Tout en marchant, Takael ne put s’empêcher de conter à Adamante une anecdote militaire, lui racontant comment lui et sa compagnie avaient défait une secte démoniaque qui avait cherché à invoquer sur Terra un puissant démon en utilisant une Porte de l’Enfer abandonnée. Adamante avait entendu parler de cette histoire. Le culte démoniaque était une secte qui avait recruté des fidèles à Nexus, des fidèles dont le seul rôle était de se sacrifier pour augmenter les pouvoirs des meneurs de cette secte, des nécromanciens dont plusieurs avaient étudié à l’Académie magique de Nexus, avant d’être bannis pour utilisation de sortilèges magiques non autorisés. Ce genre de magiciens faisaient ensuite l’objet d’une inscription sur un registre spécial, mis à destination de toutes les académies magiques de la planète. Quand on s’intéressait au monde de la magie, on réalisait vite que celui-ci était une organisation à part du monde politique. Officiellement, les mages étaient d’ailleurs apolitiques, formant ensemble une vaste congrégation visant à la préservation de la magie. Dans les faits, les magiciens étaient très souvent des conseillers politiques, proches des Rois et des puissants nobles dirigeant le monde. Une situation qui n’était pas sans peine dans le contexte de guerre mondiale actuelle, mais toujours est-il que les Loges et les Cercles de magiciens continuaient à communiquer entre eux. C’est par ce biais que les magiciens de Nexus avaient appris que les étudiants renégats avaient été endoctrinés par un mage noir ashnardien, lui-même renégat. Un mage noir dément qui avait endoctriné le châtelain supposé le diriger, et qui utilisait les villageois locaux pour de sinistres expériences afin de créer des zombies.
Largon, le mage noir ashnardien, avait sûrement dépassé les attentes de ses commanditaires, qui n’avaient sans doute pas apprécié qu’il prenne ainsi le contrôle sur le domaine. Largon avait fui, et avait ensuite fondé sa secte. Adamante savait que l’action de Takael et de ses hommes dans la grotte avait durement ébranlé cette secte, mais Largon était encore en fuite. Une cible activement recherchée par la Couronne et par Nexus.
Quand Takael lui demanda son avis sur cette bataille, Adamante répondit avec son flegme habituel, un sourire moqueur sur les lèvres :
«
Ce que j’en pense, Commandant Nerimor, c’est que ce n’est pas en parlant de zombies et de corps calcinés que vous séduirez les gentes demoiselles. »
Adamante était connue pour son piquant, pour sa verve taquine et son mot facile. Pendant la tirade de Takael, le duo avait rejoint un escalier, croisant au passage moult gardes et pages. Personne ne songeait à arrêter Adamante, et la magicienne grimpa les marches. Adamante attirait aussi à elle l’hostilité naturelle envers les mages, qu’on accusait communément de manipuler les dirigeants. Une accusation gratuite, mais qui était loin d’être infondée. Très souvent, les mages se chargeaient de l’éducation des jeunes dirigeants, leur enseignant les rudiments nécessaires de la magie pour résister aux tentatives d’attaques magiques. Il y avait souvent un lien fort entre la magicienne et le jeune nobliau, qui se répercutait des années plus tard.
La magicienne rejoignit une élégante double porte qui s’ouvrit sur son passage, et rejoignit ainsi le couloir menant aux appartements de la Reine. C’était un élégant couloir avec un tapis rouge, et de multiples bougies et chandeliers éclairant les lieux. Une autre porte se trouvait au fond du couloir, et Adamante l’ouvrit également.
«
Nous y sommes, Commandant Nerimor… Et, pour votre gouverne, votre exploit dans la caverne a beaucoup plu à Sa Majesté. »
La porte s’ouvrit au même moment, éclairant un vestibule. Deux marches internes menaient ensuite à un grand salon central, avec une mezzanine à gauche sur laquelle il y avait plusieurs bibliothèques abritant de multiples livres. Sur la droite, il y avait une épaisse cheminée. Un feu crépitait dedans, et, en guise de décoration, un énorme tableau avait été accroché sur la cheminée, représentant… Liam & Nöly Ivory. Les anciens souverains de Nexus, les parents d’Elena. Les deux posaient sur le tableau, un très beau tableau peint à l’huile, et montrant un jeune bébé qui était posé devant le couple. Elena Ivory.
Au cœur du salon, il y avait plusieurs fauteuils, une table basse, et, dans un coin, le
phonographe mentionné par Adamante. Un objet incongru, anachronique, posé sur un meuble. À l’intérieur du meuble, il y avait des cylindres en étain, qu’on utilisait pour diffuser de la musique.
«
Vous voilà enfin ! »
La voix fluette de la Reine émanait de la mezzanine. Elle venait d’apparaître depuis une porte, refermant d’une main le livre qu’elle le tenait, et le posa sur une table. La jeune femme avait une tenue assez légère, avec un châle transparent recouvrant ses épaules.
«
Je vais sûrement répéter ce qu’Adamante vous a déjà dit, Commandant Nerimor… Mais je vous souhaite la bienvenue à Nexus ! Souhaitez-vous une collation quelconque ? »