Pour autant qu’il sache, la neige n’était point un élément dans lequel les reptiles se montraient particulièrement à l’aise. Même sous sa forme humaine, il ne pensait pas être en mesure de tenir bien longtemps sans s’asperger de ses propres flammes régulièrement, entretenant par là même son impression d’être glacé jusqu’à la moelle. Et bien sur, il n’avait pas vraiment de vêtements parfaitement ignifugés, cela se remarquait fortement au niveau de sa longue veste de couleur vert bouteille des marques de roussis dues aux flammes. Enfin, ainsi son sang restait bien chaud et donc il pouvait se déplacer non sans mal. Le blizzard n’aidait pas à la survie et il avait du abattre son étalon quand il s’était mis à crever de faim. Une si belle bête… en trouver un d’une obéissance et d’une valeur équivalente serait particulièrement ardu, mais peut être devrait-il retrouver le cheptel sauvage d’où il l’avait issu… Au moins, pendant une nuit, il avait dormi au chaud dans le ventre de l’animal. Mais depuis, outre le roussi, des traces de sang étaient affichées et il avait une légère odeur de boyaux… Il regarda autour de lui pour trouver un point de repère et continuer à se diriger vers le sud, vers la chaleur, mais avec cette tempête, on ne voyait pas à un mètre de soi…
Il n’espérait pas s’en sortir vite et envisageait presque de faire comme ces animaux primitifs : creuser la neige pour s’y blottir. Il faisait plus chaud dedans que dehors. Oui, dans un trou de neige, plus chaud qu’en pleine tempête, cherchez la logique, lui il ne la voyait pas. Mais si ça marchait, il était prêt à le faire sans hésitation. Mais pour le moment, continuer à marcher, en tâchant d’avoir des points de repères… il était plus ou moins perdu lui-même ici, et son instinct avait pris la clef des champs en même temps que sa volonté de chercher un abri. Peu à peu, son corps s’engourdissait et ses penses suivaient le même chemin. Il exhala des flammes pour se réchauffer, mais il n’espérait pas sincèrement tenir longtemps à ce rythme, malgré toute la prudence qu’il prenait.
Le troisième jour ainsi, excédé, il prit sa forme draconique pour s’envoler et tenter de percer les nuages. Peine perdue, en revenant sous sa forme originelle, il fut paralysé par le froid, et il mit, malgré le fait que la tempête se calme, une demie journée à reprendre son apparence humaine. Le temps de se remettre en route, deux heures après cela. Difficilement, il se remit en route, lentement, chaque pas lui demandait un gros effort. Son sang se glaçait dans ses veines.
Entendant un bruit, comme un écho de voix dans la tempête, il se dirigea par là bas, sait-on jamais qu’il s’agisse d’une auberge ou d’une taverne ou même une villégiature isolée qui offrirait gîte et couvert à un étranger prêt à payer pour ça. Il s’y rendit, en tentant de forcer la cadence, quand il sentit quelque chose de froid et dur – du métal- contre sa nuque, malgré les cheveux. Il renifla à pleins poumons, se figeant toutefois pour ne pas l’inciter à tirer. Il se régénérait trop lentement et trop douloureusement à son gout, et avec le froid en prime cela prendrait encore plus de temps.
En ayant inspiré à plein poumons, il avait capté diverses odeurs, d’abord celle de la personne qu’il avait dans le dos, déjà, et autant vous dire qu’il n’était pas habitué à sentir un truc comme cela d’habitude, l’odeur des humanoïdes était à saliver. Cela lui donnait faim. Mais là, pas cette fois, car l’odeur avait une touche légèrement différente… la seconde odeur à lui venir venait de l’est, c’était une odeur de rôti, très légère, très diffuse, mais néanmoins très présente. Finalement ; il leva les bras au dessus de sa tête, très lentement, pour montrer qu’il n’était pas armé, écartant bien les doigts pour se faire. Lui, voyait biend ans le noir, peut être pas elle !
« Du calme, du calme, avec ce froid, si j’étais vous je rangerai cette arme, voire je la lâcherais tout de suite parce que sinon, elle va vous coller à la main et vous devrez vous arracher toute la peau de la paume de la main, et accessoirement, une partie de la peau de ma nuque. Et Armand Saint-André tient à sa peau ! »
Très, très, lentement, il se retourna vers elle pour la regarder dans les yeux.
« Et de toute manière, vous ne me tuerez pas ! »
Et le pire, c’était que c’était vrai !