Un super colocataire [Sentinel Prime]

Tessia avait passée une longue journée. Longue pour plusieurs raisons : Premièrement, c'était le dernier jours de la semaine et les élèves étaient toujours un peu plus dissipés et turbulents ce jours-là. Secondement, sa fille partait en weekend avec ses soumises pour une station thermale et ça avait été un peu le stress pour l’amener après les cours à l'heure pour attraper le train. Dernièrement, elle s'était retrouvée coincée dans les embouteillages en revenant de la gare et elle y avait passé un temps plus que conséquent, ne contribuant pas vraiment à son repos.

Elle sorti de ascenseur et s'engagea dans le couloir pour aller chez elle quand elle tomba nez-à-nez avec une paire de gros sacs de sports débordants d'affaires traînant sur le pallier des escaliers. Au bruit qui s'élevait de la cage desdits escaliers, elle comprit qu'il se passait quelque chose sortant des normes.

Elle jeta un coup d'oeil à l'intérieur et trouva un jeune homme, l'air passablement préoccupé, en train de regarder son téléphone d'un air plutôt ennuyé.

- Tiens ? Bonsoir Saul, le salua-t-elle avec un léger sourire, employant son prénom de manière familière. Alors cette collocation ? Tout se passe bien ? Demanda-t-elle en regardant les autres sacs peu ou prou remplis d'affaires qui s'entassaient dans l'escalier.

La venue du jeune homme dans l'immeuble avait été annoncée lors de l'avant-dernière réunion des locataires et il était venu se présenter à la dernière ui avait eu lieu en début de semaine. Tessia n'avait pas beaucoup eu l'occasion d'échanger avec lui lors de celle-ci, Monsieur Surikawa du deuxième étage ayant à nouveau insisté pour lui tenir compagnie et lui servir de chaperon une bonne partie de la soirée. Malgré ses cinquante-huit ans, ce dernier avait insisté lourdement sur le fait qu'au Japon, être mère célibataire était une situation difficile, qu'elle devrait se chercher un mari, tout en ventant relativement sa bonne condition financière, que son épouse était morte sans lui laisser d'enfants et qu'il trouvait sa fille charmante. Le vieil homme s'était d'ailleurs fait tout un sport de chasser les jeunes habitants mâles de l'immeuble des alentours immédiats de Tessia qui l'avait regardé faire d'un air amusée et compatissante.

Il n'avait pas l'ombre d'une chance avec elle, mais trouvait amusant de le regarder jouer les chevaliers servants à chaque réunion des locataires. Elle n'avait donc que peu échangé avec le jeune homme, guère plus que les politesses d'usage, juste assez pour connaître son prénom et vaguement son âge et lui avait souhaité bonne chance avec son colocataire qui avait la réputation d'être un peu négligé et asocial.

- Vous ramenez quelques affaires supplémentaires dans votre chambre ? S'intéressa-t-elle pour engager la conversation.

Hiderô Dada avait évité de justesse la défenestration, aujourd'hui. Cet étudiant était un cliché vivant de l'idée qu'on se faisait communément du geek nippon, avec son embonpoint marqué, ses grosses lunettes, ses boutons rouges et ses cheveux forcément un peu gras. Dans l'immeuble, il était connu pour être un voisin peu aimable et peu impliqué dans la vie communautaire en plus d'être catalogué comme "sale et négligé". Hormis pour se rendre à l'école pour ses études (dont personne ne savait trop sur quoi elles portaient), il ne sortait que dans le but de garnir son frigo de saloperies caloriques et pour acheter quelques revues porno. Autant dire que quand il avait signifié son intention de prendre un colocataire, nombreux avaient été ses voisins qui avaient grincé des dents. Quand tout le monde avait fait la connaissance de Saul, le soulagement avait été palpable. Loggia était décidé à ne pas faire de vagues -le type de la base spatiale qui lui avait dégotté le plan lui ayant expliqué qu'il ne retrouverait pas facilement de toit sur Terre si il se faisait virer de sa coloc'.
Bien qu'il ne s'entendait pas spécialement avec son compagnon de chambrée, la cohabitation marchait correctement. Jusqu'à cette fin d'après-midi durant laquelle Hiderô avait constaté une fuite de tuyauterie dans la salle de bains et s'était mis en tête de la réparer seul pour impressionner Saul. Au final, le bedonnant geek avait réussi à faire sauter assez de canalisations pour déclencher un dégât des eaux qui avait manqué de noyer les maigres possessions de l'extra-terrestre en plus de le tremper comme une soupe.

Son coup de colère avait été mémorable, à tel point qu'il s'était fait violence pour ne pas balancer Hiderô à travers la fenêtre de leur balcon. Il avait compensé en récupérant ses billes sous forme d'argent liquide, tapant au passage la console portable de son désormais ex-coloc'. Ses vociférations avaient roulé dans l'escalier pendant une bonne demie-heure et Saul s'était calmé en se posant dans les escaliers avec ses sacs, à la recherche d'un plan pour dormir. Il ne pourrait pas repartir vers la Base spatiale avant deux jours et ne connaissait personne sur Terre... Et c'était là-dessus qu'était arrivée Tessia, la voisine du dessous, la seule que connaissait vaguement Saul.

- Bien sûr que non, ça ne se passe pas bien ! Comment ça pourrait rouler avec un attardé pareil ? Il se désigna, ses fringues mouillées, son t-shirt blanc lui collant à la peau puisqu'il était chargé d'eau. Il a réussi à flinguer la plomberie de l'appart', ce con ! Alors non, je ramène aucun sac supplémentaire, je dégage ceux que j'avais !

Son petit coup de sang passé, Loggia soupira et ajusta sur son front ses éternelles lunettes rondes avant de se relever et d'aller vers la jeune femme. Poli mais pas très japonais, il vint lui faire la bise pour la saluer. Comme Tessia l'avait sûrement compris dès le début, Saul ne se souciait que peu du protocole et se montrait rapidement familier avec tout ce qui était féminin.

- Excusez moi. Et bonjour, tout de même...

Le portable qu'il avait en main sonna et Saul décrocha, s'écartant un instant de Tessia pour mener une rapide conversation. Encore une déception : son contact ne pouvait pas lui envoyer de navette et il n'y en avait aucune de prévue. Loggia avait un peu d'argent, mais les crédits stellaires n'avaient pas cours sur Terre. Et ce n'était pas avec les quelques yens qu'il avait sauvé du naufrage que l'ESPer allait pouvoir se payer l'hôtel pour deux nuits.
C'est alors que son regard croisa celui de Tessia. Et si....?

- Ecoutez, je sais que c'est délicat comme demande et un peu cavalier, mais est-ce que vous accepteriez de me prendre pour deux nuits ? J'ai un plan pour après, mais d'ici là je suis dans la merde. Je sais me tenir et je ne suis pas un ingrat; si je peux vous aider en retour, je le ferai.

Il n'aurait pas tenté de le proposer aux coincés qui peuplaient les autres étages, mais il lui semblait que Tessia était d'un calibre plus accessible. En plus d'être tout à fait désirable, ce qui lui conférait un capital sympathie assez conséquent auprès du gourmand de femmes qu'était Saul. Néanmoins, avant de penser à seulement lui passer une main au cul, il allait falloir se concentrer sur un besoin ô combien plus impérieux : se trouver un toit pour la nuit.
S'armant de son plus charmant sourire, il attendit la réponse de la prof'.

Tessia écouta le jeune homme, ne pouvant que difficilement retenir une moue amusée en l'entendant parler des soucis de plomberie dont il avait été l'infortunée victime. Elle regarda ensuite ses affaires d'un air compatissant. Elle pouvait comprendre ce genre de soucis, elle-même avait vécu en colocation pendant quelques années avec une étudiante un peu bordélique à ses débuts quand elle venait de s'incarner en Angleterre. Elle avait depuis appris qu'il était plus agréable de ne pas partager son habitat avec une autre personne quand vous n'étiez pas prêt à faire des compromis parfois plutôt imposants.

Et visiblement, la colocation s'était plutôt mal finie de ce qu'elle pouvait en juger. Elle laissa la mauvaise humeur de son interlocuteur lui glisser dessus comme de l'eau sur les rochers, car elle savait qu'elle ne lui était pas destinée. Le jeune homme poussa ensuite un grand soupir avant de se lever. Tessia ne cacha pas sa surprise quand il vint pour lui donner une bise en guise de bonjour. Elle n'avait plus fait la bise depuis son départ d'Angleterre, mais elle trouva l'attention charmante, alors elle la lui rendit. Elle n'avait de toute façon pas le type japonais avec ses quasi deux mètres de haut.

- Il n'y a pas de mal jeune homme. Je vous recommande néanmoins de ne pas apostropher tous ceux qui vous adressent la parole de la sorte, certains pourraient mal le prendre. Même si votre coup de sang semble mérité, il n'en est pas moi destiné à d'autres que moi.

Elle s'interrompit quand le téléphone sonna. Son interlocuteur décrocha presque immédiatement et elle leva les yeux au ciel.

Les jeunes d'aujourd'hui, toujours greffés à leurs téléphones comme s'ils étaient nés avec...

Elle vit alors le jeune homme se retourner et demander rien de moins que le droit de rester chez elle. Et deux nuits qui plus est.

