Le Grand Jeu

Plan de Terra => Ville-Etat de Nexus => Discussion démarrée par: Milano le dimanche 09 septembre 2018, 16:47:16

Titre: Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le dimanche 09 septembre 2018, 16:47:16
Je m'étais trouvé un filon d'enfer. Un business que j'aurais dû exploiter bien plus tôt. Une vraie manière de changer le plomb en or.

Nexus, avenue des Douze Sous. Un nom qui correspondait bien au quartier populaire dans laquelle elle se situait, et qui avait probablement été choisi par des fonctionnaires de la haute, ceux qui ne voyaient en ces gens que des chiffres, de la main d’œuvre, tout au plus des pions sacrifiables à jeter contre les remparts d'Ashnard pour qu'ils n'aient pas à le faire eux-même. Mais je n'étais pas venu pour me faire acteur de la révolution grondante et cracher sur les riches, bien au contraire. Tel une sangsue, un parasite, une charogne, j'étais venu les dépouiller du peu qu'ils avaient. Et mon arme n'était nulle autre que leur espoir vacillant, l'appât du gain de ceux qui n'ont pas grand chose, et qui sont prêts à miser tout ce qu'ils ont. Comme si, "peu" et "rien", c'était la même chose. Un fatalisme qui leur coutait cher.

Ainsi, j'avais passé la dernière décade à écumer Nexus. Jour après jour, quartier après quartier, auberge après auberge. Je trimballais sur mon épaule un énorme sac de sport, rempli de babioles que j'avais apportées de la Terre. Et croyez-moi, un jeune homme avec un manteau à fermeture éclair, un jean et un sac de marque en fibre synthétique, c'est tout sauf anodin, dans la cité d'ivoire. Mais tout charlatan vous le dira, quand on monte une bonne arnaque, il faut savoir attirer l’œil du pigeon, et disparaître avant d'attirer celui de la garde.
Je m'étais donc installé à la taverne du Sanglier Salace, un rade de qualité douteuse qui justifiait son nom d'enseigne par le fait "qu'on y fait aussi d'la boustifaille, même si c'est assez rare que les gars du cru y z'ont les moyens de s'payer not' fameux rôti d'songlier". J'avais payé une chambre à l'étage avec une partie de mes gains des jours passés -la veille ayant été extrêmement rentable, imaginez vous disputer une partie de cartes avec un illusionniste-, et j'avais obtenu mon droit de faire tourner mon affaire dans l'arrière-cour de l'établissement pour la soirée, en échange d'une figurine Hello Kitty, que j'avais vendue comme un charme apportant la prospérité aux commerces. La mention "made in Taiwan" était un mantra qu'il était censé réciter régulièrement, et le tenancier avait tellement avalé mes couleuvres qu'il avait passé la soirée à la déclamer à chaque nouveau client qui entrait, en guise de salutations.

Mais ce soir, il n'était pas question de plumer quelques pigeons en trichant aux cartes. Déjà parce que c'est lassant, ensuite parce que les gens s'attendent d'emblée à de la triche, et cherchent eux-même à tricher. Ce soir, c'était un jeudi soir. Et avec un jour d'immortalité dans la semaine, on peut chercher à faire dans le grandiose, dans le spectaculaire, et prendre des risques stupides sans réelle crainte des conséquences.


"Alors messieurs, approchez, faîtes vos jeux! Lequel d'entre vous arrivera à mettre à mort mon champion, et remporter l'une des mystérieuses merveilles que j'apporte d'outre-monde?"

J'avais les gestes et l'intonation du chauffeur de salle, et ma voix contribuait à l'ambiance générale qui se dégageait de la clameur de mon public qui se faisait grandissant. Il était neuf heures du soir, j'avais commencé environ deux heures plus tôt, et je pensais continuer encore deux heures. Outre les prises de paris, mon champion avait déjà remporté huit combats d'affilée.
Ce champion, c'était un mâtin miteux que j'avais trouvé dans la rue, le matin même. Une bête assez maigre, au pelage noir, mais absent par endroits, là où l'animal s'était rongé jusqu'au sang pour calmer ses probables démangeaisons. Mais il tenait encore sur ses quatre pattes, le regard sombre, lâchant parfois quelques aboiements puissants et provocateurs, sans doute pour se montrer plus intimidant qu'il ne l'était vraiment.


"Mon cher Sanzam a déjà remporté pas moins de huit combats, huit! C'est l'épuisement qui le guette, profitez-en maintenant! Y aura-t-il une bête, un challenger assez BRAVE pour oser porter le coup fatal à ce monstre sanguinaire?"

Je suscitais la fierté mal placée, mais ça fonctionnait plutôt bien. La plupart desdits challengers étaient, comme Sanzam, des corniauds qu'ils avaient trouvé au hasard. Plus tôt, j'en avais vu deux s'éclipser une vingtaine de minutes, et ramener avec eux un clébard qui se débattait encore dans leurs bras pour le jeter dans cette arène improvisée. Ils avaient misé gros sur ce molosse bien en chair, mais l'animal boîteux et dont les yeux jaunis trahissaient un problème de foie avait fini en charpie comme les autres, non sans offrir un bon divertissement, cependant.
C'est que voyez-vous, mon champion était increvable. Parce qu'il était déjà crevé. Lorsque je l'avais ramassé dans cette ruelle, la faim semblait avoir déjà eu raison de lui. J'avais simplement relevé sa dépouille, et la faim persistante faisait le reste. Peu importait qu'il soit mordu ou griffé, Sanzam n'avait qu'un seul désir: assouvir son appétit de zombie, avec tout ce qu'on lui envoyait dans l'arène.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le lundi 10 septembre 2018, 20:53:38
La fin de journée s’annonçait, et avec elle le moment de faire les comptes de la journée. Honnêtement, à vérifier le fond de mon sac à dos, ça n’était ni spectaculaire, ni complètement catastrophique, plutôt une récolte moyenne à Nexus, entre achat et revente. Aujourd’hui n’en finissait plus. Un client mécontent en remplaçait un énervé, un fournisseur collant était suivi par un concurrent hargneux, et ainsi de suite, sans la moindre pause pour mes pauvres pieds engoncés dans ces sales godasses qui étaient bonnes pour la poubelle.

Ouais, ce soir, j’avais mal aux pieds, au dos, et au cul tant qu’on y est. Un con grassouillet m’avait tenu la jambe pendant près d’une heure et demi à propos des vertus d’un partenariat avec sa ligue de tailleurs dont je n’en avais strictement rien à carrer. Mais comme il m’avait racheté mon stock de jogging terrien basse qualité, les grandes tailles l’intéressaient beaucoup, je n’avais pas à me plaindre. Tout ça pour dire que sur le chemin du retour, j’avais furieusement envie de me coller le derrière sur une banquette de bistrot, et d’aérer mes petits petons nauséabonds.

*L’occasion d’aller dans ce rade… Comment c’est déjà ce nom de merde ? Le cochon en salade ? La truie en maraude ? Bah…*

Deux ou trois jours qu’on me rabattait les oreilles sur les soirées animées qui s’y déroulait, à croire que les sans-dents du coin avaient trouvé une nouvelle attraction. Peut-être de nouvelles serveuses à grosses poitrines, ça avait toujours tendance à faire venir les nouveaux clients. Le sac sur l’épaule, les ampoules aux pieds, j’empruntai donc les ruelles conduisant à ce bistrot, sans oublier d’éviter les poubelles renversées et les clochards eux-aussi renversés pour une autre raison.

Ah, le doux parfum des quartiers pauvres. Cette odeur rance, un mélange de pisse et de bière, qui s’accrochait partout à la chaux des murs et aux poutres en bois. Le sanglier salace, c’était donc ça, je n’étais pas si loin. J’allais pousser la porte du pied avant de me raviser au dernier moment, épargnant de justesse mes orteils, et l’ouvrais normalement, du plat de la main comme une civilisée.
Bizarrement, la salle était moins remplie que je ne l’escomptai. Des poivrots et des marins braillards se croisaient pour aller chercher du ravitaillement au bar et repartir vers l’arrière-salle où, si j’en croyais les hurlements, était justement l’endroit où se déroulait le spectacle. Je remontai mon jean troué, on m’avait déjà tiré le froc dans ce genre d’endroit, et resserrait ma ceinture avant d’aborder le patron occupé à astiquer ses verres.

« Euh… Ouais, salut. » Etrange façon de saluer, avec son madin-je-ne-sais-quoi. « Il s’passe quoi ? C’est la soirée chemise mouillée ? »

Difficile de ne pas lorgner sur la figure Hello Kitty qui oscillait sur le cou du patron, comme un pendentif complètement ridicule. Qui lui avait vendu cette horreur ? Je devais bien être la seule à savoir la signification stupide de cet objet terrien, et compris forcément qu’on avait bien pris cet type pour un con.

« Combat de clébards, hein ? J’vais aller voir… Tiens, file-moi un fond de whisky, j’ai besoin de désinfecter mes ampoules. »

Ma consommation payée, je me faufilai entre les haleines alcoolisées, et les bedaines pleines de sueurs pour me frayer un passage jusqu’à l’arène. Honnêtement, ça ressemblait davantage à un pauvre carré de sol fermé par des barrières où l’on balance des sacs à puces à moitié crevés, mais le type y mettait du cœur pour animer l’endroit.

*Ah, c’est lui qui vient de la Terre. Vu comment il s’est payé la tête du patron, m’étonnerai pas qu’il se foute du monde ici aussi.*

Son champion était certainement le plus miteux du lot, et franchement, j’étais tout étonnée que cette saloperie tienne depuis huit combats. Au moins, le type savait entrainer son monde, et le public était littéralement hystérique en réclamant un autre combattant. Jouer des coudes pour arriver au premier rang me semblait risqué, surtout si je devais me prendre mon verre dans le pif, j’optai donc pour un perchoir sur une table, histoire de regarder comment tout ça se déroulait. C’était peut-être mon instinct qui s’excitait, mais j’avais comme l’impression de déceler une bonne occasion pour se remplir les fouilles.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le mardi 11 septembre 2018, 02:53:03
Dans ce secteur d'activité, il fallait constamment que je fasse preuve d'une vigilance infaillible. C'est qu'à moi seul, j'avais beaucoup à faire: récolter les paris entre deux combats, répondre à ceux qui m'amenaient un autre chien à servir en pâtée à Sanzam, m'assurer qu'aucun de ces ivrognes ne cherche à assommer mon champion pour récupérer ensuite sa mise, et surtout surveiller le sac de sport qui contenait non seulement mes "incroyables récompenses", mais également mes propres bénéfices.
En réalité le sac ne contenait vraiment que des broutilles, que j'avais achetées pour rien dans un supermarché. Entre autres, un réveil numérique à laser, une petite voiture téléguidée, des porte-clés clignotants, des jouets du même acabit que la figurine que j'avais déjà donnée au tenancier, et même l'un de ces agaçants poulets en caoutchouc qui hurle quand on appuie dessus. Celui là me servait un peu d'alarme, car dans l'éventualité où un fouineur venait à l'empoigner, il se ferait vite remarquer.

Et quand on a les yeux partout à la fois, quand comme moi on cherche à repérer les ennuis avant qu'ils ne nous tombent dessus, certains détails ne nous échappent pas. Aussi comment ne pas remarquer ce... ce type, qui faisait partie des quelques-uns suffisamment malins pour se placer en hauteur, mais qui pourtant n'avait pas l'air de partager l'engouement et l'hystérie générale. Son verre à la main, l'inconnu accablait mon arène improvisée d'un regard lourd de jugement que je n'appréciais pas, et que j'appréciais encore moins lorsqu'il suivait, inquisiteur, mon champion qui tournait dans l'arène comme un boxeur en train de parader.
Et il y avait encore autre chose, une chose qui me déplaisait tout particulièrement au point de devoir en contenir un tressaillement. Cette apparence, ce look était beaucoup trop "grunge" pour Nexus. Tout précisément ce jean, qui me semblait aussi terran que le mien. Il fallait vraiment qu'un terrien se pointe? Il se sentait vraiment l'envie de foutre en l'air mon business au point de se placer là où tout le monde le verrait? Même s'il se taisait à propos de la réelle valeur de mes récompenses, on me soupçonnerait d'avoir un complice dans l'assistance. Dans l'immédiat, l'interpeller était malheureusement le meilleur moyen de reporter l'attention sur ce fauteur de troubles.

Certes, les enjeux n'étaient pas énormes, pour quiconque avait un peu de bon sens. Les paris que je récoltais se faisaient pour la grande majorité en pièces de cuivre. Mais du cuivre, de cette qualité et en telle quantité, ça pouvait se fructifier sur Terre. Après tout il arrivait que des gens se fassent arracher des tuyaux de cuivre des murs, le matériau refondu devait avoir une bonne valeur marchande, non? Pour le reste, n'importe quelle babiole de Nexus pouvait trouver acheteur au Japon. Et puis outre un profit substantiel, c'était vraiment distrayant.


"Laissez passer Rufus, le Démembreur!"


Et voilà que les grouillots apportaient une nouvelle offrande à leur désir de chair déchiquetée. S'ensuivit une nouvelle vague d'effervescence, de pronostics bancals, de remarques bruyantes et d'encouragements irréfléchis. L'argent circulait jusqu'à moi comme si j'étais un véritable siphon à fric, et l'animal au poil clair et frisé -c'était un caniche?- fut précipité dans l'arène à mon signal. La marée humaine s'abattit à nouveau contre les barrières, inondant la cour de ses cris et martelant l'air de ses poings. Le combat débutait à peine que je contournai le plus gros de la foule, me faufilant tel un rat entre les pochetrons qui s'agitaient, sur la pointe des pieds, en tentant vainement de voir par dessus les épaules des rangs plus avancés.
Arrivant au niveau de la table sur lequel était monté mon trouble-fête, j'en tapotais la surface du plat de la main, histoire de capter son attention. Ceci fait, je dévoilai l'intérieur de ma veste et le couteau qui y était dissimulé, en lui jetant un regard chargé de reproches. De si près, je me rendis compte que mon inconnu était
une inconnue. Je m'adressai à elle d'une voix mauvaise et monocorde, suffisamment bas pour qu'elle seule puisse m'entendre:

"Tu vas descendre de là, et me dire ce que tu viens foutre ici."


Ma lame n'avait absolument rien d'impressionnant pour les gens du cru, et à vrai dire représentait une menace assez ridicule. Mais je comptais davantage sur le contraste entre le ton autoritaire que je venais d'employer, et l'apparente gaieté dont j'avais fait montre pour attirer le quidam.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le vendredi 14 septembre 2018, 22:17:30
Mon whisky contenait le même arrière goût immonde qu’à l’accoutumée. Franchement, j’ignore d'où me venait cette obsession à commander ainsi cette immondice en sachant pertinemment que ce n’était même pas du vrai. Une taverne aussi miteuse que celle-ci ne servirait jamais un authentique whisky, un vrai de vrai comme on en trouvait sur Terre et qui n’avait rien à voir avec ce mélange de fonds de tonneaux. Mais lorsqu’on vit dans ce genre de milieu, les tripes doivent s’habituer à ce genre de tords boyaux, et je ne ressentis qu’un vague picotement dans la gorge quand le liquide se faufila jusqu’à mon estomac.

Le verre à la main, un air circonspect visible sur ma tronche, je suivis du regard le sac de viande pouilleux qu’une bande de marins mal lavés trimballaient sur leurs épaules en l’appelant leur champion. Ma vieille voisine devait avoir le même genre de caniche, songeai-je. Encore une daube qui n’allait pas faire long feu dans cette arène, avec cette étrange bestiole tout aussi mitée qui ne montrait étrangement aucun signe de fatigue. Plus je suivais l’animal des yeux, plus je flairais une escroquerie, mais laquelle ? La plupart des poivrots de la salle étaient simplement bien trop ivres ou hystériques pour y réfléchir, et je demeurai probablement le seul esprit critique du moment.

*Vu la gueule du machin, il devrait au moins être à bout d’souffle depuis l’temps… Alors qu’il m’a l’air de plus en plus hystérique.*

La magie pouvait éventuellement expliquer l’astuce, mais comme le type qui s’évertuait à rameuter davantage de populace, à grand renfort de discours grandiloquents, venait de la Terre, cela ne collait pas tout à fait. Je remuai pensivement mon verre de piquette quasiment vidé, observant d’un œil morne les ploucs braillards dont pas un ne semblait émettre le moindre doute sur l’authenticité du combat. Cet endroit était un véritable fond de caniveau avec ses ordures flottantes à la surface, dans un océan de whisky coupé à l'eau.

Même si la magie était plutôt courante sur Terra, ce ne serait certainement pas grâce à ces types que je parviendrai à l’identifier sur le mystérieux clébard increvable. La plupart étaient si ivres, qu’ils ne parviendraient sans doute pas à distinguer leur bite de leur gros orteil d’ici demain soir. Quoiqu’il en soit, tout ceci puait l’arnaque, et j’en eus rapidement la confirmation quand l’orateur de pacotille émergea des derrières gras et des aisselles en sueur, brandissant un cure-dent accompagné d'une menace non moins terrifiante.

« A ta place, j’sortirai pas ton jouet devant tout le monde. ‘Fin c’est un simple conseil, hein, mais la plupart sont armés avec des lames aussi grosses que tes bras, et comme t’en as tondu une partie toute la soirée avec ton arnaque… »

Honnêtement, je n’étais pas très inquiète. Les grosses brutes violentes, j’en avais connu par paquet de dix, et celui-ci n’avait tout simplement pas le profil. Je reposai mon verre tranquillement, certaine qu’il n’allait pas risquer de déclencher une bagarre générale avec sa lime à ongles.

« Ça rapporte le combat de clebs truqué ? » Déclarai-je de but en blanc. « Quoique le truc est assez visible quand on s’y connait un minimum, mais j'imagine que les merdouilles en plastique terrien doivent s’écouler super bien chez les glandus du coin. »

Un petit sourire suffisant, et me voilà dans mon domaine habituel. Le bluff, le mensonge, les boniments et autres blablas fondés sur du vent car je n’avais évidemment aucune idée de son astuce pour transformer un sac à puce des caniveaux en machine à tuer impitoyable. L’idée était simplement de tailler le bout de gras en le rendant suffisamment mal à l’aise pour commettre un aveu, et me fournir une opportunité pour gratter de l'oseille.

« T’inquiète pas, va, continue ! Fais pas cet air de toutou dépressif. » Dis-je en lui faisant signe de s’éloigner, sans pour autant descendre de mon perchoir.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le lundi 17 septembre 2018, 01:32:19
Je me décomposai depuis l'instant où j'avais entendu le mot "truqué". Ma bouche entrouverte trahissait un air dévasté, ahuri, abasourdi. Mais l'étais-je vraiment?
Vraiment, il m'en fallait plus. Mon réflexe avait été d'analyser. Elle connaissait suffisamment les gens du coin pour prévoir leur réaction, mais d'un autre côté, elle s'en détachait, ils n'étaient jamais que "les glandus du coin". Était-ce par arrogance, ou simplement parce qu'elle n'était pas d'ici, et que le destin, dans sa facétie, l'avait placée là dans le seul but de me pourrir l'existence? Et puis, il y avait cette histoire de plastique "terrien". Il y avait vraiment besoin de préciser, ou était-ce une autre distanciation? N'était-elle pas elle-même terrienne? Mon masque de désespoir reprenait consistance et assurance, pour se muer à nouveau en des traits durs et un regard sec. J'évitai cependant de hausser le ton, me contentant de répondre normalement, de façon à être entendu par quiconque aurait capté notre petite conversation:


"Il n'y a pas de truc. Et je n'ai pas grand chose à craindre, merci du conseil."

