3h du matin, et je me réveillais pour la deuxième fois depuis le début de la nuit. Depuis que j'avais intégré l'armée, je dormais par intermittence, à savoir une période de deux heures sur trois. Et même lorsque j'étais chez moi, donc non-opérationnelle, je dormais de la sorte. Je n'avais jamais pu reprendre un rythme de sommeil normal, et à vrai dire, si j'essayais de changer de rythme de sommeil, c'était tout bonnement peine perdue pour moi. Je m'étais habituée à tout cela, et cela me convenait parfaitement. J'attrapais mon paquet de cigarettes, et sortis de la grande tente dans laquelle je campais avec mon unité. Bien évidemment, il faisait encore nuit, et le soleil se lèverait dans à peu près trois heures. Ce qui nous laissait le temps de nous préparer pour partir à l'assaut. Une fois ma cigarette terminée, je réveillais tout le monde avant de manger. Partir le ventre vide ne m'attirerait que des problèmes. Ils firent exactement la même chose que moi, et il ne nous fallut pas beaucoup de temps pour nous préparer. J'étais déjà en tenue, donc il ne me fallait que mon gilet pare-balles, mes chargeurs, et charger mon fusil. Depuis quelques années, j'avais troqué mon ancien fidèle SVD pour un SVL chambré en .338. Il ne m'avait jamais déçu, et m'avait sauvé la vie plus d'une fois.
A quatre heures moins le quart, tout le monde était prêt. Je comptais sur la nuit pour son effet de surprise, une attaque vers quatre heures et quart du matin allait déstabiliser notre cible. L'attaquer en plein jour serait d'emblée plus difficile. Notre cible était un campement jihadiste en plein désert. Selon les derniers renseignements, ils étaient un peu plus d'une cinquantaine. Pour une grosse trentaine de soldats d'élite, ils ne représentaient pas une véritable menace, mais il fallait éradiquer leur présence, et mettre toutes les chances de notre côté pour subir le moins de pertes possibles. Il y avait environ une demi-heure de marche pour nous rendre à leur campement, ce qui me laissait amplement le temps de me ruiner les poumons. Je fumais comme un pompier, mais cela m'aidait surtout à rester éveillée la nuit, surtout lorsque je dormais environ 3 à 4h par nuit uniquement. Une demi-heure plus tard, nous arrivions sur place, avec le plus de discrétion possible. Je donnais par conséquent mes instructions, créant des petits groupes mobiles de 4 à 5 personnes. Quant à moi, je restais avec les 2 autres meilleurs tireurs d'élite de mon unité, pour investir une dune de sable à une toute petite distance de l'entrée sud du campement.
Ils n'attendaient plus que mon signal, c'est à dire le premier coup de feu de ma part. Je m'allongeais, et plongeais mon regard dans ma lunette à vision nocturne, attendant patiemment qu'un adversaire commence sa ronde pour venir se loger en plein milieu de ma ligne de mire. Prenant une grande inspiration, je pressais la détente, la déflagration sonnant donc le départ de notre assaut, et la balle vint se loger entre ses deux yeux, le tuant sur le coup. La réaction ne se fit pas attendre, car seulement quelques secondes plus tard, je reconnus les déflagrations caractéristiques de nos armes, mais aussi celles des ennemis. Actionnant ma manoeuvre verticale, j'engageais une nouvelle balle, pour abattre un jihadiste se jetant hors de sa tente. Je comptais bien évidemment sur l'efficacité de mes hommes pour que cette attaque soit la plus rapide possible. Mais de ce que je pouvais voir à travers ma lunette de visée, ils s'en sortaient très bien. De mon côté, j'en abattais successivement deux autres, en prenant mon temps. L'attaque se déroulait très bien, comme je l'avais prévu. J'avais avec moi des soldats parmi les plus efficaces de toute la Russie, et de ce fait, je devais tout faire pour qu'ils rentrent tous sain et sauf. Une seule perte était dramatique à mes yeux. Mais tout se déroulait très bien pour le moment, sans ombres au tableau.
