« T'inquiète pas, au pire, je pourrais toujours me reposer pendant la journée. C'est pas vraiment comme si j'avais quelque-chose d'important à faire d'ici là, de toute façon » répondit la jeune fille avec optimisme.
À l'évidence, ce que pouvait faire l'hybride endormi l'inquiétait un peu moins que ce qu'il aurait pu faire éveillé. La confirmation d'Ernest et son retour dans un registre plus joyeux avaient paru suffire à apaiser les craintes d'Eve. Elle se cala sur sa couche et s'autorisa à fermer les yeux. Le ton qu'elle prit pour répondre à son compagnon de cellule était serein.
« Bientôt. Les lumières s'éteignent toutes seules. Essaie de prendre des forces pour demain Ernest. »
La prédiction se révéla exacte : une dizaine de minutes plus tard, les éclairages se coupèrent, plongeant la cellule dans un noir complet et dans un silence presque aussi total. La respiration d'Eve était légèrement sifflante, révélant l'état sans doute un peu précaire de ses voies aériennes. Elle avait arrêté de parler, moins parce qu'elle était fatiguée que parce qu'elle était consciente que l'hybride n'avait pas intérêt à veiller trop tard.
Fin de la première partie.
Lexique des personnages et éléments notables rencontrés, par ordre chronologique. En italique les informations a priori ignorées par le personnage principal.
Conducteur de taxi. Habitué du transport de personnalité sensible. Conduit une voiture blanches aux vitres teintées. D'une politesse distante. Malgré le peu d'informations révélées à son sujet, on peut estimer que l'Institut le considère comme digne de confiance. Il accompagne Ernest à sa consultation chez le psychologue Tobias Miller.
Tobias Miller. Psychologue d'Ernest, ami du professeur Xavier. Environ 30 ans, mince, cheveux bruns bouclés, lunettes rondes, air d'intellectuel propre sur lui. L'identité de Tobias se révélera en fait avoir été usurpée par le Mutant Blanc, qui l'utilise pour piéger Ernest. Le sort du véritable Tobias est inconnu.
William Schur. Collègue et ami d'enfance de Tobias. Son nom est aperçu sur la plaque à l'entrée du cabinet qu'il partage avec ce dernier. Il est supposé parti en vacances la veille de l'enlèvement d'Ernest.
Fertil&Co. Plus grosse entreprise étasunienne de production d'engrais. Le poison donné à Ernest était contenu dans une boîte estampillée du nom de la compagnie.
Le Mutant Blanc. Confrériste. Changeforme capable de persuader une partie de sa psyché qu'il est réellement la personne dont il dérobe la personnalité. D'un aspect âgé, albinos, de type plutôt hawaïen, décharné, la voix rauque. Après avoir piégé Ernest en se faisant passer pour Tobias Miller, il lui volera à son tour son identité, ainsi que sa montre.
Glucide. Confrériste. Colosse de deux mètres trente, d'une obésité surnaturelle, élocution saccadée. Peau élastique et recouverte d'une pellicule de gras. Travaille en duo avec Vein. Glucide déclare ressortir d'une infirmité de plusieurs années, conséquentes de son affrontement avec le X-men Béhémoth. Il participe au kidnapping d'Ernest.
Béhémoth (Links). X-Men. Ancien catcheur. Le Béhémoth est une figure presque légendaire pour les élèves de l'institut Xavier. Cette réputation doit beaucoup à sa disparition progressive des couloirs de l'institut. On ne sait pas exactement ce que fait le Béhémoth depuis plusieurs années.
Vein. Confrériste. Assez petit, peau pâle, regard sombre, canines développées. Manipule une énergie sombre qui lui permet au moins de matérialiser une griffe tranchante. Il se servira de ce pouvoir pour trancher la main d'Ernest et lui ôter sa montre. Il possède également un pouvoir de dématérialisation, qui lui a permis de transporter rapidement son compère Glucide et le mutant kidnappé.
Poissard. Surveillant. Vieil homme court sur pattes, rondouillard. Porte un petit chapeau rond et des lunettes. Paraît fasciné par les jeux de cartes. Fait en permanence référence à Dieu ou à la providence. Travaille avec la Requine. Eve pense qu'il a un pouvoir concernant la chance.