La certitude dans ma déclaration ne découlait pas seulement de ma petite période d'immortalité hebdomadaire. J'avais travaillé mon public depuis un petit moment en jouant sur le divertissement et leur état d'ébriété qui faisait la joie du commerce. La plupart d'entre eux ne cherchaient plus vraiment à gagner, ils payaient simplement pour voir des animaux se faire déchiqueter. C'étaient un peu des gladiateurs canins, au final. Pour un poivrot qui voulait voir du sang gicler, une lampe-torche à LED, c'était jamais que du bonus.
En surface, il m'était vital d'avoir l'air sûr de moi. "Je n'ai pas grand chose à craindre" pouvait signifier bien des choses dans un monde où une gamine de huit ans pouvait se révéler être un vampire avec une épée démesurée cachée sous sa robe. Je clamais à bon entendeur que j'étais protégé, par moi ou par un autre, que si j'étais seul contre tous, je n'en étais pas moins intouchable. Le bluff, ce n'était pas un "truc", une astuce, pour gérer une affaire comme celle-ci. C'était un atout, crucial à la survie.

L'espace d'un court instant, d'une micro-expression, je lui révélai un sourire complice, révélateur. Il voulait dire "Oui, bien sûr qu'il y a un truc". Mais sa véritable signification était "Merci". Merci d'entrer dans mon jeu. Merci de rendre la soirée vraiment intéressante. Elle pouvait savourer cette maigre victoire. Après tout, c'était
exactement pour ça, que j'étais là.
Elle m'avait chassé de la main d'un geste désinvolte, mais si elle ne m'avait pas obéi, il n'appartenait qu'à moi de la prendre à contrepied. Posant ma chaussure sur le bord de la table, je me hissai d'un bond à son côté, la débarrassant d'un coup de toute impression de supériorité. Elle ne me dominait plus de son perchoir, mais en arrivant à sa hauteur, je me rendais compte que j'étais à peine plus grand qu'elle. Retourner la situation en la dépassant d'une tête, c'eut été bien plus avantageux. Je maudissais intérieurement ma taille, et le fait que les gens étaient tous de plus en plus grands au fil du temps.
La table ne nous laissait que peu d'espace, créant une espèce de proximité menaçante que j'avais créée en envahissant si soudainement son espace vital. Mes traits irrités ne trahissaient en rien l'amusement que je ressentais alors. Et je n'avais pas l'intention de la lâcher de sitôt. Toujours avec ce semblant d'agressivité, je parlai, un peu plus bas, presque sur le ton de la confidence:


"Enfin, je t'en prie, fais tes propres enjeux! Si tu trouves un quelconque truc dans l'heure qui suit, je t'offrirai la récompense d'outre-monde qui te plait! Et je ne te parle pas de mes 'merdouilles en plastique'."


Était-ce là la moitié d'un aveu, ou bien la menace d'un homme qui ne peut pas perdre? Honnêtement, j'adorais jouer sur ce doute. Il était question d'enjeux. Il était question de paris. Elle avait une possibilité de "défaite", une chance de "perdre", et je me plaisai volontiers à ne pas en dire davantage sur ce que je comptais en tirer. Oh bien sûr, elle pouvait tout simplement décliner, mais j'avais bien calculé mon coup. J'avais attaqué son orgueil. J'avais piétiné ses plates-bandes. Refuser de jouer maintenant, c'était comme descendre de la table. C'était accepter que je la regarde de haut. C'était se détourner et baisser la tête alors que je restai sur mon piédestal. Il ne me restait plus qu'à porter le coup de grâce.

Mon bras s'enroula autour de son épaule à la manière d'un ami, et une expression réjouie devint mon nouveau masque. Ma voix se fit plus haute, plus claire, et redevenait celle de l'homme de divertissement:


"Et oui mademoiselle, admirez vous aussi ces guerriers au poil rugueux! Sanzam contre Rufus, deux tornades de griffes et de crocs!"

Je continuais à la manière d'un commentateur sportif, décrivant tout ce qui se passait sous leurs yeux embrumés d'alcool de façon à enjoliver et mystifier cette bagarre de chiens galeux. C'était un rade, aussi tous les hommes qui s'étaient tournés en entendant "mademoiselle" l'avaient aperçue, elle et sa tenue aussi étrangère que la mienne. Si je venais à être accusé de quoi que ce soit de louche, on la présumerait complice. Qu'elle le veuille ou non, si les ivrognes venaient à gronder, on serait dorénavant difficiles à dissocier.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le lundi 17 septembre 2018, 15:22:15
Ce fut avec une certaine fierté, et un air condescendant, que je vis l’expression de mon interlocuteur, ce blanc-bec à la langue bien pendue, se décomposer furtivement face à mon accusation suggérée. Mon instinct ne n’avait pas trompé une fois de plus : cette boucherie canine était donc bel et bien truquée. Par quelle astuce, ça il me restait à le découvrir, mais à voir la mine déconfite du gougnafier, aucun doute n’était permis.
Masquant un sourire orgueilleux derrière mon verre vide d’alcool, j’écoutais avec ravissement son jappement défensif, qui se voulait suffisamment fort pour rassurer les oreilles indiscrètes. Trop tard ! Je savais que celui-ci, derrière ses airs de vendeur de tapis exalté, cachait ses petites magouilles de rues, et qu’il ne tenait pas à ce que les poivrots du cru apprennent ses secrets. Mais qu’est-ce qui le faisait sourire au juste ? A voir son expression changer si rapidement, je sentis ma méfiance revenir au galop.

*Toi, t’as la tête du casse-couille qui prépare un coup tordu… Dire que j’voulais juste me faire un peu de blé, pas faire un concours d’emmerdeurs.*

Le voilà qui grimpait dans mon refuge, s’installa sur la table étroite quitte à se coller contre moi, avec le sourire du colporteur s’apprêtant à vous piquer fric et fringues. Non, décidément, pensais-je, celui-ci préparait manifestement un coup sournois. Mais pourquoi ? Après tout, mes mots étaient clairs, je ne cherchais nullement à pourrir son affaire, mais plutôt à profiter des poches percées de la foule rassemblée ici. Je posai mon verre derrière moi, adoptant une pose qui se voulait détendue, mais le léger agacement créé par cette proximité forcée se lisait clairement sur mon visage.

La proposition m’arracha un haussement de sourcil perplexe. Celle-ci me paru, dans un premier temps, d’une absurdité sans nom ! Pourquoi irais-je parier sur un combat dont l’issu était jouée d’avance ? Car plus je regardais l’improbable champion, dont les morsures et les coups de griffes des combats précédents ne ralentissaient pas son ardeur, plus j’étais convaincue que ce chien possédait quelque chose d’anormal. Ce qui ne changeait rien à l’humeur festive, et même rageuse de la foule, réclamant à grand coup de braillements davantage de tripes et de sang.
A peine commençai-je à réfléchir sur ma réponse, réellement pris de court, que l’emmerdeur décida de me tâter l’épaule, d’enrouler son bras autour de ce dernier. Le geste typique des personnes cherchant à vous dominer. Honnêtement, cette manière de faire m’agaça d’emblée, et je dois bien reconnaitre qu’il s’en est fallu de peu pour que je jette un pari stupide et irréfléchi à sa figure. La moitié de la salle me jeta des coups d’œil furtifs, des yeux rougies par la vinasse me scrutèrent, et je sus avec certitude qu’on attendait ma participation à cette hystérie collective.

« Ok… » Commençai-je en fouillant machinalement ma poche, y découvrant une inspiration brusque. « Dans c’cas, j’vais parier sur Rufus !... Et j’vais mettre en jeu pas n’importe quoi… »

Naturellement Rufus allait se faire perdre. Rufus le caniche de grand-mère, qui me ferait perdre mon pari, mais était-ce réellement une défaite ?

« Ceci ! » Clamai-je bien fort, en déroulant une liasse de préservatifs attachés les uns aux autre. «C’est un mantra béni par des moines au cœur de Terra pour assurer fertilité et virilité… Ça vaut son pesant d’or, parole. »

Des « oh » et des « ah » accompagnèrent cette déclaration, tantôt admiratifs, tantôt envieux. D’un point de vue de grouillots incultes des quartiers pauvres de Nexus, j’imaginai bien comment mon lot de capotes pouvait en jeter. Avec son papier argenté rutilant, et ses inscriptions médicales pouvant paraitre pour des runes mystiques, nul doute qu’il inspirait l’admiration des masses. Je dévidai le « mantra » précieux devant le nez de mon arnaqueur, qui devait connaitre son usage réel, aucun doute là-dessus, et je le gratifiai d’un sourire narquois.

Le parfait sourire de la peste. Peu m’importait de perdre désormais, je ne me souvenais même plus pourquoi ces capotes se trouvaient dans mes poches, mais je n’étais pas peu fier de mon coup.

« Ah désolé, elles sont sûrement grande taille par contre. » Glissai-je discrètement à mon voisin en posant le lot de préservatif sur ses cuisses. « Elles vont sûrement pas t’aller… »

La foule rugissait déjà face au combat à venir, et les paris redoublaient d’enthousiasme , tandis que moi, je me payai ouvertement la tête de ce type. Ce n’était ni plus ni moins que lui renvoyer ses boniments à la figure, et je n’étais pas peu fière de ma manœuvre. Il l’avait bien cherché !
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le mercredi 19 septembre 2018, 01:19:43
Des mâchoires qui claquaient. Des grognements de rage, des jappements de douleur. De la fourrure et des lambeaux de peau qui volaient, aussi. Alors qu'un flot ininterrompu de paroles creuses cherchait à alambiquer ce spectacle de sauvagerie primaire, mes méninges tournaient à plein régime.

Il y avait d'abord ce que j'avais sous les yeux: Rufus se défendait pas mal. On tend à oublier que les caniches sont des chiens de chasse, jusqu'à ce qu'ils soient précipités dans un monde de violence. J'apercevais une méchante blessure que Sanzam avait reçu à la patte, et quiconque s'y attardait pouvait y voir en partie son os. Un zombie n'en était pas inquiété le moins du monde, mais ça soulevait un problème que je n'avais pas considéré: Avec des os brisés, ou les tendons et ligaments sectionnés, il deviendrait moins fonctionnel. Mon champion n'était pas intouchable. Il s'usait. Je devrai savoir quand m'arrêter.
Venait ensuite ce que j'avais dans la main: le jeu de préservatifs qui dansait entre mes doigts à mesure que je réfléchissais. D'une part, ma fauteuse de troubles avait confirmé une chose importante: je n'étais pas venu pour rien. Tout comme je le soupçonnais, je n'étais pas le premier à exporter de la breloque terrienne. Mais s'il y avait un réseau, un trafic, je voulais en être. Non, je voulais la mainmise dessus. Puisqu'elle semblait connaitre son affaire, elle devait en connaitre les ficelles, y jouer un rôle. Elle utilisait mes armes contre moi, et c'était aussi désobligeant qu'excitant. Il me fallait la cuisiner sur le sujet.
D'autre part, il me fallait reconsidérer ma mise. "La récompense d'outre-monde qui te plait" avais-je avancé. Maintenant, je savais qu'elle avait probablement plus que ces fripes dépareillées qu'elle appelait vêtements. Si elle savait plus, elle demanderait plus. Et l'idée d'avoir plus à perdre qu'à gagner était assez dérangeante.

La représentation morbide s'acheva sur un couinement aussi court que pathétique, suivi d'une ovation hystérique. Sanzam avait encore accompli son œuvre funeste. Malgré leur argent perdu, la plupart des piliers de comptoir se réjouissait. Un autre corps devenu cadavre. Un autre être vivant réduit à l'état de tas de viande pour leur divertissement. Et moi? Oh, moi je couvrais leur émoi en glorifiant mon champion, je les encourageait à l'applaudir. Enivrés par le gout de l'alcool et du sang, ils buvaient mes paroles et acclamaient la source de leur déchéance. Mon attention se porta à nouveau sur ma voisine, et je brandissais les capotes avec un air provocateur:


"Alors? Tu as vu quelque chose? De la triche? Mmmh? Alors je vais garder ça, je pense que j'ai pas fini de t'enculer."

Mes yeux la détaillèrent de bas en haut comme un prédateur devant une proie impuissante. Puis avec une expression suffisante et triomphante, je bondissai au bas de la table avec légèreté, comme pour me baigner dans la foule qui scandait le nom de Sanzam. Bien qu'insensible à la douleur, ce dernier paradait dans l'arène sur trois pattes, comme s'il était incapable de poser sa patte avant droite tant elle lui faisait mal. Il s'agissait de ma volonté, pas de la sienne. Un chien de cet acabit n'aurait pas eu l'idée de simuler sa douleur. Un pantin, en revanche, pouvait le faire sans avoir à y songer. Je continuai de dissimuler mes préoccupations et mes machinations sous une montagne de faux orgueil:

"Amenez-les! Peu importe que ce soit un chien, un chat, un furet ou un coq! Envoyez-les dans l'arène! Pour le prochain combat, je remets en jeu les mantras que je viens de gagner à l'instant! Et j'y ajoute ces chausses de confort magiques!"

Je joignai le geste à la parole en sortant de mon sac une paire de baskets lumineuses Captain America. Qui, à ma grande stupéfaction et au second coup d’œil, étaient presque à ma taille. J'en ajoutai davantage en précisant que l'homme représenté dessus était un Héros de guerre de la Terre, qui avait vaincu un conspirateur au crâne rouge il y avait de cela un siècle. Tous ces débiles avalaient mes bobards comme si j'étais le messie et j'avais pu pousser l'insulte en remettant en jeu mes gains. Il serait bientôt difficile de dévoiler mes combines sans se mettre quelques brutes à dos.

Et si possible, ceux armés de lames aussi grosses que mes bras.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le lundi 24 septembre 2018, 00:18:24
Force est de reconnaitre, que ce gringalet maitrisait l’enthousiasme de la foule d’une main de maitre, et en jouait pour créer une ambiance incroyable, à la limite de l’hystérie collective. Car il s’agissait bien de cela. Que ce soit les marins, les habitués du bistrot ou quelque soldat en balade, pas un ne semblait remettre en question le moins du monde l’intégrité des combats. Les cris des uns stimulaient les autres, et chacun se flanquait des tapes pour s’encourager mutuellement à jeter davantage d’argent dans cette arnaque.
Rufus était en train de se faire tailler en pièce, énième sacrifice pour le profit du bonimenteur, et je perdis donc mon lot de préservatifs. Pardon, de mantras. C’était prévisible, et je m’en souciai comme d’une guigne, mais ça enthousiasma totalement l’emmerdeur qui se fendit d’une provocation bien salace. Je levai les yeux au ciel tandis qu’il s’éloignait, désireux de profiter de l’ovation générale de ces crétins. Honnêtement, je devais bien reconnaitre ces combats très profitables, surtout à voir le cuivre s’échanger de toute part, mais jamais je ne m’y serai risqué moi-même.

*Organiser ces trucs, c’est trop aléatoire… Si ton chien claque, tu perds, donc il doit forcément avoir trouvé un truc pour gagner autant.*

Mais quoi ? Plus je regardais le cabot dandiner sur trois pattes, moins je parvenais à comprendre où était situé à l’astuce. Il était sans doute temps de m’avouer vaincue, et d’abandonner l’idée de découvrir le truc pour espérer m’en servir à mon tour. Par contre, emmerder davantage ce type… Les crétins se mirent à brailler de plus belle quand il exhiba ses baskets bon marché et ses mantras fraichement gagnés aux yeux de tous. Et il en rajoutait encore, et encore, comme si les vociférations générales ne suffisaient pas à calmer son orgueil.

* Ah !... Monsieur aime jouer sur les mots hein ?... Attends.*

Une idée saugrenue se pointant dans ma cervelle, je saute à mon tour au bas de la table, et me faufile à l’extérieur de la salle, cherchant des yeux une connaissance. Un claquement de doigt plus tard, l’une des serveuse, que je connais bien, se rapproche de moi tout sourire, et j’en profite pour lui glisser quelques mots à l’oreille. Pour parfaire le tout, je lui glisse un pourboire dans le même temps, et voilà la demoiselle qui disparait quelques temps dans l’arrière-boutique.

Un instant plus tard, la jeune femme me confit discrètement l’objet pour lequel je lui ai versé un peu d’argent, et que je fourre aussitôt dans ma poche pour regagner la salle où régnait encore l’hystérie. Le combat suivant n’avait manifestement pas encore commencé, alors que déjà, on ramenait à grand renfort de hurlements un nouveau champion aussi pouilleux que le précédent. Qu’importe, je joue des coudes, me faufile et émerge à nouveau près de l’emmerdeur, tout occupé à exciter sa foule.
Le moment est venu de jouer les grandes gueules à mon tour. Je viens me mettre sur le devant de la scène en arrivant derrière lui, et je glisse par surprise mon bras autour de ses épaules comme il me l’avait déjà fait précédemment. Avec un grand sourire, presque aguicheur, et une voix suffisamment forte pour que tous entende, je rajoute la cerise sur le gâteau.

« C’est le grand combat du siècle cette fois ! En plus des chausses et des mantras, pour prouver que notre champion est le meilleur, j’offre une pipe à celui qui arrive à le vaincre ! »

Le casse-couille a voulu m’intégrer de force dans son coup ? Eh bien, nous y étions, et j’insistai bien sur le terme de notre champion pour mettre les choses au clair. Naturellement, à entendre la faveur sexuelle mise en jeu, et je n’étais pas un laideron tout de même, la clameur de la foule redouble d’intensité. Ou du moins, pensent-ils être une offre cochonne. L’astuce était un brin risquée, mais comme l’individu et moi sommes associés ensemble désormais…

« Alors, tu décides quoi ? Tu l’fais perdre ou gagner ? Fais gaffe de pas les décevoir au point où on en est… » Glissai-je à l’oreille de l’arnaqueur, sans me décoller de sa personne.

Ma déclaration puait le coup fourré, c’était l’évidence même. Et que devait-il faire ? L’occasion de me clouer le bec avec une queue puante était tentante, mais n’était-ce pas trop simple s’il était capable de changer l’issue du combat ? Et n’était-il pas dangereux de promettre davantage à cette foule déchainée ? Le public scandait de plus belle, réclamant le combat suivant.
Quelle que soit sa décision, je lui souhaitai bien du plaisir pour garder un semblant de contrôle sur ses hystériques maintenant que leur instinct de mâle primaire s’était éveillé.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le mercredi 26 septembre 2018, 01:07:34
La délicieuse petite garce. Elle venait de me coiffer au poteau avec la seule chose qui pouvait éclipser en un instant cette soif de violence que j'avais entretenue toute la soirée. Et cette chose, c'était la perspective primale de pouvoir enfoncer leur bite dans la première gonzesse qui leur passait sous la ceinture. Il n'en fallait pas plus pour un paquet de mâles en sueur qui empestaient la gnôle. Pire que de simplement me voler la vedette, elle m'avait coincé. Je ne pouvais plus me désister comme ça, ou saboter tout simplement le prochain combat. Le spectacle ne pouvait plus s'arrêter maintenant sur ma seule décision.
Soyons clair, peu importe ses véritables intentions, elle avait fait ses choix, ses engagements, et la jeter au milieu d'une foule d'ivrognes en rut ne me dérangeait pas le moins du monde, bien au contraire. Mais il y avait des enjeux, un contexte, des risques... Était-ce ce qu'elle voulait? Merde, c'était son plan pour comprendre ma triche?

Sanzam devait perdre. Mais son nouvel adversaire était encore une bestiole pitoyable et je ne pouvais pas "juste" être vaincu. Elle était entrée dans mon jeu pour mieux me forcer la main, soit. Mais c'était toujours MON jeu. Alors on allait le jouer selon mes règles.
Ma main lui effleura ostensiblement les fesses avant de monter se poser sur sa tête et la caresser avec espièglerie. Un sourire chaleureux, un baiser complice sur la joue, et aux yeux de tous nous étions soudain devenus extrêmement proches. Il était temps de faire les présentations. Et de lui imposer son rôle dans cette nouvelle mascarade:


"Messieurs, laissez-moi vous présenter Viagra, ma partenaire de toujours! Une ovation pour Viagra!"

