faute, Herr Obersturmführer.
On le dégage, et il file. La porte est ensuite verrouillée par les bons soins du lieutenant.
-Faim ?
Dans sa besace, il y avait du pain, trois tranches de lard enroulées dans du papier, et un fruit. Une petite ration de soldat. Le tout est laissé à la demoiselle, pour qu'elle s'en fasse réserve.
Il s'était ensuite assis près d'elle. Pour parler. Il lui avait répété que Siegfried n'était pas méchant, que c'était juste un type qui ne transigeait sur rien. Il avait parlé de la façon dont il dirigeait ses hommes pendant qu'elle mangeait. Elle n'était pas sûre d'avoir faim, c'était flou, mais dans le doute, elle acceptait la pitance. Donc, le voilà qui conte les entraînements, la façon dont il était craint et respecté, la légende d'invincibilité qui l'entoure. Il explique qu'il n'y a qu'une partie de sa division ici, que l'autre est sur le front, détachée auprès de la troisième SS, en proie à de grandes difficultés. Siegfried doit former des nouvelles recrues, puis retourner au combat et retrouver sa troupe entière dans quelques jours, ou semaines.
Elle ne veut pas lui dire qu'elle est au courant de ce genre de choses. Elle le laisse s'étendre sur sa vie, et puis saisit un moment de silence pour sa supplique.
-Faites-moi sortir.
-Pardon ?... Mais... Vous êtes bien ici, vraiment. Pour votre travail, il vaut mieux que vous restiez ici. C'est la perspective de vous taper des SS qui vous dérange ?
-Non, c'est que... je ne suis pas... une pute, vous voyez ?
Il fronce les sourcils. N'y croit visiblement pas.
-Ici, vous bénéficiez d'une relative sécurité. Les conditions d'hygiène sont très bonnes, l'Hauptsturmführer a transmis des consignes. Il y veille. Il désapprouve cet endroit, mais...
D'un seul coup, elle pleure. C'était soudain, inattendu. Pas vraiment les grands flots, mais ses yeux s'embuent visiblement, et les larmes perlent au coin de ses yeux.
-Sortez-moi de là.
Et maintenant, il se sent coupable.
-Ecoutez... Vraiment, il n'y a qu'une personne qui ne peut faire ça. Vous savez de qui je parle.
Il ne sera pas trop resté, dira prendre ses dispositions pour qu'elle soit tranquille. En effet, personne ne viendra. Le lendemain, un planton frappera à sa porte, accompagné de Grünn, qui surveille bien qu'il n'y ai pas de geste déplacé. Le soldat transmet une note : Rendez-vous avec Siegfried, 16h. Ponctualité de mise.
Panntreffe avait expliqué la veille qu'il ne suffisait pas de la faire sortir : Elle n'avait pas de papiers, pas de statut, elle était enregistrée, et la SS note tout, et lorsque quelqu'un « disparaît » des écritures, c'est qu'on l'en a supprimé volontairement, sous peine de quoi on la recherche, on la traque, on interroge. Les SS ne tuent pas des putes à la volée et ne s'envolent pas avec elles sans que toute une commission militaire ne finisse par s'en apercevoir. Sans quelqu'un avec l'autorité nécessaire, elle ne serait jamais tranquille, quoi.
Elle n'avait pas d'autre solution que d'être confronté à son Maître, l'amour de sa vie, qui ne la connaissait ni d'Eve ni d'Adam, et qui se fichait d'elle comme de l'an 40... Si il était possible de dire ça ainsi vu l'époque.
-
La réponse ne la déçoit pas. Enfin, elle aurait espéré – sa conscience aurait espéré plutôt, qu'il s'enligne sur un discours plein de romantisme. Néanmoins, il est honnête : elle peut au moins se targuer d'avoir cette chance-là. Savoir qu'elle ne pourrait jamais rivaliser avec Maria lui fend le cœur, et surtout l'ego, mais elle comprend qu'elle s'entête à comparer deux situations opposées. Pendant qu'il se lave, elle prépare les tasses, les gâteaux et le thé. Ne vous méprenez pas, Akina Walker n'est pas encore devenue la parfaite petite femme au foyer. Une fois le tout apprêté, elle consulte distraitement sa messagerie, sur son téléphone jusqu'à ce qu'il redescende pour aborder le sujet épineux de la russe.
« - Je vais rappeler Ekaterina, enfin tenter. Elle vous jugeait un peu durement, mais elle est comme ça vous savez. Je pense...qu'on est tous un peu comme ça quand nos rêves se brisent. »
Sauf vous. Vous c'est l'inverse, aurait-elle voulu rajouter, vous attendez de perdre votre femme, votre fille, votre patrie et votre vie pour redevenir un homme, un être humain. Et quand vous aviez tout pour l'être, et bien vous étiez une créature dépourvue du moindre jugement sentimentaliste.
C'est ton futur époux que tu juges ainsi. Tu n'es pas sérieuse. Qu'est-ce qu'il y peut si tu délires des rêves étranges.
La ferme, conscience, pas maintenant.
« - C'est quoi ça ? Demande Grünn au lendemain de sa rencontre avec Panntreffe.
-Du pain, du jambon....
-Et bien, qu'est-ce que t'as fait à Panni pour qu'il t'offre tout ça ? Saliva la prostituée. Si les conditions de sécurité et d'hygiène étaient irréprochables ici, ce n'était pas le cas des conditions de vie. Traitées en esclaves, elles avaient à peine de quoi se nourrir et vivaient des largesses de leur client. Face au visage émacié de la trentenaire, qui lui remémorait étrangement Kitty, Akina lui proposa une tranche de lard sur un morceau de pain. Merci. Alors, t'as fait quoi ? Il est difficile à satisfaire, tu sais.
-Tu l'as déjà eu ? Demanda Walker, par pure curiosité tout en grignotant un fruit, moins vorace que sa compagne d'infortune.
-Non. Mais il est déjà venu deux fois ici. Aucune fille ne lui a plu. Je crois que c'est un de ses hommes qui ne font pas ça sans....tu sais, sans sentiment. Le pauvre. Pourtant, je suis sûre qu'une bonne pipe le déchargerait aussi bien de ce qu'il a sur le coeur que dans les couilles !
L'américaine haussa les épaules, soudainement gêné par le tournant que prenait la conversation. Le remarquant, Grünn préféra la laisser seule en lui rappelant que le bordel ouvrait ses portes à partir de 17h00 et qu'elle aurait sans doute moins de chance que la veille, que tôt ou tard elle passerait à la casserole, comme elles toutes ici. Que le docteur Hohenheim et la caserne ne perdraient pas de temps à nourrir une bouche inutile, bien qu'ils nourrissaient peu : c'étaient autant de rations qui pouvaient partir pour les hommes au front.
Durant l'absence de la matrone autoproclamée, Scarlett réfléchit à toutes les possibilités qu'elle avait d'échapper à cet Enfer. Le réveil était le moins risqué, mais en attendant ce dernier il fallait se mettre à l'abri. Les fenêtres étaient bardées de barreaux en fonte et si elle sortait par la porte principale, elle serait immédiatement repérée par les différentes patrouilles et les soldats réguliers de la caserne. Cependant, le retour de Grünn en fin de matinée, accompagnée d'un messager lui épargna d'inutiles tentatives d'évasion. Avant de quitter le bordel, il était hors de question qu'elle rencontre le Hauptsturmführer dans cet état. Direction le bain, une des filles accepta de lui prêter un savon : coûteux aussi par les temps qui courraient. Et Grünn se chargea de lui offrir une robe de paysanne, elle n'avait rien de mieux et ne s'en excusa pas. L'habit était un peu trop grand et baillait au niveau du décolleté.
Escortée par un soldat, elle put regagner les bureaux localisés dans le château réquisitionné. Certains officiers étaient sur les dents, cela se sentait au ton employé pour faire cravacher les subordonnés.
« -Attendez là », lui ordonna le militaire, « Le HauptsturmfPührer va vous recevoir. »
« -Non, je veux le voir maintenant. »
Et avant qu'il ne puisse la rattraper, elle avait ouvert la porte du local à la volée.
« -Anton...
-Herr Hauptsturmführer, je suis navré, elle a....
-Dégagez de là, soldat, intervint Panntreffe après une rapide oeillade désapprobatrice sur Akina.»
La porte claqua sur le départ du subordonné. Ils étaient seuls au milieu de l'office au luxe. Elle, dos à la grande fenêtre, à contre-jour, sa silhouette dénotant dans la lumière relative d'une journé pluvieuse. Elle était comme le petit chaperon rouge face au loup, et se sentait impuissante, car cette impression demeurait. Heureusement que l'adjoint faisait office de chasseur.
« -Anton, » répéta-t-elle.
-Mademoiselle, vous devez vous....enfin faire preuve de plus de respect lorsque vous....vous adressez à...commença Panntreffe.
-Je ne suis pas une pute ! S'écria-t-elle en désespoir de cause. De là où je viens, je n'ai pas besoin d'agir comme une moins que rien !
-Et d'où venez-vous ? fit froidement Siegfried. »
En quelques enjambées gracieuses, la métisse s'était rapproché de son fiancé et elle lui faisait face avec tristesse. Sa main effleura celle du SS dans la plus grande indifférence de ce dernier.
« -Je vous en prie, rappelez-vous de moi...Anton, s'il vous plaît...C'est moi, Akina, Scarlett....Ceci ce...ce n'est pas réel. Vous ne pouvez pas me laisser dans un bordel, pas vous...supplia-t-elle.
-Vous tenez tant que ça à passer du bordel à l'Asylum ? »
Tout de suite, elle recula, frappée par la menace. Elle se mit à faire les cent pas sous les yeux inquiets du second.
« -Je suis une scientifique ! Oui, c'est ça....je peux vous énoncer la théorie de la relativité, vous parlez de la division cellulaire, de la séquence ADN. Vos injections...je peux vous aider.
-Panntreffe, cette femme est folle.
-Moi, je la crois. »
Le capitaine soupire. A voir la manière dont son subordonné dévore la pute du regard, il comprend que son objectivité sur le sujet a foutu le camp depuis belle lurette. Il pourrait faire l'effort aussi, de comprendre. S'il avait croisé cette tarée au détour d'un bordel, ou d'un Lebensborn (bien qu'il n'en ait jamais fréquenté), peut-être l'aurait-il choisi pour sa poitrine et son cul appétissant. Mais juste CA, rien d'autre. Surtout pas pour son esprit dérangé.
« -Sa place est dans un bordel. Ecoute, (vers Akina, assez froidement.) je n'ai pas de temps.... »
Des bruits de pas. Et le son particulièrement désagréable d'une gifle bien sentie. Oh, elle avait juré de ne plus jamais le frapper, mais là : elle le détestait. De tout son être. Elle l'aurait tué si elle avait été armée. Plusieurs balles, elle aurait même vidé le chargeur de rage. A la place, elle se contente d'une sobre claque, directement expédiée contre la figure du beau baron. Et elle était déjà prête à réitérer, main levée qu'il dut stopper en plein élan, capturant le poignet coupable.
« -Sale garce.
-Vous m'avez trahi ! Répliqua-t-elle en lui crachant à la figure, hors d'elle. »
Là, Panntreffe réagit. Il se dépêcha de séparer Scarlett de son supérieur, immobilisant les deux bras de la demoiselle dans son propre dos, pour la contraindre à reculer.
« -Ca suffit !
-Lâchez-moi ! (Puis à l'attention d'Anton.) Je vous aimais....comme pouvez-vous me faire ça... ! »
-
Pour Siegfried, c'en est déjà trop. Son honneur a été souillé, cette fille est folle, il ne sait pas où elle a sorti tout cela. Et sa rage est à son comble, il a beau rester calme en apparence, elle sait, elle sait pertinemment que ce regard signifie une sentence imminente. Et pas les gentilles.
Aussi froidement qu'un Siegfried en colère, il défait l'attache de cuir et sort le Walther de son étui, pour le brandir vers elle.
-Hauptsturmführer !
-Elle a parlé d'injection. Soit est-elle folle, du genre de maladies sexuelles qui rongent le cerveau, soit c'est une espionne qui en sait trop. Dans les deux cas, je rend service au Reich.
-Hau-
Bam. Panntreffe s'était baissé, dans le doute, et Akina avait pris la balle en plein crâne. Une belle face blonde au sol, écroulée au milieu d'un bureau, dans de beaux murs qui en ont vu d'autre. Ceux-là même sont néanmoins très déçus de la conduite du prussien, et ferment les yeux de dépit. Akina n'est plus dans son corps, elle est partout et nulle part. Elle voit Siegfried calmement ranger son arme, faire signe à l'adjoint de faire débarrasser le corps et nettoyer le sang. Il s'en retourne à son bureau.
L'histoire est finie.
C'est ici qu'elle se réveille. Elle est seule dans son lit. Une petite lumière traîne en bas. Lorsqu'elle s'y rend, elle voit que Siegfried dort devant son PC, les mains sur les bras. Il bouge en l'entendant arriver. Il murmure un j'arrive, se remettant sur son travail comme si il ne s'était pas endormi devant. Gros bâillement au passage. Mouerf.
Elle mettra du temps à se rendormir, mais la fatigue l'emporte. Autre chose la traîne aussi vers ses rêves, mais elle ne saura jamais quoi. Siegfried, lui, sait. À peine rendormie, le songe la saisit de nouveau.
Elle est là, tenue par Panntreffe. Lorsque celui-ci voit que Siegfried sort son arme, il l'écarte immédiatement et se met devant elle à la place, en guise de bouclier.
-Ecartez-vous.
-Non. Mein Herr, soyez raisonnable. Il est possible qu'elle ait raison. Que vous ayez oublié. Ou qu'elle confonde.
-Ecartez... vous.
-Maria.
Le nom maudit est prononcé.
-... Dieter... Christian... Ah, les civils ukrainiens !
Il ne voit pas de quoi elle parle en dernier, mais le reste, il voit très bien, et ça ne l'énerve que trop.
-Ah, ça y est ! Il y en a un qui s'appelle Becker ? Docteur Becker ? Et les autres ont des noms à coucher dehors...
Siegfried s'avance, pousse rageusement Panntreffe qui va s'écraser sur le tapis. Akina est à sa merci, prise par les cheveux, flingue contre la joue.
-COMMENT SAIS-TU CA !?
-Je suis...
-PARLE !
-Je suis votre fiancée !
Et parce qu'il s'apprêtait à la frapper avec la crosse de l'arme, Panni s'était jeté sur lui, lui avait tordu le bras, s'était pris un violent coup de coude dans le bide, et un auxiliaire SS était rentré, ayant entendu les cris, pour venir les séparer.
Akina avait été assignée à rester dans ce bureau, sous surveillance d'un planton. Vingt bonnes minutes d'attente. Lorsque Siegfried revient enfin, il se rassied juste en face d'elle, ordonne au soldat de partir. Les voilà seuls.
-L'Obersturmführer a pris une semaine complète de cachot, et une semaine supplémentaire de corvée dans mes quartiers. Maintenant, parlez, ou vous passez au peloton d'exécution.
-
« Mein Herr....Anton.... » soupira-t-elle, complètement déphasée. La rage c'était envolée au profit d'un gouffre de désespoir. Finalement, le peloton d'exécution était préférable. Elle se réveillerait à Seikusu, peut-être même dans les bras de son fiancé. Quitte à prendre une balle, elle préférait que ce soit de la main d'un illustre inconnu plutôt que de celle de Siegfried. Il avait osé.
Le cauchemar.
Alors qu'elle s'apprêta à abdiquer, ses yeux tombèrent sur ses mains tremblantes. A l'annulaire gauche trônait encore l'anneau de promesse. Années 30. Coûteux.
Ce fut comme une révélation.
« 1935. Trois tableaux sont saisis, chez un exposant d'art juif. Il dit les avoir acheté à Pragues....ces oeuvres d'art finissent ensuite dans un coffre du Reich... »
Elle parlait lentement, articulant chaque mot au fur et à mesure que les souvenirs lui revenaient.
« -Vous saviez où était ce coffre, car l'Anhenerbe auquel vous apparteniez en avait eu temporairement la garde. Vous avez raflé dedans à votre tour, tout gardé, entreposé sous surveillance. Plus tard, vous les vendrez pour m'acheter cette bague. »
Finalement, Akina délaissa son siège pour venir s'agenouiller devant lui et faire glisser ses paumes tièdes sur les genoux de l'officier. Etrangement calme, la belle poursuivit son récit avec la peur au ventre dans le seul but de le captiver, de temporiser et d'apaiser sa colère.
« -Vous êtes né en 1914 Août, votre père était sur le front tout récent lorsqu'il a appris votre naissance. Vous vous êtes engagé dans la SS pour venger l'Allemagne, votre père et tout le reste, n'est-ce pas ? Vous êtes un cobaye pour les expériences de...comment il s'appelle, Wanka ? Et les autres. Ils ont tous leur carte au Parti. Quand ils m'ont pris dans les baraquements, c'était votre foutre que j'avais entre les cuisses. Oui....vous n'aviez pas tort, je suis une pute. Mais la vôtre. Exclusivement. Anton, s'il vous plaît....Je sais que c'est....compliqué, mais croyez-moi.... »
On frappa deux puissants coups à la porte. Scarlett sursauta immédiatement.
« -Hauptsturmführer !
-Attendez ! Ordonna Siegfried. Peut-être que le doute s'insinuait en lui, peut-être que non. Sa froideur demeurait, rigide sur sa peau pâle. Toutefois, au fond de ses prunelles brûlait encore un peu de colère motivée par l'incompréhension. »
L'ordre fut outrepassé. Les gonds de l'entrée manquèrent de voler en éclat quand deux membres du RSHA, Amt IV section D firent irruption d'un pas militaire dans le bureau. L'un était en costume, d'un grade aisément identifiable : SS-Gruppenführer. Pas un bonjour, et le gradé fait signe à son subordonné de saisir la femme.
« -Mettez-la au cachot. J'ai deux mots à dire au Herr Hauptsturmführer, j'aimerais ensuite interroger la femme avant qu'elle ne soit transférée. »
L'américaine fut saisie par le bras et résista.
« -Non ! Non ! Qui êtes-vous !Lâchez-moi !Anton.....ne les laissez pas faire !» Elle suppliait le capitaine des yeux, effrayée.
Tant bien que mal, l'homme la traîna devant son supérieur qui se contenta d'une claque autoritaire et cinglante pour la calmer.
« -Epargne ton souffle, tu en auras besoin quand je viendrai m'occuper de toi. »
A moitié sonnée, elle disparut dans le couloir. La porte fut refermée à sa suite. Le Gruf se déganta ensuite. Il était plutôt grand, le visage émacié et les yeux enfoncés dans leurs orbites. Moins de charme que le noble Anton, un charisme plus brute et surtout un sourire carnassier qui dévoilait des dents jaunies par le tabac et la nicotine.Après les gants, il retira sa casquette. Le tout fut rejeté sèchement sur le bureau.
« -Les Temps sont durs, Hauptsturmführer. Aussi, quand je reçois un appel du SD pour me signifier qu'une pute a été retrouvée dans des baraquements, je ne me prive pas pour enquêter en personne. Me racheter en quelque sorte. »
Se racheter d'un pénible échec en France occupée Aujourd'hui, le haut-commandement pour ne pas citer Heydrich menaçait l'officier d'une mutation imminente sur le front russe, ouvert depuis quelques semaines dans le cadre de l'opération Barbarossa. Avec l'avancée de la Werhmacht on parlait de quelques territoires occupés, conquis, d'un besoin d'une présence SS pour soumettre l'arrière-ligne, les civils : le grand merdier quoi. Et voilà qui tombait mal, la section D était en charge des territoires occupés. Mais quitte à choisir, franchement, il privilégierait la France. Le climat y était moins rude, la résistance davantage amatrice. Et puis il y avait les femmes, ah les femmes.
«-Elle est soupçonnée d'être américaine, vous savez. D'avoir maquillée son nom en Walcher pour faire plus germanique. Le fait qu'elle parle couramment allemand, qu'elle soit un peu aryenne ne peut qu'engager la piste de la cinquième colonne. »
Okay. On voyait parfaitement le délire du Gruf, notamment responsable du contre-espionnage.
Au cachot, elle retrouva Panntreffe. Ils ne partageaient bien évidemment par la même cellule, par souci de séparer les sexes. Mais leur prison était adjacente, séparée par de lourds et épais barreaux. Juste devant les portes verrouillées siégeait un soldat, geôlier de son état. A terre il y avait une gamelle d'eau, semblable à ceux qu'on offrait aux chiens. L'endroit était sombre, glacial et oppressant. Tout près de la gamelle, une femme se tenait recroquevillée, pleurant ci et là toutes les larmes de son corps. Akina blêmit en la remarquant.
« -Mademoiselle ? »
La voix de Panntreffe brisa le silence.
« -Oui, oui c'est moi. Akina. Je suis vraiment désolée....vous êtes ici par ma faute. Vous m'avez sauvé la vie....
-Ce n'est rien, j'ai l'habitude.
-Ecoutez....je dois sortir...
-J'ai déjà entendu ça quelque part....soupira-t-il en levant les yeux au ciel.
-Ces hommes...
-Gestapo, la coupa ensuite le Lieutenant assez inquiet, Le gars en costume, c'était typiquement le genre. Vous n'avez pas réussi à convaincre le Hauptsturmführer ?
-Je ne sais pas....je...il me l'avait dit. Qu'il ne m'aimerait pas, que c'était un autre homme. J'aimerais tellement...j'aurais tellement aimé qu'il ait tort. »
Elle fut interrompue par des bruits de bottes qui claquaient sèchement le dallage.. Trois Fedelgendarmes apparurent à la lumière de l'ampoule du couloir. Le géôlier ouvrit la cellule des femmes et Scarlett prit peur soudainement. Son coeur rompit l'espace d'une seconde pour repartir abruptement lorsque les Kettenhunde s'emparèrent de l'étrangère en pleurs. Alors qu'ils la retournaient, l'américaine aperçut son visage tuméfié par des heures de tortures.
Quelques secondes plus tard, dans l'arrière-cour qui jouxtait les cachots, les policiers militaires hurlèrent des ordres. On entendit le cliquetis des fusils qu'on épaulait et armait. Puis l'exécution eut lieu. Les détonations heurtèrent les tympans de la jeune étudiante qui imagina sans peine le corps criblés de balles retomber lâchement. Le calme était ensuite revenu tranquillement.
« -C'était une communiste, justifia Panni d'une voix rauque, Française. Elle devait être exécutée pour avoir participé indirectement au meurtre d'un officier allemand en France. Mais on ne fusille pas les femmes là-bas, ça ferait une mauvaise image du Reich auprès de la population, vous comprenez ? On préfère qu'elle collabore. Alors elle a été transférée ici. »
Les explications lui fendirent la poitrine d'un émoi horrifiée. Elle craignait d'être la prochaine sur la liste.
« -Allez, approchez. Venez. »
Et elle obéit, parce qu'elle avait besoin de réconfort par-dessus tout. Même si elle aurait préféré les bras d'Anton, la main tendue et prise par Panntreffe suffit à alléger sa peine. Elle lui offrit un sourire pâle qu'il tâcha de lui rendre, un peu gêné.
« -Vous avez la peau douce, commenta-t-il.
-J'ai peur. »
Il resserra fermement ses doigts autour de la main d'Akina.
-
Il restera un long moment dans son bureau. Un verre offert aux quelques gradés présents, passif, désintéressé, et puis une fois seul, était resté assis à son bureau. De tout ce qu'elle lui avait dit, tout était vrai, et tout le sera. Soit elle a raison, auquel cas on nage en plein délire surnaturel, soit elle ment. Son esprit cartésien veut croire au mensonge, parce qu'il n'est pas possible de voir le futur. Mais alors que sa lassitude s'échappe par un lourd soupir, il se voit surpris d'avoir envie d'y croire.
Mais non, voyons, non. Ca ne se peut pas. D'une, parce qu'il ne se tapera pas une américaine, de deux, parce que... Parce que ! Aussitôt, il faut qu'il donne une cohérence à tout son récit. L'idée de la cinquième colonne s'impose plus naturellement. Une pute qui couche avec des officiers SS, qui leur soutire des informations. Certaines jalousement gardées, sans doute. On dit, répète, martèle aux soldats de tenir leur langue, mais le fait-on assez aux officiers ? Non, sans doute, ils n'accepteraient pas qu'on leur dicte leur conduite, trop de fierté dans les galons, qui alourdissent leur orgueil comme des baloches de cinq kilos.
Et si lui-même était dans ce cas ? Aveuglé par ses acquis ?
Il retourne finalement à ses tâches de commandement, administrant sa division comme il le faisait d'habitude.
Le soir venu, Siegfried entrait dans les geôles avec un garde SS et un auxiliaire militaire. Ravi de voir que les deux sont encore là. Son seul regard vers Akina sera glacial.
-Je n'oublie pas que tout est de votre faute.
Panntreffe, lui, s'est dressé, au garde-à-vous. Siegfried fait ouvrir sa cellule.
-C'est le moment où vous devez me présenter vos excuses pour votre conduite déplorable.
Silence de la part du lieutenant qui se contente de le regarder droit dans les yeux, impassible. Siegfried passe sa paume sur son front, glissant sur son visage, puis un court soupir, comme pour se reprendre.
-Vous êtes honnête ?
-Citez une seule fois où je ne l'ai pas été avec vous.
-Hm. Le récit de la fille paraît plausible ?
-Nein. Mais on ne peut pas écarter qu'il est imaginable. Je vous rappelle ce que j'ai vu avec vous depuis que je vous suis. Surtout avec l'Ahnenerbe.
-Je sais, je sais. Est-ce que ça vaut le coup d'outrepasser la hiérarchie ?
-Ja.
-Vous irez au peloton avec moi ?
-Jawohl, Herr Hauptsturmführer. Je ferais même un trait d'humour avant qu'ils ne tirent.
-On s'en passera.
Volte-face, Siegfried se tourne vers la cellule d'Akina.
-Qu'arrive-t-il à Maria ?
-Elle... elle meurt. Tuée avec votre fille.
De nouveau, l'incrédulité qu'il avait réussi à mettre de côté le saisit. Il voudrait la traiter de menteuse, parce qu'il refuse que ce soit le cas, partir, loin, et la laisser à son sort merdique. Sa main se crispe sur le barreau qu'il tient. Il conçoit un effort surhumain pour rester. Akina l'aide, et vient poser ses doigts sur les siens.
-Dites-moi quelque chose d'irréfutable, que quelqu'un d'autre ne sait pas. Quelque chose que seule vous devrait savoir.
Panntreffe la fixe en remettant son manteau qu'on vient de lui rendre, ainsi que sa casquette. Il y a une supplication dans ses yeux, comme si elle devait faire un effort. Elle ne trouve rien. Siegfried amorce son mouvement de départ.
-Attendez ! Vous avez un tatouage. Un A. Sur le bras.
-Tous les SS sont marqués.
-Je sais précisément où il est. … Ici.
Elle doit passer tout son bras, jusqu'à son épaule, pour poser l'index à l'endroit exact de la marque à l'encre.
-Vous aimez le whisky. Vous fumez. Vous savez valser d'une manière spéciale, celle de votre mère. Vous aimez faire mal lorsqu'il s'agit de sexe.
Il regarde autour de lui. Panni confirme d'un hochement de tête. Siegfried le fouette avec la paire de gants en cuir qu'il tient dans une main. Elle n'a plus le choix : Attrape doucement son col, le fait approcher de lui. À son oreille, elle murmure :
-Je suis votre chienne, mon Maître. Je vous respecte, vous vénère. Vous avez total contrôle sur moi. S'il vous plaît... Ne m'abandonnez pas. Je perdrais ma seule raison de vivre. Je préfère mourir sous vos coups pendant que vous vous videz en moi.
Son ton s'était durci. Il avait dit que ça ne faisait plus aucun doute qu'elle était une espionne soviétique, et qu'elle devait être instamment abattue. Traînée par son auxiliaire, elle avait beau se débattre et hurler, rien n'y faisait. On les voyait passer dans la cour, jusqu'à aller derrière une petite cabane isolée, entourée de murs et de barbelés. Dans le petit espace, la terre était battue, renversée, remuée ; les impacts de balle faisaient aisément deviner les exécutions sommaires plus discrètes que celles faites devant les pelotons.
-Allez reprendre votre garde, Werner. On s'en occupe.
-Jawohl, Mein Herr.
Il laissait Akina à genoux, et s'en allait. Elle tente immédiatement de se relever : Panntreffe lui prend le cou, la force à ne pas bouger. Derrière, un double-clic distinctif : Siegfried a posé son arme sur sa nuque.
-Comment meurt-elle ?
-... Maria ?
-Oui.
-Tuée par une bombe soviétique.
Les deux hommes se regardent.
-Qui gagne la guerre ?
-...
-Qui g...
-Pas vous.
-Pourquoi !?
-Les américains débarquent en France. Les deux fronts sont intenables pour l'Allemagne. Les soviétiques vont avancer jusqu'à Berlin. Les trentes années prochaines seront... une partition du monde entre les deux superpuissances vainqueurs.
-Je rêve !!
Il a envie de tirer. Son adjoint sait qu'il ne le fera pas, et c'est pour cela qu'il l'aide volontiers.
-... Que fais-je dans la vie ?
-Professeur. En droit. Et d'autres choses. Et un peu avocat.
-Et Panntreffe ?
-Je crois que vous l'avez exécuté.
Ils s'observent de nouveau. Des deux, c'est le prussien le plus étonné.
-Franchement, ça ne m'étonne même pas. Tôt ou tard, vous allez être jaloux de moi, Herr Hauptsturmführer.
C'était fini. On avait entendu une détonation qui avait glacé le camp entier l'espace d'une seconde, puis Siegfried était sorti seul, bientôt suivi par son bras droit, celui-ci portant sur l'épaule, comme un sac de farine, un corps inerte couvert de son manteau, pour en masquer la beauté morbide.
Il eut fallu user de deux subterfuges pour réussir à la faire passer jusqu'à la chambre de Siegfried sans que personne ne les aperçoive, mais Panni étant plus malin qu'un renard, c'était une partie de plaisir. L'officier supérieur les avait rejoint dix minutes plus tard. Tous trois prenaient une boisson chaude et un repas copieux, ration bien supérieure à ceux des soldats.
-So, so... Le Reich perd malgré tous nos efforts et notre évidente supériorité ?
-Je crois que... Ah, oui. Quelque chose que vous racontez souvent. Vos officiers sont des couards. Une fois, vous avez fait retraite, et vous en parlez encore comme d'une erreur. Comme si, si vous aviez désobéi et attaqué ou défendu, je ne sais plus, vous auriez pu vaincre. Peut-être que ça aurait changé le cours de la guerre.
-Il est fou de croire qu'on change le cours de la guerre sur une seule bataille.
-Elle a dit que vous ressassiez, mein Herr. Je crois qu'elle vous connaît bien.
-La ferme. Et... J'ai quel âge ?
-Nous venons de fêter vos cent ans.
Cent ans. Le calcul est vite fait.
-Je suis encore en vie ?
-Et en parfaite santé, avec la même apparence. C'est l'expérience dont vous êtes sujet qui vous maintient.
Il ne peut s'empêcher de sourire.
-Becker est un pur génie.
Elle voulait dire quelque chose, comme le fait qu'il regrette souvent son état immortel. Et au lieu de ça...
-Vous supportez l'équipe de Wolfsburg.
-L'équipe de quel sport ?
-Football.
-L'Hauptsturmführer s'intéresse au football ?
-Wolfsburg a une équipe !?
Ils discuteront ainsi sur l'avenir du monde un bon moment, et la scène se finit là. Akina ne saura pas trop pourquoi, comment, mais elle est plongée dans un grand flou, et se réveille. Nous sommes le matin, elle est fatiguée, pas l'impression d'avoir dormi. Siegfried est à côté d'elle, nu, dans une position totalement anarchique.
Pas de rêves les jours suivants. Comme une spectre occupant une maison : Une fois sa situation réglée avec le monde des vivants, il ne revenait plus les hanter. C'était la même chose mais dans l'univers onirique : Maintenant qu'elle avait réussi à se faire accepter auprès du faux Siegfried, plus rien ne la retenait là-bas.
Elle put donc dormir normalement. Le week-end, comme promis, stage intensif de cuisine. On ne parlera pas de la tentative complètement foireuse de s'abstenir de toute relation sexuelle : Dès 11h, samedi, les amants oisifs avaient fini par baiser dans la cuisine, et passeront le reste de la journée nus, ce qui n'arrangera pas non plus leur concentration le reste de la journée. Ils ne sortiront pas, larveront devant des films sur le PC de Sieg, qui a pris soin de s'avancer sur son travail en sacrifiant son sommeil de la veille, et n'avait donc plus aucune obligation dans le monde extérieur. Ils cuisineront beaucoup, n'en mangeront même pas la moitié, feront une dernière fois l'amour dans leur lit, et s'endormiront complètement exténués.
Même chose le lendemain.
-Si vous pouviez changer quelque chose de ce que vous avez fait à cette période, qu'est ce que vous feriez ?
La question était anodine, posée lorsqu'elle préparait une pâte salée. Lui était sur ses petits légumes.
-Je t'ai déjà parlé de ma retraite de Prokhorovka, je crois. Je commencerais par là.
-Il n'y a pas autre chose ?
Il pose son couteau. Ca demande réflexion.
-Aaah, si. Un jour, un type est venu me voir. Honte à moi, j'ai oublié son nom. Un ami de mon père, un noble prussien aussi. Il était dans la Wehrmacht. Il est venu me dire qu'il avait entendu dire que j'étais critique sur le Reich. Bon... Mon père a dû extrapoler. Enfin bref. On discute une fois, deux fois, trois fois, il fini par vouloir me faire rencontrer Oester. Un type assez sympathique. J'ai vite compris le projet : Il s'agissait d'un coup d'état militaire, ou quelque chose du genre. Ils ne me l'ont jamais dit directement. Hm.
Il reprend sa popotte.
-Un jour, on me fait rencontrer Canaris. Un grand homme. Un amiral. Et dans notre petite réunion, il me dit qu'un attentat est prévu contre Heydrich. Il me balance ça comme ça. D'eux, l'attentat ? Non, de pays tiers, il me répond. Heydrich, en ce temps-là, avait l'impression d'être un demi-dieu, du genre invincible. Les terrorises attaquaient Hitler, pas lui. J'ai sur le coup pensé que Canaris m'avait dit ça pour que je ne cherche pas à empêcher l'attentat, et même, que je fasse tout pour qu'il se déroule comme prévu. Canaris et Heydrich pouvaient pas se sentir. Bref. Canaris me dit qu'il a un autre plan : Si je veux le rejoindre, combattre avec lui, alors je dois faire en sorte de devenir le chien de garde d'Heydrich, et empêcher l'attentat au moment pile où il se déroule. Ce serait un moyen extrême pour devenir son homme de confiance : Que je sauve sa vie. Voilà. Mais si je faisais ça, ça voulait dire abandonner mes autres fonctions. J'ai refusé. Quelques jours plus tard, Heydrich se faisait tuer. Avec le recul, je me suis dit qu'au-delà des plans de Canaris, le Reich a perdu l'une de ses têtes pensantes. Bien, à ce stade-là, il faut cuire les légumes avant de les mettre dans la pâte. Donc, quelques minutes à la poêle. Ceux-là ont une cuisson plus longues que ceux-là, d'où la séparation en deux. On va donc faire ça en deux temps.
-
Au bout d'un moment, le geôlier avait décidé de les séparer. Il s'était mis à frapper rudement les barreaux avec le canon de son fusil pour leur signifier de s'éloigner l'un de l'autre, tout en vociférant :
« -Restez à vos places, merde ! »
A contrecœur, Scarlett voulut obéir afin d'éviter des complications inutiles lors de sa captivité – mais Panntreffe l'en dissuada, retenant sa main au creux de la sienne ce qui ne manqua pas de mettre en colère le gardien.
« -Putain. C'est toujours la même chose avec vous, Obersturmführer.
-Soldat. Vous savez que tôt ou tard, je vais sortir de là. Si je vous croise à nouveau. »
L'autre haussa les épaules avant d'opérer une prudente retraite. Ce n'était pas la première fois que Panni se prenait du cachot. En général, il ne faisait pas de problème. Il y avait une espèce de dignité à toute épreuve chez ce gars, qui agaçait fortement les chiens de garde au cachot. Et Scarlett éprouva une peine immense à savoir que le lieutenant risquait tôt ou tard d'être passé au fil de l'épée par celui qu'il servait loyalement. Elle aurait aimé le lui dire, là maintenant si ce n'était sa gorge nouée par les émois successifs.
Pour dîner, ce fut de la soupe. Ils durent rompre le contact et chacun lorgna vers le bol de bouillon gris. La jeune femme en était encore à se demander ce qui composait le repas quand Siegfried fit son apparition.
« -Je viens pour la femme. »
Le Gruppenführer était de bien mauvaise humeur, bardé de deux Fedelgendarmes, et suivi d'un membre du SD, au losange identifiable sur sa manche. Le geôlier dut se confondre en excuse.
