La vampiresse ne s’était certes pas attendue à ce que son compagnon la félicite pour sa brillante initiative, mais elle n’aurait pas pensé qu’à la place, elle se ferait durement sermonner. Elle venait de leur sauver momentanément la vie, leur accordant un répit nécessaire tant stratégiquement que physiquement, et le schtroumpf grincheux passait à l’action pour lui reprocher son aide ? Il traitait ce qu’elle venait de faire de nécromancie, lui disant que cela allait perturber l’ordre des choses, voire l’âme qu’elle avait ramenée… Il imaginait des scénarios mettant en scène cette dernière avec une éternelle tristesse… Kira soupira un peu. Elle-même avait bien été ramenée par ce même biais et elle ne s’en portait pas plus mal, au contraire. Elle pétait la forme, même. La jeune femme croisa les bras en écoutant Crony raconter sa vision apocalyptique des choses. En gros elle était une pétasse qui avait condamné une âme innocente à souffrir le martyr et ce pour toute l’éternité. Cool story bro’. Ah tiens, en plus, « un monstre ». Un monstre. Le robot ne sembla pas s’apercevoir du regard lourd de reproches que lui portait la jolie brune. Si on suivait sa logique, elle-même était un monstre. Ainsi, c’était comme cela que son prétendu ami la voyait. Un monstre. Cette créature qu’elle avait créée, cette goule… De vivant en elle, il n’y avait que son corps. Pour l’instant. Si Kira avait véritablement voulu la ramener comme elle-même l’avait été, il aurait fallut qu’elle la vide de son sang et qu’elle lui fasse avaler la moitié voire plus du sien. Elles auraient dû dormir ensemble, comme une lune de miel un tantinet morbide. Un peu court, ces deux minutes, pour faire tout ça. Non, du point de vue de la vampiresse, la goule n’était qu’un corps animé par la magie du sang qu’elle y avait déversé. Lorsque ce sang serait évaporé par les efforts prodigués, la goule retomberait à terre, aussi inerte qu’avant d’avoir entamé le combat contre la chimère. Son âme resterait au paradis –ou en enfer, ne nous avançons pas trop quant à ça. Elle aurait de charmants bébés âmes après avoir rencontré son âme charmante. Quoi, ce n’était pas ainsi qu’était la mort ? Mea culpa. Il faut dire que je n’y ai jamais foutu les pieds. Mon domaine, c’est juste la « non vie ». Ça se rapproche mais visiblement ce n’est pas la même chose. Comme quoi.
Tandis que ces pensées cyniques traversaient la jeune femme, il faut avouer qu’au moins trois bonnes secondes s’étaient écoulées. Cela peut paraître peu, mais quand on est éternel, qu’aucune barrière physique ne nous retient de nous épanouir intellectuellement parlant, il peut arriver que l’on pense à la vitesse de la lumière. Après tout, la vampiresse pouvait bien se mouvoir à cette vitesse, pourquoi pas les informations circulant dans ses neurones ? C’est d’ailleurs à ce moment que Kira se rendit compte que son compagnon avait cessé de lui faire trois mille reproches tout en se faisant des films tout seul –merveilleux anachronisme, ne trouvez-vous pas ? Il faut croire qu’à l’époque, nos ancêtres avaient beaucoup moins de possibilités d’expressions que nous. Reportant son attention à la situation présente, elle regarda celui qu’elle croyait être son ami. Lui-même était occupé à dévisager la goule, puis la chimère, à tour de rôle. Devait-elle lui apporter du pop corn ? Elle ne la voyait pas, mais elle pouvait être sûre qu’une ampoule s’illuminait juste au-dessus du ciboulot du mécha. C’est alors que ce dernier s’adressa mentalement à elle. Dieu merci, il n’avait pu entendre les pensées ironiques de sa compagne de voyage. Alors, en gros, son plan : tuer la création de la vampiresse –En gros, les peintres ont leur peinture conservée au musée, les sculpteurs pareils, Tal on garde ses gargouillements pour laver le cerveau des trop simples d’esprit, mais les goules des vampires on doit les détruire ? Pas gentil-, tandis que cette dernière, libre de ses actions telle une gazelle en pleine brousse, devrait se charger du vrai monstre. Juste répartition des tâches, on sent bien le machisme « Toi femme faire ménage, vaisselle et bouffe et moi homme regarder télé et éventuellement tondre la pelouse pour montrer que je suis un vrai mâle viril ». Dieu, quel monde cruel envers les femmes. Vive les révolution des sexes –Petit passage féministe bonjour. Bon, le grand manitou avait parlé, elle n’avait plus qu’à obéir. Pour parfaire le tout, ce fut lui qui donna le signe de départ. Lui demander si elle était prête, si elle avait des questions, si elle avait fait pipi avant de partir, si… ? Non ? D’accord.