Tessia ouvrit de grand yeux surpris. Intérieurement, elle eut envie de pousser un affreux juron. Elle se faisait passer pour une voisine idéale, aimable, serviable et tout, essentiellement pour éviter que l'on ne vienne fouiller dans ses affaires. Et voici qu'on lui demandais de l'aide mais pour précisément le genre de service qu'elle était plus que récalcitrante à rendre. Serait-il s'agit d'une jolie femme ou d'une gentille fille, elle n'y aurait pas réfléchis à plus de deux fois, mais il s'agissait ici d'un individu masculin. Fort, bien bâti, et de toute évidence un tombeur de femmes en puissance. Bref, rien de mieux pour lancer des rumeurs auprès du reste de l'immeuble si elle acceptait. Mais d'un autre côté, refuser dans la situation actuelle ne serait pas beaucoup mieux pour sa réputation.

Ce serait même probablement pire en fait, songea-t-elle.

La succube regarda les sacs et les cartons autour d'elle d'un air songeuse. Elle ne voyait rien de bien méchant. Pas même un début de magazine érotique. Et puis, Syria serait absente pour le weekend...

- Et bien, j'ai un canapé qui peut faire lit en cas de besoin... Réfléchit-elle à haute voix avant de reposer son regard sur son interlocuteur. Mais j'ai le sentiment que vous aurez sûrement plus besoin d'une bonne douche et de ma machine à laver le linge... Vos vêtement sont trempés comme une soupe.

Petit à petit, elle s'emparait de l'idée et la retournait dans tous les sens. Combien de temps cela faisait-il qu'elle n'avait pas eue un homme à la maison ? Il y avait bien eut ce "docteur" qui était passé en coup de vent, mais il n'était clairement pas le genre avec lequel la succube aurait pu envisager des folies. Tandis que là...

Il n'était vraiment pas désagréable à regarder, avait la musculature de quelqu'un de solide physiquement... Indéniablement jeune d'apparence, ce qui ne gâchait rien...

- Bon, d'accords pour ce weekend puisque ma fille n'est pas à la maison, sourit-elle aimablement. Vous préférez manger asiatique ou plus européen Saul ?

Ce disant elle empoigna l'un des sacs de sport qu'elle souleva malgré sa lourde charge et son apparence mince. C'était aussi une sorte d'avertissement tacite. Elle était très grande pour une femme, et elle avait aussi une certaine force dans les bras si le besoin s'en faisait sentir.

- J'habite au bout du palier. Suivez-moi, je vous ouvrirait la porte et vous pourrez ensuite terminer de transvaser vos affaires. Bienvenue chez moi, lui souhaita-t-elle avec un sourire charmant.

La réponse de Tessia resta suspendue un moment, qui sembla durer pour Saul une éternité. Il pouvait comprendre qu'elle refuse -comment gérer son image de vaillante mère célibataire très sérieuse en invitant un minet dans son genre à partager un bout de sa maison- mais pour lui, ce n'était pas le plus important. Il ne se voyait décidément pas à traîner pendant deux jours et deux nuits dans les rues de Seikusu, et puis... Bah, l'idée d'ajouter une femme mûre de ce calibre là à son tableau de chasse lui était furieusement séduisante. A la réunion des locataires, c'était la seule que Saul avait réellement daigné remarqué. Typée européenne, Tessia Alexanders possédait en outre un cul à tomber et des seins qu'on devinait fermes et naturellement hauts. De quoi attiser la convoitise de Saul, qui n'avait pourtant jamais tenté de l'approcher. Si elle n'avait pas été réceptive, qui sait comment cela aurait fini ?

Elle accepta à demi-mots et le visage de l'ESPer s'illumina quand elle évoqua la couchette et la machine à laver. Soulagé par la décision de Tessia qui ne l'abandonnait pas à son pauvre sort, Saul en oublia tout à fait sa libido et lui adressa le plus sincère des remerciements. Ses beaux yeux bleus parlèrent pour lui, mais il ne tarda pas à user de sa langue pour enfoncer le clou.

- Franchement, je me contenterai même d'un petit bout de votre moquette ! Mais une douche ainsi qu'un slip sec seraient un luxe que je ne refuserai certainement pas. Ça me laissera le temps de sécher le reste de mes fringues, en plus.

Sa pauvre garde-robe terrienne toute entière devait être à l'image de ce qu'il portait actuellement : des fripes froissées et chargées de flotte. Il tardait au jeune homme de se débarrasser ce ce t-shirt qui, si il lui faisait une belle musculature, lui collait désagréablement au corps. Comme son jean délavé et son boxer, en somme.
Elle prit soin de lui rappeler l'air de rien que ça ne devait pas excéder la durée du week-end (ce que Saul nota bien volontiers dans un coin de sa tête, se disant qu'il n'avait pas beaucoup de temps pour manœuvrer si il voulait tenter de l'allonger) et il se mit à sourire finement quand elle lui demanda ce qu'il préférait manger. D'un regard appuyé qui la détailla avec attention, il donna sa réponse.

- Européen, assurément. J'adore leurs... spécialités locales.

Le sous-entendu était assez fin, pour quelqu'un de rentre-dedans comme Saul. Façon habile sinon au moins élégante de signifier à Tessia qu'elle était loin de lui déplaire, sans que cela ne soit vulgaire ou trop frontal pour le voisinage qui écoutait probablement aux portes. Inutile de faire passer mademoiselle Alexanders pour ce qu'elle n'était pas alors qu'elle lui ôtait une sévère épine du pied.
D'un sourcil haussé, Saul la vit épauler l'un de ses sacs à dos. Certes, il n'était pas chargé de plomb mais pesait un certain poids, surtout imbibé d'eau comme il l'était. Peut-être que ça cachait quelque chose ? L'ESPer ne fit aucun remarque, bien qu'il se promit de garder ça à l'esprit. Juste au cas où.

- Je ne sais vraiment pas comment vous remercier, dit-il en suivant Tessia qui lui souhaitait la bienvenue. Je vous promet de me faire tout petit. Je vous laisserai un petit quelque chose pour la bouffe et  l'utilisation de la machine, bien entendu.

Emboîtant le pas de sa sauveuse, il pénétra à sa suite dans son appartement. Remontant le couloir de l'entrée, Saul déposa son sac et le reste de ses affaires mouillées dans la salle de bain et déclara vouloir y rester pour le moment.

- Je suis trempé et je n'ai pas envie de mettre de l'eau partout chez vous. A moins que vous n'insistiez, bien sûr. Laissez moi cinq minutes pour faire le tri, je vais bien trouver quelque chose de présentable là-dedans. Je vous rejoindrai juste après, si vous voulez bien.

Joignant le geste à la parole, Saul se mit à ôter son t-shirt. Torse nu devant Tessia, il dévoila l'agréable dessin musclé de son buste, souligné par l'humidité qu'avait laissé l'aventure avec son ancien colocataire. Sans même y penser, Loggia fit même sauter le bouton de son jean tout en parlant à la professeur.

- Si il y a quelque chose que je puisse faire pour vous le temps que vous m'hébergez, n'hésitez surtout pas à me demander. C'est bien le moins que je puisse faire pour vous.

Tessia ne releva pas la proposition de le faire dormir sur un bout de sa moquette, mais sourit en se retournant pour qu'il ne puisse pas lire son expression. Le pauvre, s'il savait le nombre d'hommes qu'elle avait fait dormir au pied de son lit comme des gentils toutou sans jamais rien leur donner en échange... Mais si l'idée était séduisante, elle préféra ne pas y céder. Elle avait déjà révélé l'existence du canapé transformable, lui l'interdire maintenant serait incompréhensible.

- Un bout de moquette ? S'amusa-t-elle d'un ton taquin. Mesurez vos propositions jeune homme, sinon quelqu'un un jour vous prendra au mot et vous fera dormir dans une niche, gloussa-t-elle.

Elle l'entendit ensuite suggérer qu'il souhaitait tester des spécialité européennes. Elle haussa un sourcil, se demandant s'il s'agissait d'une tactique de drague à peine déguisée ou si l'intérêt du jeune homme était sincère.

- Européen donc ? Ma foi, je ne suis pas mauvaise en cuisine Italienne. J'ai un peu plus de peine avec la cuisine Anglaise qui est un peu grasse à mon goût. Quand à la cuisine française... Ma foi, je n'ai plus cuisiné au vin rouge depuis quelques temps, mais cela me changera agréablement je pense, songea-t-elle à haute voix, plus emballée qu'elle ne le pensait de pouvoir ressortir quelque recettes que sa douce Françoise lui avait apprise pendant son stage à Cambridge.

Elle se présenta devant sa porte. Elle était un peu différente de celle des autres appartements. Tessia avait eu un petit soucis en début de vie dans l'immeuble avec un vampire et avait fait passer cela pour une tentative avortée de cambriolage de son domicile. Elle s'en était servie par la suite pour renforcer la sécurité de sa demeure et tous ses voisins étaient au courant, mais avaient salué qu'une mère célibataire prenne des mesures pour se protéger elle et sa fille.