L'ovation en question ressemblait à une cacophonie de mugissements approbateurs qui ne faisaient qu'amplifier le ridicule de l'insulte. Et puis si elle la comprenait, j'en apprenais toujours davantage. Fier de moi autant que de l'échiquier que je mettais en place petit à petit, je quittai cette étreinte imposée avec un regret feint, m'avançant vers l'arène comme un prince qui s'avancerait dans sa tribune. Et c'est avec le même dédain et la même hauteur que je jetai mon regard sur le nouveau cabot. Il était pitoyable, comme tous les autres. Penchant la tête sur le côté, comme pensif, je fis la remarque à voix haute:

"Non, ça, c'est pas le combat du siècle... VOUS AUTRES, VOUS APPELEZ CA LE COMBAT DU SIÈCLE?"

Un non général, poussé par des voix décalées et des intonations différentes. C'était brouillon, mais on saisissait l'idée. Je continuai sur ma lancée.

"Et vous pensez que ce gringalet fera le poids face au redoutable Sanzam, le champion du Sanglier Salace?"

Encore un non, plus coordonné. C'était comme si cette mention avait fait de mon champion "leur" champion. De vrais moutons. Ils s'unissaient sous la bannière d'une arnaque dont ils étaient victime. Continuant ma mise en scène, je tournai le dos à l'arène, m'appuyant sur la barricade de fortune qui la délimitait. Mes yeux sombres fixaient ma tendre "Viagra", mais je continuai de m'adresser à l'assemblée dont la majorité était derrière moi, avec des gestes de mains lascifs:

"Alors amenez-lui un ami! Même deux, tiens, avant que je ne prenne les paris! J'ajoute un troisième lot aux mantras et aux chausses! Sanzam peut s'occuper de trois adversaires! Et si ce n'est pas le cas, alors ma partenaire s'occupera de trois vainqueurs!"

Cette relance grivoise provoqua une véritable cohue, et beaucoup d'agitation. Pas besoin de parcourir la salle des yeux pour comprendre qu'une marée humaine d'hommes libidineux courait en tous sens pour dire à tel ou tel mec d'aller à tel endroit, chercher telle bestiole, et de se magner le fion. Des éclats de voix, des rires gras et des tapes grossières dans le dos, et une portion de l'assistance s'engouffrait vers la porte, avide de chercher leur champion et de "partager la victoire". Les instincts primaires, même s'ils avaient été utilisés contre moi, restaient simples à manipuler.
Immobile au milieu de ce brouhaha, mon regard ne quittait pas ceux de mon adversaire dans ce petit manège. Le véritable combat avait déjà commencé et un rictus victorieux passa un instant sur mon visage.

Sanzam allait perdre. Et moi, j'allais gagner.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le mercredi 26 septembre 2018, 16:34:52
Le buste bien droit, l’œil vif, j’arborai un sourire particulièrement insolent, et sûr de moi, pour faire face à ce prétentieux dont la seule erreur durant ce spectacle grandiose, fut de se croire plus grande gueule que moi. Mais au fond de moi-même, je n’en menai pas plus large que le pitoyable sac à puces que l’on amenait de force, coincé ainsi sous les aisselles transpirantes d’un matelot velu. Qu’était-ce d’ailleurs ? Ça ne ressemblait à rien, un vulgaire bâtard passant de main en main, un gros rat guère plus, exactement ce que je risquais si mon plan stupide échouait lamentablement.
Ce plan m’était venue spontanément. Alors que le bonimenteur m’adressait un sourire qui ne me disait rien qui vaille, prenant ses aises en me pétrissant les fesses et en déposant un baiser sur ma joue, je commençai à regretter mon idée. Car plus je voyais cette foule furieuse, plus j’étais en train de me dire que mon échappatoire était bien maigre, et que je risquais plus que de devoir enfiler une bile sale dans la bouche.

*Ricane enfoiré… J’suis pas encore à genoux…*

Le rugissement du public m’empêcha de ruminer mes pensées, et fit davantage courir un frisson glacé le long de l’échine. Non, décidément, je ne voulais pas me retrouver au beau milieu de ses cinglés en rut, à me faire matraquer la bouche par une queue puante et pustuleuse, ou pire encore ! Le maitre de cérémonie se sépara enfin de moi, et je suivis d’un regard légèrement anxieux son pas cadencé, ses gestes mesurés, et ce fichu regard provocateur qui masquait un énième coup fourré.

*Putain, non… Il va quand même pas oser en rajouter…* Pensai-je avec appréhension en l’écoutant additionner les récompenses et m'enfoncer davantage dans son business. *Oh bordel, il l’a fait…*

Mon plan initial étant de simplement jouer sur les mots, d’offrir une véritable pipe en bois au vainqueur, celle que je tenais justement dans ma poche et que la serveuse m’avait apporté, mais ce n’était plus vraiment d’actualité. Ma petite moquerie, cette maigre défense tombait à l’eau, et n’allait jamais se relever face à tant d’engouement viril… Et encore, ces mots sont faibles. Là, face à moi, une bonne quarantaine de mâles bourrés, hystériques, avec une demi molle dans le pantalon, et moi, la seule femme de l’assemblée avec une pauvre pipe en bois comme seule échappatoire.
La merde. C’était la merde. Malgré mon sang froid, un léger désarroi s’illustra sur ma trogne quand ces hystériques entrèrent en trombe, tenant dans leur bras un pitbull borgne, et un autre rat bâtard méconnaissable. Un ou trois, là n’était plus la question, le champion allait perdre, c'était inscrit. Cela se lisait sur le visage de mon propriétaire car il savait que je n’avais aucun moyen de refuser la faveur sexuelle désormais. J’avais lancé le pavé dans la marre, et monsieur n’avait fait qu’agiter les remous pour les transformer en vague, ce qui me vaudrait de sacrés emmerdes si je devais lutter contre le courant.

Un nouveau plan, et vite ! Les rugissements enthousiasmes retentissaient dans la salle tandis que le champion se faisait démembrer de manière prévisible… Évidemment puisque ce petit con trichait, je ne sais comment ! Cela m’était bien égal maintenant, parce que ma cervelle fonctionnait à plein régime pour trouver LA solution qui me sauverait de ce pétrin lubrique. Et là, cette solution, LA solution s’imposa brusquement sous mes yeux, en la matière de mon propre pantalon.
Rapidement, tandis que le combat faisait rage, je profitai de l’inattention générale à mon propos pour me décoiffer, tâchant de paraitre aussi laide que possible. Là-dessus, je glissai une main dans mon pantalon, triturait ma culotte à l’abri de regards, et réajustait finalement mon froc. Ce genre d’idée n’allait pas figurer parmi mes préférées, l’exhibitionnisme très peu pour moi, mais la faim justifiait les moyens ! Et ce qui devait arriver, arriva. Une dernière touffe de poil voltigea au-dessus de l’arène, et Sanzam rendit l’âme sans bruit, enfin déchiqueté sauvagement sous les hourras vulgaires des poivrots. Notamment les propriétaires des clébards, particulièrement enthousiastes de clamer leurs récompenses promises.

« Bravo aux vainqueurs ! » Hurlai-je bien fort en montant sur la table, histoire de prendre la parole en premier et de maitriser les choses. « Comme promis, ramenez-vos bites les vainqueurs ! »

Des rugissements d’enthousiasmes me répondirent. Déjà, au milieu des torses transpirants et des haleines alcoolisées, jouaient des coudes les trois types ayant ramenés les nouveaux champions, deux matelots rieurs et suants, plus un ivrogne bedonnant. Beurk. Je resserrai bien mon pull, celui-ci masquant déjà bien ma maigre poitrine où battait follement mon cœur, et commença de suite à desserrer ma ceinture. La foule n’en avait d’yeux que pour moi à ce stade et, silencieusement, je priai que mon ultime bluff fonctionne.

« Permettez que je sois dans l’ambiance… » Commençai-je avec un sourire se voulant coquin.

Je retirai mon pantalon lentement sous les « Oooh » lubriques… Avant de dévoiler mon caleçon masculin où s’affichait bien en vue, un membre en biais et ses bijoux de famille, sous les « Aaaah » surpris.

« … Dans l’ambiance parce qu’avec moi, c’est donnant-donnant les gars. J’espère que vous savez y faire de la langue aussi ! »

Si l’on m’avait dit qu’un jour, mon sexe allait me sauver. M’exposer ainsi ne me réjouissait pas beaucoup, je n’affichai qu’un sourire forcé, mais cela eut moins l’effet escompté. Déjà j’entendis de part et d’autre, force grognements réprobateurs, tandis que les trois vainqueurs hésitaient à avancer. Forcément, entre l’éclairage miteux, mon look de garçon manqué, ma poitrine cachée et ce membre masculin, on pouvait douter. Leur état d’ébriété avancé faisant le reste.

« C’t’y un faux ! » Brailla un soulard en me collant brutalement sa main à l’entrejambe, ce qui me fit souffler sous le choc, avant de la retirer comme s’il s’était brûlé. « C’t’y un putain d’vrai ! »

 « Ta partenaire, c’t’UN partenaire ! » « Tu nous prends pour des tantouses ?! » « Putain d’salaud, approche pas d’ma bite ! » « REMBOURSE ! » Braillèrent-ils.

Crétin. Mais au moins son intervention eut le mérite de provoquer des braillements indignés, et un début de bousculade vers mon fameux partenaire. J’eus juste le temps de remonter mon froc tandis qu’on fit chanceler la table où j’étais perchée et, avec une souplesse exemplaire, je retombai sur mes pieds. Le moment était venu pour moi de prendre la tangente au milieu de la cohue. On ne badinait pas avec la virilité de ces messieurs. A pas de loups, je regagnai l’entrée de la salle tandis que l’on m’avait oublié, moi la fille au physique inattendu, et me faufilait discrètement vers la sortie.

Plantant là l’arnaqueur à l’ego démesuré, je lui souhaitai mentalement bien du plaisir pour se dépêtrer de cette situation !
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le jeudi 27 septembre 2018, 23:53:13
C'était une victoire parfaite et écrasante. Je l'avais coincée, j'allais terminer ma soirée avec mes gains, quelques pertes inévitables mais négligeables, et un public satisfait. Sanzam opposait bien un semblant de résistance, mais l'issue était déjà déterminée. J'avais juste à relâcher mon emprise sur ce cadavre ambulant au moment propice, et honnêtement le spectacle qu'offraient ses adversaires me facilitaient la tâche. J'avais une mine contrite lorsque mon champion glapissait sous les morsures, mais à l'intérieur, je jubilais. J'eus un sourire résigné en applaudissant les vainqueurs au terme de cette petite comédie.

A peine le combat était terminé que ma "partenaire" captait l'attention. Un mauvais pressentiment m'envahit soudain. Elle ne pouvait pas JUSTE s'être pliée au jeu, pas vrai? Mon instinct me hurlait qu'elle avait quelque chose en tête, quelque chose de... Désobligeant? Merdique. C'était le terme, oui. Çà sentait la merde. Je n'étais qu'une paire d'yeux parmi des dizaines qui attendaient la suite du show, mais je ne cherchais pas à m'approcher, bien au contraire. Je me rapprochais de mon butin, petit à petit, pour être prêt à l'embarquer et à me tirer au moindre bémol. Il était assez lourd, et j'espérais me tirer discrètement. Elle avait défait sa ceinture. Donc à moins de vouloir détaler en se tenant le froc, elle avait autre chose en tête.
Elle avait autre chose dans le pantalon.


"C’t’y un faux!"

"Non", pensai-je derechef. "Non mec, c'est pas un faux. Pas besoin d'y mettre la main pour... Trop tard!". Mon sac était littéralement à deux pas quand il se retournèrent d'un bloc vers moi. "Rembourse", osaient-ils me crier. A nouveau je me retrouvais forcé de réfléchir à cent à l'heure, et d'improviser sur le tas. Il n'était plus question de ranimer Sanzam, un zombie dans cet état, déchiqueté et démembré, était plus pathétique qu'intimidant. C'avait été une solution de dernier recours, mais c'était totalement à exclure. On s'était déjà débarrassés de ses victimes de la soirée, et aucun de ses derniers adversaires n'était mort. L'utilité de Samaël avait ses limites et je ne voulais pas risquer de dévoiler le subterfuge.
Je fis alors l'inventaire de tout ce que j'avais dans le sac de sport, toutes les breloques que j'avais à disposition. Il devait bien y avoir quelque chose qui me tirerait d'affaire là-dedans. Si seulement je pouvais l'atteindre... Je devais me créer une ouverture.


"Messieurs, messieurs, MESSIEURS! Vous n'avez pas apprécié la blague, soit. Mais il y avait d'autres choses en jeu, pas vrai?"

J'avais toujours ça. La paire de pompes que je tenais par les lacets sans même y penser, et cette ribambelle de capotes dans ma poche. Les prix. Les récompenses. Des objets de convoitise. C'est pour ça que je les avais toujours sur moi, d'ailleurs. Des bousculades et des jurons m'indiquaient que mes grands gagnants venaient clamer leur dû. C'était ma chance.
Je jetai mes "lots d'une valeur inestimable" dans la foule comme j'y semais des graines de confusion, provoquant une altercation qui me permit de me jeter sur mon sac et l'ouvrir, brassant l'intérieur à toute vitesse à la recherche de mon salut. J'y trouvai une paire de menottes à fourrure et une idée me traversa l'esprit. Je les pris. Elles, et un petit poste radio CD. Lui, je l'avais emmené pour le plaisir. J'allais devoir m'en séparer.


"La troisième récompense dont je parlais! Les sons d'outre-monde! Une machine infernale capable de scander des malédictions à quiconque ignore leur secret!"

Ce n'était pas mon plus beau mensonge, mais à situation désespérée, mesures désespérées. Et puis, Terra était un monde de magie, un monde de paysans ignares, illettrés, superstitieux et soiffards. On pouvait toujours miser sur la bêtise humaine. En appuyant sur play (https://www.youtube.com/watch?v=Q0WLFpIQ0o0), j'en vis certains tout lâcher et se boucher les oreilles, pour se protéger des langues et sonorités qu'ils ne connaissaient pas. Des gens qui se battaient pour des préservatifs, d'autres qui réagissaient bizarrement à la musique... Ça ressemblait à une soirée en boite à Seikusu, mais c'était surtout mon moment pour me faire la malle.
Laissant le poste sur place, je refermai mon sac et le chargeait sur mon épaule, prenant mes jambes à mon cou. Je profitai de la confusion que j'avais semée pour me faufiler à travers cette meute en colère, bousculant les plus abrutis d'entre eux. Certains agrippèrent mes vêtements à la volée et je dus me débattre pour me défaire de leur poigne. J'évitais quelques coups, j'en subissais d'autres plus ou moins douloureux, mais je traversais. Ils me freinaient, mais j'étais inarrêtable. Je savais plus ou moins ce que j'avais à faire une fois sorti de là. Et je pressai le pas à peine dégagé de la foule.

Un cliquetis, et je refermai le bracelet des menottes à poils roses sur mon poignet. J'avais inventé une histoire fantastique, sur cette fourrure, en les achetant. Mais elles allaient se montrer bien plus utiles que prévu. Je traversai la salle de la taverne au pas de course, et j'entendais déjà que mon public hagard allait se lancer à mes trousses. Je fis une magnifique sortie en me jetant contre la porte, l'abattant dans un odieux claquement de mon épaule. Samaël me soignait, mais il ne faisait rien pour la douleur. Dans la rue, j'apercevais ce que je cherchais: la raison même de cette débandade. Elle -il?- s'éloignait d'un pas vif mais discret, une démarche que j'avais employée après de nombreux coups fourrés.

Un sprint. Je la rattrapai. Un "clic!" après avoir attrapé son poignet. Et un seul mot: "Cours".

Qu'elle le veuille ou non, nous étions "partenaires" désormais. Nos destins étaient liés, par une petite chaine, et des bracelets touffus. Je l'embarquai avec moi, reprenant cet air supérieur et triomphant qui l'avait si facilement embobinée jusqu'alors:


"Viagra... C'était pas à prendre au pied de la lettre, tu sais!"
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le dimanche 30 septembre 2018, 15:14:23
 « Pour la femme de ménage. » Lançai-je à la serveur en lui jetant une piécette de bronze d’une pichenette de l’index.

La porte de l’auberge se referma derrière moi avec un grincement sonore, coupant court au vacarme croissant de l’arrière salle. La hargne de la cohue semblait s’intensifier, mais ce n’était plus mon souci désormais. L’air piquant du large me frappa au visage et, en plus de la fraicheur nocturne, contenait un très subtil parfum particulier… Le doux arôme de la victoire ! Les mains dans les poches et le sourire aux lèvres, je m’avançai dans la ruelle, très fière de cette conclusion.
Ah, le petit merdeux allait en avoir pour son argent !  C’est ça, pensais-je, de s’attaquer à une dealeuse professionnelle. L’arnaqueuse, la grande gueule, la reine des baratineuses, c’était moi ! Avec une foule d’ivrognes en colère, l’amateur devait rapidement s’en rendre compte à l’heure qu’il était, qu’il n’allait pas émerger indemne de cette merde. Ça, j’étais prête à le parier. Je longeai les murs et pressai le pas, ne serait-ce que pour mettre un maximum de distance entre moi et cette maudite taverne.

Une précaution tout à fait louable. La gargote contenait une bonne cinquantaine de types furieux d’avoir été pris pour des jambons, et quand ils auraient terminé de charcuter l’arnaqueur, les moins alcoolisés ne tarderaient pas à me tomber sur la viande si je m’attardais. Confus ou non sur mon identité sexuelle. Pareil lot contenait toujours quelques individus intéressés par un peu d’exotisme, et cette simple idée me donnait déjà la nausée. J’enjambe, je me faufile entre caisses et clochards, d’un pas chaloupé, parfois pressé mais toujours silencieux, et c’est à ce moment-là que les choses se gâtent.
Des pas précipités dans mon dos me poussent à me retourner derechef et, sous le halo des réverbères, je vois ce casse-pied, ce bonimenteur, cette calamité se précipiter vers moi. En une fraction de seconde, par pur réflexe, je cherche un coin d’ombre pour m’y planquer, mais cet ahuri me prend de court par un geste inattendu.

« Qu’est-ce que tu… » Articulai-je quand il chope mon bras avec ce qui ressemble à des menottes.

Si je m’attendais à une connerie pareille ! Mais nul temps pour la réflexion que me parvient aux oreilles les braillements rageurs de son ancien public, et que sa directive me pique vif. Je cours, nous courrons, et derrière, ça court aussi… Il n’aurait pas pu me lâcher les basques, non, l’emmerdeur s’est carrément décidé à rameuter sa troupe de poivrots furieux avec lui !

« Ta gueule, m’appelle pas viagra ! » Lâchai-je en courant. « C’tait d’jà assez humiliant sans que t’en rajoutes ! »

C’est vrai quoi ! Quoiqu’entre l’humiliation d’être en caleçon devant une foule ivre, et celle d’être prise pour un mec, mon cœur balance. La course ainsi menottée n’est pas aisée, d’autant que mon partenaire forcé ne semble pas connaitre autant que moi les ruelles tortueuses, si bien que nous nous percutons bien trop à mon goût.

« Suis-moi plutôt, j’ai pas envie d’me faire découper en rondelles ou agrandir le troufion ! Magne ! »

Les beuglements se rapprochent. Je prends les choses en main en attrapant son bras, le tire dans une ruelle à peine assez large pour deux personnes, l’entraine sous un porche, dans une cour pleine de clochards et dans un véritable dédale labyrinthique où nous perdons une bonne moitié des poursuivants. Heureusement pour moi, je suis rompue à ce genre d’exercice, et le pousse toujours plus loin, à la manière d’un matou des rues poursuivant une souris, pour arriver pile devant l’une de mes planques.
Quelques marches conduisent à la porte d’une cave, sous la façade sale d’une maison abandonnée, et j’ouvre d’un coup de pied le bois vermoulu afin de l’entrainer à l’intérieur où règne la pénombre. Une fois la porte refermée, c’est bien pire, on n’y voit goutte, et je tâtonne fébrilement pour retrouver le briquet dans ma poche. Cet endroit est justement organisé expressément pour ce genre de cas, à savoir la fuite, et je n’ai aucun mal à retrouver la table centrale où trône une bougie aussitôt allumée.