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La jeune femme sembla oublier toutes ces pensées d’un coup d’un seul, se concentrant désormais uniquement sur sa proie. Un petit sourire carnassier fit son apparition sur ses lèvres, tandis qu’elle montrait les crocs, de longues canines blanches et tranchantes. Un petit feulement rageur s’en échappa, tandis que ses pupilles se rétractaient à la manière des félins lorsqu’ils ont repéré une souris un peu trop inconsciente. Humant l’air, se focalisant entièrement sur sa future victime… Rien n’existait plus désormais, sinon le chasseur et la proie. S’élançant alors en direction du vrai monstre, Kira profita que ce dernier soit distrait par autre chose –il porta un coup à un autre pion- afin de se jeter sur son dos une nouvelle fois. Le griffant sur un bon mètre carré de muscles et de chair, elle fit un petit salto arrière avant de se poser sur un sol rocheux qui la réceptionna bien malgré un petit dérapage contrôlé. La classe. C’est alors qu’une douleur fulgurante traversa son corps. Comme si un millier d’aiguilles s’enfonçaient dans sa chair sans protection. Un petit cri de douleur s’échappa de ses lèvres déliées, tandis qu’une vive lumière s’échappait d’un corps, plus loin. Sa création s’en était allée à l’état de poussière… Un autre cri, rageur cette fois, lui échappa. Un cri bestial, incontrôlé. Les vampires ont une grande notion quant à la famille, et ils ressentent vivement la mort de l’un d’entre eux lorsqu’ils l’ont créé. Où qu’il soit. Kira avait souffert de cette perte, et cela avait affecté son moral, la rendant encore plus agressive qu’auparavant. Sortant son katana qui jusque là était resté bien gentiment contre son dos, elle fonça sur la chimère, n’entendant même pas le robot. Au dernier moment, elle se demanda pourquoi elle avait envie de viser la tête supérieure. Même, elle se fit la réflexion que cela l’amuserait de contredire cette pensée et de frapper l’inférieure. Ce qu’elle fit. Son katana s’abattit sur la tête, la frappant en plein milieu du visage. Une traînée noirâtre de sang s’en écoula, tandis que la vampiresse exécutait un bon en arrière afin de s’en éloigner, par pure mesure de précaution. Cependant, sa soif de sang ne s’était pas calmée. Elle voulait plus… Plus de carnage. Elle voulait en finir avec ce monstre dégoûtant qui s’était permis de l’humilier en la jetant à terre telle une simple poupée de chiffon.