Sa porte n'avait plus de poignée et pas non plus de serrure apparente. Une petite plaquette métallique incluse dans le mur se trouvait à côté du cadre de la porte. La succube prit dans son trousseau une sorte de clé très semblable à une clé USB qu'elle inséra dans une fente prévue à cet effet. Le petit panneau coulissa pour révéler ensuite un pavé alphanumérique sur lequel elle entra les 16 caractères et chiffres de son mot de passe pour entrer. Le boitier se ferma ensuite tandis que la porte émettait un claquement étouffé alors que les barres de sécurité se retiraient de leur socles.

- Je suis navrée pour votre weekend, mais j'espère que vous n'avez pas prévu de sortir à des heures indues car je n'ai pas de clé de rechange à vous prêter, s'excusa-t-elle en poussant la porte d'entrée dont l'intérieur était un panneau blindé de douze millimètres d'acier. Si vous voulez dormir ici, je crains de devoir imposer un couvre-feu pour que je puisse rester éveillée pour vous ouvrir.

Elle l’écouta la remercier et hocha la tête avec un sourire aimable.

- J'en prends bonne note, mais la vie est chère pour les jeunes gens comme vous. Je pense pouvoir me passer de dédommagement financier, cet argent vous sera plus utile qu'à moi. Je sais ce que c'est que d'être étudiante sans le sous. Le rassura-t-elle.

Elle lui indiqua la salle de bain pour qu'il y pose ses affaire détrempée. Spacieuse, celle-ci avait une baignoire de forme trapézoïdale sous la fenêtre de la salle de bain, avec quelque orifices dans le revêtement de ladite baignoire indiquant la possibilité d'utiliser une fonction de bain tourbillon et où trois adultes pourraient s'étendre à leur aise. Séparée de celle-ci, se trouvait une grande cabine de douche en verre transparent, là encore suffisamment large pour tenir à deux ou trois en se serrant un peu. Les toilettes juste à côté étaient presque cachée par un grand lavabo avec deux robinets sous une immense glace légèrement recourbée. Une machine à laver le linge et un séchoir à air pulsé se faisaient discret entre les armoires de bois clair contenant les linges, savons, et autres affaires de toilette ou produits de nettoyage de l'appartement. L’ensemble de la salle était carrelé dans des teintes blanc-beige se mariant avec harmonie aux boisures, donnant un ensemble de couleurs très chaudes et accueillantes à cette pièce.

Tessia se rendit à une armorie dont elle tira un linge blanc, un peignoir et une bouteille de gel douche.

- Même si vous ne trouvez rien, ce n'est pas grave,  le rassura-t-elle. Je n'ai pas eue ma fille par intervention du saint-esprit, je sais assez comment les hommes sont faits, plaisanta-t-elle en se tournant vers son invité, sa pile de linges dans les mains.

Elle s'arrêta et haussa un sourcil en voyant le jeune homme à moitié déshabillé, ne se privant pas pour regarder le spectacle qui s'offrait à elle. Elle sourit en l'entendant lui proposer ses services.

Mon pauvre ami, si vous saviez...

- Serais-ce une proposition ? Sourit-elle d'un air joueuse. Vous ne seriez pas en train d'essayer de me séduire jeune homme ? À peine entré chez moi ?

Elle lui plaqua ensuite la pile de linge contre le torse.

- C'est bien d'être entreprenant à votre âge. C'est une qualité rare et qui n'est pas dénuée de charme. Mais avant de commencer à jouer le joli-coeur, je ne saurais trop vous conseiller d'être un peu plus à votre avantage, gloussa-t-elle. Cortana ?

Le buste parcouru de lignes de codes de l'IA apparut sur le miroir de la salle de bain, souriant aimablement.

- Oui maîtresse ?

- Fait couler un bain à notre invité et explique-lui comment fonctionne la machine à laver.

- À vos ordres maîtresse, acquiesça l’assistante numérique.

Le robinet de la baignoire s'ouvrit alors de lui-même, laissant couler l'eau chaude dans la baignoire tandis que Tessia prenait le chemin de la sortie.

- Je serais dans la cuisine, j'ai à faire si vous souhaitez manger, l'informa-t-elle avec un sourire et clin d’œil. Mais étant donné le temps nécessaire à une lessive et un séchage rapide, je ne pense pas vous revoir avant une bonne heure et demie.

Elle désigna ensuite un petit appareil au plafond ressemblant à une demi-sphère.

- Par contre je vous préviens, Cortana est un peu voyeuse si on ne lui demande pas spécifiquement de tourner ses "yeux" ailleurs. Mais c'est un mal nécessaire pour qu'elle puisse gérer la domotique de mon appartement. Vous pouvez lui poser des questions si vous en avez à propos de comment fonctionne cet endroit. Sur ce, je vous averti que seule les personnes en tenue décentes mangent à ma table, alors tenez-le vous pour dit, sourit-elle en sortant de la pièce.

Elle se dirigea ensuite vers sa cuisine. Ce jeune homme lui avait donné envie de cuisiner un gigot d'agneau à la sauce au vin et elle n'allait pas s'en priver.

- Je souhaite bien du plaisir au type qui essaiera de me faire faire quelque chose contre ma volonté. Comme dormir dans une niche, par exemple.

Il afficha son habituel petit sourire en coin et ne continua pas plus. La moquette ne l'aurait pas dérangé, considérant qu'il trouvait déjà Tessia bien aimable de lui accorder le gîte. Sérieusement, Saul ne lui aurait pas tenu rigueur de lui demander de dormir par-terre. Mais se faire traiter comme un clébard n'était franchement ce qu'on pouvait attendre de quelqu'un comme Saul Loggia, qui prenait soin puisque sa sauveuse marchait devant lui d'admirer le joli déhanché que lui conférait son pas. Et le mouvement de sa chute de rein avait, assurément, quelque chose de très érotique. Poli, l'extra-terrestre se garda bien de le faire remarquer et ramena sa ligne de mire à un point moins désirable mais plus convenable.

La porte l'avait étonné, sans pour autant éveiller quelque chose de particulier chez lui. Peu habitué aux différents modes de vie terrien, le fait qu'une mère de famille célibataire comme Tessia puisse payer un système aussi perfectionné pour sa porte d'entrée ne l'intrigua pas spécialement. Après tout, ce genre de système était monnaie courante depuis des lustres, dans l'espace. Par contre, il allait lui causer des soucis pour trouver de quoi s'occuper sur son week-end. Saul comptait sortir trouver une minette ou deux pour faire passer son désastreux vendredi, mais c'était apparemment une idée à remise au placard. Pas que se retrouver coincé avec Tessia lui posait réellement un souci, mais la gentille maman ne semblait pas vraiment délurée, même si elle était un peu moins coincée que le reste des japonais. Peut-être qu'en assimilant une partie de la technologie qui contrôlait la porte, il pourrait... Non, Saul s'en abstiendrait. Pas envie de justifier le pourquoi du comment à la prof'.

- Je comprends, je comprends... Bah, ça me fera me coucher plus tôt. Pour le dédommagement, je serai quand même gêné de ne participer à rien. Laissez moi le temps d'aller vous achetez une fleur avant de lever le couvre-feu, glissa t'il, espiègle.

L'appart' de M^elle Alexanders était grand et rien que la salle de bain annonçait d'emblée la couleur. Chez Hiderô, c'était assez bien agencé pour que deux personnes y vivent sans trop se marcher dessus mais chez Tessia c'était carrément atterir sur une autre planète. Saul laissa filer un sifflement admiratif en admirant la baignoire, plus large et confortable que la plupart des lits dans lesquels il avait posé le cul. Le garçon laissa échapper un "Okayyyyy..." oscillant entre l'admiratif et la frustration, qui traîna encore en longueur en découvrant la cabine de douche. Tessia aurait pu le coller à pioncer dans cette pièce aussi accueillante que chaude que Saul n'aurait absolument rien trouvé à lui redire. Mais l'intervention suivante de l'européenne le tira de ses considérations. Est-ce qu'elle venait bien lui dire qu'il pouvait tout aussi bien se balader complètement nu dans la maison ? Son sourcil haussé laissa place à un sourire malicieux.

- Je me vois mal venir à votre table en tenue d'Adam, dit-il avec un sourire qui assurait tout à fait le contraire.

Presque entièrement dévêtu, Saul exhibait sans pudeur son corps athlétique et bien formé -il pouvait se le permettre et vu le regard appuyé qu'il surprit chez son interlocutrice, ce n'était pas pour lui déplaire. Galant, Loggia se garda de le relever à haute voix mais plongea son regard dans celui de Tessia dès qu'elle releva les yeux. Il savait qu'elle avait regardé, lui disait clairement et lui signifiait d'un sourire que ce n'était pas pour l'effaroucher. Il aurait tout de même fallu être sacrément coincé pour que ce soit le cas !
Refermant ses bras sur le linge que Tessia lui avait donné dans l'entremise de leur échange, il lui répondit non sans une légère pointe d'insolence.

- Vous ne seriez pas en train d'essayer de me séduire jeune homme ? À peine entré chez moi ?
- Si, c'est exactement ce que je fais. Je suis soulagé, à vrai dire, que vous le preniez aussi bien.