« Bon… Ça d’vrait aller pourvu qu’on fasse pas trop de bruit. Et m’appelle pas viagra, je m’appelle Alix.  Et tu vas me dire pourquoi t’as fait ça ?! » Déclarai-je en lui collant les menottes sous le pif.

La planque en question n’est qu’une simple cave à vrai dire, où s’entassent quelques sacs à moi pleins de poussières, parfois quelques caisses de marchandises bon marché. J’y ai entassé quelques meubles : un placard, deux chaises, un canapé mité et la seule lucarne donne directement au ras du sol crasseux de la ruelle. Quelques pieds défilent derrière le carreau sale, mais je ne suis pas inquiète d’être découverte et préfère fusiller du regard cet aimant à emmerdes qui s’est accroché à moi.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le mardi 02 octobre 2018, 02:59:09
"Moi c'est Kip. Kip Smirkin."

Je déverrouillai les menottes avec un certain dédain, en appuyant simplement sur le petit bouton au bord du bracelet. Ces menottes étaient faites pour jouer, et j'avais un malin plaisir à lui montrer la facilité avec laquelle elle aurait pu s'en défaire. J'eus le réflexe de vérifier mon poignet qui me faisait encore mal, mais le rougissement disparaissait déjà. C'est que notre petite escapade n'avait pas été une partie de plaisir, et j'avais eu du mal à tenir son rythme; balloté et forcé de suivre à la fois les mouvements de son propre poignet, et les directions qu'elle prenait sans vraiment prendre la peine de m'avertir. L'idée n'avait pas été si brillante, et j'éviterai à l'avenir de recommencer, pour le confort de mes bras.
Elle avait tout de même porté ses fruits, puisque cette "Alix" m'avait mené dans ce qui semblait être une de ses planques, si je me fiais à la facilité à laquelle elle s'était repérée dans l'obscurité. L'éclairage à la bougie était archaïque, aussi je fis le choix de sortir une lampe à LED de mon sac à breloques. C'était un porte-clé, à peine aussi grand que son briquet, mais c'était assez puissant pour éclairer la pièce. Les joies de la technologie. Je profitai de cette lumière nouvelle pour vadrouiller un peu dans la pièce en la parcourant des yeux, puis allait m'asseoir à la table comme si j'étais chez moi. Le jeu continuait et il fallait que je m'impose, y compris sur son territoire.


"Quant à savoir ce que je fais ici, Alix, c'est tout bête: Je réclame mon dû. A moins bien sûr que tu aies trouvé comment je truquais les combats..."

Je sortai à moitié mon téléphone de ma poche, pour vérifier l'heure. Techniquement, elle avait encore sept minutes pour me fournir une réponse. Mais puisqu'elle avait écourté mon affaire, je ne me sentais pas obligé de le préciser. Notre pari s'arrêtait là et je l'avais remporté, il était temps de payer la note. J'avais une attitude princière et victorieuse, et marquai même un temps pour lui laisser l'occasion d'appréhender la situation. J'étais venu sur Terra pour un business bien précis, un filon d'enfer. Il y avait un semblant de miséricorde dans ma voix:

"Oh rassure-toi, tout ce que je demande, c'est des infos. Je veux savoir qui te refourgue tous tes objets terriens, leurs noms, et comment tout transite. Joue pas aux cons, Viagra, t'en sais trop sur la Terre pour ne pas faire partie de la machine."

Mes doigts pianotaient sur la table, non pas à la manière d'un musicien mais à celle d'un marionnettiste. Le moment où je révélais certaines de mes cartes était toujours celui que je préférais. Elle pouvait penser à tout ce qui l'avait trahie, toutes ces imprudences que j'avais pu relever. Et pour bien lui faire comprendre à quel point je l'avais coincée, je me levais à nouveau pour aller me placer entre elle et la porte. Tout était dans la mise en scène. Mon ton devint mielleux, entre la provocation et la séduction.

"En fait, je suis là pour toi. Des jours que je fais tourner ce genre d'arnaques de bas-étage, et tout ça simplement pour te débusquer. Je veux dire, vendre des merdes terriennes sur Terra, je pouvais pas être le premier à y penser, c'est évident!"

J'avais bien appuyé sur ce dernier mot, pour laisser sous-entendre que si l'idée était bonne, elle ne relevait pas du génie. Si elle venait d'elle ou d'un de ses proches, j'espérais que le tacle ne la pique au vif. Quand on joue avec les émotions humaines, il ne faut pas avoir peur d'en faire des tonnes. Et puis, je l'avais suffisamment malmenée et humiliée pour chercher à tout prix la subtilité. Je poussai le vice encore plus loin.

"Au fait, c'est une pipe en bois que j'ai aperçu dans ta poche, quand on courait? Et tu croyais vraiment t'en tirer avec un jeu de mots?"

Je me mis à ricaner ouvertement, juste devant son nez. J'avais pu voir ce qu'il se passait quand les ivrognes de Nexus étaient contrariés. Ils n'appréciaient pas les mauvaises surprises. Ce que je n'avais pas vu, en revanche, c'était ce trou fait au couteau dans mon T-shirt au niveau de mon estomac, et qui avait rougi le tissu et ma peau de mon propre sang.
Ma peau qui, elle, n'avait déjà plus ni plaie ni cicatrice.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le vendredi 05 octobre 2018, 00:20:47
Quel con. Mais quel con. C’est fou, plus je le voyais, et plus l’envie de lui décocher une torgnole, là, en pleine poire, me démangeait. Par la faute de ce crétin, je venais de cavaler en plein Nexus, de nuit s’il vous plait, avec collé au cul, une foule en colère qu’il avait lui-même provoqué. Certes, j’étais moi-même un peu coupable, mais là n’était pas la question. Malgré cette situation précaire, cet énergumène n’avait pas trouvé mieux que de rajouter des menottes, ces dernières ayant rendu notre fuite encore plus malaisée, en plus de me scier le poignet.
Et il venait de les retirer avec une facilité déconcertante, puisqu’il s’agissait d’un jouet ! Un vulgaire accessoire coquin comme on en vendait sur Terre, j’avais déjà eu ce modèle dans les mains mais passons, et que j’aurais été moi-même capable de virer. Si je m’en étais seulement aperçu dans le noir. Plissant le regard devant cet affront, je le regardai se promener dans ma piaule, une loupiotte terrestre à la main avec une envie manifeste de lui foutre mon pied au cul.

« Quel nom de merde. » Commentai-je, de mauvaise humeur.

En me massant le poignet, je me laissai finalement dans le divan défoncé, ce qui souleva au passage un fameux nuage de poussière. J’étais momentanément coincée dans cet endroit. Au moins le temps que les types au-dehors se lassent de nous chercher, il me fallait supporter la présence de cet emmerdeur né. Une bonne heure à mon avis. A l’instant présent, tout ce qui m’importait, était de trouver le moyen de m’en débarrasser une fois dehors car, à bien regarder son sourire insolent, le Kip avait une idée derrière la tête.
Calmement, un effort formidable de ma part, je l’écoutai dévider ses prétentions avec un flegme admirable. Alors certes, je n’avais pas découvert d’où venait son astuce, mais il était sacrément gonflé ! Moi je n’avais rien parié ! Et de toute façon, je ne comptais rien lui donner après le tour de cochon qu’il m’avait joué en m’embarquant dans cette stupide course-poursuite. Non mais ! Le mot viagra acheva de me mettre de mauvais poil.

« Arrête de m’appeler viagra, bordel ! Et le voilà ton paiement. » Je dressai mon majeur sous son nez. « J’te dois rien, c’est toi qui a parié quelque chose, moi j’ai rien proposé. »

Que je trempe dans les commerces entre les mondes, ça n’était pas un secret lorsqu’on était suffisamment dans le milieu pour être bien informé. Dans le cas contraire, comment pourrais-je refiler mes produits ? Sur Terre comme sur Terra, la demande en articles de l’une à l’autre était florissante, mais encore quelque chose qui se déroulait dans l’ombre, et sous le manteau.

« Oulala, tu m’as démasqué, j’suis foutu ! » Ricanai-je. « J’ai mon p’tit commerce, ouais, et alors ? Tu crois que j’vais t’y introduire comme ça, tu rêves Pik.  Même si t’avais gagné un pari, rien m’oblige à le respecter surtout que j’ai sauvé ton cul ce soir, donc on est quitte. »

Quant au coup de la pipe, je serrai les dents à la remarque. Oui, c’était une idée parfaitement stupide ! Mais on ne peut pas être la meilleure à tous les coups, non ? Quoiqu’il en soit, plus je réfléchissais sur la situation actuelle, plus je voyais mal comment il pourrait m’obliger à quoi que ce soit. Me menacer avec son couteau à beurre était inutile, et l’emmerdeur le savait parfaitement.
Alors que je pose mon regard sur son visage suffisant, un curieux détail me sortit de ma réflexion, et je me levai brusquement en saisissant la petite bougie sur son présentoir. L’aura de la flamme vint éclairer ses vêtements, terrestres eux-aussi, et confirma justement ce que mes yeux avaient cru discerner. Son t-shirt était déchiré, et imbibé de sang comme si un poignard y avait fourragé. Sans la moindre trace de blessure.

« Et ça ? » Dis-je lui en désignant l’endroit où ses tripes auraient dû sortir. « Tu vas pas m’sortir que c’est la dernière mode sur Terre de se balader avec des vêtements labourés et pleins de sang parce que ça prendra pas. »

Ce type m’inspirait de moins en moins confiance. La magie ou les créatures capables de se relever après des coups de lames existaient mais… Ne venait-il pas de la Terre ?
« Te fous pas de ma gueule en me demandant mes secrets quand t’as les tiens. » Maugréai-je en retournant m’asseoir. « T’es quoi au juste ? »
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le vendredi 05 octobre 2018, 02:10:51
"Son" petit commerce? C'était difficile à croire, mais je m'y résignais. Après tout, la pipe en était la preuve: Alix ne semblait pas adepte du mensonge. Cachotière, peut-être, mais honnête dans une certaine mesure, et c'était respectable. Je trouvais toujours à redire sur son manque de malice, et j'étais prêt à me montrer cinglant. "Sauver mon cul"? A d'autres, c'était elle qui m'avait foutu dans cette merde! Et je lui avais forcé la main parce qu'elle avait senti ma triche, parce que sa présence me menaçait! Mais je devais revoir mon approche. Le business était à elle. Mon but n'était plus de l'acculer, mais de la séduire. Je voulais qu'on travaille ensemble, ou au mieux, qu'elle travaille pour moi. Il fallait que je commence à trouver des arguments en ma faveur.

"Et ça ? Tu vas pas m’sortir que c’est la dernière mode sur Terre de se balader avec des vêtements labourés et pleins de sang parce que ça prendra pas. »

De quoi... Oh. En baissant les yeux, je remarquai le sang encore frais qui maculait mes vêtements. La bousculade dans ma fuite avait dû être plus violente que prévue. Et il y avait parmi eux des types bien plus énervés que je ne l'imaginais, mieux valait ne pas mettre le nez dehors avant un moment. Un soupir amusé, et j'empoignai le tissu humide comme si je cherchai à l'essorer. Un geste machinal, incohérent, idiot. Maintenant ma main était rougie et collante, et je n'avais rien gagné. Le ridicule de cette réaction me détendit un peu.

"Te fous pas de ma gueule en me demandant mes secrets quand t’as les tiens. T’es quoi au juste ?"

"T'es quoi". On ne me l'avait jamais faite, celle-là. En tout cas sur Terra, c'était une première. Je me sentais comme un monstre, une créature mystérieuse, et c'était plus dérangeant que je ne l'avais imaginé. Moi aussi j'étais humain, moi aussi, je venais de Terra. On était dans un monde de magiciens et moi j'étais... Quelque chose. Je n'étais pas "qui", mais "quoi". En mon for intérieur, une partie de moi, injuste et illogique, en voulait aux ka'karis de m'avoir choisi. Comme si ce pouvoir ne venait pas tout juste de me sauver la vie.

"C'est impoli! Je pourrais te poser la même question, vu les atouts que tu caches!"

Un sourire amusé indiquait que ma remarque se voulait légère, et pas cinglante. J'imaginais déjà une armée de "non-binaires" enfoncer la porte et m'assaillir comme le cisgenre intolérant que j'étais. Comme si ces questions étaient d'ordre public, de toute façon. Pour tout dire, outre l'effet de surprise qui m'avait atteint bien avant le type qui y avait mis la main, j'étais curieux.
Je m'éloignai de la porte et venait m'asseoir sur un coin de la table, nous aménageant une distance de conversation plus confortable, plus intimiste. Il n'était plus question de l'envahir, ou de m'imposer, mais de l'encourager à s'ouvrir. Je parlais également plus bas, une habitude quand je m'apprête à dire la vérité:


"J'crois qu'on est partis du mauvais pied, tous les deux. Donc je recommence: Bonjour Alix, moi c'est Milano. Je viens de la Terre, je suis expert en arnaques, et comme tu as pu le constater, je suis plutôt doué. Je suis venu sur Terra dans le seul but de pouvoir investir dans ton petit commerce."

Je n'aimais pas du tout le terme "investir". J'aurais voulu pouvoir me glisser dans ce business avec un minimum de pertes, que ce soit en temps ou en ressources. Mes seuls intérêts étaient de pouvoir faire le transit facilement et avec des bénéfices qui en vaudraient le temps et l'effort. Je voulais fournir quand je le voulais, et percevoir un pourcentage comme je l'entendais. Mais c'était un début, et je pouvais toujours essayer de l'entourlouper plus tard.
Mon poignet entra à nouveau en contact avec le tissu gluant-collant de mon T-shirt. C'était vraiment désagréable et je sentais le tissu adhérer à mon ventre d'une façon inconfortable. Après ce qu'il s'était passé plus tôt, j'étais un peu gêné:


"Euh... Tu peux te tourner? Faut que j'enlève ça."
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le samedi 06 octobre 2018, 14:00:05
Le divan mité s’avéra aussi inconfortable que j’aurais pu l’estimer. Quelques ferrailles me grattèrent le bas du dos tandis que je cherchais vainement un coin de cuir indemne de trous, non sans grommellements dans ma barbe invisible. Dehors, dans les venelles désormais plongées dans l’obscurité, la cavalcade des pieds furieux s’était éteinte, mais d’expérience, je ne m’y trompais pas. Les poursuivants devaient actuellement reprendre leur souffle, s’assembler en cercles rageurs, bedaines tremblantes et nez boursouflées, avant d’en venir à errer sans but, cuvant leur alcool à l’air libre.
D’ici une heure peut-être, pensai-je, mais ça se sera pas sûr avant. Ma foi, j’étais sans aucun un brin trop prudente, mais contrairement à mon invité forcé, je n’étais pas capable d’encaisser un coup de couteau dans le ventre sans broncher. A voir la tête que l’énergumène fit à ma remarque, sa main tâtonnant sur son vêtement poisseux de sang, il ne s’en était même pas rendu compte. Ma méfiance ne fit que croitre. Qu’on puisse passer outre une petite écorchure sous l’effet de l’adrénaline passe encore, mais à voir la taille de la tâche sanguinolente, ce n’était pas une simple égratignure.

« Jaloux de mes atouts ? » Ricanai-je, restant néanmoins sur mes gardes. « J’avais pas pour projet de m’exhiber figure-toi, c’tait un putain de mauvais moment et peut-être bien la honte de ma vie. »

Humiliant était le mot juste. En caleçon devant une foule d’ivrognes qui me jetaient des regards dégoûtés, comme devant une immonde monstruosité, et ce crétin qui m’avait collé sa main moite entre les jambes. J’en frissonnai de dégoût. Ma mauvaise humeur revint instantanément face à ce souvenir désagréable et, avec un haut-le-cœur soudain, j’en étais presque malade. Pile le moment où emmerdeur revenait à la charge, s’asseyant encore plus prêt de moi, probablement pour m’embobiner davantage.
Doué ? Je retins difficilement ma langue. Certes, talentueux pour flouer des fonds de caniveaux et des ivrognes en leur vendant les pires merdouilles en plastique terrestre, mais de là à parler d’un talent pour le négoce… Toutefois, son changement de tonalité m’inquiéta bien davantage. Je flairai là un changement d’attitude, une douceur expressément destinée à m’amadouer, et si cela était encore possible, mon niveau de confiance dégringola encore. La mèche devant les yeux, dardant un regard méfiant, je croisai les bras sans piper mot.

« Pourquoi ? J’ai d’jà vu des types torses nus. T’as quelque chose à cacher dessous ? J’vois pas pourquoi je m’tournerai pour si peu alors que tu m’as déjà vu en sous-vêtements. »

Au moins avais-je appris son nom, le vrai, et non cette appellation qui m’avait semblé idiote dès lors qu’elle venait de franchir ses lèvres. En soupirant, je me levai de mon canapé pour arpenter la pièce sombre, la bougie à la main, à la recherche d’un meuble précis parmi l’enchevêtrement poussiéreux. A force de tâtonnements, j’ouvris des placards grinçants pour sortir un gros bidon en plastique transparent, rempli à ras bord d’eau claire, que je déposai sur la table où s’était assis Milano.

« Débarbouille-toi avec ça, c’est de la flotte. » Déclarai-je sans me départir de mon air revêche en me laissant retomber dans le divan. « T’embobines peut-être tes poivrots, mais pas moi. Si tu veux parler affaires, faut me donner du concret, et crois-moi c’est pas tes babioles qui m’impressionnent. »

Certes, ce type me tapait sur les nerfs. Certes, il m’avait entrainé dans une situation périlleuse. Mais les affaires sont les affaires, n’est-ce pas ? Le commerce intra-mondes était l’un des plus juteux qui puisse exister, et on n’avait jamais trop de contacts ou de fournisseurs. Mais l’effort n’allait pas venir de moi, ça pas question ! A lui de se contorsionner pour m’amener à l’écouter !

« Alors, il y a quoi sous ton t-shirt ? T'es un mollusque élastique ? Genre un panope ? » Bien calée sur mon séant, je l’observai avec une certaine curiosité. « Je t’écoute mais laisse-moi t’dire que tu vas avoir du boulot pour que j’te fasse confiance. Et le strip-tease suffira pas. »
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le mardi 09 octobre 2018, 04:20:33
J'étais un peu gêné, oui, mais ce n'était pas de la pudeur. J'avais juste TOUJOURS quelque chose à cacher. Et j'éprouvais toujours une sorte de malaise à me mettre à nu devant quelqu'un, même dans des circonstances plus intimistes. Quoi de plus naturel, après tout? J'avais l'habitude de cacher absolument tout, y compris mon nom et mes émotions véritables. Révéler mon corps, c'était dévoiler une chose qui ne pouvait pas mentir. C'était "moi", mon physique, et mon apparence qui pouvait en dire beaucoup sur qui j'étais réellement. Du moins aux yeux d'un bon physionomiste. Mais c'était un réflexe, une habitude, une manie que de tout enfouir, de cacher chaque ressenti pour jouer mon rôle. Alors je feignis l'indifférence.

"Simple question de bienséance, en fait. Je suis pas du genre à m'exhiber non plus, mais je voulais pas te demander l'autorisation."

