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« le: dimanche 28 juillet 2013, 16:54:30 »
La princesse, celle qu'on disait qu'elle était une amie d'enfance de Touahya, même si la pauvre petite amnésique ne se souvenait absolument pas de l'avoir connue avant la veille, avant qu'elle ne la libére des mains des esclavagistes, vint relever sa jeune élève... celle-ci avait fermés les yeux et avait pris un air craintif, plus par habitude que par véritable peur, comme si elle craignait de se faire battre parce qu'elle avait échouée... c'était ce qui lui arrivait souvent, durant l'époque de son dressage, parce qu'elle n'arrivait pas à faire quelque-chose que ses maîtres souhaitaient qu'elle réussisse, ou alors que la jouissance ne venait pas assez vite à leur goût. Lorsqu'elle réussissait, lorsqu'elle se montrait gentille et soumise, elle avait droit à une récompense... mais si elle échouait, alors elle était sévèrement puni, car les vendeurs disaient qu'ils ne voulaient pas perdre de temps dans le dressage pour pouvoir la vendre le plus rapidement possible et ramasser un max d'oseilles. Mais la princesse tengu, malgré ses airs parfois sévère et la honte que lui avait faite ressentir l'ancienne Pipa, se montra plus douce et plus patiente envers elle... visiblement, elle commençait à comprendre le calvaire qu'elle avait due traverser.
Touahya se laissa relever sans en dire d'avantage sur son incompétence en temps que femme-harpie, et laissa Ukiyoe remettre ses habits en place, ses habits que ça mère lui avait confectionné et lui avait offert ce matin... en réalité, Edolie, étant incapable de dormir, attristée d'entendre les gémissements de sa fille durant son sommeil et ayant de trop de pensées qui lui traversaient la tête, avait passé la nuit à les confectionnés pour elle. Avant que sa fille ne soit enlevé et qu'elle devienne la tengu désespérée que tout-le-monde connaissait, elle était une couturière reconnue, dans leur village... son retour semblait lui avoir redonné le cœur au travail. Leur famille étaient tous des créateurs, lui d'armes, elle de vêtement, et leur fille avait autrefois taillé le bois... il ne restait plus qu'à espérait que cela lui reviendrait, un jour. Une fois remise sur ses serres, la jeune fille aux cheveux blonds et aux plumes roses assista à la démonstration et aux explications de la princesse.
L'ancienne-elle se serait outragée de voir la princesse traiter de pauvres petites bêtes comme elle venait de le faire... il fallait dire que si Touahya avait été loin d'être une Blanche-Neige, elle-aussi, en revanche elle avait toujours aimée les animaux, et avait même toujours été douée pour obtenir la confiance de ceux-ci, afin qu'ils posent pour l'une de ces créations. Aujourd'hui, cependant, elle ne fit que regarder avec curiosité ce que faisait Ukiyoe, sans rien dire, et sans montrer la moindre émotion... une preuve de plus qui montrait à quel point elle avait changée. Elle ne fit que faire un très léger sourire lorsqu'elle se mit à rire... et ce ne fut que par politesse, car elle ne comprenait pas ce qu'il y avait de drôle, dans tout-ça. Et encore une fois, les explications que lui donnèrent la princesse furent... déroutantes, pour l'ancienne esclave.
Il fallait qu'elle ait l'envie de voler, mais elle n'en avait encore jamais ressentit le besoin, elle venait seulement d'apprendre qu'elle en était capable... il fallait encore qu'elle trouve ce qu'il y avait de merveilleux dans le fait de voler. Et elle ne devait pas attendre d'ordre... pourtant, les ordres étaient ce qui avaient guidée sa vie durant ces trois dernières années. Elle avait un corps de tengu, mais l'esprit d'un animal, et un animal bien dressé se faisant abandonner, n'ayant plus personne pour le guider, était un animal perdu... c'était aussi peut-être la raison pour laquelle elle ne pouvait pas entendre les pensées de la princesse : parce qu'elle n'avait pas un esprit de tengu. Touahya eut du mal à ne pas baisser timidement la tête lorsque Ukiyoe eut terminée sa démonstration et qu'elle lui eut demandé si elle avait compris...
-Oui, je... je pense. Dit-elle timidement. Mais c'est si compliqué... tout-cela est si... différent de tout ce que je connais.
Touahya craignait tant de choses... elle craignait d'échouer, d'être abandonnée, et de mourir. Elle craignait de plonger la princesse, qui comptait sur elle, dans la honte. Elle craignait de décevoir ses parents... ses parents. Elle éprouvait pour eux un étrange sentiment, pour sa mère, pour son père... elle ne les connaissait seulement depuis hier, mais pourtant, leurs gestes envers elle, leurs paroles, l'avaient touchées... était-cela que l'on appelait "l'amour" ? Ressentait-elle un réel amour pour ces personnes, un amour bien différent que celui que l'esclave qu'elle était avait été obligé de porter à ses maîtres ? Elle craignait de les décevoir... et elle craignait de devoir les quitter. Elle leva alors le visage vers la princesse... son expression de visage n'avait pas changé, elle était toujours craintive, voir soumise... mais quelque-chose avait changé dans ses yeux. Vides et gris au début, ils étaient maintenant illuminés par une sorte de lueur... c'était un début de détermination.
-Je... je veux réessayer, et je veux y arriver... pour mes parents, et pour vous.
Alors, avec des gestes encore lents et craintifs, elle remonta, et reprit sa position initiale. Elle resta un instant perché là, les plumes contre le corps, se remémorant ce que lui avait montrée Ukiyoe... puis elle se rendit compte d'une chose :
-C'est comme une danse, marmonna-t-elle. Je dois bouger au bon moment, tout n'est qu'une question de coordination... je sais danser. Si je coordonne mes mouvements comme à travers mes danses, alors, je devrais y arriver, n'est-ce pas ?
Oui, maintenant qu'elle y réfléchissait, les danses qu'on lui avait appris ressemblaient parfois aux mouvements des ailes des oiseaux qu'elle avait vu... ses maîtres avaient voulus mettre en-avant ce côté exotique, chez-elle, sans pour autant lui apprendre à voler. Elle mit sa théorie en pratique, sauta... et encore une fois, échoua lamentablement, tombant le nez dans la poussière. Mais il y avait du mieux que la dernière fois dans le sens où cette fois-ci, elle avait bougée, elle avait essayée de voler, elle avait battu des ailes... il ne lui manquait plus qu'à réessayer et à affiner sa technique. Alors elle réessaya, encore et encore, sous les conseils et les encouragements de son amie. Petits à petits, son vol se confirma... elle tombait toujours, mais réussissait à aller plus loin. Au bout d'un moment, des tengus se rassemblèrent autour d'eux pour assister à ses tentatives... beaucoup se moquaient d'elle à chaque échec, mais elle arrivait à les ignorer. Et enfin, elle arriva à quelque-chose...
En battant des ailes, elle arriva à monter... un mètre... deux mètres au-dessus du rocher... mais elle ne put pas aller plus haut et retomba... cependant, elle ne s'écrasa pas : gardant les ailes tendus, elle plana vers le sol et se posa sur ses serres, de façon un peu maladroite, mais elle réussit à tenir debout. Et elle resta un instant immobile, les épaules tremblantes, le temps de reprendre son souffle... l'entraînement l'avait épuisée, et elle n'avait jamais eue autant mal aux ailes. Les heures étaient passées, et le soleil comme la chaleur était monté... il n'était pas loin de midi.