Bizarrement, elle n’eut pas besoin d’agir. Du moins pas au début. La tête supérieure, ses bras surtout, se mouvaient d’eux-mêmes. Elle leva bien haut son sceptre… Puis l’abattit sur l’inférieure. Recommençant ce procédé plusieurs fois, elle finit par faire gicler des morceaux –ou plutôt de la bouillie, pour plus de précision- d’os, de cervelle et de chair un peu partout. Trouvant cela assez écœurant, notre jeune femme leva son katana puis décapita carrément la chose, qui s’écrasa au sol avec un petit bruit spongieux. Bon appétit. Levant alors les yeux vers la chimère, ou du moins ce qu’il en restait, elle vit que cette dernière semblait plutôt contente. Du moins elle se trémoussait de manière peu convenable. C’est alors qu’elle s’adressa à eux :
- Finis le travail. Venge nos enfants… Et détruis-moi. Je ne peux pas demeurer sous cette forme démoniaque…
Se demandant à qui il s’adressait, Kira se tourna du côté vers lequel regardait la chimère. Crony. C’est alors qu’elle revint sur terre. S’éloignant pour le laisser s’occuper de tout ça, elle replongea dans des pensées plus pacifiques, mais néanmoins pleines de reproches. S’avançant vers son fils, elle détruisit sa protection et le prit dans ses bras avant de se rapprocher de son compagnon de voyage. Ses yeux semblaient comme voilés… Un monstre. Du point de vue de Crony, ils ne devaient être que des monstres, bons à détruire, tout comme la goule. Ils n’étaient pas différents de cette dernière, après tout. Un petit rictus s’établit sur les lèvres vampiriques. Néanmoins, elle se passa la main sur le visage, le frottant d’un air las. La petite grimace disparut, sans entraîner avec elle les pensées qui l’avaient fait apparaître, cependant. Était-elle réellement un monstre ? Dans ce cas, elle ferait mieux de mourir, tout comme sa création. Elle n’en avait pas envie, certes, mais elle ne voyait pas pourquoi elle serait épargnée tandis que d’autres êtres comme elle ne le seraient pas. Soupirant un peu, elle n’osa plus regarder le robot. Son « ami »… Un vrai ami considère-t’il son compagnon comme un monstre bon à détruire ? De toute façon, son âme à elle n’était plus en mesure d’atteindre le paradis. De plus, elle avait une place réservée en enfer, éventuellement dans le lit du maître de ces derniers. Elle n’y serait peut-être pas si mal, après tout… Songeant de nouveau au plaisir qu’elle avait éprouvé dans de tels bras, où la souffrance lui avait semblé exquise, Kira joua avec une de ses mèches, la tordant dans tous les sens, rêveuse. Thanatos était un bon dieu, et un bon amant. De plus, elle ne savait toujours pas ce qu’elle éprouvait pour ce dernier. C’était la première fois qu’elle s’était sentie aussi attirée par un être, et elle était retournée plusieurs fois le voir, oubliant toute fierté. Était-ce cela, les sentiments ? Elle ne le savait pas. Elle ne savait rien. Elle n’était pas humaine, du moins ne l’était plus. Levant un petit regard hésitant sur le robot, le contemplant sans vraiment le voir, elle se demanda si cela le dérangerait vraiment de continuer sa route sans un monstre, comme il disait si bien. Elle pouvait lui faire le plaisir de descendre directement aux enfers, même. Tandis qu’elle avait ces pensées, une fumée sombre mais bleutée s’éleva au niveau de ses chevilles, l’entourant calmement, prouvant que le dieu était toujours à son écoute. La brume la titilla un peu, et des souvenirs torrides revinrent à l’esprit de la jolie vampiresse. Elle se voyait, regardant dans un miroir richement décoré, son corps nu parcouru par des mains habiles et griffues. Des mains qui lacéraient doucement sa peau nacrée, et qui, arrivant au niveau de la poitrine, emprisonnèrent ses seins dans une étreinte douloureuse mais qui arracha un petit soupir de plaisir à la victime, tandis que l’homme brun derrière elle souriait avec satisfaction, la regardant comme une de ses possessions. Revenant à la réalité, Kira ne se rendit pas compte que ce petit soupir s’était réellement échappé de ses lèvres, et détourna le regard avec gêne. La brume s’agitait toujours autour de ses chevilles, comme pour l’inciter à des pensées plus vives encore. Oui, pourquoi pas… Retourner dans le monde des monstres comme elle. Regardant le robot, elle demanda, l’air ailleurs, songeant de plus en plus qu'il s'agissait de la meilleure décision qu'elle pouvait avoir :
- Tu comptes faire quoi, maintenant ?
[HRP:Si ya un truc que t'aimes pas, c'est tant pis pour toi. ;D]