Le Grand Jeu

Plan de Terra => Les contrées du Chaos => Discussion démarrée par: Serenos I Aeslingr le samedi 24 août 2013, 22:46:00

Titre: La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le samedi 24 août 2013, 22:46:00
-Nous avons identifié la cause des morts dans les villages de l’Ouest. C’est la peste, votre Altesse.
-C’est impossible.

Le Roi était catégorique sur ce point. Les procédures de décontamination des navires marchands avaient été mises en place justement pour éviter ce genre de maladie. La peste. La Mort Noire. Pour n’importe quelle contrée, ce serait la quarantaine des villages atteints et les bûchers pour les cadavres des morts, mais pour une nation où les mages ne manquaient pas, cela soulevait un tout autre problème; comment est-ce qu’une maladie comme la peste avait pu entrer dans le royaume, alors que les navires ne peuvent accéder qu’au port d’Eist’Shabal pour accéder à la Rivière Jineh, la rivière qui traversait l’Île-Mère de part en part. Malgré les réticences du Roi, les diagnostics étaient très clair; l’apparition de bubons sur les malades, les morts fréquentes et les quarantaines imposées par les villageois à ceux qui étaient susceptibles de porter la maladie. Le Roi trouvait cette démonstration de cruauté révoltante, mais en même temps, il comprenait la peur de ses sujets; la peste était une maladie horrible, qui ne laissait que très peu de survivants. Il laissa tomber le document sur l’accoudoir de son trône et se releva. Le chef de son unité d’investigation sentit un frisson lui parcourir l’échine lorsqu’il descendit les marches. S’arrêtant devant lui, le Roi tendit un instant l’oreille, offrant ainsi son profil à l’homme, qui nota immédiatement son air très concentré.

*boum* *boum-boum* *Boum-boum boum-boum.*

Le roi percevait parfaitement les battements du cœur de son serviteur. Il ne lui cachait rien. Les menteurs avaient la salle habitude d’essayer de se justifier lorsqu’il procédait à un tel examen, essayant d’excuser leur rythme cardiaque irrégulier. Il les congédia d’un geste de la main puis il fit signe à sa gouvernante de lui apporter son manteau. Pendant que la jeune femme glissait le vêtement sur ses épaules et lui passait les manches, il se mit à réfléchir sur son plan d’action. S’il ne se trompait pas, dans quelques semaines, la peste aura englouti son royaume, et cela, il ne le tolèrerait pas, mais il se connaissait; s’il n’arrivait pas à enrayer la maladie avant la fin du mois, il procèderait à une purge, et cela risque d’être très mauvais, autant pour son âme que pour sa réputation. Il s’était interdit de massacrer son propre peuple, et s’il devait requérir à de telles extrémités, alors, il n’était pas fait pour règner.

Meisa était normalement ensoleillée; les protections entourant le royaume repoussait les nuages, pour toujours avoir une vue dégagée sur des potentiels assaillants aériens. Une fois par semaine, il devait néanmoins laisser les nuages pénétrer son domaine pour que la faune et la flore se régénère. Et comme de fait, ce jour-là, il pleuvait. Et il pleuvait très fort; les marches de marbre du palais en était glissante d’humidité, mais le Roi n’en était pas gêné outre-mesure. Il fit ordonner à ses garçons d’écurie de préparer son cheval, puisqu’en ce temps, les Dragons refuseraient stoïquement de le porter à destination, et puis, il y avait longtemps qu’il n’avait pas chevauché; c’était un plaisir qu’il ne s’accordait plus depuis des années. Il avait quand même pris soin de faire venir les revêtements de l’animal pour qu’il ne prenne pas froid; un cheval malade était aussi efficace qu’un cheval blessé. Alors qu’il descendait aux écuries, le Roi tomba nez-à-nez avec Aglaë. Comme à son habitude, la sorcière arborait sa robe noire qui laissait totalement libre la peau blanche de son insolente poitrine. Sous la pluie, la sorcière semblait encore plus rebelle, comme si elle défiait la maladie de la prendre dans son étreinte. Il s’immobilisa devant elle et attendit.

-Laissez-moi venir avec vous, réclama-t-elle, comme à chaque fois qu’il faisait une sortie.
-Non.

La jeune femme le regarda fixement un long moment puis elle tourna les talons. Le Roi n’avait aucun doute sur ses capacités, mais il savait qu’elle ne serait pas utile dans cette mission, et elle avait déjà beaucoup plus à faire dans le royaume que le voir courir aux trousses d’une maladie. Il savait qu’il la décevait, mais ce n’était pas le jour où il la laisserait le suivre. Après tout, ce n’était pas une grippe qu’il allait combattre, mais la peste, la maladie qui n’épargne ni les hommes, ni les mages. On dit même que c’est de là qu’on croit à la malédiction divine; tous les sorciers ayant tenté de s’opposer à cette maladie n’ont connu aucun succès, pas même le Roi pendant ses années de vagabondage. Quand la jeune sorcière eut quitté son champ de vision, il descendit aux écuries, enfourcha son fier étalon puis le mit immédiatement au galop, filant comme une flèche vers la sortie de la ville.

Après avoir passé une matinée complète sous la pluie, le Roi atteignit son objectif; le premier village affecté, Enthem. Situé au sud de la Rivière Jineh, c’était une communauté relativement paisible où les villageois comptaient énormément sur les esprits naturels pour subvenir à leurs besoins. Les Néréides, par exemple, s’assuraient que les eaux ne manquent jamais de poissons, en échange d’un mâle de leur choix, normalement un jeune homme avec une grande conscience spirituelle. Kah’mui arrêta son cheval à l’entrée du village. L’étalon renâcla farouchement, désireux de s’éloigner de ce lieu de mort. Le Roi ne tenait pas spécialement à le laisser en proie à ce décor, descendant de celle avant de lui mettre une claque sur la croupe, encourageant la brave bête à mettre le plus rapidement possible de la distance entre elle et ce village.

Le Roi risqua ses premiers pas dans le regroupement de maisons, et il manqua déjà de vomir de dégout; pavant les rues, des hommes et des femmes, même des enfants, étaient allongés sur le sol, le visage masqué, sans identification. Des pestiférés. Et morts, en plus. Le Roi s’approcha d’un des malheureux et prit la peine de découvrir son visage. Son regard se teinta de tristesse, alors qu’il rabattait doucement le tissu sur les yeux morts du cadavre, se relevant par la suite pour examiner son environnement. Il vit alors un petit attroupement de personnes, ainsi qu’un homme, surélevé, qui s’excitait en lancant des mots sur un ton solennel. Le Roi s’en approcha, se mêlant à la foule pour entendre ce qu’il disait. Dès les premiers mots, il comprit que cet homme était l’un des rares agitateurs religieux qui arrivaient à survivre en Meisa.

-Regardez le résultat des péchés de votre Roi! Pour ses crimes envers le Divin, celui-ci a lâché sur son peuple son Messager de la Mort! Ses actes de luxure, son avarice et son orgueil ont attiré sur vous le courroux du divin Seigneur des Cieux!

Le Roi soupira. Enfin, il n’allait pas arrêter le bougre, même si celui-ci ne savait clairement pas que personne en Meisa ne parlait la langue Nexienne. Il pouvait bien s’époumoner à leur lancer ses débilités, mais ils ne comprenaient rien. Le Roi se tourna plutôt vers le Chef du Village et lui demanda de lui indiquer où se trouvait les malades, les victimes de la peste. Le brave homme lui indiqua la grande tente blanche, qui arborait les armoiries de l’Ordre. Le Roi ne parut pas plus étonné que cela de voir des étrangers se mêler de ses affaires, mais la colère commencait lentement à monter en lui. Il demanda au village de signaler l’homme à la Garde Royale dès qu’il serait parti, puis il s’éloigna vers la tente, où il se glissa et trouva nombre de suppliciés. Le Roi s’approcha d’un enfant malade et posa une main sur son front, puis lui caressa les cheveux. Le petit était déjà sur le point de mourir, et son âme allait bientôt quitter son corps. Avec tendresse, le Roi lui adressa une douce prière, recommandant son âme aux Esprits Bienveillants, puis il relâcha l’enfant, qui sombra dans un sommeil sans retour.

Il entendit alors un grondement de douleur, et il se retourna pour remarquer alors qu’un mage malade se trouvait parmi les victimes. Il s’approcha de l’homme et abaissa son masque pour que le magicien le reconnaisse.

-Ma…majesté…!
-Oui, c’est moi, Kay. Mais de grâce, ne fais pas de bruit. Dis-moi seulement ce qui s’est passé ici.
-Je… je n’en sais rien… je… une femme est passée… une sorcière, mon Roi, je vous le dis… Une vé-véritable sor… sorcière Noire… Elle a enlevé des enfants… et puis, la pluie est tombée… et ceux qui étaient sous la pluie… sont tous tombés malades… un rituel, je crois… un Rituel de Malédiction…
-Elle a sacrifié l’âme des petits pour alimenter le sort… plus l’âme est jeune, plus elle est forte.
-Oui… Mon roi… s’il vous plait… tuez-moi… je n’en peux plus… j’ai trop mal…
-Va, Kay. Va et dis aux Dieux ce que tu as vu. Je serai ton Témoin quand je vous rejoindrai.

Sur ces mots, le Roi tira de sa ceinture une longue dague, longue comme un avant-bras, et il la posa contre le cœur du mourant, puis il la planta rapidement dans l’organe, tout en assommant magiquement l’homme pour lui épargner la douleur des derniers instants.

-Qui que soit cette sorcière… Elle a déclenché quelque chose qu’elle ne contrôle plus… et qu’elle ne voyait pas la nécessité de contrôler.

Et ce genre de sorcière était le plus dangereux.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le dimanche 25 août 2013, 02:40:49
« Mais c’est stupide ! »

L’honorable praticien, âgé, regarda Shunya en clignant lentement des yeux. Il était un docteur réputé, et, si Shunya voulait bien croire que ses traitements étaient efficaces pour lutter contre un rhume et une grippe, face à la peste, c’était tout autre chose. Si Shizuka était d’un naturel timide, il existait certains ilots où sa timidité s’écroulait, laissant alors parler la professionnelle, la praticienne, l’érudite venue d’Edoras. Ce praticien s’appelait Lambert, et était le médecin de quartier, qui se vantait d’avoir déjà soigné des seigneurs. L’âge l’avait rendu obtus, et Shizuka s’énervait de le voir escroquer de braves gens, en leur recommandant des méthodes de soins sans intérêt.

« Je n’ai pas à discuter de mes méthodes avec une vagabonde, répondit posément Lambert, avant de regarder à nouveau son patient. Là, là, vomissez, extrayez le maléfice qui est en vous... »

Shunya avait rejoint Meisa par bateau, peu avant que la peste n’arrive. On avait alors fermé le port, empêchant les gens d’entrer, et les autres de sortir. L’infection se répandait au contact, et il fallait donc limiter cette dernière. Shunya était restée, et avait rejoint un campement public dressé au cœur de Meisa. Elle pouvait voir toute la beauté de ce petit royaume, même en ces temps de souffrance. La peste, ce cataclysme, s’était répandu dans le royaume, et les origines étaient diverses. Certains accusaient le Roi, prétextant un maléfice divin, une malédiction venue des Dieux pour punir Meisa de son impureté. D’autres soutenaient une tactique militaire ashnardienne pour détruire Meisa, et d’autres, encore, invoquaient des sorcières. Venant d’un État pro-tekhan, Shizuka trouvait cela stupide, mais n’avait pas osé intervenir dans les débats, préférant agir par elle-même. On avait rapidement reconnu ses compétences de guérisseuse quand elle avait montré sa marque, et elle avait rejoint les infirmières et les docteurs, qui portaient des masques pour se protéger de la peste. Elle n’avait pas osé leur dire que l’inhalation n’était pas le seul mode de transmission de la peste.

En inspectant les patients, Shizuka avait rapidement découvert qu’il s’agissait de la peste bubonique. Sur les corps, elle avait en effet trouvé les traces infimes et délicates de morsure. C’était ainsi que la peste se transmettait. Les animaux, les rongeurs, la véhiculaient à travers leurs puces, et les puces, qui étaient contaminées, mordaient les humains. À partir de là, une infection se développait dans les ganglions lymphatiques. Ils avaient pour rôle d’assurer le fonctionnement du système immunitaire. Face à la peste bubonique, ces ganglions enflaient démesurément, entraînant une douleur terrible. Les gonflements étaient ensuite perceptibles, et finissaient par entraîner la mort.

Shizuka avait évidemment reçu bon nombre de leçons sur la peste, ce fléau contre lequel l’Ordre Immaculé luttait avec une certaine insistance. Elle n’avait donc pas été surprise de voir que ces derniers étaient déjà là. Cependant, l’Ordre cherchait surtout à empêcher l’infection de se propager, et le pire était à craindre. Les morts commençaient à monter, et Shunya devait, non seulement se battre contre la maladie, mais aussi contre des incapables comme Lambert.

Lambert était un praticien privé, et il était en ce moment dans la maison d’un tisserand. La peste l’avait touché, lui et toute sa famille, et il avait refusé de se rendre au camp public, préférant demander l’assistance de Lambert. Pour le soigner, Lambert avait amené un seau rempli d’excréments, en recommandant au tisserand de les humer, et de vomir, affirmant que la peste venait d’un sang contaminé, et que, en vomissant, la peste s’en irait.

« On nous enseigne que les odeurs des excréments provoquent des fièvres qui suppriment la peste chez les corps les plus vigoureux... Laissez-vous aller, d’ici quelques jours, vous irez mieux. »

Shunya était convaincue que Lambert ne mentait pas, et pensait sincèrement ce qu’il disait. Entre Tekhos et le reste du monde, il y avait une écrasante différence au niveau de la médecine.

« C’est ridicule, ceci ne le soignera pas ! Ce dont il a besoin, c’est de...
 -  Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas de vous, jeune femme. Vous êtes peut-être une brillante élève, mais nous ne sommes pas à Tekhos. Ce genre de maladie n’existe pas là d’où vous venez, je sais parfaitement comment les traiter. Je vous serais dorénavant gré de partir d’ici. J’ignore pourquoi les gardes vous ont laissé passer, mais votre présence perturbe le bon rétablissement de mon patient. »

Shunya serra des dents devant ce ton condescendant et méprisant. Lambert ne l’aimait pas, mais il était probable qu’il n’aimait personne venant contredire ses méthodes. C’était un redoutable incompétent, et Shunya était persuadée que la peste était entrée chez ce tisserand par le biais du chat familial. Ce dernier avait du chasser un rat, et l’amener dans la maison, en signe de trophée. Quand Shunya avait tenté de l’expliquer, Lambert avait levé la main, en expliquant posément que le chat n’était pas contaminé, et qu’on pouvait le garder, ce qui avait ravi sa fille.

Le noble tisserand eut alors une quinte de toux, et respira lourdement, regardant Shizuka.

« So... Sortez de... De chez moi... »

Shizuka serra les poings, et, résignée, entreprit de sortir.

*De toute façon, son infection est trop avancée, je ne pouvais pas le soigner...*

Elle essayait de s’en convaincre. Elle sortit de la belle propriété. Les riches se cloîtraient chez eux, refusant que quiconque s’approche. Shizuka savait qu’elle n’entrerait plus ici. Elle se dépêcha de revenir vers le campement public, la grande tente centrale, essayant de ne pas regarder les chariots qui portaient les cadavres qu’on allait brûler dans les charniers. Il fallait détruire tous les tissus infectieux, mais Shunya n’était guère confiante.

Elle savait que certains cas d’épidémie avait décimé intégralement des villes entières, avec un taux de mortalité de neuf personnes sur dix. Elle espérait arriver à empêcher un tel désastre ici, et comptait bien faire tout son possible.

C’était son devoir, après tout.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le lundi 26 août 2013, 17:44:50
Le Roi quitta la tente, laissant derrière lui nombre de malades, mais également quelques miraculés qu’il s’empressa d’escorter à l’extérieur. Les condamnés lui avaient affirmés qu’ils étaient reconnaissants pour ses soins, aussi vains fut-ils, et qu’ils le remerciaient pour avoir endormi leur douleur, leur permettant de mettre les choses en ordre avant leur dernier jour. Aussi réconfortant que soient ces mots, le Roi sentait toujours une culpabilité massive lui étreindre le cœur; personne ne méritait un tel sort, pas même amoindri. Lorsqu’il repensait aux paroles de Kay, il n’arrivait pas à croire qu’il ait possiblement laissé une sorcière ayant des liens avec le Royaume des Morts se faufiler chez lui, en plein dans sa « zone sûre », là où il se croyait invincible. Dans sa tête, des centaines de plan se manifestaient, passant d’une simple exécution à la réutilisation de ses plus anciens et plus barbares procédés de tortures. Le visage de la Reine Serenity lui revint en mémoire et il se sentit affreusement coupable d’avoir de telles pensées. Sa vieille amie ne lui aurait jamais pardonné une telle sauvagerie, lui qui avait dans son corps l’expérience et la sagesse des plus grands esprits que la terre n’aie jamais vu. Il renonça à ses sadiques idées de vengeance, au moins le temps de raccompagner les épargnés chez eux et d’évincer les traces de peste, donc les « puces pestiférées », qui risquaient de réinfecter les survivants. Il ordonna au chef du village d’imposer un embargo sur son propre village, pour éviter de le contaminer à nouveau. Il devait néanmoins se procurer des chats et un mage soigneur pour ceux-ci question de se débarrasser des rats. Cela ne règlera pas le problème, dit-il, mais au moins, les citoyens seront à l’abri le temps que les choses se remettent en ordre.

Une fois sorti du village, le Roi dût se résoudre à ne pas appeler son cheval pour le reste du voyage. À la place, il invoqua un tout autre moyen de transport; un esprit du vent; comme dit plus tôt, le village dépendait énormément des esprits pour tout, incluant le déplacement. La créature le regarda sous toutes ses coutures puis elle lui sourit.

-As-tu un paiement, petit Roi?
-Si.

Il leva alors un petit morceau de pierre verte, brillant de mille feux.

-Qu’est-ce?
-Un morceau d’une relique.
-C’est joli.
-Et il est à toi, si tu acceptes de me porter à destination.
-Je le veux, je le veux!

La petite esprit tenta de s’emparer de son futur bien, mais le roi referma le poing, le soustrayant à sa vue et à ses mains avares le petit objet. L’esprit, mécontent, accepte donc de porter le Roi et lui fonce dans la poitrine, où il disparait. Dès l’instant où l’esprit prend possession de son corps, le Roi sent ses pieds quitter le sol, alors qu’un vent puissant et soutenu le soulève de terre. Les Sylphes étaient des esprits joyeux, mais qui détestait qu’on leur demande des choses, étant aussi libre que le vent dont ils sont issus, mais comme les corbeaux, dès que quelque chose capte leur attention, ils seraient prêts à presque tout pour l’obtenir, ce qui expliquait pourquoi le Roi pouvait aisément les manipuler. Pour convaincre un Sylphe, il fallait trois choses; une petite taille, beaucoup de lumière et un gros mystère. Tout ce qui remplissait ces trois conditions suffisaient à acheter n’importe quel esprit du vent n’ayant pas atteint l’âge de sagesse. Il n’irait pas jusqu’à les traiter de stupide, mais leur manque d’information, simplement parce qu’ils n’ont rien à fichtre du reste du monde, était vraiment leur plus grande faiblesse.

L’esprit le porta jusqu’à un autre village, plus riche. Elle sortit alors de son corps et le regarda avec intensité, attendant son paiement avec l’impatience d’une gamine à qui on viendrait de promettre de la pâte d’amande. Le Roi roula des yeux et lui donna la petite pièce de relique, ne pouvant s’empêcher de sourire devant l’explosion de joie que cette simple offrande provoquait chez l’esprit des vents. La fillette disparut alors dans un courant d’air, chantonnant un air victorieux. Il savait qu’un résidu de relique ne suffirait pas à donner une puissance suffisante à une créature pour outrepasser ses propres limites, mais il savait que cela suffirait à donner à une personne suffisamment d’énergie pour ne pas avoir besoin d’autant de sommeil, de nourriture ou de chaleur pour survivre.

Le Roi remarqua alors une autre tente près du village et haussa un sourcil. Je ne me souviens pas avoir accordé de mandat à l’Ordre Immaculé d’agir sur mon territoire sans me faire parvenir d’abord une demande… remarqua-t-il. Son haussement de sourcil passa à un froncement, alors qu’il voyait que tous les malades était déplacé vers les tentes. Il vit alors quelques membres de l’Ordre, arborant les habits blancs, se promener entre les malades, et il accéléra le pas.

-Halte!

Les hommes s’arrêtèrent subitement et se retournèrent vers lui, surpris comme s’il venait de les surprendre les pantalons aux chevilles. Les deux hommes regardèrent l’homme au manteau blanc s’approcher, incertains de son identité, puis ils blêmirent en reconnaissant le visage se trouvant sur toutes les pièces de monnaies Meisaennes. Ils voulurent s’enfuir, mais le Roi leva les mains et ils s’immobilisèrent, aussi raides que des pics. Il fit un geste rotatif des mains, et les hommes se retournèrent, lui faisant ainsi face alors qu’il s’approchait d’eux. Une fois devant eux, il se pencha, les regarda à tour de rôle puis il recula et se mit à marcher, sur le même trajet, devant eux.

- La cent trente-deuxième année du Grand Millénaire, j’ai accordé à l’Ordre Immaculé la permission d’établir, sur mes terres, une seule et unique chapelle, parce que certains de mes citoyens étaient de fervents croyants des principes de l’Ordre. Néanmoins, je n’ai jamais autorisé l’établissement d’une quelconque force religieuse sur mon territoire.

Il regarda les deux hommes, s’arrêtant enfin de marcher, les bras croisés.

-Vous avez exactement dix secondes pour me dire où se trouve votre chef, sinon je… ah…

Les deux hommes ne le laissèrent même pas finir avant de pointer en direction d’un établissement, qui devait être une auberge réquisitionnée. Le Roi se surprenait toujours de la vitesse à laquelle les laquais n’hésitaient jamais à jeter leur loyauté aux poubelles dès qu’on les intimidait ne serait-ce qu’un peu. Il les abandonna là, sur le sol, alors qu’il entrait dans l’établissement. Le Paladin, voyant le Roi entrer dans son repaire, se leva immédiatement. Il allait se confondre en excuses mais le Roi leva une main, le taisant de ce simple geste.

-Je ne veux pas de vos justifications, Paladin Adelberth. Je sais que vous êtes ici sous les ordres du Grand Chancelier. Ce que je veux savoir, c’est pourquoi est-ce que vous déléguez des missionnaires dans MON royaume, et sous MON NEZ!

Le Roi envoya son pied dans le bureau du paladin, l’envoyant s’écraser sur le mur, le brisant comme une simple brindille de bois brisée. Le Paladin se protégea le visage des éclats, tremblant.

-Roi, je vous assure que ce n’est pas… c’est pour rassurer le peuple… c’est pour le moral, voyez-vous…
-Oh, le moral, n’est-ce pas?

Le Roi posa ses mains sur le dossier d’une chaise, le regard grave.

-J’ai bâti ce royaume, pour le protéger de vos psychopathes religieux, de vos croisades, de votre « dieu tout-puissant ». Et si je n’avais pas une Peste qui nécessitait mon attention, je vous tuerais là, maintenant, vous et tous vos fidèles, et je brûlerais votre chapelle sans le moindre remord.
-Ne vous énervez pas, Votre Altesse, notre présence n’est que…
-D’abord, je m’énerve si je veux. Je suis le Roi, ici.  Ensuite, votre présence, pour le moment, est nécessaire. Vous allez malgré tout me faire le plaisir de virer tous vos clowns et les renvoyer chez eux. Mais puisque vous vous êtes invités chez moi, vous allez mettre tous vos guérisseurs et vos hommes sous mes ordres. Je veux enrayer cette peste. Si vous coopérez, paladin, vous aurez peut-être une chance de revoir le Grand Chancelier et embrasser son cul béni de ma part, sain et sauf.

Le paladin aurait probablement aimé prononcer un mot, mais en Meisa, tout le monde connaissait le tempérament expéditif du Roi; personne ne pouvait espérer lui tenir tête. Il se comportait en Meisa comme un hôte avec ses invités; ils restaient tant que cela lui plaisait bien. Dès que le contraire se présentait, il n’hésitait pas à commettre des actes très agressifs, et pour un chef religieux, rien n’était pire que l’exécution systématique de ses sympathisants et la destruction de leur lieu de culte. Le paladin baissa la tête devant le Roi, qui ne lui accorda par la suite pas plus d’attention, sortant de l’auberge réquisitionnée, attendant que ses ordres prennent effet.

Une heure plus tard, tous les missionnaires de l’Ordre avaient quitté les lieux. Il n’en restait plus un, sauf le prêtre de la chapelle. Le Roi était satisfait. Maintenant qu’il n’avait plus à se soucier de la propagande de ses invités, il se dirigea vers la grande tente blanche. Il passa près d’un des charniers et examina les dépouilles. Après un certain temps, il fit une macabre découverte; certains n’étaient pas des pestiférés. Il remarquait certains cadavres sains, mais présentant de sévères lésions sur le corps, parfois même des fractures typiques du supplice de la roue, d’autres avaient été brûlés, des femmes spécialement. La chasse aux sorcières est ouverte… s’affligea-t-il. Les gens normaux n’hésitaient jamais à s’attaquer aux plus faibles quand ils ne savaient pas à qui s’en prendre, surtout quand ceux-ci étaient suspectés de sorcellerie. Il se dirigea ensuite vers la tente des malades. Il regarda ceux-ci et essaya de repérer des victimes reconnaissables. Aucun… sauf un qui portait un manteau, un manteau noir, avec un poignard doré en tant qu’insigne.

-Non… non non non non non…!

Il se précipita vers l’homme et l’agrippa par le manteau pour le relever et voir le visage. Oui, c’était bien la sale gueule de tombeur d’Arthuros, le Conseiller. Il regarda l’homme un long moment avant que celui-ci n’ouvre les yeux et lui adresse son habituel sourire en coin.

-Bonjour, Altesse.
-Tu ne pouvais pas mourir avant que je n’arrive, ma parole…
-Ne me faites pas rire, j’ai mal partout.

Le roi aida le Conseiller à se relever, puis il se tourna vers les autres guérisseurs.

-J’ai besoin d’un coup de main, ici.

Il se tourna à nouveau vers le conseiller, puis il l’aida à retirer le manteau. L’homme grogna d’inconfort, pendant que son Seigneur de dévêtait. Une fois nu, le Roi put remarquer d’étranges taches noires sur la peau du jeune homme. Le Roi haussa les sourcils et les toucha de l’index, ce qui arracha un cri terrible à l’Assassin Royal. L’Immortel retira son doigt prestement.

-Ca, ce n’est pas la peste... tu en souffres bien, les bubons le prouvent, mais… ces taches noires n’ont rien à voir avec la peste. –Il se tourna vers une des guérisseuses- Madame, gardez le dressé, le temps que j’examine son dos.
-Ouais… dressé, il dit…
-Pas de plaisanteries devant les dames.
-Même un malade peut s’amuser.

Le roi passa derrière Arthuros, et remarqua les même taches noires, aux mêmes endroits que sur son abdomen et son torse. Il sortit alors d'une poche de son manteau une petite fiole de poudre blanche et il la leva au dessus de la blessure, laissant une petite quantité de sable tomber sur la tache. Le sable ne toucha même pas la plaie avant de prendre une teinte noire et se dissoudre dans l'air. C'était bien de la magie noire.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le mercredi 28 août 2013, 02:07:30
« Repentez-vous ! Repentez-vous, car la Peste est l’un des Fléaux Divins !  En vérité, je vous le dis, là où le Fléau s’abat, c’est qu’il y a Maléfice ! Ainsi parle le Très-Puissant, ainsi parle le Tout-Béni ! Repentez-vous, car ce sont vos péchés qui ont amené ce Mal ici ! Repentez-vous ! Oui, je vous le dis, repentez-vous ! »

Le long des rues, en retournant vers la grande tente médicale, Shizuka pouvait voir les missionnaires et les prêtres, parlant aux habitants des rues. Des gens qui avaient tout perdu. Elle pouvait lire sur leur visage le désespoir, tandis que les charognards agissaient. Et, dans le désespoir, le pire de l’humanité se manifeste. Shizuka l’avait appris à l’école. Le pouvoir de la religion n’était pas chose à prendre à la légère, surtout celui de l’Ordre Immaculé, qui étendait son emprise sur tout Terra, de Tekhos à Nexus, et même à Ashnard. Shizuka voyait les gens se prosterner devant les prêtres, priant en pleine rue. Elle s’avançait rapidement, pressant le pas. Certains avaient les yeux exsangues, injectés de sang, marqués par la peste, et toussaient en se tenant les côtes.

« Tu vas passer de cette vie à trépas, mon fils. Il est temps pour toi de te confesser, afin que le Tout-Puissant te recueille en son sein. »

Et, outre les prêtres, Shizuka vit aussi d’autres types de vautours, les escrocs et les charlatans. De soi-disant docteurs qui hurlaient à la foule avoir un remède contre la peste.

« Oui, oui, cette liqueur magique détruira la peste qui brûle en vous, ou en chacun de vous ! J’ai fait un voyage dans les profondeurs de Terra, dans des royaumes enchantés, dans les terres elfiques. Cette potion a été faite par les elfes sylvestres eux-mêmes, avec leur sang ! Et tout le monde sait que le système immunitaire des elfes les protège de la peste ! Prenez, je vous l’offre ! J’e ai toute une cargaison ! »

L’offre nécessitait un peu d’or, et, à voir le nombre de gens qui grossissaient devant les boutiques de ces charlatans, Shizuka se mit à craindre prochainement des rapts. Dans le désespoir, face à la peur de voir toute sa famille mourir, ou sa propre vie vous quitter, les hommes se réfugiaient dans les derniers monceaux d’espoir qu’ils avaient. Pour autant, en marchant vers la tente, elle vit que plusieurs prêtres s’arrêtaient dans leurs discours, discutant entre eux, tandis que des chariots sortaient, sous les hurlements désespérés de la foule.

*Que se passe-t-il ?*

Curieuse, Shizuka parvint à tendre à saisir une oreille pour saisir quelques bribes de conversation entre deux prêtres.

« On nous chasse ?! Le Roi a-t-il perdu la raison ?!
 -  Nous n’aurions jamais du accepter l’autorité d’Adelberth, ce paladin n’est qu’un animal politique ! Il ne veut pas faire de vagues, afin de pouvoir devenir un prélat !
 -  Sans nous, qui s’occupera de sauvegarder l’âme de ces pauvres gens ? Qui leur accordera l’absolution ? Ce Roi est-il fou ? Le pouvoir séculier se soumet au clergé, il en a toujours été ainsi ! Les souverains tirent leur pouvoir de Dieu ! »

Ainsi donc, le Roi de Meisa avait chassé l’Ordre ? Il devait être bien courageux... Ou téméraire. Shizuka connaissait suffisamment l’Ordre pour savoir que les religieux ne se soumettaient pas aussi facilement. L’Ordre reviendrait, car, sous le désespoir, et face à la perspective de mourir, la religion trouvait toujours des clients. Certains villageois pleuraient en voyant les chariots partir, essayant de savoir pourquoi l’Ordre les abandonnait. Et la réponse des prêtres était toujours la même.

« Votre Roi nous chasse, ma bonne dame. Nous sommes des hommes de Dieu, des hommes de foi et de piété, pas des guerriers. Le Roi est corrompu. Ses péchés envers l’Ordre ont amené le Fléau sur vous, et il entend vous condamner par ce biais. »

Shizuka hésita à intervenir. C’était un mensonge éhonté, mais, à voir la foule qui se regroupait autour du départ des prêtres, intervenir aurait été suicidaire.

« Shunya ! Te voilà ! »

Une voix féminine la tira de ses pensées. Tournant la tête, elle vit une autre guérisseuse approcher, une amie. Monica.

« J’ai essayé de convaincre Marc le tisserand... Mais Lambert était déjà là, je n’ai rien pu faire... »

Monica secoua la tête.

« Tu es complètement folle, je te l’ai dit que ça ne servirait à rien ! »

Shizuka pencha la tête sur le côté. Elles entendirent alors du bruit, et tournèrent la tête. Des individus avaient fracturé la porte d’une boutique close, et entreprenaient d’en voler le contenu.

« On devrait y aller..., opina Monica. Tu sais que le Roi est arrivé ? »

En entendant ça, Shizuka cessa de s’intéresser aux pillards, et tourna la tête vers Monica, incrédule. En voyant le regard de son amie, cette dernière pouffa, et la prit par la main. Shizuka la suivit alors, et les deux femmes se mirent à courir, remontant les rues pour rejoindre la tente médicale. Il y avait effectivement plusieurs gardes royaux, et, à l’intérieur, au milieu des rangées de malades, le Roi en personne. Shizuka eut un petit frisson en le voyant. Elle n’était, après tout, qu’une guérisseuse.

*Voilà donc l’homme qui a eu le courage de chasser l’Ordre Immaculé...*

Le Roi inspectait quelqu’un. On lui avait dit qu’il s’agissait du Conseiller du Roi, Arthuros, un individu énigmatique. La peste l’avait touché, et le Roi se penchait à lui. Il se retourna alors, ordonnant à une guérisseuse de venir... Et Shizuka sentit les mains de Monica dans son dos. Elle la poussa, et Shizuka se retrouva face au Roi, toute rouge.

« O-Oui, Majesté... »

Elle ne voyait pas trop l’intérêt de garde dressé le corps d’Arthuros, mais obtempéra. Il avait, sur le corps, des traces de caillots, de sang infecté, ces tâches noires que les gens du commun prenaient pour de la sorcellerie. Elle vit le Roi sortir du sable, et le répandre sur son corps. Shizuka cligna des yeux. Qu’essayait-il de faire ?

« Majesté... Il est important que les patients restent couchés », intervint alors Shizuka.

Face à la maladie, et à son devoir, Shizuka voyait sa timidité naturelle s’ébranler. Elle n’avait guère le temps de voir les pitreries du Roi avec du sable, et inspecta le corps d’Arthuros.

« Ces tâches noires... C’est la maladie de Kaposi*, mais ce ne sont pas des symptômes liés à la peste bubonique... »

Shizuka rougit soudain. La maladie de Kaposi, ou sarcome de Kaposi, était une conséquence d’une autre maladie, le VIH. Arthuros avait sans doute du trop traîner auprès d’endroits peu recommandés, ce genre d’endroits auxquels Shizuka ne devrait même pas songer ! Quoiqu’il en soit, les tâches noires s’étalaient un peu partout. Un traitement local serait insuffisant, et Shizuka doutait que Meisa dispose de l’appareil technologique nécessaire pour un traitement global.

*Quelle plaie !*



* : En théorie, la maladie de Kaposi ne peut pas s’appeler ainsi sur Terra, puisqu’elle tire son nom du chercheur qui l’a découvert, Moritz Kaposi. J’ai pris une petite liberté pour que ce soit moins compliqué.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le jeudi 29 août 2013, 10:35:49
Une jeune femme s’était approchée. Une guérisseuse, donc. Elle n’avait pas un physique commun, c’était le cas de le dire, mais il ne prit pas la peine de le lui faire remarquer. Il sentait en elle un potentiel magique, mais à savoir si elle était ou non au courant de ses propres capacités magiques, ça, il ne pouvait en être totalement sûr. Elle lui parla alors d’une maladie. Une maladie dont il avait entendu parlé dans les archives médicales du Royaume. Une première étape du virus d’immunodéficience humaine. Cependant, il connaissait Arthuros; autant était-il le tombeur de ces dames, autant il était plus qu’improbable qu’il ait commis une gaffe qui aurait réduit de plusieurs années sa longévité. Il n’osa néanmoins pas tenir tête à la guérisseuse, de peur de la vexer; autant un sortilège pouvait ressembler énormément à la maladie, il ne fallait pas confondre la maladie et le sortilège, le dernier étant beaucoup plus difficile à soigner puisqu’il ne relevait pas de la condition immunitaire d’un patient, mais bien d’un trouble dans son énergie vitale, qui servait par la suite d’alimentation au sortilège. Seulement, même si Arthuros s’aventurait dans le lit de ces dames, il n’y avait pas de prostitution en Meisa. Enfin… « pas »… il y avait bien des femmes qui vendaient leur corps pour de l’argent, mais il s’agissait des Dames du Roi, des femmes qui vivaient au Palais pour distraire les dignitaires et les personnes de marque en visite. Et elles étaient réputées pour leur propreté, étant toujours maintenues en parfaite santé par un très grand guérisseur.

Nerveux à cause du silence des deux personnes, qui n’avaient pas dit un mot depuis le diagnostic de la demoiselle, Arthuros jetait nerveusement des regards dans tous les sens. Une lui parlait d’une maladie qu’un avide visiteur des quartiers des plaisirs aurait toutes les chances d’attraper, et l’autre venait d’utiliser du sable d’empathie sur ses blessures et celui-ci venait virer au noir. Et à cause de la tension, il n’osait pas poser les questions qui lui venait à la bouche. Pourquoi ce silence grave? Allaient-ils faire quelque chose ou le laisser crever comme un chien? Il s’était toujours attendu à mourir dans des circonstances grotesques, mais pas là, pas maintenant, comme un mendiant!

Une fois son examen terminé, le Roi aida Arthuros à se rallonger, lui passant une main dans les cheveux comme il l’aurait fait pour un de ses propres fils. Le front du pauvre homme était brûlant, et ses cheveux étaient trempés de sueur. L’Assassin Royal était normalement insensible au stress, mais pour une fois, il ne pouvait s’empêcher d’être agité. Le Roi le dévisagea un long moment puis planta ses yeux dans les siens. Arthuros ne put détacher son regard de celui de son Roi, malgré qu’il sût ce qu’il était en train de lui faire. Ses yeux se révulsèrent et il tomba dans un profond sommeil. Le Roi leva les mains au-dessus du corps d’Arthuros et récita très rapidement un sortilège de protection. C’était en fait une sorte de quarantaine à petite échelle, empêchant la maladie de quitter le corps de l’espion et évitant ainsi la contamination. Il regarda Shunya un petit moment puis il lui fit signe de le suivre. Il s’adressa à deux membres de sa garde royale, qui l’avaient visiblement rejoint il y avait peu, et leur ordonna de faire partir un pigeon pour Eist’Shabal et faire ordonner le déplacement d’Arthuros par Alessa.

-Assurez-vous, je vous prie, que mon Conseiller soit traité avec le respect dû à son rang. Et dites à Alessa de faire procéder un examen complet du corps d’Arthuros; physique et magique. Compris? Je veux savoir ce qui cause ces maladies
-Et que fait-on pour ces gens, mon Roi?

Le Roi avait fait mine de les ignorer, mais effectivement, il y avait beaucoup de gens qui commençaient à se presser à quelques mètres de lui en le huant, en l’injuriant et en le blâmant pour l’arrivée de la peste sur leur village. Il regarda son Garde, qui maintenait une main sur sa lame, prêt à se battre si nécessaire, mais il posa une main sur son bras, l’incitant à se détendre. Le Roi s’approcha de ses sujets, réduisant la distance entre eux et lui. Les gens étaient armés, avec des fourches, des haches, des faucilles et toute sorte d’objet trouvés sur leur chemin, affichant ouvertement leur hostilité à l’homme le plus puissant de leur royaume; leur monarque lui-même. Le Roi savait qu’il serait impossible de les raisonner; ils n’étaient pas là pour l’écouter, mais pour lui jeter leurs insultes.

-Laissez-les faire ce qu’ils veulent. Pour un Roi, se battre contre son peuple, c’est comme se tirer un carreau dans le pied; non seulement c’est douloureux, mais en plus, c’est très handicapant.

 Il regarda Shunya et, délicatement, il passa un pan de son manteau autour d’elle pour la protéger des projectiles fruités qui volaient déjà vers eux.

Les tomates pourries souillèrent le beau vêtement blanc à l’impact, chose qui aurait aisément vexé n’importe quel bourgeois, mais qui laissa le Roi de glace, comme si cela ne l’atteignait pas, même pas du tout.  Pendant qu’il l’escortait au travers de la foule, encaissant sans broncher les pierres et les fruits périmés, il ne manqua pas de s’affubler d’un de ces  sourire, mais Shunya n’aurait probablement aucune peine à se douter de ce qui pouvait bien se trotter dans sa tête; il mourrait d’envie de s’attaquer aux paysans, à ces imbéciles trop crédules pour leur propre bien, de leur rappeler qui est le seul et unique responsable de la paix de laquelle ils jouissaient depuis déjà deux siècles. Il leur avait donné des écoles pour leurs enfants, des terres pour leurs familles, des ports pour leurs bateaux, il avait même aboli l’esclavage pour permettre aux infortunés de ce commerce de redécouvrir la liberté et la valeur même de leur vie. Tout ça, il leur avait donné, et sans jamais rien demander en retour, sauf leur soumission à ses lois qui étaient, ma foi, des plus souples comparativement à ce qui pouvait se trouver dans d’autres royaumes.