Bien sûr, qu'il aurait volontiers enfoncé le clou suite à la petite pique amusée de Tessia. Saul s'apprêtait même à rappeler à son bon souvenir le vif intérêt qu'il avait capté de sa part quand au dessin de son buste, mais l'apparition de Cortana le fit taire. L'existence d'une pareille IA, en soi, n'avait absolument rien pour l'étonner. La trouver dans un appartement terrien alors qu'il n'était pas sensé proposer une pareille technologie (qui dépassait ce que connaissait communément cette humanité) fit tiquer Saul et le placa instinctivement sur la défensive. Qu'on ne lui dise pas que Tessia était simplement la mère de famille qu'elle affectionnait d'être, maintenant... Le récupérateur ne montra rien de son trouble et afficha un étonnement de facade pour donner le change. La bouche arrondie, les yeux grands ouverts et la langue gardée au silence pour le moment, tout y était. Même le petit air du type qui ne croyait pas spécialement ce qu'il avait juste devant le nez.

L'eau se mit à couler dans la baignoire et Tessia déclara devoir se rendre dans la cuisine, lui disant qu'ils seraient séparés une bonne heure au bas mot. Saul hocha simplement la tête, regardant ensuite l'optique que lui désignait le bon samaritain en talons hauts.

- Elle peut mater autant qu'elle veut, je n'ai pas vraiment de problème avec la pudeur, lâcha Saul. Pour autant, je serai habillé et présentable pour manger avec vous. Question de décence... Et puis, autant être "à mon avantage", comme vous l'avez dit !

Un sourire échangé avec Tessia apporta la conclusion de l'échange et Loggia referma sur elle la porte une fois qu'elle l'eue passée, se retrouvant en tête à tête avec l'oeil silencieux de l'IA et son image bleuâtre dans le miroir. Saul s'en approcha en se débarrassant de son pantalon puis de son boxer, se retrouvant nu devant l'intelligence informatique qu'il dévisagea. Non pas comme si elle venait d'un autre monde, mais plutôt comme si il s'agissait d'une vieille connaissance qu'il retrouvait après une petite séparation.

- Si tu voulais bien me préparer la machine le temps que je la charge, trésor, tu serais bien aimable.

L'homme se détourna pour s'affairer à vider ses sacs, préparant les fringues qui allaient rejoindre le tambour de la machine à laver. Une nouvelle flopée d'insultes à destination d'un Hiderô Dada absent fusa dans la pièce et se perdit contre le carrelage avant que la machine n'ait avalé son linge. Tout était trempé et si Tessia n'avait pas été là, ça aurait probablement prit une fichue odeur d'humidité dont il ne se serait jamais débarrassé. La porte cylindrique refermée et le programme lancé, Saul regarda la sphère suspendue au plafond tout en s'adressant à Cortana.

- Laisse moi deviner, ta maîtresse a accès à ce qui se passe ici en temps réel, non ? Il doit bien y avoir un relais dans sa cuisine... Bah, qu'elle se rince l'oeil autant qu'elle veut. Il baissa la tête pour regarder le buste féminin affiché dans le miroir. Alors dis moi, d'où est-ce qu'elle te sort ? On dirait une IA arcturienne, dans le design. Mais t'as pas l'air d'avoir de projection holographique. Un modèle customisé de Sanctuary, peut-être. Au final, peu importe. Tu es surtout le genre de choses que la très civile madame Alexander n'est pas sensée posséder. On dirait bien que je ne suis pas le seul à avoir des petits secrets.

Ce fut un réel bonheur pour Saul que de se glisser dans le bain dont la température était idéal. Il s'accorda même le petit bonus de glisser un peu de bain moussant dans la flotte et s'installa confortablement en poussant un soupir satisfait. Rien que cette sensation là valait bien d'avoir enduré la mésaventure de sa période de colocation avec l'autre ahuri de l'appartement du dessus.

- Hey, Cortana, tu ne voudrais pas me réveiller à la fin de la machine ? Je vais faire un petit somme, moi. Si ta maîtresse me sonne, tu serais bien gentille de réveiller, par contre. Je n'ai pas envie de lui faire faux bond.

Un sourire rapide à l'IA et Saul ferma les yeux pour trouver le sommeil. L'image de Tessia lui vint à l'esprit et il se prit à l'imaginer coincée dans une lingerie érotique, ce qui fit légèrement gonfler son membre sous l'eau. Ce fut finalement avec une agréable érection qu'il s'endormit sans s'en rendre compte, restant sur la pensée qu'il lui faudrait découvrir la véritable nature de la trop humaine mademoiselle Alexander.
Et trouver une tactique pour arriver à l'allonger si possible, bien évidemment.

Tessia soupira d'amusement à la réponse de Saul. Elle était moins fixée quand au sens de la pudeur du jeune homme. Malgré tout, elle avait un petit peu menti sur les tendances au voyeurisme de Cortana. Légalement parlant, filmer les gens à leur insu, même s'ils étaient chez vous, n'était pas bien perçu du tout. Elle avait donc pris quelques précautions contre cela.

La porte refermée derrière elle, la succube se rendit en cuisine et sorti ses divers ingrédients et autres instruments pour se mettre à cuisiner. Elle était plutôt bonne cuisinière de ce qu'elle pouvait en juger et aimait faire plaisir aux gens qui venaient chez elle. Une sorte de dada de maman gâteau qui lui allait bien.

La démone sorti un couteau et commença à attaquer ses légumes.


De son côté, Cortana resta visible sur le miroir de la salle de bain, adressant un sourire aimable à son interlocuteur, lui répondant du mieux qu'elle le pouvait.

- Programme de lavage classique chargé dans la machine à laver, annonça-t-elle de sa voix synthétique. N'oubliez pas de charger le produit à lessive avant de lancer le cycle, termina-t-elle tandis que l'appareil ménager s'allumait avec un bip électronique.

Elle resta ensuite muette, souriante et regardant dans le vide comme si elle voyait une chose amusante que seule elle pouvait contempler.

Elle écouta ensuite le jeune homme venir lui poser des questions, flambant nu devant elle. Son logiciel d'expressions faciales sélectionna une pose où sa tête se pencha sur le côté dans une expression songeuse.

- Ma maîtresse ne peut pas regarder ce qu'il se passe dans une pièce occupée par une personne dont les images pourraient mettre la pudeur en danger. C'est contraire aux lois qui régissent la sphère privée. Je vous localise par écho sonar et sono-localisation depuis que vous avez retiré votre sous-vêtement afin d'orienter ma caméra à l'opposé de vous et préserver votre intimité, répondit-elle de sa voix polie et synthétique.

- Je crains de ne pas comprendre vos références. J'ai été conçue et développée par ma Maîtresse sur la base de l'assistante informatique du système d'opération qu'elle utilise pour me faire tourner. Ma création a pris cinq années et j’enrichis ma base de données depuis trois ans, ce qui me permet de sembler aussi vivante que possible. Mais je demeure un ensemble de programmes, je ne suis pas une IA, je ne peux pas évoluer de moi-même. Répondit Cortana en mentant effrontément car elle se faisait passer pour bien moins aboutie qu'elle ne l'était réellement. Mais ses protocoles de sécurité s'étaient engagé sur la mention de la station Sanctuary qui figurait dans ses banques de données comme informations classifiées non-terriennes et donc potentiellement dangereuse.

Elle entendit ensuite le jeune homme demander à être réveillé pour la fin de la machine.

- Certainement, acquiesça-t-elle en programmant son alerte.


Dans sa cuisine, Tessia s'affaira sur son repas prenant son temps puisque de toute façon, la machine à laver du jeune homme prendrait son heure. Elle chantait doucement tandis que Cortana avait, sur sa demande, lancé une playlist de quelques musiques entraînantes.

Elle cuisniait pour un homme. Plus elle y pensait et plus cette idée la troublait. La dernière fois que c'était arrivé, elle n'était pas incarnée, elle possédait la favorite d'un sénateur romain en Hispanie citérieure peu avant que qu'Attila la Hun ne jette à bas l'empire des Latins. Elle avait d'ailleurs empoisonné par erreur ledit sénateur. Et son vaisseau charnel aussi par la même occasion.

Cette fois elle avait pris des leçons, et son souper commençait d'ailleurs à sentir bon.

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Cortana venait de lancer sa sonnerie de réveil après une heure de lessive pour avertir le jeune homme que la machine avait terminé son cycle et laissa tourner la musique tant qu'aucune indication contraire ne lui fut donnée.

- La machine a sécher le linge est opérationnelle et le programme est entré. Vous n'avez plus qu'à transférer votre linge propre monsieur. L'informa-t-elle de sa voix synthétique. Ma Maîtresse vous fait également parvenir son invitation à la rejoindre pour dîner dans trente minutes.


Quand le jeune homme la rejoignit dans la cuisine, Tessia lui sourit en déposant le gratin dauphinois qu'elle venait de sortir du four sur la table. Au centre de celle-ci trônait le rôti de veau dans sa sauce au vin rouge de bourgogne et aux champignons des bois. Enfin, un plat contenant des haricots verts aux oignons et au beurre venait compléter le plat.

- Ha, voici le rescapé du jour, le salua-t-elle en s'amusant un peu à ses dépends. Asseyez-vous mon jeune ami et n'hésitez pas. Je mettrais les restes au frais pour vous ou pour un autre jours.