« -Herr Gruppenführer. Le Hautpsturmführer est passé hier dans la soirée. Visiblement, elle a avoué. Espionne soviet. Il l'a exécuté en personne.
-Scheisse. Et vous l'avez laissé faire, abruti ?
-C'est mon supérieur, Herr Gruppenführer. Je pensais bien faire. »
Le planton se ramassa une claque monumentale de la part du général.
« -Le Hauptsturmführer n'était pas habilité à s'occuper de ce cas, vous comprenez ? Enfin, vous ne comprenez pas. Parce que vous êtes con.
-Qu'est-ce qu'on fait Herr Gruppenführer ? interrogea un des deux Fedel. »
Gros blanc. On préparait ses affaires pour le front russe. Cette espionne aurait été l'occasion de prouver à Heydrich qu'il valait quelque chose à l'Ouest. Maintenant, il était trop tard pour contre-enquêter, induire le capitaine en faute, etc. Pourtant, le Gruf affirmait qu'une seule chose : ce n'était que partie remise. Puisqu'il ne comptait pas s'attarder, et encore moins périr, à l'Est.
Au réveil, elle cherche son souffle précaire. En fait, elle ouvre l'oeil sans vraiment savoir si elle l'a fermé un jour. La fatigue plombe sa nuque et des cernes acculent son regard mordoré. Anton n'est pas loin, à quelques centimètres d'elle. Lui a cette chance de dormir, de manière désordonnée, certes.
« -Mein Herr, réveillez-vous... »
Et elle lui secoue l'épaule doucement, pour ne pas brusquer son éveil.
« -S'il vous plaît Mein Herr, j'ai besoin de vous. »
Dîtes-moi que vous m'aimez, que je suis votre chienne, n'importe quoi. Dîtes-moi que c'est ça, la réalité.
Elle passera cette journée-ci à dormir, ou presque. Histoire de rattraper sa nuit chaotique. Au départ, elle est confuse. Les images se superposent dans son esprit. Un moment son Maître s'adresse à elle en anglais, dans une tenue décontractée, l'autre c'est en allemand qu'il parle : rigide dans le port de l'uniforme. Elle croit voir un acteur ressemblant étrangement à Panntreffe lors d'un film. Les cafés s’enchaînent. A l'université, le tableau n'a pas meilleure allure. Chris lui aura demandé une fois ou deux de reprendre les notes qu'elle lui a transférées, car elles sont rédigées en allemand. Je n'ai pas fait attention, excusez-moi. Ce sera-t-elle dédouanée sobrement avant de traduire. Cependant, deux ou trois jours passent, le sommeil lui revient normalement, mais les confusions persistent de temps à autre. Quand c'est insoutenable, elle prend le prussien à partie, ouvre ses cuisses, sa bouche, son cul et encaisse. Ces moments d'extases et de douleur lui redonnent un peu de raison, à peine.
Les cours de cuisine lui occuperont au moins le cerveau et éprouveront la patience de l'ancien SS. Bilan du stage : elle s'est améliorée au sujet de faire cuire les pâtes. Le reste, ce n'est pas encore trop ça. Elle n'a pas quitté son collier de cuir du week-end, toujours prête et disponible. Si le petit discours sur Heydrich lui paraît difficile à suivre, elle note mentalement toutes les informations. Bien que ses rêves soient paisibles ces derniers temps, elle n'écarte pas l'hypothèse du cauchemar. En espérant que cela ne se reproduise pas. Elle n'aimerait pas avoir à consulter un psychologue.
« -Et pourquoi je n’achèterai pas euh, un robot-cuisine ? Ca existe, non ? La technologie au service de la femme, rien de meilleur. Je devrais peut-être songer à le mettre sur la liste de mariage. »
Elle délaisse la pâte, les mains encore poudrées de farine et passe ses bras fins autour du cou de son fiancé.
« -Pourriez-vous mettre un peu de foutre dedans, s'il vous plaît ? C'est la seule sauce que je sais comment produire... »
Ses lèvres maquillées se plaquent ensuite contre l'oreille du mâle, et elle poursuit son discours en un murmure provocant : « Je raffole de cette crème, j'aimerais la sentir avec les autres aliments, dans ma bouche, quand je mâche et j'avale. »
Si Anton a la moindre hésitation, elle aurait de grande chance d'être balayée par sa future épouse qui choit à genou, les mains croisées derrière son dos et la langue déjà apprêtée – sortie de son écrin buccal.
Au soir, pour une fois, elle monte se coucher après son amant. Des recherches sur internet la tiennent éveillée jusque tard. Les pages Wikipédia s'emboîtent, les onglet sur les biographies de Heydrich également. Parfois, elle a un rire nerveux. Vers minuit, elle reçoit un SMS de son oncle James. Il ne rentrera pas ce soir encore. Il a rencontré une pure pétasse, et il découche. Un simple Ok, have fun lui sera expédié. Tout compte fait, elle ferme le navigateur et met en route son logiciel de biométrie en le connectant au serveur du labo. Un peu de travail, se changer les idées.
Mauvaise idée. Le panel général des données lui indique une alerte au laboratoire. Sûrement une manipulation qui a foiré. Le protocole d'urgence n'est pas engagé, mais le niveau d'alarme assez élevé pour demander une vérification sur place. Rapide coup d'oeil à sa montre. 2:00 AM.
Avec précipitation, elle embarque sa carte labo, sa blouse qui pend toujours quelque part à portée et ses clefs de voiture. Sur la route, volant d'une main et téléphone de l'autre, elle rédige un SMS à Siegfried : « Partie à la fac. Problème au labo. Je vous aime. »
« -Voilà, Mademoiselle. Une tenue de ville correcte, des bas, des chaussures neuves.... »
Panntreffe fait l'inventaire de ce qu'il avait trouvé de sa virée expresse à Berlin. La belle américaine était assise au milieu du lit, dans la chambre du capitaine, les draps ramenés vers elle. En tant qu'auxiliaire, le lieutenant avait bien l'habitude des tâches ingrates, et vu que pour le moment il était difficile de faire sortir la dame des quartiers de l'officier, il s'était collé au shopping. Quant à Scarlett, elle émergeait difficilement. Son dernier souvenir remontait au laboratoire, à Seikusu. Le sommeil l'avait capturé vers quatre heures, face à ses machines d'analyses. L'alerte venait bel et bien d'une manipulation viciée, elle avait dû stériliser tout le matériel en catastrophe.
« -Je ne sais pas si c'est à votre taille. » poursuivit-il en auscultant la robe des yeux. Il paraissait réellement soucieux du problème. C'était plutôt qu'Akina avait passé la nuit dénudée dans la couche du Hauptsturmführer, même si celui-ci n'y avait pas dormi, et que Panni voulait absolument éviter un contact visuel trop prolongé avec elle, de peur d'imaginer ce que les draps recouvraient.
« -Quoi ? » demanda-t-elle, complètement perdue.
« -Le Hauptsturmführer va vous trouver de quoi loger, sur Berlin sans doute. Il négocie également avec l'Amt F, voir pour un Ausweis. D'ici là, vous devez rester discrète. Je vous laisse vous habiller.
-Merci Panetrèfle...
-C'est Panntreffe, corrigea-t-il le plus sérieusement du monde. »
Et il la quitta dans un sourire.
La robe était jolie. Enfin, si on occultait son aspect vintage. Elle lui alla comme un gant, près de ses courbes sans être ostentatoire, un rouge élégant, une dentelle bien travaillée qui caressait son décolleté. Dès qu'elle fut apprêtée, elle fit un rapide tour des appartements de Siegfried. Par la fenêtre, elle apercevait la grande allée du château, battue par d'incessants pas militaires et traversée par des convois de la même nature. Après quelques minutes, elle aperçut Panni et son capitaine en pleine discussion avec un autre officier. Ils se séparèrent sur un vague salut de la main.
Même si la situation semblait réglée pour elle, une part de son instinct lui disait de fuir.
Loin d'ici.
Quand le prussien retourna dans ses quartiers, ce fut pour l'heure du déjeuner. Son second ne l'accompagnait pas visiblement. Après qu'un planton eût servi le repas, le capitaine donna le signal à Akina pour qu'elle émerge de la chambre.
« -De la choucroute aujourd'hui, informa-t-il avec sobriété.
-Ce n'est qu'un rêve, vous savez. Je vais me réveiller. Ce que je vous dis là, ne changera absolument rien, n'est-ce pas ? Que je vous dise de mettre Maria à l'abri loin de Kônigsberg, d'accepter de protéger Heydrich, tout ça....ce n'est qu'un rêve. »
Elle le répéta une dernière fois avant de lorgner vers son assiette.
-
-Saucisses, poitrine de mouton et cuisse d'oie. L'oie est un luxe ces temps-ci, mais près d'Hoppegarten on trouve un grand élevage familial qui fournit volontiers la SS. Mangez, vous êtes sèche.
À l'entendre parler ainsi, on croirait entendre le Siegfried qui lui fait ses leçons de tambouille. Il s'installe, l'écoute parler. Un rêve ? Oh, il prétendrait volontiers que tout est réel. Il dort très mal, il en souffre psychologiquement et physiquement, et la douleur, c'est l'indicateur que vous êtes en vie, comme on dit. Jusqu'à ce qu'elle cite Heydrich, il aura même un vague sourire au visage ; passé ce point, c'est comme si un sac de glaçon avait été vidé dans son uniforme.
-Heydrich !?
Il se concentre. L'assiette devient soudain très intéressante.
-Leopold vous a tout dit !? À moins que... je ne sois dans vos livres d'histoire ?
-Non, c'est vous qui me l'avez raconté.
Il retient ici qu'il n'apparaît pas dans la postérité, ou bien qu'il n'est pas assez connu pour qu'il soit considéré comme un personnage public. C'était prévu, de toute façon : En s'engageant comme cobaye, ses dossiers passeraient au secret, et quand un empire tombe, on détruit les secrets en premier lieu.
-C'était il y a huit jours seulement. Canaris... Il est fou. J'ai toujours entendu dire qu'il rêvait de voir Heydrich mort. Et maintenant, il veut que je le sauve. Vous savez ce que je crains le plus ? C'est que le jour où il décide de se débarrasser d'Heydrich pour de bon, il me fasse sauter aussi. Quand on supprime le Roi, on supprime sa cour avec. Il veut me placer dans la cour, et quand il me tuera, il fera sauter sa petite magouille au passage. Parce que ce qui est clair dans cette histoire, c'est que non seulement Canaris conspire contre notre Reich bien-aimé, et donc contre notre Führer, mais en plus, il a des relations avec nos ennemis directs. Ceux-là même qui ont juré de pendre tous ceux qui portaient la croix et l'aigle. Il est fou, simplement fou, je vous le dis comme je le vois.
Piochant avec modestie et dignité dans son chou garni, une pensée lui vient soudain. Et si, au lieu d'être une espionne soviétique ou américaine, elle était un jouet de l'amiral ? Pour venir tester sa fidélité à celui-ci ou sa capacité à garder son secret ? Oh, non, pire : et si Akina était l'espionne d'Heydrich ? L'entrevue avec Canaris a rappelé à Siegfried que les conspirateurs se trouvent avant tout dans nos propres rangs, et que les adversaires ont au moins le mérite d'agir de face. Les putains soviétiques et les britanniques tirent dans le torse ; les traîtres se plantent entre les omoplates. L'armée allemande, prise en son sens large, apparaissait désormais comme bipolaires : Le clan des fidèles à la nation, et le clan des fidèles au pouvoir établi. Il se forçait à garder un appétit constant.
-J'ai fait bouger Maria. Elle sera bientôt en sûreté, loin du front que vous avez décrit.
Akina peut ainsi voir ce qu'elle a provoqué : Sa femme ne mourra pas. Qui sait combien de temps vivra-t-elle ainsi ? Siegfried va-t-il la rendre immortel pour rester avec à jamais ? Il lui a dit : « La seule femme qu'il n'ait jamais aimé », avant que sa belle Scarlett ne débarque. Peut-être, dans la continuité de ce rêve, ne la rencontrera-t-il jamais. En fait, c'est même sûr.
-Heydrich est mort ?
-Oui. Un attentat en 1942. Infection, les crins de cheval dans sa voiture se sont logés dans sa plaie.
Il rit alors. Merde, c'est déjà pas souvent qu'on le voyait rire à cent balais, mais là c'était carrément exceptionnel.
-Si vous pouviez le voir se vanter. Champion d'équitation, champion d'escrime, champion de tout. Il nous a même forcé à l'écouter jouer du violon. Il joue bien, ne déformez pas mes propos. Mais... Hm.
Une pause. Perplexité.
-J'aurais dû le protéger ?
-C'est ce que vous m'avez dit.
Il ne fera plus mention de tout cela le reste du repas. Se contentera de parler d'autre chose. Mais elle le connaît bien, ses mécanismes ont peu changé à vrai dire, et elle sent bien qu'il est pensif.
Vers 17h, on lui ordonna de dissimuler ses cheveux sous une casquette de SS, et son corps relativement frêle par rapport aux autres pensionnaires de la caserne fut engoncé dans un lourd manteau. Pour ne pas trahir la tenue, ses talons étaient laissés dans un sac en toile vert, et elle dû se faire à des bottes bien trop grandes. Tête baissée, masquée par son haut col et accompagnée par Panntreffe, on l'éloigna du château, et une fois sortie de l'enceinte militaire (Panni la fit passer pour une pute privée de Siegfried auprès des gardes à l'entrée), ils purent monter dans une mercedes noire, direction le centre de Berlin.
Il lui expliqua qu'il avait trente minutes de pause, qu'il étendra à 45 minutes voire une heure, quitte à prendre une sanction. Ca ira, il a l'habitude. Il veut qu'elle reste dehors le plus longtemps possible. Ils roulent dans des rues fort tranquilles, quoiqu'un peu ternes à cause du temps gris. Ils parlent de Berlin, elle explique que dans quelques années, ça changera de gueule, et Panni, saisit d'un peu d'appréhension à l'idée de voir les bombes tomber ici, préfère vanter les mérites de la ville qui n'est pourtant pas la sienne. Et le traditionnel « Appelez-moi Leopold. Ou Leo. ».
Les sirènes retentissent soudain. Ca, c'est un imprévu. Il tape sur le siège du chauffeur pour qu'il se gare, et en descend, regardant le ciel. Il fait remarquer qu'il vaudrait peut-être mieux retourner à la caserne ; mais la vue des carcasses flottantes au-dessus de lui lui fait dire que c'est trop tard.
-Vite, descendez, descendez tous les deux.
Il remet en vitesse sa casquette, prend Akina par le bras et s'éloigne avec elle. Une vieille berlinoise l'interpelle, lui demande de l'aider à trouver un abri. Il montre le métro, et lui dit de le suivre. Ils avancent. Un léger mouvement de foule gronde. Des gens sortent progressivement des maisons pour aller là où Panni va lui-même.
-Ca arrive souvent ?
-Jamais.
On entend déjà des bombes, au loin. Le lieutenant grommelle, jure.
-La Luftwaffe est en retard pour nous prévenir, les avions sont déjà là. Putain. Un jour, Goering sera pendu, c'est moi qui vous l'assure. Ah mais... Vous êtes au courant, du coup ? Il est pendu ?
-... Pas vraiment.
-Le futur a l'air merdique.
Une autre série de bombes. Beaucoup, beaucoup plus proches. Tout le monde presse le pas.
Le bruit, c'était comme un gros « FROUF », puis le monde devient tout gris, et l'air irrespirable. Ca pue tour à tour la poussière et le goudron brûlé. Parce qu'Akina est aveugle et complètement désorienté, elle ne s'est pas rendu compte les premières secondes qu'elle n'est plus debout, mais à demi allongé sur le flanc. C'est seulement quand sa raison revient à la fin d'une violente quinte de toux forcée qu'elle sent de nouveau la gravité, son poids qui l'entraîne sur le côté, son coude qui la soutient sur un pavé. Les sensations reviennent doucement. Une choc sur sa jambe. Quelqu'un qui trébuche, pense-t-elle. Ca siffle affreusement dans ses oreilles, et elle a beau les frotter, ça ne veut pas partir. La vue revient doucement. L'air est noir, noir comme si un nuage d'encre avait recouvert le ciel. Comme si on était en pleine nuit. Il fait cependant chaud. Les immeubles brûlent. Sa jolie robe est un peu grisée par la saleté, mais quelques frottements dessus montrent que le tissu est intact et se lavera bien. Oui, ça compte, comme considération. Il faut se lever. Chercher Panni. Combien de temps est-elle restée à terre ? Ca lui semblait une seconde, mais c'est comme si des années étaient passées. Les routes sont dévastées ; du sang coule entre les pavés inégaux.
Elle dit son nom. On ne l'entend pas, dans le brouahaha. Elle hausse le ton. Quoi, aurait-il osé l'abandonner pendant son inconscience ? Elle n'y croit pas. Il est un héros, un chevalier servant – comme Sieg, mais d'un autre genre. Elle ne peut que marcher, déambuler vaguement, subissant les allées et venues diverses des habitants perdus.
Elle arrive à arrêter un jeune homme en tenue de SS. Elle demande la direction de la caserne. Quelle caserne ? La caserne ! Celle de l'Hauptsturmführer Siegfried ! Il ne connaît pas. Elle parle alors du château, avec les barbelés et tout. Ah, son visage s'illumine : Il montre une direction, puis précise finalement que ce n'est plus une caserne, juste une grosse ruine. Les bombes n'ont pas fait de cadeau.
Elle panique. Prend peur. Rêve de merde. Une nouvelle sirène, qui s'ajoute aux autres plus lointaines, retentit. Une mère avec son enfant hurle de terreur. Plus Akina marche, plus elle se croit en enfer. Ca pue, on sue, elle se rend compte qu'une espèce de bruine presque immatérielle tombe sur la ville, des cadavres de voitures, des explosions, des bâtiments défoncés, un cadavre ici, deux autres là, ça s'entasse, le sol tremble encore de nouvelles bombes, la caserne est à au moins dix minutes de voiture, autant dire qu'à pied et sans direction précise elle n'y sera pas.
Elle s'arrête dans une ruelle, ou plutôt, un espace formé entre deux allées de maisons. Il y a un calme relatif ici. Une petite explosion, plus loin. Deux hommes sortent de la façade d'une maison avec des sacs pleins d'objet, et la bousculent sans vergogne au passage en courant vers ailleurs. Chaos. Anarchie. Monde de merde.
-
En sortant de la ruelle, elle trébucha sur le cadavre d'un soldat allemand. Waffen-SS. La bombe n'était pas tombée loin, d'autres de ses camarades gisaient au sol, certains gémissaient encore. Par pure mesure de précaution, et motivée par l'instinct que possédait tout bon Walker qui se respectait, l'américaine subtilisa le Walther au corps sans vie. Elle avait davantage l'habitude des armes automatiques, mais mettons que comme le fait de parler parfaitement allemand, elle saurait bien se débrouiller oniriquement à manipuler le calibre.
Retour sur ses pas. Elle était décidée à retrouver Panntreffe, même s'il s'agissait de confronter un mort. Le son des bombes s'espaçaient jusqu'à ce que le calme angoissant retombe sur Berlin. Les bombardiers s'éloignèrent dans le ciel, le vrombissement des moteurs aériens avaient disparu. Alors qu'elle émergeait sur l'avenue principale où Léopold avait fait garer la Mercedes, la rumeur d'une ville martyrisée s'éleva. Les cris d'impuissance, les pleurs de douleur, les quintes de toux et les suppliques des mourants.
« -PANNTREFFE ! Hurla-t-elle aux abords de la bouche de métro. LEO ?! »
Elle s'engagea sur les premières marches, évitant les gravats et les morceaux de corps démembrés qui jonchaient l'entrée du métro. La belle se mit à espérer. Il était fort probable que la bombe les ait séparé, lui en bas, elle encore en haut. Elle pressa le pas. Les ampoules sur le quai grésillaient. La métisse pressait nerveusement le pistolet contre sa poitrine. Là encore, les réfugiés ne parvenaient pas à s'organiser, ni à se remettre du choc. Une partie du tunnel s'était effondré plus loin : le métro ne viendrait jamais.
« -Mademoiselle ?! »
Et elle se retourna immédiatement vers la source de cette voix familière. Il était étendu au sol, sur le dos et quand elle s'agenouilla à ses côtés, pour se pencher sur lui : il remarqua que la lumière sale de la station infiltrait la chevelure claire d'Akina, accentuant ses traits angéliques. Si elle commençait à comprendre qu'ils étaient désormais en 1945, à l'aube de la victoire Alliée, elle ne s'expliquait pas le fait que Léopold soit toujours là, si ce n'est par la nature onirique de leur situation. Une petite seconde d'ironie lui fit reconsidérer les choses : en espérant qu'Anton n'avait pas fait bouger Maria à Berlin où elle aurait également eu de grandes de chance de mourir par une bombe russe.
Le lieutenant semblait en mauvais état, malgré son sourire ravageur et ses yeux doux, ce charme communicatif n'empêcha pas Scarlett de s'inquiéter.
« -45 minutes, j'avais dit ? Relativisa le blessé. Ca prendra un peu plus de temps visiblement. Tant mieux. Toute minute est bonne à prendre avec vous, n'est-ce pas ?
-Léo....Les Alliés....ne bombarderont pas Berlin avec autant de violence avant 1945.
-Ce n'est qu'un rêve, non ? »
Elle arqua les sourcils, subitement paniquée en découvrant la quantité de sang qui s'échappait du ventre de Panni. Avec empressement, elle alla presser ses deux mains là où elle pensait que la plaie se trouvait.
« -Oui...un rêve...
-Vous n'allez pas me laisser mourir ?
-Jamais... »
Ses mains baignaient dans le sang de l'auxiliaire. Le rêve devenait plutôt cauchemar à cet instant précis où elle sentait la vie de Léo filer entre ses doigts, inéluctablement.
« -De toute façon j'ai l'habitude. (Il fut interrompu par une violente quinte de toux.)
-Vous avez toujours l'habitude on dirait, sourit-elle tristement.
-N'écoutez pas le Hauptsturmführer.....
-Quoi ?
-Il va vous inventer que....(Nouvelle toux) je suis de l'autre bord...il l'a toujours pensé je crois....
-De l'autre.....commença-t-elle, confuse.
-C'est parce que....je n'ai jamais eu de femme, ou que je n'appréciais pas tirer un coup dans les putes. Mais je vous trouve belle.
-Attendez....
-Mon arme...
-Non, non, non...
Et elle retint la main gantée du lieutenant lorsqu'il amorça un geste vers l'étui de son parabellum. Lui, ne voulait pas agoniser des heures. Un éclat s'était fiché dans son abdomen, pourfendant grossièrement ses chairs sans toucher d'organes vitaux. C'était l'hémorragie qui le tuerait. Des heures à se vider de son sang, en admirant la fiancée de son capitaine. La lui aurait-il volée si les choses s'étaient déroulées différemment : sans doute.
-Je vais vous soigner....supplia-t-elle, mais il était plus déterminé outrepassant la poigne fragile de la blonde pour déloger le pistolet.
-Eloignez-vous.
-Non....Léopold, fondit-elle en larmes, J'ai besoin de vous. Nous devons retrouver Anton...
Le canon était posé sur la tempe de Panni.
-Je compte sur vous pour le faire. Dîtes-lui que je suis désolé pour les 30min outrepassées.
-Atten....
L'hémoglobine gicla sur le faciès souillés de larme. Il venait de se donner la mort, ou plutôt de l'accélérer. Elle hurla, déphasée. C'était le moment de se réveiller.
Et en ouvrant les yeux, elle s'apprêtait à retrouver l'espace familier du laboratoire de nanobiologie, à Seikusu. Un goût ferrailleux dans la bouche la rappela rapidement à l'ordre. Elle était lovée contre le cadavre froid du lieutenant, depuis des heures, des jours : elle n'avait pas compté. Le quai s'était vidé, mais quelques naufragés persistaient à demeurer. Ils n'étaient que des ombres dans le cauchemar. Puis un vacarme assourdissant éclata à l'entrée du métro, vers les escaliers. Des mots que l'on criait sèchement.
Des mots russes. Qu'elle comprenait parfaitement aussi.
« -Nettoyez-moi cette zone, camarades.
-Tout de suite Kaptain ! »
Les premiers cris de civils que l'on exécutait à la va vite. Pas de temps à perdre. Ils étaient quatre, sans compter leur officier : fusil d'assaut en main, ils firent le tour du quai. Le plus jeune remarqua que la blonde contre l'uniforme SS respirait toujours. Sans forme de cérémonie, il l'attrapa par les cheveux pour qu'elle se redresse.
« -Aouch !
-Regarde-moi, ordonna-t-il. »
Toujours agenouillée, elle fut contrainte de relever sa figure souillée. Malgré le sang, la poussière et les pleurs, le soldat admira la qualité et la jeunesse de sa prise.
« -Pas mal. On t'embarque. »
Où ? Dans la première ruelle à portée, dès le métro quitté. Entre deux poubelles, on la força à se coucher sur le dos. Elle résistait bien sûr, mais la poigne des quatre militaires était plus forte, rêve ou non. Ce fut l'officier qui se dressa le premier entre les cuisses maintenues ouvertes de l'américaine qui poursuit ses efforts de résistance.
« -Ca durera pas longtemps. J'ai besoin de me vider les couilles depuis deux jours. »
Un coup de feu retentit. Le capitaine soviet s'effondra sur Akina, le crâne troué d'une balle. Immédiatement, les autres font volte-face. Surpris, ils ne virent pas la rafale arriver et terminèrent leurs vies dans les poubelles.
« -Ca n'a pas duré longtemps, effectivement. »
La voix est familière. L'uniforme gris aussi. Panntreffe ? Non, il venait de mourir. Le poids du mort lui fut ôté, et une ombre encore plus familière la recouvrit : Siegfried ?
-
Ce n'est pas tant qu'elle le voit mal, c'est que son esprit a du mal à matérialiser son visage. Comme s'il baignait dans un flou permanent, comme si les yeux d'Akina se troublaient quand elle le regarde. La forme lui tend la main, et elle n'a de choix que de l'attraper. Lorsqu'elle se relève enfin, ses traits s'éclaircissent lentement. Ce sont ceux d'une homme d'un certain âge, la quarantaine bien avancée, plutôt bien conservé, genre vieux beau stéréotype. Il est dans un uniforme de SS, mais elle n'en connaît pas les galons (qui doivent être, au vu de leur raffinement, très hauts dans la hiérarchie) et il ne porte aucune médaille, pas même une croix de fer. Une STG-44 en main, premier fusil d'assaut produit au monde, une belle carrure d'athlète, une allure certaine.
À bien y regarder, il partage d'ailleurs une ressemblance avec Siegfried. C'est indéniable. On pourrait sans se tromper prétendre que si ce dernier pouvait vieillir, dans 20 ans, il ressemblerait à ça.
-Viens.
Son ton péremptoire, et le fait qu'il s'éloigne sans attendre de réponse, ne laissent pas vraiment le choix à la jeune intruse, qui se décide à le suivre.
-Vous êtes ?
-Le père.
Elle se rend compte qu'ils ne parlent pas allemand. En fait, ils ne parlent pas de langue : Ils se contentent tout deux de s'exprimer et de se comprendre. Un concept onirique, sans doute, auquel elle cesse de réfléchir juste après s'en être fait la réflexion. Tout est normal.
Ils déambulent dans les rues. C'est plus calme, soudain. Il fait jour. Le ciel est gris. L'odeur de fumée et de brûlé n'est plus si désagréable.
-... de Siegfried ?
Elle le sent sourire. Pourtant, elle n'en voit rien, mais elle sait instinctivement qu'il a un fin sourire en coin, plein de malice.
-Oui, le père de Siegfried.
-Oh. Enchantée, Dieter. Je ne pensais pas vous rencontrer ainsi.
-Contente-toi de m'appeler « Père », toi aussi.
-D'accord, père.
Elle ne réfléchit pas trop à ce qu'elle peut dire, elle semble dans un autre monde en sa présence.
-C'est... Berlin ?
-1945. Hitler vient de mourir. La guerre est finie dans une semaine. Tu sais tirer ?
-Je sais me servir d'une arme.
Il se penche vers le cadavre d'un allemand, lui arrache son Gewehr 43 qu'il colle dans les mains de sa nouvelle sidekick, et fait de même avec la ceinture utilitaire, qu'il noue autour de sa taille. « Gott Mit Uns » sur la boucle, un Walther d'un côté, des balles de l'autre.
-Prête ?
Il brandit son arme. Aussitôt, apparaissant par une rue adjacente, un groupe de soviétique se fige en les voyant. Ils brandissent leurs armes, mais l'acolyte d'Akina est plus rapide à dégainer et leur adresse une pluie de balles bien sentie, qui les fait tous se disperser et se jeter à terre. Akina est paralysée un instant ; elle voudrait se planquer, disparaître, mais n'arrive pas à bouger.
Malgré le bruit, elle entend distinctement le vieux parler.
-Tire.
Aussitôt, voilà son chargeur vide. Dressé et fier, il s'attelle tranquillement à la tâche du rechargement de son arme. Un russe se redresse, épaule son fusil. La métisse ne réfléchit plus, fait de même, et lui colle une balle dans la joue, qui va jusqu'à défoncer son oreille, lui laissant une moitié de tête. Putain, le recul était impressionnant. Son épaule est un peu engourdie par le coup.
-Bien, ma fille.
Elle n'a d'autre choix que de tirer de nouveau sur ce qui bouge, mais avec plus d'assurance. L'aîné a enfin calé un magasin plein dans son arme, et arrose de nouveau en face de lui. Les actions combinées des deux fusils ne laissent qu'un tas de cadavres au sol. Il voit qu'elle a vidé son Gewehr, lui montre très simplement comment on recharge, puis lui fait monter les ruines d'un immeuble défoncé, qu'elle grimpe sans difficulté. Elle se trouve jolie, guerrière en robe d'automne des années 30, la baroudeuse vintage, le rêve de toute femme.
Ils se posent au second étage du cadavre d'habitation, prenant place sur un fauteuil. Ils voient la rue ; la rue ne les voit pas. Ça tombe bien, une autre troupe se pointe, suivie d'un véhicule blindé lourd. Ils examinent les morts encore fumants, parlent en russe.
-Qu'est ce qu'on fait là ?...
-Tu comprendras, un jour. Chaque chose en son temps.
-"Patiente" n'est pas le mot qui me définit le mieux.
Il ne répond pas. Dans sa sagesse de vieux bonhomme, le silence en dit beaucoup plus que les mots. Les russes passent, ne les voient pas, ne les entendent pas.
-Tu as un rôle à jouer. Tu n'es pas qu'une chose. Tu es utile.
-Vous m'en voyez rassurée...
-Prend bien garde à ne pas toujours l'écouter. Surtout quand il fait une bêtise. Il a besoin de toi.
-Où est-il ?
-Actuellement ? Loin. Tu ne le trouveras pas. Mais... Il t'attend, ne t'en fais pas. Contente-toi de survivre.
-Survivre ? C'est tout ?
-Si, il a besoin que tu fasses quelque chose. Trouve Friedrich Stoffen. C'est la dernière personne dans la capitale à connaître le moyen d'ouvrir le coffre principal de la Commerzbank. Tu as une semaine.
Il se lève alors. L'un des soviétiques capte le mouvement, interpelle ses potes. Le vieux attrape Akina par le bras et la fait se dresser de force.
-Prend bien soin de mon fils. Je te fais confiance, ma fille.
Et la voilà jetée, en contrebas, roulant sur les gravats, longue descente douloureuse jusqu'à atterrir au sol, au niveau des russes. Ils épaulent leur fusil, mais l'aîné est le plus vif, et les mitraille de son arme. Ils n'ont d'autre choix que de sauter, courir, ou mourir. Akina tente de faire de même en saisissant son fusil, mais le char d'assaut se braque sur elle.
Et tire.
Elle entend l'explosion. Son corps s'envole. Ne lui appartient plus. Un planage de plusieurs mètres, où tout Berlin se mélange à ses yeux. La chute est la plus difficile. Son corps, immatériel pendant quelques secondes, retrouve tout son poids en heurtant le sol. Après quelques roulades forcées, elle parvient à se relever sans trop de mal. Le fusil n'est pas loin, elle va le retrouver. Les balles fusent, mais pas vers elle : Vers le vieux Dieter qui court vers le char. Il encaisse les rafales sans broncher, puis sauter sur le canon du char, plaque son abdomen à l'embouchure. Le char doit avoir tiré, puisqu'il explose immédiatement. La masse d'acier est percée de l'intérieur, fera même un bond en arrière pour s'écraser les quatre chenilles en l'air ; quant au vieux, il a tout bonnement disparu. Les russes autour ont été soufflés. C'est l'occasion que choisi Akina pour leur coller quelques balles tirées avec la précision d'un pur sniper. Mais elle ne peut tirer qu'une balle à la fois, et ils sont plusieurs. Les représailles des rouges la font déguerpir, se couvrir dès la première ruelle. Elle se plaque contre le mur, et attend. Ils approchent. Elle l'entend.
Elle décide alors de changer d'endroit, et court, bifurque, grimpe à une fenêtre, s'infiltre dans la maison, veut s'éloigner, disparaître à leurs yeux.
-
Sa rencontre avec Dieter lui avait laissé un goût d'inachevé. Il y avait de meilleures situations pour être introduite à son beau-père, ironisa-t-elle avant de remarquer que ce n'était qu'un rêve, qu'en 1940 jamais Dieter ne l'aurait accepté ou souhaité pour son fils. Oui, elle était bel et bien en train de rêver. Et puis pourquoi avoir imagé le père si beau ? Voilà à quoi elle pensait, recroquevillée près d'une fenêtre, le fusil entre les jambes et le front appuyé dessus. En contrebas, elle entendait toujours parlé russe. Par chance, les soviétiques ne fouillaient pas les immeubles: : ils se contentaient de nettoyer les rues.
Ces fils de pute, se surprit-elle à penser. Alors bien évidemment, elle ne défendrait jamais les valeurs du Reich, mais cela valait-il réellement la peine de prendre partie pour l'autre versant, qui visiblement violait les femmes et assassinait les civils. Ils avaient tué Léopold, peut-être même Siegfried. Et tout à coup, elle comprit affreusement son fiancé. Sa haine du rouge, le deuil impossible de son épouse. Abraham Walker aurait fait pareil, Jack également.
Au coucher du soleil, elle osa une timide sortie, toujours armée. Il était impensable qu'aucune division SS ne défendît Berlin. Alors qu'elle traversait une avenue déserté, une demi-douzain de soldats communistes firent leur apparition. En la remarquant, ils s'arrêtèrent – sourire aux lèvres. Elle comprenait à la façon dont ils la lorgnaient, qu'ils pensaient avoir trouvé la victime idéale.
Jusqu'à ce qu'elle récupèra son fusil, caché dans son dos, l'épaula et visa le crâne de l'un d'eux qui s'effondra.
« -Vous en voulez ENCORE ?
-Salope ! Attrapez-la vivante camarades ! »
C'est ça. Approchez.
Un deuxième s'écroula, salement touché à la poitrine.
Quelques minutes plus tard, la voilà qui courrait à travers les rues de Berlin, les soviets aux trousses. Plusieurs balles avaient sifflé à ses oreilles et elle s'essoufflait. Enfin, elle franchit les limites du quartier de la Chancellerie dont l'armée allemande avait encore le contrôle. En la voyant accourir vers eux, les premiers soldats SS se mirent à lui crier l'ordre de s'arrêter.
« -Les russes putain ! Leur hurla-t-elle. »
Et tandis qu'elle atteignait les rangs germaniques, on mit en route une MG 42, perchée sur une barricade solide. Les poursuivants rouges furent déchiquetés sous l'impact des balles. Le silence retomba et quand, se remettant de ses émotions, Akina dressa ses yeux : elle découvrit que l'ombre du Reichstag la recouvrait.
« -Mademoiselle, pas de civils ici. (Le ton du premier officier était catégorique.)
-Je dois trouver....Friedrich machin...Stoffen ?
-Ecout...
-Ils ont tué Panntreffe, merde ! Explosa-t-elle de colère. Ils vont gagner vous comprenez ?! Ca ne sert à rien ce que vous faîtes ! Il faut....retrouver Siegfried, lui il saura quoi faire.... »
Tous la regardaient désormais avec un air hébété. Elle se sentit obligée de préciser.
« -Le Hauptsturmführer, Siegfried ! S'agaça-t-elle.
-Le Baron ? S'éleva une voix.
-OUI, oui c'est ça ! »
Et elle chercha du regard, parmi les uniformes gris et noirs, indifféremment à qui appartenait cette voix salvatrice. Les hommes au visage éreintés s'écartèrent, et émergea Panntreffe l'uniforme poussiéreux, décoiffé mais bel et bien vivant.
« -J'ai cru que vous étiez morte ! Souffla-t-il en exprimant son soulagement par un baiser ardent, lèvres contre lèvres, la pressant contre lui. Et elle ne put s'empêcher de répondre à l'étreinte, s'y abandonnant avec envie, l'enlaçant de ses bras fébriles. »
« -Je suis le Brigadeführer Mohnke. »
L'image de Léopold s'était envolé et des rangs était sorti un homme mince, à la figure austère, mais qui semblait jeune.