Contre toute attente, un homme osa finalement à poser un acte plus expéditif; il asséna, sur la tête du Roi, un coup de bâton, avec une telle force que l’objet se brisa, puis ce fut le silence. Tous avaient arrêté de crier, sauf l’agresseur qui essayait de rameuter des partisans, mais nul ne s’approcha pour intervenir, l’étranglant à son tour dans un silence des plus inconfortables. Pour sa part, le Roi au manteau blanc (désormais taché de souillures à couleur vives, mais malodorantes) avait tressaillit, juste un peu. Même lui ne pouvait, après tout, prévoir que quelqu’un fusse assez téméraire pour s’en prendre physiquement et directement à sa personne.  Une fois remis de sa surprise, il s’était redressé pour regarder le jeune homme à la chemise ouverte, dont l’arrogance venait de prouver à tous son incroyable stupidité, avec un regard à mi-chemin entre l’incompréhension et le reproche. On aurait pu croire qu’il aurait immédiatement sévi, mais le personnage qui se trouvait là n’était pas quelqu’un d’aussi prévisible; ravalant une colère inutile, le monarque se désintéressa de cette victime indigne et se tourna vers les autres manifestants.

-Si cela est tout, écartez-vous de mon chemin. Punition divine, malédiction ou épidémie, personne ne s’en prend impunément à mon royaume, aussi peuplé de crétins crédules soit-il. Ce sont des crétins crédules que j’ai décidé de protéger, bien avant leur naissance, après tout.

Plus personne ne leva sa fourche, ou ne tenta de barrer le chemin au monarque. Ils s’étaient tous écartés avec une révérence qu’ils ne se comprenaient pas. Le calme sévère du Roi semblait avoir chassé d’eux toute envie de révolte, comme le toisage d’un père furibond après avoir commis une grosse bêtise. Le Roi continua de marcher, sans rencontrer la moindre résistance, puis fit venir un cheval des écuries. Libérant la jeune Shunya de sa protection, il alla même jusqu’à l’aider enfourcher le puissant cheval de voyage puis il prit enfin la peine de lui expliquer son plan, la raison pour laquelle il l’avait emmenée à l’écart des autres.

-Pardonnez mes manières un peu rustres, mais il fallait que je vous parle, seul à seule, pendant que j’en avais encore la possibilité. Contrairement à nombre de vos confrères, vous semblez être une personne capable et plus soucieuse du bien-être de ses patients que de la propagande divine.

Le Roi hésita un moment à poursuivre, puisque son offre devait probablement être très soudaine et risquait d’être rejetée.

-J’ai besoin d’une personne comme vous pour retracer l’origine de ce mal. La peste n’a débuté que depuis quelques jours en Meisa, mais il y a déjà des cas très graves, ce qui me pousse à croire que quelqu’un ou quelque chose en est la source volontaire. Voici ce que je vous propose; collaborez avec moi et je vous accorderai une faveur, une fois notre mission remplie, et ce, quelle qu’elle soit… du moment que ce soit raisonnable, bien entendu. Vous pouvez bien entendu refuser, et cela en toute impunité, je ne sanctionne pas les innocents.

Il la fixa alors avec attention, attendant une réponse qui ne devrait probablement pas tarder.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le samedi 31 août 2013, 15:31:39
Malheureusement, Shizuka savait que Meisa n’avait pas le niveau technologie requis pour traiter une telle maladie. Et, malgré tout son talent, la maladie semblait bien trop avancée pour qu’elle puisse le résoudre. Il aurait fallu le plonger dans une cuve de traitement, ou avoir avec elle une équipe de guérisseurs confirmés. Malheureusement, ses collègues n’étaient que des infirmières, ou des docteurs n’ayant pas suivi l’intense et très complète formation qu’elle avait reçu. Shizuka était frustrée. Comme toujours quand elle était face à une impasse. Cette peste bubonique était redoutable, mais ce n’était pas elle qui avait provoqué le maléfice dont souffrait le Conseiller royal Arthuros. Alors, quoi ? Comment l’expliquer ? Shunya ne savait pas trop quelles conséquences en tirer. Son rôle se bornait à soigner les gens, mais, si cette épidémie était provoquée par une personne ? Des terroristes ?

*C’est ridicule !*

L’idée était tout simplement grotesque, et Shizuka la rejeta derechef... Avant d’entendre des bruits dehors. Plusieurs gardes jaillirent dans la grande tente, nerveux.

« Une foule s’est amassée !
 -  Ils sont nombreux ! »

Shizuka se mordilla les lèvres. Elle était prête à mettre sa main à couper qu’il s’agissait des gens qu’elle avait aperçu tantôt, ceux qui s’étaient jetés aux pieds des missionnaires de l’Ordre. Avec leur départ, ils laissaient libre court à leur colère. Shunya craignait le pire. Elle savait que, dans ce genre de situations, un homme pouvait se briser, et devenir un animal furieux. Et, quand on arrivait à cet extrémité, il n’était pas bon être une femme... Perdue dans ses pensées, elle n’entendit pas le Roi se rapprocher d’elle, et lui faire signe de le suivre.

Dehors, une foule assez hétéroclite s’était formée. En temps normal, ils n’auraient représenté aucun danger pour la garde, mais les soldats étaient bien diminués. La peste était égalitaire. Si la foule les attaquait, ce serait un carnage. Shunya sentit son cœur s’accélérer, et ce n’était pas sous l’effet de l’adrénaline. Elle avait peur. Comment aurait-il pu en être autrement ? Une foule hargneuse se dressait face à eux, et sa peur s’atténua devant la surprise quand le Roi se plaça devant elle, son manteau blanc ourlant devant elle.

*Que se passe-t-il ?*

La foule commença à s’avancer, balançant des fruits pourris sur le Roi, qui encaissa silencieusement, résistant probablement à l’envie d’envoyer ses hommes. Un choix avisé, du point de vue de Shunya. Il y avait déjà assez de morts comme ça, et, même si les villageois n’avaient pas d’armures, et des armes désuètes, une faux plantée dans le ventre pouvait toujours tuer. Elle restait à l’abri derrière lui, mais poussa malgré tout un cri quand l’arme en bois d’un villageois se fracassa sur son crâne. Le Roi chancela, et un soldat jaillit, poussant le malotru, qui tomba sur le sol. Sa main se porta à la garde de sa lame, s’apprêtant à l’occire, mais son regard se porta sur les personnes derrière lui, qui les fixaient avec rage, avec haine.

*Il suffit d’une étincelle pour tout embraser...*

Le Roi conservait son calme, et s’écarta, emmenant Shizuka avec lui, avant de lui expliquer, entre quatre yeux, ce qu’il attendait d’elle. Intimidée, Shizuka rougissait légèrement, n’osant pas parler. L’origine du mal... Il voulait qu’elle trouve ce qui avait déclenché cette épidémie ? En échange, il lui offrirait une faveur. Shunya cligna des yeux, pensant, sur le coup, à une plaisanterie. Pourquoi elle ? Elle n’était pas originaire de Meisa, et ne connaissait rien de ce royaume ! Pourquoi est-ce qu’il s’adressait à elle ? Comment était-elle censée voir ? Un frisson de peur remonta le long de son échine, alors qu’elle se mordilla les lèvres.

« Je... Majesté, euh... »

Voilà qu’elle se mettait à bafouiller ! Shizuka baissa craintivement les yeux, n’osant pas soutenir plus longtemps le regard perçant et acéré de son interlocuteur. Elle pouvait entendre les grognements de la foule au loin.

« Vous n’aviez pas le droit !
 -  Qui nous absoudra de nos fautes ?! »

Shunya inspira, se forçant à retrouver une certaine contenance, puis releva la tête, et poursuivit :

« Je... Je suis honorée par votre offre, mais... Je ne connais pas Meisa. Je suis arrivée il n’y a même pas une semaine, et... Tout ce que je sais faire, c’est guérir... J’ai prêté serment de guérir et de soigner, de préserver la vie, mais... Je ne suis pas une enquêtrice... De plus, il est probable que cette maladie est arrivée par navire, c’est le phénomène le plus courant. Les rats ont transporté les puces infectieuses. Je... Je... »

Elle n’osait pas dire qu’elle trouvait cette idée complètement absurde. C’était le Roi, après tout ! Son rôle n’était pas de courir après des chimères, découvrir l’origine de cette maladie, mais de la guérir !
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le lundi 02 septembre 2013, 02:26:58
[Pardon, c'est un peu plus court ><]

Entretemps, la garde royale s’était occupée de disperser les mécontents à grands renforts de cris et de menaces vides. Les civils n’avaient jamais entendu parler d’un massacre de population sous ordre du Roi, pas une seule fois en trois cents ans d’histoire, et ils savaient tous que trois cents ans, c’était une très longue période où bien des choses pouvaient se passer. Une fois les gardes assurés de la coopération des petites gens, eux-mêmes retournèrent à leur caserne pour se reposer, alors qu’un détachement escortaient la carriole transportant le conseiller vers Eist’Shabal, où il serait débarrassé de sa maladie. Si cela se savait que le personnel royal pouvait évincer la peste, cela provoquerait faux espoirs pour le peuple, parce que les quelques experts guérisseurs de Meisa ne pouvaient espérer guérir que quelques personnes à la fois, et Arthuros n’avait pas la priorité à cause de son rang, mais bien parce que le Roi savait que son conseiller savait quelque chose, quelque chose de capital, qui pourrait bien le mettre sur la bonne piste dans sa chasse à la sorcière noire.

Le Roi continuait d’attendre la réponse de Shunya, la laissant prendre la parole quand celle-ci se sentit prête à lui répondre. Ce qu’elle lui dit, néanmoins, lui fit dresser les poils sous l’effet d’un vif emportement.

-Je... Je suis honorée par votre offre, mais... Je ne connais pas Meisa. Je suis arrivée il n’y a même pas une semaine, et... Tout ce que je sais faire, c’est guérir... J’ai prêté serment de guérir et de soigner, de préserver la vie, mais... Je ne suis pas une enquêtrice... De plus, il est probable que cette maladie est arrivée par navire, c’est le phénomène le plus courant. Les rats ont transporté les puces infectieuses. Je... Je…

-Vous êtes une guérisseuse, oui, je sais, la coupa le Roi en levant la main, contrôlant tant bien que mal sa déception. Et probablement que vous n’êtes pas au courant de la situation en Meisa, mais nous avons des méthodes bien établies pour protéger nos citoyens des maladies de l’extérieur.

Le Roi la perçait de son regard, comme s’il voulait lui enfoncer de force ses propres idées dans le crâne. Il aurait été simple de le faire, en plus; il lui suffisait de le désirer, de forcer ses protections mentales et d’envahir son esprit sans lui laisser le temps de se barricader derrière un mur de peur. Pour mieux contrôler son accès de colère, il prit une grande inspiration et expira lentement, se rappelant qu’il s’adressait à une jeune femme certes intelligente, mais qui n’avait aucun attachement spécial pour Meisa; il lui demandait presque de se mettre en chasse de choses auxquelles elle n’y comprendrait rien, ou même auxquelles elle ne croyait tout simplement pas. Ailleurs qu’en Meisa, la magie était plutôt marginale; les sorciers essayaient plus ou moins de se tenir à carreaux pour éviter les bûchers et la plupart des rares gens possédant un don préféraient le cacher pour mieux se fondre dans la masse et vivre une vie sans histoire. Le Roi regarda Shunya tout en se débarrassant de son manteau, qui commençait à sentir franchement mauvais. Il plia le vêtement à l’envers, de façon à pouvoir le ranger  dans sa besace sans souiller le reste de son bagage. Il reprit la parole, sa voix teinté d’un sincère souci.

-Vous savez comme moi que l’Ordre ne possède ni les membres ni les motivations nécessaires pour aider mon peuple. Tout ce qu’ils voient ici, c’est un charmant verger dans lequel ils peuvent cueillir des fidèles désespérés. J’ai besoin de vous. Meisa a besoin de vous pour guérir. Laissez-moi une semaine pour vous prouver que cette peste n’est pas d’origine extérieure, mais bien un sabotage de l’intérieur. À quoi sert-il de guérir une personne quand des milliers d’autres sont en train de mourir?

Le Roi savait frapper où cela faisait mal, et Shunya ne pourrait échapper à son raisonnement. Pour le Roi, elle n’avait comme excuse que son ignorance de Meisa. Il savait qu’elle ne supporterait pas sa décision s’il s’avérait qu’il avait raison et qu’elle n’avait rien fait pour l’aider, laissant derrière elle une énorme montagne de cadavres en train de brûler. Il ne tirait aucun plaisir de la persuader ainsi, mais il ne voulait pas non plus la persuader par la peur ou par la culpabilité; il voulait qu’elle accepte de son propre chef, qu’elle accepte parce qu’elle sait qu’elle sera utile, et qu’elle sauvera une population entière de la maladie et de la mort. Et il savait qu’il aurait besoin d’encore plus d’arguments pour la convaincre, et pour appuyer ses prochaines paroles, il mit un genou en terre, sans décrocher son regard de celui de la guérisseuse.

-Vous avez prêté un serment, jeune demoiselle. Celui de guérir, de soigner, de préserver la vie. Et j’en appelle à ce serment; aidez-moi à préserver la vie de mes gens, et sur mon honneur, vous serez récompensée pour vos efforts, autant dans la réussite que dans l’échec, car je sais que vous ferez tout pour eux. Ne le faites pas pour moi, mais pour mes sujets. Je vous en supplie à genoux.

Quand une personne s’inclinait ainsi devant nous, c’était déjà surprenant. Quand une personne devant qui une population entière s’inclinait ravalait sa fierté pour nous demander une faveur, il était difficile d’évaluer quelle serait la réaction approprié. Un Roi ne demandait pas, il réclamait, parce qu’il en avait le droit et le pouvoir. Il pourrait simplement la forcer à coopérer, il n’avait même pas besoin d’aller aussi loin pour qu’elle accepte. Mais qu’il le croit ou pas, quelque chose lui disait que plus il l’effrayerait, moins ses résultats seront concluants. Il s’empressa d’ajouter une chose, en se levant après cette demande.

-Écoutez; avant de refuser à nouveau, réfléchissez-y au moins une nuit. Je sais que vous croyez que ce serait une perte de temps, mais je vous assure du contraire. Si ce que je pense est vrai, celui ou celle, ou ce qui, a lâché la peste sur mon peuple vise des gens importants loin de Meisa. Vous avez vu Arthuros; la peste se développe plutôt vite, mais vous l’avez remarqué comme moi; il est impossible qu’il en soit à un tel stade aussi rapidement. Arthuros a quitté le château pas plus tard qu’avant-hier!
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le mardi 03 septembre 2013, 17:29:29
Ce Roi était-il devenu fou ? Comment pouvait-il sérieusement croire que Shizuka puisse mener une enquête ? Elle n’en avait pas l’étoffe, elle n’était qu’une guérisseuse ! Diable, elle n’avait rien d’une détective ! Elle n’était pas courageuse, ni brave, ne savait pas se battre, ni se défendre... Sa seule force était de soigner les autres... Et elle ne venait même pas de Meisa ! Comment diable pouvait-elle répondre favorablement à cette requête, tant elle lui semblait absurde ? Son seul talent était de soigner ! Elle ne pouvait pas croire qu’il était sérieux, et, pourtant... Pourtant, oui, il insistait !

Le Roi semblait visiblement hésiter. Il devait probablement être contrarié devant le refus de Shizuka, ce qui la rendit encore plus nerveuse... Mais elle n’avait pas envie de mourir, ou de perdre son temps à faire des tâches inutiles, pour lesquelles elle n’avait aucun talent. Sa vocation était de guérir les malades, pas de mener des investigations. Le Roi cherchait visiblement à la convaincre, en abordant un autre sujet : l’Ordre. Shunya, elle, se rappelait les formations juridiques et les cours de droit qu’elle avait reçu. Enseigner le droit à des guérisseurs pouvait surprendre, mais c’était au contraire tout à fait logique, dans la mesure où cette profession impliquait de se rendre dans des pays étrangers, et de côtoyer des souverains. Personne, après tout, n’était à l’abri d’une maladie, et il était donc indispensable que les guérisseurs disposent d’un minimum de connaissances juridiques. Shunya ne se rendait que dans des pays sûrs, des endroits qui n’étaient pas officiellement en guerre contre Edoras, ou n’étaient pas reconnus comme étant des pays pro-ashnardiens. Tekhos n’était pas en guerre contre Ashnard, mais ce n’était pas une région qu’on recommandait à des guérisseuses manquant d’expérience. En bref, Shunya savait que le Roi ne pouvait rien lui imposer d’autre que de respecter les lois pénales. Elle n’était pas sujet du Roi, simplement une hôte, et, si ce statut empêchait certains choses, il la protégeait aussi d’autres choses. Ce cours lui revenait alors que le Roi lui parlait de l’Ordre. Pour leur amener à s’intéresser aux questions juridiques, leur professeur avait fait des simulations en les mettant en groupe, se mettant à la place d’un souverain, essayant de leur imposer des choses. Une sorte de pièce de théâtre où les apprenties devaient accepter ou refuser, selon ce que les conventions internationales autorisaient de faire.

L’homme voulait lui dire que l’origine de cette peste n’était pas naturelle, mais résultait d’un quelconque maléfice. L’idée, grotesque, amena Shizuka à cligner des yeux. Elle n’osait toujours rien dire, n’ayant pas envie de se fâcher contre le Roi. Elle le vit se mettre à genoux devant lui, presque en le suppliant. Cette image la fit rougir instantanément comme une tomate, et elle se tortilla sur place, n’osant rien dire, terriblement gênée. Le Roi finit par se relever, continuant à essayer de la convaincre... Mais de quoi, exactement ? Que cette épidémie n’était pas naturelle ? Quand bien même ce serait le cas, elle n’était toujours pas compétente pour agir.

« Je... Euh... »

Elle se mordilla les lèvres, croissant ses mains dans son dos, n’osant pas croiser le regard du Roi. Il devait être devenu fou, pour insister ainsi.

« Écoutez, je... Je vous l’ai dit, mon rôle est de guérir les gens, et... Quand bien même votre théorie serait exacte, je ne vois pas en quoi je pourrais vous aider... Et, du reste... Je préfère concentrer mes efforts à sauver une seule personne, plutôt qu’à me lancer dans une quête vaine consistant à essayer d’en sauver des milliers, en me fondant sur des chimères. »

Était-ce elle qui avait osé dire ça ? Ohlàlà ! Shunya se mit à rougir confusément, et tourna la tête, prenant conscience qu’elle avait sans doute été trop loin en disant que ce Roi courait après des chimères. C’était certes ce qu’elle pensait, mais elle savait que ces gens-là étaient du genre susceptibles.

« Euh... Désolée... Mais...Vous... Vous devez bien comprendre que je ne connais pas votre pays, et que je ne sais pas mener des enquêtes. Mon rôle est de soigner, je ne vois pas comment je pourrais vous être utile, je n’y connais rien... »

Elle l’avouait sans fausse modestie, elle ne comprenait pas pourquoi le Roi faisait une fixation sur elle, et insistait à ce point. Bien qu’elle doutait que cette peste soit d’origine humaine, si c’était le cas, les criminels étaient redoutables, particulièrement intelligents et doués. Que pouvait sérieusement faire Shizuka Shunya contre eux ? Le Roi n’avait-il donc aucun agent spécial pour s’occuper de cette mission ? Elle n’arrivait décidément pas à comprendre !
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le dimanche 08 septembre 2013, 04:30:28
Le Roi

Elle refusait de l’entendre. Le Roi sentit son énergie autrefois si vive s’amenuiser. Elle refusait même d’y penser un peu, si ca ce n’était pas de la mauvaise volonté, il se demandait bien ce que c’était. Et pourtant, il ne démordait pas; il savait, dans ses tripes, qu’elle serait incluse dans les événements à venir. Le Roi ravala donc son découragement et s’inclina poliment devant la jeune femme.

-Très bien. Pardonnez mon insistance. Je ne tiens pas à vous contraindre de me suivre dans une quête en laquelle vous ne croyez pas. Je vous souhaite bonne chance dans votre voyage, et voici pour votre temps.

Il glissa une petite poignée de pièces d’or dans les mains de la jeune femme. L’argent était reconnue comme un objet de valeur en Meisa, mais elle y était presque inexistante, parce que jugée inutile. Le Roi tourna simplement des talons, sans insister le moins du monde. Le manque de courage ou de foi des êtres humains le surprenait à chaque fois; ils avaient le courage de poursuivre de longues études pour devenir ce qu’ils veulent dans la vie, mais ils se refusent d’un peu d’intrépidité pour la pimenter, cette vie. À leur place, il aurait profité de sa jeunesse pour vivre le plus d’expériences possibles pour avoir au moins quelque chose à raconter à ses enfants et petits-enfants quand il aurait été incapable de continuer cette vie de folie. « En même temps, ma vie de folie ne se termine jamais, puisque ma vie elle-même est folle. »

Il regagna le village, où une femme vint à sa rencontre. Aucun moyen de ne pas la reconnaitre; des cheveux d’argent, deux yeux dorés brillants comme de petits soleils, une Meisaenne de souche pure et dure. La plus pure, en fait, puisqu’il s’agissait d’Alessa. Équivalente en pouvoir à la Reine de Meisa, si ce poste avait été comblé, Alessa possédait une autorité surpassant même celle du Conseil. La demoiselle lui tendit un nouveau manteau, en tout point similaire à celui qu’il portait quelques minutes plus tôt.  Alors qu’il le passait à ses épaules, le Roi songea qu’il devrait peut-être varier un peu sa garde-robe… mais sa tenue de combat sous le manteau était si pratique qu’il ne se voyait pas changer de vêtements. Il était définitivement difficile d’être un homme ayant une vie aussi mouvementée et d’avoir le luxe d’être habillée comme on le veut.

-Alors? Demanda la Meisaenne en lui passant le capuchon sur le crâne.
-Alors rien, elle ne nous aidera pas.
-Vous demandiez son aide?

Le sourire plaisantin de sa bonne amie acheva de calmer le Roi de sa précédente frustration. Beaucoup de gens faisaient des farces sur sa vie sexuelle, lui donnant une réputation d’homme à l’appétit sexuel insatiable et ne possédant aucun don pour se contrôler en presence d’une jolie femme. En même temps, il ne s’était jamais caché d’avoir de l’affection romantique pour certaines dames, souvent même très jolies, sans jamais officialiser la chose. Le Roi avait de nombreuses maîtresses, et certaines même lui avaient donné un fils ou une fille, mais la montée au trône n’était pas aussi facile que d’attirer l’attention du Roi; celui-ci cherchait quelqu’un présentant des caractéristiques bien spécifiques avant d’installer qui que ce soit à son côté. Et malheureusement, il était également très… sélectif; il ne faisait aucun compromis; la Reine devait pouvoir le remplacer si quelque chose devait lui arriver… et bon dieu que ça ne se trouve pas dans les rues, une telle femme. De plus, il n’était pas pressé de se marier; l’engagement ne lui faisait pas peur, mais la douleur de la séparation avec sa précédente épouse était encore fraiche dans son cœur, et cela était encore plus difficile à vivre en sachant que cette même femme continuait d’arpenter le monde… sans lui. Les vieilles histoires n’étaient pas toujours celles qui finissaient en premier, malheureusement.

-Elle n’est pas… vraiment mon genre. Elle est très jolie, mais elle manque de… d’ambition. Elle a un don remarquable, je le sens dans chaque fibre de son corps, mais elle ne voit pas ou ne veut pas voir son potentiel. Et ça… c’est un non.

Le Roi fit venir un autre cheval, puisqu’il avait laissé celui qu’il avait prévu prendre entre les mains de Shunya, au cas où elle en aurait besoin pour se déplacer. Pour une guérisseuse, l’essentiel, c’était d’arriver au bon moment et très rapidement, mais ceci dit, il savait qu’elle arriverait toujours en retard. Pourquoi? Parce qu’il savait que rien n’était naturel dans cette peste, et il irait jusqu’au fond des choses.

Il enfourcha sa monture, puis fit passer les nouveaux ordres; mener les enquêtes locales sur toute personne suspicieuse au cours de la semaine. De passer les bois et les cavernes environnantes au peigne fin; s’il y avait effectivement une sorcière non-déclarée sur le territoire, il fallait immédiatement l’avertir; plus vite il aura géré le problème, plus vite on pourra s’occuper des blessés. Un dernier ordre; il fallait faire parvenir un message particulier; il fallait faire venir Aglaë, au plus vite. Une fois les directives données, il mit son cheval au galop et quitta le village.

Alessa

La Meisaenne regarda le Roi partir. Tout comme Shunya, elle ne comprenait pas son comportement et son empressement à rechercher une sorcière, puisque la peste était, déjà, une maladie bien grave sans qu’on ait besoin de trouver un coupable. Mais elle connaissait le roi depuis sa plus tendre jeunesse, et ne doutait jamais de ses consignes; s’il disait que le danger les guettait, elle le croyait sans se poser de question. Mais elle aimerait, parfois, avoir sa science; comprendre pourquoi il est aussi confiant de ses réflexions. Mais les immortels étaient tous comme ça, à voir toujours plus loin que les autres.

L’instinct lui disait que quelque chose allait se passer pour Shunya si personne ne veillait sur elle. Elle troqua donc rapidement son armure pour une robe de guérisseuse avec une cape à capuchon. Ses dons magiques étaient principalement orientés vers l’offensive, mais avec son expérience du champ de bataille, elle avait dû prendre quelques leçons de magie régénérative, normalement pour elle-même, mais elle avait appris à faire de même pour le corps des autres. Une fois vêtue, la Meisaenne se dirigea vers la position de Shunya, mais se décide à la rejoindre seulement en temps voulu. Pour l’instant, un peu de surveillance s’imposait, et Arthuros étant sur le pas de la porte de la mort, elle doutait qu'il ne fusse d'une quelconque utilité pour le moment. D'ailleurs, depuis le temps, il devrait avoir reçu des soins de la part d'Aglae et il devrait être à nouveau sur le pied de guerre.

Meisa ne manquait, définitivement, jamais d'évènement intéressant.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le mardi 10 septembre 2013, 02:16:51
SHIZUKA SHUNYA

Ce Roi était décidément une personne bien étrange. Il s’avoua vaincu, lui donnant de l’or, ce qui la fit rougir. Il y avait assez de pièces là-dedans pour qu’elle paie tout son loyer d’avance à Nexus pour plusieurs années... Après tout, Shizuka avait toujours un logement principal à Nexus, où elle avait entamé son pèlerinage. Pour rejoindre Meisa, elle avait embarqué dans un navire, pour une longue traversée. Elle ne s’attendait pas à tomber sur une épidémie de peste, mais on disait que ce pays était un grand pays magique, et la magie était une chose qui intriguait Shizuka. Durant sa formation, on lui avait répété que la magie n’était qu’une manifestation de phénomènes naturels amplifiés, et qu’il s’agissait d’une science à part entière, avec ses règles, ses principes, et sa logique. Cependant, à Nexus, elle avait compris que les magiciens ne se voyaient pas comme des scientifiques, et ceci l’intriguait. Elle était, après tout, une érudite, et c’était pour ça qu’elle était partie à Meisa.

Toujours un peu surprise, elle n’entendit pas une personne se rapprocher. C’était Monica.

« Alors, qu’est-ce que Sa Majesté te voulait ? »

Shunya sursauta, surprise, et laissa tomber plusieurs piécettes. Monica cligna des yeux, et en attrapa une.

« Woow, mais c’est de l’or ! Et bien, tu as du lui faire forte impression, pour qu’il te donne tout ça… Mais fais voir ! »

Shizuka rougit, bafouillant, tandis que les mains de Monica s’emparèrent de la bourse. Pourquoi lui avoir donné autant d’argent ? Il avait dit que c’était en compensation pour le dérangement, mais elle soupçonnait autre chose. De plus, même si elle n’osait se l’avouer, cette histoire de sorcière lui trottait encore derrière la tête. Cependant, elle ne savait vraiment pas quoi en penser. Shizuka savait que le bioterrorisme existait, et que c’était d’ailleurs une pratique courante lors des conflits, que de chercher à infester les ennemis. On répandait des agents infectieux dans les réserves d’eau potable ou d’alimentation des villes à assiéger. Les épidémies de peste démarraient d’ailleurs souvent ainsi. La première grande épidémie de peste, qui avait ravagé la moitié du continent, et qui avait par la suite conduit la Sainte Inquisition à agir en personne, avait commencé par le blocus d’une ville marchande. Les envahisseurs, depuis leurs navires, avaient balancé des cadavres au-dessus des murs, amenant avec eux la peste, qui faisaient rage dans les régions orientales. À partir de là, bénéficiant d’une crise du blé qui avait affamé les campagnes et la ville, la peste noire avait proliféré, décimant les villes, allant jusqu’à Nexus. Pour la stopper, l’Inquisition avait décidé de tout brûler. Ces catastrophes sanitaires justifiaient en partie le souhait des Tekhanes de s’investir davantage dans le reste de Terra, afin d’éviter que les épidémies ne deviennent à nouveau pandémique. L’une des conséquences concrètes de cette politique était d’amener les guérisseuses tekhanes ou protekhanes à effectuer des voyages dans d’autres régions du monde, comme Shizuka le faisait.

En somme, un seul agent isolé ne pouvait être derrière une épidémie. C’était beaucoup trop gros, et il fallait au moins une équipe de laborantins, afin de confectionner le virus, de l’isoler... Ceci nécessitait un équipement précis, si on ne voulait pas être contaminé également. Shizuka imaginait mal une vieille folle hirsute dans sa forêt faire ça, avec son chaudron... C’était pour ça qu’elle avait du mal à croire à la théorie du Roi. La seule hypothèse aurait pu venir des Ashnardiens, car elle avait cru comprendre que, jadis, Meisa avait intéressé l’Empire. Or, l’Empire n’hésitait pas à utiliser la maladie, parmi d’autres méthodes odieuses, constituant, au regard des conventions tekhanes, des crimes de guerre.

« Hum... Je vois que notre bon vieux Roi ne perd pas le nord... »

Shizuka cligna des yeux.

« Qu’est-ce que tu veux dire ? Il... Il pense qu’il y a une sorcière derrière cette contamination...
 -  Hein ? Comment ça ?!
 -  Je… Je ne sais pas… Mais je ne comprends pas pourquoi il m’a donné tout cet argent…
 -  Je pense avoir une petite idée... »

Elle avait lancé ça sur un ton soupçonneux, mais, devant le regard interrogatif de Shizuka, Monica se mit à soupirer.

« Décidément, Shizuka, même une none rougirait à côté de toi ! »

Shizuka s’empourpra à nouveau, n’osant pas parler.

« Bon, il y a encore des gens à soigner, Shizuka... Allons-y ! Mais tu devrais ranger ta bourse, la tentation est facile... »



WALLIN

(http://nsa35.casimages.com/img/2013/09/08/mini_130908051041494941.jpg) (http://nsa35.casimages.com/img/2013/09/08/130908051041494941.jpg)

« Oh, toi ! Je vais te... »

La lame égorgea le malotru, son sang venant rougeoyer l’acier tranchant de l’épée, tout en décorant la tapisserie de la maison. Le bandit s’écroula sur le sol, se tenant la gorge en gargouillant, essayant vainement de retenir le sang qui fuyait de cette dernière. Le vieux guerrier encapuchonné, à la barbe grisonnante, ne s’intéressa même pas à ce minable, et s’avança, quittant le salon de la demeure de son vieil ami, Josselin. Ce dernier lui avait envoyé un corbeau pour lui dire de revenir immédiatement à Meisa. Wallin avait fait aussi vite que possible, mais il était visiblement trop tard. Quand il était arrivé dans le jardin de Josselin, c’était pour voir les grilles ouvertes, fracassées. Dans tout le quartier, des rôdeurs et des pillards dévalisaient les maisons. Comme toujours, alors que l’humanité devait se serrer les coudes dans les moments difficiles, il y avait toujours des rats, des mécréants, qui profitaient de la faiblesse des uns pour satisfaire leurs appétits personnels. Wallin n’avait eu aucun remords à les tuer. Ils avaient tué les majordomes de Josselin, et il craignait qu’ils n’aient volé sa fille.

Il grimpa rapidement l’escalier, appelant son vieil ami, en se dirigeant vers sa chambre.

« Josselin ! Josselin ! »

Wallin gravit un autre escalier, et entendit un toussotement venant d’une porte entrebâillée sur sa gauche. Le couloir était riche, avec des tableaux magnifiques, représentant des paysages de montagne ou du ciel, des endroits que Josselin, en tant qu’ancien alpiniste, affectionnait. Wallin ouvrit la porte.

« Josselin ?
 - Wa… Wallin, aaaahhh… J’avais…

Une toux le saisit. Il était allongé dans le lit d’un domestique, une bassine d’eau froide depuis longtemps à côté. Josselin était fiévreux, cadavérique, et la fenêtre était ouverte. On entendait des hurlements et des rires au-dehors.

« Josselin, je... Pardonne-moi... J’ai mis trop de temps à revenir... »

Josselin essaya de parler, mais une nouvelle quinte de toux le saisit, du sang jaillissant de sa bouche. Il se souvenait du fort Josselin, un homme bourru, qui tenait sa fortune de la gestion d’un important complexe forestier, un pilier de bar, qui avait bourlingué avec Wallin il y a longtemps, avant d’épouser Nallia. Quand elle avait été enceinte, il avait décidé de cesser la vie d’aventurier, reprenant la concession familiale à Meisa.

« Ne... Ne dis pas de sottises, Wallin, je t’en prie ! Main... Maintenant, écoute... Écoute, et tais-toi, surtout, je... Je n’en ai plus que pour quelques minutes à vivre, tout au plus... Je ne verrais pas le soleil se coucher, alors... »

Nouvelle quinte de toux.

« L’heure... L’heure est grave... Mais je manque de temps... Aaaaah, on en revient toujours là, après tout ? Écoute... Lysia n’est... Il faut que tu la retrouves... Elle a la clef de la crypte, et... Écoute, Wallin, Meisa... Meisa est condamné, si tu ne retrouves pas Lysa... Vous... Vous devez entrer dans la crypte, il le faut, je...
 -  Calme-toi, mon vieil ami, économise tes forces. Dis-moi où se trouve ta fille. »

Et Josselin s’exécuta.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le samedi 14 septembre 2013, 22:42:47
Le Roi

La magie noire était un art qui se plaisait dans l’usage généreux de trois facteurs; la discrétion, le sabotage et les effets de longue durée. Lorsqu’on parlait de magie noire, on ne parle pas de cette connerie contemporaine qui allie la magie noire aux éléments, non. Quand on parle de magie noire, on parle des malédictions, des empoisonnements mystérieux, des invocations des maladies, le truc qui empêche les magiciens au travers du monde entier de dormir sur leurs deux oreilles avec deux yeux bien fermés et qui nourrit le folklore des civilisations, le machin qui a causé des cataclysmes par une bêtise commise par un apprenti dans son dortoir. De par sa nature hasardeuse, il était également très difficile de remonter la trace d’un sortilège qui aurait pu être lancé il y a des années avant de prendre la forme d’une peste, et le Roi en savait un brin; il se souvenait encore des malédictions de malchance que les gitanes avaient lancé à un de ses hommes; du coup, le pauvre bougre ne pouvait plus rien faire sans risquer de casser quelque chose ou de blesser quelqu’un. Lui-même avait imposé un silence éternel sur une personne qui, nettement, n’avait jamais appris à fermer sa grande gueule.

Les villages environnants n’avaient que peu d’information sur la magie, le centre de renseignements se trouvant à Eist’Shabal, il serait inutile d’y retourner puisqu’il savait qu’il n’y trouverait rien. Ce qu’il fallait faire, maintenant, c’est trouver une personne, n’importe laquelle, qui pourrait le mettre sur une piste. Et il n’y avait personne, et son don de se retrouver dans toutes les situations les plus incroyables ne semblait pas lui être d’une grande aide. Son découragement le mena à une taverne. On dit que son Royaume n’était pas la place pour les alcooliques, et pourtant, le nombre de tavernes ne cessaient de croître en Meisa. Il n’avait par contre jamais rencontré de mauvais buveur qui ne pensait qu’à se perdre dans les flots qu’il ingurgitait. Non, il n’y avait que deux types de taverne en Meisa; celle où la musique, les chansons et la rigolade en faisaient une fête éternelle et celles, moins fréquentées, où il se faisait bon de se retrouver pour discuter et boire ce qu’on voulait, passant de l’alcool au lait de chèvre. Et c’était dans ce dernier genre de taverne que le Roi s’enferma un moment. Il ne se sentait pas dans son état normal. Il était agité, comme à chaque fois où il rencontrait une variable inattendue; s’il ne pouvait pas la régler immédiatement, il se sentait plus pressé, moins porté à la réflexion.

Alors qu’il s’attablait et demandait au tavernier une bonne pinte, il lui demanda également s’il possédait un exemplaire de la cartographie actuelle de Meisa. L’homme lui apporta donc sa commande et un grand rouleau en parchemin, qu’il étala devant lui pour l’examiner. Il passa un doigt sur la carte et celle-ci se marqua d’une fade lumière dorée. Il élimine magiquement les endroits où il était déjà passé et ceux où la peste avait déjà tué tout le monde. Il établit également le mur magique protégeant Eist’Shabal de ce genre d’épidémie, puis il rassembla aussi les routes et trajets marchands. Il énuméra également les endroits où il était possible de dresser des éléments nécessaires à une malédiction. Il n’était pas un expert en magie noire, sa propre science se trouvant dans sa capacité à ressentir et manipuler les énergies environnantes pour exécuter ses faits magiques, mais il en savait un grand rayon au niveau théorique. Pour déclencher une épidémie, ce n’était pas compliqué, ce qui l’était, c’était la rendre grave. Et pour ce faire, il fallait…

-Tuer. Tuer des innocents. Tuer des enfants et des jeunes femmes.

Il posa une main sur la carte et ferma les yeux pour mieux se concentrer. « Je suis le Roi. J’ai monté Meisa de toute pièce, à partir de rien. Chaque habitant, chaque plante, chaque être vivant est une partie de moi. Je suis Meisa. » Comme si cette simple phrase, mentionnée à voix basse, suffisait à lui donner toute la connaissance, il sentit passer dans son corps une énorme quantité d’information qu’il déversa magiquement sur la carte. Soudainement, Meisa brillait de mille feux, avec des couleurs de rouge et de vert. Il ordonna à la magie de lui révéler la démographie des villages au cours des dernières semaines. Il remarqua alors de nombreuses disparitions prématurées de très jeunes flammes dans un petit village. Il mit fin au sortilège et se redressa et, avalant sa pinte cul-sec, il rendit la carte intact à son propriétaire et se précipita vers la sortie. Il enfourcha sa monture, coupant net sa bride d’un coup d’épée et le mit au galop d’un coup de talon. Le village de Kem était un petit village où se trouvait principalement des militaires retraités, ou des mercenaires désireux de se retirer de la vie d’aventurier pour penser de vieilles blessures. Ce village se trouvait à la lisière de la forêt, par-delà les plaines fermières de Meisa, qui formaient la partie terrestre entourant Eist’Shabal. Il ne s’y aventurait que rarement, sauf lorsque les habitants sylvestres se plaignaient du comportement irrespectueux de leurs voisins envers leurs amis les arbres. « Franchement, parfois, je me demande pourquoi j’ai laissé des Elfes s’installer dans mes forêts. Alors, oui, ils sont cultivés, sympathiques et très puissants en magie, mais ce sont d’horribles voisins. »

Alessa

-Comment va Arthuros? Demanda la Meisaenne, penchée sur une petite boule de cristal.
-Il va s’en sortir, fit la voix d’Aglaë. Nous avons réussi à purger la maladie de son corps.
-Des traces de magie?
-Non. Si je devais émettre une hypothèse, la magie n’aurait servi qu’à lancer et renforcer l’épidémie, mais aurait fini par être complètement remplacée par la nature déjà dévastatrice de la peste.
-Et pour les tâches noires?
-Elles ont grossi.
-Pardon?
-Ce n’est pas une maladie, Alessa. C’est une malédiction. Et une malédiction très puissante.
-Aglaë, c’est ton travail de briser ce genre de maléfices en l’absence du Roi.
-Je ne suis pas le Roi, je ne peux pas puiser dans l’Artéfact pour alimenter mes sorts quand ma puissance me fait défaut. J’aimerais bien t’y voir, moi!
-Pardonne-moi. Mais quand Arthuros pourrait-il sortir de ta solution?
-Pas tant que le responsable vivra. Nous nous affairons à le dépister.
-Très bien. Recontacte-moi si tu as de nouvelles informations.