Ce disant, elle joignit le geste à la parole et s'assit, encore vêtue de son tablier de cuisinière tout simple qu'elle avait passé par-dessus son chemisier blanc qu'elle portait sous son pardessus bleu. Elle saisit une cuillère de service et entama de remplir l'assiette de son hôte d'une généreuse portion.

- Bon appétit, lui souhaita-t-elle en lui tendant l'assiette.

Dire que Saul sursauta à la sonnerie aurait été un doux ephémisme. Le son le tira si violemment de son sommeil qu'il fit un véritable bond dans l'eau mousseuse qu'il envoya en généreuses gerbes sur les carrelages qui ceignaient le bain. Par réflexe, le jeune homme avait déjà activé son pouvoir et était apparue au bout de son index gauche une sorte de petite lentille qui s'était mise à luire instantanément alors qu'un bourdonnement de charge énergétique avait commencé à crépiter tandis que Loggia se tenait la main à l'image d'un gamin mimant un flingue tenu à deux mains, prêt à faire feu de ses doigts tendus. Il se retrouva donc comme un con en réalisant l'endroit où il se trouvait et beugla à Cortana de couper "cette putain de sonnerie à la con, merde !" avant de rétracter la lentille qui sembla se fondre dans la chair d'où elle était sortie. L'extra-terrestre écrasa une flopée de juron alors que son rythme cardiaque revenait à un tempo calme et qu'il sortait du bain pour se ceindre la taille d'une serviette et s'occuper de son linge sec et propre. Saul plia sommairement les habits en se mettant de côté une élégante chemisette noire et un jean, avant de fouiller dans sa trousse de toilette pour se parfumer.
Une fois apprêté et prêt à rejoindre Tessia, il abandonna la salle de bain. La réponse de Cortana à sa question quant à son origine ne l'avait franchement pas convaincu et Saul se promit de lever le voile d'une façon ou d'une autre.

C'est bien plus présentable qu'il revint vers Tessia. Ses vêtements étaient simples mais lui allaient parfaitement et la chemise savamment (dé)boutonnée laissait apparaître juste ce qu'il fallait du dessin de ses pectoraux. Il avait ramené ses cheveux en arrière en y passant la main, les retenant vaguement à l'aide de sa fidèle paire de lunettes placée sur son front. Les bonnes odeurs de la cuisine lui avaient chatouillé le nez depuis la salle de bains et son estomac s'était mis à gargouiller furieusement. Ce fut donc bien volontiers qu'il prit place à l'invitation de la maîtresse de maison.

- Vous ignorez à quel point je peux avoir de l'appétit, mademoiselle, croyez moi. Laissez moi vous dire que ça sent merveilleusement bon, en tous cas !

Si l'allusion à son appétit pouvait s'interpréter en accord avec le petit jeu de séduction qui avait précédé son passage à la salle de bain, il était surtout destiné à évoquer la capacité de Saul d'ingérer à peu près n'importe quoi et dans des proportions folles. Certes, sa libido pouvait aussi correspondre à cette description... Elle n'était pas concernée cette fois, mais Saul laisserait ses propos à la libre interprétation. Il se saisit de ses couverts et remercia Tessia avant d'entamer le repas de bon coeur et passa cinq bonnes minutes à vanter les mérites de la cuisinière qui, si elle avait un peu de jugé, saurait que l'enthousiasme de son invité n'avait rien d'un jeu pour lui plaire : Loggia était d'une parfaite sincérité en la flattant.

Le rôti de veau à présent bien entamé, Saul se décida à abreuver un peu sa curiosité. Il se servit un verre de vin après avoir servi Tessia et piqua quelques haricots avant d'entamer le coeur de la discussion.

- Voisine serviable, excellente cuisinière, vaillante mère célibataire et informaticienne de génie... Vous avez un sacré paquet de casquettes, Tessia ! Et très séduisante pour ne rien gâcher. La femme parfaite. Il lui offrit un sourire charmeur en lui levant son verre. Seulement, n'importe quel homme avisé sait que la femme parfaite n'existe pas. Ca vaut pour le prince charmant, d'ailleurs. Ce qui me fait m'arrêter, c'est tout de même Cortana. Vous, une humble européenne, vous auriez mis au point un tel "programme" ? Je suis assez mauvais en informatique mais j'ai vu bien assez d'IA dans ma vie pour en reconnaître une quand j'y fais face. Et rien que les systèmes d'écho-localisation et l'affichage comme sur le miroir tendent à prouver que vous êtes plus que vous ne le prétendez.

Saul marqua le temps d'arrêt nécéssaire à reprendre un peu de haricots, regardant Tessia de ses yeux clairs. Il ne désirait pas la mettre au pied du mur. Plutôt tirer les choses au clair et savoir avec qui il s'était embarqué. Sans compter qu'il suffirait à mademoiselle Alexander de parcourir les enregistrements de son IA de domotique pour comprendre que Saul avait, lui aussi, une paire d'as dans sa manche. Loggia avait moins à cacher que Tessia et jouer ainsi ne le dérangeait pas.

- Il serait tout à fait déplacé de mordre la main qui me nourrit, aussi je ne cherche qu'à placer entre nous un peu de franchise, Tessia. Les bases d'une relation saine entre voisins, quoi.

Tessia prit le compliment avec un sourire reconnaissant. Elle aimait beaucoup qu'on la complimente sur ce qu'elle faisait. Et elle devait bien admettre que son repas était particulièrement à son goût.

Elle ne fit pas de commentaires sur la tenue de Saul qu'elle trouva clairement provocatrice, mais en même temps, le jeune homme ne s'était pas privé de lui avouer qu'il lui faisait du rentre-dedans, donc clairement qu'il la trouvait à son goût.

Elle ne cacha pas sa surprise en revanche de voir la quantité de nourriture qu'ingurgita le jeune homme. L'institutrice faisait toujours trop afin d'avoir des restes pour que ses enfants puissent emporter des piques-niques à réchauffer au lycée. Cette fois par contre, son hôte vida les plats avec l'efficacité d'une usine de retraitement des déchets.

Cependant, entre-deux bouchée, son invité commença à résumer la situation d'un ton qui lui plut beaucoup moins car chargé de sous-entendus. Mais plus que les sous-entendus, le jeune homme dévoila clairement que lui aussi n'avait pas un jeu commun dans la main et cela fit hausser les sourcils à la démone qui préféra siroter son verre de vin pour se donner le temps de réfléchir.

Alors comme ça il a déjà croisé plein d'autres IA ? Voilà qui est intéressant...

- Les bases d'une relation saine entre voisins ? Vraiment ? Demanda-t-elle d'un ton amusée tout en ayant une trace de circonspection. De celles qui disent "tu ne séduira point ta voisine" ? Demanda-t-elle en prenant une voix grave pour imiter un peu le style des dix commandement. S'il est bien une chose que j'ai apprise avec les années jeune homme, c'est que pour la paix des ménages, il vaut mieux éviter de mélanger le sexe et les voisins...

Elle reprit une gorgée de son verre, sentant qu'elle avait quand même bien frappé sous la ceinture avec ce coup-là. Mais bon, on bottait en touche avec ce qu'on pouvait pour se donner le temps de réflexion.

- Mais vous avez peut-être raison sur certain points... Probablement devrais-je mieux cacher mon jeu, mais il est éminemment plus simple à dissimuler avec des gens plus classique...

Elle reposa son verre et se cala dans sa chaise.

- Fort bien Saul, si ce n'est même rien que vraiment votre nom. J'ai l'impression que nous sommes dans une impasse. Vous essayez de me faire dire des choses que je ne suis pas sûre que je puisse vous confier. De même, je ne suis plus sûre de savoir à qui, ou quoi, j'ai affaire...

Elle laissa flotter un instant de silence pour voir la réaction de son invité. Puis elle reprit d'un ton où toute trace de son caractère aimable et enjoué avait disparu.

- Je me suis engagée à vous offrir gîte et couvert pour cette fin de semaine, je tiendrais mes engagements. Mais en l'état actuel des choses, je me sens piégée et étant donné que je dois protéger mes enfants... Soyons honnêtes, vous n'avez guère pour me nuire plus que les capacités que je vous ignore et vous ne devez pas savoir grand-chose non plus de mes propres capacités offensives comme défensives. Alors que faisons-nous ? Nous continuons à croiser de concert, deux engins naviguant sous brouillards sans savoir à quoi ils ont affaire et espérons que ledit brouillard sera suffisamment dissuasif pour éviter que les choses ne dégénèrent avant notre séparation ?

Elle haussa les épaules.

- Cette situation ne me convient qu'à moitié dans le sens où elle n'exige pas que nous révélions plus que nécessaire nos jeux respectifs et évitons ainsi de se retrouver avec des informations compromettantes pour l'autre. Mais elle ne me convient pas beaucoup non plus dans le sens où vous en savez plus sur moi que je n'en sais sur vous à l'heure actuelle. Et que vous connaissez déjà certains de mes points faibles... Et rien que cette partie aurait tendance à m'encourager à prendre des mesures... Sécurisantes... Je suis navrée que cela sonne un peu comme des menaces, je déteste en faire autant que je hais en recevoir. Mais je ne plaisante jamais avec la sécurité de mes enfants ! Serais-ce la dernière chose que je ferais, que je prendrais toutes les mesures à ma disposition pour m'assurer qu'il ne leur arrive rien. Croyez-moi quand je vous dis que lois et morale n'entrent plus en ligne de compte à mes yeux quand il s'agit de protéger mes bébés. Moi il peut m'arriver n'importe quoi, je m'en moque, mais pas elles...