« -Je défends le Reichtstag depuis deux jours, sur ordre du Führer. Vous connaissez le Hauptsturmführer Siegfried ? Je l'ai croisé avant de partir pour les Ardennes. Il est en vie ?
-Je ne sais pas....je suis sa compagne et...
-Frau Maria Von Königsberg ? S'étonna-t-il en jaugeant sa dégaine. Il m'a brièvement parlé de vous. Je suis navrée que nous nous rencontrions dans ces circonstances. »
Il fit signe à ses hommes de tenir leur position et invita la blondinette à pénétrer le Reichstag relativement épargné par les bombardements. Alors qu'ils naviguaient dans les couloirs et les pièces sompteuses, il poursuivit :
« -Je peux vous faire évacuer.
-Vous connaissez Friedrich Stoffen ?
-Non, désolé. Le plus sûr serait d'aller au Nord de l'Allemagne, la Werhmacht y est active, le plus gros des troupes est positionnée là-bas, vous ne craindrez rien. C'est à proximité de Prinzenallee.
-Non, non. Je dois me rendre à la Commerzbank...
-Frau Von Königsberg, je ne crois pas qu'il soit prudent.... »
Elle attrapa la lanière de son fusil pour prendre ce dernier bien en main et l'exhiber sous les yeux du Brigadeführer. Au fond de ses prunelles éclatait la lueur d'une détermination froide. Elle en serrait les dents, morte de peur mais également décidée à écouter la piste offerte par Dieter.
« -Je peux y aller seule.
-Je...
-Ecoutez-moi bien. Les Alliés vont débarquer, le Reich,...c'est vous qui devriez évacuer. Vraiment, l'interrompit-elle gravement.
-Sacré caractère. »
Texan, faillit-elle répondre.
Peu de temps après, elle quittait les dernières lignes défensives du Reich à Berlin. On lui avait offert des munitions et une MG 45, qu'elle portait à bout de bras. Elle avait réclamé un véhicule, mais il ne fallait pas pousser mémé dans les orties. Toutefois, un SS lui avait fourni un plan de la ville et avait même pris la peine de tracer à la va vite le chemin pour aller à la Commerzbank.
Après quinze minutes de marches, à croiser quelques civils hagards qui fouillaient pour un peu de pitance, elle tomba enfin sur une compagnie soviétique. Douze hommes, un véhicule d'assaut. Elle prit soin de se planquer avant qu'ils ne la remarquent, dans l'ombre d'une vitrine brisée. Là, elle déposa la mitrailleuse et patienta que les militaires arrivent dans sa ligne de mire pour saisir l'arme d'une main assurée et appuyer sur la gâchette.
Quatre hommes à terre dès le premier jet.. Cependant, l'officier comprit rapidement d'où provenait les rafales et dans un réflexe propre à tous les guerriers d’expérience, il dégoupilla une grenade et la jeta en direction du commerce. La déflagration lui coupa le souffle, l'envoyant se heurter au comptoir à quelques mètres de là. Sonnée, elle attrapa son fusil, assise au sol, les jambes étendues et écartées. Elle comptait ses balles, terriblement affectée par la douleur du choque.
« Je suis désolée....Anton, tellement désolée.... »
De ses mains tremblantes, elle épaula son fusil une nouvelle fois. Les voix ennemies se rapprochaient.
« Je t'aime tellement.... » murmura-t-elle.
« -Tu l'as eu cet enfoiré ?!
-Je crois ouais, on a pas de temps à perdre, on avance putain ! »
Et s'éloignaient désormais, la laissant avec sa souffrance. C'était son rêve, elle ne pouvait pas mourir. Alors pourquoi Léopold était-il mort alors qu'elle avait souhaité le contraire ? Pourquoi n'arrivait-elle pas à retrouver Siegfried ? Pourquoi ce n'était qu'une suite de frustrations ? S'en voulait-elle à ce point ?
Perchée sur le comptoir, une radio grésillait péniblement les dernières notes de La Marche Funèbre de Siegfried. Composée par Wagner. Elle ne le savait pas, mais trouvait cette musique très reposante. Un sourire traversa ses lèvres gercées et la poigne autour de Gerwehr 43 se raffermit. Il fallait retrouver Friedrich Stoffen.
-
Il semblait de plus en plus dur d'avancer. La confrontation directe était peut-être exaltante, mais elle avait ses désavantages, notamment le haut risque de mort violente et cruelle. Il fallait donc contourner, se cacher, tirer parcimonieusement ; Au final, un trajet qui aurait pris dix minutes un jour de beau soleil s'est étalé sur au moins une heure.
C'était un immense carrefour. Une statue de cavalier au centre était encore intact, si ce n'est que sa structure était amochée par quelques impacts de balle. La Kommerzbank, à l'enseigne en grosses lettres gothiques gravées à même la façade de l'imposant bâtiment XVIIIème, faisait le coin de deux larges boulevards. Ce n'est pas une horde, juste quelques escouades de soviet, mais c'est déjà beaucoup trop.
Elle éventualisa le passage en force. Mauvaise idée. Plus de subtilité ? Il faut néanmoins traverser l'avenue, ce qui est déjà trop. Peut-être faudrait-il tout simplement attendre que la nuit tombe. Elle ne tardera pas.
… Et maintenant qu'elle y pense... C'est son rêve, c'est ça ? Elle peut faire ce qu'elle veut. Il suffit qu'elle se concentre. Elle ferme les yeux. C'est mon rêve. J'en fais ce que je veux. C'est ainsi que ça marche. Plus de russe. Plus de lumière, d'aucune sorte. Inspire, expire. Visualiser l'objectif : La banque. Il faut pouvoir y entrer, et pour cela, le passage doit être dégagé. Un effort... Et elle rouvre les yeux. Le décor a chambré. Du marbre, du bois, des dorures.
Elle est dans le hall de la banque.
Un homme la bouscule, puis s'excuse aussitôt. Il lui soulève son chapeau, par ailleurs, et s'éloigne. Une activité fourmillante s'étale autour d'elle. On demande un guichetier ; une femme dit à son mari qu'il ne devrait pas jouer autant en bourse et que 1929 ne lui a pas suffit ; un prélat, tout de noir vêtu, s'éloigne avec une valise lourde, l'air digne.
Bordel. L'Allemagne dans ses grandes heures.
-Madame la Baronne ?
Elle se retourne. Un quarantenaire, complet bleu-gris, lui indique avec un grand sourire de le suivre.
-Votre procuration est valide. Venez.
Il l'emmène derrière les guichets. Un grand miroir au plafond, où elle regarde, lui montre qu'elle porte la totale : Tailleur blanc écru très élégant aux bordures et coutures noires, talons hauts dans le même style, des bas clairs, un chapeau avec une petite plume plutôt discrète et ce léger filet qui couvre un quart de son visage. Ce rouge à lèvre est ostentatoire pour l'époque – ne passe-t-elle pas pour une fille de joie ? Mais non, voyons. Elle est la Baronne von Königsberg, lui montre le papier qu'il vient de lui rendre. Une procuration pour retirer son argent.
Il ouvre la porte de son bureau. « Friedrich Stoffler - Direktor ». Bordel. Le nom a changé, se dit-elle, mais ça doit être lui, y a pas de doute. Elle se fige un instant, avant de presser le pas.
Il fait glisser vers elle une large enveloppe, qui rentrerait pile dans le sac à main noir qu'elle tient à son bras.
-Voilà, Madame la Baronne. Transmettez nos sincères sentiments de respect à votre mari.
Elle ouvre, constatant au passage ses gants de cuir d'une finesse inégalable, se dit au passage que son décolleté est trop osé pour l'époque, puis ouvre le kraft pour voir à l'intérieur deux liasses de Deutschmarks. Bon sang. Tant de fric...
-Autre chose ?
-Oui !
Elle est déterminée.
-Comment... Euh... Pouvons-nous aller voir mes effets stockés dans votre coffre ?
-Malheureusement, Madame la Baronne, nos clients ne sont pas autorisés à descendre dans le coffre. J'en suis navré.
-Je veux... juste... être sûre que tout y est bien entreposé.
-Un audit a eu lieu il y a moins de quatre semaines. Tout est en place.
-Monsieur...
-Madame la Baronne, je vous en prie.
Péremptoire mais délicat. Un vrai petit banquier. Elle pense à le charmer, un instant. Sucer jusqu'à la moëlle les informations qu'elle désire. Elle sait qu'elle est bandante ; elle sait d'ailleurs que, fringuée ainsi, Siegfried n'hésiterais pas à la défoncer dans tous les sens. Siegfried. Oui, si elle suce quelqu'un dans un rêve, ce sera lui et pas un autre.
Du sac à main, elle sort un Walther, qu'elle braque sur l'homme.
-Comment on ouvre le coffre ?
-Madame !
-J'ai dit : Comment on ouvre le coffre !?
Il se rue sur le côté, tire une discrète chaînette qui fait tinter une cloche de l'autre côté. Elle n'a d'autre choix que de se jeter sur le Herr Direktor, et de planter le canon dans sa tempe.
-COMMENT !?
-Crève !
BAM. Le coup part. Merde. MERDE ! Elle a du sang partout sur sa tenue. La porte s'ouvre à la volée, et des employés de sécurité apparaissent. Des SA. Chemises brunes. Elle n'est pas calée en histoire, mais elle a un peu lu sur la période pour espérer ne pas se retrouver neuneu devant Anton, et elle est sûre que des SA n'ont rien à foutre là. Bordel, l'un d'eux est le sosie de Röhm, empâtée, moustache, etc. C'est n'importe quoi. Ils ont des oreillettes du FBI. Ils brandissent leurs armes pour l'abattre, mais aussitôt, se prennent plusieurs balles dans la tête, par l'arrière.
Siegfried. En costume de ces années-là. Et ça lui va diablement bien.
Il rentre vite, ferme la porte derrière lui, renverse violemment une étagère pour qu'elle s'écrase devant la porte, et empêche de l'ouvrir. Il se jette ensuite sur elle, la fait s'asseoir sur le bureau.
Non, ça devient n'importe quoi. Mais putain... Ca l'excite.
Il l'embrasse avec fougue. Le feu qui l'anime est semblable à celui d'Akina. Siegfried, oui, encore, murmure-t-elle contre ses lèvres. Il arrache presque les boutons de sa veste ; dessous, le bustier subit le même sort. Les deux mains sur ses seins, il semble épris d'une folie luxurieuse inébranlable, car les battements à la porte et les hurlements ne le distraient pas. Il relève sa jupe serrée, découvre dessous l'attiral parfait de la pute : Porte-jaretelles, pas de culotte. J'ai bien joué mon coup, se dit-elle, avant de simplement s'apercevoir que c'est son rêve. On a, dans chaque cycle de sommeil, des moments d'excitation sexuelle, correspondant à des vagues où le centre de désir du cerveau se voit agité. Elle est en plein dedans. Il sort sa queue. Elle est massive. Il la pénètre avec une telle facilité. Et une telle violence... Elle est allongée brutalement sur le bureau. Le joli collier de perle est pris en main, enroulé un coup, pour faire une laisse agréable. Il la défonce. Elle hurle. Elle se sent jouir, et jouir, chaque coup de queue l'emmène très haut. C'est le meilleur moment de sa vie. On crie encore, on tape, on essaie de briser la porte, on tire dedans, par la fenêtre, elle entend les bombes tomber, la chaleur des explosions, mais elle s'en tamponne monumentalement : Siegfried est en train de la ravager, comme elle l'aime, puissamment et avec sa hargne habituelle, elle n'en fini pas de traîner son orgasmes qui dure des minutes, des heures, et à son tour il jouit, il jouit en elle, sur elle, s'épand sur ses vêtements, sur sa peau, la traite de pute, lui colle une claque, la retourne, s'enfonce directement dans son cul, nouvel orgasme de l'une, puis de l'autre, ça gicle dans tous les sens, ça gueule à s'en péter les cordes vocales, et d'un seul coup, le sol s'écroule.
La revoilà près du carrefour, en 45. Elle est au sol. Un obus est tombé non loin, l'a soufflé. Elle est de nouveau en robe. Merde, elle qui espérait garder son petit tailleur de chiennasse de la haute société pour contenter son Maître. Elle fera sans.
Ah, ça pète autour. Il y a un pont, à une cinquantaine de mètres au bout de l'un des boulevards, et au-delà, une unité de la Wehrmacht se pointe pour le prendre d'assaut. Les russes foncent à toute allure vers le lieu. La nuit est tombée, visiblement. Elle court alors à son tour, vérifie qu'il n'y a personne derrière elle, et que ceux devant ne se retournent pas, et fonce à toute allure jusqu'à la Kommerzbank. La porte a été brisée par des explosifs. En entrant, elle voit la déchéance administrative : Des papiers partout, du sang, des cadavres. Elle a alors l'idée de presser le pas jusqu'au bureau de Friedrich. Elle se dit que c'est exactement comme sa pensée d'avant, et se trouve géniale d'avoir ainsi tout deviné, avant de se rendre compte que les deux étant un produit de son esprit, il est normal que tout soit pareil.
Dans le bureau, bordel absolu. Et pas de Friedrich, nulle part. Sur le plan de travail, elle se revoit, quelques minutes auparavant, en train de se faire prendre violemment. Elle est trempée. A-t-elle une culotte ? Non, pas le moment de penser à ça.
Putain. Et il est où, ce banquier de merde !?
-
Partout dans l'office, elle fouille : la rage au ventre. Ses mains consultent les dossiers épars puis de les déchiqueter de colère. Les tiroirs sont ouverts à la va-vite, et elle plonge ses doigts à la recherche des clés.
"-Les clefs! Où tu as mis les clefs putain?!" s'énerve-t-elle
Finalement, elle n'arrivera à rien. Ses bras tremblent trop, sa vision est floue car encombrée de mèches blondes et de buée de larmes. A deux kilomètres de là, peut-être plus ou moins, on s'arrache le contrôle du pont. Les bombes russes continuent de pleuvoir. Parfois, sous ses pieds, le plancher tremblent et tout autour les murs vacillent.
"Dieter, vous avez l'air d'être un super beau-papa, mais revoyez votre..." commence Akina, les dents serrées avant de découvrir un trousseau de clefs dans une armoire défoncée. Sur l'anneau sont prisonnières des dizaines et des dizaines de clés, toutes de taille et de forme différente. C'est un premier début, malgré l'ignorance de l'emplacement du coffre. L'univers onirique ne l'empêche pas d'être essoufflée et de ressentir les émois de manière percutante. C'est le mot oui, elle est percutée.
En descendant au sous-sol, le fusil prudemment tenu en main, la métisse capte d'étranges rumeurs et plus elle avance, plus elle semble reconnaître des pleurs. Des pleurs d'enfant. Alertée, elle en suit la provenance. Une salle apparaît, aux dimensions modestes avec une table en son centre illuminé par une simle lampe qui pend du plafond. L'ordre règne encore dans cette partie de l'établissement. Deux bureaux garnissent la pièce, avec sur leur surface des téléscripteurs. Sans doute que cet endroit a servi aux transactions boursières effectuées par la banque dans le plus grand secret.
"-Il y a quelqu'un?"
Les pleurs s'arrêtent. La toute blonde fait le tour des lieux, complètement confus. Elle aurait juré qu'un gamin pleurait, deux secondes plus tôt quelque part, ici. Alors qu'elle frôle l'un des bureaux abandonné, on agrippe vivement son mollet. Elle sursaute et braque le canon de son arme en direction d'une petite bouille blême. Un garçon auquel elle n'attribuerait pas plus de sept ans. Il lui est vaguement familier avec ses cheveux bruns tirés à quatre épingles.
"-Maman! s'exclame-t-il dans un sourire soulagé.
Le Gerwehr tremble, et elle hésite.
"-Tu fais erreur, je ne suis pas ta mère", articule-t-elle avec difficulté. "Peut-être que je lui ressemble. Tu confonds.
-Non, non! Maman, j'ai peur....ils vont revenir."
Elle baisse le fusil et s'agenouille à la hauteur du môme, perplexe. Il possède de grands yeux, très beaux par ailleurs, à l'éclat mordoré. Des yeux de Walker, se dit-elle. Pourtant, ses traits faciaux lui paraissent autrement reconnaissables : les lèvres fines et pincées, le teint lunaire.
"-Qui? Ecoute, je peux t'aider à retrouver ta..."
D'un coup, il se jette dans ses bras pour l'étreindre avec force et conviction.
"-Maman..."
Désespérée, elle lui enroule doucement ses bras autour du corps enfantin, parce qu'elle n'est pas un monstre et qu'à l'instar de l'espèce féminine, la providence l'a dotée d'un instinct maternel.
"-On va la retrouver, comment s'appelle-t-elle?
-Akina. Mais parfois, Père vous appelle Scarlett. "
Douche froide. Ce n'est qu'un rêve, répète-t-elle, inlassable. Mais putain, même dans un rêve c'est fichtrement douloureux. Lorsqu'ils se séparent, elle remarque un bijou familier épinglé à la blouse du petit.
"-Qui t'a donné ça?
-Père. Il me l'a offert avant de partir pour la guerre."
L'index tremblant d'Akina soulève la croix de fer et elle peut attester de l'inscription familière.
"-Comment tu es arrivé là?"
Putain, question conne. Tout cela n'est qu'un ensemble insensé et onirique. Il est arrivé là par une erreur de sa pensée, songe-t-elle. Une grave erreur, même. Elle doit faire un effort. Le coffre, ne pas s'attarder sur le môme, ce n'est qu'un obstacle de plus.
"-C'est le Obsersturmführer Panni qui m'a amené là, il m'a dit de rester à l'abri."
Non merde, il est mort dans mes bras veut-elle hurler.
"-Vous n'allez pas me punir hein?
-Non....non, bien sûr que non....tu as bien fait de te cacher.
-Père il dit toujours que se cacher, c'est pour les lâches. "
Okay. Ca suffit. Disparais gamin, je ne veux plus te voir. "Moi je le trouve mignon, enfin si on enlève le côté paternel" intervient sa conscience, aux anges.
"-Qu'est-ce que vous cherchez?
-Un coffre."
Elle n'a pas réussi à se débarrasser de l'enfant. Elle doit trop y tenir, ou pas assez justement pour l'embarquer dans une partie de son périple. Il est armé d'un Walther, trouvé au hasard au fond d'un tiroir et quand il marche il est aussi droit qu'un futur baron.
"-Ils l'ont pris...ils ont pris tous les coffres, je les ai vu.
-Qui?
-Les russes...mais je sais que ça va aller, mh. Père va gagner, c'est le meilleur Hauptsturmführer de toute la SS!"
Quelle fierté dans ce ton enfantin, et quelle naïveté. Malgré tout, elle sourit. Et quand ils émergent dans le hall dans la Commerzbank, ce sourire flâne toujours sur ses lèvres. Persistant. L'héritier, lui, a continué de parler. Sans doute plus loquace que ne l'a été son père au même âge. Il lui explique à quel point Siegfried a des blindés et des armes. Bientôt, ils franchissent les portes pour arriver dans la rue. Le jour se lève et, elle a envie de lui demander comment il s'appelle avant de se raviser. Elle connaît parfaitement la réponse.
-
-Wer reitet so spät, durch Nacht und Wind ?
Le gosse chantait innocemment, sa voix résonnant dans l'immensité en ruine de Berlin. Il n'y avait plus de combat, plus de mouvement. Elle était sûre d'avoir déjà entendu cette chanson quelque part, d'une voix autrement plus grave, alors que celle du garçonnet la rendait comptine.
-Es ist der Vater mit seinem Kind...
Sans doute chante-t-il cela en homme à son père. Elle se surprend à s'imaginer mère, épouse, et Siegfried en homme... normal. Garderait-il l'aura qu'il a actuellement ? Sera-t-il toujours aussi attrayant une fois dépouillé de ses oripeaux de marginal, de psychopathe, de ténébreux ?
L'enfant court sur quelques mètres et se penche sur un cadavre. Il en extrait, dans sa main, une lourde clé. Puis sursaute.
-Maman !
Une forme apparaît au beau milieu de la rue. Elle met du temps à assimiler son visage. Kenneth.
-Qu'est ce que tu fais dans ce rêve ?
Il s'approche, l'air déterminé, un petit sourire aux lèvres. Elle sent la terreur. Elle a envie de le menacer avec son arme. À peine aura-t-elle prononcé la première syllabe de son prénom qu'il est sur elle, lui prend les bras pour les tenir en arrière, l'embrassant à pleine bouche. L'arme est tombée à terre. Sa force est irrésistible.
-Qu'est ce que tu f...
Au-dessus de l'épaule de l'irlandais, elle voit un autre visage. L'héritier Hiranuma, en costume-cravate. Il tient le gosse par les cheveux, qui hurle et pleure. Il se débat, mais le japonais le remet à sa place avec une violente claque.
-HEY !
À son tour, elle s'en prend une, avant d'être retournée, mise à terre, crâne frappé contre un bloc de gravat. Etourdie, elle perd la maîtrise de ses sentiments. Elle sent qu'il soulève sa robe. La scène a un sale goût de déjà-vu qu'elle déteste. Elle ne comprend pas que ça puisse arriver ainsi. C'est SON rêve, elle doit le maîtriser.
-MAMAN !
Le gosse est allongé à côté d'elle. Un couteau est posé sur sa gorge.
Elle se rend compte qu'il a déchiré son pantalon.
Non, non, non.
-Arrêtez...
Deux viols simultanés : La mère, le fils. Elle voit les queues, ou les ressent ; elle sait qu'ils vont les pénétrer, l'un et l'autre. Ce n'est qu'une question de seconde. C'est normalement à cet instant qu'un Deus Ex Machina fait son apparition et les sauve.
Anton.
Leopold.
Dieter.
Une bombe. Des russes. Ronald McDonald.
Elle hurle, mais n'entend déjà plus aucun son. Elle préfère se faire passer dessus par toute une division de soviétiques, chiens et chars y compris.
Lorsqu'elle rouvre les yeux, elle est au cinéma. Les bandes-annonces se terminent, le film commence. Siegfried s'assied à côté d'elle et lui abandonne le pop-corn.
-Tout va bien ?
Elle acquiesce. Elle n'a pas le souvenir d'être venue jusque là. Elle repense à la fin de son rêve. Pure production de son esprit. Et son esprit doit être sacrément malade.
-Qu'est ce que tu fais ?
Je cherche un prétexte.
-Je vois pour des hôtels. J'ai bien envie de retourner à Berlin quand on aura le temps.
-J'ai mes habitudes, dans mon hôtel.
-Justement. Il faut changer vos habitudes. Et puis, vous devez arrêter de vous occuper de tout, tout le temps.
Il gobait. Ouf. Passant de nouveau derrière elle, il s'arrête, une main sur son épaule, et se penche sur l'écran de PC. Sur Google Maps, elle est en train de remonter innocemment son trajet. Au coin d'une rue, se trouve l'endroit qu'elle cherche.
-Apotheke... McDonald's... Kirche... Eglise, c'est ça ?
-Oui.
-Hmm.. Goethe-Institut... Commerzbank...
Il ne réagit pas particulièrement. Merde. Elle qui espérait un déclic. Il va falloir le titiller.
-C'est quoi une banque de commerce ? En quoi c'est différent d'une banque normale ?
-La distinction avec les autres types de banque est assez artificielle. Mais elle est spécialisée dans le prêt aux entreprises. Attention, c'est différent des investissements d'entreprise, même si justement, désormais, les banques investissent et prêtent indifféremment pour la plupart... Et, évidemment, elles assument des fonctions normales de banque. La Commerzbank est très connue en Allemagne. C'est un groupe, pas juste une « banque de commerce ».
-Oh. Et vous aviez des placements dedans ?
-Quelques liquidités, des partages de famille. Pas la bague de grand-mère, mais plutôt des titres, des parts sociales...
-Vous ne mettiez pas tout ça dans la salle du trésor du château, comme le font les nobles des romans ?
-Ahahah ! Non, nous faisions très confiance aux banquiers. Le directeur de la Commerzbank était un type très bien. On avait aussi des capitaux chez un genre d'assureur-investisseur VIP, Willi Bühne. Les riches lui confiaient leur argent et sous certains modalités, il faisait fructifier. Un type étrange, ce Willi. Arrêté par la SS. On a tout récupéré, ne t'en fais pas.
-Comment vous pouvez vous souvenir de tout ça ?
-Je suis génétiquement modifié.
-Et alors, si vous êtes si fort que ça : Comment il s'appelait, le directeur de la Commerzbank ?
-C'était un certain... Friedrich... Sto... Stofler ? Stofeln ? Tape sur Google, ça doit être ça.
-Je vous crois, je vous crois.
Il l'embrasse sur la joue, lui dit qu'il va réunir ses affaires. Il sera bientôt temps de retourner chez lui, et abandonner pour de bon l'américain squatteur – qu'ils ne voient de toute façon que très peu.
Voilà. Elle rêvait de la réalité.
Tout en faisant son cours magistral, cette question la taraudait, comme elle n'avait cessé de la tarauder depuis des heures. Comment peut-on décemment imaginer des événements dont on n'avait aucune connaissance avant qu'ils ne se matérialisent oniriquement ? Pourquoi est-ce que ça lui arrive ? Cette nuit, elle n'a rien eu. Pourquoi est-ce intermittent ? Est-ce que cette projection est sans conséquence ou change-t-elle le passé, donc l'avenir ?
Depuis dix secondes, elle ne disait plus rien. Les élèves attendaient, la regardaient.
-Oui, pardon, je réfléchissais à ce que je viens de dire. Des récents développements peuvent parfois contredire ce postulat.
Les portes s'ouvrent à la volée. Des hommes en noir, armés, entrent brusquement. Un genre de commando SS qui hurle en allemand. Elle prend peur, recule. Les SS tirent dans la foule des élèves, sans distinction. Un torrent de balles s'abat sur les pauvres étudiants innocents, et elle est impuissante, frappée, saisie, menottée, emmenée.
Stop. Elle en revient à la réalité. Elle n'a pas bougé. Soupire d'appréhension. Ca paraissait réelle.
Elle reprend son cours.
Elle aura croisé plusieurs personnes étranges dans la rue. Des européens, fringués dans un trois pièces démodé ou dans un tailleur des années folles. Elle aura vu rouler une Mercedes-Benz 320 Cabriolet B, comme celle de Sieg. Chaque fois qu'elle se retourne pour vérifier, elle se rend compte qu'elle a halluciné. Elle a l'impression d'être tourmentée, oppressée. Est-elle encore dans son rêve ? Le temps lui paraît passer trop vite, elle oublie des pans entiers de sa journée, se trouve à un endroit sans se rappeler ce qu'elle a fait les deux heures précédentes. Elle s'allonge dans son canapé. Plus ça va, plus sa vraie vie lui paraît onirique, tandis que les rêves sont de plus en plus empreints de réalité.
Lorsqu'elle ouvre les yeux, elle est chez Siegfried. Une odeur de bacon grillé et d'oeuf au plat. Il fait jour.
Il apparaît, avec un plateau plein.
-American Brunch. Bon appétit, baronne.
-Si on avait un fils, tu l'appellerais comment ?
Il se stoppe. Son regard réprobateur est éloquent.
-Pardonnez-moi. Vous... l'appelleriez comment ?
Sentiment de culpabilité de la part de Siegfried. Dire qu'il la réprimande encore comme sa chienne, alors qu'elle est sa fiancée. C'est seulement après qu'arrive l'impact de sa question.
-Christian. Peut-être. Ou... Dieter. Vu que mon grand-père s'appelait Anton, on va éviter. Dans un autre genre, Wilhelm. William, si tu préfères. Comme l'Empereur. Et comme Canaris, maintenant que j'y pense. Mais... Ca, c'est uniquement si la décision me revient. Or, ce ne sera pas le cas. Je préfère que tu choisisses.
Il abandonne l'assiette pleine, et retourne vers sa cuisine. Il a d'autres choses à apporter encore.
Elle passait les hautes portes du musée. Dans le grand hall, tout le gratin berlinois était en joie. Elle reconnaissait distinctement, dans des uniformes ou des costumes, des gens qu'elle avait vu dans ses recherches internet. L'un des visages chevalins l'interpelle particulièrement : Heydrich. Tiens, il est en vie.
Elle pensait avoir Siegfried à son bras, mais celui-ci n'est plus là. Étrange.
-Où est la frontière ?
Le serveur venait de s'adresser à elle, plateau en main.
-Quelle frontière ? Avec la Pologne ?
Sa blague l'amuse beaucoup.
-Non. Avec la réalité, Baronne.
Il lui tend une coupe de champagne. Interloquée, elle s'en saisit. Le serveur disparaît.
Elle va virer tarée.
-
"-Nous ne devrions plus faire ça, Léo."
La belle était étendue au milieu des soieries. Son parfum se mêlait allègrement à celui de leur sueur. Lui, il était encore au-dessus d'elle, en elle, entre ses cuisses ouvertes. Il la recouvrait de sa beauté singulière et d'un sourire amusé. Par pure provocation, il envoya un nouveau coup de rein, suivi immédiatement d'une série d'autres.
"-Pourquoi? Ne m'aimez-vous pas...?"
Elle se mordait la lèvre au fur et à mesure qu'il intensifiait la profondeur de ses pénétrations viriles. Contrairement au prussien, il était toujours doux dans ses ébats. Pas un mot vulgaire, pas un geste déplacé. Il lui faisait l'amour.
"-Ce...c'est ahm...juste que....je suis... haletait-elle péniblement. mariée...à Siegfried...c'est...
-Sssht, lui intima-t-il avant de lui ravir un baiser passionné. »
Se dérober, échapper à l'attrait dangereux de l'Obersturmführer lui paraissaient insurmontables. Elle n'avait plus le contrôle de son corps, si bien que d'actrice, elle passa à spectatrice et voyait Léopold profiter des charmes physiques d'une amante qui était elle, mais qu'elle ne reconnaissait plus. D'ailleurs, elle souhaitait lui hurler de le repousser, d'arrêter cette scène grotesque. Ca lui prenait aux tripes cette trahison, elle s'en serait tirée une balle dans le crâne.
« Je fais des rêves étranges. »
Le bureau du psychologue faisait assez vieillot ; lui-même était à l'aube de sa retraite mérité. Moustache grisonnante, petites lunettes arrondies perchées sur son nez et cet air démesurément sérieux qu'avaient les docteurs de ce genre. Elle était installée confortablement sur un siège, face à lui et tentait de trouver les mots justes.
« -Je n'arrive pas à m'en départir, ça me dévore de l'intérieur. Je vais devenir folle. Je dors plus correctement, j'ai dû mal à me nourrir...
-Mh, mh, prenait-il note, attentif, et de quoi rêvez-vous ?
-De la seconde guerre mondiale,,
-Pardon ?
-De la.... »
Elle s'interrompit aussitôt en découvrant la plaque émaillée qui indiquait le nom du professionnel. Si au départ les lettres lui avaient paru floues, elles devenaient maintenant parfaitement claires. Dr. E. Jaensch.
Putain, elle rêvait encore.
« -Maria ?
-Non je ne m'appelle....non, ne m'appelez pas comme ça.
-Maria, votre père était un bon ami à moi et j'aimerais vous aidez. Je vous connais depuis toute petite, vous le savez bien. Confiez-vous donc.»
La ferme.
Je ne suis pas Maria, compris ?
« -Qu'est-ce que tu viens de dire ? »
Brusque retour à la réalité, bien qu'elle n'en était pas certaine. Le décors sonnait vaguement familier : appartement de Siegfried, salon. Ils étaient attablés et l'horloge indiquait une heure tardive, 19:02 ou 04, elle ne saurait plus dire. Épars sur la table gisaient des restes d'un repas cantonnais selon les emballages marqués d'idéogrammes visiblement chinois. Ils venaient de terminer et elle avait une sale nausée. De celle qui vous donnait envie de vomir vos poumons.
« -Rien, excusez-moi, je ne me sens pas très bien. Je devrais aller me coucher.. (Ou pas, justement. Aller quérir sommeil n'était pas une idée des plus brillantes ces temps-ci et fuyant le royaume de Morphée, elle accumulait la fatigue, rêvait parfois éveillée. Un cercle vicieux qui lui laissait peu de répit)
-Non, tu as prononcé son nom, tu sais bien que...
-J'ai dit excusez-moi ! S'énerva-t-elle en repoussant sèchement sa chaise. »
La réaction du prussien fut immédiate. Avant qu'elle ne puisse quitter la table, il l'avait plaqué dessus, ventre et poitrine écrasés sur les restes de nourriture et les débris d'emballage. Elle en grimaça de douleur, et supplia du bout des lèvres tandis qu'il tordait un bras fragile dans son dos.
« -Devenir ma femme ne doit pas te faire oublier ta place, au contraire : elle la raffermit. Ecarte tes jambes. »
Elle ferma les yeux. L'obéissance lui parut être un comportement tout à fait naturel. Ses cuisses s'ouvrirent et elle entendit le son machinal d'une ceinture que l'on défaisait.
« -Pourquoi ?! Pourquoi l'avoir fait exécuté ? »
Le sujet revenait sur la table. En fait, il était même d'actualité, tout récent. Elle suivait son époux à travers le grand hall du château de Königsberg, portant leur enfant, de trois ans, dans les bras tout contre elle. Les portraits inquisiteurs des barons de la lignée les accusèrent une fois qu'ils pénétrèrent la galerie principale. Toutefois, ce n'était qu'une ombre qu'elle suivait, car il ne se retourna jamais, ni même ne prononça un mot. Finalement, Akina délaissa l'héritier entre les mains d'une nourrice, jamais bien loin et renforça ses enjambées pour rattraper Anton.
« -Anton, s'il vous plaît... »
Et ils arrivèrent dans le bureau de l'officier, le familial celui dont le siège se transmettait de père en fils depuis des générations. Ses bottines frôlèrent le tapis persan qui recouvrait une partie du parquet boisé. Et les étagères alourdies d'ouvrages montaient jusqu'au plafond. Elle en oublia même l'affaire Panntreffe pour mieux observer l'environnement. Siegfried avait disparu soudainement ; il ne restait plus que son parfum familier qui imprégnait l'air de l'office. Sur le bureau, elle découvrit divers documents en lien avec la SS ou la gestion du domaine. Ce n'est qu'en apercevant une clef, pendue à un tiroir qu'elle se remémora.
Le trousseau de clefs trouvé à la Commerzbank. Les dizaines de passes dessus, si différents. Non, ce n'était pas ça. Le petit baron, leur enfant qui sortait d'un cadavre frais la silhouette d'une clef imposante. Avant l'arrivée de Kenneth et de Hiranuma. Même en rêve, son coeur se brisait à revivre la scène.
C'était la même. La même clef. Pour le même coffre ?
Elle se dépêcha de tendre la main. Ses doigts allaient effleurer l'objet salvateur quand une explosion souffla les carreaux des grandes fenêtres et l'envoya se briser la nuque contre une étagère, broyée de l'intérieur par l'onde de choc. Des cris, des mots russes sauvagement expédiés, des bruits de tirs.
Königsberg venait de tomber.
-
Un chaos sans nom s'empara de la noble ville. Le feu de Sodome s'y déchaînait, les soldats du démon l'envahissait, et rien ni personne, pas même le chevalier Siegfried sur son destrier armuré, ne pouvait l'en empêcher. On y périssait à foison, les bâtiments s'écroulaient comme si la terre elle-même mourrait, et dans une centaine d'année, des kilomètres de verdure repousseront à l'endroit même où se tenait la terre ancestrale des Königsberg.
Mais elle n'est plus là pour le voir. Elle est de nouveau dans la banque. Une porte est brisée. Elle la passe. Sas. Détruit. Elle avance. Une petite pièce avec, cependant, une porte blindée de trois mètres de diamètre, qui prend quasiment tout le mur. Sur le côté, elle capte un petit boîtier encastré, genre coffre mural riquiqui. Celui-ci porte des traces et des impacts, comme si l'on s'était acharné dessus sans pouvoir le démolir. Elle s'y penche. La petite encoche rectangulaire est particulière. Regard sur la clé qui est maintenant dans sa main, pleine de sang. Eurk. Elle comprend, du moins, espère avoir compris. Elle lève la main, enfonce la serrure. Il faut pousser un peu, encore un peu, voilà, clac. Un genre de « Prouf » sourd. Elle se retourne.
La porte blindée est ouverte. Il suffit de s'approcher, d'y poser les doigts. Elle pourrait l'ouvrir. Trop lourd. Elle doit s'y saisir à deux mains, tirer à mort dessus en s'appuyant pied au mur. La porte glisse enfin. De l'intérieur, un puissant rayon l'éblouit.
Merci, ma fille, croit-elle entendre dans ses songes.
-Il faut acheter les billets d'avion pour aller dans ton pays.
Ton pays. Il s'est efforcé de le dire sans mépris, ce qui est tout de même un exercice. L'Amérique triomphante, sa bête noire. Toujours plus glorieux que la rouge, de bête.
-Noël approche. Tu voudra quoi sous le sapin ?
On ne fêtait pas ça au Japon comme en Occident, ce qui fait qu'il n'était pas sûr de pouvoir lui offrir quelque chose. Ni quoi, d'ailleurs. Peut-être lui demandera-t-il une liste de cadeau où il piochera. Il verra. Ca lui correspond assez.