Alessa brisa le sortilège qui la gardait en communication avec l’apprentie du Roi puis elle retourna à son faux travail de guérisseuse… ou, plus exactement, de médecin légiste. N’étant pas très efficace en tant que guérisseuse, elle pouvait néanmoins mettre à profit sa connaissance parfaite du corps humain pour obtenir quelques informations. Elle avait donc commencé à disséquer beaucoup de personnes ayant succombé à la peste, et dès qu’elle rencontrait une anomalie, elle l’inscrivait dans son rapport. Elle avait également réussi à se faire passer pour une Inquisitrice de l’Ordre, une enquêtrice, pour rassembler encore plus d’Informations. Elle savait qu’elle ne pourrait pas faire durer cette mascarade éternellement, donc elle essayait de rassembler elle-même certaines parties du puzzle, et elle savait que si elle en rassemblait assez, elle pourrait possiblement prouver que la maladie était d’origine magique, et non pas naturelle. Les cas les plus surprenants restaient les malades n’ayant été infecté que quelques heures avant leur décès. Même dans les cas extrêmes, la peste prenait au moins trois jours avant de mettre fin aux jours d’une personne. Elle avait travaillé pendant une seule journée et tout semblait lui sauter aux yeux, alors, pourquoi cela ne sautait pas à ceux des autres?

Elle regarda un moment sa fiche d’information et elle passa une main sur son visage, blême. Elle ordonna néanmoins que ses informations fassent l’objet d’une investigation approfondie; si elle se trompait, elle ne voulait pas faire de vague inutile. En attendant les résultats, elle se décida à quitter sa tente. Elle avait besoin d’air. Le soleil commençait doucement à disparaître et elle savait que la lune agirait sur son corps, donc, elle s’empressa de prendre un petit comprimé noir. Les Meisaennes tiraient de l’énergie de la lumière de la lune, ce qui expliquait pourquoi la plupart dormaient le jour et non la nuit, et malheureusement, pour certaines sang-pur, comme elle-même, elle réagissait à cette lumière par une bioluminescence oculaire; ses yeux brillaient. Une fois dehors, elle s’installa loin des tentes des infectés, s’installant près d’une rivière et tirant une cigarette d’une petite boite cachée dans le revers de sa robe blanche. Les soirées se rafraichissaient dans la campagne, et elle n’aimait vraiment pas le froid. Mist, par contre, adorait. « Une vraie folle » grogna-t-elle alors qu’elle allumait sa cigarette avec un ongle magiquement chauffé. Tirant dessus, elle regarda un moment autour, essayant de générer magiquement une chaleur générale dans tout son corps pour combattre le froid. Elle n’y trouva qu’un maigre résultat et abandonna sa tentative, se levant et marchant de long en large pour conserver une certaine température. Alors qu’elle allait jeter sa cigarette, une des guérisseuses revint avec le résultat de la recherche approfondie de ses théories. Elles étaient correctes.

-Envoyez ce rapport à la personne en charge. Elle en viendra aux mêmes conclusions que moi, et faites parvenir cette lettre au palais à l’intention des Conseillers Raphael, Alexander et Aglaë; il faut contacter les Tekhanes et mettre en place des procédures de stase des patients. Cette maladie n’a rien de normale. Il faut la mettre à l’arrêt en attendant de pouvoir l’éradiquer.

En attendant, elle espérait que le Roi avait une piste… et une bonne.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le mardi 17 septembre 2013, 10:57:33
WALLIN

« Comment ça, la fille n’était pas là ?
 -  Il n’y avait personne, je te dis ! Ce sale connard de vieux croulant avait déjà clamsé quand je suis monté.
 -  Et tu dis que l’équipe de Geoffrey est morte ?
 -  Tous ! Putain, j’y comprends rien ! C’était un putain de mausolée, là-haut !
 -  Le Boucanier ne sera pas content, si nous n’avons aucune trace de la fille. Il la veut, tu comprends ?
 -  Moi, je dis qu’on devrait foutre le camp d’ici ! Ça pue, merde ! La-Brique est morte, putain ! La-Brique, quoi ! Tu te rappelles quand il avait cassé le bras de Tommy au bras de fer ? Ce mec était une putain de montagne, et il a chopé la Maladie ! On va y passer, nous aussi, si on se casse pas de là ! »

Le duo avançait dans des rues désertes et silencieuses de la ville, pensant que personne ne les suivrait. C’était une grave erreur tactique. Wallin savait avancer sans se faire repérer. Jadis, il avait pisté des proies pendant des mois à Nexus. Autre époque, mais les vieilles habitudes avaient la vie dure. Il travaillait alors pour le compte de petits criminels, des trafiquants, des bourgeois arrivistes... Et même pour des couples voulant obtenir un divorce pour faute en trouvant avec quelle personne leur époux les trompait. Josselin ne lui avait pas dit grand-chose, si ce n’est que Lysia n’était pas en sécurité. À cette idée, Wallin sentait la panique s’emparer d’elle. Lysia, la fille de Nallia... Il avait jadis aimé cette femme, et il pensait l’avoir toujours aimé. Oh, il n’avait jamais reproché à Josselin de l’avoir pris, elle méritait mieux que Wallin. Il était le parrain de Lysia, et il lui incombait de la protéger, surtout si elle avait des réponses à cette épidémie. Wallin n’était pas originaire de Meisa, et se moquait bien du sort de ce pays, mais le sort de Lysia lui importait. Il était complètement fou d’avoir atteint un pays ravagé par la peste, où ses chances de survie étaient infimes, mais il avait juré sur son honneur de protéger Lysia, et d’être là pour Josselin. L’honneur n’était pas une chose à prendre à la légère.

Il était resté près du manoir, en attendant que d’autres types approchent. Il avait en effet remarqué que les objets de valeur du manoir avaient déjà été volés, et que les pillards n’avaient sur eux aucun objet d’importance. Il avait ainsi compris que ces derniers n’étaient pas venus ici pour l’or, mais pour d’autres raisons, certainement liées à Lysia. Son instinct d’ancien détective nexusien lui avait dit d’attendre que d’autres loubards arrivent. Il était resté dans le manoir, à méditer devant la dépouille de Josselin, quand ils étaient revenus. Deux misérables rats, les pupilles dilatées par l’usage excessif de narcotiques. Il les avait pisté, bien loin des somptueux manoirs de Meisa, pour rejoindre des quartiers plus sinistres, où la peste avait du faire rage, vu le nombre de chariots où on avait empilé les cadavres.

« Et comment tu veux te tirer, hein, ducon ? Y a plus aucun navire qui démarre, et l’Ordre nous a totalement encerclé ! Tu as pas attendu ce que Titus a essayé de faire ? Lui et ses chevaux sont tombés sur les cavaliers de l’Ordre, leurs archers, et leurs balistes... Tu sais, celles qui sont grosses comme ça, et peuvent te décapiter un ours ? Titus a essayé de parlementer, et une flèche lui a longé l’oreille... Tchac ! comme ça ! Merde, je suis sûr que ce fils de pute a pissé dans son froc !
 -  Si on veut s’échapper, on le peut...
 -  Ces connards de l’Ordre, ils plaisantent pas avec ça. Nôt’bon connard de Roi les a chassés, ils lui feront pas oublier ça. Z’ont leurs navires sur la mer, et y brûlent tous ceux qui s’approchent. ‘Cherchent même pas à savoir si t’es l’putain de bon Dieu en personne, y t’arrosent comme une bondieuserie de pluie ! »

Manifestement, ces gens étaient bien renseignés. Parallèlement, Wallin notait à quel point la ville ressemblait à une ville-fantôme. Toutes les maisons étaient plongées dans l’obscurité, comme si elles étaient hantées par des fantômes. On avait barricadé beaucoup d’entre eux, mais, sur beaucoup d’autres, on avait aussi arraché les planches de bois, afin de les vider, de les dépouiller. Ils s’avancèrent dans une artère qui longeait une petite rivière. On avait même volé les pots-de-fleur, arrachant certains, balançant des cadavres à la flotte. Il se dégageait une odeur terrible de la rivière. Wallin émit une grimace. Josselin lui avait parlé de cet endroit, avec des petits ponts en bois. C’était une promenade romantique, où l’eau était aussi claire et pure que le cœur de Sainte-Jeanne.

Wallin continuait à suivre les deux individus, mais il sut bientôt où ils allaient, en voyant un bâtiment éclairé. Le seul du quartier, avec plusieurs hommes en armure devant, exhibant des arbalètes, des épées, ou des haches.

*J’y suis... Est-ce le refuge de ce Boucanier ? Que sait-il sur Lysia ?*

Wallin devait en savoir plus, et entreprit donc de se rapprocher, prudemment, bénéficiant de l’obscurité pour que personne ne le repère.



SHIZUKA SHUNYA

« Et ben, quelle journée, pfiouh ! Je ne sais pas pour toi, mais je suis claquée ! »

Shizuka sourit poliment. Oui, la journée fut laborieuse. Le soleil commençait à se coucher, et les deux jeunes femmes se lavaient les mains dehors, grâce à une bassine. Un vent frais se levait, faisant frissonner Shizuka. Depuis l’intervention du Roi, il ne s’était rien passé de particulier. Shizuka n’avait pas oublié le Roi, mais son esprit avait été accaparé par les nombreux traitements qu’elle avait apporté. Elle était révoltée de voir qu’il n’y avait pas que des pestiférés qu’on amenait, mais aussi des individus qui avaient été blessés et battus, pour qu’on les vole. Elle avait notamment soigné un homme à qui on avait arraché l’un de ses dents, une belle dent en or qu’il avait obtenu grâce à un anniversaire familial, avec une tenaille. Il pissait le sang, et elle avait du le soigner, et soulager sa douleur. Plusieurs individus étaient morts, et on avait du les balancer à l’arrière-cour. Fort heureusement, les gardes se chargeaient de cette tâche. En voyant le charnier, Shizuka aurait probablement vomi. Les cadavres avaient beau grossir, le nombre de malades était en pleine explosion, et les vivres manquaient. La magie ne permettait pas tout, et il fallait des médicaments pour soigner les gens.

« Mais tu sais ce qu’on dit, Shizuka, hein ? Pas de repos pour les braves...
 -  Il reste encore des gens à soigner. Chaque vie soignée est pour moi la plus belle des récompenses. »

À sa surprise, Monica se mit à glousser.

« Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit de drôle ? »

Monica, pour toute réponse, se mit à l’imiter grossièrement :

« Chaque vie soignée est la plus belle des récompenses... Tu le sors de quel bouquin, ça, Shizuka ? Il va falloir que tu apprennes à vivre...
 -  Mais je..., lâcha-t-elle, rouge comme une tomate.
 -  Crois-moi, si tu t’attends à ce que ces types se montrent honorés que tu leur sauves la vie, tu te trompes... Ce type à qui tu as sauvé sa bouche... Le gars à la dent en or... C’est un escroc, une petite frappe qui...
 -  Ça n’a aucune importance pour moi. Mon rôle est de soigner les gens.
 -  Même quand c’est la pire des ordures ? »

Shizuka rougit encore, et répondit rapidement, sans y réfléchir :

« Évidemment ! »

Ceci amena un sourire sur les lèvres de Monica, qui n’estima pas nécessaire de répondre.

« Bon... Il faut qu’on y retourne... »

Les deux femmes retournèrent dans la grande tente. Aucune d’elle n’avait vu les hommes armés qui, lentement, se rapprochaient de la grande tente. Ils avaient une mission bien précisé, et comptaient l’accomplir. Si on se gênerait entre eux et leurs cibles, alors ils tueraient les ennemis. Et, si possible, ils violeraient bien ces petites infirmières. Elles les tentaient bien.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mercredi 18 septembre 2013, 02:09:59
Le Roi

Le Roi s’arrêta en lisière de la forêt pour prendre un peu de repos. Son cheval ne le porterait pas plus loin à ce rythme; le pauvre semblait déjà sur le point de mourir d’épuisement. Descendant de selle, il débarrassa l’animal de son bagage et de l’équipement de chevauche qu’il arborait depuis son départ du village. L’animal renâcla et trembla de fatigue. Il n’irait pas bien loin dans cet état. Du coup, il posa ses mains sur l’encolure de la brave créature et relâcha en elle une part de son incommensurable énergie. Aussitôt, la bête se mit à hennir de joie, sentant une nouvelle force passer dans ses muscles revigorés, et elle se mit à faire des cercles au petit trot, comme pour montrer à son maître qu’elle était en pleine forme. Le Monarque lui adressa un sourire tout en lui caressant le front. Il s’immisça dans l’esprit de la bête et lui dit de partir, de retourner au village, où elle vivait avant de le rencontrer. L’animal semblait s’opposer à cette idée, mais un regard plus sévère de l’homme la dissuada de lui tenir tête. L’étalon partit donc au galop pour retrouver son écurie adorée pendant que le Roi retournait à son voyage, après avoir sommairement réorganisé son bagage, celui que portait son cheval étant trop encombrant pour ses besoins.

Il reprit son trajet à la marche. Le soleil était presque entièrement couché depuis le début de son voyage. Comme l’obscurité était l’ennemi du voyageur, il lança sur ses pupilles une illusion, plongeant le monde dans un grand soleil, comme si les ténèbres n’étaient pas encore descendue sur la terre. Malgré cette altération, il ne pouvait pas se débarrasser de ce sentiment qui lui chipotait les tripes; quelque chose ou quelqu’un le surveillait, il en mettrait sa main au feu. Cependant, ralentir n’était pas une option envisageable, et il aurait bien le temps de gérer le problème en temps venu; il devait d’abord regagner la Retraite du Guerrier, la petite ville mentionnée plus tôt.

Ses pas se firent plus pressants, et alors qu’il se mettait à courir, Ehredna se mit à briller d’une lueur rougeoyante aux pulsations alarmées. Le Roi tira alors l’épée de son fourreau et fit volte-face juste à temps pour parer la lame d’un assaillant complètement vêtu de noir, dont la capuche masquait le visage. Le monarque fit un bond arrière pour mettre de la distance entre lui et son agresseur, prenant tout juste conscience d’un autre ennemi qui fonçait vers lui, dague levée. Notre protagoniste se laissa tomber au sol, se rattrapant d’une main. Il asséna deux bottes dans le torse de l’inconnu, puis il frappa la main armée, projetant la dague plus loin, avant de pousser sur ses mains et exécuter un petit bond acrobatique, retombant sur ses pieds. Il reprit l’assaut sur le premier assaillant et enchaina les coups, que son adversaire esquiva habilement. L’autre tenta un croche-pied, ratant sa tentative car le dirigeant s’était immobilisé pour habilement tourner son attention vers lui. Le second homme en noir évita de justesse la lame filant vers son torse en exécutant un saut perilleux. Pour regagner la distance perdue, l’Immortel planta Ehredna dans le sol, tirant dessus de toutes ses forces pour se propulser lui-même vers l’homme. Laissant son arme derrière lui, l’héritier des Ashanshas réussit à refermer son bras droit autour du coup de cet assaillant, posant sa main derrière sa tête pour lui briser la nuque d’un coup sec. Derrière lui, le premier assaillant venait de prendre Ehredna et le Roi lui fit face. Il sût que la partie était gagnée au moment où l’homme perdit soudainement tout désir de se battre, tout désir de vivre, se retrouvant sur le sol à genoux, les mains resserrées sur la lame enchantée qui contrôlait maintenant parfaitement son esprit.

Le Monarque laissa tomber le cadavre du précédent adversaire pour se tourner vers celui qui se trouvait maintenant devant lui, dénué d’esprit combattif. Mettant un genou en terre, il retira la capuche de l’assassin et tira une tête incrédule en se rendant compte que son ennemi… était une femme. Le Roi inspecta la demoiselle sous toutes ses coutures; c’était clairement une femme originaire de Meisa, avec la peau basanée typiques des habitants. Le dirigeant lui mit une main sous le visage et la força à le regarder dans les yeux.

-Qui t’envoie? Qu’espérais-tu gagner en t’opposant à moi?
-Je… ne sais pas… qu’est-qu…

Elle gémit alors de douleur et se mit à cracher du sang avant que d’un coup brusque, toute la vie se trouvant dans le corps de la demoiselle lui file entre les doigts. La jeune femme était morte. Le Roi sut alors qu’elle n’était pas une sympathisante, mais une victime, tout comme son compagnon. Il n’avait pas besoin de les connaître pour se sentir chagriné de leur décès. Il savait qu’il n’avait pas plus de temps à perdre, aussi se contenta-t-il de les adosser à un arbre, liant leurs mains car même s’il doutait que ces personnes aient été réellement proches, elles ont connu la mort ensemble. « C’est la seule sépulture que je puisse vous faire pour le moment. Mais je reviendrai pour vous. » Plus que jamais, il commençait à croire que ce n’était pas l’œuvre d’une seule personne; quelqu’un le surveillait, et cette personne ne pouvait pas être en train de répandre une peste tout en lui envoyant des assassins s’il devait les manipuler. Et il ne connaissait pas des masses de personnes qui pouvaient manipuler l’esprit des gens. C’était plus commun que les sorciers, certes, mais rares tout de même.

Après quelques minutes de marche, il avait enfin atteint la Retraite du Guerrier. Lorsqu’on parlait de villes en Meisa, on parlait le plus souvent d’Eist’Shabal, ou Ferdorage, la cité naine sous les montagnes septentrionales, ou Werdenmiel, la Communauté elfique se trouvant au cœur de la Forêt d’Ambre, mais les guerriers retraités ne se sentaient pas confortables dans une vie paysanne, dans la campagne. À la place, sans même demander le soutien du Roi, ils s’étaient rassemblés avec leurs familles et avaient créé cette petite ville et avaient même creusé la montagne pour se créer un accès à la mer par le Nord. Il fallait bien deux heures pour traverser la montagne, mais  cela ne gênait pas leur économie locale, basée principalement sur les services militaires et l’exportation des minerais Nains, ceux-ci détestant particulièrement la mer au point de refuser avec véhémence d’y « refoutre les pieds ». Les anciens combattants pouvaient ainsi se reconvertir marchands ou simplement transporteurs. Les nains avaient même accepté de leur céder une part de leurs minéraux en échange de leurs vivres cultivés dans les Grands Jardins, au beau milieu de la ville.

Le Roi s’infiltra dans la place fortifiée et se mit à marcher dans les rues, provoquant quiconque de s’en prendre à lui, et il dressa même un énorme bouclier d’énergie autour de la ville tout entière, empêchant les pillards et les brigands de fuir. Les dés étaient jetés; qu’est-ce qui attendait l’Immortel en cet endroit?

-On ne s’attaque pas à mes gens sans subir mon courroux, s’enragea le monarque.

Il se dirigea alors vers l’un des rares endroits à encore avoir de la lumière, en dehors de la taverne mise-à-sac.

Alessa

-Mais qu’est-ce que cette gar… ARGH!

Alors qu’il s’apprêtait à s’attaquer à Alessa, l’un des rares imbéciles à ne pas pouvoir reconnaitre une combattante au premier regard vit son bras se plier dans un angle surprenant. La femme lui agrippa alors le col et le mit au sol avant de lui flanquer un grand coup de poing sous le menton, lui éclatant très certainement quelques dents de la bouche, avant de se tourner vers son comparse en se frappant dans la main. Un peu d’action, pour une Meisaenne qui venait de passer la journée à ouvrir des cadavres inertes, ce n’était pas refusable. En deux temps trois mouvements, néanmoins, elle avait déjà fait tomber le second colosse sur ses genoux, lui flanquant ensuite un coup de pied derrière la tête pour l’envoyer au sol, inconscient. Satisfaite de son travail, la Meisaenne prit même le loisir de signer son travail avec son poignard, coupant un joli « A » sur les vêtements des deux agresseurs. Son pressentiment s’était donc avéré juste; quelqu’un sabotait les efforts des guérisseurs pour enrayer la maladie. Elle menotta prestement les deux hommes puis elle sortit de sa tante, faisant apparaître sa longue claymore dans sa main droite. Des cris commencèrent à se faire entendre dans la grande tente, et elle comprit donc qu’il ne s’agissait pas que d’un petit groupe d’assassins, mais bien d’un raid. La Meisaenne se dirigea au pas de course vers la source des cris et tailla la toile de la tente pour entrer dans un bond. Une des infirmières se débattait contre son assaillant alors que celui-ci s’affairait à lui arracher sa robe, mais lorsque l’homme se rendit compte de la présence de la Meisaenne, le pied nu de celle-ci vola vers son menton et le décolla de terre, l’envoyant sur le dos. Ne pouvant pas se relever suite à ce coup brutal, la guerrière marcha lentement sur lui, lui écrasant les joyeuses sur son passage.

-Bravo à l’efficacité de la Garde Civile… Raphaelle va se prendre un de ces savons quand je vais rentrer…

Portant deux doigts à ses lèvres, elle lâcha un sifflement retentissant qui alerta automatiquement la garde. Remarquant la présence de Shunya dans la tente, elle remarqua aussi les deux hommes qui essayaient de la chopper, qui venaient de se retourner pour la voir. Elle leva alors une main vers eux et referma le poing. Les deux intrus furent alors projetés l’un contre l’autre et leurs deux corps lâchèrent des craquements bien sonores. La Meisaenne planta sa lame dans le corps de l’assassin avant de s’approcher des autres intrus en faisant craquer ses jointures, se plaçant devant Shunya et Monica pour les protéger des assaillants.

-Restez derrière moi et préparez-vous à sortir dès que je vous en donnerai le signal. Le campement est assiégé.

Bien qu’elle ignora encore l’identité de leurs agresseurs, elle savait que toutes les guérisseuses étaient potentiellement importantes dans le combat contre la maladie. Mais elle savait aussi qu’elle était seule contre possiblement plus d’une dizaine d’individus; elle avait beau être forte, elle n’était pas le Roi; deux assaillants tués par magie, ça demandait beaucoup de son Endurance, et elle doutait franchement pouvoir tous les abattre. Elle sauta néanmoins dans le tas et se mit à combattre, comme elle savait si blen le faire, pour maintenir les assaillants loin des infirmières, qui se rassemblaient toutes derrière Shunya et Monica. Vivement l’arrivée des tekhanes.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le vendredi 20 septembre 2013, 02:15:09
WALLIN

« Où sont Mathias et ses hommes ? »

Les hommes discutaient dans la cave de l’auberge. Personne n’était à l’étage, mais on ne perdait pas les bonnes vieilles habitudes. Wallin les avait contournés, passant par une maison à proximité, afin d’arriver dans une espèce de ruelle longeant l’auberge. Il y avait des regards permettant de voir à l’intérieur de la cave, et il s’était positionné là, afin de les écouter. Il avait légèrement écarté le regard, et pouvait, en se penchant bien, entendre les bruits émanant de la pièce.

« Ils sont en train de jouer aux billes avec Saint-Pierre...
 -  C’est vraiment la merde ici... Pourquoi le Boucanier a voulu qu’on se regroupe ? On va tous y passer !
 -  Douterais-tu de sa sagacité ? Le Boucanier savait que les choses dégénéraient à ce point. Il savait que la maladie allait éclater, et ravager le pays. »

Voilà qui devenait intéressant. Wallin restait méfiant, regardant prudemment autour de lui. En temps normal, l’endroit serait probablement surveillé, mais il n’y avait visiblement plus assez de crapules pour s’assurer de ça maintenant. Le vieux guerrier restait tout de même vigilant, tandis que les truands s’agitaient. Le Boucanier... Ce nom ne disait rien à Wallin, et il regretta de ne pas avoir avec lui un habitant de la ville, comme un détective. Il ne faisait pas confiance aux soldats, étant, après tout, un Nexusien. On ne pouvait jamais vraiment savoir à qui la loyauté d’un soldat allait, en définitive. Et Wallin ne tenait pas à commettre un faux pas... Pas si la vie de Lysia était en jeu. Il attendait encore, sous le froid, quand il entendit des grognements sinistres.

Le Boucanier venait d’arriver, et était accompagné par deux monstres à la peau écailleuse. Wallin pencha sa tête par le regard, et déglutit en voyant deux wyverns (http://images.wikia.com/witcher/images/2/26/Bestiary_Wyvern_full.png), des espèces de dragons incapables de cracher du feu, et plutôt petits. Deux épais colosses avec des machettes tenaient les wyverns par de lourdes chaînes en fer. Les wyverns claquaient dangereusement en sifflant. Seuls les druides parvenaient à apprivoiser ces redoutables monstres. Si les gardes relâchaient les bêtes, elles tueraient tout le monde.

« Messieurs... Je suis heureux de voir que vous êtes tous là en ces temps de malheur et de disette... »

Le Boucanier était entre les deux hommes. Il avait une peau basanée, et, à la place d’une machette, une épée de corsaire, ainsi que quelques cicatrices. Wallin fronça les sourcils, et reconnut, sur sa main, un tatouage. Une sirène noire avec des gouttes de sang au bout de sa queue. Il reconnaissait ce tatouage, car il l’avait déjà aperçu sur les navires menant à Nexus. Des pirates. Des individus dangereux.

« Qu’est-ce que tu veux faire ? La peste nous décimera tous !
 -  Hommes de peu de foi..., rétorqua le Boucanier en soupirant. Je vous avais dit que la peste viendrait... Je te faisais confiance, Joshua, mais tes hommes ont échoué. La fille s’est échappée !
 -  Je n’y peux rien » se défendit l’intéressé.

Tout d’un coup, les hurlements des wyverns semblèrent redoubler d’intensité.

« Je n’aime pas les excuses... Il nous faut cette femme !
 -  A... Attendez, attendez... Je… J’ai retrouvé sa piste…
 -  J’attends, mais tu devrais savoir que ma patience a ses limites...
 -  Elle... La peste l’a eu... Elle est au camp médical public. J’ai envoyé mes hommes pour la retrouver, et la ramener.
 -  Le camp est défendu...
 -  J’ai foi en mes hommes. »

Wallin en avait assez entendu. Il savait où était Lysia, et c’était le plus important.



SHIZUKA SHUNYA

Shizuka étouffa un bâillement en marchant. La nuit promettait d’être longue, surtout si elle commençait à végéter. Elle sentait son corps endolori, ses muscles souffrir. Elle dormait sur un matelas de fortune, et il était tentant de se coucher, juste quelques minutes, de fermer les yeux, de ne plus sentir l’odeur moribonde des patients... Mais Shizuka savait que, si elle le faisait, si elle se laissait aller, elle s’écroulerait. Aucune des infirmières en la réveillerait, car elles estimaient toutes que Shizuka travaillait trop, et devaient se reposer. Cependant, Shizuka refusait à ce que quelqu’un meure parce qu’elle était trop fatiguée. Il y a à peine dix minutes, elle avait réussi à ralentir la maladie ravageant le corps d’un pestiféré. Sa propre magie l’empêchait de recevoir la peste, mais elle pouvait la récupérer, si elle insistait trop... La peste, après tout, était contagieuse.

La guérisseuse marchait dans les allées, quand elle entendit une femme toussoter à côté d’elle.

« Ma... Madame... »

Shizuka tourna la tête. C’était une femme blonde, de son âge... Elle devait être très belle, mais ses traits étaient creusés, ses cheveux salis, et elle toussait bruyamment, les poumons en feu.

« Il faut vous détendre, Madame, le temps que les médicaments agissent... »

Elle secoua la tête.

« Il... Écoutez... Écoutez-moi... Il... Il faut aller... L’auberge de l’Ours Dansant... Ma chambre... La porte n’est pas fermée... Vous devez... La clef... »

Elle se mit à éternuer, et Shizuka se rapprocha, essayant de lui donner un calmant. Les doigts rapiécés de la femme se crispèrent alors à son poignet. Elle avait des mains froides comme la mort, et Shizuka comprit, sans aucun doute possible, que cette femme ne survivrait pas. Elle ne passerait pas la nuit. Shizuka se mordilla les lèvres, et constata que le regard de la femme, bleu acéré, était planté dans le sien.

« La clef... La clef... La crypte… Il faut l’ouvrir, entrer… »

Mais de quoi parlait-elle ? Shizuka avait du mal à comprendre ce que cette dernière voulait lui dire. Elle entendit soudain des bruits derrière elle, et eut à peine le temps de se retourner qu’elle vit des hommes s’approcher.

« Mais que... ?
 -  La ferme ! »

Le ton de l’homme était autoritaire, et il gifla sèchement la guérisseuse. Elle poussa un cri en sentant la douleur exploser dans sa joue. Qui étaient ces gens ? Que voulaient-ils ? La panique se mit à s’emparer du cœur de Shizuka, faisant battre ce dernier à toute allure.

« Trouvez la fille, vite ! »

Shizuka cligna des yeux.

« Que... C’est un hôpital ici, nous n’avons rien à...
 -  Mais ta gueule, merde ! »

Elle se reçut une autre claque, forte, et tomba sur le sol. Une main la souleva par l’épaule, et la plaqua vigoureusement contre le mur. Elle vit une lame devant elle, des yeux injectés de sang... Elle avait l’impression qu’un démon se tenait devant elle, lui postillonnant à la figure... Quand du sang explosa de son cou, atteignant son visage. Le tueur émit un soupir, et tomba lourdement sur le sol, du sang jaillissant de sa gorge, alors qu’il se mettait à gargouiller en tenant inutilement sa plaie. Le sang filait à toute allure, sans retenue.  Shizuka vit une femme se tenir devant elle, une infirmière... Qui ressemblait alors à tout, sauf à une infirmière.

« C’est qui, cette pute ?
 -  On ne peut pas partir sans la fille, Joshua nous tuera sur place ! »

La fille ? Ils devaient sûrement parler de la patiente qui lui avait parlé de l’auberge... Shizuka avait mal à la joue, comme si elle était en feu, et cligna des yeux, paniquée.

« Mais qu’est-ce qui se passe ?! »

Shizuka était complètement terrorisée, et sentit Monica se rapprocher d’elle, comme pour tenter de la rassurer.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le samedi 21 septembre 2013, 05:14:42
[Pardonne cet usage du « deus ex machina », mais bon, comme l’horloge tourne et que le Roi bénéficie de moyens non conventionnels pour obtenir de l’information… je m’en sers, mais promis, je ne le referai plus.]

Le Roi

Le Roi n’avait pas tout saisi de la conversation du Boucanier avec ses hommes, mais grâce à ses talents… non, plus honnêtement, son sacré coup de veine d’avoir capté la bonne conversation, il avait enfin une piste, une vraie de vraie. Une femme. Ces hommes cherchaient une femme. Parfait. Peut-être la sorcière? Non, elle avait attrapé la peste, et les sorcières étaient immunisées contre les effets de la maladie. Mais elle semblait avoir une importance capitale, du coup, il fut très intéressé par ce qu’il disait. Une femme affectée par la peste. Elle avait déjà dû se rendre à l’hopital de fortune qui se dressait au village campagnard. « Au moins, je sais que je n’ai aucune raison de m’en faire », se rassura-t-il. Après tout, Alessa y était et si quelqu’un pouvait avoir sa totale confiance, c’était bien la Matriarche des Meisaennes. Cependant, il n’avait aucun moyen de lui faire parvenir un message; il ne pouvait pas la toucher de ses pensées à une telle distance, cela dépassait ses capacités actuelles, et s’il tentait d’user de la magie, il risquait d’alarmer les pirates et eux n’hésiteraient pas à ordonner un massacre pour s’éviter le trouble de chercher; vaut mieux moins que rien. Cependant, il ne pouvait pas laisser le Boucanier agir à sa guise, et puis il semblait avoir des informations très intéressantes quant à l’origine de cette Peste artificielle; et il voulait cette information. En tant que Roi, il s’était fait la promesse d’éliminer les menaces, et le cancer qui ravageait son pays n’avait déjà que trop durer; il devait sévir, et neutraliser ce qui gangrénait son pays.

Il se tenait maintenant devant l’entrée de l’auberge. Des hommes armés le maintenaient en joue de leurs arbalètes et arcs. Le Roi ne les craignait pas pour autant. D’autant plus que pour l’effrayer, il faudrait déjà avoir quelque chose de plus imposant qu’un petit lance-dard. Vêtu de son manteau blanc, le Roi ne laissait pas le loisir à ses ennemis de reconnaître son visage, qui était masqué d’une capuche. Dans sa main droite, il tenait Ehredna, toujours enfermée dans son fourreau, alors que sa main gauche se chargeait lentement d’énergie. Pourquoi lentement? Pour l’effet dramatique, déjà, et surtout parce que cela lui permettait de bien jauger la résistance à laquelle il faisait face, loin de lui l’intention de flamber une auberge au complet faute d’avoir bien dosé la force de ses sortilèges. L’un des hommes regarda son voisin.

-Hé, m’sieur, y’a un type devant, on l’descend? Demanda-t-il, avec un trouble si sincère que cela en était triste.
-D’après toi?
-Bah, je demande.
-Non, justement, tu ne demandes pas; tu fais selon les ordres.
-Oui mais les ordres, ce sont ceux d’un…
-Imbécile, fit le Roi, découragé.
-Euh… oui, mais ne lui dites pas en face.
-Tiens, j’vais m’gêner, rétorqua-t-il sur un accent presque marin.

Maintenant qu’il avait bien rigolé, il en avait vraiment marre de la tête de l’autre crétin; manquer de discipline, passe encore, mais franchement, c’était presque vexant de voir qu’un village entier de guerriers avait été soigneusement nettoyé par un groupe qui accueillait un tel abruti. Il leva sa main droite et tout en expirant, il lâcha sur ses ennemis une salve d’éclairs noirs. La particularité de ce genre de magie, c’est que plutôt que de tuer un ennemi en une fois, comme un éclair normal, l’intensité de ces éclairs étaient moindre, et du coup, particulièrement douloureux. Les corps se mirent lentement à brûler alors que de terribles cris d’agonie se faisaient entendre dans la nuit. Le Roi continua de canaliser sa magie jusqu’à tuer les six gardes d’un coup, sentant sa force magique s’envoler après ce premier assaut. L’avantage, c’est qu’au moins, il ne prenait pas bien longtemps avant de récupérer, et donc il n’hésita pas plus longtemps pour foncer vers une des fenêtres et l’enfoncer, exécutant une roulade et se retournant pour voir deux gardes qui tenaient la porte bien fermée. Il les regarda tour à tour et haussa un sourcil.

-Enfin, les gars, les types malins, ils n’entrent pas par la porte…!

Non, les types malins savaient que quelqu’un essaierait de la garder fermée. Les deux gardes tentèrent d’agripper leurs armes, mais Ehredna fila droit vers leurs deux coups, alors que le Roi exécutait un bond pour réduite la distance entre eux. La vitesse de son coup était telle que sa lame trancha net les cous sans les toucher; la lame semblait avoir pris deux centimètres de longueur, juste assez pour les toucher. Il brûla immédiatement les cadavres, préférant s’en charger maintenant que de laisser de pauvres gens voir ce massacre. Son manteau blanc étant maintenant tâché (encore!) de sang, il le laissa simplement tomber, récupérant au passage les quelques fioles qui s’y trouvaient, alors qu’il descendait, lentement, chaque marche qui menait vers le sous-sol, saluant poliment un des gardes qui, sous la terreur, venait clairement de relâcher tous les muscles de son corps, et vu l’odeur, c’était plutôt triste. Une fois en bas, il dévisagea les deux Wyverns qu’il avait senties auparavant et, vus les grondements qu’elles lui adressaient, il savait qu’elles ne le craignaient pas. Tant meux. Il leva alors les yeux vers le Boucanier et le dévisagea avant de planter Ehredna dans le sol devant lui.

-Bonsoir, monsieur le Boucanier. Je ne doute pas un seul instant que vous savez qui je suis, et mes méthodes pour savoir qui est celui qui me parle vous donnerait une effroyable impression d’avoir été violé dans votre jardin secret. Pardonnez mon impolitesse, mais j’ai cru comprendre que vous ayez été au courant de la récente épidémie de peste avant qu’elle ne soit déclenchée sur mon royaume. Donc, vous allez me faire le plaisir de tout me dire de gré… sinon, vous comprendrez que mort ou vif, je n’aurai aucun mal à vous soutirer l’information… Et laissez-moi vous dire, au cas où vous ne me croiriez pas, que vos clowns ne forment même pas le tiers de vos forces qui ont, il me semble, pris la route. Alors, voici ma question; comment savez-vous que la Peste arriverait? Et ensuite, bien entendu… Puisque vous êtes vous-même dans l’impossibilité de déclencher une épidémie… qui sont les responsables derrière cette situation?

Les questions étaient claires et limpides, mais le Roi ne se faisait aucune illusion; les pirates n’étaient pas reconnus pour avoir la parole facile; beaucoup préféraient se donner la mort plutôt que de coopérer. Mais le Boucanier semblait plus être du genre de racaille qui préfèrerait laisser les autres se salir les pattes pendant que lui prenait la poudre d’escampette et sauvait sa propre peau.

Alessa

Alessa avait réussi à repousser les pirates hors de la tente. Dehors, les membres de la Garde Royal en avaient plein les bras avec les autres qui échappaient à ses coups. La tente était néanmoins sécurisée, avec les patients et les infirmières indemnes. Alessa ne se fatiguait pas, continuant de combattre à mains nues les étrangers. Elle ne se souvenait pas de la dernière fois ou un idiot s’en était pris à Meisa. Ah, si. Le Roi à son arrivée; première chose qu’il fait, c’est faire la pagaille et tuer le dernier homme de sa race. Mais elle ne lui en voulait pas; l’autre type était une ordure de première, et elle était bien contente de s’en être débarrassée. Reste qu’à chaque fois qu’un type essaie de s’attaquer à la population, le Roi est soit trop occupé soit trop bête pour prendre les mesures nécessaires. Vu le nombre des pirates, elle s’était attendue à une meilleure résistance, mais beaucoup commençaient déjà à se retirer des combats. C’était inexplicable, avec un peu plus d’efforts, ils auraient eu l’avantage! Mais enfin, ce n’était pas elle qui allait se plaindre de cette retraite. Elle se retira dans la tente et inspecta sommairement les blessées avant de se tourner vers Shunya et lui caressa la joue en l’inspectant, pour la réconforter. Visiblement, il y avait plus de peur que de mal, et c’était tant mieux. Les chocs émotifs, à ses yeux, étaient beaucoup plus faciles à réconforter que les traumatismes dus aux blessures, surtout que cette petite puce avait encore une peau de bébé. Parlant de la peau… la Meisaenne fut même tentée de continuer à la caresser, parce qu’un tel grain de peau, tristement, elle l’avait perdu avant même d’avoir atteint l’âge de la jeune demoiselle. Ah, la vie de guerrière et les longues expositions au soleil, ça ne réussit pas la peau, clairement. « Je veux une peau comme ça, bon! » fit une petite partie puérile dans un coin de son esprit, mais elle revint rapidement à la situation et évita que celle-ci ne laisse place à un étrange malaise, retirant donc sa main de la joue de la petite demoiselle, avant de se tourner vers une infirmière qui venait de crier. Elle remarqua alors la jeune femme qui s’était adressée à Shunya et se rua à son chevet.

-Elle va mourir, elle…
-Tais-toi, bon sang, et donne-moi plutôt une dose d’adrénaline. Dans le sac. Non, non, l’autre poche. Merci.

Sans prendre une seule seconde, la jeune femme enfonça l’aiguille d’une petite seringue tekhane (vous savez, le genre avec un capteur et une aiguille mobile qui trouvait la veine sans pouvoir possiblement la rater) dans le bras de la demoiselle. D’un coup, celle-ci se redressa en gémissant, ravivée. Mais la Meisaenne savait que cet état d’éveil n’était que temporaire, mais il y avait une autre partie à son plan que normalement seules les tekhanes, avec leurs machines, pouvaient réaliser; elle plaça ses mains au-dessus du corps de la jeune demoiselle et un étrange cocon translucide se forma autour d’elle. Chez les Tekhanes, c’était une machine qui produisait ce cocon, mais en Meisa, la magie suffisait; c’était un cocon de pause. En fait, le principe était tout simple; le corps du sujet restait mobile, vivant, mais sa situation sanitaire se mettait sur la pause; la Meisaenne s’était ainsi assurée que la jeune demoiselle ne meurt pas, mais puisse tout de même rester active, du moins, tant que le sort la maintiendrait dans cet état, ce qui pouvait être autant une question d’heures que de minutes.

