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« Dernier message par Mona Duval le jeudi 30 mai 2024, 21:17:36 »
Va-t-il me rendre ma main ? J’en profite pour le détailler sans grande gêne. Je n’ai jamais été du genre timide, alors...une peau caramel, un visage bien dessiné, carré...beau gosse. Je doute que la maison d’édition soit très contente que j’opte pour un assistant aussi comestible, mais tant pis. Ils veulent que je trouve quelqu’un ? Pourquoi pas lui...après tout. Cela pourrait être amusant.
«De même, Darius...»
C’est une presque caresse lorsque ma main quitte finalement la sienne. Ses mots me font sourire. J’ai l’habitude. Et je vais pour ajouter quelque chose, mais il me prend de vitesse par ses simples mots. Pas de problème ? Tant mieux alors...j’aurais trouvé cela triste de ne pouvoir avoir ce bel étalon à mes côtés sous prétexte que je ne suis pas celle qu’il s’attendait à rencontrer. Lorsqu’il s’éloigne vers les sièges en cuir, je souris pour lui signifier que oui, en effet, c’est ici que vous pouvez vous installer. De toute manière, ce bureau n’a pas réellement d’endroit où se poser. Je me suis jurée de mieux meubler celui que j’occuperai bientôt. Le confort est important, surtout lors de rendez-vous professionnels...entre autre chose.
«Oui. Oui bien évidemment, cela fait partie du jeu.» Je viens m’installer en face de lui, la table basse entre nous. Le calepin en équilibre sur mes cuisses jointes. Mon style ? C’est vrai que son texte était osé avec ce qu’il faut de description pour plaire… «Je suis flattée. Eh bien. Pour être honnête, ce serait certainement publiable. Après une petite relecture évidemment...mais non, vraiment, c’était un très bon texte, que j’ai beaucoup aimé lire...» Mon sourire s’agrandit, je ne baisse pas les yeux en rosissant en lui avouant cela. Je n’irai pas jusqu’à lui dire que la lecture m’a fait quelque chose, je dois rester professionnelle… «Non, j’ai aimé...»
Est-ce mon aveu qui a légèrement changé l’expression de son visage ? «Je vous ai choqué ? Pardon. Parfois j’ai tendance à dire les choses peut-être un peu trop franchement et ce n’est pas aux goûts de...» Mal de crâne ? Oh. Certes. Ce doit être ça, car il n’a pas l’air du genre timide, vu la facilité avec laquelle il s’exprime. J’ai déjà eu à faire à des entretiens bien moins confortables. «Nous pourrions nous tutoyer, je doute que nous soyons très éloigné au niveau de l’âge...» Je ne me rappelle plus de ce que disais son dossier à ce sujet. Je me souviens surtout de son texte… «Je comprends...désires-tu un anti-douleur ? Je dois en avoir qui traîne quelque part...»
Ma voix se fait maternante, tandis que pleine de sollicitude, je me lève déjà pour fouiller dans les tiroirs du bureau. Je le partage avec l’autre écrivain, mais il me semble que j’y ai laissé des cachets pour les gueules de bois. Cela devrait suffir...où est-ce qu’elle est cette foutue boîte… «Je les ai..tiens, ça va peut-être te soulager.» Je pose la boîte près de son verre d’eau.
«Je ne conduis pas à cause de ça. Les embouteillages...c’est trop...tellement trop.» Je souris en m’installant à nouveau confortablement, du moins autant que possible, reprenant mon calepin sur mes cuisses, un stylo dans la main. «Bien...alors...» Je soupire, car je ne me suis pas préparée du tout. «Je vais jouer carte sur table, je n’ai pas préparé de question ou...ce n’est pas très professionnel, mais je ne suis pas reconnue pour ça, tu le comprendras rapidement si tu viens à travailler pour moi...» Mon ton est plus ronronnant que ce que j’aurais voulu, mais je ne peux pas revenir en arrière. «Du coup, on va y aller à l’impro...» Je bois une gorgée avant de reprendre. «Qu’est-ce que tu penses être le métier d’assistant d’écrivain ? Histoire de savoir si tu as des attentes qui sont à la hauteur de ce qu’on attend ici. Enfin. De ce que j’attendrai de toi. La Maison d’Édition n’a pas vraiment de regard sur le travail des assistants personnels.»
Des esclaves modernes. C’est ce qu’a dit un jour une secrétaire des autres étages. Je ne sais plus laquelle, il y en a tellement et elles changent souvent. Elle parlait des assistants et assistantes d’écrivains. Et blablabla, je n’aimerais pas être à leur place, blablabla...mais je ne sais pas de qui elle parlait exactement et si elle avait quelqu’un en particulier en tête. Je sais de source sûr, que certains écrivains se comportent comme des divas et d’autres, de véritables tyrans. Je ne suis ni de la première race, ni de la seconde. Je crois même plutôt, sans me vanter, que je suis agréable à côtoyer, du moins dans mes phases hautes. Dans les phases basses, je peux être désagréable, mais j’évite de me pointer au boulot. Jour de congé pour l’assistant, l’assistante…
«Je te dirai ensuite ce que j’attends d’un assistant...» De la pointe de mon stylo, sans le quitter des yeux, je gribouille sans y penser sur la première feuille de mon calepin. Des tourbillons, des petits traits, comme on le fait quand on est au téléphone. «...et les avantages que la maison offre lorsqu’on occupe ce poste.»
Je trouve qu’il a l’air perplexe. Peut-être que je suis trop délurée et éloignée de l’image que les gens se font des écrivains...peut-être que je ne suis pas assez pro et que cela ne va pas lui plaire...je me mords la lèvre inférieure et je prie pour qu’il ne soit pas effrayé par ma manière de procéder. Cela m’emmerderait. Non seulement il est à mon goût, mais en plus, il est jeune et j’ai royalement la flemme de devoir faire passer d’autres entretiens à des tas de gens sans intérêts. J’aime les choses vite fait, bien fait et n’ai pas le temps pour ces conneries. L’idée, de plus, que la maison d’édition finisse par m’imposer quelqu’un me mettrait dans une mauvaise posture. Ils ont le dont de choisir des gens qui colleraient mieux avec l’image de la maison, qui plus est, qui sont d’un chiants pas possible. Ce n’est pas de bon goût, il paraît, de coucher avec ses assistants ou ses collègues et ils savent que je ne crache pas sur une partie de jambe en l’air dés que l’occasion se présente. Voilà pourquoi ils avaient l’air dubitatifs lorsque Danny, mon agent, à proposer de trouver des candidats et candidates pour moi, me laissant carte blanche pour choisir…
«Est-ce que ça va aller ? Si ton mal de tête ne passe pas ou...s’accentue, nous pouvons repousser l’entretien. Je n’aimerais pas que tu sois mal à cause de moi...»