Le palais d'ivoire / Re : Le Serment [Son Altesse Royale Elena Ivory]
« le: lundi 25 février 2019, 16:21:05 »« Comment vous dire cela sans erreur, » hasarda-t-il dans l'immédiat, cherchant les mots et la bonne approche. « Je serais bien en peine de vous faire visualiser ce qu'elle a vu, exactement ; mais nous pouvons partir de mes visions et parler de ce qu'elle pense avoir vu. »
Oui, cette manière de faire lui semblait appropriée et prudente. Il ne voulait pas présumer sans assurance. Tout cela était bien nouveau pour lui et, dans le fond, il espérait que tout cela ne soit qu'une erreur et que tous ces éléments mènent à quelque chose de moins sinistre. Pourtant, les faits poussaient en direction de l'inacceptable, et, même indésirable, la vérité n'en était pas moins vraie.
« Certains soirs, je suis assailli de flash terribles. Je vois les scènes d'une époque terrible, comme si je me remémorais moi-même ces instants. Des monstres gigantesques surgissent du néant à la tête d'armées si sanguinaires que leur inspiration ne pouvait venir que des tréfonds des Enfers. La violence est ... elle va bien au-delà de ce qu'un esprit devrait pouvoir endurer. Quand je pense qu'Alina vit cela depuis qu'elle est petite ... » Il garda un instant le silence par compassion envers son amie, parente et prétendante, avant de reprendre. « Comme je le disais, nous avions mis cela sur le compte du stress ; une façon de faire sortir les angoisses. Mais l'Archimage Isolder -le mage dont nous parlions- m'a garanti que cela venait d'ailleurs. Il est ... extrêmement compétent en ce qui concerne les voies de l'esprit ; et très secret, également, car je n'ai guère trouvé d'informations sur lui, bien qu'Elysium m'ait garanti qu'il était bien celui qu'il prétendait être. Il m'a aussi dit que mes capacités psychiques n'avaient pas évolué, mais que l'émetteur de ces visions gagnait, lui, en puissance, et que nous devions nous attendre à une recrudescence de ce type d'événements à travers le monde. »
Il reprit son souffle alors qu'il se laissait presque aller à la digression, et attaqua la question de sa cousine : « Alina Warberg-Altenberg a toujours eu des visions. Son père, le Duc d'Altenberg, parlait de visions divines, mais ses visions étaient très aléatoires. Pour le maître Isolder, elle est un puissant récepteur psychique. Quand elle dort, son esprit s'ouvre et elle reçoit des visions provenant de gens psychiquement forts ou portés par une énorme ambition. Ces dernières années, cependant, ses rêves sont devenus de plus en plus ... homogènes ; et terribles. Récemment, elle a commencé à être frappée de visions en plein éveil. C'est un spectacle difficile. Elle reste le plus souvent enfermée, pour son bien et par choix. Isolder croit que l'être dont elle reçoit ces visions est devenu si puissant aujourd'hui qu'il balaie de son pouvoir les autres esprits de ce monde ; ce qui est une perspective terrifiante. Ce qu'elle voit ... » Il marqua une pause, hésitant, croisant les regards des deux femmes devant lui. Il passerait pour un fou partout ailleurs et, à vrai dire, il n'était pas sûr de ne pas passer pour un fou à cet instant ; mais il devait faire confiance à sa reine, comme il l'avait juré. « Elle voit les roses d'Aeld ; des roses à perte de vue, et, en leur centre, une immense tour, telle une aiguille, vacillant sous la pression des forces se disputant sa propriété ; comme un siège aux dimensions surnaturelles. Les roses se couvrent de sang, et fanent. Des cranes poussent sur la terre gorgée de corruption et, du haut de leur monticule, une silhouette patiente, à la fois pressée d'en finir et sûre d'elle. Quand elle tourne son regard vers elle, c'est là que les visions cessent ; comme si elle avait été expulsée des pensées de l'hôte. »
Le silence retomba sur la bibliothèque secrète du Palais d'Ivoire, comme un voile de plomb. La lumière semblait s'être réduite alors qu'il contait cela, et, pendant un instant, il craignit d'avoir parlé tel un fou, ainsi qu'il l'aurait pensé de quelqu'un venant lui conter pareille histoire, chez lui, aux heures tardives de la nuit.