-Je sais que tu as mal, mais je ne peux rien faire de plus pour le moment. Je…

Elle fut interrompue par des bruits de combat et des hurlements de douleur à l’extérieur. Sachant que le temps lui manquait, elle se rua vers la sortie pour découvrir qu’à l’extérieur, ses hommes se faisaient massacrer par un colosse. Un géant de trois mètres, tout vert avec le pantalon déchiré (clin d’œil à un bon copain à moi… en fait, c’est vraiment une copie du Hulk… en moins puissant, pour éviter la ruine du royaume xD). « Oh putain, OH putain, OH PUTAIN…! » fit la Meisaenne, les yeux ronds comme des balles de billards. Comment Anastasia avait fait pour louper ce géant? Elle l’ignorait, mais il n’était pas normal qu’un tel monstre passe inaperçu. Ou alors… peut-être par le désert. Peut-être. C’était un gros peut-être, mais Anastasia n’aimait pas se promener dans le désert, à cause du soleil qui lui agressait la peau. Enfin, elle n’allait pas blâmer Anastasia; ce n’était pas une soldate, mais une volontaire qui donne un coup de main quand elle pouvait. À la place, elle se précipita vers le colosse, agrippant son épée au passage, puis elle attira son attention en hurlant à son encontre. La bête, surprise, se tourna vers elle et la regarda de son air abruti. Il poussa alors un cri menaçant et se précipita vers elle, se déplaçant de côté sur ses mains et pieds comme un gorille à la charge et se servit de cet élan pour frapper de son poing la femme, qui bloqua le coup, mais qui s’envola tout de même dans les airs avant de faire une chute de quatre bons mètres et de frapper douloureusement le sol. Son épée décrivit quelques cercles avant de se planter dans le sol, aux pieds du monstre. Elle grogna et tenta de se relever… alors qu’un groupe de femmes en armure apparaissaient, sortant d’un portail bleu typique des mages de Meisa. La femme de tête s’approcha et se posta aux côtés de la Meisaenne au sol.

-Taem, au rapport. Quels sont les ordres, Matriarche?

Deux femmes aidèrent la dame à se redresser, malgré ses os brisés. Entre deux cris de douleur, la matriarche parvint à lâcher son ordre.

-Butez-moi ce fils de pute!
-Entendu. Meisaennes, vous avez l’autorisation d’user de la force létale. Pas de quartiers.

Les femmes retirèrent alors leurs inhibiteurs, des casques  qui couvraient l’entièreté de leur visage, révélant leur peau brune et leurs cheveux blancs. Taem ressemblait beaucoup à Alessa, mais contrairement à la Matriarche, elle n’avait pas les yeux bleus, mais des yeux dorés, comme toutes les autres Meisaennes. La chef d’équipe agrippa un arc, ainsi qu’une flèche et visa le monstre, qui commençait enfin à s’intéresser à elles. Le monstre s’apprêta à charger, et Taem fit feu, décochant une flèche qui le frappa à l’épaule. Le trait ne perça que la peau, mais pas les muscles. Elle et ses sœurs abandonnèrent donc l’idée du combat à distance et se mirent à ruer le monstre. Bien peu de gens avaient déjà eu l’occasion de voir un commando de Meisaennes au combat, surtout pour en parler. On parlait des assassins professionnels du Roi Immortel de Meisa comme ses concubines; elles étaient là, mais on ne les voyait que rarement, voire pas du tout. Taem était armée de deux gants de combat, avec des plaques de métal renforcés, ainsi que des bottes solides. Sa force était telle qu’elle immobilisa le monstre d’une main et de l’autre, elle frappa, le faisant reculer. Les trois autres Meisaennes, armées de lames recourbées, sautèrent à leur tour à l’assaut de la bête, dans un mouvement parfaitement synchronisé.

Alessa peina à se redresser. Elle aurait voulu admirer le spectacle un peu plus longtemps, mais quelque chose de sinistre approchait, elle pouvait le sentir. Le monstre n’était qu’un avant-gout. Quelque chose approchait de Meisa, elle le sentait au travers du Lien. Elle se tourna vers les quelques gardes qui avaient accompagné les combattantes au travers du portail.

-Quelle est la situation en Eist’Shabal?
-La Peste a commencé à toucher les citoyens. Nombres de notre force militaire a été décimée par la maladie, et beaucoup de nos gens ont été placés en état de stase pour éviter la progression de la maladie.
-Et les tekhanes?
-Un vaisseau médical a été envoyé… mais il a été abattu en traversant l’océan, on ne sait pas par quoi.
-C’est une attaque… Quelqu’un nous sabotage de l’intérieur pour que d’autres nous agressent de l’extérieur…
-C’est aussi l’avis du Conseiller Aglaë. Le Conseiller Alexander a pris la direction d’un Escadron Dragon et ils sont en ce moment même en train de sillonner le ciel.
-Et Raphaelle?
-Elle est en stase.

La situation s’aggravait. Mais comme l’a dit le père du Roi, pour envisager une riposte, il faut d’abord organiser sa défense. Taem et les filles semblaient gagner du terrain face au monstre, et les rares pirates qui continuaient de se battre s’amenuisaient. Le soldat regarda la Meisaenne un long moment puis il prit une inspiration.

-Madame? Puis-je émettre mon opinion?
-Oui?
-Je crois que les responsables sont l’Ordre Immaculé.
-Foutaise. Ils sont ambitieux, mais ils n’oseraient pas une guerre ouverte contre Meisa.
-Pourtant… un des pirates portait ceci autour du cou.

Le soldat tendit un pendentif en argent à la Meisaenne, qui le saisit entre ses doigts pour l’inspecter sous toutes ses formes. Elle jeta un coup d’œil derrière et hocha de la tête. Cela provenait bien de l’Ordre… mais il ne fallait pas sauter aux conclusions; quelqu’un pouvait très bien assassiner un représentant de l’Ordre et lui voler ses breloques… mais le doute subsistait.

-Tuons ce monstre et voyons ce qu’on peut faire. Et envoyer une unité protéger Shizuka Shunya et ses camarades; ce sont nos seules guérisseuses. Placez-vous sous leurs ordres, mais la priorité numéro un est de les garder en vie. Exécution.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le lundi 23 septembre 2013, 02:25:23
[HRP – Je me demande pourquoi le Roi n’utilise pas directement son pouvoir d’omniscience pour retrouver la sorcière x)]

WALLIN

Wallin en savait assez. Il lui fallait maintenant aller au campement médical, et sauver Lysia. Le guerrier savait où ce campement se trouvait, car il l’avait déjà vu, par hasard, en traversant Meisa. Il était assez éloigné d’ici, mais il ne pouvait pas permettre aux hommes du Boucanier de mettre la main sur elle. Il ignorait dans quel enfer Josselin s’était fourré, mais, visiblement, ce dernier s’était attiré des ennemis puissants. Wallin s’était redressé, prêt à partir, quand il entendit des bruits, des hurlements, et des sons de combat à proximité. Un gang rival ? Ses instincts se mirent à frissonner, et il sentit, le long de son échine, un frisson la remuer. C’était la magie qui était à l’œuvre à proximité, et avec laquelle Wallin réagissait toujours. Il eut à peine le temps de le réaliser qu’il aperçut un nouvel individu dans le souterrain de l’auberge, se plantant face au Boucanier. Les wyverns s’étaient agités en sentant le sang et les batailles, leurs instincts prédateurs s’étant réveillés, ce qui amenait les solides gardes du Boucanier à devoir les maintenir. Wallin hésita pendant quelques secondes, entre continuer à faire son curieux, ou aller immédiatement secourir la fille de Josselin. La curiosité l’emporta finalement quand l’homme se présenta comme le Roi, désirant savoir ce que le Boucanier savait, concernant cette peste.

« C’est... C’est le Roi !
 -  Comment a-t-il fait pour rentrer ? »

Les lieutenants du Boucanier semblaient perturbés, tandis que ce dernier avait croisé les bras sur sa poitrine, ne disant rien, se contentant de fixer le Roi. Un pirate n’obéissait pas aux autorités étatiques, Wallin était bien placé pour le savoir. Ces rats de mer s’abritaient derrière un quelconque sens de l’honneur illusoire qui considérait que les pirates étaient des individus libres, ne répondant à aucune autorité.

« Et si je te disais d’aller gentiment te faire enculer, face de pet ? Tu me dirais quoi, hein ? Tu peux pas me tuer, c’est moi qui ait les infos’. Tu te pointes chez moi en conquérant, mais t’as l’air d’oublier une chose... Que tu sois le Roi de ce pays de merde, un vulgaire bouseux loqueteux qui chie dans son froc, ou même le putain d’Empereur déconfit du putain d’empire d’Ashnard, ça change foutrement que dalle ! Pour moi, t’es qu’un blaireau qui se pointe chez moi en croyant pouvoir obtenir ce qu’il veut. T’as cru quoi, gros ? Qu’il suffirait de froncer les sourcils genre ‘‘daddy-en-colère’’, pour que je pisse dans ma culotte, et que je te déballe tout ce que je sais ? »

Les wyverns étaient toujours aussi agités, amenant les gardes du corps du Boucanier à souffrir en silence. Wallin pouvait le voir, à la manière dont les gouttes de sueur venaient, ici et là, émietter leur front.

« T’as pas les moyens de m’faire causer, et ça, tu le sais, gros. Nexus m’a déjà torturé, et y a un élément que t’as pas, face de cul, pour croire que tu peux m’pisser à la gueule : le foutu temps. Chaque jour qui passe voit ta population de merdeux crever la gueule ouverte. Mais je peux te donner des infos’, ouais... Mais rien n’est gratuit dans ce bas-monde, et il me semble que la sûreté de Meisa justifie amplement quelques piécettes. Vous croyez pas, les gars, hein ? »

Le Boucanier fit lentement craquer ses doigts. Wallin se rembrunit. Il était en train de perdre son temps, et la vie de Lysia était en jeu ! Peu importe ce que le Boucanier savait, ce rat d’égout n’était qu’un pion. Il devait retourner aux fondamentaux, à ce que Josselin lui avait dit. Il fallait retourner voir Lysia. N’en déplaise à Sa Majesté, Wallin avait d’autres personnes en vue. Il s’écarta donc, et s’éloigna de l’auberge, sans tenir compte des hommes surveillant l’auberge, qui gisaient lamentablement sur le sol, et s’avança le long de l’artère menant vers la place centrale de la ville. Il avait du s’agir d’un coin assez inanimé de la ville, auparavant, probablement avec des terrasses bondées, des artistes de rues, des enfants qui jouaient dehors avec des chiots... Tout était fermé, triste, sinistre, et pillé. Il avançait le long des rues dallées, à petites foulées, se rappelant ce qu’il avait vu dans les maisons des riches bourgeois.

Face à la maladie, à la menace de mort, les gens devenaient paranoïaques. Il n’y avait que dans les contes que les survivants se rapprochaient. Wallin connaissait assez la nature humaine pour savoir qu’elle était fondamentalement égoïste. Les survivants qui n’étaient pas contaminés avaient, soit cherché à s’enfuir, soit se recroquevillaient chez eux, se barricadant, attaquant à vue ceux qui se rapprochaient. Et, comme l’Ordre avait dressé la quarantaine autour de Meisa, personne ne pouvait sortir. C’était une mesure radicale, mais nécessaire pour éviter que l’épidémie ne devienne pandémique. En somme, Lysia ne pouvait compter sur personne d’autre que sur lui... Et Wallin n’avait rien trouvé de mieux à faire que perdre son temps devant l’auberge, à écouter les élucubrations du Boucanier.

Près des amoncellements de cadavres, Wallin pouvait entendre les grognements des créatures nécrophages, ces monstres qui vivaient dans les souterrains, et sortaient la nuit dans les cimetières vastes et mal entretenus. Des goules et des graveirs, créatures sombres et massives, qui étaient en train de dévorer les cadavres. Ils étaient insensibles à la peste, mais dévoraient peu de cadavres... Wallin les connaissait, car on les rencontrait parfois à la lisière des champs de bataille, où ils dévoraient les morts. On ne les chassait pas, car cela faisait des corps en moins à amener aux charniers.

Tant que les goules ne s’intéressaient pas à lui, il n’avait aucune raison d’aller les voir.



SHIZUKA SHUNYA

Le cœur de Shizuka battait le tambour. Elle n’avait jamais été aussi paniquée, avec une féroce envie de vomir... Ce qu’elle aurait probablement fait si elle avait plus mangé aujourd’hui. On avait voulu la tuer ! La tuer, elle ! Shizuka ne se considérait pas comme une personne spéciale, mais elle ne voyait pas pourquoi on voudrait tuer une simple guérisseuse, sans histoire. Dans les yeux de ces monstres, elle avait vu quelque chose qu’elle se refusait à essayer de comprendre... Le plaisir ! Comment ? Comment pouvait-on ressentir ça ?! Shizuka ne le comprenait pas. Cet homme n’aurait eu aucun remords en lui ouvrant la gorge. Au contraire, ça l’aurait excité, et, s’il l’avait pu, Shizuka était sûre qu’il l’aurait violé, et qu’il aurait eu du plaisir, non en faisant l’amour avec une femme, mais en la sentant se tordre sous lui, implorer sa pitié. La pauvre guérisseuse était déboussolée, et ne réagit que quand elle sentit la main de la femme qui l’avait secouru caresser sa joue.

*Que... Qu’est-ce qu’elle fait ?*

Shizuka essaya de parler, mais elle ventilait tellement qu’aucun son ne sortit de ses lèvres. Son cœur lui semblait sur le point d’exploser, alors que les tueurs se repliaient prudemment.

« Shizuka ! »

Clignant des yeux en entendant ce nom, la guérisseuse tourna la tête, et sentit deux mains se poser sur chacune de ses joues. Elles appartenaient à Monica, qui se blottit ensuite contre elle, lui faisant un câlin. Surprise, ébahie, Shizuka cligna des yeux. En temps normal, elle aurait rougi comme une pivoine, mais elle venait d’échapper à la mort, ce qui avait le don de remettre les choses en perspective. Elle baissa la tête, et posa ses mains sur le dos de Monica, se mettant alors à la tenir très fort.

« J’ai eu tellement peur, j’ai cru qu’ils allaient nous tuer ! »

C’était très certainement ce qu’ils auraient fait, en d’autres circonstances. De manière assez ironique, c’était à Shizuka qu’il revenait de soutenir Monica, de la rassurer, alors que, généralement, c’était elle qui la poussait, en lui sortant des allusions que Shizuka ne comprenait pas, ou se refusait à comprendre. Elle vit que la femme était en train de s’occuper de la patiente assagie, essayant un sort magique pour qu’elle reste en vie. Le sort de stase... Shizuka le connaissait, et elle savait le pratiquer, mais elle évitait de le faire. À l’académie, on lui avait expliqué que ce sort avait des effets secondaires indésirables, et qu’il consistait à ralentir la circulation sanguine et le rythme pulmonaire. C’était dangereux, et nécessitait une connexion permanente entre la guérisseuse et le patient, ce qui, concrètement, conduisait à affaiblir le guérisseur. Dans une telle situation, un tel sort n’était pas envisageable, d’autant plus qu’il ne soignait pas les patients.

« Mais qu’est-ce qu’ils nous voulaient, ces enfoirés ? Ils croient qu’on ne souffre pas assez, peut-être ?!
 -  Je... Je ne sais pas, Monica... »

En réalité, Shizuka avait un début de piste. La conversation avec cette femme lui avait rappelé l’obstination dont le Roi avait fait preuve en essayant de la convaincre de partir à l’enquête pour découvrir l’origine de la peste. Elle avait plus ou moins, sous l’effet de cette dure journée, altéré cette conversation de sa mémoire, mais cette dernière lui revenait en force. Était-il possible que, finalement, le Roi avait eu raison ? Cette fille devait visiblement savoir des choses, connaître des informations, et, par un curieux coup du hasard, c’était sur Shizuka, celle qui avait fait preuve d’un certain scepticisme, que les informations arrivaient. Elle avait toujours du mal à croire qu’une personne pouvait se trouver derrière cette épidémie, même si ce n’était pas impossible. Durant sa formation, elle avait été à l’une des universités de Tekhos, où elle avait assisté à un séminaire sur le bioterrorisme. Les guérisseuses étaient formées pour ça, et on lui avait expliqué qu’il existait des groupes terroristes actifs qui cherchaient continuellement à répandre des épidémies. Juridiquement, tout comme Tekhos disposait d’une compétence universelle pour agir face à la menace de bioinfestations formiennes, face à une attaque bioterroriste impliquant des agents chimiques et/ou infectieux, l’armée tekhane pouvait envoyer des vaisseaux. La peste constituait un cas particulier, car l’autorité tekhane se heurtait à celle de l’Ordre. De manière générale, l’Ordre Immaculé luttait aussi contre toutes les formes d’épidémies virales. Ils réagissaient plus rapidement que les Tekhanes, et étaient mieux acceptés par la population. De plus, l’Ordre ne se résumait pas qu’à l’Inquisition, et disposait d’écoles religieuses très compétentes. Les Sœurs de l’Ordre étaient des guérisseuses au talent universellement reconnu, car elles puisaient leur force dans la foi, et avaient un contrôle parfait de la magie blanche.

*Mais personne ne peut contrôler une maladie comme la peste...  Même les Ashnardiens ne seraient pas assez fous pour lâcher la peste bubonique sur leurs adversaires...*

Ashnard ne cherchait pas à tout détruire, mais à tout contrôler. Et, honnêtement, il n’y avait aucun intérêt à contrôler des régions ravagées par la peste. La mort attirait les créatures nécrophages comme les goules, les graveirs, et, même sans tenir compte de ces bestioles, il fallait aussi supprimer tous les habitants, pour éviter que la peste ne se répande. Le cerveau de Shizuka s’emballait, en effet, sous l’effet de la panique, quand elle entendit encore des bruits de combat. Ils venaient de dehors, et elle tourna la tête.

« Ils remettent ça...
 -  N’y va pas, nous ne servirons à rien…
 -  Mais on pourrait soigner des blessés ! protesta Shizuka.
 -  Ou se faire tuer... »

Monica avait raison d’avoir peur, et Shizuka aussi... Cependant, elles ne savaient pas se battre, et elle savait l’armée de Meisa affaiblie. Si leurs protecteurs tombaient, personne ne serait là pour les sauver... De plus, Shizuka entendait des bruits sauvages et violents. Comme si une grosse bête se trouvait dehors. Aussi, elle décida de prudemment se rapprocher de l’entrée. Comme c’était une tente, il y avait une ouverture. Elle glissa prudemment sa tête par l’ouverture, et blêmit en voyant, outre les bandits, un immense monstre verdâtre avec des pectoraux massifs. Ses veines saillaient de son corps, et il se ruait vers les défenseurs, un bataillon de femmes en armure.

L’immense monstre vert s’avançait rapidement, sans que les attaques des Meisaennes ne semblent le perturber. Il en repoussa une. Shizuka n’était pas une femme capable de se battre, mais elle maîtrisait bien la magie. Sa marque s’illumina dans son dos, et elle ferma les yeux, récitant alors une curieuse mélopée. La magie se mit à brûler autour d’elle, formant comme une aura violette, avant de lui permettre d’en savoir plus sur ce monstre.

« C’est une goule ! » s’exclama-t-elle.

La goule avait été transformée par des processus génétiques, et par de puissants mutagènes. Les goules étaient des créatures maléfiques, et craignaient donc la magie blanche... C’est sur cette idée que Shizuka espérait les aider, quand un sort jaillit de sa gauche, et frappa la goule, brûlant sa peau. En tournant la tête, elle vit un homem qui se rapprochait, portant une sorte de manteau rouge sur le corps avec un capuchon. Il tenait une épée dans le creux de sa main, et une arbalète de poing dans l’autre. Il décocha un carreau, qui alla se loger dans la gorge d’un tueur, la transperçant, tandis que la goule transformée se mettait à hurler. L’homme à la capuche lui avait envoyé un léger sort de soin, et réitéra, désormais avec une fiole comprenant un élixir. Probablement de l’Hirondelle, cet élixir qui servait à régénérer le corps. L’élixir alla s’abattre sur la goule, la faisant hurler davantage. Des furoncles et des pustules recouvrirent son corps, et elle cassa bientôt de s’agiter, contraignant les bandits à une nouvelle retraite stratégique.

« Je m’appelle Wallin, se présenta l’homme. Visiblement, vous avez quelques problèmes de sécurité... »
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mercredi 25 septembre 2013, 03:36:56
[HRP : Pour deux raisons; la première, c’est qu’il est lié à toutes les vies qui habitent Meisa. Cependant, les étrangers, puisqu’ils ne sont pas nés en Meisa ni n’ont prêté serment au Roi, ont une certaine indemnité contre cette omniscience, puisqu’ils ne lui sont pas connectés. Ensuite, bah… parce que cela couperait vachement court à un RP que j’aime bien, voilà! è_é]

Est-ce qu’il était étonné de la réaction du Boucanier? Non, pas vraiment. Les gens sans culture ne savaient rien d’autre faire qu’injurier. Est-ce qu’il en était pour autant attristé? Pas le moins du monde. Mais est-ce qu’un crétin condescendant pouvait possiblement lui cracher des insultes au visage sans subir l’étendue de sa colère? Certainement pas. Mais cet idiot avait raison; il n’avait que très peu de temps. Il avait néanmoins tord sur un point, un point très important que beaucoup d’étrangers semblaient ignorer quand ils débarquaient sur son territoire; c’était que le Roi de Meisa n’avait pas besoin de beaucoup de temps pour soutirer une information s’il jugeait en avoir besoin. Il aurait néanmoins préféré ne pas à avoir à se montrer draconien, mais le manque de temps, plus les malades qui pouvaient trépasser à tout moment et surtout le caractère loin d’être agréable de son interlocuteur avait déjà réduit ce qui lui restait de patience à néant, et maintenant, il ne voyait plus qu’une seule solution à leur problème; il allait leur donner à tous leur lot de souffrance, et les expédier ensuite dans le néant.

Il y avait exactement sept pirates restants; les deux qui auraient dû surveiller les escaliers à son arrivé, mais qui avaient déserté leur poste en entendant les bruits à l’étage, un autre qui était probablement le messager du groupe, Joshua, les deux hommes qui tenaient les wyverns et, finalement, le Boucanier lui-même. S’il comptait les wyverns, cela faisait un total de neuf opposants, dont la plupart ne savaient même pas se battre, alors que le Roi jouissait de plusieurs siècles d’expérience. Il prit une lente inspiration puis se redressa lentement. Il sentait dans son dos les trois premiers hommes, leurs auras paniquées semblaient presque crier tant elles étaient présentes, puis les quatre autres pirates qui semblaient plus calmes. Les Wyverns, elles, étaient parfaitement attentives, ayant même cessé de faire claquer leurs mâchoires pour l’examiner. Il posa la pointe de son fourreau contre le sol, tapotant le pommeau d’Ehredna tout en les regardant. Il brisa finalement le silence.

-Lorsque j’en aurai fini avec toi, Boucanier, je t’égorgerai comme un porc et je te donnerai à bouffer à tes wyverns, cracha-t-il, dégainant sa lame.

Derrière lui, les trois pirates s’élancèrent à son assaut, sentant que cet homme allait s’attaquer à leur patron, qui était, en passant, celui qui les payait et leur assurait leur bière à la fin de chaque journée. Il frappa alors une chaise derrière lui et l’envoya frapper le premier, qui se la prit en pleine tronche, avant de se retourner pour bloquer les deux sabres avec le tranchant de son arme, soutenant la pression grâce à une deuxième main posée contre le côté opposé. Il frappa le type à sa droite dans les génitaux, puis profita de sa distraction pour asséner un coup de tête à celui à sa gauche. En se servant de sa force brute, il les repoussa, les envoyant dans les airs pour retomber sur une table, qui se brisa sous leur poids. Il se retourna juste à temps pour éviter un carreau, puis fit un pas de côté pour éviter un autre. Levant sa lame devant lui, il se plaça de profil, les épaules bien alignées derrière son épée. C’était une façon de réduire la zone de cible, et il savait que les pirates savaient se servir de ces engins aussi efficacement que d’autres se servaient du pistolet. Alors qu’ils rechargeaient, le Roi était déjà sur le premier, couvrant la distance qui les séparait d’un seul bon, et le décapitant d’un mouvement. Il regarda le deuxième et vit qu’il le mettait en joue. Lorsque le trait fut décoché, il leva la main et se servit de la magie pour le rediriger sur un des hommes du Boucanier. Il ne restait maintenant que trois hommes et deux wyverns. Il regarda les deux derniers hommes et les fit tout simplement flamber sur place. Même pour le Boucanier, cette démonstration de puissance aurait dû être suffisante pour le remettre dans de meilleures dispositions, mais… maintenant, il était trop tard pour faire une entente avec le Roi. Il se contenta d’agripper le Pirate par la gorge puis il le plaqua au sol avant de plonger son regard dans le sien.

La sonde mentale était un art très compliqué. Certaines personnes naissaient avec le don de percevoir les pensées des gens qui les entouraient, et cela était normalement dû à des sens magiques particulièrement fins. Dans le cas où la capacité n’est pas innée, un très long apprentissage est nécessaire avant de pouvoir percevoir les pensées, et un autre encore plus long pour pouvoir envahir les souvenirs d’une personne sans la blesser ou détruire complètement sa personnalité. Mais pour le boucanier, le Roi ne comptait pas réduire la douleur qu’infligeait un forage violent de toutes les barrières mentales que pouvait bien dresser son esprit paniqué avant de s’emparer entièrement de ses pensées. Sachant ce qu’il recherchait, il ne lui fallut pas bien longtemps pour sélectionner les souvenirs qu’il désirait voir. Le Boucanier lui-même ne savait pas réellement ce qu’il faisait là. Pourtant, il avait beaucoup de certitudes, comme si d’un coup, la sagesse lui était venue. Quelqu’un avait manipulé cet homme et lui avait de force enfoncé des directives et des informations dans le crâne, en s’assurant néanmoins que cet imbécile croit que ces informations venaient d’une autre source. Mais qui l’avait fait? Même le Boucanier ne semblait pas le savoir. « Tu auras donc été inutile jusqu’au bout, mon pauvre vieux. » s’affligea le royal personnage.
 
Alors qu’il s’extirpait sans douceur de l’esprit du pauvre pirate, le monarque décida qu’il était temps de respecter sa parole et glissa de la garde à la pointe la lame noire d’Ehredna sur sa gorge, le saignant sans pitié, avant d’éviter les crocs affamés des bêtes draconiques. Le Roi ne connaissait pas les Wyverns plus que cela, mais comme tous les dragons, c’étaient des bêtes voraces et carnivores, et plus spécialement nécrophages. Avec toute la chair tendre qu’il avait laissée derrière lui, il ne doutait pas un seul instant que ces monstruosités pouvaient attendre son retour avant qu’il ne s’occupe d’elles. Il ne ressentait aucune culpabilité pour la mort de ces hommes, mais il ne pouvait s’empêcher de regretter d’avoir souillé son sol de leur sang. Seul le sang des nobles gens devraient couler sur ces terres, pour une cause juste, pour leur propre survie. Grimpant les escaliers, il évacua les lieux et enferma les créatures dans le sous-sol en scellant magiquement la porte derrière lui, les empêchant ainsi d’en sortir par la seule force brute. Il fallait maintenant qu’il regagne le campement, avant que la dernière piste qui ne lui restait ne disparaisse à tout jamais. Mais il savait que si ses théories se confirmaient, il n’y arriverait pas seul.

Une fois à l’extérieur, il trouva un endroit dégagé près de l’auberge qui semblait sûr et à l’abri des regards, puis il invoqua son cercle de magie. Peu le savaient, mais le cercle magique était un incroyable dispositif; l’invoquer implique de devoir rester immobile, certes, mais une fois en place, le cercle autorisait une plus grande puissance magique tout en réduisant le coût d’énergie requis pour alimenter celle-ci. Le sort de transportation magique se faisait en deux étapes; la dématérialisation et la rematérialisation du sujet, ce qui évitait que l’usager ne se retrouve perdu dans l’Abîme, ou la zone d’antimatière, et toutes deux réclamaient normalement plus d’énergie qu’il n’en faudrait pour abattre les murs d’un château fortifié. Une fois les deux phases du sort programmée, le Roi activa son cercle, qui se mit à luire. Il sentit alors un inconfortable engourdissement général puis il perdit, l’espace d’un instant, toute notion de réalité, avant que finalement, il ne se retrouve dans son château, dans la salle du trône. Il regarda autour de lui un instant puis il fit venir à lui Aglaë et Alexander. Ce dernier regarda son père avec un honnête soulagement puis mit un genou en terre, imité par la sorcière rousse.

-Relevez-vous. Nous avons beaucoup à faire et très peu de temps pour. Préparez vos affaires, nous partons au combat sur le campement de l’Ordre Immaculé. Prévenez également Nahayiel; j’aurai besoin de ses puissantes ailes pour me déplacer. Mes forces s’amenuisent, et je n’ai pas le temps de puiser en Eglendal pour reprendre des forces. Aglaë, je te prie de rejoindre l’artéfact et de préparer un sort de transmission; lorsque le temps viendra, il me faudra de sa force.

Obéissant de nature, Alexander ne posa aucune question; le plus jeune bâtard royal savait que le moment ne se prêtait pas à la discussion. Il se redressa alors puis se mit au pas de course vers la caserne où se trouvait son arme et ses protections de combat. Aglaë, néanmoins, regarda le Roi avec un énorme souci dans les yeux. La sorcière s’approcha de son Seigneur et lui effleura le bras d’une main douce. Elle sentait sa fatigue; il ne tarderait pas à devoir se retirer du monde pour récupérer ses forces. Elle n’aimait pas le voir dans cet état. Le Roi qu’elle servait était un fier dirigeant, aussi puissant et majestueux qu’un lion. Et pourtant, il semblait amoindri, drainé. La sorcière lui tourna le visage vers elle puis posa son front sur le sien en murmurant une bénédiction en Ashansha, la seule qu’elle connaisse, puis elle se départit de lui pour se diriger vers les escaliers qui menaient au Repaire du Dragon, où reposait actuellement le puissant ami du Roi.

Une fois les deux Conseillers parti, le Roi s’empressa de communiquer une information aux guérisseurs habitant Meisa; que tous ceux qui avaient encore la force s’empressent de gagner le campement de l’Ordre, et que les autres essaient de récupérer en prévision d’une vague de blessées et de malades à traiter d’urgence. Très peu répondirent à l’appel, mais ceux qui le firent remontèrent légèrement le moral du Roi par leur volonté de participer. Meisa n’était pas qu’un monde enchanteur pour ses habitants, car ce royaume hébergeait des créatures très hostiles qui ne facilitait pas la vie de tout le monde, mais quand un état de crise se présentait, il y avait toujours des volontaires pour mettre la main à la pâte et aider à redresser la situation. Il ne le voyait pas souvent partout dans le monde, mais même s’il avait créé ce refuge, il ne se croyait pas responsable de la bonté qu’il y retrouvait; ça, cela venait du cœur des gens qu’il avait choisi. Aujourd’hui, plus que très souvent, il se rendait compte à quel point Il était à la tête d’une belle nation.

Par leur lien mental, Alexander et Aglaë lui annoncèrent qu’ils étaient prêts à l’action. Ses doigts caressèrent doucement le pommeau de l’Épée Royale puis quitta la salle du trône pour marcher jusqu’au balcon se trouvant à l'aile ouest de celle-ci. Grimpant sur le rempart, il contempla un moment le vide qui se trouvait sous ses pieds et il prit une grande bouffée d’air avant de se pousser lui-même dans le vide. Le vent siffla à ses oreilles alors qu’il chutait lentement vers la petite rivière se trouvant au fond du ravin, ses cheveux battants librement dans l’air. Il écarta bras et jambes pour contrôler sa chute avant de lancer un appel. Aussitôt, Nahayiel apparut sous le palais et se plaça sous lui pour le chopper au vol et prendre la direction du village.

En moins d’une demi-heure, il était déjà en train de survoler le campement de l’Ordre. D’après la situation telle qu’il pouvait la voir, les Meisaennes se faisaient salement malmener par une goule énorme, et ses gardes étaient encore aux prises avec les mercenaires qui les avaient attaqués. Le Roi faisait confiance à ses servantes, qui ne reculeraient devant rien pour repousser le monstre, mais les gardes ne tiendraient pas plus longtemps; il leur fallait une distraction, quelque chose qui pousserait les pirates à perdre leur concentration. Le Roi examina une nouvelle fois le monstre qui s’attaquait à ses guerrières et une idée lui vint en tête; en relâchant son corps astral hors de son corps, il se précipita derrière chaque mercenaire et glissa dans leur esprit un doute. Un simple doute; si le monstre vert venait à être éliminer, toute résistance serait futile; la défaite serait assurée. Ce simple doute, aussi impensable puisse-t-il être, sembla déstabiliser les mercenaires, qui tournaient par moment la tête vers la Goule pour s’assurer qu’elle était toujours là. Aussi rapidement qu’il ne l’avait quitté, le Roi regagna son corps et continua d’observer le champ de bataille, constatant avec satisfaction que ses hommes reprenaient lentement le dessus sur leurs adversaires. Il aurait voulu faire de même avec la brute épaisse, mais quelque chose lui disait qu’une telle opération serait potentiellement impossible; une goule n’avait pas d’esprit qu’il puisse corrompre. Un usage de la force semblait s’imposer… mais il fut interrompu dans sa préparation par une boule de feu qui frappa le visage du monstre. Il ne reconnut pas les traits de celui qui venait de lancer ce sortilège, mais il reconnaissait son essence;  il l’avait sentie très récemment.

Surmontant son envie de l’interroger, il demanda à son imposant dragon de le déposer au sol, près de la tente. Il remarqua les pirates en fuite et lança un regard à son compagnon à écailles; la créature poussa un ricanement rocailleux et se dressa sur ses pattes arrières avant de se donner une puissante poussée de pattes pour mieux quitter le sol, s’envolant gaiement vers ses nouvelles proies; sans user de la moindre flamme, la bête s’occupa de débarrasser Meisa des derniers insectes qui ne l’avaient déjà que trop fait souffrir. Pendant que son ami s’amusait, le monarque se dirigea vers la tente, passant d’ailleurs devant Shunya et l’inconnu qui venait de sauver la mise à ses fières combattantes. En signe de reconnaissance, il inclina respectueusement la tête devant l’homme puis fit de même pour la guérisseuse, lui adressant tout de même un petit sourire moqueur. « Je vous l’avais bien dit ». Cette phrase lui brûlait les lèvres, mais sa courtoisie l’emporta sur son orgueil blessé, l’empêchant de la laisser échapper ses lèvres; elle n’avait fait que son devoir en refusant de le suivre, après tout. Ses hommes, habillés de blanc tâché de rouge, mirent un genou en terre à son passage, se relevant immédiatement après; bien que le Roi n’ait instauré aucun protocole, ses loyaux sujets s’étaient eux-mêmes inventé un code de conduite à respecter en sa présence; le saluer immédiatement quand l’occasion s’y prête et retourner à son ouvrage après. Les gardes se dispersèrent rapidement pour s’occuper de leurs blessés et leurs morts. Les Meisaennes, pour leur part, adressaient un rituel funéraire à la goule; un petit bûcher. C’était une manière respectueuse pour elles de le remercier pour le combat et de demander aux esprits de soigner son âme mutilée avant de l’accompagner dans l’autre monde.

Certaines guérisseuses tentèrent de l’empêcher d’entrer dans la tente médicale.

« Votre Altesse… je suis désolée, mais vous ne pouvez pas entrer, le prévint l’une d’elle. Cet endroit est une zone de quarantaine pour soigner les malades et éviter la contamination des sains.
-Je suis le Roi, ici, rétorqua le monarque sans s’énerver.
-Cela n’a aucun rapport avec le rang, c’est pour votre sécurité.
-Mademoiselle. Sauf le respect que j’accorde aux guérisseuses, vous n’avez pas la force requise pour soigner tous vos patients. Malgré ma réticence à me mêler des affaires du peuple, des mesures drastiques ont été décidées. Je vous demanderai donc de vous écarter, ou je demanderai à ma garde de le faire pour moi. »

Loin de lui l’envie d’être impoli ou grossier, mais la plupart des gens mourraient s’il n’agissait pas sur le champ; si ses théories étaient véridiques, le sortilège qui maintenait ses gens malades malgré les efforts des guérisseuses accélèrerait le processus s’il ne se dépêchait pas à le chasser. Cependant, il ne pourrait pas tous les traiter en même temps. Il fit signe à Alessa de le suivre à l’intérieur et se plaça devant une des personnes. En regardant sa charte, il vit un nom y figurer; Lydia, qu’elle s’appelait. C’était très ressemblant à un nom qu’il avait entendu dans la tête du Boucanier. Cependant, elle n’était pas en état de suivre un interrogatoire dans les forces de l’art, et donc, il se contenta de lui sourire avec toute la douceur dont il était capable, pour la rassurer.

« Bonsoir, Lydia, dit-il avec gentillesse.
-Vo…tre… al...tesse?
-Oui. Mais ce soir, je serai ton médecin. Est-ce que tu es prête à être guérie? »

La jeune demoiselle hocha de la tête. « Un mensonge », se disait-elle probablement, mais si le Roi lui-même venait la voir pour lui mentir, ce n’était peut-être pas si mal. Mais le Roi ne mentait pas. Il ordonna à Alessa de poser sa main sur son dos et de capter le sortilège de transmission d’Aglaë.

-Ne laisse surtout pas la puissance entrer en toi; tu ne pourras pas la contenir. Dirige-la tout de suite dans mon corps, sans perdre un instant.

Après ce seul avertissement, il commença son opération. Les malédictions étaient des maux très compliqués à traiter, non pas parce qu’elles étaient nécessairement complexes, mais parce que pour s’en débarrasser, il fallait tout effacer d’un coup, car autrement, le sortilège revenait sans problème. Et il n’y avait qu’une seule manière de se débarrasser d’une malédiction; il fallait la transmettre. Et le Roi savait qu’il ne pouvait pas risquer la vie des guérisseuses en leur proposant une telle option; à la place, il se mit lui-même sur la ligne de mire et commença à absorber la malédiction, d’un coup brusque. Les symptômes de la « maladie » se mirent immédiatement à disparaitre sur le corps de la jeune femme, et elle se mit à respirer comme il le fallait sans problème. Le Roi se tourna vers Alessa, sa peau blanche commençant déjà à montrer des signes de la maladie.

-Allez. Au suivant.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le mercredi 25 septembre 2013, 22:47:07
« Mais... Mais que voulez-vous ?
 -  Je viens voir une patiente. »

Wallin avait planté son regard dans les yeux de Shizuka, qui sentit son cœur s’emballer sous l’effet de la nervosité. Tout ça, ça faisait un peu trop pour elle. La peste, les nuits interminables, le sommeil qui fuyait, alors qu’elle avait toujours été une femme étant du genre à dormir pendant de longues heures... Et, maintenant, le camp venait d’être attaqué par des bandits et par une goule modifiée. Oui, ça faisait définitivement clairement trop de choses pour elle, une simple petite guérisseuse timide et nerveuse venue d’Edoras. Elle avait rejoint Meisa à partir de Nexus, car, en faisant des recherches, on lui avait dit que c’était un royaume indépendant des grandes puissances, politiquement stable, en paix, et baignant dans une sorte d’harmonie collective, soit un endroit parfait pour une femme comme elle, où elle aurait pu acquérir des connaissances supplémentaires, sans prendre le risque d’être agressée, comme elle avait pu l’être à Nexus. Par un mauvais coup du sort, la peste s’était abattue dans la ville.

Elle était maintenant face à Wallin. Elle n’avait jamais entendu parler de cet homme, et il ne portait pas l’uniforme meisaen. Qui était-il ? Monica dut sentir le trouble de Shizuka, car elle se rapprocha alors, posant ses mains sur le corps de Shizuka, à hauteur des hanches, afin de l’écarter.

« Écoutez, Monsieur, on vous remercie pour ce que vous avez fait, mais... Ce n’est pas un hospice, et nous n’avons pas les moyens de vous récompenser pour...
 -  Oseriez-vous insinuer que je suis venu réclamer quelque rançon ? s’emporta l’intéressé. Ce n’est pas parce que votre cul me rappelle ma belle jeunesse que vous pouvez m’insulter. »

Shizuka se mit à rougir comme une pivoine, et détourna la tête devant de tels propos. Non, cet homme n’était décidément pas un soldat. Monica, fort heureusement, semblait avoir plus l’habitude qu’elle de ce genre de choses. Ses sourcils se froncèrent, et Wallin parla sur un ton plus radouci :

« Écoutez, je suis mandaté par un vieil ami, un Meisaen, Josselin. Il dirige... Ou dirigeait plusieurs scieries dans les forêts.
 -  Et ? finit par demander Monica, toujours suspicieuse.
 -  Josselin m’a chargé de retrouver sa fille. D’après mes informations, elle se trouve ici, et contiendrait des informations sur cette peste. Je n’ai pas le temps de vous expliquer, mais il faut que je rentre.
 -  Nous venons d’être attaquées, et… »

Monica s’interrompit en sentant Shizuka tirer timidement sur sa manche. Elle tourna la tête vers elle, indécise. Shizuka était toujours aussi nerveuse, mais quelque chose lui disait que ce Wallin n’était pas dangereux. Elle ne savait pas trop pourquoi... Était-ce le fait qu’il les avait aidés contre les bandits ? Ou le fait qu’elle était naturellement naïve, et prompte à croire les autres personnes ? Wallin restait à distance respectable d’elles, de manière à ne pas représenter une menace. Shizuka chuchota dans l’oreille de Monica, jetant des œillades nerveuses au vieux guerrier bourru.

