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« le: vendredi 27 décembre 2013, 22:36:01 »
L'air froid capture mon souffle une fois mes lèvres franchies, le transformant en un nuage blanc qui se disperse et disparait. Je raffermis ma prise sur la pierre, malgré sa dureté qui heurte mes mains gelées, recouvertes qu'à moitié par mes mitaines, et apprécie son contact qui m'ancre dans la réalité. En un regard, je parcours le ciel qui s'étale sous moi. Le paysage, en bas, s'abîme dans l'immensité qui me sépare du sol, et je n'en distingue rien d'autre que des couleurs floues. Autour de moi, quatre tours. Je m'accroche à la plus grande, celle du centre, ma prise sur son sommet étant la seule chose qui me sépare du vide, et de plusieurs kilomètres de chute.
Je suppose que n'importe qui aurait adoré cette sensation, seule dans le ciel, presque à toucher les nuages, se sentant tout petit face à l'univers. Je suis Jinx. Ma seule présence importe beaucoup plus que l'univers. Il m'en faut plus pour m'impressionner.
Je lâche une main, désormais seulement retenue par quelques doigts, et attrape dans ma poche le petit interrupteur qui rendra tout ceci bien meilleur... et bien plus explosif. La structure sous moi est vieille, et déserte. Enfin, l'était presque, mais j'ai chassé les derniers squatteurs avec des balles bien placées. C'est un sacrilège d'oser venir ici, sur le dernier vestige d'un royaume éteint, si ce n'est pour l'honorer.
Et exploser un truc est la plus belle des façon de l'honorer.
Jinx presse le détonateur.
Les explosifs placés partout dans les quatres tours sautent en même temps, projettant des tonnes de pierre et de poussière encore plus haut vers le ciel, dépassant la dernière tour restante, et surplombant maintenant la jeune fille. Celle-ci eut un sourire béat durant quelques secondes, avant d'éclater d'un rire hystérique en voyant l'énorme masse de pierre projetée en l'air se faire rattraper par la gravité et commencer leur lourde chute vers le sol. En l'heurtant, bien plus bas, la poussière dégagée est telle qu'elle remonte jusqu'à Jinx, la renvoyant dans son rire, qui secoue son corps avec une force qui manque de peu de la faire lâcher la pierre.
Et puis soudain...
Devant moi, immense et terrible.
- What...
Concentrée sur mon explosion, je ne l'avais pas vu arrivé. Battant des ailes à un rythme régulier de manière à se tenir face à moi, comme figé dans les airs, le dragon.
- ...the...
De ma main libre, je saisis le canon accroché dans mon dos, mais le dragon agit avant que j'ai pu en faire usage. Ses griffes (ou serres, qu'est-ce que j'en sais moi ?) agrippent la pierre de la tour juste en dessous de moi... Et décroche le sommet, avec moi qui me trouve dessus, et se barre dans le ciel avec.
- ...FUUUUUCK ?! C'est quoi ce délire ?
Sous la violence du choc, j'ai lâché mon canon, et je me retrouve maintenant enlevé par cette créature sans aucun moyen de me défendre... Enfin, je dois bien avoir une dizaine de flingues planqués sur moi, mais je doute que ça serve à quelque chose face à ce monstre. De plus, ses battements d'ailes l'amenant chaque fois plus haut, je commence à ressentir désagréablement le froid qui engourdit mes membres. Mon esprit aussi s'endort, à mesure que mon corps gèle, et c'est avec horreur que je plonge dans le sommeil, cramponnée à la pierre.
Première fois que je vole avec un dragon, et je rate ça en m'endormant. Bordel.
Une tour. Encore. Mais cette fois, prisonnière à l'intérieur.
Jinx y est bloquée depuis environ une semaine, et n'a depuis revu le dragon que les rares fois où il venait déposer dans sa chambre des morceaux de viandes saignantes. Chambre, qui, au passage, était pourvue d'un lit, de livres, décorée de rose et équipée d'une garde-robe complète digne d'une princesse de conte de fée (sérieusement ?). Enfin, l'était, avant que la prisonnière ne soit en manque d'explosion. Après avoir arraché toutes les pages des livres, ou les avoir lancés par la fenêtre depuis le balcon, déchiré chaque robe et détruit son lit à coup de pied. Un grand moment. Sauf que depuis, elle dormait par terre.
Un rugissement anormal du dragon, habituellement silencieux, me parvient dans mon demi-sommeil. Intriguée, et pressée d'avoir enfin de l'agitation, je sors sur le balcon afin d'essayer d'apercevoir quelque chose.