Le froid avait saisi les rues. On a ressorti les vêtements chauds. Une épaisse couche de neige avait recouvert les localités d'Akita et de Matsue, mais dans le coin de Seikusu, les quelques flocons n'avaient pas réussis à tenir. Comme toujours, la neige rappelait à Siegfried son enfance. Dans son appartement bien chauffé, il était de moins en moins rare de voir les volets et rideaux ouverts, et l'allemand, appuyé contre la fenêtre avec son café, à écouter ses mélodies séculaires, paraissait dans une inébranlable quiétude. Celle-ci durait peu : Il fallait systématiquement retourner à ses obligations, parfois pesantes, et qui le satisfaisaient assez peu ces temps-ci. Il avait besoin de vacances.
Akina dormait bien, enfin. Pendant un moment, il s'était montré inquiet de son état. Il pensait que c'était le retour dans un environnement neutre, son appartement à lui, qui l'avait remise sur pied. Un endroit sain, avec un canapé neuf, un plancher réparé, des armes réinstallées, et sa garde-robe de SS remise dans la grande armoire, soigneusement nettoyée auparavant. Un pur bonheur.
C'était au premier flocon qui était tombé sur son visage. Il devait être 18h lorsqu'il leva les yeux au ciel, et que le cristal échoua sur sa joue.
Il ferma aussitôt les yeux. Lorsqu'il les rouvrit, après une longue période de stupeur, son visage était à moitié enterrée dans la neige.
Il se lève, crache l'eau à peine fondue dans sa bouche ouverte. Passe sa manche sèche sur son visage. Difficulté à se dresser sur ses deux pattes. Les bottes de SS ne glissent pas. Il trouve sa casquette, recouverte par la poudre blanche. Il l'en extrait, peste, la tapote, la frotte, puis l'enfile sur sa tête.
-Ca faisait longtemps.
-N'est-ce pas agréable de me voir ?
-Pas vraiment, père.
Il touche sa croix de fer. Bien en place, le ruban passant sous le col. Les galons sont bien ceux d'Hauptsturmführer, qu'il arrive à déceler au toucher malgré les gants de cuir.
-Sincère.
-Ecoutez... Présentez-moi une seule personne sur terre qui fait des rêves moins agréables que ceux-ci, et j'admettrais que c'est un bonheur de vous voir.
Le barbu haussa les épaules. Siegfried n'était pas sûr d'avoir vu une telle pilosité faciale sur lui auparavant.
-Tu dois faire confiance, mon fils.
-J'ai fait confiance par le passé. Attendez... C'est Königsberg !?
Il reconnaissait, au loin, la ville et ses murailles, complètement détruites. Jamais il n'avait vu un tel carnage. Le castel était à trois quarts en cendres ; le reste n'était que pierre désordonnée, réagencée par les bombes. Il s'avance alors de trois pas, dressé sur la colline, et contemple ainsi la gloire de son père, le château de sa mère, et toutes ses possessions anéanties.
-Pourquoi !?
-C'est ainsi qu'il fut laissé.
-Non, non. Les russes...
-Il n'est pas question des russes. Tu dois m'écouter.
En bas de la colline sont apparues des soviétiques. Une horde éparse de soldat qui grimpe difficilement dans l'épaisse couche de neige. Siegfried se voit aussitôt doté d'un flingue, et tire à vue, visant tantôt la tête, tantôt le cœur ; parfois les jambes, pour se faire un petit plaisir. Bien que le fusil en main, aucun d'eux ne ripostent. Ils avancent benoîtement, se font tuer, leur cadavre roule, et c'est au tour du suivant. Il les abat calmement, sans jamais recharger.
-Tu dois faire confiance.
-Je ne sais plus faire confiance. J'ai des gardes-fous, des secrets, des moyens de pression.
-Laisse tomber.
-Père...
Il avait saisi son poignet, tirait dessus pour lui retirer son arme. Les russes avançaient, Siegfried ne pouvait plus tirer dessus. Il ne lâchait pas la crosse, et le vieux continuait d'essayer de le désarmer. Bordel... Les soviet, tels des zombies, s'agglutinaient autour de lui, ayant lâché leurs fusils, posaient leurs mains froides et sales sur le corps de l'allemand, le submergeaient complètement. Inutile de se battre. Finalement, il admet sa reddition, lâche l'arme. Seule sa tête dépasse de la masse grouillante des insectes rouges qui le recouvrent presque complètement de leurs membres. L'ancêtre retourne l'arme, lui colle sur la joue.
-Fais confiance.
Bam.
Siegfried rouvre les yeux. Le flocon est froid sur sa joue. Il ne se souvient pas de ces secondes qui viennent de passer. Il touche le cristal, sourit sans savoir pourquoi, et reprend le chemin de son habitation.
Il attendra quelques minutes dans une petite salle, sur un banc, contre un mur. On lui a pris ses bagages et fait vider ses poches, une petite fouille au corps au passage, toujours agréable.
Là, un fonctionnaire rentre. Il lui demande de venir s'asseoir sur une table annexe, face à lui.
-Monsieur. Les Etats-Unis d'Amérique n'acceptent pas les terroristes et les criminels de guerre sur son sol.
-J'ai été ravi de tuer ces ennemis de ma nation, un à un. Je recommencerais volontiers. Surtout sur le sol américain, avec des civils américains.
-Vous êtes la honte de votre pays.
-Vous êtes la honte du vôtre.
-Je vais devoir vous torturer.
On appliquait un sac en toile sur sa tête, il était menotté, sa chaise était basculée en arrière. Le supplice de l'eau commençait.
Plop ! Le grincement d'une porte le sort de ses rêveries. Un jeune homme, 25 ans, beau costard et plaque de police visible à la ceinture, lui adresse un franc sourire, avec une poignée de main agréable.
-Lieutenant Daniels. Pardon de vous avoir fait attendre. Passez dans mon bureau.
Ils entrent dans la pièce à côté. L'allemand s'installe, et n'a pas le temps de faire l'état des lieux que le flic, main sur la cravate en s'asseyant, a déjà commencé la lecture du dossier.
-Siegfried von... Königsberg ?
Il prononce « Konigsbeuwg », à l'américaine, et le SS a envie de lui apprendre la prononciation de l'allemand à grand renfort de coup de bureau dans les dents.
-C'est moi.
-Hm hm.
Il feuillette les différentes pièces, puis consulte l'écran de son PC apparemment déjà allumé. Clic, clic. « hm hm » de nouveau.
-Vous avez fait l'objet d'une interdiction d'entrée et de séjour... Je vois ici... suite à... ah, oui. La guerre. Hm hm. Vous avez l'air trop jeune pour avoir combattu contre mon arrière-grand-père !
Sourire forcé de l'allemand.
-Vous m'expliquez ?
-Erreur administrative.
-Hmmm hm. Je vois ici que le numéro de votre dossier fourni par l'administration allemande est le même pourtant.
-Le numéro de passeport est différent. Ma date de naissance est claire à ce sujet. Je ne suis pas né en 1914.
-Oui, oui... Ah, oui, tout de même. Vous lui ressemblez en plus.
-Je ressemble encore plus à mon père.
-Et bien ! Qu'est ce que ça doit être. On vous confond dans la rue ?
-Il est mort.
-Oh. Condoléances. Pardonnez-moi.
Il tend le bras pour taper au carreau. De l'autre côté, la secrétaire lève la tête. Il lui fait signe de venir. Elle arrive alors dans le bureau, trois documents en main. Le lieutenant s'en saisit. Siegfried mate la demoiselle au passage, le plus discrètement du monde.
-Vous connaissez du monde au Pentagone ?
-Ce ne sont pas vos affaires.
-Certes... Certes. Bon. Et bien... Ecoutez, je suppose que mon rôle s'arrête là. Je vous suggère de régler cette histoire auprès de l'administration de votre pays, ça risque d'être handicapant un jour.
-J'y penserais quand j'y retournerais.
Il met quelques mots, appose sa signature à trois reprises, deux coups de tampon, et rend le passeport ainsi que l'un des papiers avec.
-Voilà ! Vos affaires sont à récupérer auprès de l'agent Vincente, juste à droite. Présentez-lui ça. Si vous avez un problème avec la police, gardez ce papier-là, c'est très important. Ca sert de dérogation, comme autorisation de séjour.
-... C'est tout ?
-Et bien, oui. Vous préférez qu'on vous remette dans un avion pour chez vous ?
-Euh. Non. Je... Merci.
Ils se lèvent tout deux, se serrent la main chaleureusement. Le lieutenant ne cesse de sourire, le raccompagnant vers la porte.
-Vous venez du Japon, ai-je cru voir ?
-Seikusu. Une très jolie ville. N'hésitez pas à y passer. Si vous n'avez pas d'endroit où elle...
-Je retiens, je retiens. Mais bon... Dormir chez un criminel de guerre, ça me ferait peur. Ahah ! Pardon, pardon. Je suis désolé du désagrément causé par tout cela.
-Je vous en prie.
-Au revoir, monsieur. Et, ah, j'allais oublier ! Je vous souhaite la bienvenue sur le sol américain, et un très bon séjour.
Nouveau serrage de main. Il le laisse sortir. Siegfried pense être encore en train de rêver. Il récupère son téléphone, ses effets, ses bagages, et se dirige, seul, vers la sortie. On le fait passer sous un cordon. Il regarde derrière lui. Il est du bon côté de l'aéroport. Dans son dos, les entrants. Devant lui, le terminal.
Le dallage au sol a une aura particulière.
Siegfried est légalement sur le territoire des Etats-Unis.
-
« Pour Noël....je voudrais simplement que nous puissions aller dans mon pays, comme vous dîtes. Qui sera aussi le vôtre puisque nous nous unissons, Mein Herr. » répondit-elle très doucement, en terminant de réviser son cours de protéomique. Elle dormait mieux ces temps-ci et avec les examens qui arrivaient au galop, il valait mieux. Retrouver ses esprits, la réalité avait été un véritable soulagement pour la métisse dont l'âme commençait sérieusement à souffrir. Contrairement à lui, elle détestait la neige – synonyme d'un froid dont elle ne supportait pas la rudesse. Tout était blanc ou gris durant les courtes journées d'Hiver, puis noir quand venait la longue nuit. Elle sortait pour aller travailler, il faisait nuit, elle rentrait du travail et encore les étoiles accusaient la noirceur.
Puis, elle avait commencé à décompter les jours avant leur départ. Les cours s'étaient enchaînés et son travail auprès de Chris Reuters également. Contrairement à Takagi, en bon occidental qu'il était, le hollandais encourageait son poulain à persévérer sur l'anti-vieillissement des cellules. Des dizaines de laboratoires de pointe à travers le monde financent ce concept d'immortalité et à l'issue de ses études, nul doute qu'elle serait courtisée par l'un d'entre eux. Entre deux travaux pratiques et un cours administré aux premières années de médecine, elle avait revu Kenneth. D'abord parce qu'ils devaient présenter leur exposé devant la vieille Okamura, et ensuite parce qu'étant dans la même promotion l'éviter devenait un exercice fastidieux. Il parlait vaguement de retourner en Irlande, peut-être de se greffer à l''IRA de nouveau. Ses connaissances en chimie et en biologie pourraient aider à un type de confection artisanale tout à fait létale. Toutefois, ne dérogeant pas à la règle de l'amoureux transit, il lui avait fait part une énième fois de ses sentiments dont il fit l'étalage, sans pudeur, en pleine séance de manipulation au laboratoire. Lui opposant un silence réprobateur, Akina n'eut pas le courage de terminer sa journée et préféra se réfugier chez son fiancé.
Enfin, il y avait eu la séance de recrutement des cheerleaders du Lycée Mishima. Les candidates avaient été nombreuses grâce à un flot inconsidéré de propagandes mises sur pied par les quatre noyaux durs de l'équipe. Seulement une dizaine furent sélectionnées, au terme d'auditions fastidieuses. Avant qu'elles ne se séparent pour les congés de décembre, Akina leur promit qu'elle rapporterait des uniformes depuis les USA.
A l'aéroport, elle se formalisa lorsqu'on la sépara de Siegfried. Elle voulait protester : peine perdue. Le douanier finit par la rappeler à l'ordre.
« Rebienvenue au pays, Miss Walker. » lâcha-t-il en lui tendant son passeport américain.
-Où l'emmènent-ils ?
-Au bureau de l'immigration, enfin une officine, c'est un ami ?
-Mon fiancé, nous sommes venus ensemble....
-Ah. Je vous conseille d'attendre après les plate-formes des bagages. Suivant ! »
Elle s'entendit le remercier du bout des lèvres et pressa le pas pour récupérer sa valise. Celle d'Anton avait déjà visiblement été embarquée avec lui. Au terminal des arrivées, elle était morte d'inquiétude. Un café pris au comptoir du coin, puis deux et elle tournait en rond près de ses affaires, incapable d'imaginer le meilleur. John lui avait assuré qu'il trouverait un moyen pour le faire accepter sur le territoire américain, elle devait avoir confiance, mais elle était terriblement affectée par l'idée que la police des frontières décident de lui faire passer un sale quart d'heure. Aussi, quand il émergea enfin parmi la file, en apparente bonne santé elle se précipita sur lui comme elle avait l'habitude de le faire et l'étreignit de toutes ses forces. Sous leurs pieds, la devise du pays était incrustée dans une mosaïque récente et de leur passion, ils foulaient la confiance de Dieu.
Il fallut ensuite faire le change de leur Yens, une formalité et puis louer une voiture. Akina privilégia un Pick-up, car – lui expliqua-t-elle très sérieusement, l'immensité des routes américaines ne pardonnait pas aux citadines. Elle signa les documents, laissa une caution et ils purent charger leurs bagages à l'arrière du véhicule.
« Nous avons atterri à l'Intercontinental Georges Bush Aéroport. Ca vous donne la couleur. Blanche. Nous sommes près de Houston, il va encore falloir rouler. » déclara-t-elle en pianotant l'adresse du ranch sur le GPS intégré.
Direction le sud du Texas, à quelques kilomètres de la frontière mexicaine.
«-Merde », pesta-t-elle en remarquant la teinte des gyrophares dans son rétroviseur. Elle engagea son clignotant et rangea le véhicule sur le côté, baissant ensuite la vitre. C'était un motard, un officier du comté – tyran des routes. Il se pencha à la fenêtre et les salua formellement. Comme l'exigeait la procédure, elle retira les clefs du contact et les rejeta sur le tableau de bord.
« -Papiers du véhicule, vous rouliez au-delà de la vitesse autorisée. »
Elle lui transmit son passeport ainsi que les visas de location.
« -Pressée ?, dit-il avant de sourire. Ah Walker ! Ca fait longtemps qu'on ne t'avait pas vu rôdé dans le coin. Je t'ai pas reconnu, t'as bien grandi»
Par grandi, il parlait surtout de la poitrine, qu'il lorgnait. Il avisa ensuite le passager. « Et sans Jack de surcroît.
« -Désolée, Sheriff Blackhood. Je ne faisais plus attention. Comment va Bryant ? »
Vous vous rappelez, le capitaine de l'équipe de football qu'elle se disputait avec Marisol ? Il était le fils du shérif, tout à fait. Le monde était petit dans la campagne texane.
« -Bien, il joue en nationale maintenant ! Bon allez, ça va pour cette fois. C'est qui ? » demanda-t-il enfin vers Siegfried. Une question à laquelle, elle devrait s'habituer dans les jours à venir.
« -Mon fiancé, Siegfried. Siegfried, je vous (Heureusement que le you ne faisait pas état d'un tutoiement ou d'un vouvoiement. On ne le dira jamais assez.) présente le Sheriff Jonathan Blackhood, une sommité dans la région.
-Putain, le nom. C'est quoi ça ? Finlandais ? »
Ici, nous avions là toute l'étendue de la culture middle-class du Texas.
« -Euh, allemand...soupira-t-elle.
-Ahaha ! Rit-il alors. Non. Sans déconner ?
-Je peux repartir Sheriff ?
-Ah ouais, ouais, je vais t'escorter jusqu'au Ranch. »
Génial.
Arrivés au croisement qui séparait la nationale du chemin vers la ferme Walker, le policier klaxonna et fit signe du bras pour les saluer. Avait-on précisé que ce jour-là, malgré le mois de décembre entamé, un soleil franc régnait sur le désert texan ? Que les températures, plus que clémentes suffiraient à se faire bronzer ?
Comment décrire le Ranch Walker ? C'était une grosse exploitation, tenue depuis la fin du XIXème siècle par l'un des aïeulx. L'une des rares, également, qui avait survécu à la Grande Dépression. Il fallait dire qu'entre l'esclavage des noirs et la main-d'oeuvre mexicaine, la rentabilité avait toujours été au rendez-vous pour ce grenier abondant. On y élevait des bêtes : chevaux et bovidés, mais on y cultivait également du coton, des fruits et des céréales. Aujourd'hui, on comptait une cinquantaine d'ouvriers agricoles, saisonniers compris. Il y avait le corps principal : la ferme et la grange. Des bâtiments principalement résidentiels où vivaient Abraham et sa famille. Puis les grandes installations modernes éparpillées à des kilomètres autour. Concernant le matériel, bien que les cow-boys se déplaçaient parfois encore à dos de canasson, Abraham et ses fils avaient investi dans des monstres motorisés.
Bien sûr, la réussite attirait les tensions. Et les Walkers avaient dû affronter plusieurs organisations écologistes et « autre Hippies de merde », au sujet de la surexploitation des nappes phréatiques du coin et dénonçant les contrats de travail des mexicains clandestins. Ce dont Abraham se fichait complètement. Un fils au Pentagone obligeait, la Justice lui avait toujours été clémente.
Lorsqu'elle gara le Pick-up devant le patio de la grande maison à architecture coloniale, un chien aboya vivement. C'était un vieux Staff borgne et agressif, attaché par une chaîne à la barrière de la terrasse avant. Les portières de la voiture claquèrent.
« Eh bien ! Eh bien ! » hurla une voix de vieillard sur fond sonore de grincement de bois.
Abe était confortablement installé dans sa rocking chair, une vieille radio allumée sur le bord d'une fenêtre crachait un son country totalement abominable. Dans l'ombre du patio, il portait tout de même son chapeau de cow-boy légué par son père.
« Ma petit-fille qui revient, le retour de l'enfant prodigue ! LORENZ ! LORENZ sale fumier, va me décharger ce Pick-up ! »
Une silhouette se précipita hors de la maison. Un jeune homme d'une vingtaine d'années, très grand et la démarche un peu balourde s'empressa d'obéir aux ordres de son patron, allant retirer les valises du véhicule stationnée sous le regard compatissant d'Akina – trop heureuse de retrouver ici, un paysage de son enfance, et une part de son identité.
En se redressant, ils purent noter qu'Abraham boitait sévèrement ce qui le rendait d'autant plus vieux : le dos courbé vers l'avant, le visage alourdit de rides mais son regard, lui, paraissait jeune dénotant sa vivacité d'esprit. A l'intérieur, dans le salon, la décoration n'avait pas changé depuis les années 60. Partout trônaient des portraits de famille : Les trois terreur durant leur enfance, puis chacun d'eux en uniforme. Même une photographie de Seika et Jack, représentant leur mariage, était fièrement suspendue aux côtés de celles du mariage de Scarlett et Abraham, de John et Anna. Visiblement, Abe aussi avait un goût prononcé pour l'esprit de famille. Gageons simplement qu'il serait différent de celui d'Akira.
« Installez-vous je vais vous apporter du café. »
Seigneur que son accent texan était dégueulasse.
« -Je peux le faire Pa, ca me dérange pas.
-Putain, je suis pas un assisté okay ? Assieds-toi je te dis. D'habitude, Loretta est là pour ça, mais elle est en congé. Les bouffeurs de tacos, ça travaillent pas comme des négros. » Et il vociférait sa diatribe raciste en filant vers la cuisine traditionnelle donc séparées de la grande pièce de vie. Elle prit la main de son amant et l'invita à prendre place, avec elle, sur le canapé, devant la cheminée. Là encore, des photos par dizaines, de la Guerre, des médailles accrochées, des distinctions. »
On entendit du bruit dans la cuisine, un petit fracas et quelques minutes après surgissait le vieillard une jatte de café en main et deux tasses dans l'autre. Il abandonna le tout sur la table basse face à eux et prit place sur un fauteuil imposant, tout près de la cheminée et non loin du sapin de Noël bien décoré.
« -Lorenz, va faire monter vos bagages dans votre chambre. Je suis pas chien, je vous ai pas mis de lits séparés, haha. J'ai été jeune aussi hein. »
Petit clin d'oeil su-per gênant et sourire édenté. Akina leva les yeux au ciel, complètement embarrassée.
«Alors, tu me présentes pas ton gars ?
-Si, si Pa...c'est ahm, Siegfried Von Königsberg, il est professeur et avocat.
-Ah ouais ? Jack m'a dit que t'as fait l'armée, mon con. Et franchement, y'a que ça qui compte! Je préfère un sale boche, qu'un nègre, ça ouais. Putain ma fille, au moins c'est un blanc.
-'Pa....s'il te plaît...
-Ta gueule avec tes discours hippies de merde. Sa tête me revient, tu préfères le contraire ?
-Non...
-T'as déjà travaillé dans une ferme ? .Lança-t-il enfin à l'attention du noble »
Voyage reposant ? Vacances ? Qui avait dit ça ?
-
-Je ne suis pas stressé.
C'était à titre de remarque. Non, pas de stress. Rien à voir avec ses doigts qui pianotent, quatre par quatre, de l'auriculaire jusqu'à l'index, lentement. Pareillement, ce n'est pas parce que ses sens en éveil cherchent désespérément à s'accrocher à quelque chose là où ils voguent de bruit en bruit et de vue en vue qu'il ne va pas bien. Au contraire, il sait se sentir à l'aise même les deux pieds dans la merde avec les boyaux sur le sol. Sa grande force, c'est son sang-froid à toute épreuve. Il se maîtrise, se musèle. Il n'a pas à ressentir la peur.
Catacaclop. Catacaclop. Catacaclop.
Après tout, le grand-père a l'air sympa. Fondu dans le même moule que les gamins, ou plutôt était-ce le contraire, ce qui était du genre à rassurer l'allemand. Il avait déjà pu maîtriser les trois garçons, alors le boss final n'allait pas être différent à affronter. Quant à l'habitation, aurait-il pu s'attendre à autre chose ? Parce qu'ils ont prouvé être texan jusqu'à l'os, abreuvé au pétrole brut et élevé à la winchester, il ne fait nul doute que l'environnement familial devait y correspondre. Il se mordait ainsi la lèvre inférieure, puis se disait que c'était trop signe extérieur de nervosité, et revint à un parallélisme labiale moins traître.
Vient ensuite l'épreuve du feu. Il comptait se présenter lui-même, elle le fera. Il convient de préciser quelque chose cependant :
-Forces spéciales.
Parce qu'en dépit du fait que la classification n'existait pas encore, son bataillon surentraîné et spécialisé dans le soutien lourd et le « seul contre tous » lui donnait ce caractère. Un autre genre que les chasseurs de Skorzeny, personnage exécrable et méprisé par Siegfried (comme tout soldat avec du bon sens), mais n'allons pas faire de chichis sur la définition. Si le gendre veut se la péter devant le papy, il en a encore le droit.
Rapide évaluation. Il est plus vieux qu'Abraham, se dit-il en le regardant.
-J'ai déjà fait du travail de labour et de cueillette, si c'est la question.
Calmement, il retire sa veste et sa cravate, puis retrousse les manches de la chemise. Il en aura pour un costume, mais tant pis. De toute façon, le repos est immoral. Seul compte la valeur travail. Si c'est ce qu'il faut pour se faire accepter, pas de problème.
-Allez-y. Montrez-moi ce qu'il y a à faire, et je vous parie que j'épuise tous les singes que vous employez.
Il rigole. C'est probablement bon signe.
-Calme, calme, gamin. On verra ça demain. J'vais pas non plus te tuer dès le premier jour. Mes fils vont bien ?
La question était posée à Akina, aussi, Siegfried s'en désintéressait totalement. Il se levait de son siège, tasse en main, et s'avançait vers un mur pour en observer les décorations. Fascinant, le fait que le mariage de Jack et Seika reste une fierté. L'égale des autres. Ce vieux con était comme les autres : Dès que les sentiments entraient en compte, les préjugés tombaient, abattus net par la force de l'amour et autres conneries toute en miel.
Il croit entendre son nom dans son dos mais n'en prend pas compte. Elle ne semble pas l'appeler, juste le mentionner dans sa discussion. Pas de quoi fouetter un SS. Il s'avance jusqu'à un étalage de décorations, dont il connaît la plupart. « J'en ai tué un avec les mêmes », voudrait-il dire avec le sourire.
Il boit sa tasse. Tousse. On se retourne vers lui.
-Vous mettez du pétrole dedans ?
Le vieux rigole, puis lève son index vers lui.
-Si mon hospitalité te plaît pas, j'peux te foutre dans la grange.
-Tant que vous m'obligez pas à boire ça, vous pouvez me faire dormir dans la fosse à purin.
Il en boira de nouveau une gorgée en s'approchant, puis lui tend la main.
-Merci de m'accueillir ici. C'est un honneur de vous connaître, monsieur. Akina ne m'a dit presque que du bien de vous.
-Ca va, ça va. On va éviter les mamours. On verra si on peut encore se sentir dans une semaine.
Il se lève difficilement de son siège, puis se traîne jusqu'à la porte, expliquant qu'il doit faire le tour de l'exploitation, que l'argent ça rentre pas tout seul, etc, etc. Accompagné de son quasi-esclave, il disparaît de leur vue. Professeur et étudiante se regardent, perplexe.
-Vous voulez visiter ?
-D'abord, je veux inaugurer.
Tous les deux rapprochés, la main de l'allemand s'insinue dans la chevelure de son esclave, l'agrippent très lentement.
-Montre-moi la chambre du vieux.
Elle sera bâillonnée, par sécurité, et prise toute habillée à même le sol. Autorisation donnée de jouir – non, ordre – et après un vif tringlage en règle, il s'épand en elle sans honte. Ils récupèrent leurs esprits, et sortent avec discrétion.
Il rit soudain, par ce soupir nasal qui témoigne d'un léger amusement. Elle lui demande ce qu'il y a, alors qu'ils sont près des chevaux, que l'allemand caresse. Ca, il connaît, a-t-il dit. Une telle monture, il maîtrise sans problème.
-Je pensais au mariage.
-Ca vous fait rire ?
-Akira et Abraham dans la même pièce, oui, ça me fait rire. D'autant plus qu'ils seront contraints à bien se tenir. Je pense d'ailleurs qu'on devrait autoriser les armes, ça risque d'être drôle.
L'un des chevaux évite sa main. Siegfried insiste, lui sourit, pose son crâne sur son cou. Brave bête.
-Et il y aura ta mère.
C'était plus une interrogation personnelle qu'une affirmation, malgré le ton utilisé.
-Demain, je me met double-dose, et j'impressionne ton grand-père. Il va tellement m'adorer qu'il a vouloir qu'on s'épouse demain, tu verras.
-
« -Papa est sorti de l'Hôpital...., répondit-elle avec un sourire malaisé.
-Si j'avais pas quatre-vingt ans hein, j'y serai allé. J'ai fait le Vietnam, c'pas ça qui m'aurait arrêté ! Et le niak comment il va ? Hein ? Toujours aussi bourré de fric ? »
L'étudiante leva les yeux au ciel, complètement agacée par l'attitude de son grand-père. Oui, les trois frères – hormis John, peut-être, avaient de qui tenir. Ce racisme ambiant, elle s'y faisait par défaut. Du coin de l'oeil, elle aurait surveillé les déplacements de son fiancé dont elle plaignait secrètement le rôle.
« -Grand-Papa va bien.
-Je suis sûr qu'il a râlé pour ton mec. Ha-ha. Il voulait sans doute....un jaune. Bien joué, ma fille.
-Il s'entend bien avec Siegfried, qu'elle répliqua sèchement, les lèvres pincées. »
Une gorgée de café fit passer l'amertume. La métisse était visiblement habituée à la boisson corsée et opéra un large rictus moqueur lorsque l'allemand ferait la remarque. Le café, c'était pas encore aussi sacré que le Whiskey, mais mettons qu'il était en passe de le devenir. Parfois, on y mélangeait les deux, surtout l'Hiver. Plutôt, la nuit quand les températures chutaient en dessous de zéro et que les cow-boys devaient se relayer à la surveillance de la ferme. Non parce qu'on avait beau avoir quitté le temps du Far-West, les vols de bétails, les règlements de compte et les associations qui attentaient aux biens du ranch, il y en auraient toujours.
Puis, Abraham fut rattrapé par les affaires et à ce sujet, il se montrait assez pragmatique pour un américain. Malgré son âge avancé, il refusait de prendre sa retraite. Il mourrait Winchester en main, sur son exploitation à en tirer la dernière graine. Lorenz n'était, au final, que ses bras et ses jambes qui lui faisaient défaut. Il aurait préféré qu'un de ses fils le seconde. Jack, en particulier. Lui qui était à l'aulne de sa retraite à l'armée. Parcourir les hectares familiaux en compagnie de son môme, c'était ainsi qu'on avait transmis la ferme Walker au fil des générations. De père en fils, car le bon Dieu avait été clément : peu de filles, ou toutes des cadettes. C'était ça d'aller à la Messe tous les dimanches depuis 1873. Enfin, avec les trois derniers, la bénédiction n'avait pas duré. C'était peut-être dû au départ précoce de la mère, se disait souvent Abe. Quoiqu'il en était, il fallait désormais se faire une raison. James ne serait pas assez intelligent pour dépasser les cinquante années d'âge de vie. John, il finirait par mourir dans son bureau, désintéressé des affaires familiales. Puis Jack, il irait léguer le ranch à sa fille. Putain qu'il avait intérêt, s'énervait le vieux, hors de question de revendre à la ferme. Et ce Siegfried, qu'il quittait pour rejoindre les champs labourés, il serait de facto là.
Sitôt parti, qu'Akina reprit l'habitude d'obéir à son amant. Elle l'avait mené par la cuisine, à l'étage de la grande maison. Ils avaient longé un couloir, passé plusieurs portes avant d'ouvrir celle de la chambre du patron. Une pièce cosy au vieux mobilier. Il y avait même encore une bassine d'eau et un pichet sur la commode, avec un savon non loin et un nécessaire à rasage. La garde-robe renfermait encore les vêtements de Scarlett Walker. En dépit de son décès prématuré, le vieillard avait tenu à tout conserver. C'était au pied du lit que le prussien fit son affaire. Sa belle n'avait bien évidemment pas résisté, lui cédant ses charmes comme la meilleure des prostitués. Les genoux au sol, elle s'était tenue au barreau du lit, le jeans baissé, les jambes bien ouverte et elle n'avait eu qu'à serrer les dents pendant qu'il la prenait vulgairement, purgeant en elle ses bas-instincts. Et bordel qu'elle avait adoré ça, jouir peu avant lui, la figure frappée d'extase.
Le temps de reboutonner leur pantalons respectifs, de se recoiffer pour elle et ils décidèrent de rendre visite aux chevaux. Surtout que l'enclos du troupeau n'était qu'à cinq minutes à pied, adjacent à la maison. On y avait même vue depuis la fenêtre d'Abraham.
Il ne faisait pas encore nuit, mais près. La tombée du soir s'annonçait, l'air était déjà plus frais et le ciel se teintait. La cinquantaine de montures était en liberté, dans une énorme enclave.
« - Vous aviez dit la même chose pour Akira, vous savez, lâcha-t-elle, montée sur la clôture de bois pour s'y asseoir et l'admirer murmurer à l'oreille des bêtes. Je crois que..... »
Elle abaissa son minois angélique vers le sol, cherchant ses mots ou plutôt le courage de les prononcer.
« - Que je devrais vous parler de ces dernières semaines. De mes rêves étranges....j'aurais dû vous en parler plus tôt mais j'étais dans l'incapacité. Vous allez me dire que....votre histoire m'a rendu complètement folle. Mais je n'ai pas arrêté de rêver de votre vie, comme si j'y étais. J'ai même vu votre père, votre second... »
Inutile de rentrer dans le détails intimes concernant ce dernier. Un « Qui faisait admirablement bien l'amour » aurait pu être vite réinterprété.
« Je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait. Ca me rendait dingue, même le jour. »
C'était ridicule, mais maintenant qu'elle avait les deux pieds sur le sol américain, elle se sentait en sécurité, loin de ce fracas onirique sur la seconde guerre mondiale. Tout irait pour le mieux. Même qu'ils seraient inspirés pour parler préparatifs du mariage. L'idée de l'organiser au Texas lui plaisait énormément. Ca lui remettrait un peu du plomb dans la tête, et elle n'irait pas monter sur ses grands chevaux en se tourmentant à l'idée que marier Siegfried, c'était devenir Baronne. « Oui, enfin... » se ramena la conscience « Faut pas non plus hein...il est où le château ? » Ben il y avait le ranch, le manoir au Japon, n'importe quel endroit où ils étaient pourrait potentiellement devenir un bastion Von Königsberg. « Ah ben niveau romantisme, tu repasseras. » Ca va, la ferme.
« -J'avais même été arrêtée par...des types complètement pas rigolos du tout, » articula-t-elle « Et je vous ai cité, mais vous ne m'aviez pas reconnu du tout. C'est Panni qui m'avait tiré de là. »
Et de prononcer le surnom du lieutenant avec autant d'aisance, comme si elle l'avait connu toute sa vie.
« -Vous souhaitez faire un tour à cheval ? Une course ? On peut parier... » acheva-t-elle, espérant se dédouaner de ses confessions précédentes.
-
Sa mémoire prodigieuse avait beau travailler à plein, il n'arrivait pas à se souvenir d'avoir ainsi appelé son bras droit de cette façon devant elle. Peut-être était-ce dans un moment de flou, post-injection ? Ou alors le fait de fouiller dans ses vieux souvenirs pour le nommer auparavant brouille sa perception de ceux-ci maintenant. Il fronce les sourcils, caressant le col musculeux de la bête.
Panni, Panni, Panni... Un type bien. Bon sang, qu'il haïssait le sobriquet. L'utilisation du « i » final en allemand était généralement infantilisant, et bien que l'homme pouvait être souvent un peu irritant par son manque de sérieux, il ne méritait pas d'être rabaissé ainsi. Leopold, le faux prussien, le soldat manqué, l'homme avec qui il avait dû affronter plus que beaucoup d'autres simples plantons de targettes. L'épisode le plus marquant, le traumatisme fondamental pour l'adjoint, fut l'assassinat sauvage de ces ukrainiens. En y repensant, Siegfried estime avoir fait son devoir. Leo, lui, ne s'en relèvera jamais. Sa conscience en fut dévastée. Ce n'est pas la guerre qui l'a tué, mais les exactions commises. Tant pis pour lui. Il fallait cuirasser son esprit, le baron n'a cessé de lui répéter, plutôt que de prendre la vie comme un jeu. La vie a tôt fait de lui rappeler qu'elle n'avait pas de pitié, même envers ceux qui en dénient l'austérité.
-Panntreffe... Je ne t'ai peut-être pas parlé assez de lui. Il n'avait pas sa place dans l'armée... ou plutôt devrais-je dire qu'il n'avait pas sa place dans une armée en guerre. Il aurait été excellent à l'arrière. Je n'aurais pas dû le faire venir dans ma division.
Pourquoi parle-t-il de ça ? Il n'est pas bon d'exprimer à haute voix ses doutes, même si ceux-ci taraudent depuis des décennies.
-Et tu rêves de Père ?... Je n'ai jamais su... qui il était. Il se faisait un devoir d'agir comme son rôle l'exigeait. J'ai fait ainsi. De son vivant je ne me suis jamais demandé si il était un être véritablement sensible. Après sa mort, en revanche, j'ai commencé à m'interroger sur lui, parce que je ne savais plus qui j'étais. Ma mère l'aimait. Elle posait souvent sa main sur sa joue pour lui dire des choses douces. Je crois qu'il était plus humain qu'il ne le montrait, tout au fond. … Mon oncle l'appelait « Alte Dieter ». Vieux Dieter. Ca n'amusait que lui. Ma mère – Helena, sa sœur – le regardait mal dans ses cas-là. Mais Père... Il faisait comme si ce surnom glissait sur lui.
Stop. L'attention est détournée du cheval. Il cesse de le caresser, se tourne vers Akina. Loin de sa précédente indifférence, ses nerfs semblent le démanger.
-Je n'ai jamais dit « Panni » devant toi. J'en suis sûr. Je déteste ce surnom. Je ne l'aurais jamais mentionné. Et à vrai dire, je ne t'ai jamais réellement parlé de lui.