« Je pense savoir de qui il s’agit... Juste avant qu’on nous attaque, il y avait une fille bizarre qui soliloquait au sujet d’une auberge et d’une crypte...
 -  Shizuka, on ne peut pas se le permettre !
 -  Mais on a bien laissé rentrer le Roi !
 -  Parce que c’est le Roi ! »

Shizuka se rembrunit. Roi ou pas, elle trouvait ça injuste de laisser pénétrer quelqu’un qui ne faisait pas partie du personnel médical, et non quelqu’un d’autre. Wallin restait toujours à bonne distance, mais fit malgré tout un pas vers elles. Shizuka se raidit. Elle savait que c’était ridicule. Il manipulait la magie, il aurait pu passer en force s’il le désirait.

« Je comprends votre inquiétude, mais il est impératif que je la vois. »

Wallin porta la main à sa ceinture, et la retira. Cette dernière tomba sur le sol, avec sa lourde épée, et il s’avança alors. Shizuka se mit à paniquer. Monica hésita, fit mine de s’interposer... Puis s’écarta. Wallin entra rapidement, et les deux infirmières le suivirent, lentement, nerveuses. L’homme âgé ne regarda même pas le Roi, qui était en train de s’occuper d’une patiente. Shizuka hésita, maisd elle n’avait pas envie de se rapprocher du Roi, craignant qu’il ne décide encore de l’inciter à aller à l’aventure, alors qu’elle n’était qu’une simple guérisseuse. De plus, ce Wallin l’intriguait. Il regardait autour de lui, risquant de déranger les patients, dont beaucoup avaient besoin de repos. C’est ce qui incita Shizuka à le rejoindre, malgré les silencieuses protestations de Monica.

« Je pense savoir qui est votre Lysia... Suivez-moi. »

Wallin fronça les sourcils sous l’effet de la surprise, mais suivit docilement Shizuka. Les joues rouges, avec le cœur qui battait la chamade, Shizuka s’avança précipitamment, des frissons remontant dans tout son corps. Qu’était-elle en train de faire ? Elle prenait des risques inconsidérés ! Mais elle conduisit malgré tout l’homme dans l’aile où Lysia était allongée.

« Oh, Lysia... » se mit à soupirer l’homme.

Il tomba à genoux devant elle, et tendit ses mains vers elle, caressant ses joues, avant de prendre son pouls. Lysia était en phase terminale, malheureusement. Wallin ferma les yeux, et Shizuka sut alors qu’il ne représenterait pas une menace. Elle s’écarta posément, afin de le laisser seul, estimant que c’était une question de respect et de décence. Le Roi était près d’une autre patiente, une certaine Lydia, et Shizuka pouvait sentir la magie résonner entre eux. De son côté, elle rejoignit une chaise près d’une bassine d’eau, et s’assit dessus, exténuée.

Depuis qu’elle était arrivée, elle n’avait même pas eu le temps de continuer sa lecture du traité médical qu’elle était en train de lire à Nexus. Elle tourna la tête vers la droite. Près de la bassine, posée sur une étagère, il y avait son livre. Le marque-pages était toujours posé au début du quinzième chapitre du traité. Le livre venait d’une universitaire tekhane, une prof’ qui travaillait à Tekhos Metropolis, considérée comme une pointure, et son traité portait sur les traitements régionaux « magico-scientifiques », comme elle les appelait, ainsi que leur appropriation dans le domaine médical tekhan, notamment afin de traiter de nombreuses maladies. Toute une partie du chapitre était consacrée à certaines recherches expérimentales menées dans les laboratoires de Novac sur ce sujet.Au lieu de se retrouver à Nexus, puis à Meisa, Shizuka aurait très bien pu atterrir à Novac. À la fin de la formation, on pouvait choisir différents lieux pour le pèlerinage, et beaucoup de guérisseuses préféraient rester dans les États pro-tekhans, notamment Novac. Bien que l’Archipel soit géographiquement petit, il proposait toute une gamme de recherches et d’études très intéressantes. Cependant, la professeur responsable de Shizuka lui avait conseillé Nexus, car sa marque magique la rapprochait des techniques « magico-scientifiques ». C’était d’ailleurs elle qui lui avait donné ce livre.

Yeux clos, Shizuka rêvassait. Tout ça, ça faisait quand même beaucoup pour elle... Une épidémie de peste... Au moins, elle aurait des choses à raconter quand elle retournerait à Nexus. Elle sentait le sommeil venir à elle, et somnolait... Quand elle sentit une main sur son épaule, la tapotant. Ses yeux s’entrouvrirent alors, et elle eut un sursaut en voyant une silhouette encapuchonnée juste devant elle. Il y avait des bruits de fond, des infirmières en train de soigner les gens, de prier silencieusement.

« Ah !
 -  Ne paniquez pas, j’ai besoin de vous. »

Wallin ! Shizuka hocha la tête, en clignant des yeux, un peu décontenancée. Elle avait du s’endormir, et frotta ses deux yeux avec ses mains, avant de sentir une phénoménale envie de bâiller la saisir. Elle parvint de justesse à mettre ses deux mains devant sa bouche, devenant toute rouge en se laissant aller.

« Qu’est-ce que Lysia vous a dit ? »

Si Shizuka avait eu un peu du courage de Monica, elle aurait sans doute ment, mais elle était grillée d’avance... Innocente et naïve, il suffisait de lire dans ses yeux pour savoir qu’elle ne savait pas mentir.

« Pour... Pourquoi cette question ? »

Wallin ferma les yeux, puis s’écarta un peu, semblant inciter Shizuka à marcher. Cette dernière se redressa. Oui, elle avait du dormir un peu... Mais alors vraiment un tout petit peu !

« Je ne suis pas originaire de Meisa, expliqua Wallin. C’est à Nexus que j’ai rencontré Josselin, il y a fort longtemps. Lui et moi sommes devenus des amis. Il appartenait à une famille de marchands qui étaient spécialisés dans la coupe et la vente du bois. Ils avaient un empire commercial assez conséquent, mais, petit à petit, cet empire s’est réduit. La fortune de Josselin se résumait désormais à quelques scieries dans les bois de Meisa. Je ne sais même pas pourquoi je vous raconte ça... Enfin, quoiqu’il en soit, j’ai participé à quelques quêtes avec Josselin, à une époque où il cherchait à vivre l’aventure. Nous avions rejoint plusieurs guildes nexusiennes. »

Shizuka aussi avait été tentée par les guildes, car ils recrutaient des guérisseurs, mais elle avait eu peur de se retrouver face à des monstres qui chercheraient à la dévorer.

« J’ai sympathisé avec Josselin, et il m’a sauvé la vie... Mais c’est une autre histoire. Nous aimions la même femme, mais Nallia a choisi Josselin... Quand elle est tombée enceinte, ils ont décidé d’arrêter cette vie, et d’aller vivre à Meisa. »

Shizuka ne comprenait pas vraiment où Wallin voulait en venir, mais elle était trop polie pour l’interrompre.

« J’ai par la suite découvert que Josselin n’était pas venu à Nexus que pour l’aventure...En réalité, Josselin faisait partie d’une congrégation de mages, et il était venu à Nexus pour traquer une sorcière ashnardienne extrêmement dangereuse. Il craignait que cette sorcière ne cherche à créer des épidémies globales, et qu’elle ne s’attaque à Nexus, afin que sa maladie soit diffusée dans le monde entier. Josselin avait rejoint une guilde pour perfectionner ses pouvoirs, et espérer contrecarrer les plans de cette femme. J’ignore son nom, mais je sais qu’il l’appelait la Dame Grise. »

Shizuka clignait des yeux, indécise, retenant son souffle. Tout ça ressemblait aux élucubrations d’un vieil ivrogne sur le comptoir d’une auberge en fin de soirée, mais elle ne pouvait s’empêcher de voir des échos avec la situation actuelle... Notamment avec la conversation qu’elle avait eue avec le Roi.

« Je pense que Josselin et ses amis étaient sur le point de faire une découverte capitale, quelque chose qui aurait pu affaiblir la Dame Grise, et que c’est pour ça qu’elle a attaqué Meisa... Ça, et sans doute pour voir si elle était capable de déclencher des épidémies. Josselin m’a dit de retrouver sa fille, car elle détiendrait la clef permettant d’entrer dans sa crypte, où il y aurait des informations à ce sujet. »
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mercredi 02 octobre 2013, 20:37:08
[Pardon, c’est plus court, mais compte tenu des événements et de la réunion des personnages, ca me rend la tâche un peu plus difficile xD]

Concentré sur ses patients, le Roi n’avait pas fait attention à la conversation de Wallin et Shunya, mais Alessa n’en avait pas perdu un seul morceau. Elle n’osa pas déranger le monarque en plein travail, mais elle prit la peine, pour lui, d’enregistrer l’entièreté de ce qui se disait. Elle manqua de s’en désintéresser, puisque Wallin ne parlait que de lui et d’un autre homme, mais une série de trois mots ramenèrent son attention sur eux; la Dame Grise. « Eh bah, il ne s’est pas trompé, le Roi », manqua-t-elle de dire, se retenant tout juste encore une fois pour ne pas perdre la concentration requise au transfert d’énergie et aux opérations du Roi. Certain guérisseuses s’étaient même rapprochées pour voir comment le Roi opérait, ne comprenant évidemment ce qu’il faisait, puisqu’elles ne savaient même pas ce qu’il traitait, exactement, pensant toutes que ce n’était qu’une peste comme les autres. Après quelques minutes, le Roi s’accorda une pause, baissant les bras au-dessus de son dernier patient traité puis se tourna vers Alessa, qui lui transmit la conversation des deux autres protagonistes. Le Roi prit le temps de la repasser en mémoire plusieurs fois avant de soupirer et de se dire que la guérison des patients avait suffisamment progressé et que la maladie ne les tuerait pas avant qu’il n’en ait fini avec ladite Dame Grise.

Aucun mage, en temps normal, ne pouvait entrer en Meisa sans être immédiatement repérer, (ce qui, inexplicablement, n’était pas le cas pour une certaine sorcière qui avait lancé cette malédiction sur eux) et donc, il n’y avait que très peu de chance qu’il ne soit pas au courant que Josselin en était un, lorsqu’il est arrivé. Comme tous les mages, il possédait en lui le Don, ce qui le rendait reconnaissable par un Sorcier expérimenté tel que le Roi. Les mages étant naturellement dangereux, ils faisaient parties des individus à risque que le monarque préférait évaluer personnellement et il avait été emmené devant lui, il y a déjà des années, pour y être testé et sondé en profondeur. Après une enquête plutôt longue, Josselin avait probablement été blanchi de toute suspicion et avait gagné le droit de s’installer en Meisa, à la condition, bien sûr, d’accepter le lien reliant le Roi à ses sujets et de lui prêter un serment d’allégeance. Le Roi n’avait détecté en lui aucune malice, mais aujourd’hui, il n’arrivait pas à comprendre comment il avait pu rater l’existence d’une sorcière en Meisa si un de ses sujets possédait une telle science! Il en vint donc la conclusion, qu’il douta être la bonne mais qui justifierait au moins l’usage d’un tel mystère, que Josselin avait probablement enfoui ce savoir au fond de lui, empêchant le Roi de le percevoir et donc d’apprendre la nouvelle et mettre le royaume en état d’alerte, ce qui aurait fait fuir la proie de l’aventurier à la retraite. Malgré les bonnes intentions, le nouveau venu avait mis en danger la vie de ses citoyens, et s’il le voulait, il pourrait légitimement ordonner qu’il ne jouisse d’aucune sépulture, mais par égard pour sa fille, qui venait d’encaisser une maladie très grave en plus de la perte de sa famille, il ne se sentit pas d’humeur à se montrer aussi intransigeant. « Appelez-moi cœur tendre, mais je ne supporte pas les larmes des infortunés » maugréa-t-il en pensée. Par contre, il se verrait forcé de nier l’implication de Josselin dans cette histoire, car autrement, il devrait revenir sur sa décision de lui épargner l’humiliation.

En quelques minutes, le Roi avait déjà guéri beaucoup des patients en état grave, incluant Lysia. L’effet n’était que temporaire, informa-t-il les guérisseuses. Une malédiction, c’est comme un cancer en rémission; on ne sait jamais quand arrivera la rechute. Il regarda les guérisseuses et donna quelques directives pour s’assurer que les patients restent sains le plus longtemps possible, qu’il fit par la suite approuver par les guérisseuses en charge avant de se détendre et se tourner vers Wallin. Il ne sût comment aborder cet homme sans paraître invasif. Néanmoins, il s’installa sur un siège et le dévisagea un long moment, un moment qui semblait s’étirer jusqu’à l’infini tant il ne savait que faire de cet homme; certes, il était venu en aide au campement, mais il avait senti sa présence chez le Boucanier, et s’il n’était pas un ennemi, c’était un homme qui l’avait tout de même laissé entre les pattes de criminels sans même essayer de lui donner un coup de main; du coup, il pourrait le suspecter d’être de mèche avec les pirates, mais il semblait sincèrement se faire du souci pour cette fille, donc il n’était pas tout à fait certain qu’il puisse mettre la vie d’une personne chérie en danger juste pour atteindre un objectif débile qui ne lui apporterait strictement rien.

-Si j’en avais le temps, Wallin, vous feriez le sujet d’une enquête longue et laborieuse. Cependant, une situation préoccupante requiert mon attention, et j’aimerais savoir où se trouve cette crypte. En attendant, Alessa que voici raccompagnera Lysia au Palais d’Eist’Shabal. Je veux cependant la Clé et la position de la Crypte. Si quelque chose regardant cette épidémie s’y trouve, je veux m’en débarrasser… ou m’en servir.

Parce que, selon ce qui s’y trouvait, soit c’était quelque chose qui causait des dégâts, soit c’était quelque chose qui pouvait y remédier; que savait-il de Josselin, après tout. Peut-être savait-il quelle était la véritable forme de la malédiction et qu’il avait laissé derrière lui un moyen de contrecarrer les plans de la Dame Grise? Après tout, ne l’avait-il pas pourchassée tout ce temps? Il devait savoir des choses que d’autres ignoraient. Enfin, en théorie. Il y avait toujours quelqu’un pour causer des soucis dans les plans de ceux qui essayaient de sauver le monde, et jamais volontairement; combien de fois une erreur d’une personne avait résulté de l’échec d’une tentative géniale? Il ne les comptait plus lui-même. Le Roi regarda quand même Wallin.

-Je me doute que vous considérez comme votre devoir de poursuivre l’œuvre de votre ami. Mais je ne vous connais pas. Je vous suis reconnaissant d’avoir sauvé mes hommes et mes lieutenantes, vous les avez sortis d’un très mauvais pas en éliminant… mais je ne vous fais pas suffisamment confiance pour mettre mon pays entre vos mains. Je ne peux pas vous laisser partir en me disant que tout va bien aller, que vous allez régler le problème.

Aussi cinglant et froid qu’il dût paraître, il ne voulait pas manquer de respect à cet homme, mais en tant que Roi, il n’avait jamais été un chef politique. Il était un Protecteur, et cette tâche, il refusait de la déléguer même à ses plus proches alliés. C’était, après tout, la seule chose à laquelle il était doué; la gestion de son royaume passait essentiellement entre les mains du Conseil, qui s’occupaient aussi bien du bien-être de la population que de la gestion de l’armée. Il regarda Wallin un long moment, fixant son visage mur. Le Roi n’aurait jamais cette apparence âgée, mûre, condamné à vivre dans un corps de jeune adulte… et parfois même d’enfant. Le sortilège qui lui avait permis d’atteindre son âge actuel, autrefois possédé par feu l’Archimage Darimon Sombrechant, n’avait jamais été reproduit. Personnellement, il aurait probablement profité d’avoir un air plus… vénérable. Ravalant une part de sa jalousie, qu’il ne désirait nullement voir assombrir son jugement.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le jeudi 03 octobre 2013, 23:46:09
Shizuka écoutait silencieusement les propos de l’homme, sans trop savoir quoi en penser. La Dame Grise... Elle avait l’impression d’être dans une espèce de conte pour enfants, avec une femme maléfique qu’une courageuse guerrière devait neutraliser pour obtenir le cœur de la Princesse captive. Des contes nexusiens qui étaient adaptés au public tekhan, puisqu’il ne faisait pas bon ménage de promouvoir la gloire des mâles dans des histoires pour enfants. Les mâles, dans les contes tekhans, étaient toujours des individus inutiles et ridicules, généralement des types incapables qu’il fallait sauver, en risquant sa propre vie. Une manière d’inculquer aux jeunes filles tekhanes que les mâles n’avaient qu’une utilité très réduite dans le grand jeu de la vie, si ce n’est aucune. Cependant, Shizuka doutait que Wallin soit inutile. À vrai dire, c’était plutôt elle qui, sur le coup, se sentait inutile. Que pouvait-elle faire ici, à part soigner ? Elle n’avait aucun goût pour l’aventure et le danger. Elle avait croisé la mort à son jeune âge, une violence inouïe et sanglante. Elle avait vu les yeux d’un cadavre, elle avait vu son impuissance, et elle ne voulait plus jamais devoir revivre une telle tension.

*Pourtant, c’est ce qui t’ait arrivé quand ces gens te sont tombés dessus...*

Elle restait silencieuse. Elle ne doutait pas des dires de Wallin, mais elle se demandait quand même si tout ça n’était pas un grand délire. Pour elle, la peste était une maladie très difficile à reproduire et à utiliser, surtout sur Meisa. La magie permettait bien des choses, mais, pour synthétiser, reproduire, et diffuser une maladie, il fallait aussi mener des expériences scientifiques, des tests, des formules... Qui que soit cette Dame Grise, elle devait avoir toute une installation.

La prudence imposait à Shizuka de laisser cet homme se débrouiller, et de ne pas s’impliquer davantage. Elle s’enjoignait de rester auprès de ses patients, de continuer à veiller sur eux, mais, pourtant, ses jambes refusaient à se déplacer. Wallin était un homme vigoureux, mais il avait l’air... Soucieux, préoccupé, comme s’il était dépassé par les évènements. Shizuka devinait un homme âgé et expérimenté, quelqu’un qui avait du traverser le monde à plusieurs reprises, et accomplir quantité de quêtes. Un aventurier, un vrai aventurier. Pas les jeunes hommes arrogants qui prétendaient avoir vu le monde et avoir défié des trolls, mais quelqu’un qui avait vraiment connu le frisson de l’aventure, et avait du affronter des menaces terribles et indescriptibles.

« Je... Euh... »

Elle allait lui transmettre les informations de Lysia, lorsque le Roi intervint. Shizuka sentit son cœur bondir à nouveau dans sa poitrine. Elle était tellement plongée dans ses pensées qu’elle n’avait même pas entendu ce dernier approcher ! Il s’adressait directement à Wallin, sur un ton assez vindicatif, le genre de ton qui ne souffrait pas de contestation. Il voulait entrer dans la crypte, lui aussi, tout en menaçant Wallin de lui poser des problèmes, si jamais ce dernier feignait de protester. Son « enquête longue et laborieuse » n’inaugurait rien de bon. Que voulait-il dire par là ? Shizuka avait l’impression d’entendre ces expressions typiquement diplomatiques, ces euphémismes qu’on sortait pour rassurer les gens et minimiser la gravité d’une situation. Qu’est-ce que c’était, une enquête laborieuse ? Laborieuse pour qui ? Eux ? Wallin ? Comptait-on le torturer pour le faire parler ?Shizuka savait que la torture était autorisée sur Nexus, sur Ashnard, et sur quantité d’autres pays. Tekhos l’interdisait. Officiellement, du moins. En pratique, Shizuka savait que les interrogatoires militaires impliquaient souvent l’usage de la torture. C’était un secret de polichinelle, car la loi, sous couvert des circonstances exceptionnelles, autorisait de telles pratiques.

Wallin observa silencieusement le Roi, tandis que Shizuka ne savait encore plus où se mettre. Ses deux se joignirent ensemble à hauteur de son bassin, et elle baissa timidement la tête.

« Inutile de prendre vos grands airs avec moi, Votre Majesté, le railla Wallin, je suis venu ici pour honorer une dette, pas pour me préoccuper de votre royaume. »

Le ton était légèrement moqueur, mais Shizuka percevait malgré tout une certaine tension. Il n’y avait bien que les mâles pour être ainsi entre eux : deux chiens de guerre, prêts à se mordre au premier signe d’agressivité de l’autre. Shizuka s’en mordillait les lèvres, nerveuse et inquiète.

« Je crois qu’il est temps que vous me disiez ce que Lysia vous a dit, Shizuka. »

En entendant son nom, Shizuka rougit encore, se pinçant les lèvres. Le dire... C’était, mine de rien, plus facile qu’autre chose. Elle inspira lentement, n’osant regarder ni Wallin, ni Kah’mui. Elle avait une très bonne mémoire auditive, et se rappelait les propos de Lysia. Elle lui répondit donc :

« La... La clef qui mène à la crypte, elle... Elle est à l’auberge de l’Ours Dansant. Lysia y avait une chambre, et elle m’a dit l’avoir laissé là. »

Wallin hocha la tête.

« Alors, en piste. Si Sa Seigneurie vient bien nous guider... »

Nous ? Comment ça, « nous » ? Shizuka le regardait avec de grands yeux ronds, et Wallin l’observa.

« Écoutez, je n’ai aucun talent de magie blanche, et je n’ai quasiment plus d’élixirs. J’ai besoin de vous. »

L’intention première de Shizuka fut de refuser, de proposer quelqu’un d’autre à sa place, comme Monica, qui avait l’air plus aventureuse, plus débrouillarde qu’elle. Wallin attrapa alors l’une de ses mains.

« Vous avez un grand talent magique, Shizuka. Je peux le sentir. Il pourra nous être utile. »

Un... Un grand talent magique ? Que voulait-il dire ? Ça n’avait absolument aucun sens. Shizuka n’avait aucun talent quelconque, voyons ! Faisait-il allusion à sa marque ? Ce n’était qu’un tatouage indiquant son évolution au sein de l’école, une sorte de symbole ésotérique, sans aucun fondement. Elle se pinça les lèvres, avec le sentiment qu’elle allait faire une bêtise. Elle n’arrivait pas à détacher son regard des yeux de l’homme. Il avait un très beau regard, calme et déterminé, empreint d’une certaine sérénité. Sa légère voix rocailleuse et âgée était également très réconfortante. La guérisseuse déglutit lentement.

« D’a... D’accord. »

Elle soupira, sentant un poids se libérer de ses épaules, comme si la pression qui étreignait son cœur venait de se retirer.

« Bon... Alors, en piste ! »
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le samedi 12 octobre 2013, 07:39:17
« Alors, en piste. Si Sa Seigneurie vient bien nous guider... »

Avant même qu’il ne sût ce qu’il faisait, le Roi sentit ses propres griffes lui percer la chair de la paume, le faisant même sursauter discrètement sous la douleur inattendu provoqué par ce réflexe. Wallin avait du cran de lui parler sur ce ton, il devait le reconnaitre. Ce n’était pas un pirate sans manière, mais un homme qui n’avait visiblement pas froid aux yeux. Mais ce qu’un homme, surtout un Roi, détestait par-dessus tout, c’était très certainement qu’on le raille, qu’on se moque de lui, que ce soit devant, dans son dos ou simplement dans les conversations de bar; il était très fier de sa personne, et ses faits d’armes et surtout ses grands exploits suffisait normalement à au moins encourager les gens à se montrer un brin plus humble devant lui.

-Tue-le. Tue-le, tu sais que tu en as envie. Et cela te ferait tant de bien.

La voix du mal en lui le pressait d’agir selon sa véritable nature de monstre sans foi ni loi, avec pour toute motivation sa propre survie et son égo démesuré. Oui, il pourrait le tuer. Et tuer la fille. Ensuite, le peuple tout entier avant de retrouver cette sale pute de sorcière qui avait causé la peste. Et le pire, dans tout ça, c’est qu’il aimerait ça. Oui, il en tirerait un plaisir sans borne. Causer la destruction, une nouvelle fois, juste une petite rechute, et après il reconstruirait tout. Juste une fois. Non. Le calme lui revint. Non, il ne referait plus jamais un carnage, aussi démangeant que cela puisse être. Ce n’était pas ce qu’il était. Ce n’est pas ce qu’il voulait être. Quelque part, en lui, il le savait, il la ferait pleurer s’il ressombrait dans cet état de bête sauvage. Et il ne pourrait supporter de faire une telle offense à sa mémoire, elle qui a toujours protégé ceux qui avaient moins de pouvoir… et même ceux qui en avaient plus. Si elle était toujours là, elle lui dirait qu’il n’était pas un monstre, qu’il n’était pas un meurtrier. Tu es un don du ciel, mon chéri. Les gens devraient t’aimer, et non te craindre, même s’ils ne le font pas. Ce souvenir, aussi lointain lui semblait-il, lui ramena une certaine sérénité et lui permit de chasser tous ses sentiments haineux. Alors qu’il revenait au présent, il se rendit compte que Shunya avait accepté de les accompagner.

Étrangement, il se sentit néanmoins un peu vexé de voir que Shunya acceptait de suivre Wallin alors qu’un peu plus tôt la veille, elle lui avait dressé un mur très solide de refus, avec en renfort son travail de simple guérisseuse. Wallin n’avait pas utilisé les mêmes mots, certes, mais le message était le même; quitter le confort de l’habituel pour se lancer dans une aventure au résultat incertain, et tout à coup, elle acceptait sans même protester plus que ça. À contrecoeur, il dut reconnaitre qu’une partie de lui se renfrognait et le laissait partiellement désintéressé; il avait soudainement envie de partir et de les laisser se débrouiller. Serait-il en train de bouder? Peut-être un tout petit peu, mais après tout, il en avait bien le droit. Mais l’autre partie de lui-même, celle qui restait attachée à son devoir coûte que coûte, lui rappelait qu’il ne pouvait se permettre de démontrer plus longtemps ses côtés plus humains. Il rebâtit donc son sang-froid puis il prit la porte en silence.

Alors qu’il prenait la route vers l’Auberge de l’Ours Dansant, le Roi brisa le silence. S’adressant à ses nouveaux compagnons, il ne cessa néanmoins pas de marcher.

-Josselin en savait probablement beaucoup plus que moi au sujet de la Dame Grise. Ce que je sais des Sorcières ne se résume qu’à des années d’études dans de vieux textes et une expérience particulièrement… douloureuse de mon existence. Je sais qu’aucune ne se ressemble, que ce soit en magie ou en apparence. Les sorcières ne sont pas issus d’une vocation; la principale condition pour arriver à une telle  forme de magie est la souillure indélébile du Don, ou de notre Lien avec la magie, si vous préférée. La puissance de chacune dépend des conditions de sa « mort ». Et d’après les dégâts causés par celle-ci, je dirais que celle-ci a été soit très douloureusement empoisonnée… ou alors qu’elle a été elle-même victime d’une Peste artificielle.

Pourquoi leur parlait-il de cela avant même d’avoir croisé la sorcière? Simplement parce que même s’ils n’étaient pas très près d’en voir une, celle-ci les observait très certainement et attendait le moment parfait pour leur tomber dessus. Il ne connaissait pas l’étendue des pouvoirs de l’ennemie, il savait qu’ils étaient grands, et s’il arrivait à en réduire l’effet, elle usait d’une magie particulièrement sournoise. Il ne voulait pas perdre de temps à leur expliquer pourquoi il ne pourrait pas détruire tout simplement la Peste, parce que cela reviendrait à leur expliquer l’importance de calculer la puissance exacte d’un sortilège, son champ d’action et une tonne d’autres paramètres qui explique pourquoi, la plupart du temps, il est impossible pour un magicien de défaire ce qu’un autre magicien a fait, sauf si le mage en question comprend parfaitement la teneur du sortilège, ce qui lui permet de concocter une contremesure efficace. C’est comme pour la posologie; n’use pas assez d’un tel médicament et il ne sera pas efficace, mais use en trop et tu en subiras les conséquences. Et si tu ne te sers pas du bon médicament, eh bah, tu t’en prends plein la gueule et tu n’en reviens probablement pas. C’était parfois étonnant à quel point la magie et la science se rapprochaient quand on prenait un peu de recul.

Perdu dans ses pensées et ses plans pour contrecarrer ceux de sa rivale, le Roi manqua de peu de passer devant l’Auberge sans même la voir. Embarrassé, il fit trois pas de reculons, pour trouver la porte d’entrée, puis il pénétra simplement dans l’auberge. Ces endroits normalement festifs où l’alcool était la bienvenue semblait tristement et anormalement vide, ce qui, en un sens, lui brisa presque le cœur. Or, il s’affligeait de n’y voir personne. La Peste avait visiblement fat fuir la plupart de la population, incluant les marchands. Bien qu’il ne s’y fut jamais retrouvé, il captait dans le monde astral des résidus laissés par la présence de Lysia, et il se dirigea sans la moindre hésitation vers la chambre de celle-ci. À l’étage, troisième porte à droite. Il pressa légèrement contre la porte et celle-ci s’ouvrit en grinçant drastiquement. Il marcha sans crainte dans la chambre et regarda autour de lui, inspectant la pièce. La présence de la jeune femme était partout dans la pièce, rendant impossible le pistage d’un objet inanimé par magie. Ils allaient devoir chercher à l’ancienne.

-Séparons-nous pour trouver la clef. Si j’en crois les habitudes de mon peuple, il serait une bonne idée de fouiller le sol pour trouver une petite cache à loquet masqué. Ou un mur. Parfois même le plafond. Cherchez tout ce qui peut accueillir un double-fond.

Un instant, il se rappela qu’il ne parlait pas à ses sujets. Il avait l’habitude de se trouver entouré d’un commando de ses meilleurs éléments et de leur donner des ordres, mais là, il avait affaire à un mercenaire qu’il n’avait pas payé et une guérisseuse qui ne l’avait même pas suivi de son propre gré. Il prit le temps de ravaler sa fierté avant de parler.

-Je vous prie, rajouta-t-il à contrecœur, avec le même ton bas qu’il avait quand il mangeait un des infects gâteaux préparés par Alessa et qu’il s’efforçait de la flatter.

Après un moment de recherche, il jugea qu’il était nécessaire qu’il divulgue à son tour quelques informations.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le dimanche 13 octobre 2013, 01:23:54
Le trajet vers l’auberge ne rassura guère la petite Shizuka, qui se sentait toute frêle face à Wallin et au Roi. Elle était derrière les deux hommes massifs, et se sentait inutile et faible. Une forte voix lui hurlait dans sa tête de rebrousser chemin, de retourner au camp, mais les choses avaient changé. Des tueurs avaient pénétré dans ce qu’elle avait fort logiquement considéré comme un sanctuaire intouchable, un endroit que personne ne pouvait attaquer. Cet endroit inviolable avait été violé, et elle ne se sentait plus à l’abri maintenant. Si Wallin avait fait sa proposition avant, Shizuka l’aurait refusé... Mais, maintenant qu’elle avait vu les lames, qu’elle avait vu la mort autour d’elle, elle savait que la menace était sérieuse... Et les yeux de Wallin la rassuraient. Cet homme... Elle ne savait pas comment le dire, mais il lui inspirait confiance. Il avait l’air de s’y connaître, et ses yeux l’avaient fixé avec intensité, comme pour lui dire qu’elle valait mieux que ce qu’elle pensait, et qu’il avait effectivement besoin d’elle.

Cette ville vide et morte effrayait Shizuka, qui regardait craintivement autour d’elle. Toutes les maisons étaient closes, fermées, certaines peintes avec des croix rouges sur les portes, indiquant les endroits contaminés. Ici et là, des bâches funestes recouvraient des cadavres, le signe que les fossoyeurs ne passaient plus par là pour enterrer les cadavres. Meisa avait souffert... Shizuka savait qu’un État pouvait se reconstruire après une telle catastrophe, car il existait des précédents historiques. Un État ennemi se risquait rarement à assiéger un État qui venait d’être ravagé par la peste, les ennemis craignant que la peste n’atteigne leurs soldats. Shizuka savait cependant que les Ashnardiens avaient eu des vues sur Meisa, et qu’une telle situation pouvait tout à fait les conduire à envahir Meisa, profitant de l’état de faiblesse du royaume pour l’achever.

*Ce serait vraiment horrible, que je connaisse la guerre après la peste... Deux des pires fléaux de l’humanité...*

Quand elle retournerait à Edoras, elle pourrait au moins délivré à ses supérieures un rapport assez complet. Peu de guérisseuses d’Edoras avaient du, comme elle, affronter une peste, et passer des nuits entières à nettoyer des corps, à les soulager de leur douleur, et à affronter un mal irrépressible. Il fallait toujours voir le bon côté des choses. Maintenant, elle avait une bonne expérience.

L’auberge de l’Ours Dansant était vide, et avait été pillée. On avait arraché tous les victuailles, ouvert les tonneaux. Les étagères pendaient mollement, plusieurs chaises avaient été volées, et la porte d’entré de l’auberge fracturée. L’endroit sentait la mort, et des mouches voletaient dans les coins, autour de cadavres gisant sur les tables, ou sur le sol.

« Ça, ce n’est pas la peste... Il y a eu un règlement de comptes ici... »

L’odeur était écœurante, et Shizuka porta la main à sa gorge, respirant lourdement, essayant de ne pas vomir. C’était une odeur de chair décomposée, une odeur horrible et sinistre, qui était en train de lui retourner l’estomac. Le Roi s’écarta rapidement, et Shizuka le suivit, heureuse de s’éloigner de la scène de carnage. Elle remarqua toutefois, en tournant la tête, un corps, étalé derrière le comptoir, encerclé par les mouches. Elle tourna la tête, montant sur les marches branlantes et craquantes, jusqu’à atteindre le troisième étage.

La chambre de Lysia était assez petite, comprenant une pièce principale avec le lit, un balcon, et une remise. Les recherches ne devraient pas être trop longues, et le Roi suggéra de rechercher une cache. Le ton était assez péremptoire, mais Wallin n’avait pas attendu que le Roi se mette à parler pour entamer ses recherches. Shizuka, elle, restait silencieuse, mains jointes devant elle, et inspecta le mur, recherchant une quelconque cache. Elle se croyait dans la peau de l’héroïne littéraire Alexia Novae, recherchant des microphones dans sa chambre d’hôtel à Novac, avant qu’une équipe de commandos d’élite ne débarque pour tenter de la tuer. La guérisseuse ne trouvait rien, et ce fut Wallin qui trouva la cache. Il connaissait bien Lysia, après tout, et chercha en réalité dans l’endroit le moins insoupçonnable : la porte d’entrée. Il la referma, et trouva un petit panneau discret, qu’il ouvrit. Lysia avait fait un petit trou à l’intérieur, et il y avait une clef dedans, qu’il attrapa.

« Voilà une chose de faite, lâcha-t-il. Il est temps de reprendre notre route, on ne peut plus se permettre de... »

Wallin s’interrompit soudain en entendant du bruit venant d’en contrebas... Comme si on venait d’ouvrir subitement la porte. Instantanément, sa main se porta vers son épée, et Shizuka écarquilla les yeux. Très distinctement, on put ensuite entendre des bruits de pas. Wallin fit signe à Shizuka de rester ici.

« Ne bougez pas, surtout. »

Wallin regarda brièvement le Roi, puis se dirigea vers l’escalier. On entendit encore des bruits de pas, mais l’homme ne montait pas. Shizuka avait un mauvais sentiment. Qui venait d’entrer ? Wallin s’avança lentement vers l’escalier, et descendit lentement. Le bois craqua sous ses pieds, et, tout en descendant, ses narines perçurent une légère odeur de fumée. Dans une autre vie, il avait été un trappeur dans des montagnes, et avait appris à entraîner son sens olfactif. Il y avait quelqu’un qui fumait paisiblement là-dessous.

En descendant, Wallin vit un homme se trouvant adossé contre le comptoir. Une longue cape rouge recouvrait son corps, mais sa tête était nue. Une peau grise, chauve, ressemblant à la tête d’un reptile. Il fumait une cigarette. Wallin se rapprocha lentement, tout en restant néanmoins à bonne distance.

« On peut vous aider, l’ami ? »

La créature fuma, et Wallin put voir sa main : épaisse, grisâtre, avec des griffes particulièrement tranchantes. Une voix rocailleuse jaillit du corps de l’homme, une voix éraillée qui s’égrenait, hachant les accents :

« Qu’est-ce qu’une auberge où on ne sert pas de bière ? »

Wallin avait un très mauvais pressentiment, et allait dégainer son épée... Quand il entendit du bruit à droite et à gauche. Les morts étaient en train de lentement remuer.

« On dit que le Roi manipule la magie comme le pantin du marionnettiste... Mais le marionnettiste ne serait-il pas lui-même le pantin ? »

La créature, qui n’était définitivement pas humaine, se redressa alors. Elle faisait bien deux mètres cinquante, et sa cape était en train de lentement glisser, alors que des appendices caudales se mettaient à pointer.

« Le Rituel doit avoir lieu. La Prêtresse vous laisse une chance de partir, car la Fille est là. »

Les tables étaient en train de remuer. Wallin avait dégainé son épée, une belle lame parcourue de runes magiques, et la brandit devant lui. La Fille ? Faisait-il attention à Lysia ? Ou à Shizuka ? Ce serait ridicule ; que pouvaient-ils bien lui vouloir ?

« Voyons voir... »

La cape rouge du monstre explosa alors dans tous les sens, et la créature se retourna. Hideuse, elle poussa un rugissement, des tentacules sinistres jaillissant de son dos, tandis que ses yeux blancs fixaient impassiblement les deux humains (http://img98.xooimage.com/files/7/8/4/309763-416fdb6.jpg). Et les morts, quant à eux, s’étaient relevés, leurs yeux vitreux fixant silencieusement les deux humains. Le monstre tendit alors l’une de ses mains, et une décharge magique explosa au bout de sa paume, provoquant une violente explosion qui défonça le sol et le plafond, faisant voler des morceaux d’écharde partout, soufflant Wallin qui alla heurter un mur, s’écrasant ensuite sur le sol.

Il fallait croire que quelqu’un n’avait pas apprécié la mort du Boucanier et l’échec de ses hommes à l’hôpital.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le vendredi 18 octobre 2013, 04:21:14
Wallin avait trouvé la clé. Dans la porte. Lysia, ma chère, tu as un sens de l’ironie que j’adore, ne put s’empêcher d’apprécier le Roi. Une clé pour déverrouiller une crypte dans une porte qui ne l’était pas dans une auberge. Il allait proposer de garder l’objet précieux sur lui, mais Wallin la rangea avant qu’il ne s’offre, et il ravala sa proposition. Il commençait à ranger ce qu’il avait sorti des tiroirs et du coffre, principalement des vêtements prêtés par l’auberge aux résidents de longue durée, au moment où ses sens l’alarmèrent d’une présence inhabituelle en bas de l’auberge. Cette présence ne cherchait pas à se cacher, d’ailleurs, puisqu’elle se laissa aller à faire un peu de bruit. Un défi, en quelque sorte. Cependant, malgré la demande de Wallin, il ne pouvait pas le laisser avancer seul. Il regarda Shunya et lui glissa entre les mains un petit sifflet. Attaché à celui-ci se trouvait un petit mot; « Sifflez en cas de danger. Ne pas perdre. » Il savait qu’en la laissant seule, il risquait d’en faire une cible pour un complice, mais il avait confiance en le Don; si Shunya avait ne serait-ce qu’une once de maîtrise sur ses dons, aucun ennemi ne pourra la prendre à revers. Aucun.

En bas, le Roi vit un homme. Un homme chauve. Mais dont l’aura n’avait rien à voir avec celle d’un homme. Il avait en fait l’impression de se trouver devant un prédateur aux aguets. Wallin entama le dialogue et la créature lui répondit, avec une voix brisée, sans accent reconnaissable. Le Roi reconnaissait la plupart des accents Terrans et ceux de Meisa, et il pouvait jurer que cette personne, ou cette chose, ne venait pas du monde connu. Il y avait donc deux théories; elle venait donc soit des Continents Inconnus, soit elle avait été fabriquée de toute pièce et ne pouvait ainsi arborer aucun signe distinctif d’une contrée ou d’une autre. Elle leur proposait de partir, tout simplement. Mais comme il s’en doutait, puisqu’ils étaient faits d’un bois cousin, Wallin n’allait pas laisser ce monstre agir à sa guise, aussi avait-il dégainé son arme, quoi que soit sa motivation.

