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Aida déposa le verre de vin Toscan devant Elena alors que celle-ci n'avait même pas levé le nez de son livre. C'était en grande partie le quotidien des sœurs. Beaucoup de lecture, beaucoup de silence. Enfin, de silence... Si Aida n'avait pas allumé la chaîne stéréo pour écouter l'un de leurs chanteurs favoris, Andrea Bocelli, un ténor Italien aveugle. Mais comme elles partageaient absolument tout, y compris leurs goût musicaux, Elena se contentait de continuer à lire son livre. Toutes deux appréciaient énormément les comédies et le théâtre, une chose qu'elles avaient découvert assez tard, ces comédies de Molière. L'avare notamment les faisait beaucoup rire tant il caricaturait bien l'ancien comptable du temps où la famiglia était encore Corelone et non Bottazzi. Avant la mort de leur oncle qui n'avait été au final qu'un esclavagiste les ayant dressées à gagner son lit à leur majorité.
Mais elles ne pouvaient pas vraiment dire lui en vouloir. D'une certaine manière, il les avait préservées, même si à l'origine c'était pour se venger de leur père. Et puis, le vieil homme n'avait pas abusé de leur corps trop jeunes, comme il aurait pu le faire. Ho certes, sa parodie d’éducation avait laissé des traces, comme le fait que les jumelles passaient l'essentiel de leur temps dans leurs quartiers nues quand elle n'attendaient personne. Ou encore le fait qu'il se passait rarement une journée sans que l'une ne finisse par solliciter l'autre pour faire l'amour.
Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui elles avaient un problème à régler. Un échange qui devait à l'origine se dérouler sans accro avait vu la venue d'un acteur extérieur et les quelques hommes que les Bottazzi avaient emmenées avec elles depuis Chicago avaient fondu à vue d’œil ... Contre une seule gamine... Il leur avait fallu des mois pour négocier avec les Yakuzas locaux leur implantation petit à petit, usant de leur argent et de leurs facilités d'accès au marché de l'armement américain et international via Cosa Nostra pour montrer que leurs hommes n'étaient pas juste sérieux, ils étaient sérieux et bien armés. Mais cela n'avait pas empêché cette petite fille tatouée sortie de nulle part de balayer leurs effectifs. Rien n'y avait changé, ni les hommes ni le matériel envoyé contre elle. Alors quand elles avaient fini par perdre un tireur chevronné équipé d'un fusil anti-matériel Barett de 20mm à 245'000 dollars US sans les munitions, elles-mêmes hautement illégales et passibles de crimes de guerre si utilisées contre l'infanterie même sur des zones de conflit actif, elles avaient fini par réfléchir un peu. Certes, cette jeune fille leur avait volé pour rien de moins que cinq millions de dollars US en yens Japonais, mais les frais engagée dans la reprise du pactole avaient gentiment atteint le plafond de la somme volée en assurances-vies pour les hommes décédés et en matériel. Qui plus est, les clans Yakuzas locaux n'avaient pas hésité à les sommer de leur donner la statue même si elles n'avaient au final pas touché l'argent pour elle. Mais pour calmer tout le monde, elles avaient acceptées pour éviter de perdre leur implantation déjà fragile au Japon et qui avait coûté en investissement bien plus cher que ce qu'elles avaient perdu.
Au total, un manque à gagner de dix millions de dollars et leur réputation si durement acquise très lourdement ébranlée, ce n'était quand même pas rien non plus, en comptant le vol original et les sommes investies dans les tentatives de récupérer la mise. Il était maintenant temps de cesser la casse et de limiter les dégâts. Elles avaient perdue espoir de récupérer leur mise, mais elles devaient s'assurer que la petite ne vienne plus jamais perturber leurs buisness de cette manière, sinon c'était l'assurance de devoir rentrer à Chicago la queue entre les jambes, ce qui ne plairait pas à la famiglia et donnerait sans doute des envies aux autres clans pour s’agrandir sur leur territoire affaibli.
Giulio, l'un de leurs hommes de main, fini enfin par revenir avec dans son sillage la jeune fille en question. Quand celle-ci passa dans le champ de vision d'Aida, Elena mis son signet dans son livre et le reposa avant de tourner à son tour son regard vers la demoiselle. Toutes deux arborèrent d’aimables sourires commerciaux tandis qu'Aida renvoyait d'un geste de la main leur homme. Celui-ci ferma la porte de la maison en sortant et on put entendre la voiture quelques instants après qui partait.
Le salon et la salle à manger étaient une grande pièce commune, la maison ouvrant par de larges baies vitrées sur l'extérieur, donnant une vue sur la mer et laissant copieusement entrer le soleil contre les murs crépis à la chaux blanche. Le mobilier était fait de hêtre, tapissé de coussins blanc arborant des motifs floraux pour la plupart. Sur la table de la salle à manger se trouvaient les témoins de la bonne fois des Bottazzis : leurs armes. Deux Beretta 9mm, trop loin pour qu'elles puissent s'en servir puisqu'elles étaient respectivement dans un fauteuil du salon pour Aida et vautrée dans le canapé pour Elena. Malgré le chaud été Nippon, la climatisation de la maison gardait une température intérieure qui permettait aux Bottazzis de rester en costume pour Elena et en blouson et pantalon de cuir pour Aida. Par contre, un détail que la jeune fille put relever immédiatement, toutes deux étaient pieds nus, ce qui tranchait beaucoup avec leur tenues pas très décontractées.
- Bonjour, je suis Aida Bottazzi, se présenta la première.
- Et je suis Elena Bottazzi, merci de bien vouloir nous rencontrer, se présenta la seconde en reprenant la parole à l'exact moment où sa sœur la cédait, comme si la phrase ne s'était jamais arrêtée.
- Prenez place je vous prie, reprit à nouveau Aida dans la droite ligne de sa sœur.
Les deux sœurs attendirent la réaction de leur invitée puis reprirent.
- Bien, nous savons tous pourquoi nous sommes ici, si je ne m'abuse ?
La jeune demoiselle leur adressa un regard soupçonneux et marmonna quelque chose à propos de mettre fin aux hostilités entre elles.
- C'est exact, approuva Aida en reprenant à nouveau la parole à Elena, ce qui semblait commencer à perturber la jeune demoiselle que les bouts de phrases sautent d'une sœur à l'autre sans crier gare ni aucun signe avertisseur.
- Les coûts d'intervention contre votre personne ont largement dépassé toutes nos prévisions les plus pessimistes, ce à notre plus grande surprise.
- Ce sans compter l'argent que vous nous avez déjà pris. Mais nous ne sommes pas idiotes. Nous ne récupérerons pas notre mise.
- Dès lors il convient de passer ceci sur les pertes et profits, mais nous ne pouvons pas laisser la situation en l'état. Ni vous, ni nous.
- Ce sont autant des questions d'honneur que de fiabilité commerciale. Si on ne peut plus se fier à nous, nos marchés s'effondreront et nous n'aurons plus qu'à plier boutique.
- Ce qui ne nous arrange pas et qui vous ramènerait à la case de départ puisque de nouvelles personnes sur ce territoire induit que vous aurez tout à recommencer.
- Nous avons donc un intérêt commun. Nous, que vous cessiez vos attaques.
- Et vous, que nous cessions les nôtres. Partant de ce postulat, nous pensons qu'il est possible d'arriver à un accord.
- Qu'en dites-vous ? Termina Aida en prenant son verre de vin tout en tendant l'autre à sa soeur sans la regarder, qui le prit d'ailleurs comme si elle savait qu'il était là sans le voir.
Toutes deux regardaient la jeune fille et attendaient son avis.