Tout se passait très bien, en quelques minutes, les 3/4 du camp avaient été décimés. C'était l'une des raisons pour lesquelles je n'avais jamais voulu changer d'unité. Mes hommes étaient très compétents, consciencieux et rapides lors de l'exécution de leurs tâches. Aussi, entre chaque tir, je vérifiais, à travers ma lunette de visée, que nous ne subissions pas de pertes, ou qu'elles restent minimes. J'avais pour but de tous les ramener vivants, et il serait tout bonnement inadmissible, à mes yeux, de devoir me séparer de l'un d'entre eux. Chaque perte était un véritable échec personnel pour moi, ce qui me poussait d'autant plus à tout faire pour ne pas en perdre un seul. Une balle dans la chambre, je scrutais le camp à la recherche d'un ennemi toujours en vie. Fort heureusement, je pus compter sur mes réflexes pour appuyer rapidement sur la détente et sauver l'un de mes hommes, qui se faisait attaquer par derrière. Dans les rares survivants, il y avait une agitation que je n'arrivais pas à expliquer. Ce n'était pas de la peur, c'était tout autre chose, mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Et à vrai dire, je n'avais pas très envie de découvrir la surprise qu'ils pouvaient éventuellement nous réserver, ce qui fit que j'étais d'autant plus sur mes gardes.
Moins de 5 minutes plus tard, il n'y avait plus âme qui vive dans ce camp. Mais je ne comptais pas rentrer à l'intérieur, et je fis rapidement passer l'ordre de quitter ce campement sur le champ. Cependant, je vis quelqu'un qui se mit à courir en dehors du camp, courant droit devant, et je n'eus que le temps de me retourner pour hurler à cette personne de se coucher et de ne plus bouger. Voyant que je n'eus pas le temps de tirer, Vladimir, mon second, tira une balle à proximité de cette personne, ce qui avait pour but de la faire plonger à terre par pur instinct de survie. Je pris 4 de mes hommes avec moi, leur ordonnant de tenir cette personne en joue en permanence et de tirer si le moindre acte de résistance était visible. L'un de mes soldats alluma sa torche et j'eus un mouvement de recul en voyant ce que cette personne portait à la taille. Une ceinture d'explosifs. Tout le monde recula, excepté Dimitri. Il savait ce qu'il avait à faire.
- Dimitri, prends ton temps, et fais attention, s'il te plaît. Mon ton était toujours maternel avec eux, même quand je leur donnais des ordres. Cette personne ne devait pas comprendre ce que je venais de dire, étant donné que personne, en dehors de nous, ne parlait Russe dans cette région. Ceci dit, j'espérais me faire comprendre par cette personne, étant donné que j'étais bilingue. - Bouges, et tu crèves. T'as voulu jouer? Disons que ton petit périple s'arrête ici. Bouges un seul orteil, et personne ici n'hésitera à t'abattre.
Dimitri prenait son temps pour lui enlever cette saloperie de ceinture. Mais je le connaissais, même s'il était très compétent dans ce domaine, il avait toujours la boule au ventre quand il devait faire quelque chose comme ça. Il disait toujours que si l'on n'avait pas mal au ventre devant des explosifs, il fallait très rapidement quitter ce boulot si l'on voulait rester en vie. Concentration maximale de sa part, et il mit quelques minutes à accomplir son travail, au grand soulagement de tout le monde. Je relevais personnellement cette personne, pour lui attacher les mains dans le dos, et le canon de mon fusil en permanence en contact avec son dos. Une fois que tous mes hommes étaient autour de moi, il était temps de retourner au camp. J'allais personnellement interroger cette personne, une femme. Je n'étais pas née de la dernière pluie, ces enfoirés embauchaient régulièrement des villageois ou des villageoises pour jouer les kamikazes, faisant miroiter une forte somme d'argent à leur famille pour qu'ils acceptent de laisser un membre de leur famille partir pour ne plus jamais revenir. Évidemment, cette somme d'argent n'arrivait jamais. Jouer avec la misère sociale, c'était quelque chose qui me faisait gerber, et c'était également une raison supplémentaire pour abattre ces enfoirés. Il y avait une demi-heure de marche au retour, et nous allions prendre tout notre temps.
Une fois de retour au camp, je la jetais sur une chaise, avant de m'asseoir en face d'elle, sur la table. Elle avait l'air totalement perdue, mais il ne fallait pas que j'oublie qu'elle courrait avec une ceinture d'explosifs sur elle. Bien que cet élément devait rester important, c'était une femme, et j'allais être naturellement moins violente avec elle qu'avec un homme. Mais si jamais elle se foutait de moi, elle allait tout de même y passer. Je n'irais pas jusqu'à la tuer, évidemment. Il était hors de question que je tue une femme, sauf si elle représentait un danger vital pour mes hommes. Mais comme elle n'avait aucune arme sur elle, nous n'avions a priori rien à craindre.
- Bon, tu vas m'expliquer de quel village tu viens. Qu'est-ce que tu foutais dans ce camp, et qu'est-ce que tu foutais avec une ceinture d'explosifs autour de toi? On t'a demandé explicitement de nous viser? On a promis combien à ta famille pour ça? Depuis quand tu es en contact avec eux?