Ses sens s’éveillèrent graduellement alors qu’un sentiment de danger inexpliqué commençait à l’habiter; étrangement, il ne se sentait pas du tout en sécurité. Le tremblement léger de ses mains et une sueur froide perlant sur sa tempe lui indiquait un sentiment qu’il n’avait pas ressenti depuis longtemps; il avait la frousse. Pas le truc qu’on ressent au moment où une personne nous surprend sans raison, non, c’était l’authentique peur; le savoir inexplicable que notre vie était en danger. Ou le sentiment simple d’être en impuissance sur des événements néfastes qui semblaient promis. Au terme de leur conversation, la créature se dévoila aux regards de ses adversaires; une bête hideuse dotés de tentacules aux pointes menaçantes. Ce truc n’avait absolument rien d’un poulpe; ces appendices étaient faits pour tuer sans pitié. Le Roi posa une main sur la garde d’Ehredna, et au moment où il la dégaina, la créature déchaina une onde de choc magique qui le désarma, envoyant également Wallin contre un mur, mais le Roi resta debout, bien que momentanément désarçonné. Il regarda la bête une nouvelle fois, surpris, puis retrouva son équilibre. Il leva brusquement un poing devant lui et lança un mot de sort incandescent puis… rien. Le sortilège ne s’activait pas.

« Hein? fit-il, complètement incrédule. »

La créature elle-même sembla surprise un moment avant d’être prise d’une soudaine hilarité. Le rire, strident, agressa méchamment les oreilles du Roi alors qu’il tentait une nouvelle fois, en vain, de faire appel à ses pouvoirs. Pourquoi est-ce que rien ne se produisait?

« Alors, ricana la bête, petit Roi. Comment se sent-on quand nos avantages nous quittent? »

La bête abaissa soudainement un de ses tentacules sur le Roi, qui exécuta une roulade latérale pour éviter de se retrouvé écrasé sous l’appendice. En se relevant, il posa une main sur son fourreau, où se trouvait normalement Ehredna quand il ne l’avait pas en main, mais dans la panique, il avait oublié qu’il ne l’avait plus; elle reposait aux côtés de Wallin, à plusieurs mètres de là. Il n’aurait pas le temps de la récupérer sans se retrouver à la merci de son opposant. Il fallait qu’il pense à une autre méthode, et vite. Une seule autre option se présentait à lui; foncer droit devant et remettre cette sale bête à sa place à la bonne vieille manière. Même sans ses pouvoirs, le Roi était plus rapide que le commun des mortels. Aussi rapidement qu’il le put, il tenta de réduire la distance entre lui-même et son adversaire et il lui asséna même un premier coup; la bête n’avait probablement pas prévu une action aussi téméraire et n’avait pas pu se préparer en conséquence. Mais elle ne tressaillit qu’à peine, et beaucoup plus de surprise que de douleur. Le Roi allait enchainer avec un nouveau coup quand les tentacules de la bête se refermèrent sur ses bras et, presque tout aussi rapidement, sur ses jambes et autour de son tronc. Le monarque se débattit contre les liens organiques, mais la bête le tenait bien; et puisque les tentacules n’avaient aucune articulation, c’était comme se battre contre de l’air. Le monstre le propulsa contre le mur, brutalement, défonçant une partie de la pierre qui le composait.

Un coup comme ça, même si on avait subi plusieurs années de guerre incessantes et des blessures à ne plus pouvoir les compter, ça faisait extrèmement mal. Et le Roi lâcha un cri de douleur alors que ses os cédaient sous la pression. Le monstre se mit à rire, alors qu’elle s’amusait à trimbaler le Roi dans tous les sens de la pièce. Cette situation ne dura que quelques secondes, et lorsqu’elle cessa, le Roi se trouvait écrasé au sol au bout des cinq tentacules du monstre, au milieu de l’auberge. La bête lâcha un nouveau rire, qui lui perça les oreilles. Le maître de Meisa sentait ses poumons le brûler à chaque respiration. Et ses blessures ne guérissaient pas. Il ne comprenait pas ce qu’il lui arrivait; c’était une première depuis des siècles. J’ai mal partout… J’ai du sang dans les yeux, je n’y vois rien… Et aussi bizarre que cela puisse paraître, il ne s’en sentait qu’encore plus vivant. Il avait l’impression qu’un vieux feu, presque éteint en lui, venait d’être alimenté d’une nouvelle bûche de bois bien sec; c’était comme s’il reprenait un coup de jeune. Il étira un sourire bref, mais sincère. La bête, surprise, le regarda en penchant la tête sur le côté; qu’est-ce qu’il avait à sourire, ce type?

« On se sent vivant, monstre, dit-il pour répondre à ses paroles de tantôt. Mais tu te trompes; je n’ai pas perdu tous mes avantages. »

Crampant d’un coup les muscles de ses jambes, profitant de la tension qui se trouvait dans les muscles du tentacule du monstre et qui servait à le retenir au sol, le Roi tira d’un coup sec sur celui-ci et envoya le monstre contre un mur. Sous le coup, la tension dans les membres de la bête se relâcha et le Roi put s’en libérer. Malgré ses côtes cassées par l’impact et une sérieuse commotion cérébrale, il parvint à se retirer à une distance plus acceptable du monstre. Dans toute cette pagaille, le Roi avait réussi à retrouver le côté de Wallin et Ehredna. Il s’adossa au mur pendant que la bête se redressait en sifflant agressivement. Elle était en colère. Et le Roi savait qu’elle ne tarderait pas à reprendre son assaut. La bête gueula à nouveau.

« La Prêtresse t’a coupé de ta magie! Tes forces devraient t’avoir abandonnées!
-La Prêtresse l’ignore peut-être, mais non seulement je suis un Sorcier, mais un bagarreur invétéré, rétorqua le Roi avec un sourire méprisant. Par contre, je te félicite, le monstre. Qu’avec une tête aussi hideuse, tu caches un véritable potentiel guerrier, ça, jamais je m’y serais attendu. »

L’Immortel ne sentait pas son bras gauche; il devait être brisé. Il avait mal à ses jambes, mais elles étaient encore capable de bouger; un muscle étiré au-delà du normal, voir déchiré, probablement. Son bras droit, par contre, semblait encore capable d’être utile. Il fouilla donc dans une des bourses à sa ceinture et en tira une petite fiole bleue.

« Sais-tu ce que c’est, monstre? C’est une potion faite à partir d’écorce elfique. Elle a une propriété extraordinaire; elle permet à même une personne parfaitement normale d’user de capacités surnaturelles. Et à une personne déjà dotée de ces pouvoirs… elle compense l’absence de magie environnante pour nourrir intérieurement les pouvoirs de celui qui s’en abreuverait. »

Autrement dit, il récupérerait momentanément ses pouvoirs. Il arracha le bouchon de la fiole avec les dents, puisqu’il ne pouvait pas le faire avec son autre main, et il s’abreuva du liquide. Il regarda alors la bête et lui jeta la fiole au visage. Usant de la magie, il parvint à endormir la douleur et soutenir ses membres grâce à un flux constant de magie intérieure. C’était un peu comme des muscles supplémentaires qu’il pouvait actionner pour reproduire les mouvements de base. Il regarda Wallin puis récupéra Ehredna, resserrant la main sur sa garde.

« Han’myh, mon amour…! s’inquiéta-t-elle, tentant de toucher son esprit avec le sien.
-Je vais bien, la rassura-t-il en restaurant le lien mental avec l’Épée Ashansha. Par contre, le sortilège ne durera pas. Il faut en finir au plus vite avec celui-là, sinon, je ne pourrais rien faire. Wallin, ajouta-t-il à voix haute. Êtes-vous blessé? Pouvez-vous encore combattre? Shunya? Shunya, descendez vite! J’ai besoin de vous!

Il se surprit à prier que sa précaution ne fut pas nécessaire, et qu’elle n’avait pas eu à s’en servir pour les rejoindre; si Shunya pouvait les guérir, alors, ils pourraient retourner s’en mettre plein sur la gueule sans avoir à craindre une mort subite.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le vendredi 18 octobre 2013, 13:18:48
SHIZUKA SHUNYA

On lui remit un sifflet magique, et Shizuka cligna des yeux, tremblant comme une feuille. Elle aurait voulu leur dire de rester, mais ce fut une toute petite voix qui s’échappa de ses lèvres. Ses mains moites serraient nerveusement le sifflet. La guérisseuse, prise d’un sentiment paranoïaque, regarda nerveusement autour d’elle, s’attendant à voir de mauvais esprits débarquer, des rôdeurs et des violeurs qui cherchaient à profiter d’elle. Elle triturait le sifflet, et baissa la tête vers ce dernier, l’observant de ses mains tremblantes. Sa respiration s’était emballée, son cœur tambourinait dans sa poitrine. Rien n’allait plus, et elle dut fermer les yeux afin de respirer, lentement, d’essayer de retrouver son calme... Avant d’entendre des bruits de combat en contrebas, des explosions et des cris.

*Mais qu’est-ce qui se passe, mais qu’est-ce qui se passe ? Mais qu’est-ce que je fais là, ohlàlà !! J’aurais du rester à Edoras, j’aurais du aller à Novac... Je serais en train de barboter dans une piscine en compagnie d’une Novaquienne, qui chercherait à me greffer le corps de nanomachines, plutôt que d’être dans une auberge sinistre, dans une ville ravagée par la peste !*

Shizuka secoua la tête, faisant nerveusement les cent pas. Elle se rapprocha de la petite fenêtre de la chambre, espérant pouvoir sortir par là. Elle essaya de l’ouvrir, et gémit en constatant que la serrure était coincée... Ou alors, elle n’était même pas capable d’ouvrir une stupide fenêtre. Auquel cas, il lui serait plutôt difficile de réussir à sortir d’ici seule... Pourquoi diable s’était-elle laissée embobiner par ce maudit Wallin ? Dieu seul savait ce qu’ils étaient en train d’affronter là-dessous, et Shizuka n’osait pas sortir. Peut-être lui faudrait-elle monter ? Ou trouver une cachette ? Oui, ce serait nettement plus raisonnable. Elle regarda autour d’elle. Mais où se cacher ? Sous le lit ? C’était toujours la première cachette qui vous venait à l’esprit, mais elle se souvenait des aventures d’Alexia Novae. Ce n’était pas une bonne planque. Il y avait aussi un rangement, mais il était assez étroit... En se contorsionnant bien, elle devrait toutefois parvenir à s’y dissimuler.

La jeune femme s’approcha donc du placard, l’ouvrit. Il y avait quelques couvertures, des vêtements, et elle envisageait de se dissimuler dedans... Quand un courant d’air la fit frissonner. Shizuka sursauta en se redressant, et sa tête, qui était alors partiellement enfoncée dans le meuble, heurta une étagère en hauteur.

« Aïe ! s’exclama-t-elle en se massant la tête. Ouille, ouille, ouille, si ça fait mal, aaah ! »

L’intrépide guerrière se massa vigoureusement les cheveux, sachant qu’elle devait avoir une belle petite bosse. Son crâne lui faisait mal, et elle continua à se frotter ses cheveux roses. D’où venait ce courant d’air ? Elle regarda autour d’elle, indécise. La fenêtre était bien fermée, et elle entendait des chocs sourds et forts venir d’en bas. La bataille avait l’air de faire rage. Un nouveau soupir jaillit dans la pièce, un léger frisson, et Shizuka sursauta, en comprenant, sans aucun doute possible, qu’elle n’était pas seule. Elle se roidit sur place en sentant un frisson dans son dos, un souffle silencieux, un contact froid... Et, quand des mains heurtèrent ses épaules, Shizuka ferma les yeux en poussant un cri étouffé, lâchant le sifflet magique du Roi sous l’effet de son sursaut. Un visage se rapprochait de sa nuque, frottant sa peau, remontant jusqu’à son oreille.

« Tu n’as pas à avoir peur... »

Elle sentit son cœur exploser dans sa poitrine, alors que le frisson dans son dos disparut. Shizuka se retourna subitement. Il n’y avait rien, rien d’autre qu’un courant d’air qui remuait devant elle. Elle s’avança un peu.

« Qui... Qui êtes-vous ? » murmura-t-elle d’une petite voix.

Est-ce qu’elle avait halluciné ? Est-ce que la panique qu’elle ressentait ne l’avait pas amené à imaginer cette voix ?

« Tu portes la Marque... »

Shizuka sursauta encore, incapable de discerner l’origine de la voix. Elle était sifflante, mais Shizuka percevait des intonations féminines. La Marque ? Est-ce qu’elle parlait du tatouage sophistiqué dans son dos ? C’était le tatouage que n’importe quelle guérisseuse d’Edoras recevait, indiquant l’état d’avancement de sa formation. Pourquoi cette apparition spectrale s’intéressait-elle tant à sa Marque ? Et pourquoi est-ce que Shizuka se sentait inexplicablement attirée par les mots de cette forme ? Pourquoi la redoutait-elle autant qu’elle l’appréhendait ?

« Ils ont besoin de toi... Qu’attends-tu ? »

En entendant cette voix, Shizuka sursauta à nouveau, et, sans pouvoir se l’expliquer, comme envoûtée, se mit à avancer. Elle descendit les marches, agissant rapidement.



WALLIN

L’attaque du magique l’avait surpris. Wallin avait douloureusement heurté le mur, et gisait sur le sol, inerte, sentant, autour de lui, les morts-vivants s’avancer. Cette créature était puissante, et intelligente. Elle accompagnait probablement la Dame Grise. Se remettant lentement de ses émotions, il vit le Roi être brinqueballé par les tentacules du monstre d’un bout à l’autre de la salle, avant d’atterrir à côté de Wallin. Pas mage pour un sou, Wallin n’aimait guère la magie, qu’il assimilait fort volontiers à une sorte de grossière tricherie élémentaire. Le guerrier secoua lentement la tête, en entreprenant de se redresser. Tout son corps lui faisait mal, et il vit le Roi utiliser une potion pour récupérer ses pouvoirs, tout en appelant Shizuka pour qu’il les soigne.

« Je... Je suis pas encore totalement rouillé... » grogna l’homme en se remettant debout.

Le monstre avec les tentacules restait devant le comptoir, amusé. Il envoya l’un de ses tentacules vers Wallin, qui s’était mis en garde. Voyant le coup venir, Wallin attaqua de biais, et trancha l’extrémité du tentacule. La créature siffla de rage, et tendit sa main, envoyant des espèces de flammes noirâtres. Wallin roula sur le côté, et les flammes le loupèrent, attaquant le mur, où elles se mirent à le ronger de manière corrosive. C’était de la magie noire. Le monstre l’attaqua à nouveau avec ses tentacules, défonçant le sol, et Wallin bondit en retrait, et essaya de se protéger avec son épée. Un tentacule le heurta sur le flanc, et le brave homme s’envola sur la droite. Il s’écrasa sur une table, la brisant, atterrissant à côté de l’escalier, où, en tournant la tête, il vit Shizuka.

« Mais qu’est-ce que vous foutez là ? Remontez !
 -  Vous avez besoin de moi ! »

Il avait fallu que Shizuka se décide à faire preuve de courage en un pareil moment ! Wallin grogna, et se redressa.

« Concentrez-vous sur le monstre, Kah’mui, je vais m’occuper des morts-vivants qui le secondent ! »

Il fallait se répartir les tâches, s’ils voulaient survivre. Dans son dos, Shizuka était en train de faire appel à sa magie, et une espèce d’aura rose faisait briller sa marque, auréolant également ses yeux, alors que Wallin, mais aussi Kah’mui, sentaient une forte magie blanche agir pour les soigner.

C’était tout ce dont Wallin avait besoin.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le lundi 21 octobre 2013, 03:33:15
« Mais qu’est-ce que vous foutez là ? Remontez !
 -  Vous avez besoin de moi !
- Concentrez-vous sur le monstre, Kah’mui, je vais m’occuper des morts-vivants qui le secondent ! »

Ce sentiment. Le Roi ne l’avait pas ressenti depuis des lustres, lui non plus. Celui d’antan où ses pouvoirs n’avaient pas atteint leur maturité. Ce sentiment de confiance profonde, de dépendance avec ses camarades. Une larme discrète glissa sur sa joue, qu’il empressa d’essuyer de la main droite, comme un gamin anxieux, avant de relever le regard vers le monstre à tentacules. Avec un corps aussi amoché, il doutait pouvoir continuer à combattre, mais… Shunya était là. Il sentit le pouvoir latent de la jeune femme s’éveiller, et un lien revigorant se tisser entre lui, Wallin et elle; ses muscles cessèrent de le faire souffrir et ses os reprirent leurs emplacements d’origine, comme par miracle. Il sentit en lui une nouvelle force, qui n’avait rien à voir avec celle de son pouvoir; le courage lui montait au cœur. Le Roi fit tournoyer Ehredna puis il pointa le monstre du bout de celle-ci.

« J’aurai ta tête, et je l’exposerai dans ma bibliothèque! Gronda-t-il avec force, avant de s’élancer.

Sur son passage, les morts-vivants tentèrent de l’agripper, mais agilement, le Roi exécuta un saut latéral pour passer entre leurs mains, filant droit vers le monstre. La main tendue devant lui, il agrippa la tête de la bête et la traina sans ménagement vers la sortie. La porte étant fermée, il en profita pour faire quelques dommages à la créature en la faisant passer au travers du bois solide de la porte, qui vola en éclats sous l’impact. Le Roi poussa la créature au sol en usant de sa force incroyable, même si réduite par l’absence de magie. Rebondissant sous la force du choc, la bête fut remise au sol par le poing du Maître de Meisa, qui ne voulait lui laisser aucun instant pour se rétablir. Le Roi frappa le monstre de son pied, l’envoyant plus loin, avant de courir vers elle, le bras replié. Sa lame touchant son épaule gauche, le Roi se servit de la main de ce même bras pour décocher au monstre un coup alliant la force de son bras droit à celui de son jumeau. Il rencontra néanmoins la résistance des tentacules de la bête, qui avait réussi à se protéger, bien qu’avec grande peine. Le Roi fit un bond en arrière et se remit en garde.

Ehredna n’était pas comme toutes les autres épées. Non seulement n’était-elle qu’une épée qu’en apparence, mais elle était aussi la dernière, hormis la Sorcière Mélisende, à être issue de la Race des Ashanshas, les toutes premières créations de la Déesse Althena. De ce fait, elle était également une créature dotée d’un vaste savoir dont elle faisait, parfois, bénéficier son Han’myh, son ami de cœur et d’âme. La Première savait que cette créature était issue de la magie noire, mais pas seulement; quelque chose avait rendu possible l’invocation d’une telle bête. Elle aurait pu placer bien des soupçons, mais Mélisende, sa Sœur, ne s’abaisserait jamais à créer des créatures dénuées d’âme pour assouvir ses désirs sadiques d’accaparer l’attention du Roi, et Jekhelv, le Roi Noir, était déjà hors d’état de nuir sous la forme d’une innocente épée entre les mains de la créature la plus vile qui n’ait jamais été créée, mais Ankh’Anvrheim n’était pas encore tirée de sa torpeur dans les Tréfonds. Il ne restait qu’un groupe très réduit de personnes capables de faire venir au monde une bête aussi dénaturée.

« Han’myh… je crois savoir qui se cache derrière tout ça…
-Fais m’en part une fois que j’aurai tué ce monstre, je te prie. »

Le Roi esquiva habilement deux tentacules-foreuses qui foncaient droit vers lui en faisant un pas rapide de côté, avant d’en éviter un autre en écartant les jambes, perdant ainsi de la hauteur. Une quatrième fila vers son visage, mais il se ploya vers l’arrière, la laissant lui passer par-dessus le corps. Se réceptionnant sur ses mains, il exécuta une roue arrière, se retrouvant à nouveau sur ses pieds. Énervée par ses échecs, la bête multiplia les assauts. Les extrémités des tentacules se solidifièrent pour acquérir une propriété perforante, mais cela permettait également au Roi de les dévier du plat de sa lame. Il n’était pas pressé; il savait que tôt ou tard, elle commettrait une erreur suite à son exaspération. Éviter, parer, dévier, esquiver, tout faire pour qu’elle s’énerve et montre une seule faiblesse. Malgré le danger, le cœur du Roi cessa de battre nerveusement; à la place, il se sentait serein, alerte, calme. Il allait tuer ce monstre. D’une manière ou d’une autre, il allait le tuer, alors, il ne servait à rien de s’exciter. Tous ses sens s’éveillaient à une nouvelle intensité; ses yeux percevaient mieux les mouvements aléatoires des tentacules, son nez percevait les odeurs environnantes avec une nouvelle acuité, ses oreilles étaient si affinées qu’il aurait pu entendre le cœur du monstre battre, s’il en avait un. Puis, la bête écarta ses tentacules pour exécuter un nouveau mouvement; elle allait l’écraser de toute part. Maintenant! Sans prendre le temps d’hésiter, le Roi se rua vers le monstre aussi vite qu’il le put et le chargea, Ehredna brandie devant lui comme une lance. La bête parvint à l’arrêter en le prenant dans ses tentacules, mais dans l’élan, il lui suffit de lâcher la garde de son arme pour qu’elle continue son chemin jusqu’au cœur de la bête.

La créature tituba, surprise, en regardant la lame qui venait de le percer. Les tentacules, incapables de bouger suite à une perte très rapide des forces de leur propriétaire, relâchèrent le Roi sans lui faire de mal. Celui-ci regarda la bête avec tristesse et s’approcha lentement. Le monstre cracha une grosse quantité de liquide noire. De la Corruption. Le Roi en eut des frissons d’horreur, et fit plusieurs pas de reculons pour ne pas être aspergé de cette substance hautement nocive. Dépourvu de ses pouvoirs, il ne savait ce qui pourrait se produire s’il entrait en contact avec ce produit infernal. La bête s’effondra sur ses genoux, cherchant un air qui, visiblement, n’atteignait pas ses poumons. Le monarque finit enfin par s’approcher et posa sa main sur la garde de son Épée. La bête en profita pour lui agripper le poignet, malgré son absence de force. Entre deux bulles de sang noir, elle parvint à parler. Ses yeux, normalement blancs comme une craie, s’orna de petites pupilles bleues.

« Elle sait… elle sait tout… Elle… »

Soudainement, la créature prit feu, dans des flammes rouges comme le sang, pressant le Roi à retirer sa lame et à prendre un peu de distance. La bête hurla de souffrance, mais un mot lui échappa, un mot suffisant au Roi pour croire qu’il n’était pas la seule cible des machinations de ses ennemis.

« SYLVANDELL! »

Le monstre répéta le mot plusieurs fois alors que les flammes le consumaient, ne laissant rien, même pas des cendres, derrières elles. Le Roi regarda le sol brûlé un moment, enfermé dans ses pensées. Quel était le lien entre Meisa et Sylvandell? Même lui ne saurait dire. Mais une chose était sûre; une fois qu’il aurait fini de gérer le problème en Meisa, il devra se présenter devant Tywill. « Tywill… Autant parler avec un Dragon, je serais davantage rassuré d’obtenir des résultats. » Les rapports Sylvando-Meisaen étaient cordiaux, mais sans plus. Pour le Roi, les Sylvandiens étaient les voisins bizarres qu’on ne voyait pas souvent, mais qu’on surveillait étroitement dès qu’ils prenaient une marche. Si Sylvandell était menacée, il aurait plus d’informations une fois qu’il aurait confronté la Dame Grise et qu’il l’aurait mise à mort, et peut-être même qu’il leur sauverait gratuitement les miches. « Un Roi bénévole… j’aurai bien tout fait… Ah, merde, Wallin! Shunya! » Paniqué, il rappliqua rapidement vers l’auberge, où il entendait encore les sons de la bataille.

« Han’myh… La Fille… Elle a…
-Plus tard, Ehredna!
-Écoute-moi!
-J’ai dit « plus tard »! hurla mentalement le Roi alors qu’il revenait au combat aux côtés de ses camarades.

[HRP : Si une suite dans Sylvandell ne t’intéresse pas, tu me feras le message, j’arrangerai cela, mais au moins, ca justifie le « Partie 1ere » :P ]
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le mardi 22 octobre 2013, 01:31:55
[HRP – Il faudra en discuter par MP ^^]



Shunya sentait la magie affluer autour d’elle, vibrant à hauteur de ses doigts, et dans toutes les fibres de son corps. Elle ne faisait plus qu’un avec le courant. La magie l’enveloppait. Yeux clos, elle se laissait aller, se concentrant sur sa mission : soigner les deux hommes. Quand elle était « en phase », quand elle utilisait sa magie, la timidité naturelle de Shizuka semblait battre en brèche, comme si une force nouvelle s’emparait d’elle, l’envahissait, et canalisait ses forces. Elle vit le Roi se ruer vers le monstre. Ils formaient deux intenses pics magiques, qui la faisaient frémir, alors que Wallin, lui, restait un individu lambda. La magie était dans n’importe quel individu, mais, comme Shizuka le savait depuis de longues années, un individu n’avait pas le même potentiel magique qu’un autre. Celui de Wallin était relativement faible, mais ça n’empêchait pas qu’il représentait le seul rempart de Shizuka contre les morts-vivants, puisque Kah’mui était sorti de l’auberge.

Une magie noire et malfaisante se dégageait des corps des morts-vivants, et l’un d’entre eux s’avançait vers Shizuka, tenant dans la mais une petite hache de combat. Il voulait l’abattre sur elle, mais, avant que la hache ne tombe, Wallin intervint. Il le repoussa, et frappa avec sa lame, qui le cingla. L’épée lui arrache une main, et manqua le décapiter. Le corps tomba à la renverse, et s’écrasa sur le sol. Il n’y eut aucune projection de sang, et le guerrier se rua ensuite vers un autre ennemi. Son pied heurta le ventre du monstre, le pliant en deux, et il le frappa avec son coude à la tête. Le mort-vivant roula le long de la table, atterrissant de l’autre côté. Wallin eut tout juste le temps de sortir son arbalète de poing. Il décocha un carreau dans le cou d’un monstre. Le carreau le transperça, et l’envoya sur le sol, mais sans l’arrêter, puisque la créature entreprit de se relever. Un autre monstre se rua sur Wallin, et mordit dans son gant. L’homme grimaça, et la magie afflua autour de lui pour le soigner.

« Lâche... Moi, saloperie ! »

La créature se reçut un coup sur la tête, et Wallin se dégagea, puis la décapita. Sa tête pâle s’envola pour rebondir sur le sol. Un autre monstre sauta sur Wallin, le renversant sur le sol, lui faisant lâcher son épaule, et mordit dans son épaule. Shizuka sentit un pincement au cœur en entendant le guerrier hurler, qui se débattit. Il repoussa le monstre, du sang coulant de son épaule, et tendit la main, envoyant un sort magique. Une onde de choc frappa un zombie, l’envoyant valdinguer par-dessus le comptoir. La créature roula sur le sol, tandis que Wallin était en sueur, du sang s’échappant de son épaule. Il tenta de récupérer son épée, mais une hache se planta dans son dos. Il hurla encore, et tomba sur le sol. Un autre zombie avait lancé son arme, et la créature qui avait mordu Wallin à l’épaule se redressait, ses ongles transformés en griffes noirâtres fondant sur Wallin. L’homme se retourna, et le repoussa avec son pied. En réponse, le monstre le griffa à hauteur de la jambe, faisant à nouveau perler le sang.

« Shizuka ! Il faut remonter, vite ! »

Wallin entreprit de se redresser, et rejoignit Shizuka, avant de sortir son arbalète. Il visa un zombie, et décocha un carreau, l’atteignant entre les deux yeux. La bête hurla, mais il n’y avait que dans les films tekhans qu’on arrêtait un zombie en lui explosant la cervelle. La magie était en train d’animer ces derniers. Même la créature décapitée marchait vers Shizuka et Wallin, battant mollement des bras, désorienté par la perte de sa tête.

« On... On va mourir ! paniquait Shizuka.
 -  J’ai un plan, vite ! »

Wallin l’attrapa par la main. Shizuka avait entrepris de soigner ses plaies, mais elle avait encore besoin de temps. Elle sortit de sa transe quand l’homme l’attrapa, et trébucha sur une marche. Shizuka poussa un cri, et s’étala sur les marches, s’ouvrant le genou. Elle sentit alors une main froide et visqueuse l’attraper à la cheville. Un mort-vivant s’approchait en grognant, ses yeux noirs fixant Shizuka de manière inexpressive. La panique explosa dans la tête de Shizuka, faisant fuir tout sort magique.

« Lâche-là ! »

Wallin, son héros, intervint alors. Il décocha un autre carreau, qui atteignit le poignet retenant Shizuka.

« Remuez-vous le cul, bordel ! »

Cette phrase fit sortir Shizuka de sa panique, et elle se mit à grimper rapidement, tandis que les monstres derrière eux les poursuivaient avec rage. Wallin se réfugia dans la chambre de Lysia, et referma la porte. Les monstres s’y heurtèrent en hurlant, raclant la porte en bois avec leurs griffes, griffant encore Wallin.

« Un meuble, vite ! »

Comprenant ce qu’il voulait, Shizuka remarqua le lit, et l’attrapa, le tirant vers la porte. Elle entreprit de le soulever, mais le lit était terriblement lourd. Elle serra les dents, sentant, sous l’effet de la peur et de l’adrénaline, une peur panique s’emparer d’elle. L’une des mains de Wallin attrapa le lit, et il le plaqua contre la porte, qui tremblait sous leurs assauts.

« Ils vont passer !! »

Shizuka réalisa qu’ils étaient faits comme des rats.

« Je vous ai dit que j’ai un plan. »

Wallin saignait de partout. Des blessures légères, mais tout de même... Il sortit de ses affaires une sorte de petite fiole, et la déposa sur le sol, près du lit, avant d’en sortir une.

« Il va falloir sortir rapidement, Shizuka.
 -  Que... Qu’est-ce que vous comptez faire ?!
 -  Les envoyer en Enfer, pardi ! »

Wallin balança l’autre fiole, qui heurta le lit, libérant une sorte de grosse flaque, qui s’enflamma rapidement. Lorsque les flammes rejoindraient la fiole posée sur le sol, il y aurait une belle explosion, car la fiole contenait un concentré chimique reposant sur l’hydrogène. Wallin se rua vers la fenêtre, et passa de l’autre côté, s’appuyant sur le rebord.

« Vite, dépêchez-vous, on va sauter ! »

Le feu était en train de remplir la pièce, rongeant les murs et le bois, n’arrêtant toutefois pas les morts-vivants, qui déchiquetaient la porte, avant de repousser le lit. Shizuka attrapa la main tendue de Wallin par la fenêtre, et ce dernier, en soupirant, l’aida à se redresser.

« Vous n’auriez pas pris quelques kilos, par hasard ? »

Shizuka devint toute rouge, regardant l’homme, mais ce dernier ne lui laissa pas le temps de répondre que, l’empoignant, il plongea sur le sol, alors que la bombe se mit à exploser, pulvérisant une partie de l’auberge.

*BOOOOM !!!*
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le dimanche 27 octobre 2013, 21:37:20
Si le Roi n’avait pas eu son pouvoir à ce moment-là, qui sait ce qui aurait pu se produire. Mais en voyant Wallin chuter avec Shunya, sa volonté brisa le blocage qui empêchait son corps d’accéder à son pouvoir et l’espace d’un instant, il en récupéra la totalité. La chute des deux mortels lui parut interminable tant sa vitesse personnelle s’était décuplée sous l’effet de la magie; il se plaça alors sous les deux humains, les attrapant au vol avant qu’ils ne touchent le sol, s’éloignant du même geste de l’auberge au moment où celle-ci explosait. Les flammes de l’explosion lui léchèrent le crâne et carbonisèrent les vêtements se trouvant sur son dos, laissant celui-ci parfaitement nu et rouge de brûlures, incluant plusieurs cloques d’eau. Si le Roi souffrait, il n’en laissa rien paraître, ou alors il ne s’en rendait pas encore compte. Dans un mouvement si rapide qu’il se rapprochait de la téléportation, il mit plusieurs mètres entre lui et ses compagnons et l’auberge en flammes. Pour sûr, s’il restait des zombies, ils étaient bien en Enfer. Une fois à bonne distance, le Roi s’arrêta. Malgré son sursaut soudain de puissance, celle-ci recommençait déjà à le quitter. C’était comme arriver à voler dans un rêve; cela durait un temps, mais jamais longtemps, et après, cela semblait très difficile à reproduire. Il regarda Wallin et Shunya, qu’il avait reposé contre un arbre. Une fois s’être assuré qu’ils n’étaient pas blessés, il se releva et inspecta les environs. Aucun zombie ne semblait avoir survécu, et il n’y avait pas de renforts qui risquaient de leur tomber dessus. Maintenant qu’ils étaient seuls, il pouvait se concentrer pour briser le sceau qui l’empêchait d’utiliser son pouvoir. En un instant, il brisa le sortilège et récupéra le contrôle. Il fronça les sourcils; « Que peut bien savoir cette femme? Comment arrive-t-elle à brouiller mon lien avec la Magie? » S’il avait eu un peu plus de temps pour étudier le phénomène, il aurait pu préparer une contre-attaque, voire même un sort de localisation, mais cette salope savait brouiller les pistes, et il n’avait pas le temps de faire une chasse à l’homme; la crypte et ses secrets étaient son seul espoir. « Josselin, fais-moi la faveur de ne pas t’être trompé », supplia mentalement le monarque.

Après de longs débats intérieurs, il se tourna vers Shunya. La pauvre devrait être exténuée. Elle avait usé d’un pouvoir qu’elle ne comprenait pas nécessairement, sur l’instinct ou par la Volonté de la Magie, et s’il n’avait pas conscience de la signification de la Marque, il aurait pu s’inquiéter pour sa santé. Hors, elle avait davantage été effrayée qu’elle n’aurait été blessé. Il s’approcha d’elle et posa une main sur sa tête avant de laisser couler en elle une bonne dose de contre-énergie, ce qui devrait suffire pour calmer son stress, son anxiété et surtout sa panique. « Ce n’est pas une guerrière. C’est une guérisseuse. Juste une guérisseuse… » Et il voulut l’entrainer là-dedans sans la moindre préparation. Les Guérisseuses de l’Ordre recevaient un entrainement à la survie en milieu sauvage pour pouvoir accompagner des caravanes ou des patrouilles, mais aucune n’était entrainée à la guérison des plaies pendant un combat réel. Il lui caressa gentiment la tête puis mit un genou en terre pour lui faire face.

« Ne vous inquiétez pas, tenta-t-il de la rassurer tout en lui caressant le crâne, comme il le faisait si souvent pour Aglaë autrefois.  Le pire reste à venir, mais je ne laisserai rien vous arriver, je vous le promets. »

Il se redressa alors sur ces mots puis il se dirigea vers Wallin. Il n’était pas spécialement blessé, mais quelques plaies restaient encore à être traitées. Plutôt que de perdre son temps à chercher les blessures sur le corps de l’homme, il leva une main devant celui-ci et chantonna une phrase en langue Ashansha et en la répétant incessamment. De sa main jaillit alors des dizaines de petits fils dorés qui se faufilèrent dans les vêtements de l’homme et se collèrent à ses blessures. Le Roi changea alors ses mots et chanta une autre partie de la chanson, et répéta les mots jusqu’à ce que les plaies aient été désinfectées par la magie. Il poursuivit avec une dernière phrase chantée pour refermer et cicatriser les plaies. Les fils dorées quittèrent alors le corps du guerrier et revinrent disparaitre dans la main du Roi. Celui-ci tituba légèrement et secoua la tête pour chasser la soudaine fatigue qui lui donnait des vertiges. Lorsque ses tournis disparurent, il releva la tête et s’assura que l’homme n’avait rien de cassé. Il y avait au moins ça.

Maintenant, ils devaient atteindre leur nouvel objectif. La seule crypte qu’il connaissait se trouvait dans le Cimetière, un espace se trouvant en plein cœur de la zone habitée de Meisa. C’était un cimetière commun, et le seul qui existait en Meisa, et il s’y trouvait aussi une Demeure des Morts. C’était un concept nouveau que le Roi avait décidé d’instaurer pour ceux qui avaient fait de grandes œuvres durant leur vivant; le jour de leur mort, plutôt qu’être enterré sous terre, leurs corps étaient conservés par magie et enfermés dans des prisons de verre où tous pouvaient voir, en chair et en os, ceux qui ont aidé le monde. Une nouvelle façon de souligner les efforts de ces personnes d’exception, à ses yeux. La Crypte se trouvait dans cette demeure. En fait, sous cette demeure, mais son existence aurait dû rester secrète; il s’agissait de l’endroit où les Magiciens, peu importe leur origine, ayant rejoint Meisa étaient installés après leur mort. Normalement, il n’y avait qu’une manière d’ouvrir la crypte, et c’était avec la magie du Roi. L’existence de la clé prouvait deux choses; premièrement, qu’il y avait deux manières d’ouvrir la Crypte, et deuxièmement, que le Roi avait été floué. Mais les concepteurs de cette porte étant déjà morts depuis des années, il serait vain de chercher à se venger de leurs cachotteries.

Le Roi aida les deux personnes à se lever puis prit la tête de leur petit commando en se dirigeant vers le Nord. Il ne se faisait pas trop de soucis pour les habitants; lorsque les choses se calmeront, ils prendront le temps de tout reconstruire. Le Roi savait que chaque minute comptait, et il leur faudrait une bonne heure pour rejoindre le Cimetière. Entretemps, il essayait de se préparer mentalement aux risques futurs.

Orzok

« Oh non, oh non, oh non...! » croassa le monstre en descendant rapidement les marches de la crypte.

Orzok n’était pas très intelligent, et il le savait. La maîtresse ne l’avait accepté que parce qu’il était minuscule et discret. Grand d’un pouce et doté de petites ailes de chauve-souris, la petite gargouille était le fidèle serviteur de la Dame Grise. Sculpté par des maîtres de cet art sinistre, la petite bête avait été faite sur mesure pour des missions de reconnaissance et d’espionnage dans l’espoir d’obtenir une subvention de l’Empereur Ashnardien, mais celui-ci avait refusé l’accès à ses fonds et fait exécuté les artistes tout en gardant pour lui leurs abominations. Le petit Orzok avait néanmoins été mis à l’écart des autres, dans un minuscule convoi destiné à la Reine Nexienne, au cas où le plan avec les Ashnardiens échouerait. Ce convoi avait été attaqué par les Pirates du Boucanier pendant son transport maritime et ceux-ci, déjà sous l’influence de la Dame Grise, le lui avaient ramené. Tout cela faisait partie du petit parcours de vie de la petite bête, et la voilà maintenant qui se présentait devant la femme la plus sanguinaire de son ère pour lui annoncer sa mauvaise nouvelle. Oh, il  ne donnait pas cher de sa peau, elle ne valait déjà pas grand-chose, mais se faire zigouiller par cette femme avait quelque chose de… terrifiant en soi.

La petite bête s’approcha de son horrible maîtresse. Enfin, d’horrible, elle n’avait vraiment que le caractère; autrement, elle était vraiment ravissante, aux yeux de ses conquêtes humaines. Malgré sa transformation, elle avait maintenu plusieurs critères humains, comme leur visage et leurs cheveux. Il régnait néanmoins autour d’elle une constante aura d’indifférence, comme si tout ce qui se passait, qu’il soit maléfique ou bénéfique, allait de soi, et donc que ses actes ne nécessitait aucune justification. Orzok voleta avec inquiétude près de l’épaule de sa maîtresse et, tout en tremblant, il lui annonça sa mauvaise nouvelle.

« M-m-m-maîtresse, v-votre création a échoué...! Le Roi et la Fille sont en route…! QUACK! »

Subitement, un monstre surgit des ombres, agrippant la pauvre petite gargouille dans sa main massive et la réduisit au silence en l’écrasant juste assez pour ne pas la tuer, mais suffisamment pour la faire taire. La petite bête se débattit de toutes ses maigres forces pour se défaire de cette étreinte douloureuse, puis se rendit à l’évidence; elle ne pourrait pas s’échapper. Orzok cessa donc de se débattre et tenta plutôt de voir ce que ce monstre voulait à sa maîtresse.