Requine (Peggy). Surveillante. Femme grande, la trentaine, particulièrement musclée, la peau bleue et luisante, la mâchoire hypertrophiée et projetée en avant. Porte une tenue en latex et une grande carabine à la ceinture, identifiée par Eve comme tirant des décharges électriques. Travaille avec Poissard, qu'elle semble exécrer.
Eve. Détenue 000002. Jeune fille d'environ 15 ans. Nez très pointu en trompette, peau blanche, pommettes hautes et un peu rouges, grand yeux bleus, longue chevelure blond-roux. Deux grains de beauté discrets, proches de son oreille droite. Corps délicat mais amaigri et recouvert de multiples traces de coupures. L'une des détenues les plus anciennes, suite à des pressions des confréristes sur son père, patron d'un gros groupe industriel. Posséderait un pouvoir de guérison qui lui aurait été volé par les expériences menées sur elle. Attirances zoophiles. Amicale, c'est la compagne de cellule d'Ernest.
La cellule. Environ 8 mètres carrés. Peinture blanche des murs dévorée par l'humidité. Il y fait très chaud de jour comme de nuit (30°C). Une fente grillagée sur la porte, à environ un mètre cinquante du sol, par laquelle sont servis les repas. Évier, toilettes à la turc, lits superposés.
Le tissu recyclé. Matériau dans lequel sont fabriqués les draps et les habits des détenus. Très léger, bleu clair. Se déchire comme du papier, rendant les pendaisons difficiles.
Ming. Détenue 000009. Amie d'Eve, détenue assez ancienne. Elle disparaît le jour de l'arrivée d'Ernest, son cri est entendu depuis sa cellule, provenant d'une pièce rarement utilisée. La nouvelle attristera Eve. Son sort n'est pas connu des autres prisonniers. La Requine prétend qu'elle était là depuis trop longtemps, mais refuse d'en révéler plus.
Le jeu des trois cailloux. Activité principale d'Eve et d'Ernest pendant les périodes d'attente. Il se joue avec trois morceaux de tissu par personne, en général prélevé aux draps. Combine une part de chance, de bluff et de tactique.
Couloir et ascenseur. Une vingtaine de cellules dont toutes ne sont peut-être pas pleines. Dans l'ascenseur, huit bouton sur deux colonnes, une trappe de sécurité et un interphone. D'après la Requine, l'étage du dessous abriterait des détenus plus dangereux dans des champs de contrition.
Réceptionniste. Scientifique. Homme d'une cinquantaine d'années. Cheveux blonds et courts. Se charge de l’accueil derrière un pupitre.
JANUS. Intelligence artificielle se manifestant dans la salle éponyme par deux diodes bleues. Elle pose une série de questions à Ernest alors que celui-ci est prisonnier d'un fauteuil. Son détecteur de mensonges menace de sectionner des doigts en cas de mauvaise réponse. Finalement, elle marque à l'azote Ernest de son numéro : . Janus serait en fait piloté à tour de rôle par les différents scientifiques.
Richard Carval. Scientifique. Nouveau directeur. D'après la Requine, il est encore plus cruel que le précédent. D'après le réceptionniste, il porte un intérêt particulier à Ernest. Les autres scientifiques semblent le craindre. Le passé de Carval est trouble, mais les souvenirs terrifiants de deux semaines d'une ancienne détention lient Ernest à cet homme.
Les douches. Espace carrelé bleu terne comprenant quatre pièces, dont un placard contenant des sacs-poubelle, des toilettes et une salle de douche commune de 20 mètres carrés. Une légère moisissure noircit les joins.
Matt. Détenu 000014. Environ 17 ans. Visage agréable, cheveux blonds mi-longs, yeux verts, aucune pilosité, air un peu précieux mais sympathique et séduisant. Tempérament joueur et intelligent. Matt possède un pouvoir de téléportation qui lui donne beaucoup d'importance dans l'écosystème des détenus : il est capable d'amener de l'extérieur n'importe quel objet qu'il peut saisir avec une main. Se fait payer en localisations d'objets intéressants, ou en faveurs sexuelles. Ce commerce est toléré par les gardiens. Il fournira à Ernest sa prothèse, et lui avouera qu'un de ses objectifs est d'obtenir les charmes d'Eve. Eve, elle, pense qu'il s'agit d'un pervers, et l'évite.
