« In the shadow of the valley
I would like to settle down »
Écouteurs sur la tête, allongée sur la plateforme, Vanessa Sinclair visait les petits individus se promenant au loin. Son chapeau de nonne recouvrait sa tête, la protégeant du soleil. Elle était ici depuis maintenant cinq heures, dans une position impraticable, qu’elle avait trouvé après un long repérage en se promenant dans cette vallée sinistre et chaude. Pleine de poussière, les Badlands méritaient bien leurs noms. Une vaste étendue désertique faisant de cette région le Far West terran. Situé entre Ashnard et Tekhos, on y trouvait des relents technologiques : camps militaires tekhans, bunkers militaires abandonnés datant de l’époque où Tekhos craignait une invasion ashnardienne, petits villages, diligences, voies de chemins de fer, shérifs et marshals armés de fusils à carabine... Et des esclavagistes, des haciendas, des trafiquants de drogues, et des nonnes surarmées se préparant à assiéger les occupants d’une ville fantôme.
Allongée dans le sable, Vanessa tenait entre ses mains gantées un puissant fusil de précision (http://th04.deviantart.net/fs37/PRE/f/2008/248/6/3/Sniper_Rifle_by_beere.jpg), monté sur une échasse, afin de ne pas trop bouger. Elle était à plusieurs centaines de mètres du village, le dominant de toute sa hauteur. C’était une ancienne ville minière, qui avait été attaquée il y a quelques semaines par des bandits travaillant pour le compte d’un seigneur ashnardien vivant à proximité, dans une énorme maison fortifiée. Les villageois avaient été, soit massacrés, soit rendus en esclavage, et les Ashnardiens venaient d’envoyer leur contremaître.
« A little bit further
I will find my rest
In the shadow of the valley
That I love best »
Dans sa tête, les Lost Weekend Western Swing Band chantaient leur amour de la vallée, sur un vieil accent traînant et un petit air d’harmonica superbe. Rien de mieux pour se mettre dans l’ambiance. Elle écoutait la musique tout en observant le village. Il était dressé contre un précipice vertigineux, avec des ascenseurs en bois menant dans les profondeurs du ravin, à savoir la mine, et une petite forêt entrecoupée de ruisseaux et de rochers. La ville fantôme comprenait, sans réelle surprise, de nombreux bâtiments, concentrés autour d’un bâtiment central, faisant office de saloon et de mairie. Les esclaves étaient dans la place centrale, agenouillés sur le sol, tandis qu’un homme encapuchonné s’approchait, entouré d’hommes armés. Les Ashnardiens des Badlands ne se battaient pas avec des lances et des pieux, mais avec des armes à feu, obtenues grâce au marché noir. Elle coupa la musique, et brancha sa radio.
« Il vient d’arriver. »
Il n’y eut aucune réponse, mais Vanessa savait que les autres avaient entendu. Elle regarda à nouveau dans son viseur. L’homme venait d’abattre l’un de ses hommes. Elle aurait pu l’abattre sans difficulté depuis sa position, mais les ordres étaient clairs. Hiro Atayoshi devait, dans la mesure du possible, être capturé vivant.
Le régent de Nexus le voulait en vie, pour se livrer à un procès public, afin de montrer ce qui attendait ceux qui, faisant fi des décrets royaux, copulaient avec l’ennemi. Quand il avait été prouvé qu’Hiro Atayoshi vendait des esclaves aux Ashnardiens, l’opinion publique s’était indignée, et l’homme avait du s’enfuir pour éviter un procès. Il avait été reconnu coupable par contumace, les faits étant accablants, et une prime très généreuse avait été mise pour celui qui le capturerait. La Congrégation avait donc décidé de le traquer. Hiro était un esclavagiste, et, par principe, chaque fois que l’occasion se présentait d’en neutraliser un, l’occasion devait être saisie. De plus, Hiro Atayoshi descendait d’une puissante famille, un solide clan. Sa capture serait une excellente chose. Les Saintes avaient appris qu’il s’était réfugié dans les Badlands, leur champ d’activités, où elles avaient des informateurs un peu partout. Brièvement, elle envisagea de remettre de la musique, mais préféra plutôt se concentrer, afin d’offrir un soutien. Elle s’était entraînée pour tirer de cette distance, mais ses tirs risquaient d’être imprécis. Elle allait notamment devoir tenir compte de l’effet Coriolis, cette force physique qui amenait les tirs à suivre un axe droit en forme de courbe.
Son chargeur était prêt, et elle respirait lentement, l’œil dans le viseur, attendant que ses comparses débarquent. Elles auraient pu opter pour la discrétion, mais ce ne fut pas l’option choisie. Deux vans noirs s’approchaient rapidement, fonçant le long du désert, avec des barbelés et des protections sur les vitres, des plaques de blindage. En les voyant s’approcher, Vanessa se mit en position, et tira, atteignant une sentinelle se trouvant sur un toit. Son fusil était équipé d’un silencieux, et la balle toucha la gorge de l’homme, qui poussa un cri en s’écroulant sur le sol. Le chargeur étant automatique, elle n’eut pas à recharger, et déplaça son viseur, faisant feu à travers une fenêtre. Elle vit une flaque rouge contre le mur opposé, alors que les vans s’arrêtaient devant la ville. Les battants s’ouvrirent, livrant passage à une série de femmes vêtues de noir et de latex, ainsi que de solides armes automatiques. Le premier tir qui vint partit de Lasandra. Un tir de lance-roquettes, qui fila vers une maison, provoquant une superbe explosion.
Ensuite, les Saintes chargèrent. In the shadow of the valley.