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« le: mardi 04 juin 2013, 13:28:29 »
C’était un petit temple perdu dans les montagnes. Discret et solitaire, il était coupé du monde, et accessible par un long chemin sinueux en montagne, rempli de lacets et de virages abrupts dans des passages étroits, vous donnant l’impression d’avancer dans des boyaux étriqués. Aucun panneau n’indiquait la présence de ce temple, car il ne cherchait pas la publicité. Il ne cherchait pas à accueillir les voyageurs itinérants qui se perdaient dans ces solitaires et dangereuses contrées, ni à vendre les biens que les frères et les moines produisaient dans ce temple. Ce temple était replié sur lui-même, fermé au monde extérieur, et ne voulait pas que le monde extérieur interfère avec son environnement. L’un des moyens les plus efficaces était encore la discrétion. Mais rien dans ce monde ne pouvait rester éternellement caché aux yeux des autres. Pas à ceux de Père, en tout cas.
Fendant l’air, la queue de Crying Wolf arracha la main de l’un des derniers moines encore en vie, le faisant hurler de douleur, un cri que le loup de métal et d’argent calma vite en bondissant sur sa proie, la renversant sur le sol. La capuche du moine battit en arrière, découvrant une tête au crâne rasé de près, le visage rempli de peintures noirâtres rituelles. Ses yeux exprimaient une terreur sincère, et l’énorme œil mécanique de Crying Wolf s’abattit sur sa proie, lui brisant le cou. Dans un dernier soupir, le moine se tut, et Crying Wolf s’écarta lentement. Dans un coin gauche de sa vision, un message s’afficha. L’armure ne détectait plus aucun signe de vie. Ils étaient tous morts. Cette petite communauté d’une vingtaine de moines avait été massacrée du premier au dernier.
Shaina retira alors son armure, et marcha silencieusement. Elle se trouvait dans le hall principal du temple, une pièce assez sombre, avec des colonnes sur les côtés, et, au centre, une grande statue au-dessus d’un bassin rempli de fleurs et de nénuphars. La statue représentait une divinité aquatique, dont les différents bras partant dans toutes les directions évoquaient le sens des marées. Elle était au centre d’une espèce de fontaine, de l’eau pure et propre filant dans le bassin. Elle se pencha vers cette dernière, et la caressa de ses doigts gantés.
*Tu n’es pas là pour ça, Shaina*, se sermonna-t-elle.
Tout comme elle n’était pas là pour satisfaire l’appétit de Crying Wolf, et ce quand bien même c’était tentant. Bien que l’armure soit de chair et d’acier, elle pouvait manger. Si Shaina n’était pas attirée par tous ces cadavres déchiquetés et démantibulés, quand elle revêtait l’armure, elle sentait un attrait bien différent à leurs égards. Père, après tout, leur avait expliqué que leurs armures n’étaient pas que de simples morceaux d’aciers. Elle avança le long de la pièce, vers l’arrière, où une porte à double battant avait été ouverte à la sauvage, l’une des portes ayant été arrachée de ses gonds. Sous l’effet du vent, l’autre claquait contre le mur. Il faisait nuit dehors, et un vent violent remontait dans les entrailles de Shaina.
Elle s’avança dans la cour, qui comprenait plusieurs établis, nécessaires à la vie en communauté, à l’entretien des meubles et des vêtements, et un puits, ainsi que quelques arbres dont les feuillages remuaient au vent, des feuilles s’envolant dans les airs. C’était un beau ciel étoilé, et elle le regarda silencieusement, ses cheveux filant dans un sens. Le froid ne la dérangeait pas, et elle trouvait la vue assez belle. Elle préférait regarder les étoiles, plutôt que le sol, où d’autres moines gisaient dans leur sang. Il y avait même des traces le long du puits, où elle avait balancé l’un des moines.
Contre elle, ils n’avaient eu aucune chance. Elle était passée par la montagne, évitant d’emprunter le sentier, gravissant la paroi, pour se retrouver en hauteur, dominant le petit temple, qui se résumait à deux bâtiments séparés par une cour : l’autel, et les quartiers communs. Pour se nourrir, les moines empruntaient un chemin à l’arrière, un petit sentier mené à une clairière clôturée, avec des vaches. Il était probable que Shaina s’y rendrait, car elle était du genre gourmande. La femme avait observé les moines. Certains priaient, d’autres étaient dans les quartiers communs, et elle avait attaqué. Elle avait frappé la première, en sachant que les moines ne l’auraient jamais laissé entrer. Ils avaient beaucoup de raisons de protéger cet endroit.
Shaina se rendit dans le deuxième bâtiment, ouvrant la porte en bois, qui émit un grincement. Le long de l’escalier, et contre les murs, il y avait de belles traînées écarlates. Ils appartenaient au moine qu’elle avait massacré en entrant par une fenêtre. Elle lui avait arraché la jambe, et il avait tombé le long de l’escalier, aspergeant son sang partout, avant de misérablement ramper sur le sol. L’une des pattes de Crying Wolf lui avait broyé la tête. Elle alla sur la gauche, sentant le parquet craquer sous ses pieds, et aperçut la porte menant au sous-sol. Elle descendit l’escalier en califourchon, et suivit un couloir sombre, qui la conduisit là où elle voulait aller : la bibliothèque des moines.
Leurs archives.
Un sourire victorieux perla sur son visage. Elle alluma les candélabres dans les coins, puis fouilla les manuscrits et les parchemins. Elle recherchait un parchemin en particulier. Celui que Père voulait, un parchemin qui, selon ses dires, permettrait d’avoir de précieuses informations au sujet d’un cristal magique que Père convoitait. Les moines de ce temple avaient dans leurs coffres des parchemins précieux, car ils exploraient beaucoup la région environnante. Cette dernière était très sauvage, et peu de gens s’y rendaient donc. Ils avaient donc consigner dans leurs cahiers bon nombre d’informations, et le cristal que Père recherchait se trouvait, selon ses recherches, dans cette région.
Il faudrait à Shaina des heures, voire même des jours pour mener ses recherches. Fort heureusement, elle avait de quoi se sustenter à l’étage. Elle était convaincue que personne ne viendrait la déranger ici, dans ce lieu si reculé.
Elle n’avait jamais eu aussi tort.