Elle reprit son verre pour en faire tourner le contenu avant d'en boire une gorgée.

- Je réitère mes excuses d'avoir dû en arriver là, mais je me devais de vous avertir. Maintenant si vous avez une inspiration pour sortir de cette situation ô combien inconfortable, je suis toute ouïe, mais mon jeu demeurera occulté pour le moment. Dit-elle en terminant son verre.

- Voilà d'ailleurs qui est fort dommage, pour une fois que j'avais l'impression de pouvoir me laisser aller à un homme... Soupira-t-elle de déception en se levant pour commencer à débarrasser la table.

- Je n'ai pas de ménage à défendre. Et puis, que serait la vie sans les épices de la séduction ? Un plat terriblement fade, vous en conviendrez. J'adore manger épicé et de vieux adages ne vont certainement pas me couper l'appétit.

Il sauça son assiette d'un morceau de pain, fondant pour les reliquats de la sauce au vin. Appliqué et gourmand, Saul ne laissa rien passer de l'accompagnement du plat après avoir répondu du tac-au-tac à Tessia. Si elle avait envisagé de lui couper les pattes sur cette passe, il allait falloir qu'elle envisage de changer de stratégie. Se repoussant contre le dossier de sa chaise, Loggia prêta à sa bienfaitrice une oreille des plus attentives. Et bien ! Vu ce qu'elle lâchait, la jolie mademoiselle Alexanders avait dut se sentir terriblement acculée. Comme une petite souris mise au pied du mur par le chat, elle montrait ses crocs. La réaction laissa penser à Saul qu'il avait non seulement vu juste mais également que la dissimulation de Tessia allait bien au-delà de ce qu'il avait pensé. Lui n'imaginait qu'une extra-terrestre basée sur Terre, qui utilisait une technologie commune dans l'espace pour se faciliter la vie sur ce monde un peu en retard. Maintenant, la voilà qui s’inquiétait pour ses enfants.... L'entendre imaginer que Saul pourrait mettre en danger des personnes innocentes fit tiquer le jeune homme. Conscient que ses propos pouvaient avoir mise Tessia sur la défensive, il la laissa tout de même achever son laïus sans l'interrompre et termina tranquillement son propre verre de vin.

- Vous me direz à quel moment je vous ai menacée. Ce n'est pas ce que j'ai fais et ce n'est pas quelque chose que je compte faire dans un futur proche ou lointain. Encore moins votre famille.... Un peu de sérieux, je ne suis pas un barbare ! Quelle raison aurai-je de m'en prendre à vous, en plus ? Je ne vous connais pas au-delà de ce que vous savez : notre rencontre à la réunion de locataire, les quelques bonjours rapidement échangés au détour de l'escalier et notre présente soirée -qui en plus justifierait à celle seule que j'abandonne d'éventuels griefs contre vous, en gage de ma reconnaissance de votre gentillesse.

Prenant un morceau de pain dont il arracha la mie pour en faire une boule qu'il attrapa du bout des dents, Saul marqua une pause et reporta son attention sur Tessia.

- C'est Cortana qui m'a mit la puce à l'oreille. Vous présentez un tel système à n'importe qui avec une fable qui doit sûrement convaincre les plus naïfs ou les moins regardants. J'aurai volontiers marché si je ne connaissais pas ce genre de technologie et j'ai pensé que vous faire comprendre que je savais de quoi je parlais vous aurait incitée à en demander plus, pas à vous pousser à une volée de boucliers. Vous savez, un "je ne souhaite pas en parler" aurait amplement suffit à me faire regarder ailleurs. Il réfléchit une seconde. Bon d'accord, en temps normal il en aurait fallu bien plus, mais respecter votre silence aurait été le minimum que j'aurai pu faire après tout ce que vous avez daigné faire pour moi.

Il se leva avec elle, l'aidant à débarrasser. Lui se chargea des condiments et des plats qui étaient restés sur la table. Sans changer de ton, c'est à dire en gardant l'air aimable et amical qu'il avait eu depuis le début, Saul lui demanda où est-ce qu'il devait déposer ce qu'il avait en main et s'acquitta de la tâche avec soin, avant d'aller chercher leurs verres et de les remplir en partageant ce qu'il restait de la bouteille.

- Vous êtes sur la défensive et je suis sincèrement navré, comme je suis désolé d'avoir changé l'ambiance de cette agréable soirée. Prenez toutes les mesures qu'il vous plaira à mon encontre pour vous rassurer, je ne tenterai pas de m'en échapper ou de vous en empêcher. Il est très bon, ce vin... C'est ça, du vin français ? Saul respira un instant les arômes qui se dégageaient du verre, avant de prendre une nouvelle et modeste gorgée qui l'aurait presque fait passer pour un oenologue. Très bon. Bref, où en étais-je... Ah, oui ! Prenez les mesures que vous estimez nécéssaires. Je vous ai fais vous sentir agressée, c'est donc le moins que je puisse faire pour réparer ma faute. Et, bien sûr, je m'abstiendrais de nouvelles questions. A moins que vous ne m'en posiez, parce que j'aime le donnant-donnant et qu'il serait dommage de ne pas vous donner envie de vous "laisser aller à un homme".

En temps normal, Saul ne se serait pas gêné pour pousser le bouchon un peu plus loin. Asticoter une personne qui se montrait aussi prompte à montrer les crocs pouvait souvent être juteux et très amusant pour un petit emmerdeur comme lui. Là, bien que l'envie d'en savoir plus le titillait, il préféra colmater les brèches qu'il avait ouvertes. Parce qu'il n'avait pas abandonné l'idée de séduire Tessia, d'abord, mais surtout parce que Loggia n'était pas un ingrat. Elle l'avait recueilli chez elle de bonne grâce et Saul reconnaissait bien volontiers la valeur de l'hospitalité. Qui pouvait cracher sur la personne qui lui offrait le pain et un toit pour la nuit ?

- Du coup, vous préférez peut-être que je prenne finalement juste un bout de moquette, lui demanda t'il dans un sourire espiègle.

Autant chercher à désamorcer un peu le prologue du drame !

La succube s'étonna de voir le jeune homme se lever pour l'aider à débarrasser la table, mais ne s'en plaignit pas. Il semblait ne guère vouloir se départir de ses manières de charmeur invétéré, ce qui ne lassa pas de l'étonner également.

Elle l'écouta ensuite déblatérer à nouveau sur le fait qu'il connaissait les IA du type de Cortana, ce qui titilla sa curiosité. Elle lui indiqua où poser les diverses choses et rangea ce qui pouvait aller dans le lave-vaisselle avant de s'attaquer à ce qui devait être nettoyé à la main. Une fois cette vaisselle terminée, elle accepta avec un léger haussement de sourcil la fin de la bouteille de vin.

- Vous ne perdez décidément pas le nord vous... Constata-t-elle d'un ton neutre. Vous savez que je cache des choses, pourtant vous insistez sur la carte du charme ? Et vous me proposez des mesures de rétorsion à votre encontre ? Êtes-vous à ce point sûr de vous ou un genre d'immortel pour être aussi confiant en vos capacités ? S'enquit-elle en faisant tourner son vin dans son verre avant de le goûter.

Elle le trouvait bon, mais un adage japonais disait, "l'alcool est meilleur quand il est dégusté en bonne compagnie". Elle ne savait en quel genre de compagnie elle était. Souhaitait-elle le savoir ? Il avait proposé de jouer donnant-donnant aux questions-réponses, elle avait autant à y gagner qu'à y perdre, les chances étaient plus ou moins de 50/50.

Elle releva le regard sur le jeune homme et de plus en plus, le trouva trop attirant pour être honnête. Un beau parleur assurément. Digne de confiance ? Elle n'en savait trop rien. Colérique dans tous les cas, elle l'avait entendu hurler contre Cortana à cause d'une simple sonnerie de réveil et n'avait que trop bien pu juger de son manque de patience à l'égard de son collocataire. La journée avait pu être usante, elle s'en doutait très bien, mais il manquait un peu de mesure dans ses réactions de ce qu'elle en avait vu.

- Ne faites pas l'idiot. Le rabroua-t-elle gentiment. Le canapé peut faire lit, je ne vois pas l'intérêt de vous faire dormir sur une moquette qui n'est présente que dans ma chambre ou dans celle de ma fille, et dans un cas comme dans l'autre, il n'est pas envisageable de vous laisser dans ces pièces pour le moment. Ce genre de punition mesquine ne nous avancerait à rien si ce n'est à faire grimper une tension entre nous que je ne souhaite pas toucher...

Elle termina son verre, se disant que laisser les choses en l'état ne lui convenait clairement pas. Les guerres froides étaient plus usantes pour les protagoniste qu'un confit sanglant et rapide. Elle préféra crever l’abcès, advienne que pourra.