Mon manteau tombait de mes épaules et je sentais déjà sur moi le regard critique d'Alix qui me fixait sans en ajouter davantage. A mesure que je m'allégeais, l'atmosphère me semblait plus lourde, mais je m'efforçais de rester sur ce que je faisais et de l'ignorer pour ne pas dévoiler mon embarras. Je retirai mon vêtement imbibé de sang avec précaution, pour éviter de me tartiner davantage et de me retrouver plus tard avec des noisettes de sang séché dans les cheveux.

Non, il n'y avait rien à cacher. Il n'y avait pas de cicatrice horrible, on ne voyait pas les ka'kari scintiller sous ma peau. Seulement moi. Je n'avais pas de secret honteux, mais rien que je n'avais envie de montrer. Un corps menu, dans la norme, anodin, banal. Quelques petits grains de beauté ici et là, comme tout un chacun. Une peau un peu pâle qui me criait que je devrais passer plus de temps en extérieur, et moins à fabriquer des faux papiers en m'inventant tout un paquet de nouvelles vies à vivre. Un tatouage qu'elle ne pouvait voir, dans mon dos, et que je n'allais pas m'amuser à exposer par vantardise.
Je roulai mon T-shirt en boule de façon méthodique avant de m'emparer du bidon d'eau et de l'imbiber avec, pour en faire une éponge de fortune. J'avais cet avantage d'avoir le torse et le ventre glabres, probablement à cause d'un caprice d'Asmodéus qui avait joué avec mes hormones lors de mon adolescence, allez savoir. Ça me facilitait la tâche, au moins, pour essuyer les traces rouges sur ma peau. Il n'avait pas dû me rater, ç’avait été une sacrée hémorragie. Il y a des douleurs qu'on ne ressent pas tant qu'on ne voit pas la blessure, et j'étais ravi que celle-ci en fasse partie. Si j'avais baissé les yeux lorsque la lame avait traversé ma chair... Elle m'aurait sans doute semblé insoutenable.
Une fois ma toilette terminée, je laissai tomber le linge humide sur mon sac fermé, au pied de la table. J'évitais sciemment de croiser le regard de mon hôte, jusqu'à ce que je ne me recouvre dans mon blouson, que je refermai avec un certain soulagement, et que je ne la gracie d'un remerciement, pour l'eau. Je tentais même d'être réconfortant, à ma façon:


"Si tu t'affranchis du sentiment de honte, plus rien ne pourra t'atteindre. Peu importe si c'est humiliant, ou insultant. Du moins c'est ce que je pense."

Ce conseil se voulait d'une logique implacable, mais dans la pratique, j'espérais juste qu'il apaise un tant soit peu la gêne que je venais de ressentir. Une sorte d'obsession d'avoir toujours les mots justes, sans pour autant goûter ma propre médecine. Je reprenais une attitude détendue, désinvolte, comme pour m'en convaincre. Même avec du talent, c'était délicat, de se mentir à soi-même.

"J'ai de la ressource, sur Terre. Des moyens, des contacts, une sacrée marge de manœuvre pour fournir l'offre qui correspond à la demande. J'aurais amplement de quoi te faire une concurrence écrasante si je m'y mettais vraiment, mais j'ai d'autres affaires en cours et c'est pour ça que je suis venu te trouver. Aussi si on doit collaborer, j'assurerai mon transit une fois par semaine dans une certaine marge horaire. Ce point n'est pas négociable."

C'était une entrée en matière agressive, mais elle avait fait ses preuves. Avancer mes avantages. Souligner qu'une alliance ne m'est pas nécessaire, mais "nous" serait bénéfique. Et enfin, imposer une exigence. Je ne voulais pas en étaler davantage sur le pourquoi du comment de cette dernière, elle n'était pas obligée de savoir comment marchaient mes pouvoirs. Et puis, si elle connaissait le conte du Chevalier des Ka'karis, comme beaucoup de terrans, elle pourrait très bien essayer de me buter pour les avoir. C'est le risque, quand on trimballe des artefacts légendaires vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

"Je sais pas exactement comment tu gères tes affaires, mais la contrebande, ça se fait sur des ententes, et pas de la confiance. Je n'ai pas confiance en toi, je cherche pas à te faire confiance. Je cherche un terrain d'entente et tu ne me facilites pas la tâche."
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le dimanche 14 octobre 2018, 14:36:56
La nuit tombée, les ruelles crasseuses de Nexus venaient de retrouver leur quiétude habituelle, et c’est avec un soulagement muet que j’accueillis ce silence soudain. Terminé l’angoisse du martèlement des savates sur les pavés extérieur, même si cela ne garantissait pas encore un abandon définitif de la chasse. Quant à l’intérieur de ma planque, parmi les toiles d’araignées et la moisissure, je m’enfonçai dans le canapé défoncé, confortablement installé pour instiller un peu de gêne à mon invité surprise.

*Chacun son tour mec, si t’es gêné c’est tant mieux. Moi c’était bien pire.*

Encore que, la faute à la maigre lumière dispensée par ma bougie, on ne voyait goutte au final. Mais tout de même, je veillai à le fixer délibérément, dans le seul but de lui rendre ne serait-ce qu’un soupçon de ma propre honte précédente. Quoique je ne comprenais pas vraiment l’origine de son embarras. Les hommes que je côtoyais, ici à Terra, des marins, des brutes et parfois des soldats ou même des mercenaires, tout ceux-là n’éprouvait pas la moindre gêne à se mettre torse nu.
C’était bien ce que faisait tous les garçons, non ? De mon point de vue, ça l’était en tout cas. Au moment de baisser les yeux, la vision de son ventre lisse me confirma immédiatement mon intuition première : ce n’était en rien une éraflure. Pour en avoir déjà vu moi-même, la quantité de sang répandu était digne d’un solide coup de lame, et nul doute qu’une personne normale en serait gravement blessée, si ce n’est morte.

Je fermai mon clapet le temps que ce Milano puisse terminer sa douche improvisée. Cependant, même scrutant méthodiquement chacun centimètre de son torse, le peu que je puisse en voir dans cette pénombre, rien ne m’informait d’une quelconque créature. L’arnaqueur semblait humain. Avec des pouvoirs de toute évidence, mais très certainement humain, à moins qu’il ne s’agisse d’un déguisement sophistiqué. J'en oubliais complètement d'évaluer son physique, ou même de le regarder sous un jour intime, comme une femme regarderait un homme se déshabiller, uniquement de la curiosité sur sa nature.

« Mouais. T’étais plus convaincant à l’auberge… Monsieur est pudique ? Et encore, j’suis sympa, pour être quitte tu devrais être en caleçon à ton tour. » Estimai-je en le regardant fermer son manteau.

Retour aux affaires, décidément il n’en démordait pas. Non sans étouffer un bâillement, je l’écoutai patiemment déballer ses promesses, et mijoter mentalement ma propre réponse. Tout cela pouvait être intéressant, mais tout cela pouvait être une arnaque de plus. Son spectacle dans l’auberge m’avait amplement démontré ses capacités en la matière et, entente ou confiance, rien ne me poussait à éprouver ni l’un ni l’autre. J’enroulai négligemment une mèche bleutée autour mon index, adoptant un ton plus franc que méfiant.

« Bon, écoute. J’dis pas que tu n’as rien d’intéressant à m’apporter, ok ? Mais j’vais te dire les choses clairement : on n’aura pas d’accord définitif ce soir, c’est sûr. » Lâchai-je en marquant une pause.

 « Là, tu parles, tu parles… Mais tu crois que j’aurais monté mon affaire dans ce coupe-gorge en me fiant sur parole ? Si tu veux un accord, va falloir me montrer ce que t’es capable de passer. Soit tu m’apportes de la marchandise, soit tu me prouves tes contacts, peu importe tant que j’aurais la preuve de ce que t’avances. »

Je ménageai une nouvelle pause dans mon argumentaire, ne serait-ce que pour asséner plus profondément ce fait : je voulais du concret.

« On est d’accord, t’as du potentiel. Mais t’imagines pas que ça suffit. Tu peux tenter d’faire ton business, vas-y… Je m’en sortirai. Par contre, j’te conseille de pas froisser les autres, parce que crois-moi, j’suis pas la plus dangereuse loin de là, mais ça tu peux pas l’savoir sans mon aide. »

Moi, dangereuse ? En me connaissant, cela prêterait à rire. Personnellement, je me flattai de n’avoir jamais tabassé personne, encore moins tué. Par contre, les gangs de Nexus, et les mafias terrienne, c’était une autre fameuse paire de manches. L’image même de l’assurance, je le fixai effrontément, les bras de part et d’autre du dossier mité. Certes, sa collaboration pouvait se révéler très fructueuse, mais hors de question de lui faire bénéficier de mon business sans être certaine de sa fiabilité.

« Et fais pas la gueule. J’te propose une sorte d’accord : tu m’fais voir ta marchandise, et on pourra collaborer. J’peux même venir sur Terre, j’connais le chemin… Faut juste m'en mettre plein les yeux, et un autre strip-tease m’fera pas changer d’avis. » Précisai-je non sans ironie.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le lundi 15 octobre 2018, 02:06:17
"T'es bien insistante sur cette histoire de strip-tease, dis moi..."

Le curseur entre les doigts, je faisais jouer la fermeture éclair de mon blouson avec un sourire enjôleur. Mon embarras s'évanouissait derrière le masque de l'indécence. Shiranui Milano était bien des choses, mais "prude" ne figurait pas parmi mes vertus.
Plus la conversation avançait, et plus Alix me plaisait. Malgré mes coups fourrés et mes piques incessantes, elle avait vite retrouvé de la consistance quand j'étais entré dans le vif du sujet. Je dus le reconnaitre, elle avait un certain style lorsqu'il s'agissait de gérer ses affaires. Une gestuelle et un usage du dramatique que j'appréciais tout particulièrement, au point d'avoir adoptés les mêmes. Mais ce qui me dérangeait dans ce qu'elle m'avait dit, reposait davantage dans la forme que dans le fond. C'était les marqueurs temps, et les marqueurs lieux.

"L'auberge", oui. Cette même auberge où j'avais payé une chambre pour passer la nuit. Le prix d'une piaule était insignifiant, mais ça aussi, elle me le devait. Même si le silence régnait aux côtés de la pénombre, à l'extérieur, je n'avais nulle part où aller si je sortais d'ici. J'en aurais pour des heures à battre le pavé à la recherche d'une autre auberge suffisamment éloignée.
Et des heures, je n'en avais pas beaucoup devant moi. Nous étions "ce soir", un jeudi soir. Un autre coup d’œil à mon téléphone, sans même chercher à être discret, cette fois-ci. 22h25. Dans à peine deux heures, j'allais être une jeune femme perdue dans Nexus avec un manteau trop serré comme seul vêtement pour couvrir ma poitrine. Fini l'immortalité, j'aurais pour seul pouvoir d'être un canon esseulé en train de vagabonder dans les ruelles mal famées de la capitale. Asmodéus était vraiment un gros connard. Je me sentais comme Cendrillon, dans la version où Cendrillon se fait tringler par trois ivrognes qui l'avaient chassée du bal à coups de surin. Mon côté cynique me rappelait qu'heureusement, j'avais toujours les capotes.
Le troisième marqueur, c'était la Terre. Et elle en connaissait "le chemin"? Je savais de par ma mère que les portails entre les deux mondes se faisaient nombreux à Seikusu, mais surtout qu'ils étaient très aléatoires. Je voyageais grâce à Thot, mais le Magicien ne me sauverait pas avant samedi. Mes ka'karis devraient tenir une assemblée générale pour gérer le partage du temps et reconsidérer leur utilité. Ils avaient beau cohabiter en moi, je n'avais aucune idée de leur nature ni de leur fonctionnement. En attendant, j'étais bel et bien coincé. Et je n'étais pas vraiment dans une position où je pouvais demander à Alix de m'héberger pour la soirée. Et puis c'était un coup à me faire virer à coups de pompes. Je soupirais de résignation:


"Quand je parlais de la récompense d'outre-monde qui te plait, je ne bluffais pas. Si je vole une voiture de sport, il me suffit d'un coup de fil pour que vingt minutes après, elle soit garée dans une planque en train d'être repeinte. Ensuite, l'amener sur Terra -pas n'importe où, mais où je le souhaite-, c'est la partie facile. Bien sûr, niveau conduite et carburant, c'est pas la folie, ici."

Ma priorité restait de pouvoir crécher dans cette planque, aussi inconfortable soit-elle. Et je remettais à plus tard certaines questions, comme sa façon de voyager entre les plans, ou l'identité de ces fameux "autres" à ne pas froisser. J'éprouvais une certaine angoisse à l'idée de devenir cette jouvencelle en détresse, et je souhaitais y échapper quitte à en faire des concessions. Je devais pousser plus loin le rôle du séducteur même si j'en venais à me ridiculiser.
La fermeture de mon manteau était restée entrouverte. Qu'elle le reste. Je me levai de la table et m'approchai d'Alix, mettant un terme à l'aspect professionnel de notre discussion. Et puis, en un instant, je venais m'avachir sur le canapé, à ses côtés, comme un vieil ami qui s'installait devant un film. J'avais réduit notre rapport de proximité d'un seul coup, remarquant au passage que c'était avec la même indiscrétion que je l'avais abordée. Mais plus de menaces. Plus d'invectives. Plus de supériorité. L'obscurité de la pièce nous ramenait à une intimité moins oppressante que la surface exigüe d'une table de taverne:


"Alors, dis moi tout! Qu'est-ce qui te fait envie?"
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le vendredi 19 octobre 2018, 14:28:49
Le grognement affamé de mon estomac riposta à son premier sous-entendu. Il est vrai que, grâce à lui, le repas chaud et copieux que je comptais m’offrir au sein de cette auberge, m’était passé sous le nez. Les évènements s’enchainant, ma propre faim m’était complètement sortie de la tête, et ce ne fut qu’à cet instant que mon ventre vide me rappela à son bon souvenir. Peine perdue, cette planque, je m’en souvenais aisément, ne contenait pas le moindre quignon de pain à se mettre sous la dent.
Avec les cafards qui filaient entre les meubles, la moindre nourriture n’aurait pas fait long feu de toute évidence. La perspective de rester le ventre vide jusqu’au lendemain m’arracha un bougonnement ténu, mais cela valait bien mieux que mettre le nez dehors en pleine nuit. De quoi se faire remplir les tripes d’acier, à défaut de bouffe. Au moins, Milano demeurait plein d’entrain quant à ma proposition, et surtout aux perspectives que cela lui laissait entrevoir. Encore fallait-il que cet arnaqueur ne cherche pas à me doubler.

« J’te dis discret, et tout ce que tu penses, c’est une bagnole ? Il y a des mafia, t’sais. Si tu veux un conseil, commence par des bijoux, ça s’vend bien et c’est facile à transporter. »

Et le voilà qui se remettait à me coller ! Là, sur le canapé, le manteau à moitié ouvert sur ses pectoraux de crevette, me fixant avec un sourire étrange, comme s’il était pris des démangeaisons. Ou bien était-ce moi qui interprétait mal. Avait-il trop chaud ? Personnellement, je trouvais que l’air de la planque était plutôt frais, nous étions dans une cave en fin de compte, et je me demandais s’il n’était pas malade. De la fièvre sans doute. Après un coup de lame dans le ventre, ça n’avait rien de surprenant !

« Là ce qui m’ferait envie ? » Je réfléchis un instant en me grattant la joue. « J’prendrais bien un steak au poivre avec des frites tellement j’ai la dalle. Faut reconnaitre que la cuisine terrienne est pas mal, quoique les produits ont pas toujours un super goût. »

Je me penchai vers mes bottes en parlant, les délaçant non sans mal dans la pénombre, et m’extirpait mes pauvres pieds de là-dedans. De retour chez moi, c’était bien la première chose que je faisais, et même ici, je me sentais bien plus à l’aise en chaussettes. Pas très sexy, certes, mais à l’aise. De toute façon, ce n’était pas un rendez-vous galant, et personne n’essayait de séduire personne. Non ? Je jetai un coup d’œil à Milano. Non, il ne draguait pas, certainement pas avec ce sourire d’escroc vendeur de tapis.

« Quoi ? » Je désignai son manteau du menton.  « T’as trop chaud ? T’as peut-être de la fièvre hein, à me regarder bizarrement comme ça, et prendre un coup dans le bide forcément…»

Certes, il était casse-couille, mais être un emmerdeur né ne valait pas une mise à mort. Là dehors, c’était bien ce qui l’attendait, entre les ivrognes furieux restant et les coupe-gorges habituels. Je tirai un tabouret moisi pour y étirer mes jambes confortablement plus tard, puis sur une soudaine inspiration je me levai pour aller fouiller les placards. Mes chaussettes trouées trainant silencieusement sur le plancher, je finis par dénicher une paire de couvertures pleines de poussière.

« Tiens. » Dis-je en lui lançant la couverture dessus, avec mites et poussières comprises. « T’as qu’à rester là pour la nuit, t’es chiant mais bon, j’veux pas ta mort. J’espère que tu fais pas d’allergie par contre. »

Là-dessus, je laissai à nouveau tomber mes fesses dans le divan, non sans soulever un nuage poussiéreux, et remis mes pieds sur le tabouret. Longue la nuit, c’était plus que certain, d’autant que je n’avais absolument pas sommeil, et mon estomac criait toujours famine. Je m’appuyai mollement sur l’accoudoir, la couverture sur le genoux, et le regardai se dépêtrer avec la sienne.

« Va mieux ta fièvre ? Ça va t’paraitre idiot, mais pendant un instant j’ai cru que t’étais en train d’me draguer avec ton sourire bizarre. »
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le dimanche 28 octobre 2018, 01:49:13
J'avais rabattu la couverture sur mes genoux à peine rattrapée, un réflexe instinctif à cause de cet insecte volant qui était passé beaucoup trop près de mon visage. Mon geste avait brassé la poussière dans le tissu, laquelle m'avait arraché un éternuement assez ridicule. Habitué aux mauvaises surprises, mon regard resta un instant fixé sur la lucarne, appréhendant le moindre mouvement à l'extérieur. Je ne pensais pas qu'on puisse encore nous chercher ou même venir nous dénicher ici, mais deux précautions valaient mieux qu'une, et-

Et... Quoi? Donc je pouvais rester? Juste, comme ça? Alors qu'Alix revenait prendre ses droits sur la piètre banquette, elle ne pouvait échapper aux yeux ronds et à la bouche en cul-de-poule de mon visage circonspect. Ma stratégie n'avait pas marché comme prévu, mais elle avait marché. Plus efficacement que je ne l'espérais. Je nageais dans l'incompréhension. Elle n'avait rien compris à mes avances, mais elle semblait avoir saisi mon désir de rester. Au mieux, j'aurais dû m'en satisfaire. Au pire, je me serais méfié. Mais curieusement, je me sentais seulement... Déçu. Déçu? De ne pas avoir eu à coucher pour me loger?


"Ça va t’paraitre idiot, mais pendant un instant j’ai cru que t’étais en train d’me draguer avec ton sourire bizarre."

Confirmé, elle n'avait rien vu. Je ne fis que pousser un soupir, dont j'ignorais s'il résultait d'un soulagement, de lassitude ou de déconvenue. Moi qui avait eu peur d'en faire de trop, j'avais l'impression d'être passé totalement inaperçu. C'était assez malaisant à vrai dire, comme si je n'avais aucun charme, aucun charisme à sa portée. Au-delà de ça, je ressentais le besoin de lui plaire, comme pour me prouver que j'en étais capable. Je prenais un petit instant pour la reconsidérer sous un autre angle: de ce que j'avais vu de sa façon d'être et de s'habiller, Alix ne dégageait aucune féminité. Au final, c'était peut-être bel et bien juste un mec, avec un faciès androgyne et une voix très fluette. Et il n'y avait donc aucun "jeu" là dessus, c'était simplement sa façon d'être. Pour une fois, mon intuition m'avait trahi.

"Peuh, si j'avais cherché à te faire du charme, tu t'en serais rendu compte, quand même! Et puis je souris pas, j'ai juste des bouffées de chaleur à cause de..."