Karen. Détenue 000024. Jeune femme latine, sud-américaine. Corps sculptural, longue chevelure noire. Karen a démontré des capacités d'hydrokinésie, dont elle se sert pour repousser le bossu. L'appartement de son frère contenait de la coke, information qu'elle a donnée à Loïc.
Loïc. Détenu 000026. Environ 20 ans, assez athlétique. Tatouage de tigre sur l'omoplate gauche. Visage doux, entouré de cheveux noirs, barbe clairsemée. Ancien élève de l'institut Xavier, il a reconnu Ernest sans paraître hostile à son égard. Déclare avoir été capturé au cours d'une mission. Capable de faire émerger des lames d'os de son corps, voire de les projeter. Il n'hésite pas en faire usage pour passer à tabac avec hargne le Bossu lorsque celui-ci s'en prend à Eve.
Mercure. Détenu 000021. Jeune homme de type japonais. Bon ami de Loïc, dont il partage la cellule.
Crazy. Détenue 000015. Jeune femme, cheveux rasés et peau parsemée d'entailles. Mutique depuis des expériences menées sur elle. Recroquevillée sous sa douche, Matt signale qu'elle était auparavant sa meilleure cliente.
Andrej. Détenu 000032. Mutant ukrainien. Trentenaire assez petit mais musclé, barbe noire, tatouages partout sur le corps, peu avenant. Présent dans la pièce de douche, Matt conseille à Ernest de ne pas trop le déranger.
Bossu et Margaret. Détenu 000034. Mutant courbé et difforme, sourd, à l'intelligence très limitée. Il semble posséder une seconde personnalité télépathe et beaucoup plus alerte, Margaret. Il tentera d'agresser successivement Karen et Eve avant d'être violemment rossé par Loïc.
Carlos. Détenu. Immense homme noir, montagne de muscles. Barbe épaisse et regard dur. À été mordu par Ernest dans le passé, ce qui l'a, au moins temporairement, transformé en bête enragée. Ancien confrériste, Carlos perpétré un attentat contre une église. Malgré les événements passés, il demande simplement de l'aider à Ernest pour s'évader.
Prothèse. Obtenue dans un hôpital par Matt, il s'agit d'un objet constitué de trois tiges métalliques. Légère, aspect médical, se referme grâce à un scratch. Permet de reproduire une pince rudimentaire.
Les cauchemars d’Ernest réduisirent en effet les chances qu’avaient Eve de passer une bonne nuit. Toutefois, celle-ci se garda bien de tenter de le réveiller, et supporta le sommeil agité de son compagnon de cellule. Elle avait envisagé de descendre pour le calmer si ses mauvais rêves devenaient trop violents, mais ce ne fut finalement pas nécessaire. L’hybride garda une assez bonne maîtrise de ses terreurs nocturnes pour ne pas trop inquiéter la jeune fille. De plus, le fait que le mutant se trouve sur la couche la plus basse réduisait les risques de mauvaise chute.
Huit heures précises après leur disparition, les lumières illuminèrent de nouveau la cellule, annonçant le retour d’un matin invérifiable. Au-dessus d’Ernest, Eve poussa un discret gémissement et fit légèrement remuer le lit superposé en s’étirant. Laissant passer quelques minutes durant lesquelles elle replongea par intermittence dans un semi-sommeil, elle finit par tenter à destination de l’occupant du dessous un :
« Pas trop mal dormi ? »
Encore quelques minutes, et elle descendit. Son visage était un peu fatigué, elle avait de légères cernes sous les yeux... mais elle avait toujours eu un air un peu maladif depuis le premier jour, ce qui rendait en définitive difficile l’estimation de la qualité de la nuit qu’elle venait de passer. La jeune fille sourit gentiment.
« Moi, ça a été. »
Elle se dirigea vers le robinet et but un peu d’eau. Au même moment, la porte s’ouvrit. La Requine, l’air mal réveillée, déposa par terre un plateau moins garni qu’à l’habitude. Elle annonça, la voix engourdie par le sommeil :
« Raton à jeun ce matin. ‘vous fait confiance. Reviens te chercher dans dix minutes. »
Eve ramassa le plateau, qui ne contenait en effet une unique portion – une tranche d’un fruit à la chair jaune et juteuse ressemblant à un ananas – pour une seule personne. Elle s’assit au pied du matelas d’Ernest. Elle rompit l’aliment en deux.