« Mon maître veut la fille, Sorcière, gronda la monstrueuse créature. Elle a été touchée par un Don. Tu dois la tuer et l’envoyer à mon maître. C’est ce qu’il te demande en échange de ton Pouvoir. »
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le lundi 28 octobre 2013, 21:25:41
L’explosion de l’auberge avait secoué Shizuka, qui, sans trop comprendre, se retrouva sur une rue pavée, à bonne distance de l’auberge en feu. Paniquée, elle regardait autour d’elle, à quatre pattes, son cœur hurlant dans sa poitrine. Des morts-vivants ! Elle avait senti le souffle de la Mort caresser son échine, et, maintenant que la guérisseuse était sortie de ce cauchemar, elle ne pouvait s’empêcher de se demander quelle folie l’avait conduite ici. Elle était face à un ennemi d’une puissance insoupçonnable. N’importe qui se serait enfuie depuis longtemps à sa place. Pourtant, Shizuka restait là, à reprendre son souffle, à essayer de ne pas céder face à la panique. Elle venait d’Edoras, et n’avait jamais connu de tels évènements... À l’exception du jour où le frère de la Princesse, Shin, avait tenté un coup d’État. Cette agitation qu’elle sentait dans ses tripes lui rappelait ce moment terrible, qui hantait encore ses rêves, où elle revoyait sa nourrice mourir sous ses yeux, où elle entendait les bruits de pas, les hurlements, les imprécations, les ordres, et restait terrée sous son lit, pleurant silencieusement devant le cadavre de celle qui avait veillé sur elle, alors, derrière la porte, elle voyait des ombres passer rapidement, entendait des hurlements, et discernait la mort, tout autour d’elle, étirant son manteau pour recouvrir le Temple de la Lune. Elle se souvenait de cette panique qu’elle avait ressenti, qui annulait tous ses pouvoirs, alors qu’elle savait qu’elle allait mourir, que des individus allaient enfoncer la porte, retourner le lit, et l’égorger sèchement. Elle ne comprenait rien, mais elle savait que le sang avait teinté cette nuit maudite. Elle avait attendu là, désespérée, et elle se retrouvait dans la même situation.

*Je n’y arriverais pas, c’était une folie de me lancer dans une telle entreprise...*

Elle s’en  persuadait, lorsqu’elle sentit quelque chose sur elle. Une main frotta ses cheveux, et, en relevant la tête, elle revit le Roi de Meisa. Kah’mui. Il répandait en elle une espèce de sortilège qui la fit frissonner. Shizuka ferma les yeux, sentant les souvenirs de son enfance disparaître. Elle n’avait pas le droit de se sermonner ainsi. Elle avait survécu à la trahison de Shin, et elle venait de survivre à cette attaque. Et, alors que son esprit se calmait, elle repensait à cette présence grise, à ce spectre... Ce spectre n’était pas amical, elle en avait la certitude. Mais il avait imposé sur elle une autorité indiscutable. Quand la créature lui avait ordonné de descendre, Shizuka avait obéi sans protester, comme si son inconscient avait senti une force qui la dépassait totalement. Cette forme ne pouvait appartenir qu’à la Dame Grise, cette femme dont Wallin avait parlé.

Le brave homme s’était rétabli, et s’était relevé, observant l’auberge en feu. Le toit craquait lourdement, et était en train de s’affaisser sur le reste de la structure. Shizuka, à son tour, entreprit de se relever, plantant son regard dans la contemplation des flammes. Elle savait que les villes médiévales présentaient l’inconvénient de ne pas avoir de grandes rues, ce qui faisait qu’un incendie pouvait facilement ravager tout un quartier. L’urbanisation de Meisa semblait plus urbaine, et Shizuka espérait sincèrement que l’incendie ne déborderait pas, et resterait concentré sur l’auberge. Cette ville avait déjà assez souffert comme ça.

« Nous avons la clef, finit par dire Wallin. Ne traînons pas plus longtemps. »

Shizuka hocha la tête. Le Roi se mit en marche, et elle avança, lentement, la respiration lourde, restant près de Wallin.

« Pour une femme qui n’a pas l’expérience du combat, et n’y voyez aucune remarque sexiste, vous vous en êtes bien sortis.
 -  Vous... Vous trouvez ? Ce n’est pas le sentiment que j’ai, moi...
 -  L’être que nous avons affronté n’est pas un vulgaire ennemi. C’est une force anormale de la Nature, un monstre issu des arcanes infernales de la magie noire.
 -  Que... Que voulez-vous dire ? »

Wallin ne répondit pas pendant quelques secondes, probablement parce qu’il était en train de réfléchir, avant de s’expliquer :

« C’était un être humain, jadis... Cette Dame Grise, ou qui que ce soit d’autre, a du lui faire subir de terribles expérimentations magiques et génétiques pour en faire ce monstre. C’était un puissant magicien, qui disposait de pouvoirs liés à la nécromancie, l’une des disciplines les plus redoutables de la magie noire. Jouer avec la Mort n’est l’apanage que des Dieux, pas de simples mortels pensant que la magie les rend omnipotents... Et puis, même les Dieux ne sont pas infaillibles. »

Un être humain ? Shizuka trouvait ça écœurant. Quel sortilège atroce et innommable pouvait ainsi transformer un individu en ce... En cette chose ? Elle avait cru voir l’un de ces démons des temps anciens, de ces créatures infernales chassées par les Anges et les Dieux. Cette Dame Grise devait être aussi puissante que dangereuse, et Shizuka n’avait pas spécialement envie de la rencontrer... Tout en sachant très bien que leur rencontre serait obligatoire. Elle le pressentait. Elle croiserait cette femme, et, rien qu’à cette idée, elle sentait ses jambes se mettre à flageoler.

« Ne doutez pas de vos performances, reprit Wallin. Votre contrôle de la magie blanche est exceptionnelle, et, contrairement à ce que certains mages peuvent dire, la magie blanche est une discipline extrêmement compliquée à maîtriser. Votre talent est grand, et, comme en toute chose en ce bas-monde, ce qui est grand est convoité. Vous devriez en avoir confiance, maintenant. »

Elle ne répondit pas, mais elle trouvait qu’il avait raison. La magie blanche était un art magique lié à l’âme. On ne pouvait pleinement la pratiquer qu’en étant sein d’esprit. Une âme viciée aurait toujours plus de mal à la faire, ce qui faisait que les experts en magie blanche étaient convoités. De plus, même en étant sein d’esprit, la magie blanche nécessitait aussi une forte concentration, et des compétences médicales certaines pour en renforcer l’efficacité. Shizuka était ainsi autant une doctoresse qu’une magicienne. Le terme de « guérisseuse », techniquement, était supposé représenter sa polyvalence, aussi bien dans le maniement d’instruments chirurgicaux, que dans l’usage de la magie. Si elle était un peu moins refermée sur elle-même, elle aurait très certainement été l’élève la plus talentueuse de l’académie.

Me trio continuait à marcher, lorsque, subitement, Wallin se mit à s’arrêter.

« Où nous emmène-t-il ?
 -  Co... Comment ? »

Wallin ne répondit pas à sa question, et préféra haranguer le Roi :

« Cette clef ouvre la cave de la maison de Josselin ! Et elle est par là ! »

Du doigt, il désigna une direction opposée.

« C’est par là qu’il faut nous rendre ! Je n’ai pas le temps de faire du tourisme ! »

Wallin se mit en marche, prenant désormais la tête... Et sentit assez rapidement, comme Shizuka, une odeur de brûlé.

« Oh non, non, non, NON !! »

Il se mit à courir, et Shizuka essaya de le suivre, mais Wallin courait vite. L’odeur de brûlé se précisa bien vite, et Wallin s’arrêta, effaré. Un immense manoir était en train de brûler de mille feux, éclairant tout le quartier, ses hautes flammes brillant dans le ciel, formant de longues torchères qui se perdaient dans le ciel.

C’était le manoir de Josselin.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le vendredi 01 novembre 2013, 17:36:43
La douleur de Wallin n’affecta pas le Roi. Même s’il aurait voulu lui donner un semblant de réconfort, il n’ignorait pas un seul instant la futilité d’une telle tentative. Le Roi ne croyait pas se tromper, et peut-être n’avait-il pas tort de croire que la Crypte du Cimetiere et celle qu’indiquait Josselin à Wallin étaient la même. Peut-être que deux pistes existaient pour rejoindre un même objectif, mais dans ce cas, l’une ou l’autre n’aurait finalement aucune importance; seule la destination aurait compté. Et voilà que devant eux se consumait lentement la demeure de l’ami fidèle du mercenaire. Ce n’est pas par pitié que le Roi devança Wallin pour se placer devant la résidence en flammes et qu’il ouvrit son esprit à la magie pour en absorber la puissance, mais simplement pour atteindre plus rapidement un objectif qu’il avait trop longtemps repoussé. Josselin ne signifiait rien pour lui. Un inconnu, voire un traitre selon ses actes. Ses cachoteries avaient mis Meisa en danger, le Roi ne l’oubliait pas non plus. Ses biens pouvaient bien être dévoré par un incendie qu’il ne remuerait pas le petit doigt pour l’en empêcher. Les flammes dansantes cessèrent de crépiter, et comme sous l’effet d’un vent contraire, elles se penchèrent en direction des mains du Roi. L’énergie thermique qu’elles dégageaient était nécessaire à la propagation du feu, et le Roi la volait sans le moindre partage, s’appropriant leurs forces et s’en alimentant pour rétablir son propre pouvoir. Faute de chaleur, les flammes moururent graduellement. La résidence ne brûlait plus, mais le bois était noirci, et la cendre des flammes envahissait l’air alors qu’une brise se levait doucement, chassant la poussière de l’enceinte du manoir. Pour le Roi, ces flammes n’étaient pas une tentative exécutée pour le ralentir; c’était une provocation adressée à Wallin, pour le faire souffrir, pour le rendre instable et impropre à la poursuite de sa quête.

Et pour éviter cela, le Roi décida de confronter le mercenaire avant qu’il ne se laisse envahir par la colère. Il posa une main sur l’épaule du combattant et serra celle-ci avec une compassion modérée.

« Ce n’était qu’une maison, Wallin, le raisonna-t-il d’une voix calme, posée. Rien de plus que des planches de bois, de la pierre et du matériel. Josselin est déjà parti, et son corps a été emporté par les flammes qui ont également consumé sa demeure. Ne laisse pas cet affront t’atteindre, ou ton trouble deviendra une arme que l’ennemi pourra retourner contre toi. »

C’était la vérité. Et Wallin devait probablement déjà le savoir, mais quand un humain paniquait, voir quelqu’un de calme, de stable et réfléchi pouvait avoir deux réactions; reporter la colère de la personne vers celui qui restait inchangé, ou alors aider cette même colère à partir, pour récupérer le calme nécessaire. Le Roi se détourna de son compagnon et s’approcha de la maison en ruine, et la pénétra, s’excusant par habitude de son intrusion à voix haute, comme si Josselin allait soudainement apparaître et lui demander de sortir de sa demeure. Étrange comportement envers un mort, mais un comportement tout de même respectueux. La majorité de la demeure s’était affaissée, rendant les déplacements plus difficiles à l’intérieur. Le Roi se débarrassait des débris en les soulevant grâce à la magie ou alors en les détruisant d’un éclair si l’obstacle était trop lourd pour la première solution. Il arriva ainsi à progresser vers le centre de la demeure. Le Roi examina soigneusement la demeure, tentant même de la reconstruire mentalement pour trouver la position de l’accès à la crypte. Visiblement, celle-ci n’était pas dehors, Josselin était suffisamment futé pour ne pas laisser une telle structure à la vue de tout le monde. Cependant, malgré tous ses efforts, le Roi n’arrivait pas à concevoir avec sa restauration mentale du batiment qu’une crypte aurait pu avoir un accès s’y trouvant. Certes, il y avait une cave à vins sous-terraine, où aurait probablement continué de vieillir une bonne cuvée du vin Meisaen si le feu n’avait pas tout emporté, mais aucun sous-sol à proprement parlé.

C’est impossible…

Logiquement, il aurait dû se trouver un accès. Si Wallin disait qu’une Crypte se trouvait sur la propriété de son ami, le Roi n’avait aucune raison d’en douter. Mais s’il savait où elle se trouvait, il s’était bien gardé de le lui en parler. « Tu étais un homme intelligent, Josselin. Alors, où se trouverait l’entrée de ta crypte, si tu savais que quelque chose de sinistre se produirait si quelqu’un… ». Le Roi interrompit sa réflexion. Josselin n’était pas un humain normal. Certaines logiques ne s’appliquaient pas aux gens de sa race. Un sourire approbateur se dessina sur le visage du Roi, et celui-ci se pencha sur le sol, sur lequel il posa une main. Il ferma les yeux un bref instant et les rouvrit, dévoilant deux iris dorées où dansaient de petites flammes lumineuses. Soudainement, le sol se déforma pour laisser place à un escalier qui menait à une porte en fer, où figurait une serrure centrale. La porte n’avait pas été touchée depuis des années, il y avait donc beaucoup à parier que si des informations sur la sorcière s’y trouvaient, ils n’avaient pas encore été découverts. Et si l’instinct du Roi ne le trahissait pas une seconde fois, ils risqueraient même d’y découvrir un très sombre avenir. Loin d’être l’aventure la plus tentante de ce siècle, il devait reconnaitre qu’elle suscitait graduellement un intérêt grandissant pour le passé et le rôle de Josselin dans le grand plan du monde. Un homme, et surtout un mage, aussi intelligent ne pouvait pas avoir laissé ce monde sans avoir au préalable déterré quelques cadavres qui auraient tôt fait d’intriguer le Roi. « Qui étais-tu, vieil homme? » se demandait souvent le monarque en caressant la porte de fer.

La porte de la crypte semblait n’avoir rien d’autre de spéciale que son renforcement en fer, mais les sens du Roi lui indiquait qu’elle était le récipient de nombreux sortilèges de protection tous plus dangereux les uns que les autres. Certains portaient la signature de Josselin, comme le Sortilège du Secret qui avait dissimulé l’entrée de ce passage, mais beaucoup d’autres appartenaient à différents mages que le Roi n’avait jamais croisés. « Combien de magiciens se sont infiltrés en Meisa pendant mon règne? » Déplora-t-il, légèrement frustré de voir que quelqu’un s’arrogeait le droit d’enfreindre ses lois, pourtant loin d’être si déraisonnables qu’il fallait les enfreindre pour survivre sur ses terres. Décidément, Josselin baignait dans quelque chose qui était loin d’être très flatteur pour son image; tous ses secrets et ses offenses avaient, qu’il en eut conscience ou pas, des conséquences dramatiques, et il mettrait sa main au feu que s’il avait respecté les règles de Meisa, tout cela ne se serait jamais produit. Briser tous les sortilèges d’un coup pour passer lui était possible, mais cela lui coûterait une grande partie de ses dernières réserves de magie, et il ne savait pas ce qui les attendrait au-delà de la porte. Il inspecta donc la serrure et sentit une moitié du sortilège de libération.

« Une serrure incrochetable et une clef unique pour l’ouvrir… Brillant… je m’en inspirerai, commenta-t-il, tout en se retournant vers ses compagnons et haussant de la voix pour se faire entendre. C’est ici! Amenez-moi la clef! »
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le dimanche 03 novembre 2013, 03:20:57
Shizuka était impressionnée devant la vue de cette incendie. Le spectacle était aussi fascinant qu’effrayant. Tout le manoir brûlait, et Shizuka avait l’intime conviction que ce feu n’avait rien de naturel. Elle savait que le Feu était une magie élémentaire très efficace, et elle était certaine que l’incendiaire avait utilisé la magie du Feu pour incendier le bâtiment. Il brûlait intégralement, se consumant lentement, comme pour les empêcher de passer. Wallin semblait affecté, et Shizuka pouvait le comprendre. L’homme restait silencieux, rembruni derrière sa capuche. La guérisseuse d’Edoras vit alors Kah’mui se rapprocher de la maison en feu, avant d’absorber le feu. Il utilisa sa magie pour happer les flammes, impressionnant Shizuka. Il y avait une quantité assez impressionnante de flammes, et, au fur et à mesure que le Roi les avalait, la maison se fragilisait. Elle finit par s’écrouler sur elle-même, répandant de la poussière tout autour des débris. Shizuka éternua légèrement en secouant la tête, clignant des yeux en écartant la poussière de son visage en remuant des mains. Kah’mui, quant à lui, se rapprocha de Wallin, et essaya de le convaincre de ne pas se laisser aller.

Le guerrier émit un léger grognement.

« Une maison ne se résume jamais qu’à un tas de bois, de planches, de pierre, et de matériel, rétorqua-t-il. Ses murs reflètent le passé, ses pièces suintent des souvenirs de ceux et celles qui l’ont habité. Une maison véhicule les souvenirs. »

Shizuka ne disait rien. Elle avait cru comprendre que lui et Josselin étaient de vieux amis. Cette maison devait probablement être, avec Lysia, les derniers souvenirs que Wallin avait de son vieil ami. Le guerrier émit un soupir, puis s’avança rapidement, suivant le Roi, au milieu des débris fumants de la maison. Ils étaient encore noircis, et Shizuka restait prudemment derrière, se sentant relativement inutile dans cette situation. Comment trouver l’accès à la crypte dans ce tas de ruines ? Shizuka repéra rapidement, au milieu de portions de murs encore debout, un escalier menant à la cave... Mais il était enseveli par un ensemble de pierres et de débris, l’obstruant totalement.

« C’est sa cave à vins... Ce brave homme y entreprenait tous les alcools qu’il avait récupéré en explorant le monde, et qu’il achetait aux navires marchands accostant à Meisa. Sa blanquette de Nexus est magnifique. »

Shizuka hocha la tête. Elle doutait que la crypte soit dissimulée dans la cave à vins. La guérisseuse ne savait pas quoi dire pour apaiser le chagrin de Wallin, et ce dernier s’écarta, poussant des débris, inspectant le sol. Shizuka ferma les yeux en soupirant. Le deuil... Elle comprenait ce que l’homme ressentait, car elle avait vécu ça il y a des années, durant son enfance... Cependant, Shizuka n’avait jamais vraiment réussi à oublier. Elle ne voyait donc pas ce qu’elle pouvait lui dire pour le réconforter. Que rien ne s’améliorerait jamais ? Shizuka n’était pas d’une grande aide sur ce point.

Le Roi finit alors par trouver l’accès à la crypte, en dévoilant une porte magique. Des lignes dorées tourbillonnaient dans les airs. Ceci révéla l’accès à un escalier, affaissant le sol. Une solide porte se tenait en contrebas. Wallin les rejoignit, observant la porte. Elle était lourde, épaisse, et Shizuka sentait des relais magiques sur cette dernière, des protections supplémentaires pour empêcher d’entrer. C’était donc la fameuse crypte... Shizuka se sentait bien loin de sa tente, à soigner les pestiférés. Est-ce que tout ça n’avait vraiment rien de naturel ? Que pouvait-il se trouver derrière cette porte ? Elle avait l’impression d’être dans l’un de ces contes pour enfants se déroulant à Nexus, où de courageuses Princesses s’échappaient de leurs tortionnaires, et, devant l’incapacité d’autorités publiques masculines, réussissaient à s’en sortir contre des esclavagistes ashnardiens voulant les violer et les torturer. Quel trésor s’abritait donc derrière cette porte ?

Le Roi demanda à Wallin la clef, qui esquissa un léger sourire.

« Rassurez-vous, je suis encore suffisamment clair pour savoir comment ouvrir une porte. »

Il descendit alors l’escalier, rejoignant la porte, et sortit la clef. Il l’approcha de la porte, et, en la touchant, une série de glyphes et d’arabesques se formèrent sur la porte. C’était un sceau magique, qui se mit à briller. Wallin l’observa silencieusement, cherchant le centre magique du glyphe, et y inséra la clef. Ce faisant, les lignes magiques qui constituaient le sceau se mirent à briller davantage, et un grincement métallique résonna alors. La porte s’ouvrit dans un couinement sec, et Wallin la poussa. Quand ses doigts touchèrent la porte, un frisson le traversa.

La porte s’écarta, et Wallin entra. La pièce était sombre, mais, alors qu’il entrait, à gauche comme à droite, des bougies vinrent à s’allumer, les unes après les autres, formant chacune les côtés d’un cercle. Un immense chandelier s’alluma alors au plafond, explorant une pièce concentrique avec des marches en contrebas.

« Wallin..., résonna alors une voix désincarnée. Si tu entends cet appel, alors c’est que je suis manifestement mort, et que Lysia a réussi à te contacter pour te demander d’accomplir ma quête. »

Wallin s’avança un peu. Il y avait un agréable parquet. Shizuka comprit rapidement que ce message était une résonance magique. Ceci confirmait les talents de Josselin, car cette résonance était liée à celui qui franchissait la porte. C’était un sortilège relativement complexe à faire

L’escalier menait à la seconde partie de la pièce, qui ressemblait à une pièce de collection, avec des tableaux, plusieurs armures dans des vitrines, des armures et des épées.

« Cette crypte est mon musée personnel, poursuivit la voix d’outre-tombe de Josselin. Elle abrite tous mes souvenirs, et je suppose que tu en reconnaîtras toi-même plusieurs... Comme les crochets de cette Reine kikimorrhe que nous avions affronté dans les marais, avant que ce mage ne daigne enfin enclencher ses pouvoirs pour nous sauver... »

Shizuka reconnut également des défenses de mammouth. Manifestement, Josselin avait été un grand aventurier, et elle vit également, sur une rangée, les écussons qu’il avait récupéré en appartenant à une guilde. Des bougies supplémentaires continuaient à s’allumer, éclairant un passage sinueux. Wallin l’emprunta, restant toujours aussi muet, et suivit le couloir.

Ce couloir menait en réalité à la Crypte du Cimetière, mentionnée précédemment par le Roi de Meisa.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le dimanche 17 novembre 2013, 07:11:24
[une bonne partie de cette réponse parle d’un sujet que je n’ai pas encore écrit, ni sur le forum ni dans mon plan [je n’ai même pas encore établi la création de Meisa, en fait], mais je crois que ce dernier piment donnera un bon coup de fouet à mon personnage]

Les paroles de Wallin n’étaient pas fausses; une maison était effectivement un lieu de souvenirs très chers. Mais le Roi ne ressentait pas un tel attachement pour quoi que ce soit en ce monde depuis bien longtemps. Mais il n’était pas non plus pressé de le ressentir; il savait que si Meisa tombait, il serait complètement anéanti. Il ne l’admettait pas facilement, mais Meisa n’était pas qu’une simple création qu’il avait montée pour protéger un peuple, il l’avait créée pour se donner un but, pour avoir quelque chose à quoi se raccrocher pendant ces longues années d’errance sans pouvoir gagner le repos promis. Si Meisa disparaissait, s’il n’avait plus un royaume sur lequel régner, s’il n’avait plus rien à protéger, que lui restait-il? Probablement rien. Et dans ce cas, voir Meisa disparaitre reviendrait à sentir que tous ses efforts, tous les moments passés auprès de ses gens… n’auraient plus aucune importance, et cela lui faisait mal, juste d’y penser. Il ne pouvait pas abandonner; Meisa était sa maison, il n’était chez lui nulle part ailleurs.

En entrant par la porte, le Roi se sentit étrange. Quelque chose, une fois la porte ouverte, semblait l’appeler à l’intérieur de la porte de fer. Ce n’était pas Josselin, ce n’était pas humain, ni mauvais. C’était comme… un souvenir. Une mémoire qui lui revenait, et qui le guidait. Il descendit les marches, ouvrant ainsi la marche, et pénétra dans le grand vestibule. La pièce était magnifique, et recelait nombres d’objets que le Roi n’aurait jamais soupçonné trouver un jour cachés sous la demeure d’un des habitants. Des défenses de mammouth, même une tête de dragon, quoi qu’il douta que Josselin exécuta seul cette créature, mais l’accomplissement restait là. Et parmi tous les objets, le Roi semblait intéressé par un seul; un petit pendentif doré. Dessus se trouvait un caractère de l’alphabet Ashansha, qui était l’équivalant du son « Sé ». Le monarque écarquilla les yeux, frappé d’une surprise impossible à masquer, et en lui se déchainaient plusieurs sentiments douloureux; de la nostalgie, de la colère et, étonnamment pour quelqu’un comme lui, même de la peine. Il s’approcha du pendentif, déposé sur un mannequin en forme de buste féminin sans tête, et le caressa avec une tendresse amoureuse. L’ouvrage n’était pas particulier, certainement fait par les mains d’un amateur, mais encore aujourd’hui, il se souvenait des sentiments qu’il avait inséré dans ce cadeau. Un cadeau qu’il avait voulu donner à une seule personne.

« Il y a près de cent vingt-ans… pendant mes premières années de règne, certaines personnes, des nobles venus de différentes contrées ayant rejoint l’Exode, avaient déclaré que je n’avais pas le sang suffisamment noble pour me prononcer Roi de Meisa, et rejetaient ma légitimité, me préférant un jeune prince inexpérimenté et surtout mal éduqué qui, selon moi, aurait fini par être un symbole sur le trône plus qu’un véritable monarque. Ces simples déclarations semblaient inoffensives, mais très vite, beaucoup de promesses de future richesse furent jetés à droite et à gauche pour rappeler des troupes et organiser une rébellion. Je ne voulais pas souiller Meisa du sang des insoumis, mais je refusais également de laisser mon trône. J’ai fabriqué ce pendentif pendant cette période, pour célébrer ma cinquième année de mariage et la venue de ma première héritière en tant que Roi. Pour le fabriquer, j’ai fait fondre la boucle d’or de la ceinture du Roi Jekhelv, et j’ai demandé à mon frère d’armes de m’aider. Malgré mon inexpérience, j’ai réussi un travail acceptable, qui serait la représentation de mes sentiments. »

Il prit doucement le pendentif entre ses doigts et il caressa doucement une petite bande d’or blanc, qui se mit à briller en révélant de petits symboles, une bénédiction dans la langue des Premiers Vivants, et lorsqu’il décrit un cercle complet autour de l’objet en suivant cette bande, un petit son de déclic se fit entendre, et le pendentif s’ouvrit, révélant son contenu; gravé à même l’or blanc figurait une représentation incroyablement précise du Roi, et dans ses bras se trouvait une personne que personne ne connaissait, une personne qui avait même été jusqu’à être effacée même de l’histoire de Meisa. Sur la photo se trouvait une très belle femme aux cheveux noirs, vêtue de blanc, et qui semblait sincèrement amoureuse. À ne pas en douter, ce n’était pas qu’une gravure; elle avait été produite par magie avec un souvenir comme origine.

(http://i56.servimg.com/u/f56/13/46/97/89/cadre10.jpg)

« J’ai voulu lui offrir ce présent, mais le jour même de mon anniversaire de mariage, les Rebelles ont lancé leur coup d’état, et pour me porter un premier coup, ils m’ont arraché ce que j’avais de plus cher. Ma seule famille. Ils ont fait assassiner ma Reine et ma fille en elle en se servant d’agents infiltrés, avant de prendre d’assaut ma capitale. »

Il referma doucement le pendentif et le replaça sur le mannequin, le regard ravagé par la douleur et la tristesse que lui provoquait ce souvenir.

« Après avoir anéanti les rebelles, j’ai placé ce collier avec le corps de ma femme avant de la confier à l’océan. C’était le rite funéraire, à Corven. Je n’ai plus jamais revu cet objet depuis. »

Il aurait bien interrogé Josselin sur la provenance de cet objet, mais les morts étaient réputés pour emporter leurs secrets dans la tombe, et user de la nécromancie pour une raison aussi futile ne serait jamais assez justifiable à ses yeux. Il abandonna l’idée de rechercher la raison de la réapparition du pendentif, mais la magie noire qu’il avait ressentie sur l’objet l’inquiétait énormément. Il n’avait pourtant jamais fabriqué ce présent avec un cœur troublé, alors, pourquoi captait-il autant de noirceur sur le métal? Pour ainsi souiller un objet fabriqué d’amour pur, seuls quelques occurrences semblaient plausible, mais la plus probable, c’était celle d’une haine puissante et profonde, peut-être même une envie démesurée de blesser, de punir. En même temps, autant qu’il avait un grand nombre d’amis, le nombre toujours grandissant d’ennemis du Roi ne lui laissait aucun suspect précis. Seulement un pressentiment dérangeant qui lui tenait les tripes. 

Sans crier gare, le Roi se sépara du groupe et s’engouffra dans le tunnel sous-terrain menant à la Crypte. Les ténèbres l’avalèrent subitement, l’arrachant à la vue de ses deux compagnons, alors que lui continuait de voir parfaitement malgré la noirceur. Le médaillon. Josselin n’était peut-être pas celui qui l’avait trouvé; quelqu’un savait qu’il tomberait sur cet objet et qu’il le conserverait, et l’avait donc placé sur sa route, quelqu’un qui avait l’entièreté de l’attention du mage et qui ne le craignait pas le moindrement. Et cette personne voulait que le Roi se présente devant elle. Mais si cette théorie était la bonne, le Roi ne la souhaitait pas. Il ne voulait pas que cette hypothèse soit véridique. Mais en même temps, une partie de lui souhaitait qu’elle le soit. Cette partie malsaine qui guidait les nécromanciens dans leur art maudit, ou poussait certains sorciers à s’immiscer beaucoup trop dans le monde astral, cette petite voix tourmentante dont le murmure incessant menait même la personne la plus terre-à-terre dans un monde de folie. La voix de la Perte.

« Arrête! fit la voix d’Ehredna dans sa tête. Retourne avec les autres! Tu t’exposes trop!
-Ca m’est égal! Rugit le Roi à voix haute, sans tenir compte du fait qu’il pouvait être entendu. »

Rien ne pourrait l’arrêter avant qu’il ne soit fixé. Le couloir était plutôt long, mais le Roi trouva un nouvel escalier, suffisamment grand pour une seule personne. Sa tête heurta une surface en bois. Une trappe. Il la poussa légèrement, mais quelque chose de lourds se trouvait dessus. Il puisa alors dans sa puissance magique, et la concentra dans ses bras, comme il l’avait fait si souvent dans le passé... comme lorsqu’il a fait tomber la Tour Noire. Il posa sa main contre le bois et poussa une nouvelle fois, sans y mettre plus de force. Plutôt que de simplement user de la force brute, il se servit de ce contact pour altérer les lois de la gravité et l’objet encombrant se retrouva beaucoup plus léger. Il poussa la trappe et celle-ci s’ouvrit, alors qu’un bruit de pierre fracassée se faisait entendre. Ce qui se trouvait sur la porte venait de tomber et de se fracasser. Lorsqu’il sortit, il vit.

***

La Sorcière entendit la porte s’ouvrir derrière elle, ainsi que le bruit de la statue du Roi s’effondrer. Son cœur, noir comme le charbon, se mit à battre à toute vitesse, non pas de surprise, mais d’excitation. Il était enfin arrivé. Il était enfin près d’elle. Mais elle ne devait pas le laisser voir son visage. La vérité ne devait éclater qu’au bon moment pour réaliser un choc maximal. Elle rabaissa doucement la capuche de son manteau sur sa tête avant de se tourner et d’agripper son sceptre. L’objet la dépassait d’une bonne tête, mais cette relique qu’elle avait volée au Roi n’était pas un bâton de combat. À l’image d’Eglendal, à une plus petite échelle, il servait principalement de catalyseur et de source d’énergie pour celui qui la tenait. Elle savait qu’avec cette arme, elle n’avait rien à craindre de son ennemi; lui se trouvait à des kilomètres de sa source de pouvoir, alors qu’elle l’avait au creux de sa main.

Elle se tourna enfin vers lui, masquée par sa capuche, son bâton à la main et elle le regarda sous toutes ses coutures d’un bref coup d’œil. Malgré son air énervé, elle notait qu’il ne se laissait pas aller à l’imprudence et gardait tous ses sens à l’affut. C’était adorable, en un sens.

« Si j’avais un jour pensé que vous vous déplaceriez pour moi, sire…
-Ce ne fut pas facile de croire qu’une sorcière dans le monde actuel fut suffisamment maligne pour se glisser sur mon territoire sous mon nez. Mais j’ai eu plusieurs surprises ces deux derniers jours. Maintenant, dis-moi; qui es-tu et que veux-tu?

Il ne demandait pas vraiment de justification. Probablement parce qu’il se doutait qu’elle ne lui en offrirait aucune, et que de toute façon, ce n’était qu’une formalité; elle sentait en lui sa puissance se manifester très rapidement, se répandant dans tout son corps, il n’était pas vraiment là pour l’écouter, mais pour l’abattre. C’était donc un objectif qu’ils avaient en commun; mettre à mort leur opposant. Cependant, elle n’entendait pas le laisser se battre contre elle, du moins, pas à la loyale. Elle se contenta de claquer des doigts et aussitôt, le pouvoir du Roi lui glissa entre les mains, quittant son âme à la vitesse de la pensée. Cependant, cette soudaine dépossession de son pouvoir ne sembla pas l’affecter, puisqu’il fonça droit sur elle. Elle leva immédiatement une main et alors qu’elle lâchait une expiration sèche, le Roi sentit passer au travers de son corps une puissante onde de force, et plutôt que d’élancer vers son adversaire, la force contraire le fit décoller du sol et l’envoya heurter un des sarcophages. Il lâcha un cri de douleur en sentant son dos céder, puis subitement se remettre en place quand son don de régénération se réactiva. Le Roi se remit sur ses jambes et regarda la femme à la cagoule. Celle-ci le regardait toujours, placée au centre du Repos des Mages.

« Tu te demandes probablement comment j’ai réussi à te retirer ton pouvoir…
-Non. Je le sais. Parce que c’est moi qui t’a enseigné à le faire, pour te protéger de l’Ahedesha. »

Le Roi se releva et à son tour, il inspira, fermant les yeux, et au moment de les ouvrir, ceux-ci s’étaient déjà mis à briller d’une lumière dorée. Le Roi lâcha un rugissement et se libéra brutalement de l’emprise de son adversaire, agrippant immédiatement son Lien avec la magie, remontant jusqu’à elle à toute vitesse pour la heurter de sa puissance magique, ce qui la fit tituber comme une gifle au visage. Dès que ses pieds touchèrent le sol, il fondit sur elle comme sur une proie. Elle évita les griffes du Roi, mais celles-ci agrippèrent la capuche pour la faire tomber, dévoilant une jeune femme aux cheveux longs et noirs, qui lui tombaient sur le dos.

« Josselin le savait, soupira le Roi, en se redressant. C’était probablement pour cela qu’il savait que tu serais ici, que tu apporterais tes maléfices sur les terres où tes liens sont le plus fort. C’est pour cela qu’il ne m’a rien dit. »

Le monarque se retourna vers la jeune femme et prit un air attristé.

« La Dame Grise. La Première Reine de Meisa, Sol’Mariar Sérénité. »
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le lundi 18 novembre 2013, 03:22:23
Tandis que Wallin explorait la sortie du musée personnel souterrain de Josselin, Shizuka, elle, vit que le Roi se rapprochait d’un pendentif. Cet endroit regorgeait d’objets, et l’homme s’empara d’un curieux pendentif. La guérisseuse d’Edoras, elle, sentait son cœur en train de légèrement battre la chamade. Elle était nerveuse, inhabituellement inquiète, et regardait furtivement autour d’elle, comme si elle avait le sentiment diffus que des milliers de yeux silencieux et sinistres les observaient. Wallin ne tarda pas à revenir, tandis que le Roi, d’une voix amorphe, légèrement éteinte, se mettait à parler seul. En se rapprochant, Shizuka le vit ouvrir le pendentif, révélant ce qui avait tout d’un couple. Elle trouvait l’image assez touchante, ce qui, à vrai dire, ne faisait que renforcer le côté tragique de la scène. Kah’mui leur parla de la fondation de Meisa, d’un coup d’État organisé par des rebelles, qui avait coûté la vie de sa femme, et de sa fille. Shizuka baissa les yeux, se sentant triste par cette histoire, une histoire qui lui rappelait sa propre histoire... Le coup d’État du frère de la Princesse, Shin, avec ses conséquences terribles... Des conséquences qui revenaient encore parfois hanter les nuits de Shizuka. La pauvre guérisseuse n’arrivait pas à comprendre pourquoi l’être humain était tellement motivé par l’envie de tuer son prochain, pourquoi le meurtre était tellement répandu, alors que cette pratique était abjecte, barbare, cruelle, monstrueuse. Elle avait envie de se révolter contre cette injustice, contre cette souffrance perpétuelle qu’on faisait subir aux autres.

L’objet avait été jeté à l’océan... Comment avait-il fait pour se retrouver ici ? Simple hasard ? Ce Josselin avait l’air d’avoir été un sacré aventurier. Shizuka, se mordillant les lèvres, entreprit de se rapprocher du Roi. Lentement, elle tendait sa main vers lui, comme pour la mettre sur son épaule, mais le Roi se mit alors à partir. Il passa à côté de Wallin, qui s’écarta prudemment, s’enfonçant dans la crypte.

« Majesté ! Majesté ! Kah’mui !! »

Les cris de Shizuka résonnèrent dans le vide. L’homme était parti, les laissant tous les deux. Elle secoua la tête.

« Suivons-le, vite. »

Elle s’avança vers le couloir souterrain, mais, en constatant que Wallin  ne la suivait pas, Shizuka s’arrêta, et se retourna, nerveuse. Que faisait-il ? Elle le vit inspecter une bibliothèque poussiéreuse. Lentement, la guérisseuse se rapprocha, indécise, tandis que l’homme ouvrit l’armoire, et en sortit une sorte de dossier relié poussiéreux, comprenant un ensemble de notes et de feuilles volantes. Il déposa le dossier sur un bureau à côté, qui comprenait quelques cartes de Terra. Shizuka se rapprocha, tandis que l’homme farfouillait parmi les pages.

« Qu... Qu’est-ce que vous faites, il faut aller aider le...
 -  Je ne pense pas qu’il ait vraiment besoin de notre aide, le coupa Wallin.  Josselin savait quelque chose... Il n’aurait pas protégé aussi bien l’accès à sa crypte, autrement... Serait-il possible qu’il ait finalement entrepris de poursuivre cette quête ? »

Shizuka ne comprenait pas tout, et vit l’homme s’arrêter sur une affiche. Elle avait été manifestement arrachée à quelque chose, comme en témoignait la ligne du haut, rapiécée et découpée. Shizuka frémit devant l’image, qui était assez inquiétante, comme si elle avait été peinte dans du sang :

(http://files.myopera.com/rexbones/albums/9948532/All%20Hail%20the%20Crimson%20King.jpg)

« ‘‘Tous saluent le Roi Cramoisi’’ ? traduisit-elle. Qu’est-ce que ça veut dire ? »

Wallin ne lui répondit pas. Il s’écarta, et fouilla les tiroirs du bureau. Shizuka se rapprocha un peu, et vit d’autres notes, d’autres informations. Les feuilles volantes semblaient être des observations générales formulées par Josselin. Elle en consulta une par curiosité, trouvant le contenu des plus intimidants :

Citer
Suis-je à la fin de toute civilisation ? Il m’est arrivé de côtoyer des villes sinistres, d’être hébergé dans des endroits effrayants, mais rien n’est comparable à ce malaise que je ressens dans cette ville. Fedic est une ville effrayante, qui est perpétuellement plongée dans la nuit, car elle se situe dans une vallée profonde, ce qui fait que les montagnes nous entourant forment comme des murs bloquant perpétuellement la lumière du soleil... Comme si le passé de cette ville recélait un tel cauchemar que la lumière du Saint avait été occultée.

Le bayou est le seul moyen de poursuivre mon voyage, mais en aurais-je le courage ? Je ne cesse de penser à Lysia, depuis quelques temps, et ces rêves que je fais... Je suis malade, j’ai besoin de me soigner, mais puis-je me permettre d’abandonner maintenant ? D’échouer si près du but, alors que les réponses que je recherche sont à portée ? C’est tellement frustrant... Mais je sens que je n’y arriverais pas...

Shizuka reposa la note, troublée. Qu’est-ce que ça voulait dire ? Cet homme avait visiblement eu son lot de souffrance dans la vie. Fedic... Ce nom ne lui disait rien. Wallin finit par sortir une boîte noire. À l’intérieur, il y avait une sorte de petite pierre précieuse noire que Wallin attrapa, la soulevant, l’observant silencieusement.

« C’est donc ça... »

La guérisseuse fronça les sourcils, commençant à sentir son trouble s’atténuer devant une certaine forme d’irritation devant tout ces mystères.

« Mais qu’est-ce que ça veut dire, nom d’un canari ?! »

De la bouche de Shizuka, c’était probablement l’une des pires insultes de son répertoire. Wallin reposa lentement la pierre précieuse, émit un soupir, et se retourna vers la femme.

« Savez-vous comment a été formé l’Empire d’Ashnard ? »

Inattendue, la question eut le mérite de prendre Shizuka au dépourvu, qui cligna des yeux, étonnée devant une telle question.

« Euh... Je... Euh... Une alliance entre les demons et les humains dans un désert, qui a donné naissance à un Empire militariste actuellement en guerre contre Nexus, et qui…
 -  Cette vision des choses est très abrégée, intervint Wallin. Il existe quantité de mythes entourant la création d’Ashnard, quantité d’histoires et de légendes. Cette création était entourée de mystères, de ténèbres, et il existe très peu de documents historiques relatant sa création. Pendant longtemps, Ashanrd était un État isolé, reclus, loin de tout, et les différents éléments historiques dont nous déposons sont empreints de subjectivité, et ne peuvent donc pas constituer des bases historiques fiables. »

Tout ça rappelait à Shizuka de lointains souvenirs, sur les cours géopolitiques qu’elle avait reçus à l’académie d’Edoras.