- Vous connaissez les IA Saul ? Parfait. La mienne est effectivement ma création et ce sans mentir. Mais elle ne peut fonctionner dans l'état actuel de la technologie terrienne. J'ai donc dû rajouter quelques pièces qui n'en sont pas originaires...

Elle laissa la suite de sa phrase dans le flou et reposa son verre.

- Et vous Saul, d'où pouvez-vous bien les connaître ? Questionna-t-elle suspicieusement.

- Disons que quoi que vous puissiez faire, j'aime à penser que vous saurez faire preuve de mesure. Quant à la carte du charme... Je pense que cette main est encore jouable, du coup je continue la partie.

La table était débarrassée et nettoyée, le cul de Saul posé négligemment contre le bord du plan de travail pendant que son propriétaire regardait sa logeuse tout en sirotant son verre de vin français. Si Tessia était toujours sur la défensive, elle donnait au moins le change en continuant la conversation du ton qu'elle avait toujours eu jusque là. Habituée à mentir, possiblement... Ou ayant considéré, peut-être, que la situation n'était ni catastrophique ni destinée à l'acculer ? Bien que les deux ne soient absolument pas tout dit, avoir chacun révélé qu'ils n'étaient pas tout à fait honnêtes dans la façade qu'ils présentaient au monde avait soulagé leurs doutes mutuels. Loggia regarda Tessia de haut en bas, s'arrêtant un rapide instant sur la cambrure de ses reins et au dessin de son cul avant de remonter pour détailler le galbe des seins sous le chemisier. Joueur et poli, l'extra-terrestre se contenta d'un simple sourire et n'appuya en rien l'avis positif qu'il portait sur le physique de la prof'.

- Je ne veux aucune tension entre nous. Je préférerai nous qualifier d'amis, ou tout au moins d'aimables connaissances. Et je ne parviendrais pas à vous séduire si nous nous opposons dans des joutes stériles, n'est-ce pas ?

Qu'il puisse effectivement la faire un tant soit peu chavirer ou pas n'était pas le fond de la question. Lui voulait jouer avant tout et proposer un bon moment à Tessia. Un bon moment qui n'était pas uniquement sexuel et qui s'élargissait surtout à une entente agréable pour le deux. Si pénétration il devrait y avoir, ça ne serait jamais qu'un bonus -certes tout à fait délicieux.
Tessia ne voulait apparemment pas d'un affrontement de tranchées et se décida à prendre les choses en mains. Saul l'observa, admiratif de la volonté de son interlocutrice à faire prendre un tournant un peu plus aimable à une conversation qui avait manqué de déraper suite à un manque de tact de l'ESPer, bien qu'il ne voudrait pas le reconnaître. Ainsi, la belle voisine admettait qu'elle jouait avec des éléments qui n'étaient pas originaires de la planète bleue ? Parfait. Restait à savoir ce dont il retournait véritablement. Et à donner à Tessia un peu de ce qu'elle attendait de lui, bien sûr.

- Je connais les IA pour en utiliser assez fréquemment. Oh, comme utilisateur ordinaire, hein ! Je suis nul en informatique et je suis bien content de trouver de l'assistance pour l'astro-navigation. La votre me rappelle un peu des interfaces qu'on peut trouver sur les anciens vaisseaux de Corellia. On trouve des systèmes pas chers sur Sanctuary. Je peux vous faire profiter d'un plan avec une petite vendeuse du secteur 3, si vous voulez.

Normalement, il avait évoqué assez d'éléments communs aux personnes habituées aux tribulations spatiales dans ce coin de l'univers pour être concluant. Sanctuary était la Base Spatiale, Corellia une petite planète connue pour produire des vaisseaux rapides classés par génération de production... Bref, des informations à la portée de quiconque connaissait la vie de l'espace proche, au moins un peu. Comme il parlait là d'une chose absolument normale pour lui, Saul ne cilla pas et n'essaya pas de donner le change dans son comportement pour paraître crédible. Si Tessia le comprenait, elle saurait dire en quoi l'ESPer n'était pas ordinaire.

- Ne me demandez pas d'où je viens exactement, parce que je l'ignore. Mais je peux vous dire que je ne suis pas de "ce" coin là du ciel, par contre. Il prit une gorgée de vin, avant de darder son regard dans celui de Tessia. Et vous, alors ? D'où êtes vous ?

Souriant, il s'approcha un peu plus de Tessia -presque à se coller à elle, en vérité- et lui saisit délicatement une main. Ceci fait, il l'entraîna vers le salon et la fit s'asseoir avec lui sur le canapé. C'était bien plus confortable pour discuter, non ? Au-dehors, le soleil tombait doucement et la rue s'animait un peu. Saul faisait preuve de galanterie et de doigté, un peu pour se rattraper de son erreur précédente.

- Rassurez moi, je n'ai pas perdu mes chances de vous voir sourire encore, ni de pouvoir espérer que vous ferez négligemment sauter un bouton de votre chemiser ?

De l'astro-navigation ? Il est en train de me parler de navigation dans l'espace ou je suis en train de rêver ? Se demanda la succube en haussant un sourcil intrigué.

Elle écouta son interlocuteur déblatérer sur des IA de vaisseaux Corelliens et d'un endroit appelé "Sanctuary". Même si l'endroit ne lui disait rien, il lui semblait en avoir déjà entendu parler quelque part... Puis ce fut le "tilt". Sanctuary, la base spatiale cachée connue uniquement de quelques terriens et de certains Terraniens. Elle y avait suivi des cours sur la magie de soin et de protection avec madame Leysritt, la prof de magie.

Elle porta son verre à sa bouche en levant les yeux vers l'un des modules de capteurs de Cortana. Puisqu'elle suivait le conversation, il était assuré qu'elle se soit déjà plongée dans ses bases de données. À l'heure actuelle, elle devait probablement tenter de joindre la base spatiale afin d'interroger les quelques personnes que Tessia y connaissait à la recherche d'informations sur Saul.

Elle ne fit pas de commentaires quand celui-ci évoqua le fait qu'il ne venait pas du coin. Cela limitait encore le champ de recherche et lui permettrait de rassembler plus d’informations à travers son IA. Cependant Loggia reprit l’initiative et s'approcha d'elle. Très près... Trop près pour quelqu'un qui souhaiterait conserver une once d'innocence dans son geste. Elle le regarda faire, n'ayant aucun mal à le regarder dans les yeux, elle-même étant très grande pour la norme humaine avec ses presque deux mètres. Elle porta son verre à ses lèvres tout en tendant ses muscles en prévision de devoir réagir vite. Avoir l'air détendue, tout en se tenant prête à frapper. L'une des bases de la négociation.

Cependant, le jeune homme se contenta de cueillir sa main libre dans la sienne pour l'entraîner au salon et la pousser à s'asseoir dans le canapé, ce sans échanger un mot. À défaut d'être galant, du moins était-il cavalier et démontrait-il une certaine suite dans les idées. Surtout affirmée par les propos qui suivirent.

- Pour ce qui est du sourire, il peut encore être envisageable pour vous de le voir réapparaître, annonça-t-elle. Mais de là à parler de me faire "négligemment sauter un bouton de mon chemiser", vous êtes encore bien trop rapide en besogne Saul. Votre idée fixe de vouloir me déshabiller pourrait finir par me donner envie de ne pas vous dévoiler le moindre petit centimètre de peau de plus qu'il ne m'est nécessaire. Lui dit-elle en terminant son verre. Et je crois que...

Elle fut interrompue par le beamer qui s'alluma et une image du jeune homme dans le hall de la station spatiale apparut contre le mur blanc de Tessia lors que Cortana Tamisait les lumières alentours.

- Saul Loggia, connu sous le pseudonyme de "Sentinel Prime", origine inconnue, supposée Alien. Arrivé sur la station Sanctuary le mois dernier. Enregistré auprès des autorités portuaires en tant que récupérateur. Rumeur non confirmée d'appartenance au groupe de récupérateurs du vaisseau "Starfall". Présence confirmée également sur le monde de Terra. Fin des données trouvées. Conclut Cortana en se substituant à l'image.

Tessia resta un moment silencieuse. Elle venait d'en apprendre bien plus qu'elle ne le supposait par simple recoupement. Elle tourna ensuite son visage avec une expression relativement neutre vers le jeune homme.

- Un Alien, hein ? Ma foi, vous ressemblez fort bien à un humain en tout cas...

Elle laissa le loisir à son interlocuteur de réagir, se laissant aussi le temps de réflexion.

- Je pense qu'il vaut mieux reprendre depuis le début... Dit-elle finalement en reprenant son sourire aimable. Tessia est un pseudonyme, "Sentinelle Prime", mais je ne peux pas vous donner mon vrai nom pour des raisons... Disons de sécurité. Je suis originaire d'un plan alternatif à Terra. Il est appelé "l'Enfer" et je suis ce que l'on appelle plus communément "un démon".

Elle laissa ensuite un peu de temps à sa nouvelle pour faire son petit effet. Puis elle lui tendit la main.

- Enchantée futur casse-croûte, le taquina-t-elle avant d'éclater d'un rire franc et musical. Je plaisante, je ne mange pas mes victimes. Mais blague à part, les mortels sont bel et bien ma nourriture d'une autre façon. Cela en tête, êtes-vous toujours sûr de vouloir tenter de me séduire ? Demanda-t-elle en détachant de manière faussement innocente le premier bouton de son chemisier, libérant un panorama plongeant sur la naissance de son opulente poitrine.

