Entre les bras de Sha, le chat semblait être aux paradis. Il existait une longue histoire d’amour entre les chats et les sorcières, qui avaient de multiples raisons d’être. Quand les humains avaient commencé à céder à la superstition idiote et à s’en prendre aux sorcières, ils avaient également pendu de nombreux chats, essentiellement les chats noirs, accusés d’être des créatures démoniaques. Un véritable carnage animalier, qui avait été fatal pour les humains, car, quand les épidémies de peste bubonique avaient éclaté, il n’y avait plus assez de chats pour chasser les souris. Au-delà de cette souffrance commune, il était généralement admis qu’un chat était un coéquipier assez pratique pour une sorcière. C’était leurs yeux qui avaient tant fasciné les anciennes peuplades. Un chat était comme une éponge, capable de détecter et de récupérer les énergies négatives figurant dans un lieu, et de les évacuer. C’était d’ailleurs pour cette raison, que, parfois, quand on sollicitait les services d’une sorcière pour purifier une zone, cette dernière venait avec un chat.
Pour résumer, Sha aimait donc beaucoup les matous, et caressait tendrement celui-là, qui, reconnaissant en elle la Déesse des Sorcières, ne pouvait que se plaire dans ses bras. Pour autant, elle n’en oubliait pas Konoka. La jeune sorcière la suivit pendant que Sha déambulait dans le couloir. La jeune femme lui demanda alors de l’aide pour retrouver le souvenir de ses vies antérieures.
« Il existe des rituels, commença Sha, mais la mémoire antérieure n’est pas chose aisée à débloquer. L’âme, vois-tu, est comme une rivière, et, à chaque fois que le corps meure, c’est comme si cette rivière suivait une inclinaison et partait dans un autre sens. Tu peux remonter la rivière, mais je ne peux pas en garantir totalement le succès. »
Sha rejoignit une porte, qui s’ouvrit toute seule, donnant sur une sorte de cour intérieure, un agréable jardin avec une fontaine au milieu, des plantes vertes, des arbres, le tout s’articulant autour d’arcades... Le petit chat s’échappa alors des bras de Sha, redressant la tête, rejoignant les multiples autres chats qui figuraient ici, donnant lieu à un concert de miaulements et de petits corps poilus venant se frotter contre les jambes de l’Ombre. Cette dernière leur sourit, tout en reprenant ses explications :
« Je sens en toi quelque chose de particulier, Konoka. La magie est puissante en toi, même si tu l’ignorais, jusqu’à ce que ces fanatiques zélotes ne t’attaquent. »
C’était quelque chose d’assez courant, ce qui signifiait que, dans l’une de ses vies antérieures, Konoka avait dû être une puissante sorcière. Hélas, comme dans bien d’autres situations, Sha souffrait, elle aussi, d’amnésie. Elle ne se rappelait plus exactement de ce qu’elle avait fait avant d’être bannie, les souvenirs s’estompant.
« La magie peut bien des choses, Konoka, mais pas encore l’impossible. Ce que je veux dire, c’est que tu es née avec des pouvoirs magiques bloqués en toi. Tu n’es pas la première sorcière à renaître en reniant ton héritage, mais je ne peux pas garantir que des rituels fonctionneront, car il faut aussi que, toi, en ton for intérieur, tu aies envie de savoir qui tu étais auparavant. Tu comprends ? »
Comme tout ça devait être assez confus, Sha reprit, tout en s’asseyant sur un banc, et en voyant un nouveau chat, bien noir (ses préférés) lui sauter sur les cuisses.
« Le lien avec la magie survit à la mort, Konoka. Tu n’as... Tu n’as jamais eu de manifestations au cours de ta vie ? La magie a toujours été en toi, depuis ta naissance... Elle se manifeste parfois de façon totalement incontrôlable. Alors... Avant de m’appeler à l’aide, il ne t’est jamais rien arrivé de... De paranormal ? D’inexplicable ? »
Avant d’agir, il fallait réussir à cerner précisément le problème.