« On peut partager. Ils sauront rien de toute façon. »
Elle tendit une des deux demi-parts à son compagnon de cellule et avala l'autre en quelques bouchées. Le fruit avait en effet la même texture que l'ananas, mais était plus âcre. Comme les autres repas servis jusqu'ici, il n'était pas possible d'identifier les ingrédients, qui semblaient issus, si ce n'était d'un autre monde, au moins d'un autre continent.
« S'ils te veulent à jeun, c'est qu'ils vont te faire une prise de sang, je pense. C'est pas le plus désagréable. Peut-être ils te feront faire quelques autres tests physiques aussi. Tu vas t'en sortir ! »
« T'as raison, le nouveau docteur est pire que les autres. Mieux vaut ne pas l'énerver » admit Eve en hochant la tête et en croquant dans la deuxième demi-part.
Elle ne savait visiblement pas trop quoi dire d'autre, et devait appréhender presque autant qu'Ernest les dix minutes qui suivirent. Une fois son repas terminé, elle repoussa le plateau sur le côté. Elle resta silencieuse un moment.
« Je suis pas sûre que je récupérerais mon pouvoir un jour. J'ai pas eu d'amélioration depuis au moins une semaine. Peut-être ils ont tout pris » fit-elle du bout des lèvres.
La porte s'ouvrit de nouveau, et la gardienne mis un pied dans la cellule. Elle n'avait pas l'air beaucoup plus éveillée que lors de sa première apparition. Elle bailla.
« On y va mon rat.
– Bon courage Ernest. »
La Requine était peut-être encore moins vigilante que d'habitude : elle ne touchait pas l'hybride et ne le surveillait que d'un en apparence distrait. Lorsqu'il fut sortit, elle referma la porte sur Eve et jeta un regard mauvais à l'autre gardien, qui somnolait sur sa chaise. Elle leva légèrement la voix.
« Au secours raton m'attaque !
– Grand Dieu » gémit le vieil homme en sursautant.
Le mouvement de surprise qui l'agita le fit basculer en arrière. Réajustant seulement sa position sur le sol, il ne chercha pas à se relever immédiatement, mais parut passablement énervé par le réveil soudain.
« Mademoiselle, on ne fait pas ce genre de frayeur à quelqu'un de mon âge.
– À l'hospice vieux con, c'est là que tu devrais faire tes siestes. »
Elle lui tourna le dos et fit signe à Ernest de la suivre. Elle appela l'ascenseur et appuya sur un bouton, le troisième sur la colonne de gauche, qu'Ernest put se souvenir correspondant à l'étage des laboratoires. Le visage du réceptionniste, le même que la dernière fois – un cinquantenaire blond – lui confirma qu'il s'agissait bien du même étage. Il leur annonça immédiatement :
« Portu… »
La Requine trébucha sur la pourtant infime rainure séparant la cage d'ascenseur et le sol, s'étalant de tout son long. Le scientifique pouffa, la gardienne pesta. Aussitôt elle se releva sans utiliser ses bras, en une contorsion assez impressionnante qui ne laissait aucun doute sur sa souplesse et sa puissance musculaire. Le bout de son museau, la protubérance qui faisait office de nez sur son visage déformé, saignait un peu.
« Ta gueule.
– Portunus. »
Le réceptionniste se garda d'en rajouter et la Requine mena Ernest dans le couloir de gauche. Les mêmes deux portes que lors du précédent passage : PORTUNUS, JANUS. Cette fois, ce fut la première. Peggy laissa l'hybride de l'autre côté et referma, ajoutant seulement un conseil simple.
« Sois sage. »
La pièce était un peu plus grande que celle de l'intelligence artificielle, plus meublée aussi. En réalité, la couche en hauteur recouverte de plastique et l'ordinateur dans le fond la faisaient ressembler assez à un cabinet médical classique. Elle était éclairée par deux rangées de néons blafards au plafond. Plusieurs rangées d'armoires blanches sur les côtés ne détonnaient pas vraiment.