Je m'étais interrompu en me rendant compte que l'embarras me donnait VRAIMENT des bouffées de chaleur. Non non, elle ne s'était rendu compte de rien. Absolument rien. Ma phrase était restée en suspends sans aucune excuse bidon à sortir. Peut-être devais-je lui ouvrir une part de vérité. Je lâchais un aveu:

"... De ma faculté de régénération, voilà. Je suis immortel, jusqu'à minuit. Et Sanzam l'était aussi, d'une certaine façon."

Pas besoin d'expliquer davantage, un regard lourd de sens lui sous-entendait que j'avais déjà beaucoup pris sur moi pour cette révélation. Et puis d'ici quelques temps, ma métamorphose en dirait davantage, que je le veuille ou non.
Bien sûr, j'avais déjà essayé de m'extirper Asmodéus, puisque ce ka'kari m'apportait bien plus d'emmerdes que d'avantages. Mais le processus pour le rejeter de mon corps était long et très douloureux, et s'accompagnait de la peur de ne plus y être compatible, et d'avoir les cinq autres se battre à nouveau pour se partager leur temps d'influence. J'ignorais la nature même de ces artefacts et de leur logique, mais j'avais la pleine certitude que si quelque chose arrivait, c'est moi qui en ferait les frais. J'avais donc abandonné ma tentative.
Je mettais un peu de distance entre nous -au sens figuré, le canapé étant trop sommaire et la pièce bien trop frigide-, quitte à la mettre mal à l'aise à son tour:

"De toute façon, je saurais pas sur quel pied danser. T'as une tronche de gonzesse, la voix et le prénom qui vont avec... Mais comme dirait l'autre, c't'y un putain de vrai. J'ai pas eu besoin de vérifier pour m'en rendre compte."
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le mercredi 31 octobre 2018, 18:19:04
Le bas de mon dos me démangeait. C’était peut-être moi, finalement, qui allait finir par avoir des allergies avec ces montagnes de poussières et de cloportes un peu partout. En promenant mon regard sur les toiles d’araignées gargantuesques qui ponctuaient l’ameublement, et les morceaux de planches diverses et variées, la vision d’un de ces aspirateurs terrestres me traversa l’esprit. Si j’avais su que j’allais passer une nuit entière dans ce taudis, je l’aurais astiqué, et j’aurais brossé ce divan plein de punaises tant qu’à faire.
En me grattant mollement la hanche, je remarquai combien ma vision s’était habituée à l’obscurité au point que l’embarras de mon invité surprise me sauta aux yeux. Qu’est-ce qui lui prenait brusquement ? Lui qui fut si fière et si pompeux à brasser du vent dans la taverne, le voilà qui soufflait et suait comme un poulet en train de rôtir, comme si… Comme si quoi, d’ailleurs ? J’avais du mal à croire qu’un bonimenteur pareil soit prude au point de rougir pour une banale réflexion sur la drague.

« A cause de ? Après le coup de couteau encaissé dans le bide, tu m’feras pas avaler que t’as des règles en prime. » Ricana-je tandis qu’il s’évertuait à trouver ses mots.

Sa réponse me laissa néanmoins pantoise. D’accord, le coup de l’immortalité, je ne m’y attendais pas du tout, et cela devait se voir à mon air soupçonneux. Immortel jusqu’au minuit ? Je plissais le regard en essayant de deviner s’il me prenait pour une citrouille.

« Sanzam, c’est quoi ça ? Ah, le clébard c’est vrai. » Ce truc m’était complètement sorti de la tête. « Tu t’fous pas de moi là ? T’es en train de me dire que t’es une espèce de Cendrillon, comme ce conte là ?... Il s’passe quoi à minuit, tu t’transformes en poire ? »

Brièvement, j’eus l’impression d’avoir mélangé mes expressions, mais qu’importe. A son regard deux fois plus embarrassé qu’auparavant, je compris que ma grande gueule en avait sans doute trop demandé. Trop tard. Je le vis éloigner ses fesses maigrichonnes de moi comme s’il fuyait la peste, avant de revenir au sujet précédent, mais sur un point nettement plus vexant.

« Hé ! Sois pas blessant, j’suis une femme même si j’ai un truc en plus. Et alors ? » Bougonnai-je. « Et ça d’ailleurs, c’est pas une poitrine peut-être ? »

Je me penchai vers lui en ouvrant la fermeture éclair de ma veste, montrant mon t-shirt blanc, et soupesai mes seins dans chaque main comme une preuve de mes allégations. Certes, c’était probablement un peu stupide comme geste, et la taille de ma poitrine n’était clairement pas un gros argument, mais je me sentais tout de même blessée de ces réflexions.

« Ça aussi c’est pas du faux, bordel. T’essayes d’me vexer en fait ? » Je remontai la fermeture de ma veste en soufflant.

Et puis une idée me vint. Encore une de mes fameuses illuminations qui ont tendance à me causer plus d’emmerdes que de solutions, mais auxquelles je suis incapable de résister. Milano avait l’air d’être si rapidement embarrassé par ce genre de sujet, que je ne trouvai rien de mieux à faire que monter la gêne d’un cran.

« Ou alors, t’es un de ces mecs… » Je me redresse à nouveau, rebondissant sur le matelas pour venir me coller à lui, non sans lui passer un bras autour des épaules. « … Qui fantasme sur les femmes comme moi, hmm ? »

Est-ce que j’étais capable d’assumer les conséquences si c’était vrai ? Peut-être pas. Est-ce que c’était une attitude stupide ? Totalement. Mais étais-je convaincante en dragueuse ? Clairement pas.

« On aime plus la saucisse que l’abricot alors ? » Lui confiai-je en ricanant, et en passant ma jambe par-dessus la sienne.

Avec le recul, et un peu plus de réflexion, je me dirais certainement que ce ne serait pas le genre de phrase à dire pour appâter le chaland. Hé, pour mon excuse, je n’avais jamais dragué de ma vie. En l’occurrence, l’objectif était davantage de bluffer, de le mettre encore plus dans l’embarras et de surenchérir pour marquer un point. Je me collai donc à lui, un sourire que je tentais d’être convaincant affiché aux lèvres, en étant persuadée qu’il allait m’envoyer bouler et me concéder cette victoire !
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le lundi 05 novembre 2018, 18:21:02
Ma bouche s'était étirée en un petit rictus satisfait, une réaction typique face à l'agréable spectacle d'une paire de seins agités sous mon nez. Malgré mes grands airs, je restais comme bien des hommes, en proie à mes bas instincts. Faute de poire, les melons de Cendrillon allaient s'en retrouver plus généreusement pourvus d'ici quelque temps, certes. Mais je ne me sentais ni la mesure ni l'envie de réfuter une telle 'argumentation". Mon côté taquin me donnait envie de procéder à une seconde vérification, "plus approfondie, au cas où".
Je décelai cependant un étrange manège chez Alix, qui était passée d'imperméable à maladroitement aguicheuse. Sa façon de me faire du rentre-dedans était encore plus grossière que la mienne. Et j'ignorais si elle avait compris mon jeu avec du retard, ou si elle se foutait juste de ma gueule. La seule chose dont j'étais certain, c'est qu'il serait amusant de pousser le vice, histoire de voir jusqu'où elle irait.


"On aime plus la saucisse que l’abricot alors ?"

Ça, c'était seulement grivois, et elle en faisait vraiment des tonnes, à me coller autant. J'étais gêné pour elle, elle employait clairement des atouts qu'elle ne maitrisait pas. Une tentative de charme très maladroite et sans aucune consistance. Mais au moins, je trouvais la démarche honnête. Tout cela en disait beaucoup sur elle-même. Le côté triste, c'est qu'avec son steak au poivre et sa poire, elle s'enfonçait toujours plus dans les images de bouffe. Elle devait vraiment, vraiment crever la dalle. J'avais un peu pitié. "Qu'on donne un sandwich à cette femme!" pensai-je. "Laissez-la manger!". Un ricanement m'échappa:


"Mh, disons que je fais dans le sucré-salé. Simplement..."

Sans chercher à me dégager de son emprise, je me tournais, posant avec légèreté une main sur son genou. L'extrémité de mes doigts effleurait l'intérieur de sa cuisse en remontant doucement, très lentement. Mon visage était très près du sien, mes lèvres proches, très proches des siennes. Dans cette étreinte qu'elle avait voulu m'imposer, nos souffles s'entremêlaient déjà. Qu'elle en prenne de la graine! Mon regard était espiègle, complice, et mon ton se fit plus bas, plus confident, plus intime.

"Je n'ai jamais connu de femmes comme toi, Alix."

Confiant sur mes répliques de "tombeur de comédie romantique", mes lèvres finirent par aller rencontrer les siennes, alors que ma main glissait le long de sa jambe pour se poser sur son aine. Qu'elle l'ai souhaité ou non, nous échangeâmes un baiser en silence. C'était tacite, tactile, sensuel. Je fus ensuite frappé d'une sensation de déjà-vu, me rendant compte que j'avais sorti la même connerie à la fille d'un ministre quelques mois plus tôt. Après tout, c'était le genre de phrase clichée que beaucoup de femmes aimaient entendre. Même phrase, même numéro. Et seulement pour le sexe.
En l'occurrence, cette fois c'était vrai, elle était différente. En dépit de sa tendance à me prendre pour un con alors que j'étais -clairement- meilleur qu'elle en amour comme en affaires, Alix me plaisait. Il y avait bien sûr sa particularité qui m'attirait, car cela faisait d'elle un OVNI dans ma vie sexuelle, une nouveauté que je me languissais d'essayer. Mais au-delà, je sentais qu'on appartenait au même monde. Deux terrans, deux arnaqueurs, jouant de faux-semblants et d'artifices. Plus qu'une cible ou une conquête, c'était une partenaire. J'avais peut-être joué de malchance, mais je lui avais livré mon vrai nom, je lui avais parlé, même vaguement, de mon pouvoir. Je m'étais livré.

Putain, j'avais presque confiance en elle.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le mardi 13 novembre 2018, 02:06:13
Ma bouche devint peu à peu sèche comme du papier de verre. D’une, car je n’avais pas encore eu l’occasion d’humidifier mon gosier depuis la première foulée dans cette maudite taverne. De deux, parce que j’étais réellement en nage. Une goutte de sueur émergea au niveau de ma nuque, et fila se perdre dans mon pull plein de poussière, à l’image de ses nombreuses semblables qui s’évaporaient le long de mon dos. J’étais là, une jambe délibérément jetée sur Milano, un bras autour de son cou, essayant de m’afficher en dragueuse sûre d’elle, ce que je n’étais pour rien au monde.
Mon estomac émit un gargouillis étouffé, par angoisse ou par famine je ne saurais le dire, mais ce fut l’éclat subtil dans le regard de Milano qui conforta mon impression. Soit mon bluff n’était absolument pas convaincant, soit je venais délibérément de mettre les pieds dans le plat en faisant une grossière erreur d’appréciation. Quelle idiote faisais-je ! Désormais, il m’était difficile, sinon impossible, de faire marche arrière sans passer pour une truffe.

*Sucré salé ?... Hein ? Putain, j’arrive même pas à réfléchir avec cette foutu dalle...*

Si seulement ces allusions de nourriture cessaient de traverser ma cervelle. Alors que mon but n’était autre que de me moquer, et probablement embarrasser Milano, ce fut à mon tour de me sentir parfaitement ridicule. Heureusement pour moi, la pénombre masquait fortuitement le rouge écrevisse dont mes joues se coloraient alors que l’arnaqueur ne cessait de se coller intimement à moi. Je reculai machinalement mon visage au fur et à mesure dans un premier temps, avant de me raviser peu à peu, décidant obstinément que non, il était hors de question de lui laisser cette manche !

« T’as jamais connu… Ahaha-… » Mon début de ricanement fut coupé de la manière la plus inattendue concevable.

Autant mon assurance avait été momentanément renforcée par cette réplique ridiculement romantique, autant celle-ci venait entièrement de fondre lorsque ses lèvres se posèrent sur les miennes. Les yeux ronds comme des soucoupes, crispée comme une planche à pain, un frisson incontrôlable remonta le long de mon échine lorsque ses doigts s’invitèrent aussi proches de mon entrejambe. Mais bordel, réalisai-je dans l’affolement, il est vraiment en train d’embrasser ?! D’accord, cette fois je devais bien le lui céder, cette partie-là, il la gagnait haut la main.
Incroyablement embarrassée, et un peu excitée aussi, je restais littéralement suspendu à ses lèvres pendant de trop longs instants pour être honnête avant de me dégager, comme piquée d’effroi. Je pédalai maladroitement sur le cul jusqu’à l’autre bout du canapé, le pointant d’un doigt accusateur.

« Ouais bon, d’accord ! T’as gagné ! J’sais pas ce que t’as gagné, mais… Ok, j’suis plus gênée qu’autre chose là !... » Balbutiai-je, rouge carmin comme jamais.

Mais le pire était ailleurs. Je serrai mes cuisses en le fusillant du regard. Le problème d’une anatomie telle que la mienne, est que je pouvais difficilement masquer l’émoi qui s’était emparée de moi. La légère bosse de mon pantalon criait ma culpabilité à ma place. Le fait est qu’en matière de charme, d’amour ou de sexe, j’étais strictement et définitivement une bille, n’ayant absolument aucune expérience en la matière, et il ne me fallait pas grand-chose pour être dans un état pareil.
Je passais une main sur mon front en sueur, ce geste avait quelque chose de rassurant, mais en réalité, j’étais simplement décontenancée. Que quelqu’un me jette une bouée de sauvetage, hurlai-je mentalement, mais sans grand espoir. Mon imagination se mit fébrilement à travailler. Nous étions seule, dans une cave isolée, et Milano venait de m’embrasser, qu’est-ce que je devais foutrement en déduire ?... Non, définitivement, cela devait être l’une de ses arnaques habituelles, et j’étais forcément en train de tomber dans le panneau !

« Ok, ok… » Répétai-je en le pointant du doigt. « C’est encore une de tes stratégies, t’es en train d’me faire marcher là ! Parce que ça marche pas du tout ! »

Existait-il plus mauvais mensonge ? Je nageais dans la confusion la plus totale, et la déformation de mon pantalon au moment du baiser n’aidait guère mon plaidoyer. En vérité, je ne savais pas sur quel pied danser avec Milano, certainement pas après avoir constaté ses capacités à baratiner et je demeurais sur mes gardes.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le vendredi 16 novembre 2018, 01:17:46
Bon, voilà, on avait déjà franchi sa limite. Non seulement elle avait vite arrêté sa comédie, mais en plus elle s'était braquée. Voilà qu'elle s'éloignait comme si j'étais un pestiféré et qu'elle recommençait à me porter la faute avec un index accusateur. Mon sourire et ma gentillesse s'évanouissaient alors que j'en arrivais à la seule conclusion possible: elle s'était vraiment foutu de moi. Sans motif. Pure méchanceté. Je n'avalerais pas que "c'était une comédie, pour déconner". Plus que de la colère, je sentais une frustration monter en moi. Elle m'avait repoussé comme si j'étais un jeune puceau qui s'emballait trop. Ma gorge se serrait. Ma voix à moitié étranglée était plus haute que je ne l'aurais voulu:

"Au lieu de me dire que j'ai gagné, tu vas me dire à quoi tu joues, là? Tu te mets à me coller, tu fais ton numéro à la con, et tu te désistes dès que je marche?"

Caractériel, oui. C'était sorti tout seul. Plus de ressentiment que de réflexion sur ce coup. Si je déteste quand une situation échappe à mon contrôle, devenir le dindon de la farce me rendait vraiment furieux. L'espace d'un instant, mes yeux prirent un ton carmin sans que je n'en prenne conscience. De noires pensées fusaient dans mon crâne. "Elle se fout de ma gueule!", "Elle m'a pris pour un con ou quoi?", "Sans déconner, c'était pas maladroit. C'est pas possible qu'elle soit SI maladroite!".
... Ou peut-être que si.

Il y avait trop de gêne, et pas assez de jubilation, de m'avoir pris pour un con comme ça. Alix était rouge comme une pivoine et tellement en nage qu'elle en réchauffait presque le sous-sol à elle seule. Elle s'était recroquevillée au bout du canapé mais quelque chose clochait. Son ton balbutiant et le bras ballant qui m'avait pointé du doigt ne collaient pas avec ses jambes crispées et ses genoux serrés. Ça ressemblait à ce que ferait un adolescent qui... Oh. D'accord. J'émis un geignement exagéré:


"C'est quoi ton problème, sérieux?"

Un autre soupir, qui se mua en une espèce de sourire carnassier. Un sourire qui disait "je t'ai cramée! J'ai compris! J'ai vu!". Je me rapprochais avec des mouvements félins, comme un prédateur qui avait acculé a proie. Dans mes mouvements lents, je la harassais de questions sans chercher de réponses. "Je te plais pas?" "J'embrasse si mal que ça?" "Tu préfères l'abricot?"
Je monopolisais presque tout l'espace sur le canapé, et j'entendais derrière moi le bruissement de ma couverture poussiéreuse et mitée qui glissait vers le sol, lorsque j'apportais la conclusion, le coup de grâce. J'étais presque sur elle, ma main sur le dossier était au niveau de ses genoux rehaussés, lorsque j'abaissais les yeux vers son entrecuisse avec un air suffisant:

"J'ai plutôt l'impression que ça t'a fait de l'effet..."

A ce niveau-là, oui, je me sentais bel et bien gagnant. La bosse que je m'attendais à trouver témoignait d'une victoire triomphale à un jeu qu'elle avait joué seule. Je comprenais la gêne excessive, mais pour qu'elle retienne la leçon (et lui faire payer ce sentiment de frustration, oui), je remuai le couteau dans la plaie, poussant toujours plus loin l'humiliation qu'elle s'était infligée d'elle-même.

"Oh, Alix... C'était juste un baiser!"

C'était cruel de minimiser ainsi, et c'était facile à dire puisqu'il s'agissait à la base de mon initiative. Mais j'avais arrêté de mentir -enfin, en partie-, et elle persistait à vouloir jouer un rôle. D'une certaine façon, elle l'avait bien cherché!
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le jeudi 22 novembre 2018, 01:08:58
Ce fut comme si la cave toute entière s’était transformée en une étuve. A mon tour d’être prise d’intenses bouffées de chaleur remontant sous mon pull, faisant perler mon front et mes joues cramoisies tandis que je renâclais loin de Milano. Une petite voix au fond de moi m’avait pourtant prévenue : Alix, ton idée était débile, cette connerie va te revenir dans la figure, t’es dans la merde.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette sale petite voix avait eu raison sur toute la ligne, et que ce baiser m’avait totalement prise de cours. Hé quoi, je voulais juste le mettre mal à l’aise, jamais je n’aurais cru que cet arnaqueur irait jusqu’au bout ! La langue rêche comme du papier de verre, me voilà bêtement recroquevillée à l’autre bout du canapé, masquant tant bien que mal la coupable déformation de mon pantalon.

« Je… Euh... »

Excellente réponse, Alix, de mieux en mieux. Mais quelle truffe ! Si je n’étais pas aussi tétanisée qu’un escargot rhumatisant avançant à cloche-pied un jour de grand vent, je me serais sans doute giflée d’être aussi bête. Cela dit, la manœuvre avait plus ou moins fonctionné, dans la mesure où Milano était effectivement gêné, voire particulièrement vexé si j’en juge par son regard assassin.
Quelques rouages se mirent à tournicoter dans ma cervelle grillée. Vexé, lui ? Non… Enfin, peut-être que si. Les implications me laissèrent une fois de plus, réellement sans voix, car cela ne pouvait signifier qu’une chose : Milano avait été sincère l’espace d’un instant, et je lui plaisais vraiment. La révélation rajouta encore à ma paralysie. Honnêtement, je ne savais plus trop où j’en étais à ce stade.

