La mélodie entraînante du troubadour imprégnait l’humeur festive de la taverne. Je m’étais immiscée dans la foule joyeuse. Je l’avais discrètement traversée, vêtue d’une lourde cape et d’une capuche pesante sur ma chevelure bleutée. Je tirais sur l’extrémité pour en dissimuler mon visage quand enfin, une place assise libre se dévoila à mes yeux. D’un geste las, je tomba sur la chaise tirée. Les humains autour ne prêtèrent attention à ma présence. Une danseuse était montée sur une table et capturait leurs attentions malgré ses pas maladroits. Les pourboires tombaient à ses pieds. Tous récompensaient sa bonne volonté et son cœur à l’ouvrage. Mes iris flamboyants dégringolaient à leur tour sur sa silhouette. J’en comprends le charme mais de là à fasciner la taverne entière… Sont-ils si habitués à la médiocrité qu’ils en trouvent une beauté fascinante ?
Face à cette mascarade, j’en fais tomber sur mes épaules ma lourde capuche et ma cape déchoit sur le dossier de ma chaise. S’en relève ma beauté fantasmagorique. Ma longue crinière tombe jusqu’à mes fesses. Ma tenue de danseuse détourne l’attention des ivrognes. D’un simple haut, serré autour de ma poitrine voluptueuse et d’une jupe longue, la farandole de tissu laisse tout de même deviner les généreuses formes qui se cachent sous ses vêtements. Il n’y a besoin d’aucune vulgarité pour inspirer le désir chez les spectateurs en haleine. L’impatience sonne un silence impérieux dans la taverne. Le barde, la bouche grande ouverte, a décollé ses mains de son instrument, contribuant à cette atmosphère en suspens.
Un homme galant se lève. Le bruit grinçant de sa chaise transperce le silence de la taverne. Il me tend galamment sa main et m’aide à grimper d’un pas habile sur la table, devant nous. Le troubadour joue et je danse. Mes bras s’élèvent, mon bassin ondule lascivement. Les murmures sont tus mais les bouches demeurent grande ouverte. L’esprit s’échauffe dans une ambiance qui devient tout à coup sensuelle. La délicatesse de mes gestes, l’indécence de mon corps émeut et trouble les esprits faibles des humains. Un sourire s’étire. Mon égo en est flatté mais les avoir déjà tous à mes pieds d’un geste si bien exécuté en demeure d’un ennui profond. Cela demeure, jusqu’à ce que je remarque cet homme, plus sceptique.
Discret dans son coin, il en devient un défi qui fait vibrer mon âme.