Elle sollicita ensuite ses pouvoirs et fit luire légèrement les cercles d'invocation infernaux invisibles en temps normal dans la pièce. L'instant d'après, deux bouteilles de bière apparurent dans ses mains avec un claquement sec, issues en droite ligne de son frigo. Les marques lumineuses disparurent comme si elles n'avaient jamais existé et la pièce reprit son allure normale. Elle tendit une bouteille au jeune homme avec un air plus provocateur. Allait-il l'accepter ?

Comme toujours, Saul avait quelque chose à répondre, que ce fut à-propos ou pas. Il allait réagir sur le chemisier de Tessia, sur sa menace de ne rien montrer de sa peau. Saul aurait probablement enchaîné sur le fait qu'il était capable de relever n'importe quel défi et surtout si il s'agissait d'un challenge avec les mensurations de la grande européenne. Peut-être l'ESPer aurait-il enchaîné sur de petits éléments de séduction physique pour prendre la température qu'il aurait calculée être à forcément à point (parce que Saul était plus ou moins persuadé d'être irrésistible, comme tous les minets à belle gueule de cet âge ou presque). C'était d'ailleurs à l'instant où il se penchait nonchalamment vers les lèvres de la jolie prof' que Cortana changea le ton de la conversation en envoyant une image sur le mur face à eux. Et quelle image ! Un Sentinel Prime en grande tenue dans un des couloirs de Sanctuary, probablement shooté par le système de vidéo-surveillance relié à l'IA toute-puissante de la station spatiale. Pour le coup, Saul ferma son clapet tout le long du petit résumé sur sa personne fait par l'intendante virtuelle de Tessia et la surprise le renvoya même s'asseoir à une distance plus sage sans qu'il ne s'en rende compte.
Qu'on le découvre, Saul avait peu à s'en soucier : il n'avait absolument rien à cacher et se présentait sous un jour ordinaire sur Terre par amusement. Il n'y avait aucun enjeu dans sa pseudo-identité. Mais se savoir répertorié ainsi lui déplaisait... Et le surprenait à la fois.

Pour ne pas accorder un point au coefficient trop important à Tessia, Saul se composa un sourire de rigueur comme pour lui dire qu'il n'était pas étonné. Que le rictus prenne ou pas, il profita de la perche tendue pour répondre à son interlocutrice, qui avait bel et bien transformé l'essai.

- Pour autant que je sache, rien ne permet d'affirmer que je n'en suis pas un.

Haussant les épaules, il s'accorda une gorgée de vin, regardant un instant le fond de son verre. Refusant l'idée d'être acculé comme ça dans un jeu qu'il avait lui-même provoqué, Saul profita de l'opportunité donnée par Tessia pour se reprendre. Belle joueuse, l'européenne dévoila une partie de ses propres cartes. Ce fut toutefois son effet qui tomba à l'eau, cette fois : si Saul connaissait les termes de "démon" et d'"enfer", ils avaient une signification très faible pour les baroudeurs de l'espace. Certaines créatures qu'on pouvait trouver au détour d'un astéroïde était bien plus effrayantes que bien des archiducs infernaux tels que les admettaient la démonologie humaine.

- Les démons ne sont pas sensés être rouges, cornus et nimbés de flammes ? Il me semblait bien que c'est à ça qu'ils ressemblaient dans les BD d'Hiderô. Ils avaient l'air plus dangereux que vous, à part peut-être pour la force d'attraction.

Il esquissa un sourire et serra la main qu'on lui présentait, écoutant Tessia autant qu'il regardait le vallon de ses seins se dévoiler à la faveur d'un bouton défait. Les cercles d'invocation l'étonnèrent plus franchement, surtout quand ils débouchèrent sur l'apparition surprise de deux bières visiblement fraîche. Ses yeux revinrent à ceux de Tessia, qui jubilait visiblement de son petit effet de mise en scène -au demeurant très réussi. Beau joueur, Saul inclina poliment le regard en laissant filer un petit rire. Le jeune homme prit l'une des bières et s'accouda confortablement sur le dossier du canapé, de façon à faire face à son interlocutrice de façon ouverte et confiante.

- Cortana n'a pas mentionné le point le plus intéressant de mon dossier, c'est dommage. Elle aurait dû vous dire que Sentinel Prime ne craint rien ni personne. Et je n'ai jamais couché avec une démone, en plus. Raison supplémentaire pour ne rien lâcher maintenant que nous en sommes là.

Son index se tendit et au bout du doigt, la chair sembla comme fondre pour dévoiler une sorte de lentille qui pouvait vaguement évoquer l'optique d'une caméra. L'extrémité se mit à luire et libéra un petit rayon laser orangé d'environ cinq centimètres, avec laquelle il sabra sa bière après avoir ouvert de la même façon celle de Tessia. Saul joua habile du doigt et le rayon découpa négligemment un second bouton. La pression des seins ainsi un peu libéré ouvrit un peu plus largement le chemisier, dévoilant une vue encore plus flatteuse sans qu'elle ne paraisse tout à fait vulgaire. Loggia afficha un sourire un peu plus large, sans pour autant verser dans le trop prétentieux. C'était Tessia qui avait mené la manche, autant respecter ça.

- J'ai le week-end pour me glisser dans le lit de ma plantureuse voisine, dit-il alors que le laser mourrait et que son doigt reprenait son apparence ordinaire. Ou elle l'a pour me transformer en menu gastronomique, service et vins compris. Tout dépend de la façon dont on va se placer.

Amusé, il se rapprocha de Tessia d'un coup de rein, à la manière d'un amoureux collant sa belle pour tenter le premier baiser. Mais plutôt que d'aller à la recherche de ses lèvres, Saul trinqua les cols de leurs deux bières avant de se pencher à l'oreille de la belle pour lui glisser quelques mots, l'une de ses mains négligemment posée sur la cuisse de Tessia. Presque chastement, en vérité, bien qu'il ne suffisait que d'un coup de poignet pour que la donne change.

- Si cela peut aider madame à passer à table, le chef lui fait savoir qu'il lui proposera une étonnante spécialité pour le dessert.

Et il se recula juste assez pour boire une gorgée, ses yeux plongés dans ceux de Tessia.

Tessia écouta la remarque de avec un léger sourire amusé sur la couleur et les habitudes des démons.

- Il est vrai que ce que vous voyez en ce moment est un camouflage M. Loggia. Admit-elle bonne joueuse. Mais visiblement, vous n'avez besoin de rien d'autre pour vous livrer à une cour éhontée de ma personne... Vous paradez tel un vrai paon. Gloussa-t-elle.

Le jeune alien s'autorisa un commentaire sur le dossier de Cortana et elle leva les yeux au ciel en soupirant d'amusement.

Satan ! Imbus de lui-même comme un duc des enfers en plus d'être beau gosse et de n'avoir aucune retenue... N'a-t-il donc aucune qualité ? Songea-t-elle.

Elle ouvrit de plus grands yeux quand elle le vit user à son tour d'une petite capacité pour faire en sorte d'obtenir une sorte de lame lumineuse au bout du doigt... ET découper mine de rien l'un des boutons de son chemisier.

- Hé ! J'y tiens à mes habits ! S'offusqua-t-elle en recueillant les deux bouts de bouton dans sa main. J'espère que vous avez aussi une machine à coudre cachée quelque-part. Car chez moi, qui casse répare. Dit-elle en lui adressant un regard d'avertissement.

Celui-ci, sans se démonter, lui exposa son idée du weekend, à savoir : se glisser dans son lit. Ou pour elle de le transformer en son repas. Mais avant qu'elle ne puisse répondre, le jeune homme vint soudain se coller contre elle pour trinquer. Puis glissa "innocement" sur sa cuisse et lui chuchoter à l'oreille quelque chose au sujet d'une spécialité du chef.

La succube sourit d'un air joueuse et claqua des doigts. Les cercles luirent à nouveau et subitement, le jeune homme se retrouva dans un fauteuil en face d'elle, plus du tout collé contre elle dans son canapé.

- la Maîtresse de maison fait savoir au chef que, bien que sa spécialité l'intéresse, celui-ci est beaucoup trop empressé et cuisine son plat principal à feu trop vif... Commenta-t-elle en gloussant. Prenez garde jeune homme, je joue à domicile moi... Si quelqu'un doit finir à la casserole, ça pourrait même être vous.

Elle prit une gorgée de sa bouteille et la reposa sur la table basse avant de croiser les jambes.

- Bien, commençons par un peu de culture général mon garçon. Savez-vous ce que "succube" désigne ? Pouvez-vous m'en donner une définition ainsi qu'un résumé de vos connaissances à ce sujet ? Et si possible, en faisant des phrases complètes "Terminator"... Reprit-elle en laissant cette fois l'institutrice s’exprimer avec toute l'autorité et la pédagogie dont sa voix était capable.

Son excès de zèle avec un peu douché les envies reproductrices de la succube. Avant de commencer à attaquer le vif du sujet, elle voulait voir pour mettre un peu tout le monde sur pied d'égalité.