« Quoi mon problème ?! C’est toi qu’à commencé à… à… parler de mon anatomie !... J’voulais juste t’emm-… »

Ma voix monta un peu trop dans les aigus pour être honnête, et se coupa sitôt le changement d’attitude de Milano. La vérité est que je commençai juste à me rendre compte à quel point mon comportement avait été stupide, voire carrément odieux. Une véritable pétasse. Ce que j’étais bien trop souvent d’ailleurs, il fallait bien l’avouer, et l’affront que je lui avais fait, était effectivement en train de me revenir en pleine face.
La démarche et le sourire du casse-pied prédisaient que mon petit secret honteux venait d’être éventé. Ma marge de manœuvre se réduisait aussi vite que mon espace vital sur ce canapé, et je tâchais de trouver la meilleure parade à la situation. En vain. Ma bouche marmonnait bien quelques vagues dénégations, mais ma cervelle embrouillée ne parvenait pas à démêler suffisamment d’arguments valides.

« Non… C’est juste… Un pli du froc. Quand j’ai les genoux pliés… Hmm, ça fait ça… » Tentai-je maladroitement tandis que je serrai d’autant plus les cuisses pour cacher cette fameuse pliure.

Piètre défense s’il en est, presque aussi gênante que cette proximité imposée par Milano. Mais le pire était à venir. Juste un baiser ?! J’en restais sans voix. Littéralement. La bouche entrouverte, les sourcils légèrement froncés, aussi estomaquée que si la reine de Nexus chevauchait un dromadaire en tenue de clown sous mes yeux. Le premier choc passé, je plissais le regard, m’orientant doucement vers la phase de négation.
Non, non, non… Devais-je comprendre qu’il s’était, une fois de plus, payé ma figure ? Que je m’étais autant embarrassée pour des prunes ? J’allais finalement lui balancer une injure bien sentie à la figure, avant que la limite de ma condition ne me rattrape. C’est-à-dire le bord du divan. Forcément, à force de reculer de frayeur, je ne perçus que trop tard rebord mou du meuble se plier sous mes fesses.

Pendant un instant, mes mains cherchèrent à s’agripper à quelque chose, au dossier, à l’accoudoir, à Milano… Ah non, surtout pas lui ! M’effondrer sur le sol avec ce crétin par-dessus, ce serait le pire cliché qui soit ! Et boum ! A peine cette pensée idiote traversa ma caboche qu’il était trop tard, et que mon derrière fit connaissance avec le plancher plein de poussière et de moisissure. Un contact assez rude. J’échappai un juron bien senti, mais ce n’était rien en comparaison du regard noir que je lançai vers Milano tout en redressant et en massant mon cul endolori.

« Putain… Espèce d’enflure… » Crachai-je en cherchant quelque chose, n’importe quoi, à lui lancer.

Mes mains tombèrent assez rapidement sur quelque chose de mou, à savoir les coussins manquants mais crasseux du canapé, empilés et oubliés là sur le sol.

« Connard ! » Un premier coussin sale vola vers sa tronche.
« Sale troufion ! » Un second coussin s’envola en même temps que l’injure.
« Chiasse d’égout ! » Un troisième décolla aussi vite que mon répertoire d’insultes diminuait en créativité.
« Espèce de… de… » Un quatrième s’envola vers sa tronche, mais si le besoin de lui lancer des objets dessus était aussi fort, l’imagination n’y était plus.
« …CON ! » Concluais-je d’une voix criarde en lui balançant le dernier coussin qui me restait.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le dimanche 25 novembre 2018, 05:49:45
Quelle réaction pathétique! Elle en était littéralement tombée à la renverse, c'était à crever de rire. Sa défense était encore plus médiocre que sa vaine tentative de prendre un quelconque ascendant sur moi. Ce qu'il se passait, c'était comme un transfert, un échange d'émotions. Elle devenait celle qui était froissée, j'étais celui qui se foutait d'elle. C'était un juste retour des choses, un cruel équilibre. J'étais prêt à en rester là jusqu'à ce qu'elle n'en vienne à l'agression physique.
Bien sûr, ce n'étaient que des coussins, même si elle les lançait avec colère. Je n'eus aucun mal à rabattre le premier avant qu'il ne m'atteigne. En bloquant le second, sa rencontre avec ma main dégagea un nuage de poussière qui fila droit dans mes yeux. La gêne me força à essayer de les frotter avec la manche, mais il y eut un troisième coussin. Je l'avais arrêté à l'aveugle. Et un autre qui mis à bas ma piètre défense. Et encore un autre, en pleine poire, qui m'enfonça le poing dans l’œil. Celui de trop. Irrité, je claquai de la langue derrière mes dents, les lèvres retroussées. Elle avait oublié "salaud" dans son avalanche d'insultes futiles. Il aurait été plus adapté que "chiasse d'égout", je pense.

A vrai dire, je ne suis pas quelqu'un de violent et je n'aime pas vraiment jouer des poings. Mais puisqu'on en était arrivés là et que je voulais régler la question de "qui a l'ascendant" une bonne fois pour toutes, j'allais devoir la brutaliser un peu. Et lui faire peur, aussi. Juste histoire de mettre les points sur les i. J'essuyai mes yeux, insistant sur l’œil droit endolori, avant d'agripper son dernier projectile et de lui renvoyer d'un revers, avec puissance et effet. Qu'il lui gifle la face, tiens!
A la suite de ça, je me suis levé d'un bond. Tout s'est passé très vite. Je l'avais saisie par le col de son T-shirt et entrainée sans ménagement vers le mur derrière elle. Mon autre main avait fouiné dans ma poche à la recherche de mon fidèle couteau. Rhadamantis n'allait pas se manifester, mais il se montrait toujours utile. Je la coinçais entre la paroi et moi, la pointe de la lame contre les côtes. Usant du maximum que j'avais à disposition, j'avais dû utiliser mon front pour coincer sa tête, faute de la dominer par la taille. De loin, je ressemblais sans doute à un gamin, une terreur des préaux qui essaye d'être menaçant. Sauf que j'avais un surin, et les yeux rougis et larmoyants. Je m'humectai rapidement les lèvres avant d'énoncer d'un ton grondant:


"Bon, j'vais être plus clair. Plus jamais tu joues à ça avec moi. Plus. Jamais."

Pas un instant elle n'avait même pensé m'avoir atteint. Les animaux sauvages grognent et mordent quand ils sont blessés, et c'est l'effet que je cherchais. Je l'avais acculée, certes par surprise, mais ça me donnait l'avantage, physiquement. Je la dominais, je la menaçais d'une lame, et j'étais certain qu'elle s'en remettrait moins facilement que moi.
Je lui laissais quelques secondes le temps d'accuser le choc avant de la lâcher et de ranger simplement mon arme. C'était sans doute assez. Je reculai d'un pas et lui rendait son espace vital après ce petit coup de pression.


"T'as aucune foutre idée de ce que je peux ressentir."

Une once de vérité s'était échappée dans cette dernière remarque, comme une révélation coupable. "Je ressens des choses, figure-toi". Certains hommes sont des enfoirés mais ces enfoirés ne restent que des hommes. Comme pour cacher mon regard à ce moment là, je me détournai, et commençait à rassembler machinalement tous les coussins et à les jeter sur le canapé. Cinq coussins, on aurait peut-être un peu moins mal au cul, avec ça. Je changeais de sujet en la gratifiant un peu:

"Bon, t'as trouvé de quoi régler le problème de ton canap' pourri, avec un peu de chance on va dénicher des sandwichs triangles tout secs quelque part!"

Je survolai la pièce des yeux pour la énième fois, comme si l'un des meubles allait lever la main en s'écriant "Moi moi, y a de la bouffe dans mes tiroirs!". Les restes de ma rancœur à peine soulagée me soufflaient que je pouvais toujours choper les insectes et la vermine grouillante et lui fourrer dans le bec, et je secouai la tête pour en chasser ces idées.

"Hé, Alix...", je disais par-dessus mon épaule, en me tournant vers elle. "Milano... Y a peu de gens qui connaissent mon nom, tu sais."
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le mercredi 28 novembre 2018, 22:13:24
Le cinquième coussin poussiéreux voltigea dans les airs, décrivant un arc de cercle en plein dans l’œil de Milano, exactement au moment précis où je commençai à regretter mon coup de sang. Cet accès soudain de colère était, somme toute, plutôt inhabituel de ma part… Pourtant tout à fait légitime ! Mais regardez donc cet air de crétin heureux, satisfait de s’être bien moqué de ma perturbation à l’entrecuisse ! Ne serait-ce que pour chasser ce sourire insolent, Milano méritait bien de se prendre quelques projectiles dans le pif, et cela avait au moins le mérite de me défouler.

« Hinhin, bien f-… »

Un ricanement qui tourna au couinement surpris quand l’une de mes propres armes, un coussin dodu, fit son grand retour en plein dans ma tronche. Le nez rougi et les yeux larmoyants à cause de la poussière, peut-être étais-je réellement allergique après tout, je me sentis trainer sur le sol à vitesse modérée. Il est vraiment pas musclé, notai-je bêtement durant le trajet cul par terre. Je n’avais franchement rien à dire sur le sujet, n’étant pas moi-même une poids lourde. Ce qui était plutôt heureux pour lui d’ailleurs.
Me voilà collée de force contre le mur, sale lui aussi décidément et, au milieu du nuage allergisant, je vois un Milano furieux et à deux doigts de m’éternuer dessus. Cela aurait pu être comique, et si mes pensées n’étaient pas en train de s’emballer, je lui aurais certainement demandé s’il désirait un mouchoir. Car l’arnaqueur me colle tant contre la paroi, nos corps si proches, nos souffles entremêlés, la chaleur de son visage contre le mien… Que je ne peux m’empêcher de me mettre à délirer. La raideur entre mes jambes reprend de la vigueur et se met à nouveau à tirer sur mon pantalon.

*Ça y est… Il va me plaquer face contre le mur, m’arracher la culotte et me prendre sauvagement par…Aaah…*

Aaah. Non, en fait. Je sens quelque chose de pointue me titiller l’entrecôte, et en comprenant qu’il s’agit d’une lame, tous mes fantasmes sont douchés. Cette position a beau éveiller en moi mes pires penchants de soumise, tout ce que je récolte, c’est un petit couteau émoussé et un Milano retenant à grand peine une toux. La déception. Je me tins coite, comprenant qu’il était bien plus vexé par mon bombardement de literie que je ne l’aurais d’abord imaginé.
Je ravalai ma salive sans dire un mot. Être menacée par un couteau, ce n’était pas du tout une première dans ma profession, et dans ce genre de situation, mieux valait fermer sa gueule ou alors bien choisir ses mots. Ce que je pouvais difficilement faire avec le souffle court, la voix enrouée par l’attente d’un fantasme qui ne viendrait pas, et de nouvelles bouffées de chaleur inopportunes. Loué soit la pénombre d’ailleurs, le rouge écrevisse de mes joues et la tension dans le pantalon devaient passer inaperçus !

« Ok, ok… » Lâcha-je finalement en hochant la tête, juste après avoir rassemblé suffisamment de salive pour articuler correctement.

Merde, moi et mon imagination débordante ! Alors que Milano me lâchait finalement, je m’évertuai à chasser les images lubriques à base de sexe surprise contre le mur, en réajustant stratégiquement mon pantalon. Je passai nerveusement une main dans mes cheveux bleutés. Le voilà qui recommençait à lancer ses fameux coussins, avec un air étrange sur le visage… Devrais-je dire, blessé ? J’en serai sûrement sur le cul sans l’appui du mur.
Nous nous étions tant cherché et balancé des fions à la figure, que pas un seul instant il m’était venu à l’idée que Milano puisse avoir des sentiments. La culpabilité m’envahit l’espace d’un instant. C’est vrai que je pouvais me montrer une véritable pimbêche, souvent même, et que malgré ses penchants d’arnaqueurs, il s’est plutôt montré sincère.
Milano se mit à empiler les coussins, et j’en profitai pour m’asseoir plus confortablement, tandis qu’il cherchait à dissiper le malaise. Mon coup de fringale m’était quasiment sorti du crâne.

« Bon écoute… » Commençai-je en croisant les jambes. « J’étais en colère et j’me suis foutu d’toi auparavant, mais… Voilà, je suis désolée. Et arrête de remuer la poussière, si il y avait de la bouffe ici, elle serait déjà bouffé par les cafards. »

Présenter mes excuses n’était pas non plus dans mes attributions et, pour être complètement honnête, si la nuit n’était pas remplie de coupe-jarrets, j’aurais déjà pris la fuite en sortant de la cave. Mais puisque nous étions plus ou moins coincés ici, pourquoi ne pas jouer un peu la sincérité ? Milano semblait disposer à l’être en tout cas, il ne me restait plus qu’à faire un minimum d’effort.

« Ouais bah, confession pour confession… Me faire plaquer contre un mur, ça commençait à me mettre dans l’ambiance… » Avouai-je d’une petite voix gênée.

Milano allait probablement me prendre pour une fille bizarre. Je dois bien avouer que me faire menacer de mort n’avait pas pour habitude de m’exciter, mais à force de nous chercher toute la soirée, ce coup-ci, j’avais vraiment cru… Je toussotai pour chasser la poussière autant que ma confusion, me tassant autant que possible dans le canapé nouvellement confortable. Et ce pli de pantalon qui ne partait pas…
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le samedi 08 décembre 2018, 15:08:33
Je dissimulais un petit rictus victorieux. Ça me faisait du bien d'avoir mis les choses au clair, d'avoir le dernier mot, et même de lui avoir arraché des excuses. La seule idée de me mettre en position de force suffisait à calmer mon irritation, et à passer outre les insultes. Mais l'atmosphère s'était refroidie, l'air avait un arrière gout de honte et de malaise. Putain, je venais juste de la menacer au couteau! D'accord, c'était un nouveau coup de bluff, admettons, des paroles en l'air. Mais les tours de force, ce n'était pas dans mes méthodes. Hors de question de faire demi-tour, mais il y avait ce regret inavouable. Jouer les brutes, ce n'était pas vraiment mon jeu préféré. Jusqu'à...

"Me faire plaquer contre un mur, ça commençait à me mettre dans l’ambiance…"

Surpris, j'avais relevé le nez un peu trop vivement à mon gout. J'étais coi. Du genre, ça lui avait plu? Se faire brutaliser, se retrouver avec un couteau entre les côtes, elle avait aimé ça? Je repassais la scène dans ma tête. Elle avait peut-être envoyé des signaux qu je n'avais pas captés. Des gestes, des invitations ou...
Ou un jeu qu'elle ne cherchait pas à gagner. Un jeu qu'elle voulait perdre. Titiller mes nerfs, essayer de m'humilier, pas pour y arriver, mais pour que je fasse ce que je fais de mieux: tout retourner contre elle. L'énerver, l'humilier, la rabaisser, lui faire du mal, jusqu'à en venir aux mains. C'est fou comme les choses deviennent simple quand on change simplement de perspective. C'est fou comme on se sent con, aussi, quand ça arrive. Mais c'était donc ça, son kiff. Jouer pour perdre. Me voir gagner. Me donner l'ascendant. C'était tellement tordu que je me demandais si elle l'avait fait consciemment. Parce que si c'était le cas...
Non, ça n'était pas le cas.

J'eus comme un déclic, un verrou tombait. Une porte s'ouvrait pour révéler un mystère dont je prenais à peine conscience. Une réalisation soudaine qui me fit éclater de rire. Cette fille devant moi, qui croisait ses jambes avec inconfort, ce joli brin de gonzesse aux joues empourprées... Putain, j'allais me la faire! Je devais me la faire!


"HAHAHA! J'ai compris! T'avais... T'avais rien planifié, tout à l'heure à la taverne! Tu... En fait si ce mec était passé outre ta queue et t'avais prise devant tout le monde, t'aurais kiffé!"

D'un index à la fois dédaigneux et accusateur, j'avais pointé le repli du pantalon avec lequel elle bataillait depuis un moment. J'avançais devant elle, triomphant, enchainant mes découvertes comme un enquêteur à la fin d'un mauvais roman policier. Et quel enquêteur j'étais...

"Ça t'aurait plu! Une humiliation publique, te retrouver entre deux gros ivrognes suintant! Devoir les gober pendant que tout le public regarde! ... Ou pendant que je regarde, hein?"

Ça, c'était moi qui remporte la partie. Moi qui était tout fier d'avoir assemblé les pièces du puzzle, moi qui l'avait enfin pris, ce putain d'ascendant. Ce qu'elle avait cherché, c'était un autre Milano. Elle voulait le moi brutal, agressif, menaçant. Le moi qui s'emparerait d'elle et qui n'hésiterait pas. De l'assurance et du pouvoir. Je pouvais lui donner ça, oui.
Un éclat ardent au fond de mes pupilles, je plantais un genou sur le canapé, à côté d'elle. D'accord, ça faisait un peu recyclage, mais j'avais besoin de rattraper une occasion manquée. Debout au-dessus d'elle, je lui saisissais le visage par le menton. Elle avait la peau douce, et l'air un peu con, avec ses joues pincées entre mes doigts.


"... Ouais, j'ai mis dans le mille. Ça se voit dans tes yeux! T'es une vraie trainée Alix!"

Mon autre main saisit la sienne. Ma poigne était ferme mais mes gestes lents, calculés, là encore, intimistes. Avec une force tranquille, je dirigeais sa main vers la bosse qui -ô surprise- n'était pas un "pli du froc". C'était là ma vraie confirmation. Sous les caresses de sa main, guidées par la mienne, je pouvais sentir la manifestation même de son envie.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le dimanche 09 décembre 2018, 23:57:46
Une vague d’appréhension me submergea progressivement. Me confesser à Milano n’était sans doute pas l’idée la plus brillante de la soirée, mais alors pas du tout, et son brusque volte-face ne fit que renforcer ce sentiment. Il me dévisageait avec un air carrément inquiétant, et ce pendant deux bonnes minutes de silence inconfortable, comme une fouine reniflant un paquet de chips abandonnés. Flippant. On entendait presque les rouages de sa cervelle grincer à ce stade, et je commençai à me demander avec inquiétude, quelle genre de réflexions tordues allaient émerger de cette caboche.

« Qu-quoi ? Mais non, j-je… euh ne-pfmpf-afanon-nonon… et hmpf… C’est… Mais arrête !... »

Argument béton s’il en est. La seule partie intelligible de cette remarquable plaidoirie, se résumait plus ou moins avec cette injonction maladroitement illustrée par un regard vers le concerné : Arrête de me pointer avec ton putain de doigt ! Seulement voilà.  Ma langue s’empêtrait dans ma bouche, en même temps que je me trémoussai pour cacher cette fâcheuse érection, et je ne parvenais pas à articuler le moindre mot correctement pour protester. C’est vrai quoi, rien dans tout ça n’était vrai ! Enfin…
Et voilà un Milano à la limite de l’hystérie. Tout content de profiter de ce point faible révélé, l’emmerdeur enchaine les révélations complètement fantaisistes. Car merde ! J’avais peut-être effectivement un très gros fantasme sur la soumission, mais de là à une humiliation publique au milieu d’ivrognes puants… Non, tout de même, il exagérait ! J’avais ma dignité, un certain standing, mais pas la capacité à la défendre puisque ma bouche devint sèche comme du papier de verre.

« Non… Mais non ! A-arrête hein !... Ils étaient trop crades… Faut pas abuser… » Balbutiai-je tandis qu’il réduisait de plus en plus mon espace vitale.

Honnêtement non, me farcir les chibres malodorants d’une bande de piliers de bar dégueulasses, ça n’avait jamais été mon intention, et je soupçonnai que Milano en rajoutait délibérément des caisses pour me mettre dans l’embarras. Ce qui fonctionnait à merveille. Je rougissais confusément, me tassant dans le dossier du canapé comme un chat dans une cage de transport, et j’avais grand peine à réfuter des accusations pourtant totalement fausses.
Mais pourquoi, Alix, pourquoi ? Eh bien parce que ce revirement de situation m’excitait. Que ce soit les sous-entendus graveleux de Milano, ou bien l’attitude qu’il prenait pour me les balancer à la figure, tout cela me donnait des bouffées de chaleur. Je tâchai de fuir le contact visuel, trouvant un intérêt soudain au plancher vermoulu, mais il vint me saisir avec force au niveau du menton, ce qui m’obligea à affronter son regard.