Une femme en blouse, entre deux âges, une queue de cheval châtain tirée en arrière, était présente. Elle était d'un physique assez quelconque, qui allait cependant bien avec sa fonction de médecin, des lunettes rectangulaires aux montures noires sur le nez. Ernest pouvait se souvenir l'avoir vue aux commandes d'un chariot de seringues la veille. Elle portait des gants verts assez épais, mais pas d'autre protection. Elle se leva du bureau auquel elle était assise.
« Bonjour Ernest, je suis le docteur Qwelbel. On va s'assurer que tu es en bonne santé, d'accord ? Ça ne devrait pas être trop long. Enlève tes vêtements et allonge-toi sur le lit, s'il te plaît. »
Sa voix était raisonnablement douce et assez maternante. Elle n'avait pas l'air trop stressée.
La doctoresse consulta brièvement son écran et s'avança tranquillement vers Ernest. Un petit morceau rond de plastique noir au niveau de son col ressemblait à un microphone. Arrivée près de l'hybride allongé, elle posa directement ses mains gantées sur ses épaules et se pencha.
« Alors Ernest, comment se passe ton séjour ici ? » l'interrogea-t-elle, alors qu'elle débutait l'examen. « Tu t'es fait des amis ? »
Elle laissa vagabonder ses doigts dans la fourrure grise, arpentant des épaules aux bras, puis revenant sur le torse et descendant. Elle auscultait en la frôlant la peau sous le pelage, s'arrêtant à la moindre cicatrice, et démêlant au passage les nœuds lorsqu'elle en trouvait.
« Des antécédents familiaux ? Des parents mutants ? »
Dans ses gestes, Qwelbel prenait son temps, et agissait avec la même douceur qu'un maître caressant un animal domestique. Seul le plastique de ses gants était un peu froide.
« Est-ce qu'il t'arrive de te brosser parfois ? Si tu veux, je dois pouvoir te donner de quoi. Tu ne te toilettes pas avec ta langue, non ? J'ai rencontré des hybrides qui faisaient ça. Attentions aux boules de poils, hein ?! Huhuhu. »
Lui faisant lever un bras, elle palpa l’aisselle, puis fit de même avec le second membre. Elle s'intéressa à l'intérieur de ses oreilles et reprit d'un ton plus passionné :
« La plupart des praticiens sont incapables de comprendre les mutants animaux dans ce qu'ils ont de particulier. Mais on m'a prévenu que tu n'étais pas un hybride comme les autres. Peut-être même pas un hybride du tout, si j'ai bien compris. J'ai insisté pour pouvoir t'examiner moi-même, malgré ça. C'est que je pense être la seule qualifiée pour ça. Retourne toi s'il te plaît. »
Elle saisit entre ses mains la queue rose et la parcourut brièvement, avant d'appuyer assez fermement au niveau des hanches pour cambrer Ernest et observer la posture du dos. Il y avait quelque-chose d'à la fois voyeur et tendre dans son regard. Imperturbable, elle continua.
« Assis s'il te plaît. C'est aussi ça qui fait la beauté de votre genre. La multiplicité des causes ! Un de mes patients est un mutant métamorphe bloqué sous la forme d'une souris, figure toi. Il fait parti des spécimens que j'ai mis à disposition de Carval, d'ailleurs, tu le rencontreras sûrement… Il est un peu plus jeune que toi, j'espère que vous deviendrez vite copains. Ouvre la bouche ? Dommage que Carval… »
Qwelbel s'interrompit et regarda d'un air sévère son micro. Elle se servit d'une petite lampe tubulaire pour examiner l'intérieur de la gorge et l'état des dents. La même lampe servit ensuite à tester la rétractation des pupilles.
« Enfin, tout pour la science, on trouve ses sujets où on peut. Je suis enthousiaste. Tu es un spécimen beaucoup plus unique : difficile à cloner correctement. Ça te rend précieux, évidemment. Ah, mais je l'aurais presque manqué. »
Ses yeux s'étaient arrêtés sur l'endroit où aurait dû se trouver la main manquante du mutant. Elle défit le bandage.
« Ben alors, comment tu t'es fait ça, Ernest ? »