Les contrées du Chaos / Re : La belle et la bête sauf que là, pas de chateau ni de chandelier qui parle [Pv]
« le: vendredi 12 avril 2024, 00:34:20 »De jour comme de nuit, en temps normal, Sevilla est des plus animées, alors imaginez un peu lorsque la Feria bat son plein. En journée, les sites touristiques, les restaurants sont pris d'assaut. Les parcs sont aussi bondés, histoire que la population locale et étrangère profitent de l'ombre, ainsi que des balades en calèche. Le parc Maria Luisa ne dérogeait pas à la règle. Proche de la Plaza España, les touristes y passaient pour faire des tours de calèche ou observer le ballet incessant de celles qui sont ornementées, des privées louées par des familles qui se rendent à la Feria telles de grandes célébrités. Cette effervescence se manifestait aussi de nuit, lorsque l'air se faisait plus frais. Malgré une météo clémente, l'ambiance y était... « brûlante », si l'on pouvait dire. Cette joie fiévreuse plaisait beaucoup à Soledad, la Feria étant toujours une bonne occasion pour retrouver sa terre natale, sa famille et quelques amis. Aussi cette atmosphère sulfureuse, où nourriture et alcool coulaient à flots, enthousiasmait la danseuse.
Lors de cette semaine de célébration, il n'était pas rare que l'andalouse se produise sur quelques salles de spectacle en journée. Ses soirées étaient réservées à ses petits plaisirs personnelles. Un de ses oncles tenait l'une des plus grandes casetas sur le Real. C'était de ses cabanes installées sur la gigantesque place/parc Real où était organisé l'essentiel de la Feria. En journée comme en soirée, elles recevaient des membres qui paient pour manger et boire dans ces casetas. L'oncle avait profité de la situation et on ne pouvait pas réellement lui en vouloir. Il faut dire que la notoriété de Soledad jouait beaucoup pour attirer les gens. Elle y dansait et chantait pour s'amuser mais c'était tout un avantage pour la caseta familiale Castejón.
La soirée battait son plein. Chant, danse, nourriture, boisson...Soledad s'était parée de sa plus belle robe, ajoutant des fleurs semblables à des flammes dans son chignon soigné. Il était assez tard lorsque la jeune femme décida de quitter les siens, presque au petit matin. L'appartement de l'andalouse n'était pas très loin du Real, alors sur le chemin, elle retira ses chaussures à talons et continua pieds nus, talons en mains. Sa plante de pieds allait noicir mais qu'importe. Heureusement que toutes ses représentations officielles étaient terminées. Ce soir sera le grand final, avec les dernières danses, les derniers chants, les dernières beuveries. Le feu d'artifice sur le Guadalquivir signera la toute fin de la Feria. Mais en attendant d'être à ce soir, la danseuse méritait un long repos, quitte à être décalée dans son rythme jour/nuit.
Une fois arrivée chez elle, la demoisell déposa ses chaussures sans aucune grâce, se dirigea vers le frigo. L'ouvrant, elle ne prit même pas la peine de se prendre un verre d'eau, buvant directement à la bouteille. Peut-être qu'avec un peu d'eau fraîche, elle aura moins la gueule de bois au réveil ? C'était un moyen de se rassurer...Passant ses mains dans le dos, elle délaça sa robe au niveau de son dos, ouvrir la fermeture le long de sa taille, puis s'écroula dans son gigantesque canapé d'angle. Morphée ne tarda pas à accompagner son sommeil...
Ce fut le trou noir pendant un très long moment. C'était sûr et certain qu'elle avait abusé de la boisson, mais la sensation était différente, sans pourtant expliquer pourquoi. Ce n'était pas comme si elle le pouvait de toute façon. Dans l'obscurité onirique, Soledad réalisa qu'elle n'était pas vraiment seule. Elle pouvait sentir la présence d'une force élémentaire familière désormais, celle du feu. Seul point de lumière dans ce monde de ténèbres, elle découvrit qu'elle était captive, entourée de flammes éthérées, comme les esprits du feu qu'elle avait rencontré, dansant doucement autour d'elle. Comme s'il s'agissait d'un rituel, petit à petit, le corps de l'andalouse se transforma, sa peau devenant noire telle du charbon, ses cheveux, des flammes et des cendres...Les pas des esprits ressemblaient au claquement monotone d'une charrette en bois, ainsi que des bruits de sabots tapant la terre et des pavés...Tout ceci était curieux...
Son réveil fut tout aussi étrange. Ses paupières se mirent à papillonner, le monde flou autour d'elle le restant une petite minute. Avant qu'elle ne puisse notifier son environnement, Soledad se plaqua les mains sur le visage, comme pour contenir une douleur subite au niveau du front.
- Oh...Ma tête...
Lorsque la jeune hispanique sortit enfin de sa torpeur, tout ce dont elle avait rêvé semblait réel. Les sons des sabots, le charrette...Elle étouffa un cri de surprise. Cela ne ressemblait en rien à Séville, ni même ses alentours, et l'homme qui conduisait la charrette était encapuchonné, impossible de voir de qui il s'agissait. Il ne prêtait pas attention à cette captive qui reprenait conscience. Soit...Elle pouvait essayer de s'enfuir, mais c'était risqué. Plutôt que de faire face au danger de la sorte, elle scella ses paupières une nouvelle fois, et se laissa bercer par les bruits alentours. Si cet homme ne lui avait rien fait jusque là, il ne ferait rien de suite. Du moins, elle l'espérait...
Une nouvelle fois, ce fut les ténèbres. Puis, un instant qui lui semblait être une éternité, Soledad ouvrit doucement les yeux. La chaleur d'un feu semblait lui caresser la peau. Quelques jurons dépassèrent la barrière de ses lèvres, jusqu'à ce qu'un autre type de « chant » ne s'en échappe subitement. Un sursaut la fit partir en arrière. Quoi ?
- Je suis encore en plein rêve, c'est ça ?
Ça ne pouvait être que ça. L'homme devant elle ne tenait pas du réel, et puis...Attendez, c'est l'hôpital qui se fout de la charité, là ! Elle avait beau être une célébrité du flamenco, elle n'en restait pas moins un esprit du feu également. En regardant autour d'elle, il était clair qu'elle n'était plus dans son incroyable sofa. Il n'y avait pas besoin de beaucoup de neurones pour comprendre ça.
- Suis-je vraiment en train de rêver ? , se murmura-t-elle encore une fois.
L'être devant elle était des plus intrigants. Il paraissait à un homme d'une bonne carrure, le visage à moitié croûté comme s'il était fait d'une pierre de lave et des yeux incandescents. On aurait dit la moitié d'une transformation en esprit du feu telle que Soledad connaissait. Le ton de l'homme semblait plus doux que l'aspect qu'il avait. Elle restait un peu à l'écart, pas certaine de si elle pouvait lui faire confiance. Après tout, ce n'était pas la première fois qu'elle était enlevée...
- Qui êtes-vous ? Et surtout, que me voulez-vous ?