« Non ! Ok, j’ai peut-être des… mais… » Marmonnai-je d’une voix progressivement mourante.

Sans doute était-ce l’injure qui acheva de briser ma résistance, mais je fus complètement incapable de résister à la traction qu’il m’imposa alors en saisissant fermement mon poignet.

« Ok, ok, je… suis un peu excitée par la situation mais… Erhm… » Tentai-je de me défendre tandis qu’il me collait soudainement la main sur la bosse entre mes jambes.

Ce contact forcé m’arracha un couinement aigu et pas très glorieux. Après avoir passé autant de temps à nous chauffer mutuellement, parfois involontairement devrais-je dire, ce fameux pli de froc avait pris des proportions alarmantes. Toutes les meilleures excuses ne suffiraient pas à sauver les apparences à ce stade, et ma cervelle se heurtait à un épais mur d’excitation sexuelle.
Et puis à quoi bon résister ? Milano n’était pas si déplaisant physiquement, malgré sa proportion à me casser les noisettes à longueur de temps, et maintenant que le rideau était tombé… Ma résolution prise, je réussis aussitôt l’exploit de rougir encore davantage, vers un rouge pivoine heureusement atténué par la pénombre ambiante.

« Ok, ok, ok… » Répétai-je comme pour me rassurer. « T’as raison mais euh… Evite de m’arracher mes fringues, j’ai plus assez d’budget pour les remplacer… »

C’est vrai quoi, il ne faut pas non plus oublier l’essentiel dans la vie…
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le jeudi 03 janvier 2019, 23:27:50
"Ouais, bien sûr, attends, j'suis pas un sauvage non plus..."

Je lâchai son visage d'un geste assez dédaigneux en rejetant vaguement son menton vers l'arrière, une façon assez brutale de signifier que je n'étais pas une brute. Plutôt que l'agression bête et méchante, je trouvais une autre option qui me convenait mieux: la négligence. Le mépris. L'humiliation narquoise.
Alors, je l'embrassai à nouveau, sans surprise cette fois, un véritable échange, comme pour sceller cette espèce de pacte du "pas les vêtements". Plus j'y pensais, plus cette connerie ressemblait à cette excuse débile que j'entendais à l'école... "J'ai pas le droit de me salir", c'est ça. Mais je m'habituais à contrarier Alix.

Durant ce même baiser, je lâchai son poignet, non sans m'assurer qu'elle continuerait le mouvement que j'avais initié. Mon doigt effleurait le dos de sa main et lui disait "je reviens". On avait passé le stade des mots vides de sens, les gestes se passaient de parole. Mes deux mains ainsi libres se glissaient dans l'ouverture de sa veste pour venir se glisser contre ses hanches et remonter avec un certain appétit le long de ses côtes, jusqu'à ses seins. Enfin, si on pouvait appeler ça des seins. Ils avaient eu l'air plus gros quand elle me les avait agités sous le nez, plus tôt. Passé ce petit moment de déception, j'en vins à me dire que, peut-être, j'aurais dû lui demander son âge. Mieux valait chasser les idées malaisantes de mon esprit. Et puis c'était un peu tard pour se poser des questions.
J'essayais de la jauger avec une certaine espièglerie. Quand mes lèvres s'éloignaient, cherchait-elle à les rattraper? Quand je la regardais dans les yeux, voyait-elle venir mon coup fourré? Parce que coup fourré, il y avait. Un à un, mes index et majeurs se glissaient dans le col de son T-shirt, jusqu'au moment fatidique où je tirai d'un coup sec pour éventrer le tissu jusqu'à hauteur de son nombril, m'offrant alors une jolie vue d'ensemble. Feignant la surprise, j’interrompais le baiser et me mis à surjouer la honte et la confusion:


"Ah, zuteuh! ... Mince, c'est vraiment con ça! En plus je peux même pas te prêter le mien!"

Je minaudais un sourire moqueur en désignant d'un geste de la tête mon propre T-shirt, une boule de tissu froissé, humide, troué, ensanglanté. Bon prince, je me décidais à ouvrir mon manteau entièrement pour nous placer sur un pied d'égalité, découvrant à nouveau mon abdomen qui ne portait plus aucune trace de quelque blessure que ce soit. Même pas une vieille et ancienne cicatrice. Faisant mine d'être abattu, je m'installai plus posément sur ses genoux, haussait les épaules avec une moue contrite:

"J'vais sans doute devoir me racheter, pour cette fois."

C'est à ce moment que je me rendis compte d'un autre de nos points communs: il me semblait manquer de place dans mon jean, à moi aussi. Je jetais donc mon dévolu sur sa ceinture qui devint rapidement de l'histoire ancienne, et déboutonnai sa braguette avec autant d'avidité que si je déballais un paquet cadeau. Je venais de lancer puis d'étouffer dans l’œuf un jeu d'effeuillage qui me faisait jongler entre la taquinerie et une initiative malsaine. Un désir grondant me submergeait et son objet était maintenant à portée de main.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le vendredi 11 janvier 2019, 18:03:06
Dommage, estimai-je en silence. L’envie de balancer une pique blessante quant à son physique n’ayant pas grand-chose de sauvage, me brûlait les lèvres. Mais je me retins au dernier instant. Milano n’avait clairement pas le profil d’une brute épaisse dont l’intention était de me casser le cul en deux. Non que cela me faisait envie, quoique... Au moins étais-je rassurée quant à la sauvegarde de mes dernières fringues non trouées par les mites voraces squattant ma baraque.
Les mains de l’emmerdeur se tardèrent pas à se montrer baladeuses, déclenchant chez moi frissons et gesticulations avides, à mesure que je les sentis remonter le long de mes flancs. C’est vrai, j’étais déjà dans un profond état d’excitation, et les pensées triviales à propos des fringues ou de cette relation aussi bizarre que soudaine, s’éloignaient peu à peu du champ de mes préoccupations.

*On dirait que c’est pas réel, qu’il va arriver un truc sans prévenir… J’espère juste qu’il va pas continuer à me flatter les cotes, je suis chatouilleuse à cet endroit là.* Songeai-je tandis que nos lèvres se cherchaient.

A dire vrai, mes baisers manquaient d’expérience, et étaient même carrément maladroits. Mes lèvres tremblaient en tentant de rattraper les siennes, s’ouvrant souvent dans le vide, pour aussitôt sursauter fébrilement au doux contact renouvelé de Milano. Tout concentré que j’étais à ne pas passer pour une truffe, j’en oubliai complètement ses mains en train de s’aventurer sur mes seins, qui n’avaient d’ailleurs pas beaucoup de matière à offrir.
De ce côté-là, la loterie génétique n’avait guère été généreuse avec moi, et s’était même bien foutu de ma gueule au niveau de l’entrejambe. Cette dernière tressautait vainement, prisonnière qu’elle était dans un jean bien trop serré pour elle et son postérieur rondelet. Je soupirai, ondulai sous les mains chaudes de Milano, décidant de carrément fermer les yeux pour mieux profiter des sensations. Et aussi pour éviter de voir son petit air fanfaron et sûr de lui…

Ce qui se révéla être une grossière erreur. Je rouvris brusquement les yeux en percevant le déchirement d’agonie de mon pauvre t-shirt, et un brusque courant d’air sur mon buste.

« Putain… T’es vraiment un… » Grinçai-je entre mes dents, me retenant de l’affubler d’une nouvelle volée d’insultes bien méritées.

Le chieur allait me rembourser ce foutu vêtement, j’en faisais le serment, mais pour l’instant, il se payait surtout ma figure. Je ruminai ma vengeance tandis que Milano ouvrait son manteau tout grand. D’accord, son agressivité m’avait décontenancé au début, et j’avais eu la réaction d’une pucelle effarouchée mais… Endosser à nouveau le costume de sale peste était aussi dans mes cordes.

« On verra, ça dépend du rachat… » Maugréai-je en le laissant défaire ma ceinture, partagée entre l’irritation et l’excitation.

Ma braguette céda avec tout le soulagement d’un barrage après une crue, ce qui dévoila une décevante culotte de sport de piètre marque terrestre. J’étais fauchée quoi ! Il ne fallait pas s’attendre à un ensemble dentelle élégante et porte-jarretelles sulfureux, mais juste de simples sous-vêtements pas chers et confortables. La lingerie en question se battait vaillamment à retenir une érection en passe de me coûter un nouveau trou dans mon porte-monnaie.

« Par contre, j’vois qu’il y a pas que moi dans cet état… »

La pénombre avait beau être gênante, j’apercevais tout de même une forte tension centrée entre les jambes de Milano, à en juger par les plis de son pantalon. Formant un sourire qui se voulait coquin sur mes lèvres, je redressai mon pied droit pour tenter de caresser cette bosse coupable. Geste qui se révéla complètement raté puisque ma posture ne me permettait pas de l’atteindre correctement, à part avec le tibia, ce qui perdait grandement de son caractère érotique.

Désireuse de maintenir l’ambiance, je secouai ma godasse qui n’était jamais très bien lassée, pour m’en débarrasser fissa. La pire idée du siècle.

*Foutu godasse, d’habitude elle… WHOOPS !*

A force de faire gigoter mon pied pour envoyer valser le godillot, j’heurte malencontreusement l’entrejambe de Milano avec ma jambe. Je sens mon tibia rencontrer soudainement un endroit à la fois chaud, dur et moelleux que je ne connais que trop bien.

« Merde ! Oh putain, j’suis désolé ! Je t’ai touché ? Oh merde, je t’ai fait mal ? » Hurlai-je presque en me redressant d’un air catastrophé.

Mais quelle conne ! Je me penche, inquiète, je scrute le visage de Milano dans l’espoir que le coup a seulement cassé l’ambiance et non autre chose, mais je crains le pire. D’autant qu’il s’agit vraiment d’une maladresse, non d’une agression comme avec les coussins, et surtout pas une bête vengeance pour le t-shirt. Une foutu maladresse quoi !
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Milano le jeudi 17 janvier 2019, 21:12:59
Il y en a qui aiment ça, parait-il. Pas moi. L'air crispé, je me mordillais la lèvre inférieure le temps que la douleur passe. Elle, entre toutes les autres, devait comprendre la douleur de se faire ravager les joyeuses. C'avait été un coup sournois, soudain, mesquin. Il y avait se chercher, se taquiner, se faire du mal pour se faire du bien... Et se faire littéralement latter les couilles. Alix avait franchi un nouveau cap dans ses lubies étranges et son jeu de maladresse était, je dois dire, au-delà du mien. Elle en renversait même les rôles. "J'suis désolée"? Mon cul ouais!

Il y eut un blanc, le temps que j'encaisse le coup, que la douleur ne s'estompe. Je prenais sur moi de ne pas geindre ni même émettre le moindre grognement qui lui procurerait un quelconque sentiment de victoire. Les yeux fermés, je ne me concentrais que sur mon souffle. Inspirer à fond, expirer à fond. Si elle cherchait à me pousser à bout, à me faire sortir de mes gonds, alors elle avait réussi. Le rouge me montait aux joues mais il s'agissait davantage de colère que de gêne. Mon envie était toujours là, mais il y avait autre chose qui faisait surface. Pas une envie de vengeance puérile ou même de rétribution. Un désir épuré de violence. De sévices. De sanction, pas pour lui donner une leçon, mais juste pour le plaisir de l'infliger.
Avant même de le réaliser, je l'avais giflée. Mes doigts avaient fouetté sa joue dans un claquement sourd. Une partie de moi ne comprenait pas ce qui m'avait pris. J'étais presque aussi surpris qu'elle ne l'avait été. Le masque de la brute épaisse voilait mon visage. Avec ça, je me sentais fin prêt à devenir celui qu'elle attendait de moi. Il n'y avait plus une once de bienveillance dans mes yeux, plus aucune douceur dans mes gestes. Seulement du désir, de la malice, et ce besoin de violence.

Je basculai donc Alix dans aucun ménagement et lui écrasait la face contre le canapé en la maintenant par la nuque. Mon autre main lui abaissait le froc sans aucune diligence avant d'aller s'enfoncer nerveusement dans ma poche, et d'en ressortir... Le rouleau de capotes. Son putain de "mantra béni". Je lui collai devant les yeux avec un rictus mauvais:


"Tu vois, je t'avais bien dit que j'avais pas fini de t'enculer!"

S'ensuivit un petit moment de galère personnelle où je m'efforçais de la maintenir "face contre terre", tout en défaisant ma ceinture pour ensuite ouvrir ma braguette, abaisser mon futal, abaisser mon boxer, enfiler le préservatif, le tout de la main gauche et assez rapidement pour que la situation ne devienne pas embarrassante. Ce fut en soi une victoire personnelle, un petit moment de délectation à flatter ma dextérité et mon sang-froid malgré mon envie pressante de lui démonter le fondement. Je me calai derrière Alix avec la délicatesse d'un putain de tractopelle, positionnait ma queue à même son cul qui semblait n'attendre que moi, et...

Clac!

Un coup de reins violent, mais seul. La capote était tombée sur l'élastique de mon boxer, et... Rien. Je n'étais pas en elle. Ou plutôt, je n'avais plus rien pour. En baissant les yeux, je tombais sur ma propre poitrine, avec ses proportions féminines. Les yeux écarquillés, je farfouillais dans les poches de mon pantalon en accordéon pour attraper mon téléphone. Il affichait 23h10. C'était beaucoup trop tôt! Asmodéus avait trois quarts d'heure d'avance! C'était quoi cette embrouille?
L'embrouille, c'était l'heure. Je n'y avais pas pensé parce que je me fiais à la technologie, mais pas les ka'kari. Il était 23h15 sur Terre. Il devait être minuit à Nexus. Je me trompais depuis le début. Je jetai mon téléphone au sol avec hargne:


"BORDEL DE MERDE!"

... Avais-je crié de ma voix fluette de jouvencelle.
Titre: Re : Les bibelots des uns sont les trésors des autres! [Alix]
Posté par: Alix Sable le jeudi 24 janvier 2019, 14:39:16
La faute incombait principalement à la godasse. Cette vieille paire de pompes ne n’avaient jamais porté chance de toute manière. Combien de fois m’étais-je prise dans ces fichus lacets défaits, combien de fois avais-je été sur le point de passer au travers de la semelle usée. Honnêtement, j’aurais mieux fait de m’en défaire depuis longtemps, pour mon propre bien, et ma foi, pour celui de Milano aussi.

« J’suis vraiment désolée, c’était un geste super con, j’ai voulu les virer et mon pied est parti… Ah putain, j’suis super désolée, ça va aller ? » M’inquiétai-je en me penchant vers lui.

Aucune femme n’était mieux placée que moi pour compatir sur un coup aussi vicelard. Mais en l’occurrence, celui-ci était bien involontaire, et je ressentais vraiment un énorme malaise après cette bourde. Moi et mon talent pour la sensualité, on repassera… Ne sachant que faire d’autre, et aussi pour ne pas aggraver les dégâts, je me contentai de tapoter l’épaule du Milano plié en deux.
Le soutien psychologique était un maigre réconfort dans ce cas-là, je le savais bien. Ce n’était jamais qu’un tapotement compatissant, une manière de dire « Je connais ça, mec, j’ai les mêmes », même si un pochon de glaçons aurait été plus approprié. L’idée d’installer un frigo me traversa vivement l’esprit mais, alors que j’imaginais la galère pour faire les branchements, le plat d’une main me gifla violemment la joue. Au point d’en retomber derechef dans le fauteuil, la face cuisante.

« Oook… Celle-ci était méritée mais… »

Ce genre de regard, je le connaissais bien. Une étincelle de pure colère noire, presque de meurtre, tout à fait celle que l’on m’adressait après avoir découvert le fond d’une de mes arnaques. Je ne me serai jamais attendu à la voir chez Milano. A peine commençai-je à me tasser au fin fond du canapé miteux, qu’il me bondit dessus, me renverse sur le côté et me colle avec force le nez dans le matelas.
J’émets un glapissement de surprise, mais la suite me coupe littéralement le sifflet. Milano m’empêche de me redresser malgré mes gesticulations, mais je sens nettement son autre main descendre sèchement mon froc. Un petit courant d’air m’informe aussitôt que je suis cul nu. Mon caleçon laisse tout échapper, mes fesses rebondies, le service au grand complet et ma dignité. Celle-ci s’évapore d’autant plus vite que je suis saisie malgré moi par une érection absolument prodigieuse.

« Aahein ?... » Emis-je bêtement en voyant les capotes pendouiller sous mon nez. « Woheuh… Oh.. Att… Hmpf ! »

La suite est étouffée dans les coussins poussiéreux du canapé, où mon indice allergène monte démesurément. Je devrais protester. Je devrais me débattre. Ne serait-ce que pour la forme, mais j’en suis tout à fait incapable. J’ahane, je couine, et j’ai chaud, très chaud en entendant la ceinture de Milano être débouclée. Cette fois, je sais bien ce qui m’attend, et à ma grande honte, au lieu de chercher à m’y soustraire, je demeure immobile en attendant la sanction.
Mon corps n’en fait qu’à sa tête de toute manière. Je cambre inconsciemment le dos, redressant mes fesses, alors que je sens quelque chose de chaud, et de bien dur se faufiler contre mon postérieur. Je frémis avec un petit bruit impatient. Enfin, il allait me prendre comme ça ! Me ravager le cul sauvagement !... Mon cœur bat tellement fort dans l’attente de la sodomie, que je l’entends résonner à mes oreilles mais, alors que son sexe se presse contre moi, l’instant d’après… Plus rien.

*Bordel, mais qu’est-ce qu’il…*

Le bassin de Milano heurte bien mon cul qui s’impatiente, mais aucune verge n’y rentre, seulement le claquement de la chair contre la chair. Ce con le fait exprès ! Il sait que je n’en peux plus d’attendre ça, et il me le refuse au dernier moment pour me rendre dingue ! La pression sur ma nuque diminuant, je me démène pour regarder derrière moi d’un air furibond, prête à engueuler copieusement ce type…
Qui n’est plus là. Une jeune femme inconnue se tient à la place de Milano, avec les mêmes vêtements, la poitrine et l’entrejambe complètement dénudée. J’en reste scotchée. La demoiselle lâche un des préservatifs, s’empare du téléphone de Milano, et le jette rageusement au sol aussitôt. Mon cerveau fait de la gymnastique. Cet arnaqueur avait déjà fait preuve de pouvoirs étonnants, et cette femme était exactement à sa place, avec les mêmes fringues, ce qui voulait dire…

« M-Milano ?... Putain, t’es… Une gonzesse ? Comment c’est... Ahaha… Je veux dire, ahaha… C-Comment… Ohahaha… Désolé mais là…AHAHA… C’est… »

Et c’était trop tard. Peut-être était-ce l’adrénaline en train de retomber, mais un fou rire impitoyable s’empara de moi. Milano était bien là, en version féminine, l’air ahuri du type qui s’apprêtait à me prendre en levrette mais qui n’a plus les moyens techniques pour le faire. L’absurdité de la situation m’empêche de calmer mon hilarité. A vrai dire, avec mon froc sur les mollets, un reste d’érection entre les jambes, et mon t-shirt ouvert sur mes seins, je n’étais pas bien glorieuse non plus.

Mais tout de même. Incapable de m’arrêter, je me bidonnais pendant plusieurs minutes avant d’être arrêtée petit à petit par d’atroces crampes d’estomac. Alix est absente quelques instants, veuillez la laisser reprendre son souffle avant de pouvoir émettre des paroles compréhensibles.