Le vent soufflait dans la forêt...
Au-dehors, le ciel s'assombrissait. Les grandes fenêtres laissaient passer les dernières lueurs du jour dans la pièce. Le grand lustre était déjà allumé, et éclairait le grand tapis rouge brodé d'or qui allait du trône à la porte d'entrée. La pièce était munie de grandes colonnes gravées, les murs ornés de tapisseries ravissantes. Sur le trône de marbre dont les bras étaient incrustés de rubis, Lord Slaver consultait la presse de Nexus, un article très intéressant qui parlait du marché aux esclaves, des cours de la marchandise et aussi et surtout de son étal qui se distinguait des autres par sa qualité. Sa main gauche allait de temps en temps caresser la tête de la Neko qui étaient enchaînée au mur à côté d'elle, et qui lui servait pour le moment d'animal de compagnie. Elle poussa un petit "nyah" satisfait et ronronna.
La porte au fond de la salle s'ouvrit soudainement, ce qui fit sursauter la pauvre esclave alors que son maître ne cillait pas. Six terranides entrèrent, tenus en laisse par un clone. Ils semblaient assez fatigués du voyage, et leurs vêtements étaient déchirés. La Neko de compagnie les regardait un par un en faisant la moue. Le seigneur se leva et s'approcha:
"Hé bien, ce fut un long voyage, mais vous voilà finalement arrivés n'est-ce pas?"
Les nouveaux esclaves durent surpris de voir que le maître des lieux était identique à celui qui les avait capturés et amenés dans cette petite forteresse secrète. Théo sourit, et dégaina son douze coups.
"Bien, dorénavant chaque fois que vous me verrez, vous m'obéirez aveuglément. Chaque fois que vous me parlerez, vous me vouvoierez et m’appellerez my lord. Understood?"
Comme personne ne répondait, il braqua son arme sur une Kitsune. Elle paniqua, et commença à gémir. Il se répéta:
"Understood?"
La jeune femme bredouilla, et se reprit quand son nouveau maître posa le pouce sur le percuteur. Le clone qui l'avait amenée ici avait abattu son père de sang-froid. Elle répondit:
"O-Oui... Je vous ai compris, my lord!"
Il retira son arme et afficha un sourire paternel. Le clone retira les chaînes des terranides, et cinq autres copies apparurent.
"Bien, dans ce cas je vais vous mener à vos appartements..."
Il retourna s'asseoir tandis que les autres Théo tenaient les marchandises par le bras et quittaient la pièce.
La pièce en question se situait au quatrième étage d'un donjon, lui même au milieu d'une cour bordée par des murailles, au pied desquelles il y avait des douves qui menaient à des pieux. La porte d'entrée était au bout d'un long pont de pierre qui les surmontait, et était gardée par deux clones. D'autres étaient postés sur les murailles, dans la cour, dans la tour de guet, pendant que les esclaves s'occupaient de l'entretien de leur propre prison sous la surveillance de Lord Slaver. Ils n'avaient jamais un moment d'intimité, même pour aller aux toilettes. A vrai dire il était plus difficile de sortir que d'entrer. Cette forteresse était l'un des "entrepôts de marchandises" de l'esclavagiste, qui en possédait une trentaine comme ça un peu partout sur Terra. Celle-ci était cachée au cœur d'une vaste forêt.
"Nice weather..."
La brise de fin de soirée était rafraichissante. Théo, à son poste de garde sur les créneaux, profitait du climat local. Il faisait un peu chaud, mais le vent soufflant apportait un peu de fraîcheur. Rien en vue, rien de suspect dans la forêt aux alentours, rien près des douves, rien. A quelques mètres à sa gauche, il faisait la même constatation. Celui-là venait de relever le poste, et avait une vue sur le lac. Rien à signaler non plus, et puis, l'instant d'après, plus rien du tout. L'âme de Lord Slaver avait coupé le lien avec ce corps, et son clone l’aperçut en train de tomber dans la mer de pieux du fond des douves. Puis plus rien non plus, et il chuta à son tour.
"Nelly, nous avons un invité surprise, I guess..."
L'esclave relevait la tête en poussant un "nyaaah?" d'incompréhension, puis son seigneur sourit. Il fallait véritablement être un abruti pour venir ici. Non, il fallait être un abruti pour s'en prendre à l'empire de Lord Slaver, l'homme que les Dieux ne sauraient tuer. Sur quoi allait-il tomber cette fois, des "robin des bois" de l'esclavage? Des hommes de main envoyés par un concurrent? Un aventurier solitaire qui jouait les héros? Son rire résonna dans toute la pièce. La Neko ne comprenait pas tout, mais elle recommença à ronronner quand il reprit ses caresses.