L'arrivée d'une voiture interrompt ses interrogations. Elle remonte l'allée du ranch, au loin, pour se garer devant l'entrée. On distingue le vieux Abraham sortir de chez lui, loaded & ready. La taille du canon est parfaitement réglementaire, pas trop courte selon les lois texane, l'arme est sur l'épaule. Les deux types débarquant de la caisse sont en costume, et ne semblent pas effrayés. Ils doivent avoir l'habitude des gus du coin. Ils s'approchent, parlent sur le perron. Le ton monte. Le vieux commence à cracher quelques paroles un peu hautes. Les types font quelques gestes en sa direction. L'arme est saisie à deux mains par le patriarche. Les costards répugnent à porter leurs mains à leurs 9mm.
Siegfried bredouille quelques mots, s'excuse de monter à cru, et grimpe sur le cheval qui fait preuve d'indocilité dans les premières secondes, puis accepte de presser le pas et de mener l'allemand jusqu'à la rixe verbale, celui-ci tenant d'une main le bourrin par la crinière. Les mètres sont raccourcis bien vite, et ça lui permet d'apparaître en cow-boy, dressé sur sa monture, passant derrière les intrus.
-Te mêle pas d'ça, gamin.
-On laisse pas la famille dans la merde. Y a un problème ?
-FBI.
… Ca n'existe pas que dans les films ?
-C'est quelque chose avec moi ?
-Ca dépend. Auriez-vous vu Seika Walker ces derniers jours ?
-Seika qui ?
Merde.
-Seika Walker. Nous tentons de savoir si quelqu'un l'aurait vu ces derniers jours.
-C'est vot' boulot de la retrouver ! Foutez le camp d'ici !
-Vous avez des raisons de penser qu'elle est encore en vie ?
-Et vous ?
Le cheval tourne, Siegfried essaie de le discipliner.
-Vous n'êtes pas l'un des frères Walker.
-Qu'est ce que ça peut vous foutre ?
-On peut aussi t'emmener ailleurs, voir si t'es plus loquace.
-Essaie seulement.
Il sort de la poche de son pantalon son passeport, avec, plié en 4, le papier fourni par les douanes. Il brandit les deux indifféremment, de sorte qu'ils ne puissent pas lire. Tout juste distinguent-ils l'aigle sur la couverture marron.
-Baron von Königsberg. Protégé par le statut de la noblesse allemande.
-OK... Ecoutez, on se fout de tout ça. On veut juste savoir si l'un de vous a eu des informations à propos de Seika Walker. Nous avons des chances de croire qu'elle est peut-être réapparue. Et si c'est le cas, elle peut avoir contacté ses anciennes connaissances.
-Bordel, mais vous allez foutre le camp !?
-Abraham a raison. On ne sait rien. Et en quoi ça vous intéresse, vous ?
-Les affaires d'enlèvement relèvent de notre compétence, et nous prenons en compte cette éventualité. Particulièrement lorsque l'éventuelle victime est une ressortissante d'un pays dont les Etats-Unis tiennent en haute estime les relations.
-C'est pas notre problème.
Après quelques questions supplémentaires de pure convenance, ils s'en allaient. Sieg' consent enfin à descendre de son cheval.
-Statut de noblesse allemande ?
-Votre 11ème amendement n'est pas passé. Puis il fallait bien que j'invente un truc pour faire comme si j'étais sérieux.
-Meh. On va bientôt bouffer, les jeunes.
-Montrez-moi la cuisine.
Elle était assise sur le lit, regardant ses yeux dans un miroir de poche, avisant son allure après cette rude journée, lorsqu'il arrivait dans la chambre. Il retire la chemise, pliée en un tournemain et délaissée sur un meuble, puis se retourne vers elle. L'air conquérant, dominateur, froid comme à son habitude. Son intention semblait peu chrétienne, se dit-elle sans doute, et pourtant, c'est autre chose qu'il avait en tête.
-Soit tu as fouillé dans mes affaires, auquel cas je me sens en droit de te tuer, soit quelque chose ne tourne pas rond avec tes prétendus rêves. Tu as cinq minutes pour t'expliquer avant que je ne décides de te baiser à mort.
-
Le petit garçon était loin d'être famélique. Sa bouille ronde aux joues rosies auguraient une santé solide. Sa main impatiente frappait la table de la cuisine à un rythme régulier, tandis qu'il entonnait de bon coeur, mais de mauvaise foi : « J'ai faim ! J'ai faim ! J'ai faim ! »
« - Oui, Johnny, attends...je dois finir de changer James. » soupira pour la énième fois une voix douce, aux intonations crispées par le raffut que ses enfants commettaient en cuisine. Le petit James était allongée sur le plan de travail, à même une serviette chaude et sa mère procédait à changer son lange. Par mesure de précaution, elle jette une œillade vers la tablée :
« -Où est Jack ? Johnny, réponds-moi. Où est ton frère ?
-J'ai faim ! »
Elle n'aurait pas plus d'information. James menaça soudainement de s'enfuir, déjà à quatre pattes, prêt à aller patauger dans l'évier. Il suffit à la maman d'attraper la nouvelle culotte du gamin pour le ramener dans ses bras. Quelques pas sur le côté, et elle récupéra la tambouille du midi, encore chaude. La casserole fumait et d'une main – car tenant le bambin de l'autre, elle versa une purée aux légumes dans la gamelle de Johnny. Ce dernier ne perdit guère de temps à y faire touiller sa cuillère.
« -La viande arrive mon chéri. »
Soudain, le troisième – disparu quelques instants plus tôt, déboula dans la pièce en hurlant de pleurs. Sitôt suivi par la silhouette imposante d'Abraham Walker, dans la fleur de l'âge. Les cheveux aussi noirs que le charbon et les yeux plus perçants que ceux d'un faucon.
« -Ce petit con était en train de frapper les bêtes. Je lui ai filé une fessée.
-Abe, il n'a que six ans. Il va apprendre, sourit Scarlett Walker en réconfortant Jack qui s'était réfugié dans ses jupes.
-J'préfère qu'il apprenne à obéir, ma puce. »
Comme à son habitude, le père Walker était en uniforme. Qu'il soit de repos ou en service n'y change strictement rien. Sa femme détestait ça. Elle préférait l'admirer en costume ou en tenue de ville. Le soldat s'installa à table en ébouriffant la crinière blonde de Johnny au passage. Du trio, c'était son favori.
« -Il bouffe comme un porc, ce petit-là. Me l'engraisse pas. »
A cette époque, la vie d'Abraham se résumait très simplement à son épouse, ses trois fils, l'armée et le ranch. Rien de moins. Rien de plus. Quand il partait en mission, Scarlett s'occupait seule des trois frères terreurs, appuyée par la mère d'Abraham : la vieille Suzann, qui veillait principalement – de son âge avancé, à la bonne tenue de la maison. Nous étions au début des années soixante.
* * *
Akina n'aurait jamais pensé qu'il puisse être si prompt à réagir aux aveux concernant ses étranges rêves. Un moment, elle se sent coupable. De quoi ? Elle ne saurait dire. Panni, Dieter. Leurs images se confondent à nouveau et elle n'arrive pas à mettre des mots pour expliquer à son fiancé. Au final, l'intervention des deux cow-boys fédéraux lui sauvent une mise relative. Elle aurait dû broder, sinon : inventer de quoi contenter l'incohérence, l'illogisme et trouver un prétexte.
Le départ cavalier du prussien lui aura arraché une moue de surprise. Si elle est bonne cavalière, elle n'a jamais été capable de monter sans sceller, ni de maîtriser un étalon de cette pureté avec la seule force d'une poigne sur la crinière. Elle emboîtera le pas, pressée, mais ne rattrapera Siegfried qu'après le départ des deux hommes. Américain comme allemand restent évasifs lorsqu'elle interroge sur le pourquoi de la visite des deux costards. Et durant tout le repas, la belle rumine ses pensées à ce propos entre deux oeillades transites déposées sur la silhouette de son propriétaire et deux réponses, prononcées du bout des lèvres, à des questions inconséquentes de son grand-père.
La pièce qui leur a été dévolue était l'ancienne chambre de Jack, puis de Jack et Seika et enfin d'Akina quand elle revenait vivre ici. La décoration a depuis longtemps disparu depuis son retour au Japon. Ne restent plus que des murs peints en blanc, vides. Le lit est grand, il trône au milieu, et quelques meubles l'entourent. Elle ramasse un miroir de poche dans sa trousse à maquillage et admire son allure.
Sa lèvre inférieure tremble légèrement. Elle la mordille pour tenter de maîtriser le tremblement au moment où son Maître entre. Déjà vêtue d'une nuisette couleur crème, Scarlett le suit des yeux refermant le miroir sèchement pour le rejeter avec indifférence sur le couvre-lit. Ses jambes galbées vont ensuite se croiser sensuellement, mêlant leurs courbes.
« Me baiser à mort, Mein Herr ? » articule-t-elle d'un ton provocant. « Me baiser, oui. Me tuer oui. Mais les deux en même temps, vous en seriez bien incapable.»
Elle décroise ses belles jambes et se redresse lentement afin de venir tourner autour d'Anton, une main délicate glissant à mesure sur ses épaules nues. Il y a dans a démarché féminine quelque chose d'envoûtant ou presque : peut-être ses hanches qui roulent gracieusement à chaque pas, son regard de pute finie dès qu'elle croise le sien, ou bien ses lèvres charnues qui s'écartent trop à chaque mot prononcé.
« Je n'ai pas fouillé dans vos affaires. »
D'une faible poussée sur l'épaule, elle l'invite à s'asseoir et s'installe sur lui, un petit sourire en coin.
« C'est à vous de m'expliquer. Pourquoi ne pas m'avoir reconnue, m'avoir laissée dans un bordel à SS, pourquoi votre père portait un uniforme gris, pourquoi la Kommerzbank ? Après. Vous pourrez disposer de moi.... »
Elle agite doucement son bassin dans un mouvement de va et bien lascif, simulant au ralenti un coït.
«Mais pas avant. »
Oh les doigts de Scarlett deviennent indociles. Ils s'emparent de la nuque du noble allemand pour la presser avec insistance tandis qu'elle appose sa bouche contre l'oreille droite de l'ancien SS pour déclarer aussi froidement qu'un couperet qui décapite : « Parle. »
La métisse pousse sa chance. Les émotions sont trop fortes, elles reviennent comme un flot endigué trop longtemps avec rage. Ca la prend aux tripes. Elle se souvient de la moindre seconde rêvée. De la balle qu'il lui a fiché en pleine tête, sans broncher. Elle n'en peut plus. Il y a cette volonté d'être remise à sa place, bien évidemment, mais également autre chose. Sur le coup, excitée et trempée de mouille, elle n'aurait su le dire.
Dehors, eh bien, Abraham vaque à ses occupations.Ayant investi sa rocking chair sous la voûte étoilée, à l'abri de sa véranda, il admire l'horizon texan. Scarlett lui manque terriblement. Depuis des décennies, il ne va plus fleurir sa tombe. Plus le courage. Plus l'envie. C'est John qui s'en occupe, par décence et nécessité. Un brave garçon, son préféré. Celui qui n'aura pas mal tourné contrairement aux deux autres. John, le général. Grade que même lui, vétéran de plusieurs guerres, n'a pas su atteindre, car trop insubordonné. Toutefois Johnny a hérité du caractère et de l'intelligence de sa mère.
Lorenz vient lui demander si tout va bien et le vieux réplique qu'il a envie de faire un tour, comme ça, de nuit à travers champs. Ce n'est pas rare que le propriétaire des lieux fasse des rondes à la ferme. Après tout, c'est un peu le dernier souvenir de son couple qui lui reste.
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L'allemand avait beau être un Übermensch, avoir bravé les affres du temps, l'abattement des défaites, l'administration et la justice qui le traquent, les sentiments & les émotions, il ne peut être complètement imperméable à la vérité. Et chaque mot qu'elle prononçait en plus lui en énonçait une nouvelle : Elle savait trop de chose qu'elle ne devrait pas savoir, et même, qu'elle ne pourrait pas savoir. La mention de Panni a déjà bien ouvert la brèche lorsqu'il s'en est rendu compte, mais... Tout à coup, la Kommerzbank, et les questions qu'elle lui en a posé. Il semble abasourdi. Quelque chose ne tourne pas rond. Le fait qu'elle ait envie de lui, qu'elle brûle pour son corps, en rajoute à son trouble, et il ne parvient pas à recoller les morceaux des zones d'ombre qu'elle laisse.
-Tu n'étais pas là en 40... Je m'en souviendrais...
Il se surprend à avoir mal à la tête. Côté gauche, avant. Ce n'est pas normal chez lui. Peut-être est-ce le manque. Et il a envie de la sauter, salement, mais il veut sa vérité, il veut comprendre les zones d'ombre qu'elle laisse.
Prise par les cheveux et par une hanche, elle est soulevée comme une poupée et jetée sur le lit. Il file vers sa valise et en sort l'une des petites boîtes de métal. Garrot rapide tenu avec les dents. Serrage de poing. La veine basilique, particulièrement apparente aujourd'hui, aura la faveur de l'aiguille. Garrot lâché. Le produit froid coule jusqu'à la dernière goutte. Il retire la seringue à usage unique, la range tout en agitant le bras. Ses pensées commencent à jouer aux montagnes russes. C'est moralement douloureux, et contrairement à toute attente, son mal de tête s'aggrave.
Il n'a pas envie d'attendre plus longtemps. D'une commode, il extrait une arme, un M1911 assez classique. Il murmure qu'il le remettra là où il l'a trouvé, en bas, demain, avant que le grand-père ne s'en aperçoive. Et lui colle rageusement sur la tempe.
-Tu me caches quelque chose. Je déteste... que l'on me cache... quelque chose. Pourquoi la banque ? Pourquoi l'uniforme !? Toi, parle ! Quel bordel ? Où as-tu fais le tapin, sale petite pute !? Tu as vendu ton cul en mon absence et...
Sa tête tape affreusement, et il ne se contrôle plus. La glissière de l'arme fait un aller-retour, et le canon atterrit dans la bouche d'Akina. Il lui hurle de sucer, sans se rendre compte que toute la maison pourrait l'entendre. Heureusement que le vieux s'est éloigné.
Et elle obéit, même si elle doit en pleurer. Il éloigne l'arme, appuyant à l'intérieur de sa joue de sorte qu'elle le suive docilement. Elle est contrainte d'accompagner le mouvement de l'arme jusqu'à aller au sol, à genoux, où elle doit continuer de s'occuper du canon pendant qu'il frotte ses yeux, tente de remettre en place ses émotions. Ca ne veut pas. L'injection lui paraît plus violente qu'à l'accoutumée. Pourtant il n'a pas changé sa dose. Et sa tête refuse de redescendre de son bad trip habituel. Il répète un mot en allemand, un juron vieillot qu'elle n'a jamais entendu auparavant. Il fini par la libérer de la menace, et s'agenouille.
-La vérité. Dis-moi où tu as appris tout ça.
-Mein Herr...
Elle se prend une claque. Il ne lésine pas sur la force du coup, tant et si bien qu'elle tombe à terre. Il la fait se relever par les cheveux, sans considération aucune.
-LA VERITE !!
-Je dis la vérité !
Une nouvelle claque. Elle n'a pas le temps d'atterrir au sol qu'il la rattrape de nouveau par les cheveux, et la remet en place. L'arme est de nouveau collée sur son front. De l'autre main, il défait sa ceinture, et sort sa queue massive, dont l'érection est boostée par ses hormones dont l'effet secondaire peine toujours à disparaître. Voilà qui remplacera dans sa bouche l'arme. Il fourre l'engin entre ses lèvres, et usera de sa tête rageusement comme si il cherchait à la blesser.
-Fais-moi jouir, salope, ou je te bute... tu verras si je ne peux pas faire les deux à la fois... Je continuerais d'user ton cadavre pour me satisfaire, je pourrais t'étranger jusqu'à la mort et ne pas m'arrêter de te baiser pour autant... Suce, putain !
Il veut qu'elle s'étouffe, qu'elle s'étrangle avec, et ne lésine pas sur la haine pour lui faire comprendre. Maintes fois, il s'enfonce jusqu'à ce que son nez touche son aine, d'un coup sec, lui fait tenir quelques secondes, la recule un bon coup, lui fait croire qu'elle peut respirer, et recommence. Le manège dure une bonne vingtaine de fois, pire qu'une torture par l'eau, jusqu'à ce qu'il fasse glisser d'un trait sa ceinture hors des attaches de son pantalon. Il vient s'asseoir au bord du lit, elle doit le suivre, queue en bouche, et il peut ainsi contempler son cul de sa hauteur, qu'il lui ordonne de lever pendant qu'il joue avec sa gorge. Il passe ainsi aux coups de fouet. D'abord, la ceinture est simplement pliée en deux, pour frapper son dos notamment. Puis il la laisse s'étendre. Elle voit la boucle qui pend. Elle peut avoir peur. Le prochain coup claque sur son cul, lui lacère au passage la peau. Le métal est impardonnable. Et il recommence. Ses reins prennent. C'est pire. Le seul avantage, c'est qu'occupé à la frapper, il a arrêter de lui bourrer sauvagement la gorge, et c'est visiblement à elle de s'en occuper. En bonne chose avilie, elle continue de donner des coups de tête, de langue, cajole sa queue vénérée pendant qu'il décharge tout ce qu'il a par les coups. Et un troisième. Le centre de son cul a pris violemment, mais sa chatte a été frappée par incidence. Le plaisir sourd, couvert par une atroce douleur. Et il recommence, sur son dos cette fois-ci.
-Je vais tellement te marquer que plus personne ne paiera pour t'avoir... de peur d'atteindre à ma propriété... MA PROPRIETE !!
Le dernier coup vaudra tous les autres tant l'impact est brutal. Ses fesses n'ont jamais fait aussi mal, se dira-t-elle sans doute – mais elle aura du mal à comparer efficacement. Il murmure quelques mots en allemand dont elle ne comprends que la moitié « Ich », « Dir », « Schlecht »... Et elle sent désormais la ceinture entourer son cou, il serre un bon coup de sorte qu'elle n'est plus le moindre souffle, fais passer le cuir sous sa propre fesse pour tirer dessus et la faire s'enfoncer sur lui. À la faveur d'une ultime caresse de sa langue sur la base de son vit, il jouit avec abondance, déchargeant son foutre à même sa gorge un long moment. Elle tente d'avaler, mais tous les éléments contraires l'empêchent de maîtriser ses muscles. Elle a envie de vomir, mais la queue semble vouloir descendre et les mécanismes de sa gorge cherchent à faire de même. C'est par un effort surhumain qu'elle ne mord pas, et qu'elle ne s'évanouit pas. Mais l'air lui manque, et ses pensées se troublent sévèrement. C'est à ce moment-là qu'il lui donne du lest, recule sa tête, et la jette en arrière.
Elle s'écroule au sol, tousse comme une damnée, crachant au passage sur le sol de grandes traînées de sperme qui remontent sans peine. Siegfried serait sans doute déçu, contrit de voir ça, mais il a d'autres choses à penser. Sa tête, qui avait commencé à le lâcher un peu, revient à la charge avec les battements sourds. La main posée sur son crâne, il serre les dents.
Akina est sans force, mais il compte la solliciter encore. En se relevant, il reprend sa ceinture par l'extrémité et tire dessus en déambulant dans la pièce. La pauvrette est traînée par le cou, doit tenter d'accompagner l'allemand avec ses bras et ses jambes pour ne pas étouffer de nouveau, mais il ne lui laisse pas le temps de se dresser correctement sur ses quatre pattes. Elle parvient à ramper néanmoins, voudrait le supplier malgré sa mâchoire douloureuse.
Il reste concentré sur son mal de crâne. La balade échouera au même endroit qu'elle a commencé. Il tombe sur les petites flaques de foutre et de salive qu'elle a laissé. Il la regarde.
-Comment as-tu pu gâcher ça...
D'abord, il lui arrache sa culotte, en deux coups, le tissu ayant montré résistance. C'est avec le vêtement qu'il éponge quelque peu les fluides, et lui fourre la boule souillée dans la bouche. Ensuite, il lui plaque la gueule dans ce qui reste de tâches, la joue baignant dedans. Enfin, il se déshabille définitivement, et soulève sa croupe pour prendre immédiatement sa chatte, comme un animal pressé. Elle perdra au passage ses derniers vêtements.
Dans ses gestes, il ne lésine pas. La ceinture est détachée de son cou, mais c'est pour mieux lui mettre dans la bouche, entre les dents, comme un mors, qu'il utilise pour la faire se redresser. Il lui faut tendre la main pour récupérer le flingue, abandonné sur le lit, et il lui met dans la nuque.
-Tu ne me diras pas toujours pas la vérité, pas vrai, sale petite chienne ? Tu préfères être baisée... Tu as intérêt à jouir, à jouir tout ce que tu as, parce que c'est la dernière fois que je te laisse prendre ton plaisir. La dernière putain de fois, parce que les putes n'ont pas le droit au plaisir, les putes servent de trou, c'est ce que tu es, mon sale petit sac à foutre ! Regarde-toi !
Il la baise comme jamais il ne l'a fait, bourrant son con jusqu'à la terrasser une fois, deux fois, trois fois, relâche tantôt la ceinture pour la fesser brutalement, tantôt l'arme pour prendre ses cheveux à la place. Il la gifle, et essuie les saletés de sa main sur son corps, ses seins, comme une vulgaire serpillière, il frappera d'ailleurs sa poitrine entre deux pressions dessus. Il usera même du flingue pour simuler une pénétration anale, collant le canon entre son cul pour le presser à maintes reprises, comme si il cherchait à la sodomiser avec. Ce sera d'ailleurs le sujet de ses attentions prochaines : Sortant sa queue après un bon moment dans la chaleur de sa chatte, il cherchera à pénétrer son fondement. Devant une légère résistance, il devra y coller ses doigts préalablement fourrés à l'avant pour faciliter l'entrée. Après, seulement, tel le Hun aux portes de Rome, il enfoncera l'entrée de ce qu'il estime être une place à envahir et détruire. Réceptacle de ses mauvais sentiments, son cul sera soumis aux mêmes traitements.
Pour jouir une seconde fois, il s'enfoncera au dernière moment dans sa matrice de femme. Lui injectant au plus profond sa semence germanique.
Il la relâche. Le mal de tête s'est atténué, mais ses pulsions immorales peinent à se taire.
Il lui ordonne de tout manger, jusqu'à la dernière goutte : D'abord, ce qu'elle a craché de sa fellation et qui reste au sol. De l'autre, ce qu'elle a expulsé de son con, qu'elle n'a pu retenir. Double festin pendant que lui la contemple, et retrouve son érection.
Un craquement du plancher le fait sursauter. Akina ne l'a peut-être pas perçu, mais lui voit ses sens décuplés dans cet état instable qui ne dure habituellement pas plus de deux minutes. C'est justement parce que ça dure que ça devient difficilement supportable, tant il se sent agressé de toute part par ses sensations. Il se précipite à la porte, l'ouvre. Il voit Lorenz, qui écoutait à la porte. Il tente de bafouiller des excuses, mais il est saisi de force, fait asseoir sur un siège dans un coin de la pièce. Il avait déjà la queue en main.
-Branle-toi, ou je te tue.
Et quand l'allemand ordonne, on ne refuse pas.
Il a envie de la prendre encore, alors il la saisit par les cheveux et l'allonge sur le lit, face à lui. Un oreiller sur sa tronche, pour l'étouffer, ou une autre raison, peu importe. Les jambes sont écartées. Il la prend, la baise. Tout aussi sauvagement qu'auparavant. Il n'hésite pas à frapper ses seins, alterner entre les caresses de son clitoris et les frappes dessus. En lui faisant bien plier les jambes sur le buste, il reprend son cul, les deux mains sur ses genoux. Il n'a aucune pitié pour elle.
Sa tête bat encore. L'oreiller dégage. À la faveur de l'arme volée collée sous sa mâchoire, il la fait monter sur lui. À son tour d'être mise à contribution, malgré tout ce qu'il a pu déjà lui mettre. Elle commence naturellement à enfoncer son con dessus, et il ne lui refuse pas. Il a toujours cette ceinture en main, pour la tenir en respect, ainsi qu'une corde de pendu avec lequel il la menacerait. Elle mettra tout son cœur à l'ouvrage pour le satisfaire, malgré la présence d'un employé du grand-père qui mate son cul en train de danser sur le bassin de Siegfried – et même, l'idée la fait redoubler d'ardeur. Il lui fait remarquer qu'elle se complaît à se montrer, la traite de traînée qu'on ne peut pas racheter, la frappe quelque peu, et lui ordonne de se retourner. Il veut qu'elle le chevauche par le cul, et il veut pouvoir le voir. Elle devra s'exécuter malgré la fatigue et le plaisir qui la sonne. Elle s'appuiera d'abord sur le sol pour se faire, heureuse de se montrer ainsi à son Maître, pour qu'il la contemple. Elle jette quelques oeillades au sexe de Lorenz qui se branle énergiquement, sans pudeur. L'idée qu'il s'excite sur elle parce que son propriétaire l'a ordonné la fait décoller. Elle n'est qu'un objet dont il offre la vue aux autres à sa guise, y compris quand il l'avilie.
Elle est ensuite prise par la bouche, quatre doigts fourrés dedans, pour la faire revenir contre lui. Elle doit s'allonger sur le corps de son Maître, dos à lui, et continuer à maltraiter son propre fondement avec la queue infatigable de ce dernier. Elle ondule tant mieux que mal, et pour l'aider, elle n'a que ses doigts à sucer, ainsi que le flingue dont le canon insinue ses premiers centimètres avec douleur dans sa chatte, les doigts frottant au passage sur sa perle.
Il se sent venir, encore. Il ordonne à Lorenz de jouir au sol, et il ordonne à Akina de bien le regarder. Le serviteur se retenait, attendait sans doute le moment propice, et s'exécute sans réfléchir. Elle voit, de sa queue, jaillir les jets de foutre qui viennent bassement s'écraser sur le plancher. L'allemand lui murmure de l'imaginer à sa place, en train de se branler en pensant à elle, comme il le fait souvent, prétend-il. Cela fait quelques minutes déjà que son sérum a laissé passé ses effets, et sa migraine a disparu, mais il continue de se montrer violent, parce qu'il sait qu'elle adore ça. En guise de final, il la fait mettre à terre, ceinture tenue par la même main qui la menace de son arme, tandis qu'il se branle de l'autre.
-Touche-toi et jouis pendant que je te recouvre.
Debout, il arrose finalement son corps, son magnifique corps nu de déesse, et sa face, maculés de son désir une dernière fois. Il menace une dernière fois l'employé, soulignant bien que si il en reparle, que ce soit à elle, à lui, ou à Abraham, il l'abat, et le congédie. Il interdit à son esclave de se laver d'une quelconque manière. Elle dormira ainsi, sale, courbaturée, abattue. Il reste assis un long moment sur le lit pendant qu'elle est assignée au sol. Il a envie d'elle, encore. Le produit SS fonctionne à plein régime. Il ne sait pas pourquoi, mais il se sent invincible. Un bon quart d'heure plus tard, après qu'elle ait eu le droit de s'allonger près de lui, et qu'ils se soient embrassés et caressés comme de jeunes amants, sa queue aura repris de sa vigueur. Il désirera reprendre son con, face à elle, en l'embrassant tendrement, et ne tardera pas à jouir une nouvelle fois, offrant à son orgasme la faveur de ses lèvres, lui permettant ainsi de profiter pleinement d'une nouvelle fournée de foutre toute chaude, extraite à la source, comme la bonne chienne dévouée et affamée qu'elle était le méritait.
Il est réveillé à cinq heures du matin. Des lumières, dehors. Il se lève difficilement et regarde au-dehors. Des mouvements. Deux jeeps garées au loin. Des mouvements particuliers se font apercevoir. Il distingue clairement des armes dans les mains des arrivants. Il croit reconnaître des uniformes qu'il n'a pas vu depuis longtemps : Ceux des soldats américains, en 1945. Ceux qu'on ne fait plus depuis longtemps. Leurs fusils sont d'ailleurs des Thomson, des Garand, autant d'armes qui ne se trouvent plus dans les arsenaux.
Une lumière est soudain braquée sur la maison.
-Von Königsberg ! On sait que tu es là !
Il s'est vite planqué sur le côté de la fenêtre. Akina commence à se lever, apeurée : Il lui fait signer d'aller chercher l'arme, et de rester baissée.
-Rend-toi ! Tu dois répondre de tes crimes !
-C'est quoi ce bordel !?
Ca c'est le vieux Abraham qui se lève, et, évidemment, il a son fusil en main. Ils échangent quelques mots. Enfin... Les soldats tentent, tandis que l'ancêtre leur dit de déguerpir de sa propriété.
Siegfried enfile juste son pantalon, demande à ce qu'elle lui lance sa ceinture, qu'il met en vitesse. Les mots fusent, puis les balles. Par réflexe, il se couche, mais les tirs ne sont pas dirigés vers lui, mais vers l'entrée de la maison.
-Donnerwetter... T'as intérêt à te trouver une arme. Tu restes derrière moi. Tu vas où je te dis, tu tires où je te dis.
Il faut s'échapper de la maison en vitesse. Sortis de la chambre, ils vont vers les escaliers, et constatent que les américains commencent à entrer. En descendant quelques marches, il les tient à vue. Il continue de progresser vers le rez-de-chaussée, sur le côté, et balance quelques cacahuètes dans le tas. Juste de quoi en abattre deux trois, et leur faire changer d'avis. Il attrape Akina par le poignet pour la tirer vers l'intérieur de la maison, tandis que les fusils crachent sur la façade de la demeure. Une fois dans la cuisine, la métisse lui montre des munitions qui traînent dans un tiroir. Il en charge ses poches.
-Bon. Tu vas devoir trouver les autres sorties, voir s'ils n'ont pas complètement entouré la maison. Je vais les distraire un peu pendant ce temps-là. Attend-moi.
Il sort de la pièce, ira jusqu'à une fenêtre, dont il ouvre brutalement le store. L'effet est immédiat : Les américains tirent à foison dessus. Lui rampe déjà vers la porte, à quelques mètres, et profite qu'elle soit grande ouverte pour leur vider un chargeur sur la tronche. Au passage, il verra le corps d'Abraham, juste à ses pieds. Paix à son âme.
Alors qu'il cherche à retourner vers la cuisine, un américain débarque et lui colle une rafale dans le dos. Siegfried s'écroule au sol, et a encore le temps de se retourner pour cribler son corps du chargeur frais qu'il vient d'insérer dans son flingue. Il entend les autres arriver. Il n'a pas la force de se relever.
-Fuis, Akina, putain !
Fuir ? Oui, pourquoi pas... Ou se battre. C'est l'histoire de la vie de Siegfried, de fuir. Depuis 1945, il n'a cessé. Devrait-elle seulement emprunter ce chemin ? Laisser le corps de son fiancée à l'armée ? Oui, c'est probablement ce qu'elle a de plus sûr à faire. Ca a réussi à l'allemand : Toujours tout laisser derrière soi, sans se retourner.s
-
Il aura fallu la sensation désagréable du métal qui viole l'entrée de ses lèvres pour que sa conscience crève de peur. Il y a un goût de déjà vu. Cette fois-ci, l'acte n'est pas dicté par une punition, Siegfried devient éclatant de vérité. Dans l'éclat de ses yeux sombres, elle croit apercevoir une part de vérité. Voilà ce qu'il est réellement. Contre-nature. Vivant alors qu'il aurait dû être mort. La scientifique en elle se révolte. Elle aurait voulu reprendre l'arme et la retourner contre lui pour le cribler de balles jusqu'à ce qu'il en crève. Toutefois l'éternelle soumise, amoureuse ou fascinée, l'en dissuade.
Il sait pertinemment qu'elle va pleurer, il peut distinguer l'humidité dans son regard implorant, tout comme il devine celle qui règne entre les cuisses de la belle. De temps à autre, ne nous le cachons point, ses prunelles colorées de détresse s'abaissent vers la détente : a-t-il le doigt dessus ? Risque-t-il de tirer ? Elle n'arrive pas à discerner l'importance du danger et à défaut, redouble d'ardeur lorsqu'il s'agit d'enfourner le canon dans sa gueule. Akina n'ouvre pas la bouche assez grand, le métal ripe contre ses dents écartées, et du plus profond de sa gorge parviennent des gémissements – supplications étouffées. Parfois, elle accompagne ses timides efforts de lents mouvements de tête pour entièrement gober les premiers centimètres de l'arme. Ses cheveux relâchés lui retombent indécemment au creux des reins, car depuis qu'elle connaît Siegfried, elle ne les a jamais fait couper. Chevelure de princesse, pour traitement de pute.
Et pute, elle l'est. Sa bouche a sucé l'objet comme une queue, elle en aurait reçu une balle qu'elle aurait cru à du sperme. Et il y a désormais collé à son palais, un arrière-goût de poudre. L'arme n'a pas été nettoyée depuis sa dernière utilisation.
La vérité, lui demande-t-il. Et agenouillée, à sa merci, la pupille tremblante d'une crainte relative, elle s'apprête à supplier. Mein Herr...et elle fait connaissance avec le sol avant de ressentir la douleur de la gifle conséquente. Et la soumise ne sait plus si elle doit l'implorer d'arrêter tant la souffrance martèle encore sa mâchoire ou de recommencer.
Sous le rideaux de ses longs cils, elle admire le M1911 bénir son front. Elle aura au moins eu le réflexe, d'entrouvrir les lèvres : prête à subir le sort réservé aux poupées de son genre. Sa culotte est foutue. La mouille de son excitation finit par suinter hors du coton clair. Et entre ses mains, le prussien peut aisément sentir sa chose trembler. Finalement, la queue s'avère plus redoutable que le calibre précédent. Plus massive, aussi dur, elle se fraie brutalement un passage à travers les chairs brûlantes de sa gorge et contraint son souffle. Scarlett tente de chercher l'air ailleurs, péniblement, par le nez pour ne pas claquer étouffée.
Mein Herr, aurait-elle imploré si elle l'avait pu, Mein Herr, ne me tuez pas, je vous en prie.
Elle se trouve pathétique, mais en bonne esclave de son bien-aimé Maître, elle s'affaire à garder la gueule ouverte pour encaisser les furieuses intromissions de la hampe germanique. Et elle y prend tellement goût, malgré la brutalité, qu'elle suivra sans hésiter pour ne pas se retrouver la bouche vide. Désespérante. Elle veut son foutre, elle veut sa raclée. A plusieurs reprises, elle se retient de jouir tant sa dévotion lui fait apprécier cette violente fellation.
La ceinture passe devant ses yeux au moment où il l'extrait de sa taille. Elle constate la qualité du cuir, puis redresse son attention sur la figure de Siegfried. Serait-il utile de préciser qu'elle a les mains croisées dans son propre dos, comme il l'a conditionnée à le faire. Aucun sursaut de résistance, son corps est à l'image d'un petit soldat : docile, et si son esprit fait l'erreur de s'égarer sur le chemin du doute, la moindre parcelle de son anatomie est là pour lui remémorer son goût à sucer l'allemand.
Ca. C'est avant le second coup de ceinture dont la boucle s'est, au préalable, reflétée dans les prunelles horrifiées de la fausse blonde. D'ailleurs, tout autour de sa queue, il aurait senti vibrer le non, qu'elle a tenté de crier.
Trop tard. Si au premier coup de fouet, elle avait délié ses mains afin d'en profiter, le deuxième lui arrache un tressaillement de souffrance. De petites perles de sang ont giclé sitôt la lacération dessinée par le métal.
Mouille davantage, suce plus fort, ça te fera oublier la douleur, se convainc-elle. Sa tête se fait plus audacieuse et elle mange le chibre allemand comme si c'était une vulgaire glace à l'eau. Elle salive, extrait sa langue pour mieux faire glisser la longueur durcie dessus et enrobe tout le reste entre ses lèvres pulpeuses. Et en récompense, le fouet impitoyable s'abat et brûle ses chairs fragiles. Bientôt, de son tatouage complet, on ne perçoit guère plus qu'une constellation ou deux. Le reste est tâché de sang.
Le dommage collatéral inhumain contre sa chatte, la fera recracher la queue pour hurler et sa peine et son plaisir. Hurlement rapidement interrompu par la main impérieuse du SS qui attrape sa chevelure blonde d'une main et empale son visage angélique sur sa trique. Et si le cuir a arrêté de claquer, c'est son souffle qu'elle sent lui échappe, seconde après seconde, alors qu'il sert l'accessoire autour de sa gorge gracile. Toute langue dehors, Akina fournit l'effort d'une dernière caresse orale et c'est l'explosion de foutre au fond de son gosier. Quelque chose déraille, ses muscles ne répondent plus comme elle le voudrait, à cause de l'air qui leur arrive en trop petite quantité. Le sperme ne veut pas descendre, ses organes font preuve d'un rejet catégorie. Les limites ont été franchies. Une minute de plus, et elle aurait craqué. Toutefois, elle aura réussi à se discipliner, et retrouve le sol aussi brutalement que la réalité.
Il faut reprendre son souffle, mais le foutre obstrue une partie de sa trachée. Il a joui trop profondément, tout a coulé indifféremment, là où il y avait une voie à infiltrer. Hop, elle crache le tout et prend de l'air à la place. Ses poumons manquent d'exploser.