« Il y a néanmoins, à travers toutes ces versions, de vagues vérités qui me sont apparues. À cette époque, la civilisation humaine n’était pas encore totalement affirmée... Vous êtes-vous jamais demandé les raisons qui ont fait que Tekhos, votre civilisation, soit si évoluée par rapport aux autres nations du monde ?
 -  Et bien, je...Euh... »

Pour le coup, elle ne savait pas quoi répondre, et elle vit Wallin se rapprocher de la bibliothèque, et en sortir un gros volume. Shizuka consulta le titre du manuscrit : « Aux origines historiques préhumaines des grands États ». C’était le volume 1, une introduction générale. Le livre avait été écrit par William Kaffiel, que Shizuka connaissait. C’était un érudit, un académicien qui travaillait à l’École royale de Nexus. La « préhumanité » était une théorie historique humaine désignant l’état du monde avant l’émergence de la civilisations humaine Quel était le rapport avec Meisa ? Et Shizuka n’avait pas vraiment l’esprit à uncours historique, songeant au Roi, qui s’était enfoncé tout seul dans les catacombes.

« Nexus est dans des terres fertiles, proches de la mer, et de grandes forêts. Pour certains historiens, cette ville était une ville elfique avant que les humains n’en prennent le contrôle... Ce qui va dans le sens de récentes expéditions archéologiques menées dans la ville. D’un autre côté, Tekhos se trouve dans des régions riches, montagneuses... Pour beaucoup, cette civilisation appartenait autrefois aux nains et aux gobelins, dont le savoir-faire technologique a toujours été très avancé.
 -  Oui, mais... Excusez-moi, mais je ne vois pas très bien le rapport avec...
 -  Des familles humaines se sont unies entre Nexus et Tekhos, des individus lésés, énervés par le fait d’être minoritaires, et de faire l’objet de lois discriminatoires à leur encontre, parce qu’ils n’appartenaient pas à la même espèce que les gouvernants. Ces gens n’étaient toutefois pas d’honorables individus, mais des puissants, des bourgeois, des militaires, des esclavagistes... Menés par des mages, ils ont entrepris de réunir à Nexus et à Tekhos une importante foule pour un exode vers la Terre Promise. De doux mensonges destinés à leurrer les foules, et à organiser une cérémonie cruelle et sanguinolente, au cours de laquelle des centaines et des centaines d’âmes ont été sacrifiées pour permettre l’invocation d’un puissant Démon, qui aurait dominé le monde. »

Wallin parlait lentement, tout en triturant entre ses doigts la pierre précieuse.

« On dit que cette invocation a échoué, que le Démon primordial n’a jamais pu être libéré, et que ses séides sont venus à sa place, et ont décidé de fonder un Empire, dont l’objectif final serait de réveiller définitivement le Démon. Ces humains qui ont réalisé ce rituel... Ils portaient un nom à Nexus... On les connaissait sous le nom de la Conspiration des Toiles, et ils s’identifiaient avec ces pierres précieuses. C’est de l’ébonite pure, non travaillée, un élément qui permet de confectionner des armures magiques en ébonite, des armures extrêmement précieuses, et tout autant onéreuses. »

Shizuka clignait des yeux. Tout ça était très intéressant, mais elle ne voyait toujours pas le rapport avec la situation actuelle. Cependant, elle ne dit rien, sachant que Wallin allait poursuivre. Son regard se porta sur une grande carte de Terra, et il désigna du doigt la grande zone géographie correspondant à Ashnard.

« Le Roi Cramoisi est un ancien Empereur ashnardien, d’une cruauté telle que sa folie a donné lieu à une guerre civile fratricide au sein de l’Empire. Ram Aballah, du nom officiel qu’on lui donnait, vivait dans la partie orientale de l’Empire. Cette carte date de plusieurs siècles. Voyez... Josselin a indiqué d’une croix les terres de l’Aballah, ici. »

Du doigt, Josselin montra à Shizuka une croix rouge. Elle repensa aux notes de Josselin. Avait-il cherché à se rendre là-bas ? par rapport à Meisa, la distance était effectivement très longue, plusieurs milliers de kilomètres.

« Ce Démon... Ce Démon que... Que les premières familles ont cherché à créer, vous pensez que... ?
 -  Ne vous méprenez pas, Shizuka. Comme je vous l’ai dit, ces informations sont âgées. Je pense que les familles qui ont émigré de Nexus et de Tekhos, quelles que soient le nom que ces nations portaient à l’époque, ne cherchaient pas à invoquer un démon, mais à créer un nouveau monde, un nouvel État humanoïde. On leur a mentis. Je pense qu’une petite minorité de ces gens voulait tous les sacrifier pour réveiller ce Démon primordial, pour lui permettre d’envahir Terra, et de tout détruire. Josselin enquêtait là-dessus, visiblement... Et, d’une manière ou d’une autre, son périple est lié aux évènements qui surviennent actuellement à Meisa. »

Shizuka hocha la tête... Quand elle entendit des craquements venant d’en haut. Des bruits de pas. Ils étaient plusieurs. Le cœur de Shizuka se mit à trembler, tandis que Wallin porta sa main vers son épée.

« Allez voir le Roi, Shizuka.
 -  Mais... »

Elle voulait rester là, pour l’aider… Mais elle avait un mauvais pressentiment, un frisson qui remontait dans tout son corps. Comme si une force ancienne très puissante était en marche, une créature sournoise et d’une puissance qui la faisait frémir.

« Allez le voir, et dites-lui que l’Omniprêtre de Sylvandell a la réponse. »

L’Omniquoi ? Shizuka était tentée de lui en demander plus, mais il y eut une secousse qui fit trembler le toit.

« Allez, vite ! L’Omniprêtre, souvenez-vous ! »

Shizuka déglutit, et se retourna, puis se mit à courir. Dès qu’elle passa le couloir, il y eut comme un éboulement derrière elle. Elle se retourna subitement, et vit que le plafond était tombé, bloquant la voie.

« Wallin ! Wallin ! »

Elle déglutit. Personne ne lui répondit. Un frisson parcourut son corps. Se mordillant les lèvres, Shizuka se résigna. Elle se retourna, et avança au chemin, nerveuse.

*Cette présence...*

Que signifiait-elle ? Elle avait peur de ce qu’elle pouvait signifier, et, alors qu’elle continuait sa marche, elle finit par retrouver le Roi… Ainsi qu’une femme qui ressemblait curieusement à la femme qu’elle avait vue sur le pendentif de l’homme.

« Voici donc l’Innocente claironna la femme.
 -  Vous... Vous êtes ? »

La pièce comprenait des colonnes en pierre, et d’autres formes se déplaçaient dans l’obscurité. La femme esquissa un sourire, et leva les bras en l’air.

« J’étais connue comme étant la Reine de Meisa... Et, un jour, un nouveau destin s’est offert à moi... »

Le corps de la femme se mit alors à se transformer, comme si elle vieillissait un peu, tout en conservant une redoutable beauté. C’e »st ainsi que, sous les yeux de Shizuka, la Sorcière Grise apparut, avec une belle chevelure argentée qui ondulait sur son visage :

(http://nsa34.casimages.com/img/2013/11/17/mini_131117052019589999.jpg) (http://nsa34.casimages.com/img/2013/11/17/131117052019589999.jpg)

Son pouvoir magique semblait sans limite, et elle était manifestement accompagnée de ses disciples, des individus encapuchonnés, généralement des femmes.

« Ce brave Josselin savait que je n’étais pas morte, expliqua alors la femme. Il n’avait que des soupçons, résultant de paradoxes et d’énigmes dans les enquêtes menées à l’époque de mon assassinat présumé contre les rebelles. Il était parti jusqu’au bout du monde pour me retrouver. »

Shizuka sembla tilter, et ne put s’empêcher, malgré la présence envoûtante et intimidante de cette femme, de parler :

« Fedic ? »

La Sorcière Grise hocha lentement la tête.

« Josselin a appris que la Conspiration des Toiles existait toujours, et que nous étions prêts à lancer notre plan. Ce fou pensait revenir à Meisa pour te prévenir, mon ancien amour... Il n’a pas réalisé qu’en faisant ça, il était lui-même devenu une partie de notre plan. »

Comme si l’idée lui semblait drôle, elle se mit à rire, avant de secouer la tête.

« Et tu as eu la générosité de m’apporter l’Innocente, mon ancien aimé... Tu as toujours aimé t’entourer de belles femmes, après tout. »
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le mercredi 20 novembre 2013, 02:46:07
Shunya l’avait suivi. Seule. En la voyant apparaître sans Wallin, le Roi craignit le pire pour leur compagnon, mais guidé par son instinct de protecteur, il se déplaça rapidement devant la jeune femme et leva un bras pour l’arrêter devant la sortie. S’il fallait organiser une retraite, il valait mieux ne pas laisser leurs opposants avoir la possibilité de les bloquer en route, quoi que rien n’empêcherait le Roi de fuir. Mais pourquoi Wallin l’aurait laissée partir seule?

 « Voici donc l’Innocente claironna la femme.
 -  Vous... Vous êtes ? »
« J’étais connue comme étant la Reine de Meisa... Et, un jour, un nouveau destin s’est offert à moi... »
« Mon épouse d’antan doit parler de celui de pouvoir souiller sa mémoire et de causer la mort des milliers d’innocents qui sont certainement les petits-enfants des gens du peuple pour lesquels mon épouse quittait régulièrement le lit conjugal pour s’empresser de leur offrir secours. »

Il devait gagner au moins un peu de temps. Sans Wallin pour veiller sur Shunya, il ne pouvait pas se permettre de s’aventurer librement pour faire face à ses ennemis, et il devait analyser les forces ennemies.

« Et tu as eu la générosité de m’apporter l’Innocente, mon ancien aimé... Tu as toujours aimé t’entourer de belles femmes, après tout.
-Et apparemment, celles que j’aime sont aussi belles qu’elles ont tendance à se laisser dévorer par l’influence d’Althenos… répondit le Roi sur un ton acide. Ton assassinat n’était pas présumé, Sérénité. Tu as été corrompue dans la mort, voilà tout. »

Sérénité. S’il y avait une personne aussi pure et aussi douce dans le monde entier, le Roi n’avait jamais fait sa rencontre. Le Royaume l’avait même surnommée la Bien-Aimée, car ses actions désintéressées lui avait attiré l’affection sincère du peuple, qui la voyaient comme la seule compagne digne du Roi, car celui-ci semblait plus porté au combat, alors qu’elle parcourait le peuple pour leur apporter soin et confort. La voir ainsi, c’était une perversion pure de ce qu’elle avait été. Un groupe de femmes apparurent dans l’ombre de la belle dame, alors qu’elle-même abandonnait ses beaux cheveux noirs pour une teinte platine, des yeux brillants et une armure plus ou moins suggestive. Le Roi regarda les femmes qui l’entouraient et posa sa main sur le manche d’Ehredna avant de le tirer du fourreau. Dès qu’il l’eut dégainé, une des femmes se rua vers lui, dégainant une lame de poignet cachée sous sa manche. Il para en levant sa lame alors qu’elle abaissait la sienne sur sa tête, puis lui flanqua un coup de pied dans l’estomac qui l’envoya en direction de ses semblables. Le Roi s’approcha alors de Sérénité, ou plutôt la Dame Grise, et lui fit face. Ses doigts effleurèrent le visage de la jeune femme. Ces traits, ce nez, ces lèvres déformées dans un rictus de haine, tout cela avait été souillé par ceux qui l’avaient ramenée de la mort, et qui en avait fait une sorcière.

« Tu ne pourras pas me tuer, Kah’mui.
-C’est vrai. Mais je peux encore te faire mal.

Sur ces mots, il leva une main vers elle et relâcha une vague de puissance qui expulsa la sorcière contre un mur. Elle se releva alors, en colère.

-Capturez l’Innocente!
-Ca ne risque pas d’arriver, non plus. Car vois-tu, je suis porteur d’un mal encore plus terrible que celui qui t’a ramené à la vie.

Le Roi fit un bond en arrière et retira rapidement son manteau, le laissant tomber sur le sol en dévoilant son corps couvert de cicatrices. Il se retrouva alors torse nu, et derrière lui, sur son omoplate droite, se trouvait une marque étrange, comme si un animal l’avait griffé et laissé une marque noire comme les ténèbres. Soudainement, deux femmes semblèrent en immédiate extase juste à la vue de cette marque. « La Tache du Mal! » S’exclamèrent-elles. Oui. La Tache du Mal était une affliction que très peu de mortels avaient la possibilité de pouvoir endurer, car être porteur de cette marque revenait à avoir un lien très intime avec le royaume des morts et du coup avec tout ce qui avait un lien rapproché avec lui. Ses yeux brillèrent encore plus fortement alors que ses muscles se tendirent. Lentement, la Tache commença à grossir, puis à envahir son bras droit, comme des centaines de petits tentacules d’ombre dégoulinantes d’une étrange substance noire. L’Équilibre précaire qui se trouvait en lui commença à basculer du côté des Ténèbres, et puisqu’il n’avait plus suffisamment d’énergie magique pour contenir la corruption, celle-ci grimpa jusqu’à atteindre son visage, avant de se stabiliser enfin. Alors que ses ennemies s’approchèrent de lui, armées de leurs lames de poignet, il tenait sa main couverte de corruption devant lui, son épée enfermée, presque soudée, sous son poing, la garde envahie de la corruption.

Lorsque sa première adversaire chargea, le Roi para son coup avec sa lame, avant de lui asséner deux coups de poings successifs en plein visage, enchainant avec un impact brutal de la paume qui souleva la femme de terre pour l’envoyer s’écraser contre les stalactites de la grotte, se retrouvant empalée dessus et incapable de redescendre, même si elle survivait probablement à des dommages pareilles. La seconde leva une main et lâcha sur lui une vague de ténèbres, un essaim de créatures ressemblant à des têtes de mort composées d’énergie noire, et il leva Ehredna dans la direction de ceux-ci; la lame Ashansha dévora complètement l’offensive comme un ogre son déjeuner. Le Roi esquissa un sourire purement malveillant et relâcha toute l’énergie maléfique qu’il avait avalée en direction de son opposante qui, vidée de ses forces par son assaut, ne put riposter et encaissa la totalité de son assaut. Ses deux victoires lui montèrent rapidement à la tête, mais il ne fallait jamais sous-estimer les membres d’une organisation qui se plaisait à recruter les meilleurs éléments. Parmi les camarades de son ancien amour se trouvait une personne un peu particulière. Armée d’une épée à deux mains, il s’agissait d’un colosse dont les cheveux blancs paraissaient en dessous de son casque qui cachait entièrement son visage. Le géant regarda un moment la Dame Grise et lui tendit galamment la main pour l’aider à se relever, allant même jusqu’à tendrement lui replacer une mèche de ses cheveux avant de se placer devant elle tel un protecteur. Levant sa lame devant lui, l’homme salua son adversaire, et bien que la chose paraisse absurde, le Roi lui rendit la pareille en tenant Ehredna droit devant lui, puis il lança l’offensive. Malgré sa carrure impressionnante, son rival se montra d’une impressionnante rapidité, parant ou évitant la lame du Roi avec aisance alors qu’il ripostait par moment et que le Roi, pris au dépourvu, manqua de peu d’y laisser sa tête. Son adversaire ne semblait aucunement paniqué ou inquiet, se montrant à la fois implacable et surtout très stable sur ses pieds. Il n’avançait pas ni ne reculait, narguant son adversaire en silence par son immobilité. Il semblait immuable, sans réaction, remuant son épée d’une seule main comme s’il s’agissait d’un simple bâton d’entrainement.

« Il suffit de cette farce! »

Le Roi leva ses mains et relâcha sur le monstre une flamme digne de son surnom. Cependant, même cela ne suffit pas à arrêter le monstre, qui leva à son tour sa main gantée et para l’assaut comme s’il n’y avait rien de plus simple au monde.

« Vous avez raison, majesté, fit le surhomme d’une voix caverneuse. »

L’être s’approcha de l’Immortel et l’agrippa avant de le balancer contre un mur de la simple force de son bras. Le Roi avait déjà ressenti bien des souffrances, et parfois il ne sentait pas la plupart des supplices, mais cette fois, il dût l’admettre; il avait mal. Très mal. Sous l’impact, il avait même relâché son contrôle sur la Tâche du Mal, qui commençait à se résorber; la panique n’était pas un sentiment qui la provoquait, pas du tout, même. Le Roi se mit à se débattre pour essayer de se défaire de la prise de son ennemi, lâchant Ehredna pour pouvoir lutter contre l’imposante main qui lui resserrait la gorge. Derrière eux, la Sorcière ne perdit pas un instant; profitant de la confusion, elle s’approcha de l’Innocente et leva une main dans sa direction. Sans entrainement, elle savait que la jeune guérisseuse ne possédait pas le savoir nécessaire pour combattre les énergies maléfiques, et elle n’eut aucun mal à déchainer sur elle une malédiction. Le Roi lâcha un rugissement de colère et au moment où elle lâchait avec succès son maléfice, son compagnon la heurta de plein fouet, les envoyant exécuter quelques roulés-boulés avant de s’arrêter au pied d’une des statues à l’effigie d’un mage enterré dans la crypte. Après avoir expulsé une telle vague de force pour se débarrasser de son assaillant, le roi sentit un étourdissement lui monter au crâne, mais il ignora cet inconfort pour s'empresser de couvrir la distance qui le séparait de la Guérisseuse et posa une main sur sa joue et une autre sous son menton pour lui relever la tête et examiner ses yeux. Clairement, le maléfice ne visait pas à tuer, mais quelque chose avait changé dans l'aura de la jeune femme, comme si une partie d'elle avait été tachée.

« Shunya! Shunya, répondez-moi! Exigea-t-il, paniqué. »
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le jeudi 21 novembre 2013, 01:59:15
[HRP – La Tâche du Mal xD]



La pauvre Shunya était complètement larguée, sentant la panique s’emparer d’elle devant cette scène... Mais, quand son regard croisait celui de cette femme, elle sentait alors un écho rassurant dans ses entrailles, comme un doux rappel, un message réconfortant et chaud, tendre et bienveillant. Difficile de se soustraire à ce regard, mais il était tellement rassurant que la guérisseuse y revenait sans pouvoir lutter. Wallin était probablement mort, leur voie de retraite était coupée. Shunya allait probablement mourir, ou pire. Le Roi finit alors par se transformer, devant une sorte de créature noirâtre assez repoussante. Elle entendit les femmes entourant la Sorcière Grise parler de « tâche du mal », ce qui ne lui disait pas grand-chose... Si ce n’est que cette vision lui faisait mal au dos, comme si son tatouage était en train de la brûler. Tout un bras de l’homme était devenu noir, parcouru d’une énergie malfaisante qui grignotait partiellement son visage. Quand elle vit Kah’mui repousser la Sorcière Grise, Shunya déglutit faiblement, se sentant inconsciemment plus proche d’elle que de lui. Ce Roi lui faisait maintenant peur, avec son bras infernal. Lentement, la Sorcière se relevait, et, après quelques escarmouches, une véritable montagne de chair et de muscles s’avança vers le Roi. La Sorcière Grise s’était relevée, sereine, et l’attaque de feu du Roi fut absorbée sans difficulté par le colosse, qui repoussa le Roi. Shunya sentit alors une voix dans sa tête, et tourna la tête.

Les yeux de la Sorcière Grise luisaient intensivement, semblables à deux espèces de phares hypnotiques. Shunya sentait son corps se détendre, incapable de se détacher de ce regard. Les yeux de cette femme étaient magnifiques, sa lueur brillait, comme mille feux d’artifices, un kaléidoscope tournoyant de lumières étincelantes et de couleurs. Shizuka déglutit faiblement, tandis que des voix mielleuses résonnaient dans son esprit, et que son passé défilait devant ses yeux... La porte et les ombres, elle dissimulée sous le lit, à observer les jambes remuer.

*La peur... je ressens ta peur, Shizuka... Elle étreint ton âme depuis ton enfance, elle nourrit tes rêves et ensemence tes cauchemars... N’as-tu donc jamais songé à grandir, Shizuka ?*

Shizuka buvait littéralement les paroles de la femme... Lorsque le Roi la heurta. Poussant un petit cri de surprise, la guérisseuse tomba à la renverse, roula sur le sol, et se retrouva sous le corps de l’homme. Ce dernier lui hurlait dessus, mais elle n’arrivait pas à comprendre ce qu’il disait... Et elle avait le sentiment qu’il avait des yeux jaunes, malfaisantes, démoniaques. Ses narines fumaient, et une terreur aiguë perla dans les yeux de Shizuka. Kah’mui lui donnait l’impression d’être devenu un monstre. Une force sembla alors soulever l’homme, et il atterrit contre le mur. La Sorcière Grise avait profité de cet instant d’égarement du Roi pour le soulever, et le plaqua contre le mur, tandis que, depuis son autre main, un cône de glace se forma, une sorte de long cristal, que la femme employa pour le balancer vers l’homme. Le cristal le transperça à hauteur de son omoplate droite.

« Allons, où sont donc passés vos moyens, mon cher Roi ? On ne saute pas sur les femmes comme ça, vous ne faites rien d’autre que l’effrayer... »

Le ton était moqueur, et Shizuka restait allongée sur le sol. Sur sa droite, un homme apparut. Ses yeux brillaient également, il portait une élégante armure et deux épées dans le dos, à la mode des sorceleurs. Shizuka regarda autour d’elle, et entreprit de lentement se redresser, regardant Kah’mui et la Sorcière Grise, sans savoir quoi faire. Sentant ses jambes se déplacer, Shizuka s’avança lentement vers la Sorcière Grise. Sa marque la brûlait, et, si elle avait envie de fuir, de les laisser là, elle n’arrivait tout simplement pas à se faire obéir. De la main droite, la Sorcière Grise maintenait Kah’mui contre le mur, et, de la gauche, elle invitait Shizuka à se rapprocher. Quand cette dernière fut suffisamment proche, la main chaude et autoritaire de la Sorcière se posa sur sa joue, et Shizuka se sentit fondre lentement. Elle baissa craintivement les yeux, et, quand la femme se pencha vers elle pour l’embrasser, le cœur de Shizuka se mit à battre dans son cœur... Et, lentement, elle se surprit à y répondre, remuant également ses lèvres, savourant le contact de cette bouche, de ses lèvres chaudes, tendres et délicieuses.

Dans son dos, la marque brûlait violemment, formant des lueurs violettes glissant sur son corps. La Sorcière finit par rompre le baiser, et reporta son attention sur le Roi.

« Crois-le ou non, mon aimé, tout cela n’est qu’un malentendu...  Si nous n’avions pas arrêté Josselin, il n’aurait pas amené avec lui la peste... Il avait contracté la maladie, et, dans le bateau l’amenant à Meisa, il a contaminé tous ceux qui étaient proches de lui. »

La Sorcière émit un soupir théâtral, tandis que des images affluaient autour d’elle, montrant un immense château, si immense que les fortifications externes en abritaient un second. L’endroit où la peste avait été conçue, le laboratoire... Shizuka ressentit une certaine migraine, et se blottit un peu plus contre le corps réconfortant de cette femme, qui lui caressa les cheveux avec l’une de ses mains.

« Josselin a décidé de traverser le bayou de Fedic... Et il est reparti en étant contaminé... C’est un heureux hasard qui fait que nous nous soyons retrouvés, mon aimé... Une occasion de tirer la page pour de bon. Ton royaume, tes pouvoirs... Dire qu’il fut un temps où je t’idolâtrais, où je voyais en toi un monarque éclairé, un leader mondial... Mais tu n’es rien de plus qu’un héritage du passé, un vieux fossile... »
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Serenos I Aeslingr le jeudi 21 novembre 2013, 04:06:09
[Je pars de l’idée que la Sorcière va enlever Shunya et l’emmener quelque part en Sylvandell ou un truc du genre, mais n’hésite pas à me MP si tu as une autre idée en tête]

La vérité, c’est que le Roi avait déjà fait son deuil de sa femme. Aussi vive que soit encore la douleur que son simple souvenir lui suscitait, il ne pouvait pas voir celle qui se trouvait aujourd’hui devant lui comme celle qu’il avait aimée, chérie et mariée. Cette femme était quelqu’un d’autre, qui arborait la voix et les traits de sa défunte épouse, car sa vie n’était rien d’autre qu’une demi-vie. « Ne ramène jamais les morts à la vie », lui avait dit son père lorsqu’il avait tenté de ramener son ami Chaos d’entre les morts. « La mort fait partie de la vie, et une fois détachée du corps, une âme n’aspire qu’au repos. Et même si tu ramènes une personne, la magie fait qu’elle ne sera jamais plus qui elle était de son vivant. Laisse les morts en paix, mon enfant. » Et il n’avait jamais oublié ces paroles. Devant lui ne se trouvait rien d’autre qu’une abomination, une créature qui n’aurait jamais dû retrouver le chemin vers le monde des vivants. Aussi, autant il voudrait qu’elle fut bien elle-même, qu’elle était de retour et qu’ils pourraient reprendre leur histoire là où ils avaient été séparés par cet odieux coup d’état, autant il avait la sagesse de ne jamais pactiser avec ce qui venait de l’autre monde, où tout n’était que mensonge, déception et souffrance, et ainsi il ne se laissait pas avoir par ses paroles pleines de froideur et de haine.

Le Roi, calé au mur par la force de son ancien amour, regardait la scène en arborant un visage plus serein, plus détendu. Il relâchait ses muscles douloureux et ouvrait grand les oreilles. Il regarda l’homme au casque, dont une partie avait été arrachée par son attaque précédente, révélant la partie inférieure droite d’un visage; il pouvait noter la barbe blanche d’une semaine ainsi que la partie inférieure ridée de son œil droit. L’homme ne le regardait pas directement, comme s’il voulait éviter d’être reconnu, évitant de regarder son rival dans les yeux. Il sentait la peur de Shunya et aussi son étrange confiance en Sérénité, mais il savait également qu’il ne pouvait pas la laisser partir avec cette femme. Une dame aussi pure que Shunya ne devait jamais être touchée par la magie noire, car elle était fait pour la combattre, comme tous ceux qui arboraient le don de la guérison, comme la Sorcière Grise autrefois. Celle-ci le regardait, avec attention, tout en caressant la jeune femme, maintenant sous son influence.

« C’est un heureux hasard qui fait que nous nous soyons retrouvés, mon aimé... Une occasion de tirer la page pour de bon. Ton royaume, tes pouvoirs... Direz qu’il fut un temps où je t’idolâtrais, où je voyais en toi un monarque éclairé, un leader mondial... Mais tu n’es rien de plus qu’un héritage du passé, un vieux fossile... »

Il n’y avait aucune méprise dans ces paroles; elle croyait réellement ce qu’elle disait, mais étrangement, autant pour le Roi que pour le Chevalier ainsi que pour la Sorcière, le monarque se mit à rire au nez de la femme. Rire? Plus que cela; il se moquait d’elle. Parce que dans ces mots, il retrouvait exactement le contraire de ce que la jeune femme lui avait dit autrefois, alors qu’elle agonisait après avoir eu la gorge tranchée et son enfant arraché de son corps. Il regarda à nouveau le Chevalier, un sourire aux lèvres, ainsi que l’autre homme habillé comme un chasseur de monstres. Il retrouva d’un coup son calme et son sourire laissa place à une moue méprisante, un regard rempli de haine, de colère froide et surtout de dégoût, comme si ce joyeux trio n’était rien d’autre qu’un tas d’immondices s’étant par hasard retrouvés devant lui.

« Meisa, la Couronne, le Trône, Eglendal, le peuple. Ce n’est pas pour moi que j’ai fait tout cela. Ce n’est pas non plus par bonté de cœur, ou parce que j’avais soif de pouvoir. C’était pour donner la chance à ceux qui avaient tout perdu de donner à leur famille un monde sans la guerre, sans la famine, sans la violence ou la maladie. Je n’avais que faire de la gloire, je n’avais que faire du trône. Tout ça, je l’ai fait pour ma femme et ma fille, puis pour honorer leur mémoire, parce que c’est ce que tu aurais voulu. C’est l’amour qui a construit ce monde, et je me fiche de qui ou ce qui tenterait de tout détruire; je protègerai Meisa, et je protègerai ceux que j’aime. »

Pendant qu’il parlait, il avait entamé de s’immiscer dans le sortilège qui le restreignait, et il le sonda complètement pour en trouver la faille, qu’il ne tarda pas à repérer. En concentrant son énergie dans cette ouverture, comme il l’aurait fait avec le point faible d’une pierre, il brisa l’enchantement qui le maintenait collé au mur, et il descendit sur le sol.  Le pieu de glace étant toujours enfermé dans son épaule, traversant sa chair jusqu’à son omoplate, où se trouvait la tâche, il l’agrippa de la main gauche et l’arracha brutalement pour réduire la souffrance de l’extraction, lâchant un simple grondement sourd. Pendant que sa plaie se refermait doucement, il prit le temps d’enfiler sa tunique ainsi que son manteau, les faisant voler à lui sans plus de façon, masquant ainsi la Tache du Mal, faisant venir Ehredna à son fourreau grâce à son pouvoir, avant de marcher lentement vers la Sorcière. Étrangement, le Chevalier ne se mit pas en travers de son chemin, ne sentant venir de lui aucune agressivité quelle qu’elle soit. Le Roi s’immobilisa alors à deux mètres de Shunya et de la Sorcière. Tendant une main dans l’air, il y concentra une partie de son énergie et entre ses doigts apparut la Couronne Royale. Il souleva l’objet et la déposa sur sa propre tête, avant de regarder les deux femmes. Il sortit alors son épée et en posa la pointe sur le sol avant de prendre une grande inspiration, puis il posa un regard doux sur Shunya avant de lui sourire.

« Je sais que vous avez peur, Shunya. Je sais que je vous effraie. Je ne vous mentirai pas,  je ne pourrai pas vous sauver. Pas cette fois. Maintenant qu’elle vous tient, je ne pourrai pas vous atteindre avant qu’elle ne vous ait emportée je ne sais où. Mais croyez-moi, Shunya; peu importe où vous serez, peu importe à quel point vous aurez peur, que vous aurez mal; je viendrai vous chercher, et je vous ramènerai chez vous. Ayez foi en moi; je vous sauverai. N’oubliez pas. N’oubliez jamais.

Il ne savait pas si elle l’écoutait, mais il avait espoir qu’elle l’entendait, qu’instinctivement, elle aurait trouvé le courage de l’entendre. Il espérait qu’elle se rende compte qu’il ne l’abandonnerait pas, qu’il viendrait la chercher peu importe les obstacles, et surtout qu’il arrivera à temps pour la tirer de ce mauvais pas. Car tel était le Roi de Meisa; il ne laissait jamais tomber quelqu’un qui avait mis sa vie entre ses mains. Cependant, il n’allait pas non plus laisser ses ennemis partir indemne. Sans s’annoncer, il s’empara de son épée, délaissant complètement l’idée de se servir de ses pouvoirs maléfiques en présence du chasseur de monstres, et il chargea ses bras de force magique, empoignant Ehredna à deux mains avant de l’envoyer à la rencontre de l’épée du Chevalier, qui eut à peine le temps de lever son arme pour parer et se retrouver repoussé par la force surhumaine du monarque. Celui-ci enchaina en lui assénant un bon coup de tête sur le casque, fendant celui-ci en deux  sous l’impact. Le casque tomba de chaque côté du visage de l’homme, révélant un visage que le Roi ne se serait jamais attendu à trouver sur le corps d’un ennemi; devant lui se trouvait un homme identique à lui-même… sauf qu’à la place d’un visage juvénile, cet homme semblait être âgé de plusieurs décennies. Et peu importe de la façon de laquelle il retournait sa réflexion, une seule s’imposa lorsqu’il plongea son regard dans le sien; cette homme n’était pas une création de l’ennemi ni un doppleganger; en lui se trouvait exactement ce que le Roi manquait; il possédait une partie de son âme fractionnée lors de sa naissance. Il recula en titubant.

« C’est impossible… tu ne devrais pas être là, tu… »
« Je l’ai été. Pendant plusieurs siècles, j’habitais le monde des morts, attendant que tu viennes me rejoindre, mon autre moi. Mais le maître n’avait pas l’intention de me laisser au repos; une demi-âme n’a pas sa place dans le monde des morts. À la place, il m’a donné un corps, puis lorsque ta femme a été tuée, il a lié mon âme à la sienne au moment de la ramener dans le monde des vivants. Ne te fais pas d’illusions; me battre avec toi ne m’offre aucun plaisir, mais j’ai des ordres, et je ne suis pas toi; je ne tiens pas à retourner dans le monde des morts. Tu n’as pas idée de ce que j’y ai vécu. De ce que NOUS y vivions. Althenos m’a promis de me laisser vivre plus longtemps si je servais bien ses desseins, et un Dieu ne trahit jamais sa parole. »

L’autre homme en chasseur de monstre sembla sur le point d’attaquer le Roi quand le Chevalier se redressa, poussant le Roi et assénant un coup de poing dans le visage de l’autre.

« Non! On ne doit pas l’endommager! Ton épée risquerait de le purifier! Nous avons besoin de ses ténèbres pour satisfaire notre plan! Range-moi ça, espèce d’inconscient! »

Surpris pas le coup, l’homme recula en se tenant le nez. Il ne semblait pas prêt de se battre contre le Chevalier, et celui-ci n’allait pas étirer ce combat plus longtemps, Il ne faisait pas confiance au chasseur, mais celui-ci serait prêt à presque n’importe quoi pour la somme qui lui avait été promise, ainsi que son autre… récompense, le Chevalier le savait.

« Kyrian! Lâcha Sérénité en reposant son regard sur la belle Shunya, s’adressant au Chevalier. Nous partons. Nous n’avons plus rien à faire ici, et beaucoup à préparer.
« Oui, ma Reine, obtempéra le géant en agrippant son casque. »

Pour la première fois, le Chevalier fit appel à la magie et reforma son casque avant de le remettre sur sa tête et de s’approcher de la Sorcière.
Titre: Re : La Peste [Partie 1] [Shizuka]
Posté par: Kaguya Shunya le samedi 23 novembre 2013, 02:17:44
Shizuka ne pouvait pas croire que c’était cette femme qui avait déclenché ce festival sinistre de morts et de pestiférés. Elle était si belle, si forte... Comment une telle femme aurait pu faire une telle chose ? Shizuka se blottissait confortablement contre elle, tandis que, dans sa tête, un scénario trompeur était en train de s’instaurer. Un mensonge issu de la vérité, qui commençait peu à peu à s’imprimer dans la tête de la guérisseuse d’Edoras. Fedic était une ville ashnardienne reculée, et cet endroit qu’elle avait vu était tout simplement un laboratoire de recherches magique sur les maladies infectieuses et les pandémies mortelles. Josselin avait tellement recherché des fantômes, couru après des « ennemis » invisibles, qu’il avait vu dans ce fort isolé, pour des raisons de sécurité publique, une menace potentielle. Ce faisant, il s’y était infiltré, et avait contracté une maladie qui avait incubé en lui, avant de se réveiller sur le bateau le ramenant à Meisa. Que personne n’ait pu empêcher la pandémie de se répandre illustrait, selon cette version, l’incompétence du Roi. Il était l’un des principaux responsables de ce désastre, et, plus les idées pénétraient l’esprit de Shizuka, plus elles se développaient. Et si le Roi n’avait pas, de lui-même, volontairement cherché à laisser la peste s’échapper ? N’avait-il pas repoussé l’Ordre ? Ne l’avait-il pas chassé hors de ses terres ? N’avait-il pas une autorité vacillante, du fait qu’il avait du essuyer un coup d’État jadis ? Tout semblait tellement limpide que Shizuka n’arrivait pas à s’opposer à cette vision, vision d’autant plus persuasive qu’elle baignait dans l’aura magique de la Sorcière Grise, cette femme si rassurante qui lui promettait de se débarrasser de ses cauchemars.

*Vois-le, lui disait-elle. Il a participé à cette tragédie afin que le peuple se rapproche de lui, afin que les survivants puissent le suivre, le rejoindre, et que son autorité sur Meisa soit inébranlable. Ce n’est rien de plus qu’un tyran, comme tu l’as appris à l’académie. Ceux qui détiennent le pouvoir en veulent toujours plus, c’est un phénomène psychologique qui est accentué chez les hommes, afin de les aider à compenser leur sentiment de frustration naturelle résultant du fait que, ne pouvant enfanter, porter la vie, ils sont intrinsèquement inférieurs aux femmes.*

Sans partager le sexisme rigoureux des Tekhanes, Edoras avait toujours été un État pro-tekhan, où les théories masculines trouvaient un terreau d’accueil... Terrain qui n’avait fait que se confirmer après la tentative de putsch mené par le frère de la Princesse, Shin. Du point de vue des Tekhanes, les mâles étaient fondamentalement inférieurs aux femmes, car ils ne portaient pas la vie. C’était une sorte de retour aux sources primaires, car, dans les sociétés les plus primitives, la femme était effectivement le sexe fort, alors que, dans la plupart des sociétés terranes, l’homme avait une place plus marquée que la femme. Plus concrètement, il en résultait une méfiance naturelle à l’égard des mâles, chez les Tekhanes. Naturellement enclins à la faiblesse, ils ne méritaient pas de recevoir des postes à responsabilité, que ce soit en politique, ou dans les hautes administrations publiques. Que Kah’mui soit en soi un tyran n’était donc pas totalement impossible, et c’était en exploitant ce préjugé que la Sorcière Grise, tout en jouant sur la terreur que Shizuka ressentait, et le sentiment de réconfort qu’elle éprouvait avec elle

Quand Kah’mui lui promit qu’il allait la retrouver, Shizuka éprouva de la peur.

*Peux-tu croire un homme qui a été incapable de protéger sa propre famille ? Les mâles ne sont jamais dignes de confiance, Shizuka... Sauf quand ils sont soumis à l’autorité des femmes.*

Le Roi n’était visiblement pas en état de se battre, et la Sorcière Grise disparut avec ses hommes, le laissant seul dans la crypte. Elle n’eut pas un regard pour cet homme, qui, pour elle, appartenait visiblement au passé.



Wallin, quant à lui, gisait sur le sol de la crypte. C’était comme si un ouragan avait dévasté cette dernière, renversant tout, détruisant le mobilier, provoquant des fissures sur le sol. Il y avait des projections d’hémoglobine sur les murs et des traînées écarlates sur le sol, formant des lignes sinistres menant jusqu’à un corps écrasé contre le mur. Avec un poumon perforé, de nombreux hématomes, et les deux jambes brisées, Wallin était doucement en train de mourir. Sa vision devenait floue, sa respiration était lourde, saccadée. Il n’avait rien pu faire. Les agresseurs étaient partis.

Alors que son esprit était en train de dériver, il porta ses yeux vers les tâches de sang s’épaississant sous son corps, et observa le mur à sa gauche. Sa respiration précipitée s’alourdissait progressivement, et il tendit sa main vers le sang sur le sol, et essaya de former un message à côté de lui. Le message était incomplet, mal écrit, haché, et il ne put le terminer, mais on en discernait l’essentiel :

O-NLPR-E



Lentement, le soleil se levait sur la vallée, éclairant cette dernière de mille couleurs. Un spectacle toujours grandiose, que Shizuka observait, du haut de la colline, le vent faisant légèrement remuer ses cheveux.

« Tu peux retourner à Edoras, tu sais... »

Shizuka baissa la tête, évaluant le pour et le contre. Elle regarda ensuite la femme. La Sorcière Grise, qui préférait qu’on l’appelle Kayla, se tenait à côté d’elle.

« Mais... Je ne sais pas... Pensez-vous vraiment qu’Edoras est en danger ? »

Kayla ne dit rien pendant quelques secondes, tandis que le soleil continuait à lentement se lever. La femme tendit sa main, et caressa à nouveau, furtivement, la joue de sa partenaire.

« C’est une certitude... Et, à ton niveau, tu peux contribuer à empêcher cela. Tu possèdes en toi un grand pouvoir, Shizuka, une force qui, bien utilisée, peut ouvrir de grandes possibilités. Les Edorassiennes ne l’ont probablement pas remarqué, ou elles ne l’ont jamais vraiment compris, mais ta capacité à utiliser la magie blanche est formidable... Un tel niveau, à un âge aussi jeune, n’est pas offert à tout le monde... »

C’était exactement ce qu’elle avait envie d’entendre. Émanant de la bouche d’autres personnes, elle n’y aurait pas cru, elle aurait vu ça comme de la condescendance, mais, venant des lèvres de cette femme, tout avait l’air tellement vrai. Si sa nation était en danger, alors le mieux qu’elle puisse faire était de contribuer à l’aider. Shizuka devait bien ça à Edoras. Elle ne pouvait pas aller se réfugier en sachant qu’une situation cauchemardesque était en train de se dérouler. C’est donc, sans aucune surprise pour Kayla, qui savait déjà quel choix sa protégée prendrait, que Shizuka entreprit de le suivre.