Entretemps, deux autres clones avaient été décapités. Bah, c'était pas vraiment un soucis, ils n'avaient pas eu le temps de souffrir. Et plus ils mourraient, plus il était facile de suivre les déplacements de la nouvelle proie. Un autre Théo passait justement par là, accompagnant une esclave dans le couloir en la tenant par la taille. Celle-ci était une Ange, et par conséquent une marchandise précieuse. Elle discutait de sa vie passée avec son maître, quand il s'arrêta net et sortit son douze coup. Un peu apeurée, elle demanda:
"Q-Que se passe-t-il My Lord? Vous ai-je contrarié?"
Sa main glissa de sa hanche jusqu'à ses lèvres où il posa juste son index, aux aguets. Il n'y avait aucun bruit, tout était très calme. Mais il savait qu'il devait être par ici, et par conséquent qu'il rôdait. Sur le territoire de Lord Slaver, on ne pouvait prendre le risque de fuir sans précautions. Ou alors, on se faisait bêtement avoir.
"Allez, sors, je sais que tu es dans le coin!"
La voix était venue de derrière elle et la jeune esclave se retournait: un autre maître était apparu, et surveillait leurs arrières. Il n'était pas question de mettre en danger un Ange.
Nathéo tombait soudain, un autre corps sans vie. Alors que la pauvre esclave échappait un cri de stupeur, l'autre copie de son maître se mit à sourire. Il jeta un bref coup d’œil sur le cadavre de son clone, et vit ce qui l'avait tué. Il comprit alors d'où ça venait, et recula en entraînant l'Ange avec lui. Trois clones le dépassèrent et se dirigèrent vers l'alcôve plongée dans les ombres. Ils y trouvèrent l'intrus, qui s'avéra être une demoiselle, fort bien armée. Mais son équipement, aussi impressionnant soit-il, ne serait pas assez efficace pour lui permettre d'éviter ou d'encaisser la moindre balle des trois armes braquées sur elle, ni même de répliquer avant que les projectiles de métal ne percent sa chair fragile de femme. Par méfiance, un quatrième et un cinquième Théo apparurent, tandis que l'autre disparaissait dans le couloir avec la marchandise. Les jeux étaient faits. Les cinq clones qui tenaient Innana en joue souriaient gentiment. L'un d'eux parla:
"Je crois que les jeux sont faits lady. Je suis assez impressionné que vous ayez réussi à pénétrer cet endroit sans vous faire voir, cependant dès l'instant où vous avez commencé à tuer mes copies, je n'avais pas trop de difficultés à suivre vos déplacements."
L'un des Théo s'avança et attrapa l'intruse par le bras pour la relever. Un autre lui attrapa le poignet, et un autre s'occupa de la désarmer, pendant que les deux autres restaient concentrés, prêts à tirer au moindre comportement suspect. Et vu leur puissance de feu, une rotule et un coude pouvaient rapidement s'envoler.
"Non, en réalité je suis impressionné que vous ayez assez de cran pour attaquer seule mon empire, je suppose que vous n'avez eu de moi que de vagues ouï-dires. Mais je ne sais pas si je dois applaudir votre bravoure ou rire de votre folie."
Au terme de la fouille, Lord Slaver trouva des javelots rétractables, des canons lanceurs de dards, et une épée. Sacré arsenal, mais il avait laissé la bourse et la lanière, prenant cela pour de l'argent et un ornement au bref coup d’œil. Il s'en occuperait plus tard, quand il s'agirait de la changer. Il ne pouvait pas la laisser dans une armure cloutée sans rien faire, c'était évident. Et puis l'idée de la garder lui avait traversé l'esprit, ses yeux, sa peau, ses formes... Avec un peu d'éducation, elle serait peut-être digne de figurer sur les étals de Lord Slaver. Le clone qui l'avait fouillée daigna se présenter, pour en finir avec les formalités:
"Mon nom est Théo Penbar, vous devez me connaître sous le nom de Lord Slaver. Pour le moment considérez-moi comme votre hôte, même si vous n'êtes pas libre de vous promener où bon vous semble, obviously. Faute de cachots sordides et bourrés de vermine pestiférée, permettez-moi de vous mener à votre chambre."
Les autres s'écartèrent tous d'un pas et il lui saisit gentiment la main, sans forcer. Les deux autres baissèrent leurs armes et la gardèrent bien en main, un autre disparaissait, et le dernier s'en allait avec les effets personnels d'Inanna. Ils étaient maintenant là, main dans la main, escortés par deux gardes arme en main. Il ajouta en souriant:
"Je daigne vous tenir compagnie, mais je vous prie de ne pas faire d'idioties. Il est des moyens fort désagréables pour moi et pour vous -surtout pour vous- de sanctionner la moindre de vos petites fantaisies, et j'aimerais ne pas avoir à y recourir. Ma salle de torture est encore intacte et je n'ai jamais eu à m'en servir, j'aimerais qu'il en demeure ainsi."