En vérité, l'américaine compte s'étendre à même le sol pour, au moins, les trois jours à venir. Alors qu'elle cherche lamentablement à se débarrasser de la ceinture qui torture son cou, ses ongles ripant sur la peau de sa nuque, en vain, Siegfried vient en chercher l'extrémité pour la tirer sèchement.
« Non...Mein Herr... » supplie-t-elle en rampant à moitié pour éviter de s'étrangler. « S'il vous plaît, je suis...Dé....désolée....tellement...S'il vous plaît ! »
Elle tente de se redresser à plusieurs reprises, sans succès. Sa tête lui tourne et elle a l'impression d'avoir une sale gueule de bois.
Quand il a plongé le tissu dans sa bouche, elle avait eu du mal à tout prendre correctement tellement sa mâchoire l'élance. En réalité, la métisse n'a plus la force de réagir, ni même de penser à l'avenir. Un plomb a fini par sauter sous la torture éprouvé, et elle se fait prendre avec le sourire. Ses larmes coulent et ses lèvres font l'effort d'esquisser un rictus de plaisir. A chaque pénétration empressée, profonde, impitoyable, elle vole haut. Oui, oui Mein Herr. OUI je préfère être baisée. Je veux être baisée. Plus fort. Pense-t-elle en fermant les yeux tandis que la ceinture chasse le vulgaire bâillon. La jouissance ne tarde pas à l'emporter. Une première explosion, puis une seconde. Elle enchaîne les orgasmes sans pouvoir les maîtriser, gémissant au travers du cuir qui la brime. La belle voudrait pouvoir hurler. Parfois, elle sent le canon de l'arme trembler contre sa nuque. Ascenseur émotionnel. Son sang glace et tout son être brûle.
La sodomie éclate autant sa raison que son cul fragile. L'une de ses mains frappe furieusement le sol pour faire passer la souffrance. Nouvelle jouissance. Elle veut crever tellement elle se sent souillée. La honte et la peur lui collent à la peau si ce n'est qu'elles sont toutes deux transcendées par une émotion plus pernicieuse : la soumission.
Il ne lui reste qu'à dévorer le foutre qui reluit au plancher. Elle y passe sa langue, puis ses lèvres, aspire, suçotte, avale et enfin lèche. C'est un véritable festin et pendant qu'elle s'occupe à se repaître, Lorenz est invité à prendre part aux festivités. Ce n'est que du coin de l'oeil qu'elle avisera sa présence, secouée par un sentiment proche de la culpabilité. Au travers de toutes ses mèches cendrées, qui lui retombent sur le regard, Lorenz la fixe. Elle ne saurait déceler la couleur de ses yeux, mais elle se sent transpercée par la lubricité de cette attention soudaine.
Quelle chienne, songe-t-il en passant une langue nerveuse sur ses propres lèvres, blêmes et pincées. Le vieux Crocket lui a bien parlé de ces putes avilies qu'il se tape au fin fond de l'Arizona. Ouais, à peu de choses près, ça y ressemble. Les seins, le cul, la cambrure, le visage barbouillé de sperme, de maquillage, de larmes. La gamine du patron, est ultra-bandante et il se culpabilisera plus tard de triquer dessus, car pour le moment, il se branle en la mirant se faire enfiler. Il imagine facilement les étaux ardents que doivent être sa chatte et son cul, il y verrait tellement bien sa propre queue.
Et Scarlett l'observe en retour. N'est-elle qu'un trophée ? Le canon qui cherche faussement à s'immiscer dans ses entrailles lui répond que oui. Elle en chiale, parce qu'elle n'a jamais été autant dégradée.
De nouveau, le Colt presse contre sa mâchoire. C'est prudemment qu'elle amorce le changement de position, raidie par la pression de l'arme. L'humiliation première a été de s'empaler elle-même sur la virilité d'Anton, et voilà maintenant qu'il faille contraindre sa croupe aux mêmes efforts. Ses qualités de danseuse lui offrent néanmoins une souplesse qu'elle mettra volontiers à contribution.
De temps à autre, un cri franchit ses lèvres, comme une délivrance. Et dès qu'il engage l'arme au creux de ses chairs féminines, elle croit mourir sous un puissant orgasme tant l'acte lui semble sale. Il y a tant de choses qui sèchent sur son corps métissé après l'ultime décharge de son Maître : le sang, le sperme, la salive et ses propres pleurs qu'ils fussent de joie ou de douleur. Et elle a encore les doigts contre sa chatte détruire quand il la délaisse pour chasser l'inopportun Lorenz. A terre, Walker se sent terriblement bien. Un beau sourire fend son minois strié de foutre. Elle respire à peine, mobiliser son souffle reste douloureux, mais elle est en vie. Ou alors, elle renaît. C'est comme s'il l'a baptisé une seconde fois.
Au dernier assaut, enfin, elle retrouve son amant de Prusse. Attentionné, empressé, mais serein. La folie semble s'être écoulée hors de lui, lors de ses éjaculations précédentes. Il lui maintient les poignets de chaque côté de sa tête pendant qu'il la pénètre profondément et elle soupire d'extase.
« Anton..Anton, je suis à vous...je vous appartiens, Mein Herr... » lâche-t-elle dès qu'il approche une oreille dans le mouvement charnel.
Encore du foutre.
Et cette fois-ci, gageons qu'il aura bel et bien alourdi son estomac.
« Anton....Anton, que se passe-t-il ?! » s'exclame-t-elle en quittant le lit avec hâte, encore dénudée.
Il lui intime le silence et indique l'emplacement du 1911. Elle le lui lance avec adresse, et se dépêche d'enfiler une courte robe noire, celle qu'elle escomptait mettre pour le repas de Noël à vrai dire, sans manche, et très courte, dont le tissu moule chaque courbure de son anatomie. C'est la première chose qu'elle a trouvé dans sa valise éventrée. Au passage, elle récupère la ceinture de son fiancé afin de lui remettre.
La tension lui broie le coeur. Ses cuisses sont encore souillées de ses ébats précédents, tout comme ses cheveux. Elle pensait prendre une douche à son réveil et visiblement, elle va devoir réviser ses plans, car des coups de feux retentissent. Elle se précipite sur la garde-robe qui cache un compartiment où un fusil à pompe et des munitions adéquates reposent. Comme conseillé par Siegfried, elle arme son bras et le suit.
C'est le SS qui la couvre, elle n'a commencé à tirer qu'une fois bloqués dans la cuisine. Les soldats arrivent par tous côtés et elle ne pige rien. Absolument rien. Leur uniforme sont carrément obsolètes.
« -Si c'est.... »
Clac. Elle fait sauter la sécurité du fusil, près de la gâchette.
« -Encore.... »
Le canon vise le torse d'un militaire.
« -Un rêve... »
BAM. Le coup est presque envoyé à bout portant. La cage thoracique explose. La belle reçoit une belle giclée de sang à la figure.
« -Allez vous faire foutre ! »
Elle éjecte la douille, et rempile pour une seconde victime. Elle perçoit les instructions d'Anton à travers tout le fracas, mais n'ose pas obéir. Il y a trop en jeu. Elle craint pour lui, pour Abraham. Concernant ce dernier, il est visiblement trop tard. La belle colle une cartouche entre ses dents, pendant qu'elle est occupée à recharger son arme de l'autre. A défaut de poche, ou de sac, elle a provisionné son décolleté en munitions. Des coups de feux jaillissent dans le salon, là où ils prenaient le café texan quelques heures plus tôt. Elle accourt, découvre son grand-père gisant dans une marre de sang, à l'entrée plus loin. Et beaucoup plus proche, Anton est touché.
Scarlett n'aura jamais hurlé aussi fort de son existence. La rage lui donne une vilaine envie de vomir. Les ombres s'approchent d'elle, Von Königsberg lui ordonne de fuir. Elle épaule le fusil, tire dans le tas, éjecte, recharge, vise à nouveau. Un corps tombe, deux. Ejecter – Recharger – En joue – Tirer. Ses réflexes sont impressionnants, peut-être boostés par les conditions oniriques, mais il ne faut pas sous-estimer l'entraînement reçu depuis son plus jeune âge par Jack. Pourtant, les américains deviennent de plus en plus nombreux, progressent toujours plus, alors qu'elle en abat à la chaîne. Les balles ennemis la frôlent et les siennes viennent à manquer. Elle se jette à genou pour porter secours et assistance à son amant.
« -Non...non, je ne vais pas vous abandonner. »
La scène est amère. Elle revoit Panntreffe dans les mêmes conditions.
« -Anton....mon amour... » souffle-t-elle, complètement impuissante, tentant d'évaluer les blessures.
« -Attrapez-moi CETTE PUTE ! VIVANTE ! Le Königsberg aussi VIVANT ! Putain ! »
Elle se sent saisie par les bras, puis résiste avec fureur.
« -Arrêtez ! Laissez-le ! »
Le capitaine de la troupe semble faire un signe. On la dégage. La dernière chose qu'elle aperçoit est un militaire qui met en joue Siegfried. Dans la cour du Ranch, elle est embarquée de force dans un camion de transport de troupe. Quelque chose cloche dans le paysage. Les installations modernes ont disparu, le troupeau de chevaux paraît plus petit.
A l'intérieur, les américains s'apprêtent à menotter leur prise quand une rafale les couche à terre. A la lueur de l'aube naissante qui s'infiltre jalousement par les carreaux brisés, Anton peut distinguer, à contre-jour, les contours d'une silhouette féminine. Elle tient en main une Browning qu'elle relâche brutalement. Peut-être même qu'il y a un air de musique qui joue sur le vieux poste radio d'Abraham. C'est très étrange.
La femme s'est rapprochée. Floue au début, elle est désormais auréolée et clairement visiblement au-dessus de lui. Peau de pêche, chevelure sombre tressée négligemment. Elle possède de belles lèvres, rouge vif, et un regard charbonneux. Ses traits se confondraient presque avec ceux d'Akina, sauf qu'il n'y a pas cet exotisme. L'inconnue dépose une main sur la joue du héros allemand et il semble miraculeusement guéri de ses blessures.
« -Debout Anton, » lui demande-t-elle. « Nous devons partir, il n'y a plus rien ici. »
Sa robe a un style qu'il connaît bien. Fin des années 40. Robe de travail, trop courte. Il peut apercevoir la limite de ses jarretelles. Elle semble jeune, dix-huit années, peut-être moins. Malgré sa tenue, elle est d'une beauté bien trop élégante pour être née fermière.
Tandis qu'elle le guide à l'extérieur, sur les traces d'un convoi militaire, elle reprend :
« -Je m'appelle Scarlett. Bachmann. Enfin, plus pour longtemps. »
A comprendre qu'elle perdrait bientôt son nom de jeune fille. A son annulaire trône une bague de fiançailles. Direction l'enclos à chevaux, après avoir enjambé indifféremment le cadavre chaud d'Abraham comme si elle ne le voyait pas. Elle l'invite à choisir un destrier et fait de même. La plupart ont déjà une scelle et des rennes.
« -Ce ne sera pas facile. » prévient-elle.
Etrangement, la jeune femme monte en amazone. Et alors qu'ils chevauchent, le décors se métamorphose subtilement. Il n'est plus question du désert texan, mais de routes tristes dans une campagne pluvieuse. Des réfugiés semblent y être jetés et avancent péniblement. Au loin, un horizon de cendres. Derrière eux, s'évaporent les vagues contours d'une ferme qui part en fumée.
« -Nous ne sommes plus très loin de Paris, Capitaine. » annonce un militaire.
Le capitaine en question ne répond pas. Il est assis face à Akina et cette dernière pâlit. Elle vient de reconnaître cet homme. Ce n'est pas Paris qui la fait tilter alors qu'ils se trouvaient encore au Texas il n'y a même pas deux minutes, mais ce putain de visage familier. Elle agite nerveusement ses mains entravées par des menottes.
« Kenneth...
-La ferme.
-Ken...je t'en prie, pas toi, déclare-t-elle.
-J'ai dit la ferme, salope. Tu as mal choisi ton camp.»
Elle se mord la lèvre et mire vers la sortie. Le camion avance lentement. Le silence pèse. Soudainement, elle s'élance vers l'arrière. L'effet de surprise fonctionnera quelques secondes, ce sont les derniers soldats qui la rattrapent avant qu'elle ne saute hors du convoi. Ils la plaquent au plancher, ignorant ses cris. Kenneth intervient pour les calmer et les séparer d'elle. Sa poigne virile capture la chevelure de la prisonnière et il la redresse.
« -Ne recommence plus !
-Sinon quoi ?! Tu vas me tuer ?! »
C'est éprouvant. Elle déchiffre « Cpt. O'Connell ». sur la veste de l'irlandais. Sont-ils encore en 1945 ? Paris ? La Libération, bientôt ? Et elle, où l'emmènent-ils ?
« -Tu as de la chance. On te ramène à ton époux. »
Et d'une pression autoritaire sur son épaule, il la fait rasseoir sur le banc, entre ses hommes. Le camion est secoué lâchement : des nids de poules.
« -Mon....quoi ?
-C'est lui qui nous a demandé de te tirer des griffes de Königsberg.
-Je....commence-t-elle.
-Dis-le ! Hurle-t-il. Que tu étais obligée ! Que tu n'as pas choisi ! DIS-LE ! Il t'a forcée, n'est-ce pas ? »
Sa conscience déraille complètement. Elle ne veut pas le dire, c'est faux.. Faux. Faux.
« -C'est faux ! »
Grosse gifle. Kenneth perd patience.
« -Une vraie citoyenne américaine n'offre pas son corps à un nazi, COMPRIS ?! Il t'a. Obligée. Un point. C'est. TOUT. »
A moitié sonnée, elle secoue la tête pour nier.
-
Non, il... déteste ces transitions plus que tout. Ce moment où son esprit doit se réadapter aux nouvelles réalités. C'est à ce moment qu'il comprend que rien n'est réel, bien que son subconscient fut au courant, l'empêchant de trop paniquer face à l'horreur qu'il vivait. Et pourtant... quelques minutes plus tard, déjà, le flou envahit de nouveau sa tête, si bien qu'il se voit noyé par la crédulité sans rien recracher, et accepte docilement ce qu'il lui arrive, emporté par les flots.
-Où sommes-nous ?
-Où veux-tu que nous soyons ?
Ce n'est pas une réponse, ça. C'est comme si son esprit refusait de lui répondre avant qu'il ne prenne la décision de là où ils se trouvent.
Un avion les survole. Il le reconnaît parfaitement. Vert, des étoiles rouges dessus. Trois autres, en escadrille, passent à sa suite.
-Les soviétiques ? Ils sont loin de leur front...
-L'Allemagne s'est rendue depuis longtemps. Les russes ont débarqué en Alaska.
Ah oui, il faut que Scarlett, expression de son imagination, lui explique le décor qu'il est lui-même en train de planter.
-Puis ils se sont alliés aux nouveaux gouvernements rebelles d'Amérique du Sud. Ils arrivent, Anton.
-Les Etats-Unis devraient pouvoir résister...
-Ils ont jetés tous leurs efforts dans la guerre contre l'Allemagne. Ils ne sont pas invincibles, tu sais. Si seulement celle-ci avait prévu que les russes attaqueraient quand tous les soldats étaient tournés vers l'Atlantique...
Il se souvient, maintenant. À l'époque, beaucoup d'officiers, conscients de la réalité de l'armée et de la position géographique bancale du Reich, avaient critiqué le choix de l'ouverture du front russe. Est-il en train de matérialiser ce qui serait arrivé si ça n'avait pas été le cas ? Il réprouve cette réalité. L'Allemagne serait-elle condamnée à capituler ?
On hurle, plus loin. Un sous-off américain en arme s'approche d'eux, leur ordonne de donner leurs chevaux. Elle lui glisse qu'ils sont à sa famille. Il veut la faire descendre de force. Dès qu'il a saisi son poignet, l'instinct de Siegfried se réveille, et il se dresse sur l'animal pour bondir sur le militaire, une saut de quatre mètres, tête en avant, qui fauche littéralement le soldat pour le plaquer violemment à terre. Le teuton encaisse la chute, roule quelque peu pour se relever, et reprendre son opposant à la gorge, l'étranglant. L'amerloque tente de saisir son flingue, ce que fera Siegfried à sa place, pour le braquer en l'étouffant. Scarlett est descendue de sa monture, et enserre l'amant de sa descendante pour le faire reculer.
Le soldat crache ses poumons avec rage, puis fuira au pas de course vers la colonne de réfugiés. La dame lui dit de remonter à cheval. Il leur faut partir.
Pourquoi ? Son mal de tête revient. Ce n'est pas normal. Quelques galops plus loin, des tirs s'abattent sur un groupe de civils traînant leurs affaires. Ils sont une vingtaine, en rang, tout au plus, subissant le vent et la pluie, et un bon tiers d'entre eux sont touchés, plus ou moins gravement. Tous se dispersent.
-Il faut les aider.
-Non ! Tu dois rester avec moi.
-C'est mon devoir !
-Aime-moi avant !
Ses instincts le reprennent. Probablement que sa migraine n'y est pas totalement étrangère. Il lui faut se reconcentrer : Il aperçoit au loin un véhicule blindé soviétique, avec à son bord trois soudards, crachant leurs munitions en hurlant. Il n'a qu'un pistolet, certes, mais il peut le faire. Il sait qu'il peut le faire.
Derrière, Scarlett écarte un pan de sa robe. Le ciel bleu revient, les vertes prairies avec. Elle est sensuelle. Ils sont seuls. Lorsque son cheval, se cabrant quelque peu, le fait regarder devant lui, il retrouve le paysage boueux, les civils courent, et les rouges approchent de lui, fusillant les américains autour. Il lui faut...
Non. Finalement, il descend de cheval, pour monter sur celui de la belle ascendante, derrière elle. Il soulève sa robe : Elle n'a rien dessous. Il porte une main entre ses jambes. Elle est ensuite penchée en avant, tandis qu'il défait sa ceinture.
Il s'apprête à la frapper de nouveau, mais le convoi est brutalement stoppé.
-Cap'tain !
Il veut descendre, mais une explosion secoue le camion, manque de le faire basculer. Un cri haut et rauque, et mille explosions de fusils éclatent ensemble, semblant venir de toute part. Kenneth prend la nuque d'Akina pour la faire mettre à terre, tandis que tous se déploient autour. Un nouveau hurlement et tous les tirs provenant d'ailleurs s'arrêtent : Seuls restent les ripostes américaines, qui ne savent vers où se diriger.
Il y a ce moment de flottement, où plus personne ne bouge, sans savoir que faire. Elle ose à peine soulever la bâche à l'arrière pour regarder l'action, et s'y décide néanmoins, toujours allongée dans le camion.
-SCHIESST !
Les américains se jettent à terre, sachant pertinemment qu'un nouveau cri signifie probablement une nouvelle salve. Il n'y aura rien, pourtant, les secondes qui suivent, avant que quatre tirs isolés et précis ne viennent faire éclater le crâne de plusieurs membres du convoi. Ceux qui restent tirent à la volée. Trois grenades sautent, dont l'une crache son souffle de feu si près d'Akina qu'elle sentira sur sa joue une vague de chaleur. Aucune blessure, bien heureusement.
Les Marines tentent de riposter, sans succès. Des balles de sniper les mettent à terre un à un, avant que ne se dresse un commando lourdement armé, cinq grands types en noirs surgissant d'un monticule du bas-côté de la route, mitrailleuse au poing, qui déglinguent tout sur leur passage, et se ruent sur le camion. Celui au centre, un peu en retrait, dépasse les autres pour se jeter sur le camion. À la peur se succède le soulagement. Panntreffe.
-Tu devrais arrêter de rêver de moi.
Il la prend par le buste, la traîne pour la sortir de là. Aussitôt mise sur ses pieds, il veut s'extraire de là, mais des tirs nourris les en empêche. Les six se terrent contre les épaisses roues du camion. L'épaisse radio que porte l'un des allemands en bandoulière signale l'arrivée de trois camions, tandis que six américains sont retranchés autour et inaccessibles aux tirs directs. L'ordre est transmis de tenter de les éliminer au plus vite, tous les moyens étant bons. Quelques secondes plus terre, des fusillades éclatent encore.
Ils peuvent fuir, sortir de la route, courir à travers une claire forêt, pas même un petit bois, si peu dense qu'aucune racine ne semble pouvoir s'extraire aux rayons du bienveillant soleil. Ils se précipite vers un ensemble d'habitation, Coubron si l'on en croit un lointain panneau, trois-cent cinquante-sept habitants au dernier recensement.
Mais les camions coupent à travers champ, les rattrapent. Ils n'osent vider leurs chargeurs sur eux, parce qu'ils ont une personnalité de marque, mais finissent par leur couper la route. Une horde d'américains les entourent bientôt. Les allemands se mettent en cerclé serré, la blondinette au milieu. Un jeep arrive bientôt. Kenneth, blessé, en descend.
-Rendez-la.
-Va chier.
Vu la configuration, Panntreffe doit le regarder de côté.
-Elle n'est pas à Tsoukanov. Comment faudra-t-il le dire !?
-C'est un enjeu de cette guerre.
-Oui... Parce que vous donnez vos culs aux russes, putains de Yankees !
Les esprits s'échauffent. Ils ont tous envie de faire un gros carton. Des doigts se crispent sur les gâchettes.
-Vous ne pouvez pas tirer. Vous la tueriez. Et bye-bye votre accord avec le russe.
-De même pour vous. Si on la bute, vous êtes dans la merde.
-Alors ?
Les statu quo, c'est sale, parfois. Ceux qui franchirent le Rhin et ceux qui traversèrent l'océan ne peuvent que s'accorder là-dessus. Aussi, il faut bouger. C'est le plus massif de tous les allemands, une baraque immense avec un regard de tueur et un fusil plus gros qu'une cuisse d'Akina, qui agira en se retournant et la prenant contre lui. Ayant abandonné la mitrailleuse dans son dos grâce à sa sangle, il sort le pistolet, et lui colle sous la gorge.
-Si il faut que je crève, autant que j'ai un bouclier. Au moindre tir, j'lui éclate la gueule avant de viser dans le tas.
Et il fait signe aux autres de le suivre, pour traverser les lignes américaines, et s'éloigner. Ils devront faire dix mètres avant de pouvoir se remettre à courir vers le village, tandis que les américains remontent dans leurs camions pour les suivre.
Ils pourront entrer dans une maison, ce qui n'est pas forcément la meilleure des idées. Ils obligent les occupants à se terrer dans la cuisine, bloquent la porte d'entrée, se réfugient dans un coin. Aussitôt, Leopold se débarrasse de ses armes, pour se jeter sur Akina, la plaquer contre un mur, devant ses hommes, l'embrasser, se faisant visiblement pressant. Il n'hésite même pas à remonter ce qui la couvre pour chercher à atteindre ses fesses. Il a très, très envie de baiser.
-Tu m'as tellement manqué...
-
Contre le mur, elle tolère vaguement les caresses empressées de l'officier Panntreffe. Elle-même lui rend avec ferveur baisers et étreintes, cherchant les lèvres allemandes dans une folie passionnée. Après avoir observé la scène, les autres soldats s'en détournent ; non pas par gêne, mais par préoccupation. Les américains arriveraient bientôt, il est nécessaire de se préparer au siège et à l'assaut qui suivra. Ils partent barricader les portes, les fenêtres, faire l'inventaire des armes et des munitions. Pendant ce temps, Léopold a soulevé les cuisses de sa belle, pour se presser entre.
« -Léopold... » soupire Akina, tremblante. « Attendez... »
Et il la porte contre lui, montant les escaliers adjacent pour se rendre à l'étage. Il ouvre la porte d'une chambre du pied, rejette sa prise sur le lit qui grince. Elle en a terriblement envie, ça brûle partout dans sa chatte, dans son cul, au fond de sa gorge. Allongée sur le dos, elle se redresse sur un coude et l'invite à la rejoindre d'un mouvement de l'index envoûtant. Il voit les cuisses de son amante irréelle s'écarter et se précipite à son tour dans le lit.
« Akina...Akina... » souffle-t-il tandis qu'il passe une main possessive le long d'une jambe. De l'autre, il défait sèchement la boucle de son ceinturon.
C'est là, que tout explose dans la tête de Scarlett junior ; lorsqu'il la pénètre d'une poussée profonde et lente. Leur regard ne se quittent pas, et elle l'admire serrer les dents pour s'empêcher de gémir à chaque intromission. Elle aura dans l'idée d'arrimer ses mains délicates aux épaules du soldat, mais il refuse et plaque les bras de l'américaine contre le matelas, renforçant la puissance de ses coups de reins.
« - Regarde qui est là.... » murmure-t-il dans un petit sourire qu'elle ne lui connaît pas.
L'armature du lit cogne violemment contre le mur au rythme de leur ébat. Et Walker fait l'erreur de détourner son minois blême pour apercevoir la silhouette d'un enfant la fixer avec stupeur. Elle le reconnaît immédiatement et se met à crier :
« -Non ! Léopold, arrête ! ARRETE !
-Pas maintenant, je vais venir....
-Maman, que fais-tu ?! S'exclame le gamin. La Croix de Fer reluit autour de son cou. L'étudiante se débat, tente d'arracher ses bras à la poigne impitoyable de Panni.
-Non ! »
Le petit héritier de la baronnie reste tétanisé. Soudainement, il menace de fuir, apeuré.
« -Je veux Père !» hurle-t-il en se hâtant vers la porte.
-Reviens ! REVIENS ! Réplique-t-elle entre deux gémissements plaintifs. Les pénétrations deviennent douloureuses. Léopold est en train de se finir à la va-vite-. Il bâcle et besogne le corps de la belle avec fougue.
-Ca arrive ma belle... »
Au fond de son ventre gicle un foutre brûlant. Il prendra son temps, bien enfoncé, jusqu'à la dernière goutte. Il ne se retirera guère avant. Akina a du mal à reprendre ses esprits. Elle est toute secouée. Plus aucune trace de l'enfant. Panntreffe assis au bord du lit se remet également de ses émois. Il observe ses propres mains trembler tandis que dans son dos, son amante referme lentement ses cuisses.
Ses réflexions lui broient le coeur. Où est Siegfried ? Où est Anton ? Pourquoi encore être séparés ? Même en rêve, l'épreuve lui semble insurmontable. Son fiancé lui manque terriblement.
« -Ramène-moi à Tsoukanov. articule-t-elle avec difficulté.
-Qu...quoi ?
-Je veux me rendre, déglutit-elle, complètement confuse.
-Tu es folle, grogne-t-il en se frottant les joues pour se sortir de sa torpeur.
-Je...c'est mieux ainsi. »
Il veut répliquer, elle s'y oppose vivement en levant une main autoritaire.
En bas, c'est l'escalade. D'aucun accepte la reddition de Scarlett. Que ce soit la montagne allemande ou les Waffen-SS entourant Léopold. Plusieurs insultes fusent. On ne comprend pas. Avoir risqué sa peau pour elle et maintenant la livrer aux Yankees. Alors, la toute blonde négocie. Si elle sort seule, ils l'embarqueront et eux tous pourraient repartir, espérer trouver une vie tranquille en abandonnant l'uniforme gris, en changeant d'identité. Ouais. Ils en auraient besoin. Parce qu'à Nuremberg, aucun d'eux n'en mènerait large. Alors, un à un, ils se résignent sans doute lassés par les combats. L'armée du Reich n'est plus qu'un étendard dont les lambeaux se dispersent au vent. Ils vont fuir par la porte arrière après s'être salués une ultime fois et se souhaitant des vents meilleurs pour l'avenir.
Seul Léopold Panntreffe demeure. C'est qu'il a de l'honneur, beaucoup. Et de l'amour, un peu.
Quand les américains investissent la maison, ils songent à l'exécuter sur-le-champ. Le canon d'un colt sur la tempe, il ne quitte pas sa dignité germanique, les yeux braqués sur Akina.
« -Ne le tuez pas ! Implore-t-elle vers Kenneth, miraculeusement rescapé. Je me rends, d'accord ?! Inutile de le tuer, je vous en prie ! »
Hors de question d'assister une nouvelle fois à la perte de Léo. Elle s'y refuse. Or, on lui bande vivement les yeux. Aveuglée, elle panique. Une détonation. Le bruit sourd d'un corps qui heurte le plancher et elle hurle, hystérique en devinant le crime. Tout à coup, le choix de la reddition lui paraît insupportable, et il entache sa conscience du sang de son amant rêvé. Elle aurait dû lutter et refuser. Les sanglots succèdent au cri, et les pleurs aux insultes. Traînée dans un nouveau camion, elle ne pipera mot. En face d'elle, toujours, Kenneth mire vers l'entrejambe de sa captive. La robe est trop courte et découvre l'intimité de la métisse. Il aperçoit clairement le foutre qui sèche sur la courbe intérieur de ses cuisses. Elle capte son regard et il s'empresse de déclarer :
« -Sale pute. »
* * *
« Réveille-toi ma douce... »
Depuis son sommeil, Walker sourit. Enfin, elle quitte le rêve, retrouve Anton et le Texas. Abraham fait sans doute chauffer du café, il doit être tôt. Elle s'imagine déjà le bacon, les oeufs et le pancake fumer sur la table du salon. Elle mettra le mauvais rêve sur le compte de cette séance de baise trop violente avec Siegfried.
« -Il faut se réveiller. » insiste la voix masculine.
Toutefois, quelque chose ne va pas. Elle ne reconnaît pas le timbre de voix. Son faciès grimace d'inconfort. Puis, pourquoi Anton lui parle-t-il allemand alors qu'il a tant l'habitude d'utiliser l'anglais ? Ses yeux s'ouvrent brusquement pour rencontrer un visage complètement inconnu. L'homme est penché au-dessus d'elle, cigarette et sourire mutin aux lèvres.
« -Enfin on émerge, princesse.
-Qui êtes-vous ? S'empresse-t-elle de demander.
-Tu plaisantes ? De si bon matin ? »
Au milieu du lit, un rayon de soleil frappe timidement sa figure. La fumée du tabac flotte dans la pièce, avec la désagréable odeur qui va avec. Elle porte une nuisette passée de mode et tandis qu'elle s'extrait lentement des draps, l'étranger l'admire.
« -Dîtes-moi qui vous êtes et où sommes-nous et quand sommes-nous., insiste-t-elle.
-Tu...veux que je fasse quérir le docteur ? Si tu ne te sens pas bien, je dirai simplement que tu dois garder le lit. Tu m'inquiètes, tu sais avec toutes tes questions. Habituellement c'est davantage « Où as-tu dormi cette nuit ? C'est à cette heure-ci que tu rentres ? »
Hein ? Mais de quoi parle-t-il ?
« -Okay. Ca suffit, je m'en vais. »
Il soupire et contourne le lit pour la reprendre par le bras et l'obliger à lui faire face.
« -Je suis désolé, Akina. D'accord ? Je vais te donner un peu d'argent pour faire les magasins, sors t'amuser avec quelques-unes de tes amies à notre retour à Berlin. »
Elle est relâchée, puis il se dirige vers une commode d'où il extrait une liasse de deutschemark. Ce n'est qu'à cet instant, qu'elle reconnaît l'uniforme allemand. Werhmacht. Galonné tout de même, de ce qu'elle réussit à mobiliser de connaissances à ce sujet. Bien que le type lui soit complètement inconnu, il y a un petit quelque chose de familier dans son sourire ravageur.
« -Écoute. reprend-il en lui tendant une coquette somme. J'aimerais qu'on puisse en reparler, que tu retires cette demande de divorce. Je t'aime. »
Un baiser est volé aux lèvres de la douce texane qui se recule vivement :
« -Non, mais ca ne va pas ?!
-Fais au moins l'effort de mettre une robe, perd-il patience, On nous attend en bas, pour le petit-déjeuner. Sois à l'heure. Tu sais que Dieter déteste les retards et je ne suis pas d'humeur à ses remontrances. »
La porte claque.
Face à la garde-robe,elle devine au style des vêtements, qu'elle est encore dans les années 40, voire 30. Elle attrape une tenue au hasard puis fera le tour de l'énorme chambre, qui s'apparente davantage à une suite. Depuis, les grandes fenêtres, elle comprend qu'elle est à l'étage avec une vue imprenable sur un vaste parc entretenu au millimètre près. Elle est loin de se douter qu'elle vient de se réveiller au château de Königsberg et que c'est le domaine qui s'étend en contrebas. Pas plus qu'elle ne s'imagine que l'homme qui vient de quitter la pièce est Christian Von Schenck, l'oncle d'Anton. Dans cette partie du rêve, le capitaine de l'armée allemande aurait découché, comme souvent, du lit conjugal pour écumer les cabarets en compagnie de son neveu – histoire de fêter une permission. Toute excuse était bonne à prendre de toute manière pour aller s'envoyer en l'air et se bourrer la tronche.
On aurait dit que les souvenirs du baron se mêlent indécemment aux songes de la belle américaine. Et c'est complètement impuissante qu'elle déambule dans les couloirs de l'étage, à la recherche de l'escalier qui la mènerait en bas. Des nausées l'assaillent de manière insipide, c'est comme un état de fond. La traîne de sa robe couleur crème glisse sur le carrelage précieux de l'ancestrale demeure tandis que la coupe du vêtement coûteux dévoile un dos nu, encore marqué de la carte constellée.
-
Il ouvre difficilement les yeux.
Elle est à ses côtés, semblant tranquille, paisible. Pourtant, elle vient de se réveiller en même temps que lui, précisément. Leurs rêves se sont stoppés au même moment. Il se souvenait d'une course-poursuite après avoir baisé une Scarlett-like en plus ancienne. Mal de tête, nausée. Il voit Akina bouger, se pencher sur elle pour l'embrasser. Il se traîne ensuite difficilement jusqu'à son étui de métal pour la piqûre du matin. La dose est quelque peu augmentée, ne serait-ce que pour affronter la journée.
Le regard de Lorenz est évité. Ce n'est pas de la gêne, mais il ne tient pas à le fusiller des yeux. Il préfère chercher ce qu'il y a à manger. On a disposé quelques petites choses sur la table, on lui indique où prendre ce qu'il désire. Il n'osera se servir dans le frigo qu'après avoir diligemment demandé la permission. On lui dit ensuite qu'il va falloir prouver qu'il a les épaules pour être un Walker.
-Ready for duty, sir.
Des bottes, une tenue adaptée, et Siegfried comme elle ne l'a jamais vu part travailler, avec les autres. Un type à cheval, probablement avec une fonction de contremaître, lui dit, après qu'Abraham l'ait introduit, qu'il y avait de quoi faire aux vergers. Dans les longues allées de pommiers, l'allemand pouvaient constater que les fruits qui y pendaient n'étaient pas au top. C'était les dernières récoltes, les plus tardives, typiques de la région ; Siegfried dirait volontiers à Abraham qu'il ne fait pas assez froid en hiver pour que les pommes se régénèrent assez bien au printemps ici, et qu'il ferait mieux de virer un tiers de son exploitation de ce fruit pour se tourner vers quelque chose de plus local. Mais il n'est pas là pour faire l'expert, et se contentera de brasser les troncs avec les autres et de poser les nouvelles barrières, car apparemment le périmètre devait être réorganisée – sombre histoire d'irrigation souterraine.
Dès midi, on l'appelle pour manger. Il lui faudra sept bonnes minutes pour marcher de là où il se trouve jusqu'à la demeure. Il ne s'était pas rendu compte, à l'aller, qu'il était si loin. Elle lui fait remarquer qu'il travaille comme s'il avait fait ça toute sa vie.
-En 57, j'ai travaillé dans une ferme, à Weitersfelden, près de Linz, en Autriche. Je me souviens que l'avoine et le blé ont été massacrés par... la septoriose, je crois. À cette époque les petits exploitants faisaient la moitié du travail à la main encore.
Abraham venait s'asseoir près d'eux. Changement de sujet, ou presque.
-Vous devriez replanter du blé.
-Du blé ?
-Le cours est en train de chuter, mais si je ne me trompe pas, il risque de subir une petite embellie dans l'année suivante.
-Pourquoi ?
-À cause des jaunes. Les chinois commencent seulement à abandonner le communisme, les propriétaires sont déjà en train de changer leurs modes de culture en douce, et ils en consomment de plus en plus en parallèle. Dans cinq ans je parie que la production en blé aura chuté d'au-moins 10 % chez eux. Et les Etats-Unis abandonnent de plus en plus l'agriculture aussi, je ne vous fait pas le dessin. Pareil pour l'Argentine et la Russie. Bientôt le blé se vendra à prix d'or.
Ils ont passé le reste du repas à parler business model. Siegfried avale le tout en moins d'un quart d'heure, prétend vouloir retourner au travail. Il va prêter ses bras au plus loin, près d'un élevage de bœufs. Vingt degrés celsius, petit vent, une fine pluie au milieu de l'après-midi obligera les quatre ouvriers à couvrir la grange qu'ils sont en train de construire. Puis il creusera avec eux autour, pour prévenir des pluies futures qui commencent à venir.
Un tour ensuite aux champs de coton, il y tenait, même s'il n'y a pas grand-chose à voir et faire en cette saison.
-Un homme qui a quelque chose à prouver est un homme qui a quelque chose à se reprocher.
Sagesse de papy Walker vaut tous les conseils du monde.
Première chose : Une douche.
Deuxième chose : Le lit.
Troisième chose : La bouche d'Akina.
Dans ces trois-là, il se détendra, reprendra de la vigueur. Un bon repas avant d'aller se coucher pour de bon. Il doit se piquer avant de dormir. Exténué ? Pas vraiment. Juste un peu usé. Mais il n'est pas totalement à bout.
-J'ai pensé à ce que tu m'as dit hier.
Le mauvais coup pris au biceps pendant la matinée n'est déjà plus qu'une sorte de cicatrice un peu vive, qui aura vite disparu. Il s'inspecte devant un miroir, puis retourne s'asseoir sur le lit.
-Il m'est arrivé pendant un temps d'avoir des... hallucinations. C'était assez étrange. Je ne m'en souvenais que longtemps après. Sur le coup ça me laissait juste une impression étrange, mais des heures, voir des jours après, des images revenaient de choses que j'avais faite... Hm. Mon cerveau n'est pas ce qu'il y a de plus en forme chez moi.
Nu, le SS se dirige vers la fenêtre pour regarder au-dehors. Il y a l'espèce de contremaître qui est encore là, toujours sur sa monture, un peu cow-boy dans la dégaine, avec une grosse lampe-phare, balayant les alentours de la propriété avant de saluer le boss et de rentrer chez lui.
-Peut-être que j'ai quelque chose qui se transmet. Tu devrais faire des analyses. Ou bien c'est tout simplement la proximité d'avec une personne surréelle qui te provoque ce genre de choses, mais on dirait juste que tu as eu un épisode, tout comme moi. J'ai peut-être prononcé des choses dans mon sommeil, ce qui rend tes propres rêves mouvementés.
Il se penche vers elle pour l'embrasser, sans sourire, pour changer.
-Tu as besoin de repos.
-
Elle est étendue sur le lit et écoute patiemment Siegfried. En réalité, elle ne fait que l'entendre. Les mots de l'allemand percute ses oreilles, le sang cogne à ses tempes. Et ses yeux sont désespérément rivés au plafond. Que dire de sa journée ? Moins productive que celle de son terrible amant. Les songes l'ont poursuivies. Elle revoit Léopold, et à défaut de le voir l'imagine parfaitement. Elle s'est crue en sécurité au ranch Walker, et là tout à coup: c'est sa raison qui explose, éreintée. Quelque chose se brise en elle. L'une de seules parties de son être qui était encore viable malgré le passage d'Anton dans son existence.
« -C'est impossible ! Scientifiquement impossible, Anton ! »
Le baiser lui laisse un goût brûlant et amer à la fois. Elle rejette le peu de draps qui la recouvre et s'éloigne, furieuse.
« -Tu ne peux pas savoir ! Tu ne peux PAS ! Tous ces gens...ces inconnus ! Dans ma tête ?! »
Il lui faut de l'air. C'est un besoin vital. Elle étouffe ici. Ses pas la conduisent vers la commode où elle saisit la boîte métallique, celle qui contient le sérum de longévité et les seringues.
« -Tu devrais arrêter, d'accord ? » lance-t-elle dans un souffle irrégulier, le petit coffret brandi dans une main. « Arrêter de prendre cette merde ! »
L'objet est rejeté sur le meuble. Bam. Aucun soin. Ses mains tremblent, ses jambes sont cotonneuses. Il y a cet élan de fureur en elle. Akina se met à avoir peur. Pour elle, pour Anton, pour l'avenir. Dans son crâne, c'est un perpétuel bruit de verre cassé. Le vouvoiement aussi a sauté. En même temps que tout le reste. Elle ne s'en rend probablement compte. Et ses éclats de voix traversent le plancher, parviennent de manière étouffées à Abraham qui se contente d'augmenter le son de sa radio.
« Je peux trouver un moyen de substitution. Améliorer la formule. TOUT ! Mais arrête ça ! Je ne veux plus de rêve ! Je ne veux plus de Reich ! Je ne veux plus de SS ! Ni d'allemands ! D'accord ?! »
Dans l'armoire, elle attrape un manteau et s'en recouvre vivement.
« Tu te débrouilles, Anton. » soupire-t-elle enfin, « Si je fais encore un de ces rêves cette nuit, tu ne me reverras plus jamais. »
Et la porte claque à en faire trembler les murs. La belle a du mal à retenir ses larmes. Impossible de savoir pourquoi ces dernières coulent. La tristesse ? L'impuissance ? En descendant dans le salon, elle croise son grand-père. Ils échangent un long regard tandis que grésille la voix de Johnny Cash accompagnée d'accords de guitare dans Personnal Jesus. Le vieux Walker indique la porte à sa gamine, d'un geste de la tête.
« -Reviens quand tu seras calmée. Et un conseil. Parle mieux que ça à ton homme. Si ç'avait été ta grand-mère.....
-Bonne nuit, 'Pa. » le coupe-t-elle sèchement.
Et une deuxième porte claque ce soir-là.
Scarlett trouve refuge dans la vieille grange, s'arrogeant pour seule compagnie une vache et son petit que l'on répugne à laisser dehors. Elle fait plusieurs fois le tour de la bâtisse, les pieds nus baignant dans la paille et la boue. Ses ardeurs ont dû mal à se calmer. Dormir devient une torture. Elle préfère veiller cette nuit. Toutefois, au petit matin, quand la fatigue l'aura emportée ? Ne risque-t-elle de céder aux fantasmes honnis de ce monde onirique ? Un son la tire brusquement de ses pensées. Elle espère voir Siegfried apparaître, mais ce n'est que Lorenz.
Sourire gêné. Il a une cigarette au bec et lui tend le paquet, insistant. Au départ, elle souhaite refuser, mais se voit étrangement accepter. Le filtre passe ses lèvres charnues alors que le garçon allume l'autre extrémité à l'aide d'une allumette. Première bouffée de nicotine, elle tousse, manque de cracher ses poumons. Le tabac s'avère violent pour sa gorge et les yeux comblés de larmes, elle se force à une seconde bouffée, puis une troisième.
« -Tu dois me trouver conne ? »
Il secoue la tête après s'être accoudé à l'une des barrières d'enclos. Elle avise la dégaine du jeune homme. Il a les cheveux longs et gras, d'un blond cendré qui encadrent un visage émacié et bruni par le soleil. Lui non plus ne fait pas son époque. Dans sa main droite, il tient un léger bagage (un vieux sac en cuir) qu'il jette aux pieds de la demoiselle. Une fois qu'elle prend connaissance du contenu, elle découvre d'anciennes affaires ayant appartenues à Scarlett senior. Des pantalons et des salopettes de travail, ainsi que des chemisiers. Une jupe ou deux. Akina interroge Lorenz d'un regard perplexe.
« -Va faire un tour. Noël, c'est dans deux jours. » dit-il d'une voix un peu rouillée.
Et suivent les clés du pick-up qu'il lui balance à la tête et qu'elle récupère in extremis dans sa main. Avant de se décider à partir, elle lui taxera le paquet de cigarettes espérant ne pas y prendre goût.
Toc-toc.
Abraham ouvre pour découvrir la silhouette de son bien-aimé fils. Nous sommes un jour et demi après l'altercation. John est tiré à quatre épingle dans son uniforme d'Etat-Major. Il retire sa casquette pour saluer son vieux avec respect. Derrière, dans la cour du ranch est garée une berline noire. Le chauffeur est déjà sorti pour fumer une clope.
« -Jarod peut dormir ici cette nuit ? Demande John avant toute chose.
-Ouais, ouais, expédie Abraham en invitant son enfant à entrer.
-Les gamins sont où ?
-Le boche est aux champs avec Jimmy. Figure-toi qu'il veut planter du blé, maugrée le vieillard en clopinant à travers le salon sur les talons du militaire.
-Et tu le laisses faire ?
-Pourquoi ? Tu comptes reprendre cette ferme un jour ? Crache-t-il, amer. »
Le gradé pousse un soupir confronté à un énième débat sur l'héritage Walker. Si Anna avait encore été en vie, il aurait envisagé de passer une retraite paisible au ranch. Désormais veuf, il compte mourir comme il est venu au monde : sans rien.
« -Je présume que Jack le fera.
-HA-HA. Il mourra avant ce con.
-Et Akina ?
-Pas vue depuis deux jours bientôt.
-Quoi ?
-Ils se sont un peu mis sur la tronche...
-T'as prévenu le shérif ? S'inquiète John en se dirigeant vers le téléphone.
-Pourquoi ? C'est une adulte, non ?
-Papa. Putain. »
Il ne prendra même pas le temps de se changer et ira quérir un cheval scellé dans l'enclos le plus proche afin de rejoindre les champs. Il a besoin d'une discussion urgente avec l'allemand à propos de sa nièce envers laquelle il éprouve une inquiétude grandissante. Le soleil s'abat cruellement sur les terres Walker. Dans la cuisine, la domestique mexicaine s'affaire à préparer le repas du lendemain. Docile, ne parlant pratiquement pas anglais, elle aura été discrète tout au long de la journée sous le regard indifférent de son employeur.
La nuit passera encore, sans qu'Akina n'apparaisse. Alors qu'Abraham devient légèrement nerveux, c'est John qui perdra patience dès l'aube. Il menace de prévenir le shérif, que la gamine pourrait être n'importe où, et espérons-le – insiste-t-il, pas dans un fossé à manger du purin avec une balle dans le crâne. Walker senior lui demande le silence une fois. Il insiste davantage. Deux fois. John souligne encore l'importance de prévenir les autorités. Abraham abat violemment son poing sur la table de la salle à manger où tous trois partagent le petit déjeuner.
« -Tu veux rapatrier LES FLICS dans MA propriété ?!
-Ouais, il fau..
-La ferme ! La ferme ! Putain, John. T'es un sale fédéral. Un vendu. Ta gueule. »
La matinée de Noël commence bien, on sent toute la magie d'un moment convivial refroidir la pièce.
« -Et toi, » John s'adresse à Siegfried cette fois. « -Tu t'en fous ? Pourquoi t'es là en fait ?
-Il y est pour rien si cette môme est aussi têtue que son père.
-Oh ça va, hein. Un moment, il faut se sortir du moyen-âge, Papa. Je pars à sa recherche. »
Il esquisse un geste et la sonnette résonne. Plusieurs fois. Avec insistance. Et puisqu'il est déjà sur le départ, John se déclare volontaire pour aller s'occuper de l'arrivant qu'il soupçonne d'être un énième baptiste souhaitant revendre des Bibles à prix de bâtard. Il traverse le salon où Loretta astique les poussières et émerge dans le hall d'entrée.
« -Désolé on est pas int.... » commence-t-il en ouvrant la porte. Il est immédiatement coupé par la vision de sa nièce. Plusieurs réactions se proposent à lui. La gifler ? L'étreindre ? Il se déporte d'un léger pas sur le côté et ausculte la jeune femme du regard. Elle semble en bonne santé et il remarque qu'elle porte les habits de sa propre mère. Une petite jupe courte de la fin des années soixante assortie à des bottes hautes et des bas aux coutures apparentes et un haut qui moule parfaitement sa poitrine. Ses courbes sont mises en évidence. Elle est décoiffée, et son maquillage est estompé. Il a l'impression de faire face à une pute ramassée dans le caniveau.
« -D'où tu sors comme ça ?
-Bonjour oncle John. Ca va merci, et toi ? »
Et elle trace dans le salon, salue la vieille Loretta qui l'embrasse sur les deux joues en la complimentant en espagnol. Puis vient enfin le tour de la salle à manger. Elle fusille Anton des yeux. Un regard électrisant d'impertinence. Elle ne l'aura pas miré ainsi depuis des mois. L'innocente chatonne menace par ce simple contact visuel de faire ses griffes sur lui. Finalement, elle disparaît dans la cuisine et grimpe les escaliers pour rejoindre l'étage.
D'en bas, ils entendent une porte claquer.
« -Voilà longtemps qu'une femme n'avait pas fait sa loi sous ce toit, s'amuse Abraham avec une oeillade moqueuse à l'attention de l'allemand. »
-
-Hm hm.
C'est tout ce qu'il aura répondu à la dernière invective du soldat Walker. Depuis qu'elle est partie, il n'est pas particulièrement loquace : La joie (relative) de revoir John n'a pas été l'occasion de s'étendre en grandes effusions amicales. D'ailleurs, même si elle avait été là, ça n'aurait pas été le cas. Il a doublé la dose, a travaillé dur, plus dur encore, plus longtemps aussi, juste pour oublier, comme pour se purger, demander la rédemption au Dieu travail. Il aura mal dormi, oublié de prendre des nouvelles de Jack, s'est mal nourri, et a peut-être cassé quelques trucs qui traînaient – les barres de métal rongées par la rouille qui composaient l'ancienne barrière autour de l'ancien champ défriché, qu'ils ont entassé afin de tout jeter à la casse, en auront bien fait les frais. Toutes brisées avec rage. Du reste, il aura tenté de rester stoïque. Il aime le stoïcisme. Et il a assez confiance en elle pour ne pas s'inquiéter.
Lorsqu'enfin elle réapparaît, il lève à peine les yeux vers elle, les rebaisse immédiatement. Il a un petit dej' à finir, d'abord. Question de politesse. Quelques petites minutes avant qu'il ne se lève.
-Je vais régler ça. Je suis vraiment désolé pour la gêne, c'est de ma faute.
Une humilité qui étonnera bien John, pas trop Abraham qui se dit que les couilles molles, y en a dans la vie, disons que ce n'est pas trop comme ça que le plus jeune s'attendait à le voir un jour.
Siegfried monte les escaliers jusqu'à arriver à sa porte. Elle est ouverte, tant mieux : Il n'aura pas à la défoncer. Alors qu'il pousse la poignée, il a un moment d'hésitation. Et s'arrête, réfléchissant.
-Ma fille...
Scarlett est interrompue dans son rangement sauvage. Le vieil homme est là. Elle ne sait plus, elle croit l'avoir déjà vu. Oui, il disait être le père de Siegfried, mais à bien y regarder, il ne ressemble pas vraiment aux dernières représentations qu'elle se faisait de Dieter. Sa longue barbe et sa tenue d'ermite ajoutent à sa confusion.
-Mon fils est quelqu'un de bien. Tu ne devrais pas autant faire peser sur ses épaules son fardeau. Il souffre. Il souffre tellement.
-Mais q...
-Shhhht. Je n'ai pas le choix. Toi, tu dois l'aider. Ne dis rien.
Siegfried entre enfin. Le vieux n'est plus là. Il y a juste lui, qui vient poser ses fesses sur le bord du lit. Il voit qu'elle était en train de réunir toutes ses possessions, qu'elle s'apprêtait à partir.
On en est à un rare point de désobéissance. Il devrait la punir. L'humilier. La faire souffrir pour l'affront commis. Il devrait la traîner au sol, par les cheveux, et la baiser devant toute sa famille, la faire pleurer, hurler, la couvrir de foutre devant les aînés impuissants, peut-être voudront-ils taper dedans après tout, tous des dégénérés dans cette famille, et il les fera payer pour qu'ils puissent la fourrer, cette salope, et son humiliation sera complète, lorsqu'oncle et grand-père allongeront les biftons pour baiser leur parente, et c'est de cette dégradation totale qu'elle jouira, parce que c'est une bonne chienne au plus profond d'elle.
La pensée lui soulève à moitié la queue. Mais étrangement, la raison prend le pas.
-Je vais me sevrer, doucement. Ca fait longtemps que je ne l'ai pas fait. Mais pas ici, d'accord ? Ici, les autres doivent me voir... normal. Une fois rentré à la maison, je réduirai mes prises. C'est promis. La vie risque d'être dure. Tu me verras un peu souffrir, et parfois sans doute serais-je incapable d'agir comme le ferait un humain normal, plutôt comme un grabataire.
Il en semble désolé, alors que c'est lui qui va douiller. Il est déjà de nouveau debout et veut sortir de la pièce, mais avant, il referme la porte et la regarde enfin, sans capter la stupeur dans ses yeux.
-Je me suis déjà excusé et t'avais prévenu de ce que j'étais, et tu l'as accepté. Je comprendrais que tu fasses machine arrière mais... Ca me ferait mal. En-dehors de tout cela, tu es toujours mon esclave. Tu dois museler ton caractère. Je passe l'éponge cette fois-ci, mais à ta prochaine incartade, je te punirais comme jamais je t'ai puni. Et j'en suis désolé, crois-moi. Si tu n'acceptes pas cet état de fait, tu peux décider de ne jamais me revoir. C'est ton choix.
Elle n'a pas le temps de répondre qu'il est déjà sorti. Pour Noël, il va travailler, quand bien même les ouvriers sont absents dans le verger où il a décidé de travailler, quand bien même Abraham a voulu l'en dissuader. Une grande plaine ombragée à lui tout seul. Le bonheur.
-
L'idée du sevrage ne la satisfaisait pas, car elle sous-entendait la souffrance de l'être qu'elle aimait. Pourtant, aux yeux de la scientifique, cela semblait être la solution la plus efficace. Elle était persuadée qu'il finirait par récupérer et reprendrait un cycle de vieillissement biologique normal. Il engrangerait les secondes, comme chacun d'entre eux sur cette fichue planète. Takagi avait raison, l'immortalité n'offrait pas d'échappatoire, ni de soulagement. Ce n'était qu'une idiotie contre-nature.
Lorsqu'il quitta la pièce, elle balança contre la porte tout ce qui lui tomba sous la main. Coffret de seringues compris. Il s'éventra en heurtant le sol. Quelques doses de sérum se brisèrent. Le liquide interdit fuit de toute part, abreuve le vieux plancher sans lui redonner le lustre de sa jeunesse. Avant toute chose, il lui fallait une nouvelle cigarette. Elle en piqua une dans l'étui de son Maître, chercha un briquet et se mit à la fenêtre pour intoxiquer son joli corps de nicotine. Cette matinée-là, son regard porta loin – au-delà des champs, des routes et du paysage semi-désertique.
« Je n'ai pas choisi. » essayait-elle de se convaincre. Ses doigts tremblant avaient du mal à soutenir la clope. Et la cendre volait depuis la fenêtre jusqu'au patio plus bas, où John avisait l'étendue du ranch, sceptique. Les nuages se pressaient à l'horizon texan. Leurs teintes sombres et ardentes n'annonçait rien de bon. Pour les locaux, le vent tournait mal en ce Noël tempéré.
C'est pour toi que tu l'as fait ? Pour toi ou pour lui ? Le sevrage. Parce que tu as peur de vieillir avant lui. Qu'il te délaisse quand tu seras fanée. Qu'il en prenne une autre. Il se lassera sûrement avant ta première ride, ne t'en fais pas.
Elle déglutit sévèrement, la gorge nouée et ses yeux de biche admirèrent la boîte échouée au plancher. Ses muscles se tendent tandis qu'elle observait la solution s'évaporer hors des ampoules cassées. En sortant, elle donna un coup pied dedans, aggravant les dommages.
Vers 14 heures, John aperçut sa nièce traverser la cour d'un pas hâté. Elle tenait fermement un fusil à la main droite. 22 Long Rifle. Depuis la terrasse, il jeta un coup d’œil à sa destination. D'après la trajectoire elle se dirigeait vers les vergers. Son petit cul s'agitait à la mesure de sa marche. Une croupe à se damner remarqua-t-il. Quand bien même, elle était biologiquement désignée comme sa parente, le militaire n'éprouvait pas de remords à contempler ses courbes. C'était l'honneur. Oui l'honneur et non la morale qui le tenait éloigné de la tentation. Jack avait abandonné le sien d'honneur, mais pas lui.
Dix minutes de marche à travers champs. Pas un ouvrier agricole de disponible. Même le contre-maître avait eu droit à son Noël en famille. Le feuillage des pommiers traçait une mosaïque ombrée sur la silhouette de la toute blonde. Elle avançait désormais à pas feutrés jusqu'à trouver enfin Anton. Il lui tournait le dos. Elle épaula son fusil, mécaniquement puis le mit en joue.
« -Anton. » appela-t-elle.
Feu. Elle le vit s'écrouler, touché à la tête ou au cœur elle ne savait plus.
En réalité, son doigt hésitait sur la détente qu'elle n'avait pas pressée. Ses prunelles mordorées se promenaient sur l'allemand.
« -Je suis désolée. » poursuivit-elle immédiatement avant de retourner le fusil contre elle-même, canon sous la mâchoire.
« -C'est le seul moyen de me libérer de toi. Le seul. Vivante, je t'appartiendrai toujours. Tsoukanov l'a compris. C'est pour ça qu'il m'a posé ce foutu flingue sur la tête quand il a su que je ne me déshabillerais pas. Il aurait dû appuyer sur la détente ! »
D'une main, elle fouilla dans la poche arrière de sa jupe pour en sortir une seringue pleine de sérum. D'un geste lent, elle la fit rouler jusqu'aux pieds de l'ancien SS.
« Toi. Tu peux décider de ne jamais me revoir. » Et toujours ce sale tutoiement, envoyé avec tant de mépris.
Elle possédait un air farouche, celui qu'avaient beaucoup d'américaines. Un nouveau vent se levait sur le domaine texan. Moins frais, plus électrique. C'était l'orage qui arrivait à grand galop. Au moment où le premier éclair stria le ciel sombre, suivi immédiatement d'un grondement impressionnant, elle enclencha le tir mortel. Il aurait très bien pu voir son index frileux presser la gâchette.
Les minutes semblèrent éternelles avant de se rendre compte qu'elle était toujours debout. Elle-même ne comprit pas, ses yeux écarquillés de stupeur. Elle rabaissa l'arme, l'ouvrit pour constater qu'il n'y avait aucune balle d'engagée. Au deuxième coup de tonnerre, il put la voir jurer, mais ne sut l'entendre. Dans sa précipitation, elle avait commis l'oubli de charger le fusil. Les cieux pouvaient bien rire de cette malédiction qui semblait touché l'un comme l'autre : incapables de mourir.
-
Il était comme paralysée en la regardant faire. La seringue. Ses mots. Le tir.
Il n'a pas fermé les yeux. Il sait affronter la mort. La sienne. Celle d'Akina. Il entrevoit déjà la nouvelle solitude. Bordel. Au moins elle emporte ses secrets avec lui. Non, le réconfort n'est pas suffisant. Il veut chialer. Non non non. Non.
Il ne se passe rien. Son coeur saute. Il laisse échapper un bruyant soupir, comme si un éclair l'avait frappé, paralysée de terreur, tué en un instant, sans lui laisser l'occasion de hurler vraiment.
Aux cieux, le père, espiègle, s'amuse de leur infortune. Il l'a sans doute provoquée.
-Scarlett.
Rappelle-toi, c'est ton nom d'esclave.
-Viens, s'il te plaît.
Il s'approche, lui retire le fusil des mains. Elle proteste. Il ne lui laisse pas le choix. Il la traîne le long de l'allée, entre les pommiers, jusqu'à la grange ; dedans, il cherche quelque chose. Elle allait prononcer un mot.
-La ferme. Ferme ta gueule, sale petite pute. Tu as une leçon à recevoir. Comment as-tu pu oser faire ça !? Putain...
Lorsqu'elle voudra s'éloigner, il fonce pour la retenir, la plaque violemment contre la façade pour lui faire comprendre qui est le boss, violente claque qui suit, puis elle jetée à terre. Il retourne cherche ce qu'il souhaite. Un outil par-ci, quelques matériaux par-là. Le tout sous son bras. De l'autre, il la prend de nouveau, sort de la grange. Le verger. Il cherche la seringue, la retrouve grâce au fusil à terre. Akina est de nouveau abandonnée au sol, lui s'injecte une minuscule dose de sérum, sans la moindre précaution médicale. Il sent déjà le flot psychotique noyer son cerveau, tandis que la raison est bien vite siphonnée.
Premièrement. Le câble, filin d'acier enroulé. Il adore les câbles. Il prend un bon mètre, à vue, le sectionne avec l'épaisse lame usée qu'il a pris, devant s'y prendre à plusieurs reprises. Se couchant sur elle, elle tentera de fuir, car comprendra bien vite qu'il cherche à l'attacher. Et en effet : Il lui met les deux bras derrière le dos, l'entrave en serrant fort, très fort. Il force sur les noeuds, parce que ceux-ci ne se laissent pas dompter. Il doit user de l'une des pinces pour les tordre affreusement, et ainsi les bloquer.
Deux mètres de plus coupés. Plié en deux, il servira de fouet. Elle va douiller, oh oui. Prise par les cheveux, traînée sur quelques mètres entre les arbres, elle est jetée sur le ventre, et il cingle son corps à plusieurs reprises. Elle sent distinctement ses vêtements s'arracher, sa peau avec. L'enculé frappe fort. Ses muscles sont atteints. Bras, dos, fesses, jambes, elle douille de partout. Son haut est ensuite arraché, violemment. Il devra le cisailler pour en découper le bas, en faire une boule, lui fourrer dans la bouche de force. Avec le reste du vêtement, il lui fait un bâillon pour ne pas qu'elle crache, qu'il serre bien fort derrière sa tête.
Il a besoin de se vider une première fois. Jupe remontée, son cul est écarté, lui semble impraticable en l'état, tant pis : Il fourre d'abord sa chatte, la pute résiste en serrant les jambes, il frappe de nouveau, elle sursaute à cause de la douleur, il en profite, soulève son bassin et la pénètre. Putain que c'est bon. Trois coups de reins, il crache, prépare sommairement son cul, et enchaîne sur lui. Elle résiste encore. La frapper ne lui permettra rien, cette fois. Il y va à la brutale. L'acier fait le tour de son cou, une fois, il tient les deux extrémités d'une main, serre fort, autant un étranglement qu'une bonne tenue en laisse, et il s'arroge droit de passage comme un barbare. Bordel, son cul est tellement bon. Il la baise comme un malade, jouit vite dans ses entrailles. Il n'en a pas fini.
Cou libre, cul aussi. Il se refroque, la reprend par les cheveux pour la traîner un peu plus. Cette pute. Elle est emmenée vers un autre arbre. Il la retourne, cul contre le tronc, omoplates encore au sol, tient fermement l'une de ses jambes en l'air. La main file sous la mini-jupe toujours quelques peu retroussée, plonge dans sa chatte. Deux doigts qui l'excitent, le pousse qui titille son clito, il en sort parfois pour lui coller des baffes, il l'étrangle avec son genou, lui fait sucer ses doigts, la traite de tous les noms. Bordel, cette pute kiffe. Elle est tarée. Autant que lui. Complètement malade, toutes les cases en moins. Il ne peut pas s'empêcher de penser qu'elle a fait sa rebelle à dessein, juste pour le titiller. Que tout est un jeu. Qu'elle n'attendait que ça. Il lui ordonne de jouir frénétiquement, allant jusqu'à l'hurler, et c'est un déchaînement, toutes phalanges de ses quatre doigts en elle qui lui bourrent la chatte, elle hurle son plaisir comme rarement. Qu'elle déchaîne ses cordes vocales, elle peut, tout va bien.
Il a de nouveau envie d'elle, ressort sa queue de son pantalon et lui fourre dans la bouche pendant qu'il la massacre encore, toujours une jambe levée en l'air. C'est surtout ce bras-là qui fatigue. Il change alors de tactique : Akina est saisie par les hanches, levée brutalement, la tête toujours en bas, les bras attaché. Le tronc contre lequel elle est collée lui rape sa peau déjà meurtrie. Ainsi, tenant fermement son amante par le bassin, il fourre violemment sa gueule. Elle est en transe, lui aussi. Parfois, elle a un sursaut inhabituel : Il se retire, juste pour qu'elle crache d'épais flots de salives, qui lui recouvrent le visage, tombent au sol. Il reprend immédiatement sa gorge. Ira jusqu'à lui écarter les jambes pour lui bouffer la chatte avec voracité.
De longues minutes passent, une torture, et enfin, elle est remise au sol. Les cheveux, toujours les cheveux. Il prend le reste du rouleau de câble, lui fait cinq tours autour du cou, fait passer les deux extrémités au-dessus d'une branche, et tire dessus. Ca lui esquinte les mains, mais peu importe. Akina est levée de force. Debout, pendue. Elle a cru l'espace d'un instant que son cou se sectionnerait. Il tire dessus juste assez, de sorte que seules les pointes de ses pieds touchent au sol.
-Tu es à moi. Acquiesce.
Elle refuse. Une mandale. Rien. Un coup de poing dans le ventre. Jambes écartées grâce à son genou, il claque violemment son sexe.
-TU ES MA PROPRIETE !
Elle fait « oui » avec hâte. Elle chiale. Elle jouit. Les deux continuellement, en sourdine. Son esprit est démonté. Celui de Siegfried aussi. Putain de beau couple.
-Tu n'as plus droit de décider de ta vie.
Elle fait oui, sous la menace.
-Et JE décide quand tu meurs !
Elle dit oui de nouveau, dans un sanglot, et sa chatte la tiraille. Elle voudrait supplier d'être prise, bourrée. Au lieu de ça, il tire sur sa corde, et la pend pour de bon. Quelques centimètres au-dessus du sol sont suffisant pour la tuer. Elle se débat, effleure parfois l'herbe. Rien de salvateur néanmoins.
-Et tu dois me demander la permission avant d'avoir le droit de mourir. D'avoir le droit de quoi que ce soit ! TA VIE M'APPARTIENT !
Il tire un peu plus. Son propre bras souffre, mais rien de comparable à ce qu'elle vit. Il lui écarte une jambe et la pénètre instamment, de face, relâchant son emprise. Elle respire de nouveau à moitié : Chaque fois qu'il la bourre, elle sent sa trachée se libérer ; immédiatement, lorsque le corps retombe, le souffle est coupé par son poids pesant sur le filin. C'est bien trop saccadé, et elle se demande même si ce n'était pas plus confortable lorsqu'elle était simplement suspendue.
Il finit par la relâche, la laisse tomber au sol, arrache son bâillon pour la fouetter de nouveau, à l'avant de son corps notamment, trop épargné. Il lui retire ses bottes. Sa jupe, massacrée. Tout est arraché. Il reprend son oeuvre sadique, écoute son chant funèbre, chaque cri de souffrance jeté à l'oraison de leurs raisons respectives.
Il se couche finalement sur elle et la baise bestialement, à même l'herbe. Elle n'en finit plus de se laisser aller à ses orgasmes, avec sa permission à chaque reprise. Son corps entier la tiraille, et ce n'en est que meilleur.
Il l'achève en se retirant au dernier moment, couvrant son corps entier. Après un long moment de calme complet, il la détache en sectionnant durement ses liens, puis l'embrasse.
-Je t'aime.
Et une claque.
-Plus jamais tu ne me fais ça. Plus jamais. Une esclave ne laisse pas son Maître seul en ce monde. J'aurais été capable de me tuer à mon tour. Je ne veux pas que tu m'abandonnes. C'est clair ?
Ses mots et ses actes l'excitent de nouveau. Il se relève pour éviter de la reprendre une nouvelle fois.
Il prétend vouloir aller pisser, puis s'arrête en la regardant. Elle est sale de partout. Sa queue se ramollit. Un moment de contemplation. Sa botte terreuse se pose sous sa gorge.
-Tu veux que je me soulage sur toi, sale petite chienne ?
Il la relâche et pour l'aider à l'accepter, cette même botte va se placer entre ses jambes. Un petit coup pour l'y caler. Elle ressent le plaisir, ondule contre le cuir du pied de son Maître. Elle ose un timide « oui » après quelques secondes de réflexion. Il sourit. Elle n'a plus d'honneur, plus de fierté, accepte d'être dégradée et avilie jusqu'à être moins qu'humaine. Une sale chienne. Qu'il souille allègrement. Le premier jet est hésitant, ce ne sera qu'une petite envolée, qui s'arrête une seconde, et le flot se déverse sur elle. Sa gueule d'abord. Son corps ensuite. Il se finit entièrement. C'était l'endroit parfait pour ça. La recouvre de son fluide le plus vil. Ce n'est pas sa tasse de thé, pourtant, on aurait pu le faire jurer qu'il n'aime pas ça l'heure d'avant, et qu'il ne se voyait pas faire ça. Mais au plus profond de lui, et d'elle aussi, ils sentaient que c'était nécessaire, pour parachever le tableau dignement comme jamais ils ne l'avaient fait. Un échelon de plus dans son rabaissement et sa soumission la plus totale.
Il a de nouveau envie de la baiser.
-
L'orage semblait avoir fui vers des cieux meilleurs. Du sol, elle admira vaguement la voûte céleste libérée du fardeau qu'étaient les nuages. Des étoiles apparurent, scintillantes, hautes, brillantes et lui remémorèrent Tout ce qu'elle chérissait de plus: l'univers, l'espace, des mondes prometteurs et inconnus. Akina dut même en sourire tant la vision lui parut idyllique. Jusqu'à ce qu'une vilaine odeur la ramène à la réalité. Ses mains crispées remontèrent à son cou fragile et ses doigts ripèrent contre la peau blessée de sa gorge que le sang, l'urine et le foutre rendaient glissante.
Elle hurla de douleur et se tordit au sol. La pauvre chose avait eu l'impression de planer pendant des heures, abusée et jouissante. La descente était rude. C'était comme avoir été mise sous sédatif et voir brusquement son baxter de morphine arraché. Péniblement, elle produit un effort surhumain afin de ramper à quatre pattes vers Siegfried. Ses ongles s'enfoncent dans la fange froide et elle les remonta sur les jambes de son adoré possesseur, lui sacrifiant sa figure souillée dont les yeux demeuraient purs et immaculés.
« Mein Herr.... » soupira-t-elle d'une voix raillée. La pression sur ses cordes vocales avait été de trop.
Son souffle irrégulier heurta la virilité prussienne, sitôt remplacé par ses lèvres tièdes. Elle embrassa ce qu'elle vénérait, sortit ensuite sa langue pour nettoyer ce qu'il restait de fluides.
« Laissez-moi vous parlez....du choix du Maître. » dicta sérieusement le pasteur. Abraham et sa famille étaient assis au premier rang, comme tous les dimanche depuis 1873. Akina avait Anton à ses côtés et serrait sa main au creux de la sienne. « Examinons la stratégie du Maître... »
Les coups de langue laissèrent rapidement place à une fellation appliquée. Elle avait faim de cette dépendance et avalait les centimètres de chair, sentant au fil de ses attentions l'érection s'imposer dans sa bouche étroite, descendre au fond de sa gorge. Elle régurgita un mélange peu appétissant, mais une main ferme sur son crâne la contraignit à poursuivre.
« Jésus utilise une nécessité commune. Quand la femme arrive au puits, il lui demande à boire. « Donne-moi à boire. » Lui dit-il. Jésus avait soif et la femme aussi. Malgré leur différence de race, de sexe et de religion, ils avaient tous les deux soifs. »
Akina leva un regard sur la figure stoïque de son amant. Il était tiré à quatre épingle et avait troqué l'habit de travail contre un costume trois-pièces très élégant dès qu'Abraham avait décidé que personne ne louperait la messe du dimanche après Noël.
« Après lui avoir parlé de leurs besoins physiques...il lui parle de l'eau vive. Immédiatement la femme lui pose des questions. « D'où aurais-tu cette eau vive ? »
Il n'avait pas résisté à l'idée de lui ravager la mâchoire. Ses coups de reins étaient impitoyables contre la figure angélique de sa belle esclave. Elle opposait à cette brutalité des gémissements de souffrance, étouffés par les pénétrations nombreuses.
A l'église, le pasteur poursuivait tranquillement son sermon. « Elle prend conscience que Jésus lui parle d'une autre sorte d'eau. ».
Le foutre inonda sa bouche sans prévenir. Elle avait bien saisi les grognements moins espacés de l'ancien SS, elle l'avait senti sur le point de se purger en elle, encore une fois. La poigne sur sa chevelure s'était montrée plus impérieuse et de facto plus douloureuse.
Quelques Amen émerveillés furent soufflés par les bouches ferventes présentes ce jour-là. Le révérend lui-même était accaparé par son discours, les yeux dressés vers le fond de la salle. Scarlett délaissa la main de son compagnon pour l'aventurer sur la cuisse de ce dernier et frôler sa braguette d'une caresse insistante. « Jésus amène la femme à reconnaître qu'il est le Messie. Et conclut en disant... »
« Je suis ton Maître. Je n'ai peut-être pas assez insisté sur cette histoire de possession. Pourtant, tu es venue de toi-même. Tu t'es agenouillée. Tu l'as dit toi-même. » déclara-t-il alors qu'elle était attachée sur le lit, les deux poignets liés ensemble au-dessus de son visage blême. « Pensais-tu que c'était un jeu ? Des paroles en l'air ? »
« -Non, mein Herr.
-Jusqu'à notre départ, tu restes attachée sur ce lit. Tu me vides. C'est tout. Si tu dois aller aux toilettes, tu patientes que je sois là pour me le demander. Tu manges et bois mon foutre uniquement. Si tu es assez docile, je te le servirai dans une boisson ou dans un plat. Tu ne sors jamais sans moi. »
Elle ne dit rien. Siegfried passa le revers de sa main contre la joue de sa fiancée et elle détourna son minois pour y échapper. Un soupire déçu franchit les lèvres de l'allemand.
« -Ecarte les jambes et supplie. » ordonna-t-il en débouclant sa ceinture.
La belle lui envoya un regard brûlant et provoquant tandis qu'elle éloignait ses cuisses l'une de l'autre à l'image d'une bonne pute. Elle portait encore sa robe du dimanche et le mouvement indécent en retroussa les ourlets fleuris. Aucune trace de sous-vêtements.
« -Je vous en prie, mein Herr. Prenez-moi... » commence-t-elle à implorer d'une voix luxurieuse. « Je veux être votre chose, je ne jouirai pas sans votre permission. Laissez-moi encaisser, s'il vous plaît. »
La semaine suivante, elle ne quitta pas la chambre. Hormis pour ses besoins primaires qu'Anton lui accordait dès son retour des champs et des vergers. Il avait poursuivi le labeur. John était reparti le soir de Noël, et n'avait par conséquent pas pu admirer la déchéance de sa nièce. Abraham avait demandé ce qu'il s'était passé. Non pas inquiet pour l'état de santé de sa petite fille, couverte de sang, et pudiquement emmitouflée dans la chemise du prussien, mais plutôt parce qu'il craignait qu'un intrus se soit glissé dans le domaine. Elle répondit ce que l'ancien capitaine lui avait ordonné de répondre : « J'ai été corrigée. Je ne manquerai plus de respect maintenant. » Le vieillard avait hésité à prendre son Remington et à plomber son futur gendre. Il fallait dire que la gamine était vraiment dans un sale état. Spécifiquement au niveau de son cou, si bien qu'il aurait pu la croire égorgée.Toutefois, il haussa les épaules et indiqua à Siegfried qu'il y avait le numéro du docteur du coin, si jamais, quelque part dans un tiroir de la cuisine. Il ne s'était jamais mêlé des affaires de couple de ses fistons. Il n'allait pas déroger à cette règle avec sa petite-fille. C'était cette soirée-là qu'il avait prévenu que le lendemain, tout le monde avait intérêt à être à la messe.
Le vieux fermier avait finalement ployé à l'argumentaire d'Anton concernant les blés. La défriche des pommiers avait débuté sous ses ordres et il avait chargé le noble d'en superviser la tenue. Il venait lui-même vérifier les avancées des travaux dans cette partie du ranch et se surprenait à prendre du plaisir à côtoyer l'immortel, comme si ce fut l'un de ses propres fils.
Tout dépendait de la dose de sérum, ensuite. Akina ayant brisé une bonne partie de ses réserves, et la punition qu'elle subissait en ce moment même était reliée à ce sinistre fait, il avait dû rationner. Ce n'était pas un sevrage, mais il se dopait moins qu'à l'accoutumée. Durant la journée, il encaissait patiemment les effets dus au manque. Il ne prenait parfois même pas la peine de se laver une fois de retour. Il montait à l'étage, claquait la porte de la chambre et en fonction de sa fatigue, la torturait un peu ou non avant de se mettre à la prendre brutalement.
Interdiction formelle de jouir était donnée à chaque début de coït. Interdiction de gémir, de crier. Il ne souhaitait pas être témoin du moindre plaisir qu'elle pourrait prendre puisqu'elle était châtiée. Et pour rendre cette prohibition plus insupportable encore, il se contentait de sa matrice jusqu'à dix fois en une même soirée. Espacées par des pauses cigarettes, par le repas ou par une sieste. Elle dut se discipliner, brisée par la frustration de repousser à chaque ébat, la jouissance procurée par la trique du prussien. A quelques occasions, il lui permettait de goûter au sperme, dans un bol de soupe ou directement en giclant entre ses lèvres. Dans la plupart des cas, le foutre lui arrivait droit dans ses chairs intimes.
« -Tu m'as contraint à rationner mes doses. Alors même que je t'ai dit que j'étais prêt à me sevrer dès notre retour au Japon. Sale pute. Même si je suis le seul à blâmer d'avoir voulu obéir à ma chienne. Par conséquent, je rationne également tes repas. »
La faim et la soif la tiraillaient tant en journée, en plus de l'ennui, qu'elle attendait avec une impatience certaine le retour de son Maître. Après quatre jours à subir le même traitement, elle se conditionnait volontiers à la soumission. Quand il reprenait un peu ses esprits, il vérifiait les dégâts occasionnés sur son cou gracile. La marque de la pendaison demeurait abrasive. Il avait beau avoir bandé et désinfecté le plus gros, il fallait se rendre à l'évidence : c'était un collier permanent qu'elle porterait par la marque d'une cicatrice.
« -Peut-être que c'est ça que je devrais attendre de toi.
-Quoi ? »
Elle se ravisa soudainement :
« -Quoi donc, mein Herr ?
-Une baronne. Une épouse. Au lit, à prendre mon foutre dans la chatte en attendant un héritier. A côté, j'aurais d'autres putes. Des vraies chiennes sans doute. Obéissantes, comme je les apprécie. Elles seraient assez bonnes pour que je les laisse jouir. »
Il mentait, elle le savait. Quelque part, elle le savait, mais la détresse psychologique apportée par ce discours odieux fut sans précédent. Inconsciemment, elle chercha à se libérer de ses liens ; ne voyant pas d'autres solutions pour protester contre cette éventualité.
« -Libérez-moi, Anton. Libérez-moi ! »
Ses jambes s'agitèrent vivement, elle se démenait sur le lit et lui, assis au bord, l'admirait s'épuiser en vain.
« -Je ne passe pas la nuit avec toi.
-Non ! Non ! Non ! Anton ! S'écria-t-elle désemparée à l'idée qu'il découche ailleurs. »
Et ce fut ainsi. Jusqu'au jour du départ. Les fois où il venait, éreinté, la baisait et repartait sans un mot pour ne surgir que le lendemain. Ou celles où il faisait l'effort (ou avait l'envie) de rester avec elle, pour partager sa couche, parler même et la rappeler à sa condition de dépendance.
Ce matin, il coupa sèchement les liens de la belle. Libre. Enfin presque. Elle devait l'aider à ramasser leurs affaires. Les jambes cotonneuses et les bras courbaturés, elle s'exécuta lentement. Une douche plus tard et leurs bagages étaient dans le salon. Il était temps de faire leurs adieux au vieil Abraham qui rangeait son sapin de Noël.
« -On t'a pas beaucoup vue, gamine. » se moqua-t-il. « Foutue tourista hein. En plein hiver. »
Et il lança un clin d'oeil complice vers Siegfried. On pouvait effectivement se demander, à ce stade relativement avancé de leur séjour : si la sénilité de Walker ne lui avait pas amputé un peu de raison. Il fit tout de même l'effort d'enlacer Akina, puis demanda à Anton de le rejoindre un petit moment dans la cuisine.
« -Ecoute le boche. J'devrais arrêter de t'appeler comme ça, mais bordel j'ai ptetre buté un de tes arrière-arrière-cousins en 1945. Alors écoute bien. Le ranch, j'te le laisse dès ma mort s'tu veux. Ne te méprends pas hein. Si tu prends la petite, tu deviens un Walker. Pas l'inverse. Réfléchis bien à ça. »
-
-Abraham. Vous m'avez accueilli comme un fils, je n'oublierai jamais ça. Mais aussi bien que je deviens un Walker en me mariant avec elle, Scarlett devient une baronne allemande. Et ça aussi, c'est non-négociable. Elle gagne un titre et un territoire. Je promet cependant qu'elle restera une bonne américaine.
Il ne dira pas qu'il a buté bien plus d'américain qu'il n'a pu blesser d'allemands.
Dans l'avion, il avait exigé une faveur, bien évidemment. Il avait opté pour les toilettes dans un premier temps, mais une queue conséquente l'en dissuade. Il se contient alors ; l'avion arrivant en pleine nuit, il profite de l'obscurité instaurée dans l'avion juste avant l'atterrissage pour enfiler ses lèvres et s'y vider, vite fait, bien fait.
Relatif silence et douce quiétude jusqu'à ce qu'enfin ils arrivent à son appartement. Il dépose ses valises et rallume enfin son téléphone, privé de réseau mobile depuis la sortie du Japon. 11 SMS arrivent. Il les consulte à la va-vite. Rien de bien intéressant. Il répondra plus tard.
Il se saisit d'un papier, d'un crayon, se pose sur sa petite table à manger, et appelle Akina pour lui désigne le sol, non-loin de lui.
-À genoux.
Elle s'exécute docilement. Il se tait, écrit d'une traite ce qu'il avait en tête. Le document est déposé au sol tandis qu'il remet son manteau.
-Je vais faire des courses. J'en ai pour disons... deux heures. Je te laisse le choix de briser tes chaînes. Je ne suis pas un monstre. Je te propose simplement de renouveler ton consentement. Si tu décides de partir, il n'y aura pas de représailles. Je continuerais à te défendre devant ton père, je ferais ce que je peux pour être un ami, ou quelque chose du genre. Mais nous n'aurons aucune autre sorte de relation. En revanche, si tu es encore là, dans la même position, je considérerais que tu désires toujours être ma chose. Avec ce que ça implique. C'est bien assez de réflexion pour une chienne telle que toi. Si tu décides de partir, pas de drama, prend tes affaires et dégage. Si tu restes, tes genoux n'auront pas bougé malgré la douleur. Et tu auras fait la même chose de l'autre côté de la feuille.
La porte claque.
Sur le papier qu'il a laissé près d'elle, deux colonnes, remplies de son écriture droite et soignée, et paraphée avec simplicité par son vrai nom. La première semblait assez courte.
- Sérieux
- Amant exceptionnel
- Attentionné
- Bon parti
- Loyal
À droite, la liste était bien plus longue.
- Dérangé
- Autoritaire
- Colérique
- Maniaque
- Pervers
Malade Mourant- Orgueilleux
- Tendance à la destruction
- Lourd passif
- Criminel
-
A son retour, il aurait pu trouver le papier aux côtés de là où fut assise la métisse, sans aucune trace d'elle pourtant. Le crayon en revanche était à des mètres de là, la mine brisée. Elle avait écrit en japonais, des beaux kanjis, bien calligraphiés quoiqu'un peu bâclés sur les derniers mots comme si les émotions avaient repris le dessus.
Colonne de gauche.
*Fidèle
*Sincère
*Courageuse
*Soumise. (Puis entre parenthèse était rajouté : A vous.)
*Vit dans son siècle. (Très important celui-là, elle l'avait souligné DEUX fois. Pour qui est perspicace, il s'agit d'une énième allusion aux rêves étranges.)
Colonne de droite.
*Naïve
*Insouciante
*Curieuse (Fouineuse?)
*Forte propension à s'attirer des ennuis.
*Banale
*Amoureuse (?)
*Complice d'un criminel.
Elle avait disposé le papier sur sa cuisse et avait écrit en l'état, malgré la position. Akina s'était décidée une heure trente après le départ du prussien. Dégageait-elle ou non ? Une part d'elle-même niait ce choix, l'autre l'encensait. Rester soumise, réitérer son consentement : son innocence enterrée. Sur ces dernières pensées, elle avait terminé sa liste avant de lancer le crayon contre le mur proche où la mine s'était cassée.
En quelques-mois rien avait changé. Il l'avait demandé en mariage, mais demeurait indifférent à l'idée de la perdre. Pourquoi n'avait-elle pas pensé à charger ce foutu fusil ? Pourquoi ? Ses chevilles finissent par devenir douloureuse à cause du poids de sa croupe posée dessus. Plus qu'une dizaine de minutes, il reviendrait et la trouverait agenouillée : comme ils le prévoyaient tous les deux. Et elle mirait sa main gauche, plus particulièrement l'annulaire cintré de la bague de fiançailles.
Une porte claqua subitement. Un coup d'oeil vers l'horloge. Deux minutes avant le retour de Siegfried. Lui dont la ponctualité n'était plus à prouver, réglé à l'heure allemande, elle s'étonna qu'il puisse être rentré en avance. Nouveau claquement, plus proche. Elle sursauta en sentant une présence passer dans son dos. Vivement, elle se retourna pour apercevoir une silhouette filer vers le couloir.
« -Mein Herr ? »
Elle fronça les sourcils. Encore un bruit de porte claquée. Cette fois, elle se releva et courut dans le couloir, en direction de la chambre. La porte était fermée et elle distinguait clairement des sons de l'autre côté. Des éclats de voix masculine dont l'intonation était allemande.
« -Anton ?! »
Walker tenta d'actionner la poignée sans succès. On avait verrouillé depuis l'intérieur. Soudain, elle s'inquiéta.
« -Anton ? C'est vous ?! Je suis restée ! Je suis restée à genou... Ouvrez ! »
Et elle frappa de la paume contre la porte, s'acharna dessus.
« -Ouvrez ! »
Enfin, la porte céda. Elle s'engouffra dans la chambre avec hâte. Un homme était là, en uniforme. Il lui tournait le dos. Lorsqu'il fit volte-face au moment de l'arrivée d'Akina, elle reconnut toute une myriade d'hommes : Christian, Léopold, Dieter, Kenneth peut-être. Et il disparut, s'évanouissant de sa vision. Avait-elle halluciné ? Elle se retint à la porte quand une autre claque de nouveau. C'était celle d'entrée. Siegfried était de retour. Pour de bon et elle n'était pas agenouillée dans le salon. Scarlett ferma les yeux. Et merde.
-
Premièrement, le petit supermarché du coin japonaise. Tous les produits de base avaient remplis un immense premier sac en plastique épais. Puis, plus loin, parce qu'il vivait dans un quartier très occidental, il s'était rendu dans une épicerie européenne. Le rayon allemand n'était pas très rempli – les stocks variaient beaucoup chaque semaine. Le patron n'était pas ce qu'il y avait de plus sérieux, d'autant que le nombre de fournisseurs était immense pour une si petite enseigne. Deuxième sac, plus petit mais blindé aussi. Heureusement que les rayons français et russes avaient ce qu'il faut pour contenter ses petits envies nostalgiques. Il avait ensuite été loin, bien loin, pour trouver une chocolaterie de luxe. Tenue par une nippone, formée en Europe aussi. C'est surtout pour ça qu'il lui faisait confiance. Il avait pris un peu de toutes ses spécialités, bien rangées dans une boîte en longueur aux motifs rose et blanc.
Un petit tour de bus, deux arrêts, pour descendre juste à côté de son appartement. Lorsque la porte s'ouvre, le vent s'y engouffre. Quelques papiers sur la table s'envolent. La lumière est éteinte.
Il n'y a personne. Rien.
La valise n'est plus là. Les affaires ne sont plus là. Il voit, au sol, parmi les documents encore frémissants, la liste de ses défauts. Il la ramasse. Il n'y a rien au dos. Le stylo traîne non-loin. L'anxiété le transperce. Il sait habituellement se résigner assez vite, mais sur l'instant, c'est comme si on lui avait retiré un organe. Comme s'il était seul, lâché dans l'hostilité.
Il fait quelques pas. Il fait froid. Sombre. La pièce semble immense. Il serre compulsivement sa mâchoire. Pourquoi ? A-t-il été trop loin ? Il voudrait comprendre. Les minutes défilent, puis les jours. Puis les mois. Le monde se délabre autour de lui, et il ne parvient pas à arrêter la marche du temps. L'immortel reste là, debout, tandis que tout s'écroule. Les gens passent. La peinture tombe. Les cris, les pleurs, les rires sont tous lointains, comme émis par-delà une cloison épaisse. Chaque fois qu'il cligne des paupières, c'est une nouvelle génération qui défile devant sa carcasse dressée.
Et un « ding » arrête tout. L'appartement est fermé, propre, une légère odeur de jasmin mêlé d'un parfum de viande cuite rôde. Les volets sont fermés, les lumières artificielles sont toutes éteintes, mais on y voit comme en fin d'après-midi, grâce aux nombreuses bougies. Il cherche d'où vient le tintement entendu. En s'approchant de la cuisine, il y voit sa belle Akina, coupe sophistiquée, robe rouge à pois blanc, courte, à volants, mais au décolleté très sage, petites dentelles, bras nus. Elle s'illumine en l'apercevant.
-Bonsoir, Mein Herr !
Accent allemand impeccable. Elle se jette sur lui, et dépose un léger baiser sur sa joue, puis sur le revers de sa main qu'elle ira chercher.
-J'ai fait l'un de vos plats préférés. Carré d'agneau, risotto aux noix et à la pistache, et le gâteau à la pomme et à la cerise de votre mère. Prenez place.
Abasourdi, il la regarde extraire du four ledit plat, attraper un couteau pour le découper. Attrapant son assiette tandis qu'il s'assied, elle fera un large dôme du risotto dans la casserole, déposera trois tranches de viande à côté, puis amène une part de gâteau juste à côté. Elle s'agenouille ensuite, et reprend sa main.
-Bon appétit, mon Maître.
Elle prend immédiatement les doigts de sa main droite entre ses lèvres gourmandes pour les sucer avec appétit.
-Tu permets, j'ai besoin de ma main pour manger.
Il se saisit de ses couverts en lui souriant. Sa petite moue marque une profonde déception, presque de la tristesse.
-Mein Herr... J'ai faim, j'ai si faim... Vous permettez que je me nourrisse ? Laissez-moi manger...
-Fais donc.
Il s'attendait à la voir se relever. Bien au contraire. Elle rampe sous la table. Il sent ses mains sur sa braguette. Il ne peut lutter. Il doit coopérer. Elle extrait sa queue et la prendra dans sa bouche. Il sursaute. Bordel. Le plat est excellent. Depuis quand cuisine-t-elle si bien ? Et elle suce de mieux en mieux, aussi. Il est au paradis.
-Anton ?
La porte d'entrée claque. Il est devant. Il trouve le papier avec ses qualités et ses défauts marqués. Il sourit en les lisant. Elle apparaît devant lui. Elle n'est pas à genoux.
-Anton, je suis désolé, il y avait...
-Ta gueule.
Il approche. Ses genoux démontrent largement le temps passé à terre.
-Tu as mal ?
Elle acquièsce avec une humilité certaine. Il lui colle une claque, puis empoigne violemment ses cheveux pour l'embrasser.
-Tu passeras le reste de la soirée dans la position que tu n'aurais pas dû quitter. Je vais préparer le repas en attendant. C'est un petit quelque chose pour toi, pour quand ta punition sera terminée.
Désormais, leur relation est clairement établie, et consentie des deux côtés. Il ne semble pas spécialement en colère. Extrayant les chocolats du sac, il les pose à terre, juste devant elle, avant d'aller vers la cuisine. Il n'y a rien, ni personne. Regret.
-
«
En réalité, j'espère que d'ici quelques décennies nous n’appellerons plus les médecins, des médecins mais plutôt des...hm....mécaniciens biologique ? Regardez ces photographies...prises à titre expérimental. »
La métisse s'est retournée vers l'écran du rétroprojecteur afin de vérifier que les clichés de l'opération s'affichent correctement. Quatre images. Un bras amputé, une nuque entaillée avec une puce visible, une seringue emplie d'un liquide transparent.
«
L'équipe du professeur Reuters, dont je fais partie. Travaille aujourd'hui à éviter toute chirurgie lourde par l'injection de nanoparticules créées par l'homme et rien que l'homme. Nous n'aurons plus besoin de médicaments. L'ère de la manipulation au niveau de la molécule et du chimique sera révolue et digne d'un autre âge. Nous sommes à l'image d'une machine. Sauf que nous sommes organiques, certes. »
Sa diction est parfois hésitante, mais son regard absolument rempli d'assurance. Elle mire l'assemblée des étudiants dont la plupart boivent ses paroles. Les autres se contentent de rumeurs indignées et discutent entre eux de la possibilité d'un tel futur. Quelques-uns observent les incessantes allées et venues sur l'estrade de l'amphithéâtre qu'opère l'assistante. Sa nervosité est évidente et elle enchaîne les cent pas, ajustant de temps à autre le micro accroché à sa blouse. Quand elle cherche ses mots, elle agite ses doigts près de sa tempe et reprend subitement.
«
La science doit augmenter l'homme, non le diminuer. » poursuit-elle en s'arrêtant, les mains plongées dans ses poches. «
Je vous invite à réfléchir sur le rapport entre l'Homme et la machine. Où commence l'un, où se termine l'autre et inversement. Quand un chirurgien remplace un cœur ou un rein. Ne fait-il pas de la mécanique ? Le fait de pouvoir créer la vie in vitro, de cloner ? Ne peut-on guère l'assimiler à des produits que l'on fabrique en usine ? Connaissez-vous le nombre d'embryons non-désirés lors des fécondations in vitro que les hôpitaux conservent ? Congelés. Vous en seriez tout autant glacé. Des statistiques. Pensez qu'il n'y a jamais rien de bien naturel dans les statistiques. »
Sur ces considérations, le cous magistral se termine. Les étudiants sont remerciés. Ils s'ébrouent et regagnent la sortie : le téléphone portable encore en main pour ceux qui ne l'ont pas quitté tout au long de la séance. Très peu prennent la peine de regarder vers la scène où Akina vient de prester deux longues heures d'un spectacle instructif. Chris l'avait prévenu qu'il ne serait pas présent pour cette rentrée et qu'elle devrait gérer son cours seule.
Un rapide tour au laboratoire afin de finaliser un chapitre de son mémoire et de traiter les résultats de ses manipulations, dont la solution fabriquée par les nazis faisait partie. Seule à son poste de travail,, elle retourne le petit flacon dans tous les sens avec une moue intriguée. Cette espèce de fontaine de jouvence maintient en vie son bien-aimé Maître. Elle s'est toujours questionnée sur l’identité des personnes qui le produisaient encore.
Qui est le fournisseur de Siegfried ? Comment reproduire une telle substance dans le plus grand secret sans matériel approprié ? A côté, son écran de PC reluit et expose ces dernières conclusions. Elle finit par rejeter le sérum miracle.
Une molécule, rien de plus qu'une molécule. Or l'avenir, pense-t-elle,
ce sont les nanoparticules. Il n'est pas loin de quatorze heures lorsqu'elle quitte le laboratoire facultaire. Elle se débarrasse de sa blouse blanche, récupère son manteau d'hiver aux vestiaires et salue l'agent de sécurité en quittant. Elle a un cours avec Madame Okamura en début de soirée, ce qui lui laisse le temps de retourner chez Jack, où elle doit récupérer quelques affaires. Akina, en jeune femme prévenante, a déjà averti son oncle la veille de son passage éclair. « Sois présent », lui a-t-elle dit « Je n'ai plus les clés. » Et il lui a juré sur toutes les putes qu'il s'était envoyées qu'il serait là. « Promis, juré, craché gamine. »
Le bus la dépose au coin de son ancienne rue. Dès les premiers mètres vers l'ancien foyer parcourus, elle est prise d'un mauvais pressentiment. Au loin, elle aperçoit des gyrophares : bleu, rouge, orange. La lumière du jour a beau frappé Seikusu avec une rare intensité ce jour-là, les sirènes silencieuses se font plus éclatantes qu'en pleine nuit. Elle presse soudainement le pas. L'agitation semble venir de chez elle. Plus elle se rapproche, plus ses doutes se confirment. Le voisinage immédiat assiste au spectacle tandis que la métisse se heurte à un cordon de sécurité policier.
« -Désolée, Mademoiselle...
-Non...vous ne comprenez pas...c'est ma maison... »
La belle panique, elle a repéré la fourgonnette de la morgue, mais aucune ambulance. Son coeur s'emballe vivement, elle craint le pire.
« -Reculez, Mademoiselle.
-Merde ! C'est chez moi !-Ca va, agent Agawa ! Je connais cette petite ! Faîtes-la passer ! » intervient la voix familière du Lieutenant Wadara. On lui ouvre un accès et Walker rejoint l'officier sur le perron, remontant la petite allée au pas de course.
«
-Lieutenant, que se passe-t-il ?! -Ecoutez... »
Elle le repousse et s'introduit dans la villa familiale. La police scientifique est présente également. Quand elle atteint enfin le salon, elle découvre avec horreur le corps de James étendu au sol, marqué d'un seul impact de balle : à la tête, entre les deux yeux. Chancelante, l'étudiante se précipite.
«
-Non ! Non ! Oncle James ! NON » hurle-t-elle, échevelée et en proie au désarroi.
« -Merde... ! » jure le légiste qui effectue les premiers constats. « Eloignez-moi cette femme ! »
Et c'est un policier qui s'en occupe, l'agrippant fermement par les épaules pour la faire reculer. Elle ne se débat pas, sous le choc : incapable d'y croire. Ses yeux admirent les personnes sur place, dans l'espoir de trouver l'ombre d'un sourire qui augurerait une blague. Rien. Que des professionnels.
Quelque chose vient de se briser en elle.
« - Voici l'officier Uda, c'est mon assistant. Il sera nommé lieutenant quand je partirai à la retraite.
-Mademoiselle, salue le concerné. Celui qui venait de la tirer du spectacle morbide. Il remarque qu'elle est toute pâle et n'ose en dire plus.
-Que...qu'est-il arrivé à mon oncle ? Demande-t-elle péniblement, réprimant ses sanglots.
-Un homicide, volontaire.
-Qui ? »
Le vieux flic hésite et consulte son disciple du regard avant de répondre.
« -Plusieurs voisins ont cru reconnaître une berline noire. Avec une plaque russe. Quitter les lieux.
-Quoi ? Une plaque...-Russe. Il va falloir nous accompagner au commissariat, Walker-san, nous avons plusieurs questions à vous poser... »
Mais elle ne les entend déjà plus, les liens se font dans son esprit torturé. Les mécanismes s'enclenchent dans sa douleur profonde. Ils patientent après sa réponse. Elle les regarde à tour de rôle avant de se mettre à courir vers la sortie. Uda est le premier à réagir.
« HEY ! »
Dans le vestibule, elle attrape les clefs de la vieille Chevrolet, bouscule au passage les officiels pour atteindre sa voiture. Elle déverrouille, s'y engouffre, Uda sur les talons.
« -MADEMOISELLE WALKER ! »
Le moteur vrombit déjà. L'inspecteur compte prendre son propre véhicule pour la poursuivre, mais Wadara lui crie de renoncer. Ils la retrouveront plus tard.
La Chevrolet ralentit devant un bar familier. Scarlett coupe le contact, descend furieusement. L'auto tremble quand elle claque la portière. Elle pénètre le Red Velvet avec une rage incommensurable. Honda est là, au comptoir, il fume une clope. Elle avise d'un oeil un long couteau abandonné sur le bar et qui sert à couper les fruits pour les cocktails. L'américaine s'en saisit en même temps qu'il remarque son arrivée. Ni d'une, ni de deux, il se retrouve avec la lame sous la gorge. La salope appuie le tranchant, il la sent trembler.
« Wo, wo, wo !
-Appelle Tsoukanov, enfoiré ! Appelle-le avec ton téléphone ! Et passe le moi ! DEPECHE-TOI ! Ou je te saigne ! »
Le japonais véreux fait un geste prudent pour récupérer un téléphone dans sa poche. Il compose le numéro lentement et dépose le tout contre son oreille.
« Tsoukanov-sama. Je suis navré de vous déranger. La môme est là. Elle veut vous parler. »
Blanc. Lentement, Honda finit par tendre le portable à son agresseur. Cette dernière le prend de sa main libre, menaçant toujours son ancien patron de l'autre.
«
-Je vais te tuer, Tsoukanov. Te tuer de mes mains. -Toi être sûre ? (Il s'exprime toujours en anglais, avec un accent hideux.) Demande à cet abruti de Honda de te montrer les photos.
-Quelles photos ? »
Puis elle lève les yeux sur le gérant
«
-Montre-moi ces putains de photos ! »
Il se recule doucement, passe derrière le comptoir. Elle, ses mains sont prises avec le téléphone et le couteau. Il extirpe d'un tiroir une enveloppe brune, format A4 qu'il rejette sur le bar, devant elle. La belle abandonne son arme pour se précipiter sur le colis. Le premier cliché lui arrache un hurlement dont le russe se délecte de l'autre côté du téléphone. Il est assis confortablement dans son luxueux bureau de la Mairie de Kaliningrad.
Elle crie une nouvelle fois. C'est Marisol sur les clichés. Ou plutôt son cadavre. Elle sort les autres photographies à la hâte, peinant à respirer.
«
-Je n'y crois pas enfoiré ! Ce n'est pas elle ! CE N'EST PAS ELLE » s'écrie-t-elle dans le combiné, en pleurs.
Sur les autres images, elle est clairement identifiable. Son ventre de femme enceinte. Elle en était au huitième ou septième mois de grossesse. Ses beaux cheveux bruns, sa bouche pulpeuse. Aucune trace de sang, hormis un fin filet pourpre qui suinte sous son nez et aux coins de ces lèvres.
« -
QUAND ? Quand est-ce arrivé ?!-Hier ma belle. Et tu devrais te dépêcher. Parce que le prochain. C'est dans peu de temps. »
Il consulte sa montre, un horrible sourire aux lèvres.
« -
Quoi.... » sanglotte-t-elle, complètement anéantie. «
Quoi... »
« That's an Irishman's cure, Whenever he's on for drinking. To see the lasses smile, laughing all the while, » commence-t-il à chantonner avec son mauvais anglais. « J'aime beaucoup cette chanson. »
Nouveau bris. Kenneth. Elle raccroche rapidement, fourre le téléphone dans la poche dans son manteau et court dehors. Ses mains tremblent sur le volant, elle a dû mal à se calmer. Marisol, merde, Marisol. C'est un vrai cauchemar. Sa meilleure amie...impossible.
Dans la résidence universitaire, aucune agitation de prime abord. Un bruit de dérapement la surprend soudain. Elle aperçoit une voiture noire qui file à toute allure. Plaque russe. Son coeur se glace, elle est arrivée trop tard ! Ses jambes la portent rapidement à l'étage où vit l'irlandais. Elle a entendu des cris. La porte de son studio est ouverte, plusieurs étudiants sont agglutinés devant. Elle les pousse en hurlant pour pénétrer l'espace. Il y a du sang partout sur le plancher. Kenneth repose au milieu du désastre. Yamata est à ses côtés.
«
Kenneth... » murmure-t-elle en se rapprochant. Personne ne semble la remarquer. Yamata est occupé à tenter d'endiguer l’hémorragie. Elle tombe à genou. On lui arrache le coeur, c'est la même douleur. Les larmes ne s'arrêtent plus. Elle se penche et prend l'étudiant agonisant dans ses bras pour le presser.
«
Kenneth, je suis tellement désolée, pas toi....pas toi...-Putain ! Akina ! Lâche-le ! J'essaie de le soigner, on a averti les secours ! LACHE-LE !
-Non ! Il est mort !-Il respire encore ! LACHE ! »
Yamata doit faire signe à deux gaillards pour qu'ils contraignent Walker à lâcher prise. Là, elle se débat. Ils forcent davantage, elle a mal, crie, résiste jusqu'à être plaquée contre un mur et bloquée. Elle finit par se calmer, désorientée. Puis ressent une faible vibration dans sa poche : le téléphone. Les deux étudiants la relâchent et vont veiller avec Yamata. Dans le lointain le son des sirènes d'ambulances et de polices résonnent conjointement. Les rumeurs des témoins s'intensifient aussi. On jase à la porte. Tu as vu quelque chose ? Oui, deux hommes en costume. Moi j'ai entendu un coup de feu. Non, ils étaient trois. Pauvre Kenneth.
Elle ressort dans le couloir, fond de nouveau en larmes et décroche avec peine.
« -Il paraît que Sendaï est une ville magnifique. Je vais la recommander à mes compatriotes.
-
Non....non....je t'en prie...pas mes grands-parents...pleure-t-elle.
-Si dans une heure, tu n'es pas à mes pieds, pute. Je te promets que la liste sera longue. Et je finirai par l'allemand. Où qu'il soit, je le trouverai, je le ramènerai devant ta petite gueule de merde et je le tuerai très, très lentement.
-Que...veux-tu...
-Dans une heure, au port de Seikusu. Quai industriel. Il y a un bateau russe. Un pétrolier. Tu montes dedans. Si dans une heure, tu n'es pas à bord, prépare-toi à fleurir d'autres tombes. »
Sitôt la conversation téléphonique terminée, elle se débarrasse du portable étranger pour éviter d'être géolocalisée. Dans les escaliers, elle se fait toute petite en croisant les policiers, étudiante comme une autre. Siegfried travaille aujourd'hui. Elle ne sait plus où. Si bien que quand elle arrive à l'appartement, dix minutes plus tard, il est vide de toute présence. D'instinct, elle se dirige dans la chambre attrape un sac de sport, l'éventre et va ouvrir l'armoire avant d'accéder à une planque qui consiste en un râtelier ingénieusement fixé et caché dans un faux-fond. Elle sélectionne un Colt qu'elle fourgue dans la ceinture de son jeans, à l'arrière. Il lui avait montré une fois cette cachette. Un au cas où. Ce n'était pas une armurerie aussi fournie que celle de Jack Walker, mais elle trouve tout de même son bonheur dans un HK G-36 de la Bundeswehr. Allemand jusqu'au bout des ongles.
Elle met le fusil dans le sac de sport, prend un chargeur de plus, bourre des vêtements au hasard par-dessus, referme soigneusement l'armoire puis le sac. En quittant l'immeuble, elle enverra un premier SMS à son Maître.
« Urgent. Port. Quai Industriel. Dans 30min. »
Elle décide de prendre le bus, par crainte que la Chevrolet n'ait été signalée par Wadara et Uda. Dans la navette direct jusqu'au port. Elle enchaîne un second message, en anglais.
« Hold a gun. That would be better. »
Que dire du port de Seikusu ? Morose en hiver, peu d'activités autres que la pêche. Le quai industriel est généralement réservé au transport de frêt par voie maritime, mais à cette époque de l'année peu de navire y ont jeté l'ancre. La victime est belle. Malgré sa longue chevelure défaite, ses grands yeux marqués de chagrin et ses lèvres pincées de colère. Elle porte un jean sombre, moulant, des bottes hautes et un chemisier pourpre. Son manteau par-dessus, elle a l'air d'une héroïne de tragédie. Son maquillage est vaporeux sur sa figure angélique, à cause de ses pleurs.
Le pétrolier se dresse avec un pavillon russe. Imposant et son sombre, il semble daté de l'ère soviétique. La soute est ouverte, deux hommes veillent. Le sac de sport qu'elle porte à bout de bras est abandonné près d'une bitte d'amarrage. La belle ne se contrôle plus, elle approche d'un pas vif. Les hommes la repèrent, crient quelque chose en russe. Elle a déjà sorti son Colt et tire dans le tas. La surprise joue en sa faveur, les deux, qui venaient à sa rencontre au pas de course s'écroulent. L'un bouge encore. Furieuse, elle s'en approche pour lui imposer son poids en se mettant à califourchon dessus. Il supplie, mais elle lui plante le canon dans la gueule.
« MON PROPRE SANG ! »BAM. La balle explose le cerveau.
« MA MEILLEURE AMIE ! » Elle tire, deux fois.
« KENNETH PUTAIN KENNETH ! » Et elle vide le chargeur dans le cadavre. Elle voit rouge, n'a plus la notion de rien. D'autres marins sortent du navire, alertés par les rumeurs de la fusillade. Ils sont armés et elle se sent visée. Un premier tir la frôle. Vivement, elle se recule, court vers le sac de sport en se couvrant derrière la bitte, l'ouvre et arme le HK.
«
-Bande d'enfoirés. » jure-t-elle entre ses dents. Cette fois-ci, ce n'est plus un rêve. «
Je vais tous vous tuer. »
Elle se redresse courageusement, l'arme en main et lance une première salve en mode automatique. Plus elle avance, plus elle tire. Elle exprime sa fureur à tir nourri. Les trois s'effondrent. Une quatrième silhouette sort du bateau. Elle épaule, met un oeil dans le viseur car il est loin. Son étonnement la fait hésiter quand elle reconnaît le bel Alekseï.
« Comme on se retrouve ! » s'exclame-t-il en avançant. D'autres hommes sortent à sa suite, plus nombreux, mieux armés. Il y en a sur le pont désormais, qui la mettent en joue. « Akina.... »
Elle appuie sur la détente, mais le chargeur est vide. Celui de secours resté dans le sac à des mètres derrière elle.
« Putain, Akina. Cinq hommes. Cinq putain d'hommes, pour trois pauvres victimes. Tu as le sens des représailles.
-Et ce n'est pas fini. Ne t'approche PAS !hurle-t-elle. »
Toutefois, il est déjà face à elle. Le canon sur le torse et il la défie d'un sourire bravache. Elle redevient soudainement impuissante, les larmes menacent de poindre. D'une main autoritaire, il éloigne le fusil inutile.
« -Prête pour un aller simple à Kaliningrad ? Mh. Plusieurs semaines de route, en bateau. Plusieurs semaines pour... »
Il dépose un index sur la gorge de la belle et le fait descendre au niveau de la poitrine dont il écarte les pans de chemisier.
« -T'apprendre à être plus docile. »
Le crachat qu'elle lui envoie en pleine face est percutant. Il va pour réagir, la frapper sans aucun doute, mais depuis le pont un homme hurle. Tout se passe très rapidement. Aleksei la regarde encore dans les yeux et puis le noir. Ah si, elle a senti cette petite piqûre dans la nuque, comme l'aiguille d'une seringue. Puis elle s'est effondrée dans les ténèbres.